Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-06-19
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 juin 1852 19 juin 1852
Description : 1852/06/19 (Numéro 171). 1852/06/19 (Numéro 171).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMÉRO 171.
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B 1852. - SAMEDI 19 JUIN.
PKSX DS X'ABOHKESflEiiiï
PARIS ....... 18 F. PAB. TRIMESTJRS,
DÉPAIITEMENS. 10 Y. —
UN NUMÉRO : S® CENTIMES:
fooa lbs pays étrangers , se reporter
tableau qui sera publié dans le jouraal,'
10 et S3 de chaque moisï
tst eôotonmens datent des 1*
de chaque tuait.
et 16
S'adresser, franco, pour la rédaction , à M.' C uchevài- C laiugn
Les articles déposés ne sent pas rendus.
JOURNAL POLITIQUE, LITTERAIRE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dont les âépartemens, aux Messageries et aux Directions de poste,—A Londres, chez Mil. CowiE et fils.
— A Strasbourg, chez M. ÂMXÂSXmi, pour VAllemagne*
S'adresser, franco, pour l'administration, à M.[D emain , directeur1
vr -sia
Les sanonoes sont reçues au bureau du Journal; et chez M. PANIS, régisseur, 10, place de la Boucs
PARIS, 18 JUIN.
Les nouvelles des Etats-Unis nous appren
nent que la convention démocratique de
Baltimore avait commencé ses travaux. Cha
que Etat dispose dans cette convention d'un
nombre de voix égal à celui des électeurs pré
sidentiels qu'il a droit de nommer ; mais il
peut se faire représenter par autant de dé
légués qu'il le juge convenable. Aussi, quoi
que le nombre total des suffrages exprimés
dans la convention ne puisse dépasser 295,
l'assemblée de Baltimore compte plus de
mille délégués présens. On ne sera donc pas
étonné d'apprendre que les premières séan
ces aient donné le spectacle de la confusion
la plus grande, et se soient consumées à ré
gler les arrangemens intérieurs au milieu
de querelles continuelles et d'un désordre
inexprimable.
Comme les hommes importans des deux
partis ne manquent jamais de figurer dans
cesiéunionspréparatoires,soient qu'ils accep
tent le mandat de délégués, soient qu'ils se
réservent d'user de leur influence sur leurs
co-religionnaires politiques, le sénat «les
Etats-Unis a dû suspendre ses séances pen
dant la durée de la convention démocratique;
et'la chambre des représentai, en présence
de ses banquettes dégarnies, a dû suivre
l'exemple du sénat. La politique n'est plus à
Washington en ce moment; elle est tout en
tière à Baltimore.
Les journaux américains se perdent én
conjectures sur le choix auquel s'arrêtera le
parti démocratique. M. Cass et M. Buchanan
paraissent encore être les deux candidats les
plus importans ; mais les premiers travaux de
la convention ont montré que les chances de
M. Douglas étaient beaucoup plus sérieuses
qu'on ne l'avait pensé. M. Douglas, .qui a
exercé dès fonctions judiciaires importan
tes, appartient à l'Etat "d'Illinois. C'est donc
ce qu'on appelle un homme de l'Ouest, c'est-
à-dire de la portion la plus jeune delà confé
dération, de celle qui n'a encore fourni aucun
président aux Etats-Unis. Or, les Etats de
l'Ouest,'dont le nombre et la population
grandissent chaque jour, brûlent de jouer
un iô!e en rapport avec leur importance, et
leur plus ardente ambition serait de voir pren
dre <îans leur scia le magistrat suprême de
l'Union. On soupçonne que, cette fois, tous
les délégués de l'Ouest se sont entendus pour
porter leurs voix sur M. Douglas, sinon au
premier, du moins au troisième ou quatriè
me des nombreux scrutins qu'on prévoit,
afin de faire passer inopinément le candidat
qu'ils se plaisent à appeler « le jeune géant
de l'Ouest », par opposition aux candi
dats émérites et surannés du parti. On accu
se en même temps l'ancien président Van
Buren de ne s'être rendu à Baltimore que
pour travailler sourdement à faire échouer
le général Cass, et pour satisfaire ainsi une
vieille rancune.
Maie l'événement le plus considérable que
mentionnent les dernières nouvelles, s'est
produit au sein du parti whig. Un adver
saire ardent du général Scott a été exhurtîer
quatre lettres écrites par ce général, il y a
dix ans, la première fois qu'il ambitionna
ia candidature; et il a eu li malice de ne les
publier qu'au dernier moment, afin d'in
duire en erreur les lecteurs peu attentifs et
de prendre par surprise les amis du général.
.Nous avons expliqué la situation embarras
sée du général entre ses* amis du Nord et
a ■■s amis du Sud, et la nécessité où il se trou
vait de s'absteair de toute exposition de
principes et de toute déclaration trop pré
cise. La publication qui vient d'être faite, le
met dans l'obligation de renier son passé ou
de brûler ses vaisseaux.
Des quatre lettres dont nous parlons, deux
ont trait à des questions définitivement tran
chées et que les whigs ont renoncé à raviver,
comme le rétablissement de labanque centrale
des Etats-Unis. Les deux autres touchent au
contraire à des questions brûlantes. Dans la
première le-général Scott se déclare favora
ble à l'annexion du Canada, c'est-à-dire à
l'introduction dans la confédération de plu
sieurs Etats libres qui feraient pencher la
balance en faveur des états du Nord et con
tre les états du Sud, et assureraient une ma-
j orité constante aux adversaires de l'esclavage.
On peut juger si cette révélation est de nature
à concilier au général Scott les suffrages des
whigs du Sud, au moment où les Etats à es
claves se prétendent menacés dans leurs in
térêts les plus chers et ont songé un instant
à sortir de la confédération. Les défiances
que leur inspire le général à cause de ses
liaisons avec les abolitionistes ne peuvent
manquer de s'en accroître.
La seconde lettre ne fera pas moins de
tort au général. Il y a dix ans, l'infLuence po
litique exercée dans les Etats riverains de l'O
céan par les émigrans de l'Irlande et de l'Al
lemagne, commença à exciter l'inquiétude et
la jalousie parmi les habitans indigènes.
Dans les Etats de New-York et de Pensylva-
nie un parti considérable se forma pour de
mander le retrait des droits politiques trop
libéralement accordés aux étrangers. C'est
ce qu'on appelle le' nativisme. Le général
Scott, au début de sa carrière politique, s'é
tait posé comme le champion des nati-
vistes, et, dans la lettre en question, il pro
teste très vivement contre l'abus qui fait
admettre au rang des citoyens, après un sé
jour de quelques mois, les hordes affamées
que l'Allemagne et l'Irlande expédient en
Amérique. Une telle profession de foi et un
tel langage ne sont pas de nature à concilier
au général les suffrages des millions d'Irlan
dais et d'Allemands qui sont aujourd'hui
établis aux Etats-Unis, et qui disposent de la
majorité dans la Pensylvanie, l'Ohio et l'In-
diana.
L'époque qu'on a choisie pour cette exhu
mation inattendue de lettres depuis long
temps oubliées, ne laisse aucun doute sur la
pensée qui y a présidé. Les auteurs de cette
publication connaissent le terrain, et ils ob
tiendront peut-être le succès qu'ils se sont
sans doute promis. On ne saurait dissimuler
que l'apparition de ces quatre lettres n'ait
été un coup de Jarnac porté à la candidature
du général Scott. L'impression produite a
été très prompte et trè? profonde, surtout
au Sud. Il ne serait pas impossible que les
délégués des Etats à esclaves fussent arrivés
à la convention whig qui a dû se réunir le
16 juin, avec le mandai d'exclure formelle
ment le général Scott de la candidature.
CUCIIEVAL-CLA.RIGN Y.
Le décret du 9 juin qui a modifié les attri
butions du conseil d'amirauté, est destiné à
exercer une certaine influence sur les desti
nées de notre flotte. Le conseil d'amirauté
est le conseil suprême de la marine; dans
toutes les questions importantes, il estappelé
à intervenir avec ses lumières spéciales et
l'autorité de sa haute expérience. Il conserve
les traditions dans un département ministé
riel où l'esprit de suite est essentiel.
Avant le dernier décret, le conseil d'ami-
rau lé se trouvait investi d'une prérogati ve im
portante : elle consistait à présenter, au minis-;
tre lés officiers qui étaient jugés dignes, soit
de recevoir de l'avancement, soit d'obtenir le
commandement des bâtimens de l'Etat, soit
d'être récompensés par une promotion dans
l'ordre de la Légion-d'Honneur ; à cet effet le
conseil, d'après l'examen des notes fournies
par les chefs de services et par les comman
dans de navires, dressait, au 1 er janvier de cha
que année, trois tableaux : le tableau d'avan
cement, le tableau des commandans, le ta
bleau de la Légion-d'Honneur. Le tableau
d'avancement comprenait un nombre de
candidats égal au douzième du personnel
de chaque grade. Nul ne pouvait-être avan
cé au choix s'il n'était perté sur le tableau.
Néanmoins, en cas de services extraordinai
res , le ministre inscrivait les officiers qui
méritaient cette récompense. Le tableau d'a
vancement ne comprenait, d'ailleurs, ni les
officiers généraux ni les capitaines de vais
seau. Le nouveau décret laisse. subsister ce
tableau, mais il attribue au ministre le droit
d'y inscrire directement les officiers attachés
à son état-major et à celui du chef de l'Etat.
