Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-07-20
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 juillet 1852 20 juillet 1852
Description : 1852/07/20 (Numéro 202). 1852/07/20 (Numéro 202).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 202.
££&'££&&&&. : trtse gfe fatoté (I*alaig-filoyat), n. 10.
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B 1852. - MARDI 20 JUILLET.
rmix SB t'ASOHHEESEa*
mis....... *ȕ. PAS TMMKSTBlJ
D^PAUTEjaSNS. 16 F. —
- UN NUMÉRO : SO CENTIMIS.' ^
POUR LES PAYS ÉTRANGERS m reporter
au tableau qui sera publié danslâ journal,
les 10 et 2î do chaque moifj
[Les tbowupwit datent des l" et 16
dt ehaçut otoitj
S'adresser, franco, peur la rédaction, â Mj C vchevai- C uaigny,
Lesiurticlés déposés ne sont pas rendus.
rm
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
JOn s'a l i rine, dans les dêpartemens, eu s Messagerie» et aux Directions de postël—A Lonîres, chez MM.' CowiE e* fils. J S'adresser, r franco, pour ('administration, à M.D enain, directeur?
I —A St -osbom g, che î M. AtlXANDRI, pour ÏAllemtume, |Ces annonces sont reçues au bureau du Journal; et ohex M. PÀiîIS, régisseur, 10, place de la Bours
PARIS, 19 JUILLET.
Le Journal des Débats sans doute pour
utiliser les loisirs que ne us fait la légis
lation sur la presse, se charge décidément
de notre instruction. Ha bien voulu- nous
donner hier une leçon de logique avec ac
compagnement de couplets; il entreprend
aujourd'hui de nous donner une leçon d'hte-
toire pour avoir dit que la grande Assem
blée constituante ne s'était nullement mon
trée libre-échangiste. Nous avions pensé que
si le libre échange avait trouvé faveur à la
fin du dernier siècle, ç'avait été chez les
négociateurs du traité de 1786, qui livrè
rent notre industrie naissante à l'Angle
terre, et non chez les assemblée's qui es
sayèrent de réparer le mal fait par ce dé-
- plorable traité. Mais nous sommes des igno-
rans, et nous n'avons -pas droit de souffler
mot du traité de 1786, parce que cela gâte
les argumens du Journal des Débats.
Si le tarif de 1791. a été plus libéral que
plusieurs des tarifs qui l'ont suivi, on pour
rait penser qu'à mesure que ,les forces de la
France s'épuisaient dans la guerre civile et
les révolutions, à mesure que la situa
tion dé ses artisans devenait plus pré
caire , et que les industries rivales se dé
veloppaient , il avait fallu accroître la pro
tection afin de conserver un peu "de vie à l'in
dustrie nationale et d'empêcher la France de
subirle sort du Portugal et de l'Inde anglaise.
Mais comme cette argumentation, qui n'est
évidemment que spécieuse, pourrait être ac
cueillie par de méchans esprits, nous nous
garderons, d'en faire usage, et nous nous in
clinons sous la férule de notre pédagogue.
• là Journal des Débats n'aime pas les idéo
logues, il ne veut pas être un instrument
d'idéologie stérile. Comment le Journal des
Débats peut-il être libre-échangiste? Aussi,
ne l'est-il qu'en paroles , quand il s'agit
de coudre une à une des phrases reten
tissantes, et de faire intervenir la liberté, les
principes de 1789, le progrès social et « la
majestueuse manœuvre » de l'égalité dans des
questions de simple bon sens. Faut-il décla
mer sur l'économie politique, le Journal des
Débats se met en verve et ne tarit point a
moins de cinq colonnes; faut-il en venir
à la pratique et aux faits,' lè Journal des Dé
bats met son drapeau dans sa poche et renie
dédaigneusement « la liberté illimitée et ab
solue du commerce, dont personne ne re
commande l'application. »
Qu'est-ce donc que le libre-échange sinon
la doctrine de là liberté illimitée et abso
lue du commerce ? Qu'on veuille bien alors
nous définir cet- insaisissable Proiée. M*
de Girardin, au moins, est conséquent dans
son absurdité. Il supprime radicalement tous
lés droits de douane, tous les impôts indi
rects, et il se proclame partisan de l'im
pôt unique , de l'impôt sur le capital,
sans s'inquiéter de ce qui adviendra de
la propriété. Quand on demande au Jour
nal des Débats s'il accepte ces conséquences
parfaitement logiques des prémisses qu'il a
vingt fois posées, le Journal des Débats pro
teste et s'indigne..Quand on, l'invite alors à
reconnaître comme légitimes et comme uti
les les droits de douane et les impôts de con
sommation, le Journal des Débats vous accuse,
dans le langage le plus proudhonien, d'être
des monopoleurs, et de vouloir affamer le
peuple.
Il est temps de mettre un terme à toutes
ces palinodies. Que le Journal des Débats
veuille bien descendre de son Olympe de
nuages, parler, s'il lui est possible, un
langage humain et intelligible, et répondre
à deux ou trois petites questions. Le Journal
des Débats veut-il réduire le trésor public
à l'impôt direct, à l'impôt sur le capital ou
le revenu? Reconnaît-il à l'Etat le droit
. de demander aux contribuables sous la for
me de droits de douanes une partie de l'av
gest nécessaire, aux services publics? Si le
Journal des Débats reconnaît à l'Etat cette der
nière faculté, comment peut-il soutenir que
l'Etat fait une chose contraire à la liberté et
à l'égalité, contraire aux principes de 89, et
contraire aùbon sens,quand l'Etatfait d'une
pierre deux" coups et établit des droits de
douane-qui sont à la fois une ressource pour
le trésor et un encouragement pour l'indus
trie nationale?
Le Journal des Débats se gardera de répon
dre à ces questions; il lui est plus commode
£ de se créer des fantômes pour les combattre,
\ et de nous prêter des argumens pour ne pas
réfuter ceux dont nous nous servons. C'est
ainsi qu'il nous appellèprohibitionistes, qu'il
soutient que la prohibition est pour nous
l'alpha et l'oméga du tarif, et que nous vou
drions qu'elle y fût le plus souvent inscrite
en routes lettres. Ce sont là des façons de
raisonner que nous aurions droit de quali
fier durement. Nous nous contenterons de
demander au Journal des Débats quelle pro
hibition nous avons jamais réclamée. Il
y a quelques jours à peine , nous ap-
plaudissiocs à l'intention qu'on prêtait au
gouvernement.de lever la prohibition sur
les faïences anglaises; nous demandions seu
lement que le taux du droit fût calculé de
façon à faciliter r pour l'industrie nationale,
la transition d'un régime à l'aube.;
Notre tort, il est vrai, est de ne pas distin
guer entre les divers droits de douane, et de les
tenir tous comme également légitimes, même
quand ils profitent à la fois à l'Etat et à un
grand intérêt national. Nous préférons mê
me, en fait de droits, ceux qui offrent du
moins cette compensation aux sacrifices des
contribuable?, qu'ils aident à développèr
la prospérité du pays. C'est une faibl'esse
patriotique au-dessus de laquelle s'élèvent
facilement les gens habitués à planer dans
les régions de la métaphysique. Les droits
sur le café produisent 20 millions, et ne
protègent aucun produit similaire français;
le Journal des Débats n'aura jamais un mot
contre eux ; mais il a imprimé et il impri
mera des volumes contre les droits sur le
fer, qui ont seuls permis à la France d'éle
ver et d'avoir des usines.
La question des sucres a été' soulevée; il
y a deux ans, de la façon la plus prématu
rée et la plus inopportune, par un des esprits
les plus chimériques et les plus faux de no
tre temps, et il en est résulté une loi détesta
ble. Nous croyons que le gouvernement, après
avoir rétabli l'équilibre des finances, ce qui
est son premier devoir, fera bien d'essayer
si une réduction considérable, et qui ne
saurait êtrè de moins de 25 fr., n'aurait pas
pour effet de stimuler la consommation, de
réparer promptement le tort momentané fait
au trésor, et dé créer une place aux sucres
étrangers à côtédes sucres nationaux. Voilà la
thèse que nous soutenions alors, et que nous
continuons à crpire.bonne.Çe qui préoccupait
et ce qui préoccupe le Journal des Débats , ce
n'était pas le taux plus ou moins élevé du
droit, c'était l'existence de la taxe différen
tielle qui protégeait les sucres nationaux.
Que le; droit soit fort ou faible, peu importe;
l'essentiel est pour lui" que la taxe différen
tielle disparaisse, et que le sucre étranger
puisse se substituer sans obstacle aux sucres
français, dussent nos colonies et dix de nos
dêpartemens être ruinés.
Lorsque les finances de la République se
ront rétablies, et que des expériences finan^
cières pourront être tentées sans compro
mettre le revenu, nous étudierons ceux de
nos impôts indirects qui pourraient rece
voir d'un abaissement de tarif un développe
ment utile. Le Journal des Débats continuera
à réclamer une complète égalité entre les
produits français et les produits étrangers, et
à ne poursuivre de ses attaques que les seuls
droits qui profitent à quelque'industrie na
tionale. CUCHEVAL-CLAMGNY.
Nous trouvons dans le Bulletin des Lois le
décret'suivant, en date du 2."> juin :
Louis-Napoléon, Président de la République
française, 1
Sur lé rapport du ministre secrétaire 'd'Etat au
département de Tinté] ieur; ■. / , ■
Vu l'ordonnance royale du 30 décembre 1823,
Décrète , » •
Art. 1 er . Le Moniteur universel sera envoyé aux
maires de toutes les communes chefs-lieux de can
ton. - -
2. Le prix de l'abonnement sera imputé, sut le
produit' des amendes de police correctionnelle ; à
cet effet, la moitié du fonds commun mis à la
disposition du préfet par l'art. 6 de l'ordonnance
susvisée du 30 décembre 1823, sera versée à là
caisse du receveur général de chaque département,
pour être centralisée au trésor. j
3. Les ministres secrétaires d'Etat aux dêparte
mens de l'intérieur et des finances sont changés,
chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du
présent décret.
Fait au palais des Tuileries, le 25 juin 1882.