On le sait, c'est un usage consacré au dépar
tement de la marine, que les ministres, mê
me appartenant à l'ordre civil, aient de,s ai
des-de-camp attachés à leur personne , ou
plutôt à leur fonction.
Le tableau des commandemens présentait
un nombre de candidats double de celui des
vacances présumées pendant l'année. Nul ne
pouvait être appelé à commander un bâti
ment s'il n'était porté sur le tableau des
commandemens. Néanmoins lorsqu'il s'agis
sait de missions spéciales ou de campagnes
extraordinaires, de commandemens de sta
tions ou de subdivisions navales, le ministre
pouvait choisir les officiers commandans en
dehors du tableau.
Le conseil d'amirauté avait proposé de
dispenser les capitaines de vaisseaux de l'o
bligation d'y figurer. D'après le nouveau dé
cret, ces tableaux sont supprimés pour tous
les grades.
Le ministre a pensé que les membres du
conseil d'amirauté peuvent être involontai
rement entraînés à faire une part plus large
aux officiers qu'ils ont connus, dont ils ont"
personnellement apprécié le mérite, et qu'ils
pourraient oublier davantage ceux qui ont
servi sous d'autres ordres que les leurs,
et dont ils ne connaissent les noms que par
les rapports indirects qui leur sont par
venus. A titre égal, ils pourraient donner
la préférence à ceux qui ont vécu dans leur
intimité. Et, d'ailleurs, est-il dit dans le rap
port, le chef de l'Etat, doût l'œil embrasse
tous les services, qui, aux termes de la Cons
titution, commande les armées de terre et de
mer, dont la main dispense toutes les digni
tés, tous les emplois, tous les honneurs, ne
peut disposer du moindre bâtiment de la
flotte, quels que soient d'ailleurs le mérite
et la capacité de l'officier qui a fixé son,
choix, si cet officier ne lui a pas été anté
rieurement présenté dans des conditions res
treintes.
A l'avenir, le ministre aura toute liberté
dans le choix des officiers qu'il pr oposera au
Président de la République pour le comman-
dtment des bâtimens.
Le tableau de la Légion-d'Honneur était
établi d'après le même principe que celui
des commandemens, c'est-à-dire qu'on de
vait y faire figurer un nombre de candidats
double de celui des nominations présumées.
11 ne comprenait pas les officiers généraux.
Le décret supprime également ce tableau.
Le conseil d'amirauté ne comptait aupa
ravant que trois officiers généraux dans son
sein. Le décret en admet un quatrième;
ainsi renforcé, il reste chargé de donner ses
avis sur l'administration de la marine et des.
colonies, sur l'organisation de l'armée na
vale, sur le mode d'approvisionnement, sur
les constructions navales, sur l'emploi des
forces navales. Il s'est reconnu lui-même in
compétent dans l'examen du budget et de la
loi des comptes.
Tels sont les principaux changemens que
le décret du 9 juin apporte dans l'organisa
tion "du conseil d'amirauté. Ce «conseil est
ramené à un rôle purement consultatif. Il
n'en est point ainsi en Angleterre, où le con
seil d'amirauté a des ^prérogatives beaucoup
plus étendues et où il administre directe
ment. Le ministre de la marine n'a pas pensé
que cela fût possible en France, et l'autorité
attribuée au conseil d'amirauté lui a paru
incompatible avec le principe de la respon
sabilité ministérielle. Seul responsable vis-
à-vis du gouvernement et du pays, ila voulu
concentrer entre ses mains l'intégralité du
pOUVOir. . DENAIN.
On sait qu'un décret du Président de'la Ré
publique a autorisé les maréchaux de Fran
ce à placer sur leur poitrine, parmi leurs
décorations, la médaille militaire, cette mo
deste récompense du soldat qui, par sa va
leur et par sa bonne conduite, a mérité une
distinction. Dans les cérémonies publiques,
le chef de l'Etat porte lui-même le ruban
et les insignes dé cet ordre récent, insti
tué par lui en faveur des sous - officiers
et des soldats. Une nouvelle mesure vient
d'étendre le privilège de porter la mé
daille militaire aux généraux qui ont rempli
les fonctions de ministre et à ceux qui ont
exercé des commandemens en chef.Dix géné
raux. se trouvent compris dans ce décret : les
généraux Randon , Schramm , La Hitte ,
d'Hautpoul et Regnaud de Saint-Jean-d'An-
gelv, qui ont été ministres; le général Leroy
(le Saint-Arnaud, actuellement ministre delà
gaufre, et qui «commandé en chef dans l'ex-
pedition de la petite Kabylie, et les généraux
ae Castellane, Gémeau, Magnan et Baraguey-
d'Hilliers, qui ont exercé ou qui exercent en
core des commandemens en chef. Il nous
semble que dans cette liste on a omis le nom'
du général Rostolan , qui a commandé en
chef l'armée expéditionnaire de Rome.
HENRY c AU VAIN.
Nous trouvons aujourd'hui dans leBulletin
des Lois, le décret suivant, daté du 31 mai :
Louis-Napoléon, Président de la République
française,
Considérant que des actes de rébellion se sont
manifestés à l'établissement disciplinaire spécial
de Lambessa, où sont réunis les transportés de
1848, et que les officiers et sous-officiers prépo-.
sés.à leur garde sont en butte à des menaces qu'il
importe de faire cesser ;
Considérant qu'il est juste, d'un autre côté, de
faciliter le retour au bien de ceux qui sorit dispo
sés à obéir à l'autorité,
Décrète :
Art. 1". Seront conduits à Cayenne les trans
portés de 1848 qui, depuis leur arrivée en Algérie,
out été ou seront à l'avenir condamnés à une pei
ne al'flictive et infamante, pour insubordination
ou pour tout autre crime.
2. Les transportés de 1848 qui se refuseront au
travail et à l'obéissance, et contre lesquels tous
les moyens ordinaires de répression disciplinaires
auront été vainement épuisés, recevront la même
_ destination..
3 ."T > nalières du régime pénitentiaire, conformément
aux articles 3 et 4 du décret du 28 mars 1852,
les transportés de 1848 qui offriront des garanties
de bonne conduite et d'aptitude pour le travail.
4. Les dispositions des art. 1 et 2 du présent
décret, dont l'exécution est confiée au ministre de
le guerre, seront applicables aux transportés de
18S2.
Nous avons parlé de la pétition faite par
un grand nombre de communes de la ban
lieue pour que le pont du ehemin de fer de
ceinture, jeté "sur la Seine entre Bercy_ et
Ivry, présentât une voie annexe destinée à
la circulation des piétons et des voitures.
Nous apprenons que cette affaire est sur le
point de recevoir une solution favorable.
Les conseils municipaux des communes
de Bercy et d'Ivry sont convoqués à l'ef
fet de délibérer sur le montant des co
tisations qu'ils pourraient olfrir pour l'exé
cution de ce travail. Le conseil général
de la Seine voudra sans doute coopérer égale
ment àune dépense d'utilité départementale.
En attendant, les travaux du pont sont
ralentis. Il importe qu'on se hâte de pren
dre un parti afin de profiter de l'état des
eaux 'dèTa rivière, qui permet de donner
une grande activité aux constructions.
L. B omïage.
Le comité spécial-chargé de faire un rap
port sur l'état mental de M. Feargus O'Con-
nor, a présenté mercredi ses conclusions à
la chambre des communes. Aux témoigna
ges des membres du parlement qui avaient
été victimes des excentricités de M. O'Con
nor, est venu se joindre celui de sa propre
sœur. Cette dame a produit des certificats de
médecins constatant que son frère ne jouit
pas de la plénitude du bon sens nécessaire,
non-seulement à un député, mais à tout ci
toyen dans ses rapports avec ses semblables.
En conséquence, le comité a proposé à la
chambre ne décider que M. O'Connor serait
conduit dans une maison d'aliénés.
Cette proposition a été adoptée, et, le jour
même, M. O'Connor, délivré de la surveil
lance d'un sergent d'armes, a été conduit,
à Chiswick, dans une maison de fous dirigée
par le docteur Tooke. Ainsi le chef de l'agi
tation chartiste va finir sa vie politique au
Charenton'de l'Angleterre, l, bonifvce.
SÉNAT.
LeSénat s'est réuni hier, 17 juin, sous la prési
dence de M. Mesnard.
Le bureau a été complété par l'élection de MM.
le comte Siméon, et le comte de Lariboisière com
me vice-secrétaires.
La loi portant règlement définitif du budget de
1849, a été communiquée au sénat.
M. le marquis d'Audiffret a lu le rapport sur la
loi portant règlement définitif du budget de 1848.
Le Sénat a déclaré ne pas s'oppeser à la promul
gation de plusieurs lois d'intérêt local qui ont
été portées devant lui, après avoir été adoptées
par le Corps Législatif.
La séance a été complétée par des rapports de
pétitions.
11 y aura séance au Sénat lundi 21 juin pour la
délibération sur plusieurs lois.
CORPS LÉGISLATIF.
Sommaire de la séance du vendredi 18 juin 18S2.
Ouverture de la séance à trois heures.—Lecture
et adoption du procès-verbal de la séance du 15
juin.
Lecture par' M. le comte d'Argout du rapport
annuel de la commission de surveillance des cais
ses d'amortissement et des dépôts et consignations.
—Prolongation'de congé accordée à M. le général
baron Gorss. — Congés accordés à MM. de Bryas,
de Mépieu, de Parieu et Pongérard. — Lecture
par Jl. le président de plusieurs projets de lois
transmis au Corps Législatif par M. le ministre
d'Etat, et relatifs : 1° A la concession du chemin
de fer de Paris à Cherbourg; 2* à la concession
du chemin de fer de Bordeaux à Cette ; 3° à un
crédit de 120,000 fr., pour dépenses de décora
tion et d'ameublement nécessaires à l'installation
du Musée impérial etroyal; 4° à un crédit extraor
dinaire de 400,000 fr. pour secours généraux aux
hospices et autres établissemens de bienfaisance;,
S 0 à des dispositions nouvelles à insérer au projet
de budget pour l'exercice 1853 et concernant le
cumul.
Lecture par M. le président de plusieurs autres
projets de loi d'intérêt local. —Lecture d'une dé
pêche de M. le. ministre d'Etat, transmettant au
Corps Législatif une nouvelle rédaction délibérée
au conseil d'Etat pour l'art. 1 er du projet de loi
sur la cession du bois de Boulogne à la villa de
Paris. — Lecture d'une dépèche de M. le ministre*
d'Etat, relative aux travaux de Jacommission char
gée de l'examen du projet de loi portant établisse
ment de nouveaux impôts. —Dépôt par M. Chas-
seloup-Laubat, du rapport sur le projet du budget
pour l'exercice 18S3. — Dépôt par M. Fouché-Le-
pelletier des rapports sur deux projets de loi rela
tifs à des créances comprises dans des exercices
clos et périmés.— Fixation au mardi 22 juin, de
la discussion du budget de l'exercice 1853.
La séance est levée.
Statistique de l'industrie parisienne.
(2 e article.) (1)
Abordons les chiffres, maintenant, avec
cette confiance que leur méritent la rare sa
(1) Voir le Constitutionnel du 10 juin.
gacité et la sûreté' de méthodë'dônt les coin
missaires ont fait preuve dans dés recher ches aussi difficiles. Elles ne satisfont pas
seulement, l'esprit ; elles intéressent encore
le cœur : chaque branche d'industrie, en effet,
est étudiée au double point de vue économique
et moral. La Chambre de commerce, par
exemple, nous apporte des révélations inat
tendues sur ces tristes domiciles appelés si
improprement garnis, dans lesquels la mi
sère volontaire ou non,inéritée ou non^s'en
tasse douloureusement. Il ne s'agit donc pas
seulement ici de chiffres décharnés qui se li
vrent en pâture aux esprits oisifs et aux gens
de métier; mais d'une œuvre que la grande
et vraie morale a revêtue de son sceau di
vin, d'une œuvre vivante et féconde que l'é
conomiste, l'homme d'Etat et la croyance
religieuse méditeront toujours avec fruit,
s'ils y cherchent ce qui s'y trouve. Pour moi,
je ne puis offrir au lecteur qu'un petit nom
bre d'aperçus curieux : un in-folio et 5 ki
logrammes de .chiffres ne sauraient vrai
ment se réduire aux minces proportions
d'un article de journal. .
A Paris, on compte 64,816 industriels ou,
entrepreneurs d'indus tries,occupant 342 ,530
ouvriers de l'un et de l'autre sexe et de tout
âge. 7,117 maîtres ont plus de 10 ouvriers;
25,116 en emploient de 2 à 10 ; 32,583 tra
vaillent seuls, ou n'occupent qu'un ouvrier.
Dès le début,-nous avons l'importance to
tale des affaires, divisée entre les treize
groupes, pour 1847 et pour 1848. Ceci est
bien de l'arithmétique politique, et les trois
colonnes suivantes retentiront certainement
dans l'histoire :
IMPORTANCE DES AFFAIRES.
Ameublement
Bâtiment
Métaux, mécanique
Métaux précieux c
Fils et tissus
Articles de Paris
Yètément .
Boissellerie, vannerie ...
Imprimerie, gravure, pa
peterie...
Sellerie, carrosserie,équi
pement
Chimie, céramique
Aliment,
Peaux et cuirs
En 1847.
En 1848.
nutioa»
137.145.246
145.412.679
103.631.601
134.830.276
105.818.474
128.658.777
240.947.293
20.482.304
34.716.396
50.170.045
37.165.698
49.657.804
45.782.971
60.030.223
114.801.803
10.035.604
75 p. e/«.
66 —
64 —
63 —
57 —
53 —
52 —
51 —
51.171.873
27.363.484
47 —
52.357.176
74.546:606
226.863.080
41.762.965
28.106.557
40.867.552
150.811.980
28.014.000
46 —
45 ^
34 —
33
1.463.628.350
677.524.117
54 p. ©/Ô,
Dirai-
Je n'appuierai pas sur la douloureuse si
gnification de ces chiffres; ils parlent avec as
sez d'éloquence. Mais l'enquête, après avoir
donné le nombre des ouvriers employés en
1847 eten 1848, nombre qui correspond d'une
manièresi singulièrement exacte avec la dimi
nution de valeur produite, que la perte est
juste de 54 0/0 ; l'enquête, dis-je, fait obser
ver que les effets de la crise sur la popula
tion laborieuse doivent être plus graves en
core que ne l'indique le recensement, et
qu'il faudrait ajouter aux ouvriers congé
diés beaucoup de ces petits patrons qui oc
cupent moins de dix ouvriers. Ensuite, quel
ques industries spéciales ont beaucoup plus
souffert que ne l'indique;, la moyenne du
groupe où elles se confondent. Ainsi, l'orfè
vrerie a perdu 73 0/0 ; les dessinateurs de
fabrique, 80; et tout ce qui tient à la car
rosserie, de 83 à 90.
Voici les treize groupes rangés, selon l'im
portance des affaires, avec le nombre des
entrepreneurs et des ouvriers. Pour simpli
fier, je retranche ce qui dépasse les millions,
qui, on l'a vu, forment en valeur une som
me totale de 1,463,628.350 fr. chiffre ma
gnifique, dont l'élévation était à peiùe soup
çonnée. -
Vêtement
Aliment
Bâtiment
Ameublement -
Métaux précieux
Articles de Paris
Fils et tissus...
Métaux, mécanique
Chimie, céramique
Carrosserie,sellerie,équi
pement
Imprimerie, papeterie..
Peaux et cuirs
Boissellerie, vannerie...
Mil
Entre
(Ouvriers
lions.
preneurs
240
29.216
90.064
226
3.673.
10.428
145
4.061
41.(503
137
5.713
36.1*4
134
2.392
16.819
128
6.124
35.679
105
3.799
36.685
103
3.104.
24.894
74
1.259
9.737
52
1.253
13.754
51
2.235
16.705
41
426
4.573
20
1.561
5.405
64.816
342.530
Total
du
personnel»
119.280
14.101
45.604
41.897
19.211
41.808
40.484
27.998
10.99$
13.007
18.940
4.999
6.96$
407.346
FEUILLETON DB CONSTITUTIONNEL, 19 JUIV.
SOUVENIRS D'UN VOYAGE EN SVR1E.
BEEROUT.
Rien ne nous retenait plus à Smyrne; nous
prîmes le bateau àvapeur pour nous rendre
à Beirout, sur la côtedeSyrie. Beirout, Bey-
rout, B irût, ou quel que soit le nom qu'on
lui donne, est, en général, regardée par les
vovageurs comme un simple point d'embar
quement ou d'arrivée. Dans l'ardeur inquiè
te qui pousse" en avant les pélerius vers la
Terre -Sainte, ou leur faitquuter l'Asie pour
reprendre le chemin de leurs foyers, ils ac
cordent comme à regret , à cette belle et
•curieuse ville l'attention dont elle est
digne. Pourtant, bien des événemens his
toriques, qui ont eu du retentissement dans
le monde, se sont accomplis sur cette
baie qu'ils traversent à la hâte, et les vieux
remparts de la ville, assaillis tour à tour par
le feu grégeois, les flèches, les flammes et
les bombes modernes, pourraient leur re-
•dire bien des combats sanglansetdes assauts
meurtriers. Naguère encore, ils soutenaient
«n assaut mémorable dont, ils portent la
trace et s'écroulaient en partie sous le feu
prolongé des canons anglais, lorsqu'en 1840
. la flotte de l'Angleterre foudroya toute la
côte et arracha la Syrie aux mains de l'am
bitieux Ibrahim. " 1
Le paquebot "qui va deSmyrne à Beirout
met ordinairement six jours à accomplir le
trajet- Mais on ne peut se figurer l'ennui de
cette traversés, que lorsqu'on a vu les affreux
bateaux à vapeur qui font ce service. Il est
ivrai que le Lloyd autrichien ne se pique pas
d'égaler les constructions américaines. Pen-
•dantsix jours, je souhaitai ia terre avec autant
d'ardeur qu'en mit Christophe Colomb pen
dant deux mois à désirer la découverte d'un
nouveau monde. Notre bateau à vapeur était
chargé outre mesdre de pèlerins qui se ren
daient à Jérusalem, La plupart d'entre eux ne
tjouvaknt occuper que le pont. Aussi, de l'a
vant à l'arrière on avait tiré parti du moindre
poiïf-e de terrain ; les passagers cabines
ae pouvaient prendre nulle part un t ? aa
d'exercice, foule était compacte et en
tassée sur elle-même. Ua côté seul de l'ar
rière était recouvert d'une longue toile à
voile ; cette espèce de tente basse était ré
servée aux femmes et aux enfans. tes
querelles des uns, les cris des autres, le
vacarme résultant de tous ces bruits di
vers et peu harmonieux ne nous laissaient
pas un seul instant de répit. C'était surtout
pendant le calme silencieux des nuits, quand
les pélerius du pont avaient cessé tout mur
mure et cherchaient dans le sommeil l'ou
bli de leurs fatigués, que ce tapage discor
dant était le plus insupportable. L'esprit s'a
bandonnait à ces douces rêveries que la vue
de la mer et d'un beau ciel fait, toujours naî
tre, et, tout à coup, la plus triste réalité
noqs arrachait à ces hauteurs où nous nous
plaisions à nous égarer, et nous ramenait
par le contraste le plus affligeant sur le pont
de notre navire.