Signé L0E1S-NAP0LÉ0N.
Par le prince Président : >
Le ministre secrétaire d'Etat de l'intérieur,
Signé F. DE PERSIGNY.
L'ordonnance du 30 décembre 1823, visée
dans ce décret, avait décidé que le produit
des amendes de police rurale et municipale
formeraiiun fonds commun à la disposition
des préfets. Elle appliquait uu tiers de ce.
fonds commun à certaines dépenses d'uti
lité publique supportées par les communes,
et les deux autres tiers, « aux dépenses des -
communes qui éprouveront le plus de be-.
soins, d'après la répartition qui en sera faite
parles préfets, et par eux soumise à l'appro
bation du ministre de l'intérieur. »
Cç fonds de secours était donc une res
source précieuse pour les communes pau
vres, qui y trouvaient un allégement à leurs
charges. La moitié va en êti'e désormais em
ployée à abonner au Moniteur les maires des
chefs-lieux de canton, c'est-à-dire des com
munes évidemment les plus aisées. Si on
multiplie par les 2,845 cantons que compte
la France, le prix d'abonnement delà feuille
officielle, on trouvera que la dépense mise
à la charge du fonds commun, et la subven
tion indirecte ainsi accordée au Moniteur,
s'élèvent à la somme de 113,800 fr. par an.
DENAIN.
Nous recevons, ce matin, une. première
lettre de Strasbourg que nous nous empres
sons de mettre sous les yeux-de nos lec
teurs.
- Strasbourg, 18 juillet.
Strasbourg présente ce matin l'aspect le
plus pittoresque, le plus animé. A toutes les
fenêtres flottent des drapeaux. Lèvent d'ora
ge qui a soufflé ce matin en avait abattu
un grand nombre qui pavoisaient les croi
sées. Le flegme alsacien ne s'est point. ému
de l'accident. Les hampes brisées ont été
remplacées aussitôt, et rien ne manque à
cette partie importante de la décoration des
maisons. Les hahitansde la ville ne s'en sont
pas tenus la. Sur la plupart des maisons se
dessinent des guirlandes de feuillage et
des bandes d'étoffes. Maint balcon est de
plus orné de transparens où l'on voit les
deux lettres L. N. ou des aigles dorées les
ailes éployées. On a aussi enjolivé avec beau
coup de goût quelques-unes de ces tourelles
carrées en forme de lanterneaux, au toit poin
tu, aux jambages de lion sculpté, qui donnent
une physionomie si originale aux maisons
de Strasbourg. '
Les Parisiens,qui sont sans doute toujours
soumis à une température torride, appren
dront avec intérêt qu'ici, cette nuit, les cata
ractes du firmament se sont ouvertes et qu'u
ne pluie abondante a rafraîchi l'atmosphère.
C'est un orage aux proportions grandioses
qui a éclaté hier vers deux heures qui nous
a valu ce bienfait. Ce matin, le ciel est en
core chargé de nuages qui se dissipent peu
à peu et qui ne voileront pas long-temps
l'azur resplendissant du ciel. La journée
promet d'être magnifique,_et l'on fait gfrand
bruit dans la ville du cortège villageois de
ce soir. Là se trouveront réunis, en effet,
tous les costumes si étranges et si brillans
des campagnards du Rhin et de la Moselle.
Déjà, on- voit se promener dans là ville, ou
arriver, portées sur des chars rustiques, des
escouades de paysannes qui ont revêtu leur
toilette la plus splendide. Nous avons tou
jours invite le public parisien à ne pas
juger des Arabes par. les pauvres diables
en haillons , qui exécutent la fantasia au
CUamp-de-Mars ou à l'Hippodrome. La pré
sence des chefs indigènes, si éblouissans de
parure "à la fête des aigles, a justifié nos ré
serves. Nous supplions aussi qu'on né juge
pus lesAlsaciennes par ces malheureuses can
tatrices-ambulantes qui parcourent les rues
de la capitale, un balai à la main, 'et chan
tant, d'une voix gutturale, des airs mé
lancoliques. Pour apprécier dignement les
campagnardes rhénanes, il fallait les voir
aujourd'hui à Strasbourg, avec leurs jupes
de velours, leur corsage éclatant, leurs coif
fes ornées de clinquans, leurs écharpes en-
foulées au cou. Mais n'anticipons pas; nous
aurons à raconter tout cela à propos ducor-
tège-de ce jour.
L'hospitalité s'exerce ici sur la plus large
échelle. Tous les visiteurs qu'amènent les
divers trains du chemin de fer peuvent se
rendre à la mairie s'ils ne sont pourvus d'u
ne chambre dans un des hôtels de la ville.
La mairie a fait le recensement de tous
les logemens disponibles à Strasbourg. Les
arrivans reçoivent un billet qui leur indi
que un gîte, et ils sont reçus avec la plus
franche cordialité. Ajoutons que la candeur
allemande ne songe point aux spéculations
fabuleuses que dans certaines villes suscitent
encore les inaugurations de chemins de fer.
Les prix y restent fort modérés, et l'on est
sûr de rencontrer, ce qui est d'ailleurs im
payable, un accueil plein de bonne humeur
et ae bonne volonté. Les invités parisiens
remporteront une idée excellente des préve
nances de la municipalité et de l'hospitalité
des habitans..
- Mais onze heures sonnent. La poste va
• partir» jl est temps de se rendre à la gare
pour assister à l'arrivée du convoi présiden
tiel, et pour ne pas perdre un seul épisode
de ces fêtes, qui,feront époque dans les an
nales de cette belle cité, que Louis XIV a si
bien fait de joindre au royaume de France.
- HENRY CAUVAIN.
Le gouvernement a reçu les dépêches sui
vantes :
Strasbourg, 18 juillet 18S2, à 2 h. 20 m.
Tout ce que-vous ai dit est dépass'é par ce que
je viens de voir. Le prince acclamé, couvert de
fleurs, vient de faire une entrée vraiment triompha
le. Les maisons sont toutes pavoisées, couvertes de
devises, d'inscriptions. L'enthousiasme est très
vif, très sincère et universel. La bénédiction des
locomotives a présenté le spectacle le plus impo
sant, A trois heures, le prince recevra les autori
tés. Sa santé est parfaite.
Strasbourg, 18 juillet, 4 h. du soir.'-
Après la cérémonie religieuse, le prince-Prési
dent est monté à cheval, et, suivi d'un très bril
lant état-major, il a passé devant les lignes de la
garnison pour se rendre à la préfecture. Les rues
étaient partout encombrées d'une. foule énorme,
avide de le voir. Toutes les maisons étaient pa
voisées, et l'élan de la population se traduisait par
des vivats qui ont suivi le cortège pendant toute sa
marche. La réception a été magnifique.'
Le prince ne parait pas se ressentir de la fati
gue du voyage. -
- ; "'"Sttrasbourg, 18 juillet, â 7 h. 1/2. • i
Le cortpge des paysans vient de défiler ; c'était
un spectacle unique. *
• La foule était ivre d'enthousiasme.
Le prince a paru très satisfait.
Strasbourg. 18 juillet, dix heures du soir.
Le feu d'artifice a fan le plus bel effet malgré la
pluie. La cathédrale est. illuminée en verres de
couleurs. Chaque fois que le j rince paraît au bal
con, il est couvert d'acclamations.
Lundi, 19 juillet, 11 h. 45, de KeM.
Je vous écris du pont de Kehl. Le prince-Prési
dent, erit»uré des envoyés de Prusse, de Bade, de
Wurtemberg; de Suisse et de Hesse, voit jeter un
pont de bateaux sur le grand Rhin. Les deux rives
sont encombrées de monde. Le temps est magnifi
que, la revue est très belle.
Le prince est accueilli, comme toujours, «rec en
thousiasme.
Strasbourg, lundi 19 juillet, midi et demi.
Le prince vient de passer la revue et d'assister
aux manœuvres du pont sur le Rhin. A la sortié
de la préfecture, il a été accueilli par les acclama
tions les plus électriques, qui l'ont suivi à la Ro-
bertsau, à la revue et jusqu'au Rhin.
Une tente élegante avait été disposée sur le
Rhin. Le prince a assisté au spectacle magnifique
de l'établissement d'uu pont sur le grandcourant,
dans un espace de près de 4S mètres.
' Le prince a ensuite traversé le grand pont, pour
se rendre à Kehl et y passer la revue de la garni
son fcadoise, présente sous les armes. Les plus
•vives acclamations, l'ont accueilli sur le terri -
toire tiàdois ; mais , lorsqu'il reparut sur la
rive française , ce ne fut plus de, l'enthousias
me, ce fut de la frénésie. Les cris de : Vive Napo
léon! Vive l'empereur î les fleurs, les bouquets
formaient un ensemble impossible à décrire. Le
prince est rentré à la préfecture à midi 15 minu
tes , -escorté par son état-major et par les envoyés
•des puissances étrangères;
19 juillet, 7 heures du matin.
Dépêche du préfet du Bas-Rhin.
Hier au soir, après le magnifique défilé du cor
tège alsacien, dans lequel"fi'gurâient 120 chars de
jeunes filles en costume, 1,200 cavaliers, le prin
ce a reçu à sa table les réprésentans des puissan
ces étrangères, MM. les envoyés extraordinaires
de Prusse, Bavière, Wurtemberg, Hesse-Darms-
tadt, Bâte-Suisse,. tous les généraux présens à
Strasbourg et tous les hauts fonctionnaires.
Après le dîner, un feu d'artifice a été tué sur
le bastion, en face de la préfecture, et, malgré une
pluie continuelle, la foule n'a cessé de stationner
devant l'hôtel et d'acclamer le prince-Président
toutes les fois qu'il s'est mootré au balcon, avec
son auguste parente, Mme la grande-duchesse
Siéphaniè de Bade.
L'illumination de la cathédrale, en verres de
couleurs et feùx de Bengale, présentait Un aspect
féerique. '
Des Paquebots de la Méditerranée.