L'autre côté de l'arrière étaifoccupé par
d'autres groupes de pèlerins et par des Turcs,
qui emportaient avec eux leurs lapis et leurs
ustensiles de cuisine. Quoique moins nom
breux qu'au milieu du pont, ils étaient en
core trop pressés dans cet espace étroit, et
les matelots ne pouvaient diriger le bâti
ment qu'en faisant des sauts habiles et de
hardis plongeons au milieu de cet océan
confus de bras, 'de jambes et de tètes. Les
passagers du pont regardaient cette partie
du bateau comme leur propriété, et re
poussaient violemment .toute teniative d'u
surpation sur leur domaine. Trois ou qua
tre Européens avaient placé au haut de
l'escalier de la cabine une couple de chai
ses pour deux dames, et faisaient cercle
autour d'elles en fumant des cigares du
Levant; aussitôt des pèlerins vinrent les
trouver en grande colère, et exigèrent impé
rieusement qu'ils rentrassent dans leurs ca
bines. Mais leur ardeur à soutenir leurs
droits tourna contre eux : les Européens se
plaignirent au capitaine de la brutalité des
pèlerins et de la dure captivité à laquelle on
les réduisait. Le capitaine du navire, Italien
aux regards farouches, aux moustaches noi
res et refroguées , s'emporta violemment
contre les pèlerins, déclama contre l'inva
sion des abus avec une emphase et une
abondance qui sentait son origine, et finale
ment relégua les tapis et les coussins à l'ex
trémité de l'avant, et accorda aux Européens
trois fois au moins la yaleur de l'espace
î -''ils avaieat demandé,
Les passagers présentaient presque toutes
les variétés de la race humaine : il y en avait
de blancs, de noirs, avec les nuances de ces
deux couleurs principales. Ils portaient les
costumes les plus divers, remarquables à la
fois par leur prétention et leur malpropreté;
tout cela s'agitait, parlait, criait sur le pont
et dans les cabines : -là surtout les voya
geurs supportaient les plus horribles souf
frances ; on fermait toutes les ouvertures,
sans laisser pénétrer aucun souffle d'air pur,
de sorie qu'il régnait dans cet espace étroit
une chaleur' intolérable dont quelques en-
fans manquèrent d'être victimes. Cette triste
navigation eut enfin un terme, les pieux
alléluia des pèlerins nous annoncèrent que la
terre était en vue, et, bientôt après, l'ancre
tomba dans le golfe de Beirout avec un re
tentissement bien ogréable pour des voya-
.geurs épuisés.
Mais nous avions encore à subir l'opéra
tion la plus ennuyeuse de la traversée: il s'a
gissait, pour nous, de descendre à terre et
de subir la visite de la douane. Les navires
ne.peuvent pas aborder au rivage, et même
les petits bateaux dans lesquels on descend
ne déposent pas les voyageurs sur la terre
ferme. Ma malle et moi" nous arrivâmes au
bord sur le dos de deux Arabes nus jusqu'à
la ceinture; et c'est grâce à ce moyen primi
tif de transport; que nous fîmes sans nous
mouiller notre enirée triomphale dans la
douane de Beirout. Les employés de cette
ville se montrent d'une rigueur excessive
dans l'exercice de leurs fonctions. L'und'en-
tre eux me demanda d'une voix impérieuse
à voir tous mes effets, et quand, pour m'é-
pargner les embarras de cette visite inuti
le, je lui fis offrir quelque argent par
mon drogman, sa vertu se regimba, et
il se montra pour moi d'une rigueur farou
che. Il chercha partout, fouilla tout, pupitre,
boîte de toilette, sac, jusqu'au moindre coin;
il voulut tout examiner. Eu revanche, j'eus
la satisfaction de le voir se brûler le gosier
avec upe énornie gorgée d'eau de Cologne
que, dans son zèle pour le trésor public, il
eut le courage d'avaler. Je ne pus m'empê-
cher de sourire de l'horrible grimace que lui
arracha le goût de ce singulier breuvage. Il
le vit, et sans doute potir se venger, il saisit
une paire de pantoufles achetées à Constan-
tinople et refusa de me les rendre. Plus tard
il me les fit oflrir pour douze piastres ; mais
afàhj, appris que j'avais l'intention d'évoquer
l'affaire devant le consul, il me les renvoya
à l'hôtel sans rien réclamer.
Enfin, je fus libre, et je pus contempler à
loisir le panorama merveilleux qui se dérou
lait devant nos yeux depuis le moment où
la terre nous était apparue. C'est sans con
tredit un d«s spectacles les plus enchanteurs
qu'il m'a été donné jusqu'ici de contempler.
La majesté de Constantmople, la grâce pit
toresque de Smyrne étaient encore présentes
à ma mémoire, et réveillaient dans mon
cœur de bien doux souvenirs; mais la vue
'• de Beirout me fit éprouver de plus vifs sen-
timens, et exerça sur moi je ne sais quelle
Tascination nouvelle et plus agréable en
core. La ville avec ses blanches maisons
est au fond de ia baie, et prolonge de
chaque côté ses édifices," comme si dans ses
deux bras puissans elle voulait étreindre la
mer. A gauche s'élèvent,.d'étage en étage ,
des collines de la forme et de la hauteur les
plus diverses. Quelques-unes sont de sim
ples tertres, d'autres prennent les propor
tions d'une petite montagne. Ces collines
courent derrière la ville qui s'étend en pente
sur le devant, de sorte que, d'un coup-d'œil,
on peut embrasser tout l'amphithéâtre. A
droite, le terrain est élevé, maissans colline^.
Le littoral de Beirout est d'un aspect ori
ginal. Il était formé d'abord par d'immenses
constructions que la mer a minées et détrui
tes graduellement. Aujourd'hui, elles sont
•* totalement tombées sous l'effort des vagues,
isais présentent encore, enquelques endroits,
l'aspect de roches artificielles et de gouffres
de pierre, où l'écume des flots vient s'a
monceler. Çà et là, ces ruines, témoignages
d'une splendeur qui n'est plus, forment de
vastes réservoirs remplis d'une eau limpide
et presque tiède, jusqu'à une profondeur con
sidérable. Une multitude infinie de petits
poissons aux couleurs les plus variées, se
joue dans ces viviers paisibles, et s'y multi
plié sans avoir à y craindre les filets des pê
cheurs ni la voracité des gros poissons.
Au-dessus de la colline la plus élevée se
dresse le mont Liban, le front chargé de
neiges éternelles. Ces hauteurs majestueuses
se-déploient largement à la gauche de la baie,
et se déroulentlumineuses, étincelantes, tan
dis que, vers le centre du paysage, une seule
montagne, trône allier dont les autres mon
tagnes ne sont que les degrés, réuni; sur elle
lesfeux isolés des autres sommets, et, comme
1 les facettes d'une cornaline blanché, les ré
fléchit et les renvoie par-dessus les collines
empourprées. Le coucher du soleil est le
moment le plus favorable pour contem-,
pler ce ravissant tableau. A un certain mo
ment, le soleil semble hâter sa marche
pour se précipiter dans le sein de la
mer ; ses rayons , plus ardens que ja
mais, illuminent le Liban et les collines
inférieures des teintes les plus vives, et les
abandonnent peu à peu pour disparaître
tout à fait. On croirait voir jouer les lumiè
res artificielles du théâtre. Le soleil, en des-
cendantversl'occident, darde loutesses flam
mes sur le devant des montagnes, et pendant
quelques minutes la masse entière des hau
teurs s'enveloppe d'une auréole lumineuse,
que domine encore la pointe étincelante du
Liban. Puis, à mesure que les collines per
dent tour à tour cet éclat cramoisi, l'albâtre
de la mon tagne se teint du rose le plus dé
licat, et conserve cette couleur quelque
temps encore après que les ombres, s'abais-
sant sur les collines de moindre hauteur, ont
confondu leurs contours dans une vague
obscurité, et recouvert d'une teinte grise et
sombre les flots diaprés de la Méditerranée.