• Les principaux voyageurs qui avaient pris
passagfe, au mois de juin dernier, à bord du
paquebot des Indes-Orientales le Pottinger,
ont publié dans les journaux de Londres,
une réclamation où ils énumèrent tous les
incoUvéniens qu'ils ont éprouvés pendant la
traversée. Ce navire pouvait contenir aisé
ment soixante-dix passagers. Au sortir de
Calcutta, il avait déjà soixante-seize person
nes à bord. Après avoir recueilli sur sa route
les voyageurs de Chine, de Singapore, de
Madras, de Ceylan, d'Aden, le capitaine s'est
trouvé avoir à nourrir et à loger 120 passa
gers sans compter les domestiques ,• en y
comprenant l'équipage, il y avait à bord 400
personnes lorsque le bâtiment est arrivé en
vue-de Suez.
L'exposé des griefs des voyageurs de pre
mière classe, qui, au nombre de quarante^-
quatre, ont publié leur plainte, offre un côté
plaisant, mais est au fond très sérieux, car
il touche à la question du monopole qu'exer
cent les Anglais pour le transport des-mar
chandises et des passagers dans la mer des
Indes et dans la mer Rouge. •
Certes il y a quelque chose de risible dans
les trente-six infortunes de ces gentlemen,
obligéà de faire leur toilette dans une salle à
manger, en vue les uns des autres, sur des
tables où ils avaient couché pêle-mêle. Il
est plus ridicule d'entendre les mêmes pas
sagers réclamer contre l'insuffisance des deux
seuls water-closets disposés à bord du navi
re ; mais ce qui est grave, c'est de songer
que le monopole du transport dans la mér
des Indes exerce sur le transport dans la Mé
diterranée une influence désastreuse pour
les intérêts français.
Les plaintes du même genre sont extrê
mement fréquentes; la compagnie des pa
quebots n'en tient aucun compte; car, bon
gré mal gré, les voyageurs de la Chine et de
l'Inde sont forcés de, s'adresser à elle. Aussi,
de l'autre côté de l'isthme de Suez, à partir
du premier port de la mer Rouge, jouit-elle
avec une indolence, superbe de toutes ses
prérogatives et traite-t-e!le avec le plus
souverain dédain les réclamations de l'espèce
de celle dont nous venons de parler. Dans la
circonstance présente, elle a opposé aux plai-
gnans les plus singulières fins de non-rece
voir,- elle a déclaré ne pouvoir donner suite
à la réclamation qui lui avait été adressée,
uniquement parce que les plaignans avaient
cru devoir lui donner de la publicité. Il est
permis de croire qu'elle en eût été moins
emue encore si les griefs des passagers du
Pottinger avaient été secrètement déposés
dans les cartons de ses bureaux.
Il est bon que l'on sache d'ailleurs que la
compagnie péninsulaire et orientale vend
fort cher la faveur de ses traversées dans
l'Inde. Pour un voyage de dix-neuf jours,
ede demande 120 livres, ou 3,000 fr., soit
160 fr. par jour. C'est trop payer pour cou
cher sur des tables, faire sa toilette en pu
blic et manquer de water-closets.
•C'est, pourtant au moyen de son mono
pole, si fécond en abus, que la compagnie
péninsulaire est parvenue à dominer dans la
Méditerranée, "bien que la malle de l'Inde,
passant par la France, dût amener sur nos
paquebots les voyageurs et le fret,.
On sait que l'administration des postes
françaises a créé, en 1836, un service de
correspondance entré Marseille, Constan-
tinople et Alexandrie. Les bâtimens affec
tés à cet usage, étaient meilleurs et plus
coirimodes qu'aucun de ceux que les étran
gers employaient à la même destiBationJ
Cependant, après quelques années d'essai,
on s'aperçut que cette exploitation était en
seuffrance. Les bâtimens anglais; de* tous
points inférieurs aux nôtres, étaient ve
nus prendre la malle des Indes, d'abord à
Malte, puis à Marseille même, et, malgré la
lenteur de leur marche , malgré l'insuf
fisance de leurs aménagemèns, ils avaient
accaparé la majeure partie des voyageurs et*
des marchandises. L'administration française
chercha naturellement la cause de cette
étonnante préférence; les uns l'attribuèrent
aux détours que fesaient les paquebots fran
çais, soit en longeant les côtés d'Italie, soit
en attendant à Syra l'arrivée du paquebot de
Constantinople; d'autres reconnurent que
les officiers de l'Etat qui commandaient ces
navires, ne mettaient aucun empressement
à recevoir les voyageurs ou les marchandises,
et qu'au contraire, ils étaient secrètement
charmés d'en avoir le moins possible au dé
part.
Il y avait du vrai dans ces observations ;
mais elles n'étaient pas fondamentales. L'ad
ministration modifia l'itinéraire des paque
bots; elle prit également certaines disposi
tions pour attirer les passagers et les colis
sous notre pavillon; mais elle ne réussit pas
à changer sensiblement là face des choses.'
Les Anglais continuèrent à embarquer à
Marseille même et sur leurs mauvais navires
le plus grand nombre de passagers pour
les pays orientaux. Les choses en arrivè
rent à ce point que d'autres étrangers pu
rent nous faire, sur la même route, une
autre concurrence également heureuse. Les
Autrichiens établirent à Trieste un ser
vice de paquebots sut Alexandrie, et la
correspondance française, malgré tousses
avantages géographiques , resta délaissée.
Le véritable motif, la cause permanente de
cet abandon, sont indiqués dans un ouvrage
récent et fort instructifqu'a publié notre an
cien consul à Singapore, M. V. Fontanier.
Voici ce qu'on lit dans cet écrit, intitulé :
Voyage dans l'archipel indien-. « Àucommen-
» cernent de novembre, je me trouvais à
» Marseille, où entra le paquebot anglais
» venu de Malte. J'allai le visiter sous
» prétexte d'y prendre passage; c'était «an
» navire médiocre; mais ses dispositions
étaient faites pour recevoir la malle de
» l'Iode dès qu'elle arriverait,, et, en effet,
un ou deux jours après, on voyait char
ger sur des embarcations les caisses des
tinées pour ce pays. De nombreux voya
geurs se rendaient à bord. A côté, se trou
vait un superbe paquebotfrançais; ildevait,
compae son voisin, toucher à Malte et se ren-
» dreàAlexandr.e; toutefois, il attendaitres-
pectueusement que celui»ci eûtenlevétous
les passagers, toutes les correspondances; il
» ne partait que quand c'était inutile, quand
- il n'avait a recevoir que quelques voya
geurs attardés et quelques duplicatas de
lettres. On peut se faire, une idée de ce
qu'avaient de désastreuxpour nous ces comî
binàisons, si on cousidère que le nombre
de passagers qui traversent mensuellement
l'Egypt< e«t de c jx cents, que là route par
la France est pour eux la plus naturelle.
C'est qu en ellet le'Sejrvice anglais, au-
delà de Suez, se lie a celui qui est en-
» deçà, et, par une combinaison de tarifs, il
» est très facile de rançonner ceux qui au-
» raient suivi la ligne française. Comme la
» plupart des voyageurs ne s'arrêtent pas en
» Egypte,» mais s'embarquent sur la mer
« Rouge où la compagnie anglaise est sans
» concurrence, des représailles nous sont
» impossibles, et son monopole du côté de
l ! lode entraîne celui de la Méditerranée. »
Tant que la Hollande, qui possède les In
des néerlandaises; l'Espagne, souveraine des
Philippines, seront hors d'état de créer une
concurrence à la marine à vapeur delà com
pagnie péninsulaire, nous n'apercevons pas
comment le monopole de cette compagnie
pourrait être détruit. La Chine, un jour, en
trera, sans doute, enrélationsrégulièresavec
l'Europe; mais ce temps est éloigné , et
d'ailleurs. les Anglais tendent déjà à s'éta
blir dans ce pays, et à s'en approprier les
ressources. Il faut donc subir provisoi
rement les conséquences de l'état actuel
des choses. La compagnie, des Message -,
ries Nationales françaises, à qui le gou
vernement a concédé l'exploitation des pa
quebots de là Méditerranée, possède uEe
FEUILLETON OU CONSTITUTIONNEL DU 20 JUILLET.
IL FAIT QUE JEUNESSE SE PASSE*.
' xv.
Il faisait à peine jour chez la marquise de
Morvilliers, que, conformément à ses vœux
et à ses instances expresses, un billet de Fe-
nestrange venait calmer ses inq iiéludes et
lui annonçait pour le matin meme la visite
de son fils en parfaite santé. Un rayon de joie
était venu illuminer la physionomie de la
mère qu'absorbait d'abord une si douloureu
se et à la fois si inexplicable préoccupation.
Il né fallait rien moins d'ailleurs qu'une
pareille assurance pour rendre un peu
de tranquillité -d'esprit à la marquise,
après la révélatibn qui lui avait été faite la
veille au soir, de l'amour naissant de son
fils pour sa jeune lectrice. Mme de Morvil
liers sentait instinctivement qu'une sem
blable complication ne pouvait qu'être fé
conde en nouveaux malheurs. Cependant,
comme chez les lemmes surtout, dont Ja
nature est si mobile êt si impressionna
ble , les sensàtions du moment effacent
toutes les autres, dès l'instant où elle crut
n'avoir plus à trembler pour les jours de
son fils, : la marquise de Morvilliers abjura
tous ses soucis présens et passés pour s'a-
bandonner à l'une de ces joies qui naissent
d'un rien, et s'évanouissent de même; joies,
hélas 1 qui n'appellent que trop souvent le
malheur qu'elles ont l'imprudence d'oublier.
Elle avait fait appeler Louise, pour rire
avec elle, comme elle le disait, de ses terreurs
imaginaires.
Une fois lancée dans cette voie de gaîté
douce et expansive, elle raillait la jeune fille
sur ses projets de départ, en s'abandonnant
* La reproduotion est interdite.
elle-même à des illusions si promptes à re
naître au cœur des mères.
— Allez, disait-elle, ingrate enfant 1 Vous
voulez absolument quitter cette maison où
l'on vous avait adoptée comme une fille !...
Allez ! je suis bien sûre quemon fils, lui, au
ra pitié de sa mère, que sou amour me paie
ra toutes lés dettes que votre abandon aura
contractées envers moi... Allez!... avec lui
je n'aurai plus besoin de personne !
Louise évitait dé'répondre à ces affectueu
ses provocations, autrement que par'un re
doublement de soins et de prévenances; car,
plus que jamais, depuis son entrevue avec
Tristan et depuis l'aveu que celui-ci avait
osé lui faire de sa passion, elle avait senti la
nécessité de persister dans la résolution
qu'elle ayait prise.
On entendit sonner.La marquise tressaillit,
espérant voir entrer son fils, bien qu'elle
n'eût pas reconnu le retentissement accou
tumé de la sonnette sousla main de Tristan,
Louise avait fait également un mouvement
pour se retirer; mais on annonça à la mar
quise que le baron Gédéon de Pontauriol
était au salon, et qu'il s'excusait de l'heure
insolite à laquelle il se présentait, parf'im-
Î)ortance de la communication qu'il avait à
aire à Madame la marquise.
La marquise avait deviné instinctivement
qu'il s'agissait de son fils, et, saisie d'une se
crète inquiétude, elle avait rapidement re
vêtu un peignoir et s'était rendue précipi
tamment au salon.
Quand elle rentra, sa physionomie n'était
plus la même...^ elle était pâle, agitée et li
vrée de nouveau à toutes ces inquiétudes dé
vorantes qui, depuis une année, avaient al
téré si gravement sa santé et argenté les
boucles deses cheveux.
Est-il besoin de dire que Gédéon, profon
dément humilié de voir un sujet du théàtr
fondé par Louis XIV se compromettre ainsi
dans une ascension où, de son propre aveu,
elle prenait la place d'une acrobate, avait es
sayé,en faisant intervenir M me de Morvilliers,
d'empêcher Tris'tan d'exécuter son projet,
persuadé que c'était le meilleur moyen de
déterminer Florentine à y renoncer de son
côté.
Louise, en voyant le profond changement
qui s'était produit sur les traits de Mme de
Morvilliers, l'interrogeait avec sollicitude.
Celle-ci ne semblait même plus l'entendre.
— Oh! mes pressenti mens! mes pressen-
timens! murmurait la marquise... Oh! s'il
vient tout-à-l'heure, à coup sûr je ne le lais
serai pas partir... Mais il ne viendra point...
ou je ne pourrai le retenir... Le point d'hon
neur, la crainte de paraître redouter un dan
ger... il ira ! il se donnera en spectacle !...
Il périra peut-être!... Ahlcen'eit pas en
vain que Dieu m'avait envoyé ce terrible
avertissement!
Et la marquise tomba sur son fauteuil,
éclatant en larmes.
Louise s'agenouilla devant elle, saisissant
ses mains et lui prodiguant toute l'expres
sion de son intérêt et de sa tendresse. Les
regards de. Mme de Morvilliers, à travers ses
plours, s'arrêtèrent enfin sur la tête de Loui
se, empreinte d'une séduction irrésistible, et
la pensée de la mère sembla s'attacher à une
dernière espérance.
— Ecoutez, Louise, dit-elle, vous,pouvez
me sauver! ,
— Moi ! Madame la Marquise !...
— Vous, toujours si sévère, si inflexible
pour mon fils... le jour où vous lui adresse
rez une prière, vous serez toute puissante...
Eh bien! c'est le moment d'employer cette
influence à laquelle j'ai recours, comme à
une ressource suprême, pour conjurer le
plus grand, le plus imminent danger qui
ait encore menacé mon Tristan... Oui, Tris
tan, entraîné par une coupable, par une fa
tale passion, va en accompagner l'objet...
dans une ascension publique, en ballon, en
plein Hippodrome, aux yeux de tout Paris...
Et ce n'est pas tout que le scandale, que la
honte I c'est sa vie, sa vie qu'il expose!.. Ah !
par pitié, Louise, n'est-ce pas?vouswns
joindrez à moi ; n'est-ce pas que vous m'ai
derez à défendre la réputation, la vie de mon
fils contre sa propre folie?..
Louise,-à ces mots, s'était rélevée, et était
demeurée interdite et silencieuse.
— Eh quoi ! Louise, me refuserièz-vous?
dit la marquise tremblant de voir s'éteindre
çette derniere lueur d'espérance.
" — Je ne puis rien sur Monsieur votre fils,
Madame, reprit Louise avec effort et en rou
gissant; car, pour la première fois peut-être,
elle émettait une assertion contraire à la
vérité. -
— Louise, ne me dites pas cela, reprit la
.marquise d'une voix suppliante; je suissûre
que vos prières jointes aux miennes auront
un grand pouvoir auprès de mon fils !.,. Et
que deviendrais-je s'il n'en était pas ainsi ?'■
— Et quand même cela serait possible,
Madame, devrais-je ajouter .mes instances
aux vôtres? reprit péniblement Louise, qui
mettait autant d'efforts pour dire la. vérité
qu'il lui en avait fallu - d'abord pour la dé
guiser. Si je devais avoir quelque influence
sur M. Tristan, ne serâit-il pas peut-être
plus dangereux- à moi de m'en servir, qu'à
lui de n'y psis céder...
La marquise comprit avec désespoir, à.
cette réponse, sur quel terrain brûlant elle
s'était aventurée; mais trop de cruelles ap
préhensions l'absorbaient pour qu'elle se ré
signât si vite à abandonner la seule auxiliaire,
de qui elle pût attendre encore quelque
succès.
— Est-ce que vous m'abandonneriez?
Louise, lui dît-elle, avec angoisse. '
— Ecoutez, Madame, reprit Louise d'une
voix solennelle, quoique érnue, j'aime mieux
me hasarder à un aveu déplacé peut-être,
que de me laisser soupçonner d'ingratitude.
Je ne voulais à aucun prix vous laisser con
naître ce qui, dans ma bouche, semblerait
peut-être une accusation contre Monsieur
votre fils... Mais vous me faites un devoir de
me justifier à tout prix... je parlerai... M. le
comte do Morvilliers a rencontré chez sa
mère, une jeune fille," orpheline, sans
naissance, sans protecteur...... Il a sans
doute cru qu'elle s'honorerait d'être l'objet
d'un caprice... et peut-être, en ce monde
que je ne connais pas, doit-il en être ainsi h.
J'airépondu comme c'était mon devoir àcette
passion dont Monsieur votre fils a bien voulu
jouer le rôle auprès de moi... et vous voyez
bien, continua Louise avec une certaine
amertume, en prévenant le sourire d'in
crédulité qui se dessinait sur les lèvres de
Mme de Morvilliers, vous voyez bien que ce
n'était qu'un rôle , puisqu'aujourd'hui il
donne une telle preuve d'affection à une
autre personne!.. Mais, maintenant, est-ce
bien à moi, Maclame, de m'armer auprès de
votre fils de droits que je ne puis accepter à
aucun titre?—Est-ce bien à moi de chercher
à reprendre sur toi un'pou voir dont peut-être,
pardonnez-moi de vous le dire, Madame, il
me demanderait ensuite le prix?.. Vous voyez
bien, Madame, que mon seul rôle auprès de M.
le comte de Morvilliers est le silence et l'ab
sence, en attendant que ce soit une sépara
tion complète et éternelle.
La marquise ne répondait pas, mais elle
pleurait. - ,
— Oui, vous avez raison, Louise... oui,
vous ne pouvez m'aider à reprendre mon
fils!... Mais il sera donc perdu, mon Dieu I
A ce moment un coup de sonnette s'était
fait entendre. La mère avait tressailli à cette
sonorité bien connue qui, par une de ces in
nombrables et mystérieuses alliances des
impressions physiques et des sensations mo
rales, fesait infailliblement vibrer chez elle
toutes les fibres maternelles.
— Restez avec mor; Louise, je vous en
conjure, dit la marquise à lajeune fille, prête
àse retirer encore; vous ne parlerez pas... je
le comprendsj je ne le demande pas... je ne
le veux pas... Mais j'aurai plus de force et de
courage si vous êtes là !
Louise, qui comprenait qu'elle ne pouvait
refuser sans cruauté cette preuve de recon
naissance à la, marmiise, s'inclina en signe de
consentement. , ;
Mme de Morvilliers rassembla toutes ses
forcés; elle sentit qu'elle était seule à jouer
cette partie grave, et, pour la première fois,
sonjgea à appeler à son aide quelques-unes
de ces feintes, de ces ruses maternel les, pour
lesquelles,si innocentes qu'elles fussent, une
longue douleur ne lui avait plus laissé de
présence d'esprit. ,
Lorsque Tristan entra dans la chambre sa mère, il la trouva donc; le sourire sur les
lèvres... A la vue de Louise, il sentit tout son
sang refluer vers son'cœur.
Sous l'empire de cette préoccupation, il;
n'avait pas vu tout ce qu'avait de forcé la
sérénité de sa mère, et comment elle se dé
pêchait de sourire pour que les larmes ne
gagnassent pas de vitesse sa gaké menteuse.
Tristan fit à Louise un salut glacial, que
celle-ci renditavec la même réserve; puis il
tendit la main à sa mère.
— Je prends cette,main et je la garde, dit .
Mme de Morvilliers 'avec cette même gaîté
factice... Dites-moi... mon cher Tristan...
j'avais eu l'idéëd'une partie avecvous...Oh!
d'une partie qui conserve toute la gravité
qui sied à mon âge...Il s'agit d'un acte,mon
cher Tristan, qui contribuera à votre salut.:,
sans ennuyer votre esprit.,, et je me hâte de
vous donner le mot ae ce problème insolu
ble... Le père w prêche aujourd'hui à Saint-
Thomas d'Aquin.. . Donnez-moi donc le bras
pour aller l'entendre.. .Vous savez que c'est un
prédicateur en vogue... Et vous, Tristan, qui
êtes un dandy, vous ne voudrez pas vous
laisser arriérer en- rien, même en bonnes-
œuvres... Vous m'accompagnerez au sermon,
n'est-ce pas? naonTristan, ne fût-ce que pour
larareté du fait, et dussent vos amis de l'O
péra un peu vous plaisanter sur cette façon -
si grave d'être à la mode..» Du moins vous
aurez fait quelque chose pour votre mère,
Tristan... C'est la première fois, depuis long
temps, qu'elle vous adresse une prière.