Ces dernières couleurs disparaissent tout-à-
coup, et le Liban rentre dans les ténèbres
jusqu'à ce que les rayons de la lune en illu
minent à leur tour les sommets, et répandent
sur toutes les faces de la montague leur lu
mière douce et vaporeuse. Pourquoi un poète
ne vient-il pas au pied de ces montagnes ad
mirer ce riche panorama, s'enivrer de la vue
de cette magnifique nature et puiser à cette
source féconde l'enthousiasme et la poésie?
Li ville de Beirout a un caractère tout-à-
fait oriental. Les rues sont plus étroi
tes et plus sombres que dans toute au
tre ville du Levant. Cela tient à ce que
les maisons s'avancent beaucoup sur la rue,
et forment des voûtes qui redoublent l'obscu
rité : aussi n'est-ce pas sans effroi qu'on se
plonge dans ces sortes de caves, au fond des
quelles on aperçoit de petites boutiques. Le
marchand s'y occupe quelquefois de son com
merce, le plus souvent il fume nonchalam
ment un chibouk ou un narghilé. Un des
commerces principaux est celui de vases en
terre d'une l'orme primitive et de filtres gros
siers dont on fait un grand usage en prient.
On vend aussi en grande quantité des kobob;,
pièces de inoutons forl épicées, que les mar
chands enfilent à des broches et suspen
dent à l'entrée de leurs boutiques." Les con
fitures de Beirout sont aussi fort estimes
et ceux gui les fabriquent font preuve d'une
grande fertilitéd'imagination, dans la varié
té d'espèces qu'ils composent. La vente du
poisson est soumise à un monopole ; j'en ai
vu des masses considérables au dépôt où on
l'apporte, mais aucun n'a le bon goût dès
nôtres : le poisson d'Orient est presque tou
jours flasque et mou.
Aueentredelaville se trouvent les maisons
des consuls, groupées amicalement les unes
à côté des autres ; de loin une petite forêt de
mâts et de pavillons annonce à l'étranger
que là il est sûr de trouver appui et protec
tion. Tout à côté se tient un marché. Sept
on huit tentes immenses, pareilles à ae
gigantesquesombrelles, se soutiennent mu
tuellement et se relient par d'innombra
bles cordages aux maisons élevées qui en
tourent la place. Au centre une fontaine
bourbeuse, distribue ses eaux et offre sur
ses bords des places favorables aux mar
chands privilégiés. Une des tentes ren
ferme des amas de blé étendus sur le sol nu.
Dans une autre tente est établi une sorte de
théâtre forain où l'on montre des images.
La troisième ne contient rien encore, maie
deux Arabes l'ont choisie pour y faire assaut
d'injures, et se querellent avec de grands cris
et la plus violente pantomime. Ailleurs, on
en serait bientôt venu aux coups ; ici les
basses elasses ne vont pas si loin et se
laissent rarement entraîner aux voies de fait.
Une rue étroite, qui conduit au marché, gst
remplie d'une foule nombreuse qui, assise à
terre, tamise du blé sans,faire attention aux
chevaux ou aux chameaux qui tinversent
la rue et s'avancent à travers leurs jambes
et sur leurs amas de grains. Quelques sol
dats turcs flânent au milieu de la foule et
écoutent toutes ces criailleries et regardent
toutes cea occupations avec un mépris tout
militaire.
Comme Smyrne, Beirout est partagée en
plusieurs quartiers. Chaque race, chaque pro
fession a son quartier distinct et> complète-
meut séparé des autres. Dans tous, la boue
semble etre uï$e* chose sacrée; car personne
n'y toucue paur eu débarrasser lés rues. Uû
jour de sabbat, je me décidai à profiter d'une
invitation qui m'avait été faite et à visiter le
quartier des juifs. UnisraélHe, très considéré
dans k ville, voulut bien me servir d'intro
ducteur; aussi je fus parfaitement accueilli
dans trois ou quatre maisons où je me pré-
MUMf3Jk.lTlL ï r&e &
B 1852. - SAMEDI 19 JUIN.
PKSX DS X'ABOHKESflEiiiï
PARIS ....... 18 F. PAB. TRIMESTJRS,
DÉPAIITEMENS. 10 Y. —
UN NUMÉRO : S® CENTIMES:
fooa lbs pays étrangers , se reporter
tableau qui sera publié dans le jouraal,'
10 et S3 de chaque moisï
tst eôotonmens datent des 1*
de chaque tuait.
et 16
S'adresser, franco, pour la rédaction , à M.' C uchevài- C laiugn
Les articles déposés ne sent pas rendus.
JOURNAL POLITIQUE, LITTERAIRE, UNIVERSEL.
On s'abonne, dont les âépartemens, aux Messageries et aux Directions de poste,—A Londres, chez Mil. CowiE et fils.
— A Strasbourg, chez M. ÂMXÂSXmi, pour VAllemagne*
S'adresser, franco, pour l'administration, à M.[D emain , directeur1
vr -sia
Les sanonoes sont reçues au bureau du Journal; et chez M. PANIS, régisseur, 10, place de la Boucs
PARIS, 18 JUIN.
Les nouvelles des Etats-Unis nous appren
nent que la convention démocratique de
Baltimore avait commencé ses travaux. Cha
que Etat dispose dans cette convention d'un
nombre de voix égal à celui des électeurs pré
sidentiels qu'il a droit de nommer ; mais il
peut se faire représenter par autant de dé
légués qu'il le juge convenable. Aussi, quoi
que le nombre total des suffrages exprimés
dans la convention ne puisse dépasser 295,
l'assemblée de Baltimore compte plus de
mille délégués présens. On ne sera donc pas
étonné d'apprendre que les premières séan
ces aient donné le spectacle de la confusion
la plus grande, et se soient consumées à ré
gler les arrangemens intérieurs au milieu
de querelles continuelles et d'un désordre
inexprimable.
Comme les hommes importans des deux
partis ne manquent jamais de figurer dans
cesiéunionspréparatoires,soient qu'ils accep
tent le mandat de délégués, soient qu'ils se
réservent d'user de leur influence sur leurs
co-religionnaires politiques, le sénat «les
Etats-Unis a dû suspendre ses séances pen
dant la durée de la convention démocratique;
et'la chambre des représentai, en présence
de ses banquettes dégarnies, a dû suivre
l'exemple du sénat. La politique n'est plus à
Washington en ce moment; elle est tout en
tière à Baltimore.
Les journaux américains se perdent én
conjectures sur le choix auquel s'arrêtera le
parti démocratique. M. Cass et M. Buchanan
paraissent encore être les deux candidats les
plus importans ; mais les premiers travaux de
la convention ont montré que les chances de
M. Douglas étaient beaucoup plus sérieuses
qu'on ne l'avait pensé. M. Douglas, .qui a
exercé dès fonctions judiciaires importan
tes, appartient à l'Etat "d'Illinois. C'est donc
ce qu'on appelle un homme de l'Ouest, c'est-
à-dire de la portion la plus jeune delà confé
dération, de celle qui n'a encore fourni aucun
président aux Etats-Unis. Or, les Etats de
l'Ouest,'dont le nombre et la population
grandissent chaque jour, brûlent de jouer
un iô!e en rapport avec leur importance, et
leur plus ardente ambition serait de voir pren
dre <îans leur scia le magistrat suprême de
l'Union. On soupçonne que, cette fois, tous
les délégués de l'Ouest se sont entendus pour
porter leurs voix sur M. Douglas, sinon au
premier, du moins au troisième ou quatriè
me des nombreux scrutins qu'on prévoit,
afin de faire passer inopinément le candidat
qu'ils se plaisent à appeler « le jeune géant
de l'Ouest », par opposition aux candi
dats émérites et surannés du parti. On accu
se en même temps l'ancien président Van
Buren de ne s'être rendu à Baltimore que
pour travailler sourdement à faire échouer
le général Cass, et pour satisfaire ainsi une
vieille rancune.
Maie l'événement le plus considérable que
mentionnent les dernières nouvelles, s'est
produit au sein du parti whig. Un adver
saire ardent du général Scott a été exhurtîer
quatre lettres écrites par ce général, il y a
dix ans, la première fois qu'il ambitionna
ia candidature; et il a eu li malice de ne les
publier qu'au dernier moment, afin d'in
duire en erreur les lecteurs peu attentifs et
de prendre par surprise les amis du général.
.Nous avons expliqué la situation embarras
sée du général entre ses* amis du Nord et
a ■■s amis du Sud, et la nécessité où il se trou
vait de s'absteair de toute exposition de
principes et de toute déclaration trop pré
cise. La publication qui vient d'être faite, le
met dans l'obligation de renier son passé ou
de brûler ses vaisseaux.
Des quatre lettres dont nous parlons, deux
ont trait à des questions définitivement tran
chées et que les whigs ont renoncé à raviver,
comme le rétablissement de labanque centrale
des Etats-Unis. Les deux autres touchent au
contraire à des questions brûlantes. Dans la
première le-général Scott se déclare favora
ble à l'annexion du Canada, c'est-à-dire à
l'introduction dans la confédération de plu
sieurs Etats libres qui feraient pencher la
balance en faveur des états du Nord et con
tre les états du Sud, et assureraient une ma-
j orité constante aux adversaires de l'esclavage.
On peut juger si cette révélation est de nature
à concilier au général Scott les suffrages des
whigs du Sud, au moment où les Etats à es
claves se prétendent menacés dans leurs in
térêts les plus chers et ont songé un instant
à sortir de la confédération. Les défiances
que leur inspire le général à cause de ses
liaisons avec les abolitionistes ne peuvent
manquer de s'en accroître.
La seconde lettre ne fera pas moins de
tort au général. Il y a dix ans, l'infLuence po
litique exercée dans les Etats riverains de l'O
céan par les émigrans de l'Irlande et de l'Al
lemagne, commença à exciter l'inquiétude et
la jalousie parmi les habitans indigènes.
Dans les Etats de New-York et de Pensylva-
nie un parti considérable se forma pour de
mander le retrait des droits politiques trop
libéralement accordés aux étrangers. C'est
ce qu'on appelle le' nativisme. Le général
Scott, au début de sa carrière politique, s'é
tait posé comme le champion des nati-
vistes, et, dans la lettre en question, il pro
teste très vivement contre l'abus qui fait
admettre au rang des citoyens, après un sé
jour de quelques mois, les hordes affamées
que l'Allemagne et l'Irlande expédient en
Amérique. Une telle profession de foi et un
tel langage ne sont pas de nature à concilier
au général les suffrages des millions d'Irlan
dais et d'Allemands qui sont aujourd'hui
établis aux Etats-Unis, et qui disposent de la
majorité dans la Pensylvanie, l'Ohio et l'In-
diana.
L'époque qu'on a choisie pour cette exhu
mation inattendue de lettres depuis long
temps oubliées, ne laisse aucun doute sur la
pensée qui y a présidé. Les auteurs de cette
publication connaissent le terrain, et ils ob
tiendront peut-être le succès qu'ils se sont
sans doute promis. On ne saurait dissimuler
que l'apparition de ces quatre lettres n'ait
été un coup de Jarnac porté à la candidature
du général Scott. L'impression produite a
été très prompte et trè? profonde, surtout
au Sud. Il ne serait pas impossible que les
délégués des Etats à esclaves fussent arrivés
à la convention whig qui a dû se réunir le
16 juin, avec le mandai d'exclure formelle
ment le général Scott de la candidature.
CUCIIEVAL-CLA.RIGN Y.
Le décret du 9 juin qui a modifié les attri
butions du conseil d'amirauté, est destiné à
exercer une certaine influence sur les desti
nées de notre flotte. Le conseil d'amirauté
est le conseil suprême de la marine; dans
toutes les questions importantes, il estappelé
à intervenir avec ses lumières spéciales et
l'autorité de sa haute expérience. Il conserve
les traditions dans un département ministé
riel où l'esprit de suite est essentiel.
Avant le dernier décret, le conseil d'ami-
rau lé se trouvait investi d'une prérogati ve im
portante : elle consistait à présenter, au minis-;
tre lés officiers qui étaient jugés dignes, soit
de recevoir de l'avancement, soit d'obtenir le
commandement des bâtimens de l'Etat, soit
d'être récompensés par une promotion dans
l'ordre de la Légion-d'Honneur ; à cet effet le
conseil, d'après l'examen des notes fournies
par les chefs de services et par les comman
dans de navires, dressait, au 1 er janvier de cha
que année, trois tableaux : le tableau d'avan
cement, le tableau des commandans, le ta
bleau de la Légion-d'Honneur. Le tableau
d'avancement comprenait un nombre de
candidats égal au douzième du personnel
de chaque grade. Nul ne pouvait-être avan
cé au choix s'il n'était perté sur le tableau.
Néanmoins, en cas de services extraordinai
res , le ministre inscrivait les officiers qui
méritaient cette récompense. Le tableau d'a
vancement ne comprenait, d'ailleurs, ni les
officiers généraux ni les capitaines de vais
seau. Le nouveau décret laisse. subsister ce
tableau, mais il attribue au ministre le droit
d'y inscrire directement les officiers attachés
à son état-major et à celui du chef de l'Etat.
On le sait, c'est un usage consacré au dépar
tement de la marine, que les ministres, mê
me appartenant à l'ordre civil, aient de,s ai
des-de-camp attachés à leur personne , ou
plutôt à leur fonction.
Le tableau des commandemens présentait
un nombre de candidats double de celui des
vacances présumées pendant l'année. Nul ne
pouvait être appelé à commander un bâti
ment s'il n'était porté sur le tableau des
commandemens. Néanmoins lorsqu'il s'agis
sait de missions spéciales ou de campagnes
extraordinaires, de commandemens de sta
tions ou de subdivisions navales, le ministre
pouvait choisir les officiers commandans en
dehors du tableau.
Le conseil d'amirauté avait proposé de
dispenser les capitaines de vaisseaux de l'o
bligation d'y figurer. D'après le nouveau dé
cret, ces tableaux sont supprimés pour tous
les grades.
Le ministre a pensé que les membres du
conseil d'amirauté peuvent être involontai
rement entraînés à faire une part plus large
aux officiers qu'ils ont connus, dont ils ont"
personnellement apprécié le mérite, et qu'ils
pourraient oublier davantage ceux qui ont
servi sous d'autres ordres que les leurs,
et dont ils ne connaissent les noms que par
les rapports indirects qui leur sont par
venus. A titre égal, ils pourraient donner
la préférence à ceux qui ont vécu dans leur
intimité. Et, d'ailleurs, est-il dit dans le rap
port, le chef de l'Etat, doût l'œil embrasse
tous les services, qui, aux termes de la Cons
titution, commande les armées de terre et de
mer, dont la main dispense toutes les digni
tés, tous les emplois, tous les honneurs, ne
peut disposer du moindre bâtiment de la
flotte, quels que soient d'ailleurs le mérite
et la capacité de l'officier qui a fixé son,
choix, si cet officier ne lui a pas été anté
rieurement présenté dans des conditions res
treintes.
A l'avenir, le ministre aura toute liberté
dans le choix des officiers qu'il pr oposera au
Président de la République pour le comman-
dtment des bâtimens.
Le tableau de la Légion-d'Honneur était
établi d'après le même principe que celui
des commandemens, c'est-à-dire qu'on de
vait y faire figurer un nombre de candidats
double de celui des nominations présumées.
11 ne comprenait pas les officiers généraux.
Le décret supprime également ce tableau.
Le conseil d'amirauté ne comptait aupa
ravant que trois officiers généraux dans son
sein. Le décret en admet un quatrième;
ainsi renforcé, il reste chargé de donner ses
avis sur l'administration de la marine et des.
colonies, sur l'organisation de l'armée na
vale, sur le mode d'approvisionnement, sur
les constructions navales, sur l'emploi des
forces navales. Il s'est reconnu lui-même in
compétent dans l'examen du budget et de la
loi des comptes.
Tels sont les principaux changemens que
le décret du 9 juin apporte dans l'organisa
tion "du conseil d'amirauté. Ce «conseil est
ramené à un rôle purement consultatif. Il
n'en est point ainsi en Angleterre, où le con
seil d'amirauté a des ^prérogatives beaucoup
plus étendues et où il administre directe
ment. Le ministre de la marine n'a pas pensé
que cela fût possible en France, et l'autorité
attribuée au conseil d'amirauté lui a paru
incompatible avec le principe de la respon
sabilité ministérielle. Seul responsable vis-
à-vis du gouvernement et du pays, ila voulu
concentrer entre ses mains l'intégralité du
pOUVOir. . DENAIN.
On sait qu'un décret du Président de'la Ré
publique a autorisé les maréchaux de Fran
ce à placer sur leur poitrine, parmi leurs
décorations, la médaille militaire, cette mo
deste récompense du soldat qui, par sa va
leur et par sa bonne conduite, a mérité une
distinction. Dans les cérémonies publiques,
le chef de l'Etat porte lui-même le ruban
et les insignes dé cet ordre récent, insti
tué par lui en faveur des sous - officiers
et des soldats. Une nouvelle mesure vient
d'étendre le privilège de porter la mé
daille militaire aux généraux qui ont rempli
les fonctions de ministre et à ceux qui ont
exercé des commandemens en chef.Dix géné
raux. se trouvent compris dans ce décret : les
généraux Randon , Schramm , La Hitte ,
d'Hautpoul et Regnaud de Saint-Jean-d'An-
gelv, qui ont été ministres; le général Leroy
(le Saint-Arnaud, actuellement ministre delà
gaufre, et qui «commandé en chef dans l'ex-
pedition de la petite Kabylie, et les généraux
ae Castellane, Gémeau, Magnan et Baraguey-
d'Hilliers, qui ont exercé ou qui exercent en
core des commandemens en chef. Il nous
semble que dans cette liste on a omis le nom'
du général Rostolan , qui a commandé en
chef l'armée expéditionnaire de Rome.
HENRY c AU VAIN.