! Tristan ne répondit rien... non qu!il déli
bérât sur ce qu' ; avait à répondre : son
££&'££&&&&. : trtse gfe fatoté (I*alaig-filoyat), n. 10.
mm
wm
B 1852. - MARDI 20 JUILLET.
rmix SB t'ASOHHEESEa*
mis....... *ȕ. PAS TMMKSTBlJ
D^PAUTEjaSNS. 16 F. —
- UN NUMÉRO : SO CENTIMIS.' ^
POUR LES PAYS ÉTRANGERS m reporter
au tableau qui sera publié danslâ journal,
les 10 et 2î do chaque moifj
[Les tbowupwit datent des l" et 16
dt ehaçut otoitj
S'adresser, franco, peur la rédaction, â Mj C vchevai- C uaigny,
Lesiurticlés déposés ne sont pas rendus.
rm
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
JOn s'a l i rine, dans les dêpartemens, eu s Messagerie» et aux Directions de postël—A Lonîres, chez MM.' CowiE e* fils. J S'adresser, r franco, pour ('administration, à M.D enain, directeur?
I —A St -osbom g, che î M. AtlXANDRI, pour ÏAllemtume, |Ces annonces sont reçues au bureau du Journal; et ohex M. PÀiîIS, régisseur, 10, place de la Bours
PARIS, 19 JUILLET.
Le Journal des Débats sans doute pour
utiliser les loisirs que ne us fait la légis
lation sur la presse, se charge décidément
de notre instruction. Ha bien voulu- nous
donner hier une leçon de logique avec ac
compagnement de couplets; il entreprend
aujourd'hui de nous donner une leçon d'hte-
toire pour avoir dit que la grande Assem
blée constituante ne s'était nullement mon
trée libre-échangiste. Nous avions pensé que
si le libre échange avait trouvé faveur à la
fin du dernier siècle, ç'avait été chez les
négociateurs du traité de 1786, qui livrè
rent notre industrie naissante à l'Angle
terre, et non chez les assemblée's qui es
sayèrent de réparer le mal fait par ce dé-
- plorable traité. Mais nous sommes des igno-
rans, et nous n'avons -pas droit de souffler
mot du traité de 1786, parce que cela gâte
les argumens du Journal des Débats.
Si le tarif de 1791. a été plus libéral que
plusieurs des tarifs qui l'ont suivi, on pour
rait penser qu'à mesure que ,les forces de la
France s'épuisaient dans la guerre civile et
les révolutions, à mesure que la situa
tion dé ses artisans devenait plus pré
caire , et que les industries rivales se dé
veloppaient , il avait fallu accroître la pro
tection afin de conserver un peu "de vie à l'in
dustrie nationale et d'empêcher la France de
subirle sort du Portugal et de l'Inde anglaise.
Mais comme cette argumentation, qui n'est
évidemment que spécieuse, pourrait être ac
cueillie par de méchans esprits, nous nous
garderons, d'en faire usage, et nous nous in
clinons sous la férule de notre pédagogue.
• là Journal des Débats n'aime pas les idéo
logues, il ne veut pas être un instrument
d'idéologie stérile. Comment le Journal des
Débats peut-il être libre-échangiste? Aussi,
ne l'est-il qu'en paroles , quand il s'agit
de coudre une à une des phrases reten
tissantes, et de faire intervenir la liberté, les
principes de 1789, le progrès social et « la
majestueuse manœuvre » de l'égalité dans des
questions de simple bon sens. Faut-il décla
mer sur l'économie politique, le Journal des
Débats se met en verve et ne tarit point a
moins de cinq colonnes; faut-il en venir
à la pratique et aux faits,' lè Journal des Dé
bats met son drapeau dans sa poche et renie
dédaigneusement « la liberté illimitée et ab
solue du commerce, dont personne ne re
commande l'application. »
Qu'est-ce donc que le libre-échange sinon
la doctrine de là liberté illimitée et abso
lue du commerce ? Qu'on veuille bien alors
nous définir cet- insaisissable Proiée. M*
de Girardin, au moins, est conséquent dans
son absurdité. Il supprime radicalement tous
lés droits de douane, tous les impôts indi
rects, et il se proclame partisan de l'im
pôt unique , de l'impôt sur le capital,
sans s'inquiéter de ce qui adviendra de
la propriété. Quand on demande au Jour
nal des Débats s'il accepte ces conséquences
parfaitement logiques des prémisses qu'il a
vingt fois posées, le Journal des Débats pro
teste et s'indigne..Quand on, l'invite alors à
reconnaître comme légitimes et comme uti
les les droits de douane et les impôts de con
sommation, le Journal des Débats vous accuse,
dans le langage le plus proudhonien, d'être
des monopoleurs, et de vouloir affamer le
peuple.
Il est temps de mettre un terme à toutes
ces palinodies. Que le Journal des Débats
veuille bien descendre de son Olympe de
nuages, parler, s'il lui est possible, un
langage humain et intelligible, et répondre
à deux ou trois petites questions. Le Journal
des Débats veut-il réduire le trésor public
à l'impôt direct, à l'impôt sur le capital ou
le revenu? Reconnaît-il à l'Etat le droit
. de demander aux contribuables sous la for
me de droits de douanes une partie de l'av
gest nécessaire, aux services publics? Si le
Journal des Débats reconnaît à l'Etat cette der
nière faculté, comment peut-il soutenir que
l'Etat fait une chose contraire à la liberté et
à l'égalité, contraire aux principes de 89, et
contraire aùbon sens,quand l'Etatfait d'une
pierre deux" coups et établit des droits de
douane-qui sont à la fois une ressource pour
le trésor et un encouragement pour l'indus
trie nationale?
Le Journal des Débats se gardera de répon
dre à ces questions; il lui est plus commode
£ de se créer des fantômes pour les combattre,
\ et de nous prêter des argumens pour ne pas
réfuter ceux dont nous nous servons. C'est
ainsi qu'il nous appellèprohibitionistes, qu'il
soutient que la prohibition est pour nous
l'alpha et l'oméga du tarif, et que nous vou
drions qu'elle y fût le plus souvent inscrite
en routes lettres. Ce sont là des façons de
raisonner que nous aurions droit de quali
fier durement. Nous nous contenterons de
demander au Journal des Débats quelle pro
hibition nous avons jamais réclamée. Il
y a quelques jours à peine , nous ap-
plaudissiocs à l'intention qu'on prêtait au
gouvernement.de lever la prohibition sur
les faïences anglaises; nous demandions seu
lement que le taux du droit fût calculé de
façon à faciliter r pour l'industrie nationale,
la transition d'un régime à l'aube.;
Notre tort, il est vrai, est de ne pas distin
guer entre les divers droits de douane, et de les
tenir tous comme également légitimes, même
quand ils profitent à la fois à l'Etat et à un
grand intérêt national. Nous préférons mê
me, en fait de droits, ceux qui offrent du
moins cette compensation aux sacrifices des
contribuable?, qu'ils aident à développèr
la prospérité du pays. C'est une faibl'esse
patriotique au-dessus de laquelle s'élèvent
facilement les gens habitués à planer dans
les régions de la métaphysique. Les droits
sur le café produisent 20 millions, et ne
protègent aucun produit similaire français;
le Journal des Débats n'aura jamais un mot
contre eux ; mais il a imprimé et il impri
mera des volumes contre les droits sur le
fer, qui ont seuls permis à la France d'éle
ver et d'avoir des usines.
La question des sucres a été' soulevée; il
y a deux ans, de la façon la plus prématu
rée et la plus inopportune, par un des esprits
les plus chimériques et les plus faux de no
tre temps, et il en est résulté une loi détesta
ble. Nous croyons que le gouvernement, après
avoir rétabli l'équilibre des finances, ce qui
est son premier devoir, fera bien d'essayer
si une réduction considérable, et qui ne
saurait êtrè de moins de 25 fr., n'aurait pas
pour effet de stimuler la consommation, de
réparer promptement le tort momentané fait
au trésor, et dé créer une place aux sucres
étrangers à côtédes sucres nationaux. Voilà la
thèse que nous soutenions alors, et que nous
continuons à crpire.bonne.Çe qui préoccupait
et ce qui préoccupe le Journal des Débats , ce
n'était pas le taux plus ou moins élevé du
droit, c'était l'existence de la taxe différen
tielle qui protégeait les sucres nationaux.
Que le; droit soit fort ou faible, peu importe;
l'essentiel est pour lui" que la taxe différen
tielle disparaisse, et que le sucre étranger
puisse se substituer sans obstacle aux sucres
français, dussent nos colonies et dix de nos
dêpartemens être ruinés.
Lorsque les finances de la République se
ront rétablies, et que des expériences finan^
cières pourront être tentées sans compro
mettre le revenu, nous étudierons ceux de
nos impôts indirects qui pourraient rece
voir d'un abaissement de tarif un développe
ment utile. Le Journal des Débats continuera
à réclamer une complète égalité entre les
produits français et les produits étrangers, et
à ne poursuivre de ses attaques que les seuls
droits qui profitent à quelque'industrie na
tionale. CUCHEVAL-CLAMGNY.
Nous trouvons dans le Bulletin des Lois le
décret'suivant, en date du 2."> juin :
Louis-Napoléon, Président de la République
française, 1
Sur lé rapport du ministre secrétaire 'd'Etat au
département de Tinté] ieur; ■. / , ■
Vu l'ordonnance royale du 30 décembre 1823,
Décrète , » •
Art. 1 er . Le Moniteur universel sera envoyé aux
maires de toutes les communes chefs-lieux de can
ton. - -
2. Le prix de l'abonnement sera imputé, sut le
produit' des amendes de police correctionnelle ; à
cet effet, la moitié du fonds commun mis à la
disposition du préfet par l'art. 6 de l'ordonnance
susvisée du 30 décembre 1823, sera versée à là
caisse du receveur général de chaque département,
pour être centralisée au trésor. j
3. Les ministres secrétaires d'Etat aux dêparte
mens de l'intérieur et des finances sont changés,
chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du
présent décret.
Fait au palais des Tuileries, le 25 juin 1882.
Signé L0E1S-NAP0LÉ0N.