Nous trouvons aujourd'hui dans leBulletin
des Lois, le décret suivant, daté du 31 mai :
Louis-Napoléon, Président de la République
française,
Considérant que des actes de rébellion se sont
manifestés à l'établissement disciplinaire spécial
de Lambessa, où sont réunis les transportés de
1848, et que les officiers et sous-officiers prépo-.
sés.à leur garde sont en butte à des menaces qu'il
importe de faire cesser ;
Considérant qu'il est juste, d'un autre côté, de
faciliter le retour au bien de ceux qui sorit dispo
sés à obéir à l'autorité,
Décrète :
Art. 1". Seront conduits à Cayenne les trans
portés de 1848 qui, depuis leur arrivée en Algérie,
out été ou seront à l'avenir condamnés à une pei
ne al'flictive et infamante, pour insubordination
ou pour tout autre crime.
2. Les transportés de 1848 qui se refuseront au
travail et à l'obéissance, et contre lesquels tous
les moyens ordinaires de répression disciplinaires
auront été vainement épuisés, recevront la même
_ destination..
3 ."T >
aux articles 3 et 4 du décret du 28 mars 1852,
les transportés de 1848 qui offriront des garanties
de bonne conduite et d'aptitude pour le travail.
4. Les dispositions des art. 1 et 2 du présent
décret, dont l'exécution est confiée au ministre de
le guerre, seront applicables aux transportés de
18S2.
Nous avons parlé de la pétition faite par
un grand nombre de communes de la ban
lieue pour que le pont du ehemin de fer de
ceinture, jeté "sur la Seine entre Bercy_ et
Ivry, présentât une voie annexe destinée à
la circulation des piétons et des voitures.
Nous apprenons que cette affaire est sur le
point de recevoir une solution favorable.
Les conseils municipaux des communes
de Bercy et d'Ivry sont convoqués à l'ef
fet de délibérer sur le montant des co
tisations qu'ils pourraient olfrir pour l'exé
cution de ce travail. Le conseil général
de la Seine voudra sans doute coopérer égale
ment àune dépense d'utilité départementale.
En attendant, les travaux du pont sont
ralentis. Il importe qu'on se hâte de pren
dre un parti afin de profiter de l'état des
eaux 'dèTa rivière, qui permet de donner
une grande activité aux constructions.
L. B omïage.
Le comité spécial-chargé de faire un rap
port sur l'état mental de M. Feargus O'Con-
nor, a présenté mercredi ses conclusions à
la chambre des communes. Aux témoigna
ges des membres du parlement qui avaient
été victimes des excentricités de M. O'Con
nor, est venu se joindre celui de sa propre
sœur. Cette dame a produit des certificats de
médecins constatant que son frère ne jouit
pas de la plénitude du bon sens nécessaire,
non-seulement à un député, mais à tout ci
toyen dans ses rapports avec ses semblables.
En conséquence, le comité a proposé à la
chambre ne décider que M. O'Connor serait
conduit dans une maison d'aliénés.
Cette proposition a été adoptée, et, le jour
même, M. O'Connor, délivré de la surveil
lance d'un sergent d'armes, a été conduit,
à Chiswick, dans une maison de fous dirigée
par le docteur Tooke. Ainsi le chef de l'agi
tation chartiste va finir sa vie politique au
Charenton'de l'Angleterre, l, bonifvce.
SÉNAT.
LeSénat s'est réuni hier, 17 juin, sous la prési
dence de M. Mesnard.
Le bureau a été complété par l'élection de MM.
le comte Siméon, et le comte de Lariboisière com
me vice-secrétaires.
La loi portant règlement définitif du budget de
1849, a été communiquée au sénat.
M. le marquis d'Audiffret a lu le rapport sur la
loi portant règlement définitif du budget de 1848.
Le Sénat a déclaré ne pas s'oppeser à la promul
gation de plusieurs lois d'intérêt local qui ont
été portées devant lui, après avoir été adoptées
par le Corps Législatif.
La séance a été complétée par des rapports de
pétitions.
11 y aura séance au Sénat lundi 21 juin pour la
délibération sur plusieurs lois.
CORPS LÉGISLATIF.
Sommaire de la séance du vendredi 18 juin 18S2.
Ouverture de la séance à trois heures.—Lecture
et adoption du procès-verbal de la séance du 15
juin.
Lecture par' M. le comte d'Argout du rapport
annuel de la commission de surveillance des cais
ses d'amortissement et des dépôts et consignations.
—Prolongation'de congé accordée à M. le général
baron Gorss. — Congés accordés à MM. de Bryas,
de Mépieu, de Parieu et Pongérard. — Lecture
par Jl. le président de plusieurs projets de lois
transmis au Corps Législatif par M. le ministre
d'Etat, et relatifs : 1° A la concession du chemin
de fer de Paris à Cherbourg; 2* à la concession
du chemin de fer de Bordeaux à Cette ; 3° à un
crédit de 120,000 fr., pour dépenses de décora
tion et d'ameublement nécessaires à l'installation
du Musée impérial etroyal; 4° à un crédit extraor
dinaire de 400,000 fr. pour secours généraux aux
hospices et autres établissemens de bienfaisance;,
S 0 à des dispositions nouvelles à insérer au projet
de budget pour l'exercice 1853 et concernant le
cumul.
Lecture par M. le président de plusieurs autres
projets de loi d'intérêt local. —Lecture d'une dé
pêche de M. le. ministre d'Etat, transmettant au
Corps Législatif une nouvelle rédaction délibérée
au conseil d'Etat pour l'art. 1 er du projet de loi
sur la cession du bois de Boulogne à la villa de
Paris. — Lecture d'une dépèche de M. le ministre*
d'Etat, relative aux travaux de Jacommission char
gée de l'examen du projet de loi portant établisse
ment de nouveaux impôts. —Dépôt par M. Chas-
seloup-Laubat, du rapport sur le projet du budget
pour l'exercice 18S3. — Dépôt par M. Fouché-Le-
pelletier des rapports sur deux projets de loi rela
tifs à des créances comprises dans des exercices
clos et périmés.— Fixation au mardi 22 juin, de
la discussion du budget de l'exercice 1853.
La séance est levée.
Statistique de l'industrie parisienne.
(2 e article.) (1)
Abordons les chiffres, maintenant, avec
cette confiance que leur méritent la rare sa
(1) Voir le Constitutionnel du 10 juin.
gacité et la sûreté' de méthodë'dônt les coin
missaires ont fait preuve dans dés recher
seulement, l'esprit ; elles intéressent encore
le cœur : chaque branche d'industrie, en effet,
est étudiée au double point de vue économique
et moral. La Chambre de commerce, par
exemple, nous apporte des révélations inat
tendues sur ces tristes domiciles appelés si
improprement garnis, dans lesquels la mi
sère volontaire ou non,inéritée ou non^s'en
tasse douloureusement. Il ne s'agit donc pas
seulement ici de chiffres décharnés qui se li
vrent en pâture aux esprits oisifs et aux gens
de métier; mais d'une œuvre que la grande
et vraie morale a revêtue de son sceau di
vin, d'une œuvre vivante et féconde que l'é
conomiste, l'homme d'Etat et la croyance
religieuse méditeront toujours avec fruit,
s'ils y cherchent ce qui s'y trouve. Pour moi,
je ne puis offrir au lecteur qu'un petit nom
bre d'aperçus curieux : un in-folio et 5 ki
logrammes de .chiffres ne sauraient vrai
ment se réduire aux minces proportions
d'un article de journal. .
A Paris, on compte 64,816 industriels ou,
entrepreneurs d'indus tries,occupant 342 ,530
ouvriers de l'un et de l'autre sexe et de tout
âge. 7,117 maîtres ont plus de 10 ouvriers;
25,116 en emploient de 2 à 10 ; 32,583 tra
vaillent seuls, ou n'occupent qu'un ouvrier.
Dès le début,-nous avons l'importance to
tale des affaires, divisée entre les treize
groupes, pour 1847 et pour 1848. Ceci est
bien de l'arithmétique politique, et les trois
colonnes suivantes retentiront certainement
dans l'histoire :
IMPORTANCE DES AFFAIRES.
Ameublement
Bâtiment
Métaux, mécanique
Métaux précieux c
Fils et tissus
Articles de Paris
Yètément .
Boissellerie, vannerie ...
Imprimerie, gravure, pa
peterie...
Sellerie, carrosserie,équi
pement
Chimie, céramique
Aliment,
Peaux et cuirs
En 1847.
En 1848.
nutioa»
137.145.246
145.412.679
103.631.601
134.830.276
105.818.474
128.658.777
240.947.293
20.482.304
34.716.396
50.170.045
37.165.698
49.657.804
45.782.971
60.030.223
114.801.803
10.035.604
75 p. e/«.
66 —
64 —
63 —
57 —
53 —
52 —
51 —
51.171.873
27.363.484
47 —
52.357.176
74.546:606
226.863.080
41.762.965
28.106.557
40.867.552
150.811.980
28.014.000
46 —
45 ^
34 —
33
1.463.628.350
677.524.117
54 p. ©/Ô,
Dirai-
Je n'appuierai pas sur la douloureuse si
gnification de ces chiffres; ils parlent avec as
sez d'éloquence. Mais l'enquête, après avoir
donné le nombre des ouvriers employés en
1847 eten 1848, nombre qui correspond d'une
manièresi singulièrement exacte avec la dimi
nution de valeur produite, que la perte est
juste de 54 0/0 ; l'enquête, dis-je, fait obser
ver que les effets de la crise sur la popula
tion laborieuse doivent être plus graves en
core que ne l'indique le recensement, et
qu'il faudrait ajouter aux ouvriers congé
diés beaucoup de ces petits patrons qui oc
cupent moins de dix ouvriers. Ensuite, quel
ques industries spéciales ont beaucoup plus
souffert que ne l'indique;, la moyenne du
groupe où elles se confondent. Ainsi, l'orfè
vrerie a perdu 73 0/0 ; les dessinateurs de
fabrique, 80; et tout ce qui tient à la car
rosserie, de 83 à 90.