Par le prince Président : >
Le ministre secrétaire d'Etat de l'intérieur,
Signé F. DE PERSIGNY.
L'ordonnance du 30 décembre 1823, visée
dans ce décret, avait décidé que le produit
des amendes de police rurale et municipale
formeraiiun fonds commun à la disposition
des préfets. Elle appliquait uu tiers de ce.
fonds commun à certaines dépenses d'uti
lité publique supportées par les communes,
et les deux autres tiers, « aux dépenses des -
communes qui éprouveront le plus de be-.
soins, d'après la répartition qui en sera faite
parles préfets, et par eux soumise à l'appro
bation du ministre de l'intérieur. »
Cç fonds de secours était donc une res
source précieuse pour les communes pau
vres, qui y trouvaient un allégement à leurs
charges. La moitié va en êti'e désormais em
ployée à abonner au Moniteur les maires des
chefs-lieux de canton, c'est-à-dire des com
munes évidemment les plus aisées. Si on
multiplie par les 2,845 cantons que compte
la France, le prix d'abonnement delà feuille
officielle, on trouvera que la dépense mise
à la charge du fonds commun, et la subven
tion indirecte ainsi accordée au Moniteur,
s'élèvent à la somme de 113,800 fr. par an.
DENAIN.
Nous recevons, ce matin, une. première
lettre de Strasbourg que nous nous empres
sons de mettre sous les yeux-de nos lec
teurs.
- Strasbourg, 18 juillet.
Strasbourg présente ce matin l'aspect le
plus pittoresque, le plus animé. A toutes les
fenêtres flottent des drapeaux. Lèvent d'ora
ge qui a soufflé ce matin en avait abattu
un grand nombre qui pavoisaient les croi
sées. Le flegme alsacien ne s'est point. ému
de l'accident. Les hampes brisées ont été
remplacées aussitôt, et rien ne manque à
cette partie importante de la décoration des
maisons. Les hahitansde la ville ne s'en sont
pas tenus la. Sur la plupart des maisons se
dessinent des guirlandes de feuillage et
des bandes d'étoffes. Maint balcon est de
plus orné de transparens où l'on voit les
deux lettres L. N. ou des aigles dorées les
ailes éployées. On a aussi enjolivé avec beau
coup de goût quelques-unes de ces tourelles
carrées en forme de lanterneaux, au toit poin
tu, aux jambages de lion sculpté, qui donnent
une physionomie si originale aux maisons
de Strasbourg. '
Les Parisiens,qui sont sans doute toujours
soumis à une température torride, appren
dront avec intérêt qu'ici, cette nuit, les cata
ractes du firmament se sont ouvertes et qu'u
ne pluie abondante a rafraîchi l'atmosphère.
C'est un orage aux proportions grandioses
qui a éclaté hier vers deux heures qui nous
a valu ce bienfait. Ce matin, le ciel est en
core chargé de nuages qui se dissipent peu
à peu et qui ne voileront pas long-temps
l'azur resplendissant du ciel. La journée
promet d'être magnifique,_et l'on fait gfrand
bruit dans la ville du cortège villageois de
ce soir. Là se trouveront réunis, en effet,
tous les costumes si étranges et si brillans
des campagnards du Rhin et de la Moselle.
Déjà, on- voit se promener dans là ville, ou
arriver, portées sur des chars rustiques, des
escouades de paysannes qui ont revêtu leur
toilette la plus splendide. Nous avons tou
jours invite le public parisien à ne pas
juger des Arabes par. les pauvres diables
en haillons , qui exécutent la fantasia au
CUamp-de-Mars ou à l'Hippodrome. La pré
sence des chefs indigènes, si éblouissans de
parure "à la fête des aigles, a justifié nos ré
serves. Nous supplions aussi qu'on né juge
pus lesAlsaciennes par ces malheureuses can
tatrices-ambulantes qui parcourent les rues
de la capitale, un balai à la main, 'et chan
tant, d'une voix gutturale, des airs mé
lancoliques. Pour apprécier dignement les
campagnardes rhénanes, il fallait les voir
aujourd'hui à Strasbourg, avec leurs jupes
de velours, leur corsage éclatant, leurs coif
fes ornées de clinquans, leurs écharpes en-
foulées au cou. Mais n'anticipons pas; nous
aurons à raconter tout cela à propos ducor-
tège-de ce jour.
L'hospitalité s'exerce ici sur la plus large
échelle. Tous les visiteurs qu'amènent les
divers trains du chemin de fer peuvent se
rendre à la mairie s'ils ne sont pourvus d'u
ne chambre dans un des hôtels de la ville.
La mairie a fait le recensement de tous
les logemens disponibles à Strasbourg. Les
arrivans reçoivent un billet qui leur indi
que un gîte, et ils sont reçus avec la plus
franche cordialité. Ajoutons que la candeur
allemande ne songe point aux spéculations
fabuleuses que dans certaines villes suscitent
encore les inaugurations de chemins de fer.
Les prix y restent fort modérés, et l'on est
sûr de rencontrer, ce qui est d'ailleurs im
payable, un accueil plein de bonne humeur
et ae bonne volonté. Les invités parisiens
remporteront une idée excellente des préve
nances de la municipalité et de l'hospitalité
des habitans..
- Mais onze heures sonnent. La poste va
• partir» jl est temps de se rendre à la gare
pour assister à l'arrivée du convoi présiden
tiel, et pour ne pas perdre un seul épisode
de ces fêtes, qui,feront époque dans les an
nales de cette belle cité, que Louis XIV a si
bien fait de joindre au royaume de France.
- HENRY CAUVAIN.
Le gouvernement a reçu les dépêches sui
vantes :
Strasbourg, 18 juillet 18S2, à 2 h. 20 m.
Tout ce que-vous ai dit est dépass'é par ce que
je viens de voir. Le prince acclamé, couvert de
fleurs, vient de faire une entrée vraiment triompha
le. Les maisons sont toutes pavoisées, couvertes de
devises, d'inscriptions. L'enthousiasme est très
vif, très sincère et universel. La bénédiction des
locomotives a présenté le spectacle le plus impo
sant, A trois heures, le prince recevra les autori
tés. Sa santé est parfaite.
Strasbourg, 18 juillet, 4 h. du soir.'-
Après la cérémonie religieuse, le prince-Prési
dent est monté à cheval, et, suivi d'un très bril
lant état-major, il a passé devant les lignes de la
garnison pour se rendre à la préfecture. Les rues
étaient partout encombrées d'une. foule énorme,
avide de le voir. Toutes les maisons étaient pa
voisées, et l'élan de la population se traduisait par
des vivats qui ont suivi le cortège pendant toute sa
marche. La réception a été magnifique.'
Le prince ne parait pas se ressentir de la fati
gue du voyage. -
- ; "'"Sttrasbourg, 18 juillet, â 7 h. 1/2. • i
Le cortpge des paysans vient de défiler ; c'était
un spectacle unique. *
• La foule était ivre d'enthousiasme.
Le prince a paru très satisfait.
Strasbourg. 18 juillet, dix heures du soir.
Le feu d'artifice a fan le plus bel effet malgré la
pluie. La cathédrale est. illuminée en verres de
couleurs. Chaque fois que le j rince paraît au bal
con, il est couvert d'acclamations.
Lundi, 19 juillet, 11 h. 45, de KeM.
Je vous écris du pont de Kehl. Le prince-Prési
dent, erit»uré des envoyés de Prusse, de Bade, de
Wurtemberg; de Suisse et de Hesse, voit jeter un
pont de bateaux sur le grand Rhin. Les deux rives
sont encombrées de monde. Le temps est magnifi
que, la revue est très belle.
Le prince est accueilli, comme toujours, «rec en
thousiasme.
Strasbourg, lundi 19 juillet, midi et demi.
Le prince vient de passer la revue et d'assister
aux manœuvres du pont sur le Rhin. A la sortié
de la préfecture, il a été accueilli par les acclama
tions les plus électriques, qui l'ont suivi à la Ro-
bertsau, à la revue et jusqu'au Rhin.
Une tente élegante avait été disposée sur le
Rhin. Le prince a assisté au spectacle magnifique
de l'établissement d'uu pont sur le grandcourant,
dans un espace de près de 4S mètres.
' Le prince a ensuite traversé le grand pont, pour
se rendre à Kehl et y passer la revue de la garni
son fcadoise, présente sous les armes. Les plus
•vives acclamations, l'ont accueilli sur le terri -
toire tiàdois ; mais , lorsqu'il reparut sur la
rive française , ce ne fut plus de, l'enthousias
me, ce fut de la frénésie. Les cris de : Vive Napo
léon! Vive l'empereur î les fleurs, les bouquets
formaient un ensemble impossible à décrire. Le
prince est rentré à la préfecture à midi 15 minu
tes , -escorté par son état-major et par les envoyés
•des puissances étrangères;
19 juillet, 7 heures du matin.
Dépêche du préfet du Bas-Rhin.
Hier au soir, après le magnifique défilé du cor
tège alsacien, dans lequel"fi'gurâient 120 chars de
jeunes filles en costume, 1,200 cavaliers, le prin
ce a reçu à sa table les réprésentans des puissan
ces étrangères, MM. les envoyés extraordinaires
de Prusse, Bavière, Wurtemberg, Hesse-Darms-
tadt, Bâte-Suisse,. tous les généraux présens à
Strasbourg et tous les hauts fonctionnaires.
Après le dîner, un feu d'artifice a été tué sur
le bastion, en face de la préfecture, et, malgré une
pluie continuelle, la foule n'a cessé de stationner
devant l'hôtel et d'acclamer le prince-Président
toutes les fois qu'il s'est mootré au balcon, avec
son auguste parente, Mme la grande-duchesse
Siéphaniè de Bade.
L'illumination de la cathédrale, en verres de
couleurs et feùx de Bengale, présentait Un aspect
féerique. '
Des Paquebots de la Méditerranée.
• Les principaux voyageurs qui avaient pris
passagfe, au mois de juin dernier, à bord du
paquebot des Indes-Orientales le Pottinger,
ont publié dans les journaux de Londres,
une réclamation où ils énumèrent tous les
incoUvéniens qu'ils ont éprouvés pendant la
traversée. Ce navire pouvait contenir aisé
ment soixante-dix passagers. Au sortir de
Calcutta, il avait déjà soixante-seize person
nes à bord. Après avoir recueilli sur sa route
les voyageurs de Chine, de Singapore, de
Madras, de Ceylan, d'Aden, le capitaine s'est
trouvé avoir à nourrir et à loger 120 passa
gers sans compter les domestiques ,• en y
comprenant l'équipage, il y avait à bord 400
personnes lorsque le bâtiment est arrivé en
vue-de Suez.
L'exposé des griefs des voyageurs de pre
mière classe, qui, au nombre de quarante^-
quatre, ont publié leur plainte, offre un côté
plaisant, mais est au fond très sérieux, car
il touche à la question du monopole qu'exer
cent les Anglais pour le transport des-mar
chandises et des passagers dans la mer des
Indes et dans la mer Rouge. •
Certes il y a quelque chose de risible dans
les trente-six infortunes de ces gentlemen,
obligéà de faire leur toilette dans une salle à
manger, en vue les uns des autres, sur des
tables où ils avaient couché pêle-mêle. Il
est plus ridicule d'entendre les mêmes pas
sagers réclamer contre l'insuffisance des deux
seuls water-closets disposés à bord du navi
re ; mais ce qui est grave, c'est de songer
que le monopole du transport dans la mér
des Indes exerce sur le transport dans la Mé
diterranée une influence désastreuse pour
les intérêts français.
Les plaintes du même genre sont extrê
mement fréquentes; la compagnie des pa
quebots n'en tient aucun compte; car, bon
gré mal gré, les voyageurs de la Chine et de
l'Inde sont forcés de, s'adresser à elle. Aussi,
de l'autre côté de l'isthme de Suez, à partir
du premier port de la mer Rouge, jouit-elle
avec une indolence, superbe de toutes ses
prérogatives et traite-t-e!le avec le plus
souverain dédain les réclamations de l'espèce
de celle dont nous venons de parler. Dans la
circonstance présente, elle a opposé aux plai-
gnans les plus singulières fins de non-rece
voir,- elle a déclaré ne pouvoir donner suite
à la réclamation qui lui avait été adressée,
uniquement parce que les plaignans avaient
cru devoir lui donner de la publicité. Il est
permis de croire qu'elle en eût été moins
emue encore si les griefs des passagers du
Pottinger avaient été secrètement déposés
dans les cartons de ses bureaux.
Il est bon que l'on sache d'ailleurs que la
compagnie péninsulaire et orientale vend
fort cher la faveur de ses traversées dans
l'Inde. Pour un voyage de dix-neuf jours,
ede demande 120 livres, ou 3,000 fr., soit
160 fr. par jour. C'est trop payer pour cou
cher sur des tables, faire sa toilette en pu
blic et manquer de water-closets.
•C'est, pourtant au moyen de son mono
pole, si fécond en abus, que la compagnie
péninsulaire est parvenue à dominer dans la
Méditerranée, "bien que la malle de l'Inde,
passant par la France, dût amener sur nos
paquebots les voyageurs et le fret,.
On sait que l'administration des postes
françaises a créé, en 1836, un service de
correspondance entré Marseille, Constan-
tinople et Alexandrie. Les bâtimens affec
tés à cet usage, étaient meilleurs et plus
coirimodes qu'aucun de ceux que les étran
gers employaient à la même destiBationJ
Cependant, après quelques années d'essai,
on s'aperçut que cette exploitation était en
seuffrance. Les bâtimens anglais; de* tous
points inférieurs aux nôtres, étaient ve
nus prendre la malle des Indes, d'abord à
Malte, puis à Marseille même, et, malgré la
lenteur de leur marche , malgré l'insuf
fisance de leurs aménagemèns, ils avaient
accaparé la majeure partie des voyageurs et*
des marchandises. L'administration française
chercha naturellement la cause de cette
étonnante préférence; les uns l'attribuèrent
aux détours que fesaient les paquebots fran
çais, soit en longeant les côtés d'Italie, soit
en attendant à Syra l'arrivée du paquebot de
Constantinople; d'autres reconnurent que
les officiers de l'Etat qui commandaient ces
navires, ne mettaient aucun empressement
à recevoir les voyageurs ou les marchandises,
et qu'au contraire, ils étaient secrètement
charmés d'en avoir le moins possible au dé
part.
Il y avait du vrai dans ces observations ;
mais elles n'étaient pas fondamentales. L'ad
ministration modifia l'itinéraire des paque
bots; elle prit également certaines disposi
tions pour attirer les passagers et les colis
sous notre pavillon; mais elle ne réussit pas
à changer sensiblement là face des choses.'
Les Anglais continuèrent à embarquer à
Marseille même et sur leurs mauvais navires
le plus grand nombre de passagers pour
les pays orientaux. Les choses en arrivè
rent à ce point que d'autres étrangers pu
rent nous faire, sur la même route, une
autre concurrence également heureuse. Les
Autrichiens établirent à Trieste un ser
vice de paquebots sut Alexandrie, et la
correspondance française, malgré tousses
avantages géographiques , resta délaissée.
Le véritable motif, la cause permanente de
cet abandon, sont indiqués dans un ouvrage
récent et fort instructifqu'a publié notre an
cien consul à Singapore, M. V. Fontanier.
Voici ce qu'on lit dans cet écrit, intitulé :
Voyage dans l'archipel indien-. « Àucommen-
» cernent de novembre, je me trouvais à
» Marseille, où entra le paquebot anglais
» venu de Malte. J'allai le visiter sous
» prétexte d'y prendre passage; c'était «an
» navire médiocre; mais ses dispositions
étaient faites pour recevoir la malle de
» l'Iode dès qu'elle arriverait,, et, en effet,
un ou deux jours après, on voyait char
ger sur des embarcations les caisses des
tinées pour ce pays. De nombreux voya
geurs se rendaient à bord. A côté, se trou
vait un superbe paquebotfrançais; ildevait,
compae son voisin, toucher à Malte et se ren-
» dreàAlexandr.e; toutefois, il attendaitres-
pectueusement que celui»ci eûtenlevétous
les passagers, toutes les correspondances; il
» ne partait que quand c'était inutile, quand
- il n'avait a recevoir que quelques voya
geurs attardés et quelques duplicatas de
lettres. On peut se faire, une idée de ce
qu'avaient de désastreuxpour nous ces comî
binàisons, si on cousidère que le nombre
de passagers qui traversent mensuellement
l'Egypt< e«t de c jx cents, que là route par
la France est pour eux la plus naturelle.
C'est qu en ellet le'Sejrvice anglais, au-
delà de Suez, se lie a celui qui est en-
» deçà, et, par une combinaison de tarifs, il
» est très facile de rançonner ceux qui au-
» raient suivi la ligne française. Comme la
» plupart des voyageurs ne s'arrêtent pas en
» Egypte,» mais s'embarquent sur la mer
« Rouge où la compagnie anglaise est sans
» concurrence, des représailles nous sont
» impossibles, et son monopole du côté de
l ! lode entraîne celui de la Méditerranée. »
Tant que la Hollande, qui possède les In
des néerlandaises; l'Espagne, souveraine des
Philippines, seront hors d'état de créer une
concurrence à la marine à vapeur delà com
pagnie péninsulaire, nous n'apercevons pas
comment le monopole de cette compagnie
pourrait être détruit. La Chine, un jour, en
trera, sans doute, enrélationsrégulièresavec
l'Europe; mais ce temps est éloigné , et
d'ailleurs. les Anglais tendent déjà à s'éta
blir dans ce pays, et à s'en approprier les
ressources. Il faut donc subir provisoi
rement les conséquences de l'état actuel
des choses. La compagnie, des Message -,
ries Nationales françaises, à qui le gou
vernement a concédé l'exploitation des pa
quebots de là Méditerranée, possède uEe
FEUILLETON OU CONSTITUTIONNEL DU 20 JUILLET.
IL FAIT QUE JEUNESSE SE PASSE*.
' xv.
Il faisait à peine jour chez la marquise de
Morvilliers, que, conformément à ses vœux
et à ses instances expresses, un billet de Fe-
nestrange venait calmer ses inq iiéludes et
lui annonçait pour le matin meme la visite
de son fils en parfaite santé. Un rayon de joie
était venu illuminer la physionomie de la
mère qu'absorbait d'abord une si douloureu
se et à la fois si inexplicable préoccupation.
Il né fallait rien moins d'ailleurs qu'une
pareille assurance pour rendre un peu
de tranquillité -d'esprit à la marquise,
après la révélatibn qui lui avait été faite la
veille au soir, de l'amour naissant de son
fils pour sa jeune lectrice. Mme de Morvil
liers sentait instinctivement qu'une sem
blable complication ne pouvait qu'être fé
conde en nouveaux malheurs. Cependant,
comme chez les lemmes surtout, dont Ja
nature est si mobile êt si impressionna
ble , les sensàtions du moment effacent
toutes les autres, dès l'instant où elle crut
n'avoir plus à trembler pour les jours de
son fils, : la marquise de Morvilliers abjura
tous ses soucis présens et passés pour s'a-
bandonner à l'une de ces joies qui naissent
d'un rien, et s'évanouissent de même; joies,
hélas 1 qui n'appellent que trop souvent le
malheur qu'elles ont l'imprudence d'oublier.
Elle avait fait appeler Louise, pour rire
avec elle, comme elle le disait, de ses terreurs
imaginaires.
Une fois lancée dans cette voie de gaîté
douce et expansive, elle raillait la jeune fille
sur ses projets de départ, en s'abandonnant
* La reproduotion est interdite.
elle-même à des illusions si promptes à re
naître au cœur des mères.
— Allez, disait-elle, ingrate enfant 1 Vous
voulez absolument quitter cette maison où
l'on vous avait adoptée comme une fille !...
Allez ! je suis bien sûre quemon fils, lui, au
ra pitié de sa mère, que sou amour me paie
ra toutes lés dettes que votre abandon aura
contractées envers moi... Allez!... avec lui
je n'aurai plus besoin de personne !
Louise évitait dé'répondre à ces affectueu
ses provocations, autrement que par'un re
doublement de soins et de prévenances; car,
plus que jamais, depuis son entrevue avec
Tristan et depuis l'aveu que celui-ci avait
osé lui faire de sa passion, elle avait senti la
nécessité de persister dans la résolution
qu'elle ayait prise.
On entendit sonner.La marquise tressaillit,
espérant voir entrer son fils, bien qu'elle
n'eût pas reconnu le retentissement accou
tumé de la sonnette sousla main de Tristan,
Louise avait fait également un mouvement
pour se retirer; mais on annonça à la mar
quise que le baron Gédéon de Pontauriol
était au salon, et qu'il s'excusait de l'heure
insolite à laquelle il se présentait, parf'im-
Î)ortance de la communication qu'il avait à
aire à Madame la marquise.
La marquise avait deviné instinctivement
qu'il s'agissait de son fils, et, saisie d'une se
crète inquiétude, elle avait rapidement re
vêtu un peignoir et s'était rendue précipi
tamment au salon.
Quand elle rentra, sa physionomie n'était
plus la même...^ elle était pâle, agitée et li
vrée de nouveau à toutes ces inquiétudes dé
vorantes qui, depuis une année, avaient al
téré si gravement sa santé et argenté les
boucles deses cheveux.
Est-il besoin de dire que Gédéon, profon
dément humilié de voir un sujet du théàtr
fondé par Louis XIV se compromettre ainsi
dans une ascension où, de son propre aveu,
elle prenait la place d'une acrobate, avait es
sayé,en faisant intervenir M me de Morvilliers,
d'empêcher Tris'tan d'exécuter son projet,
persuadé que c'était le meilleur moyen de
déterminer Florentine à y renoncer de son
côté.
Louise, en voyant le profond changement
qui s'était produit sur les traits de Mme de
Morvilliers, l'interrogeait avec sollicitude.
Celle-ci ne semblait même plus l'entendre.
— Oh! mes pressenti mens! mes pressen-
timens! murmurait la marquise... Oh! s'il
vient tout-à-l'heure, à coup sûr je ne le lais
serai pas partir... Mais il ne viendra point...
ou je ne pourrai le retenir... Le point d'hon
neur, la crainte de paraître redouter un dan
ger... il ira ! il se donnera en spectacle !...
Il périra peut-être!... Ahlcen'eit pas en
vain que Dieu m'avait envoyé ce terrible
avertissement!
Et la marquise tomba sur son fauteuil,
éclatant en larmes.
Louise s'agenouilla devant elle, saisissant
ses mains et lui prodiguant toute l'expres
sion de son intérêt et de sa tendresse. Les
regards de. Mme de Morvilliers, à travers ses
plours, s'arrêtèrent enfin sur la tête de Loui
se, empreinte d'une séduction irrésistible, et
la pensée de la mère sembla s'attacher à une
dernière espérance.
— Ecoutez, Louise, dit-elle, vous,pouvez
me sauver! ,
— Moi ! Madame la Marquise !...
— Vous, toujours si sévère, si inflexible
pour mon fils... le jour où vous lui adresse
rez une prière, vous serez toute puissante...
Eh bien! c'est le moment d'employer cette
influence à laquelle j'ai recours, comme à
une ressource suprême, pour conjurer le
plus grand, le plus imminent danger qui
ait encore menacé mon Tristan... Oui, Tris
tan, entraîné par une coupable, par une fa
tale passion, va en accompagner l'objet...
dans une ascension publique, en ballon, en
plein Hippodrome, aux yeux de tout Paris...
Et ce n'est pas tout que le scandale, que la
honte I c'est sa vie, sa vie qu'il expose!.. Ah !
par pitié, Louise, n'est-ce pas?vouswns
joindrez à moi ; n'est-ce pas que vous m'ai
derez à défendre la réputation, la vie de mon
fils contre sa propre folie?..
Louise,-à ces mots, s'était rélevée, et était
demeurée interdite et silencieuse.
— Eh quoi ! Louise, me refuserièz-vous?
dit la marquise tremblant de voir s'éteindre
çette derniere lueur d'espérance.
" — Je ne puis rien sur Monsieur votre fils,
Madame, reprit Louise avec effort et en rou
gissant; car, pour la première fois peut-être,
elle émettait une assertion contraire à la
vérité. -
— Louise, ne me dites pas cela, reprit la
.marquise d'une voix suppliante; je suissûre
que vos prières jointes aux miennes auront
un grand pouvoir auprès de mon fils !.,. Et
que deviendrais-je s'il n'en était pas ainsi ?'■
— Et quand même cela serait possible,
Madame, devrais-je ajouter .mes instances
aux vôtres? reprit péniblement Louise, qui
mettait autant d'efforts pour dire la. vérité
qu'il lui en avait fallu - d'abord pour la dé
guiser. Si je devais avoir quelque influence
sur M. Tristan, ne serâit-il pas peut-être
plus dangereux- à moi de m'en servir, qu'à
lui de n'y psis céder...
La marquise comprit avec désespoir, à.
cette réponse, sur quel terrain brûlant elle
s'était aventurée; mais trop de cruelles ap
préhensions l'absorbaient pour qu'elle se ré
signât si vite à abandonner la seule auxiliaire,
de qui elle pût attendre encore quelque
succès.
— Est-ce que vous m'abandonneriez?
Louise, lui dît-elle, avec angoisse. '
— Ecoutez, Madame, reprit Louise d'une
voix solennelle, quoique érnue, j'aime mieux
me hasarder à un aveu déplacé peut-être,
que de me laisser soupçonner d'ingratitude.
Je ne voulais à aucun prix vous laisser con
naître ce qui, dans ma bouche, semblerait
peut-être une accusation contre Monsieur
votre fils... Mais vous me faites un devoir de
me justifier à tout prix... je parlerai... M. le
comte do Morvilliers a rencontré chez sa
mère, une jeune fille," orpheline, sans
naissance, sans protecteur...... Il a sans
doute cru qu'elle s'honorerait d'être l'objet
d'un caprice... et peut-être, en ce monde
que je ne connais pas, doit-il en être ainsi h.
J'airépondu comme c'était mon devoir àcette
passion dont Monsieur votre fils a bien voulu
jouer le rôle auprès de moi... et vous voyez
bien, continua Louise avec une certaine
amertume, en prévenant le sourire d'in
crédulité qui se dessinait sur les lèvres de
Mme de Morvilliers, vous voyez bien que ce
n'était qu'un rôle , puisqu'aujourd'hui il
donne une telle preuve d'affection à une
autre personne!.. Mais, maintenant, est-ce
bien à moi, Maclame, de m'armer auprès de
votre fils de droits que je ne puis accepter à
aucun titre?—Est-ce bien à moi de chercher
à reprendre sur toi un'pou voir dont peut-être,
pardonnez-moi de vous le dire, Madame, il
me demanderait ensuite le prix?.. Vous voyez
bien, Madame, que mon seul rôle auprès de M.
le comte de Morvilliers est le silence et l'ab
sence, en attendant que ce soit une sépara
tion complète et éternelle.
La marquise ne répondait pas, mais elle
pleurait. - ,
— Oui, vous avez raison, Louise... oui,
vous ne pouvez m'aider à reprendre mon
fils!... Mais il sera donc perdu, mon Dieu I
A ce moment un coup de sonnette s'était
fait entendre. La mère avait tressailli à cette
sonorité bien connue qui, par une de ces in
nombrables et mystérieuses alliances des
impressions physiques et des sensations mo
rales, fesait infailliblement vibrer chez elle
toutes les fibres maternelles.
— Restez avec mor; Louise, je vous en
conjure, dit la marquise à lajeune fille, prête
àse retirer encore; vous ne parlerez pas... je
le comprendsj je ne le demande pas... je ne
le veux pas... Mais j'aurai plus de force et de
courage si vous êtes là !
Louise, qui comprenait qu'elle ne pouvait
refuser sans cruauté cette preuve de recon
naissance à la, marmiise, s'inclina en signe de
consentement. , ;
Mme de Morvilliers rassembla toutes ses
forcés; elle sentit qu'elle était seule à jouer
cette partie grave, et, pour la première fois,
sonjgea à appeler à son aide quelques-unes
de ces feintes, de ces ruses maternel les, pour
lesquelles,si innocentes qu'elles fussent, une
longue douleur ne lui avait plus laissé de
présence d'esprit. ,
Lorsque Tristan entra dans la chambre
lèvres... A la vue de Louise, il sentit tout son
sang refluer vers son'cœur.
Sous l'empire de cette préoccupation, il;
n'avait pas vu tout ce qu'avait de forcé la
sérénité de sa mère, et comment elle se dé
pêchait de sourire pour que les larmes ne
gagnassent pas de vitesse sa gaké menteuse.
Tristan fit à Louise un salut glacial, que
celle-ci renditavec la même réserve; puis il
tendit la main à sa mère.
— Je prends cette,main et je la garde, dit .
Mme de Morvilliers 'avec cette même gaîté
factice... Dites-moi... mon cher Tristan...
j'avais eu l'idéëd'une partie avecvous...Oh!
d'une partie qui conserve toute la gravité
qui sied à mon âge...Il s'agit d'un acte,mon
cher Tristan, qui contribuera à votre salut.:,
sans ennuyer votre esprit.,, et je me hâte de
vous donner le mot ae ce problème insolu
ble... Le père w prêche aujourd'hui à Saint-
Thomas d'Aquin.. . Donnez-moi donc le bras
pour aller l'entendre.. .Vous savez que c'est un
prédicateur en vogue... Et vous, Tristan, qui
êtes un dandy, vous ne voudrez pas vous
laisser arriérer en- rien, même en bonnes-
œuvres... Vous m'accompagnerez au sermon,
n'est-ce pas? naonTristan, ne fût-ce que pour
larareté du fait, et dussent vos amis de l'O
péra un peu vous plaisanter sur cette façon -
si grave d'être à la mode..» Du moins vous
aurez fait quelque chose pour votre mère,
Tristan... C'est la première fois, depuis long
temps, qu'elle vous adresse une prière.
! Tristan ne répondit rien... non qu!il déli
bérât sur ce qu' ; avait à répondre : son
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