Voici les treize groupes rangés, selon l'im
portance des affaires, avec le nombre des
entrepreneurs et des ouvriers. Pour simpli
fier, je retranche ce qui dépasse les millions,
qui, on l'a vu, forment en valeur une som
me totale de 1,463,628.350 fr. chiffre ma
gnifique, dont l'élévation était à peiùe soup
çonnée. -
Vêtement
Aliment
Bâtiment
Ameublement -
Métaux précieux
Articles de Paris
Fils et tissus...
Métaux, mécanique
Chimie, céramique
Carrosserie,sellerie,équi
pement
Imprimerie, papeterie..
Peaux et cuirs
Boissellerie, vannerie...
Mil
Entre
(Ouvriers
lions.
preneurs
240
29.216
90.064
226
3.673.
10.428
145
4.061
41.(503
137
5.713
36.1*4
134
2.392
16.819
128
6.124
35.679
105
3.799
36.685
103
3.104.
24.894
74
1.259
9.737
52
1.253
13.754
51
2.235
16.705
41
426
4.573
20
1.561
5.405
64.816
342.530
Total
du
personnel»
119.280
14.101
45.604
41.897
19.211
41.808
40.484
27.998
10.99$
13.007
18.940
4.999
6.96$
407.346
FEUILLETON DB CONSTITUTIONNEL, 19 JUIV.
SOUVENIRS D'UN VOYAGE EN SVR1E.
BEEROUT.
Rien ne nous retenait plus à Smyrne; nous
prîmes le bateau àvapeur pour nous rendre
à Beirout, sur la côtedeSyrie. Beirout, Bey-
rout, B irût, ou quel que soit le nom qu'on
lui donne, est, en général, regardée par les
vovageurs comme un simple point d'embar
quement ou d'arrivée. Dans l'ardeur inquiè
te qui pousse" en avant les pélerius vers la
Terre -Sainte, ou leur faitquuter l'Asie pour
reprendre le chemin de leurs foyers, ils ac
cordent comme à regret , à cette belle et
•curieuse ville l'attention dont elle est
digne. Pourtant, bien des événemens his
toriques, qui ont eu du retentissement dans
le monde, se sont accomplis sur cette
baie qu'ils traversent à la hâte, et les vieux
remparts de la ville, assaillis tour à tour par
le feu grégeois, les flèches, les flammes et
les bombes modernes, pourraient leur re-
•dire bien des combats sanglansetdes assauts
meurtriers. Naguère encore, ils soutenaient
«n assaut mémorable dont, ils portent la
trace et s'écroulaient en partie sous le feu
prolongé des canons anglais, lorsqu'en 1840
. la flotte de l'Angleterre foudroya toute la
côte et arracha la Syrie aux mains de l'am
bitieux Ibrahim. " 1
Le paquebot "qui va deSmyrne à Beirout
met ordinairement six jours à accomplir le
trajet- Mais on ne peut se figurer l'ennui de
cette traversés, que lorsqu'on a vu les affreux
bateaux à vapeur qui font ce service. Il est
ivrai que le Lloyd autrichien ne se pique pas
d'égaler les constructions américaines. Pen-
•dantsix jours, je souhaitai ia terre avec autant
d'ardeur qu'en mit Christophe Colomb pen
dant deux mois à désirer la découverte d'un
nouveau monde. Notre bateau à vapeur était
chargé outre mesdre de pèlerins qui se ren
daient à Jérusalem, La plupart d'entre eux ne
tjouvaknt occuper que le pont. Aussi, de l'a
vant à l'arrière on avait tiré parti du moindre
poiïf-e de terrain ; les passagers cabines
ae pouvaient prendre nulle part un t ? aa
d'exercice, foule était compacte et en
tassée sur elle-même. Ua côté seul de l'ar
rière était recouvert d'une longue toile à
voile ; cette espèce de tente basse était ré
servée aux femmes et aux enfans. tes
querelles des uns, les cris des autres, le
vacarme résultant de tous ces bruits di
vers et peu harmonieux ne nous laissaient
pas un seul instant de répit. C'était surtout
pendant le calme silencieux des nuits, quand
les pélerius du pont avaient cessé tout mur
mure et cherchaient dans le sommeil l'ou
bli de leurs fatigués, que ce tapage discor
dant était le plus insupportable. L'esprit s'a
bandonnait à ces douces rêveries que la vue
de la mer et d'un beau ciel fait, toujours naî
tre, et, tout à coup, la plus triste réalité
noqs arrachait à ces hauteurs où nous nous
plaisions à nous égarer, et nous ramenait
par le contraste le plus affligeant sur le pont
de notre navire.
L'autre côté de l'arrière étaifoccupé par
d'autres groupes de pèlerins et par des Turcs,
qui emportaient avec eux leurs lapis et leurs
ustensiles de cuisine. Quoique moins nom
breux qu'au milieu du pont, ils étaient en
core trop pressés dans cet espace étroit, et
les matelots ne pouvaient diriger le bâti
ment qu'en faisant des sauts habiles et de
hardis plongeons au milieu de cet océan
confus de bras, 'de jambes et de tètes. Les
passagers du pont regardaient cette partie
du bateau comme leur propriété, et re
poussaient violemment .toute teniative d'u
surpation sur leur domaine. Trois ou qua
tre Européens avaient placé au haut de
l'escalier de la cabine une couple de chai
ses pour deux dames, et faisaient cercle
autour d'elles en fumant des cigares du
Levant; aussitôt des pèlerins vinrent les
trouver en grande colère, et exigèrent impé
rieusement qu'ils rentrassent dans leurs ca
bines. Mais leur ardeur à soutenir leurs
droits tourna contre eux : les Européens se
plaignirent au capitaine de la brutalité des
pèlerins et de la dure captivité à laquelle on
les réduisait. Le capitaine du navire, Italien
aux regards farouches, aux moustaches noi
res et refroguées , s'emporta violemment
contre les pèlerins, déclama contre l'inva
sion des abus avec une emphase et une
abondance qui sentait son origine, et finale
ment relégua les tapis et les coussins à l'ex
trémité de l'avant, et accorda aux Européens
trois fois au moins la yaleur de l'espace
î -''ils avaieat demandé,
Les passagers présentaient presque toutes
les variétés de la race humaine : il y en avait
de blancs, de noirs, avec les nuances de ces
deux couleurs principales. Ils portaient les
costumes les plus divers, remarquables à la
fois par leur prétention et leur malpropreté;
tout cela s'agitait, parlait, criait sur le pont
et dans les cabines : -là surtout les voya
geurs supportaient les plus horribles souf
frances ; on fermait toutes les ouvertures,
sans laisser pénétrer aucun souffle d'air pur,
de sorie qu'il régnait dans cet espace étroit
une chaleur' intolérable dont quelques en-
fans manquèrent d'être victimes. Cette triste
navigation eut enfin un terme, les pieux
alléluia des pèlerins nous annoncèrent que la
terre était en vue, et, bientôt après, l'ancre
tomba dans le golfe de Beirout avec un re
tentissement bien ogréable pour des voya-
.geurs épuisés.
Mais nous avions encore à subir l'opéra
tion la plus ennuyeuse de la traversée: il s'a
gissait, pour nous, de descendre à terre et
de subir la visite de la douane. Les navires
ne.peuvent pas aborder au rivage, et même
les petits bateaux dans lesquels on descend
ne déposent pas les voyageurs sur la terre
ferme. Ma malle et moi" nous arrivâmes au
bord sur le dos de deux Arabes nus jusqu'à
la ceinture; et c'est grâce à ce moyen primi
tif de transport; que nous fîmes sans nous
mouiller notre enirée triomphale dans la
douane de Beirout. Les employés de cette
ville se montrent d'une rigueur excessive
dans l'exercice de leurs fonctions. L'und'en-
tre eux me demanda d'une voix impérieuse
à voir tous mes effets, et quand, pour m'é-
pargner les embarras de cette visite inuti
le, je lui fis offrir quelque argent par
mon drogman, sa vertu se regimba, et
il se montra pour moi d'une rigueur farou
che. Il chercha partout, fouilla tout, pupitre,
boîte de toilette, sac, jusqu'au moindre coin;
il voulut tout examiner. Eu revanche, j'eus
la satisfaction de le voir se brûler le gosier
avec upe énornie gorgée d'eau de Cologne
que, dans son zèle pour le trésor public, il
eut le courage d'avaler. Je ne pus m'empê-
cher de sourire de l'horrible grimace que lui
arracha le goût de ce singulier breuvage. Il
le vit, et sans doute potir se venger, il saisit
une paire de pantoufles achetées à Constan-
tinople et refusa de me les rendre. Plus tard
il me les fit oflrir pour douze piastres ; mais
afàhj, appris que j'avais l'intention d'évoquer
l'affaire devant le consul, il me les renvoya
à l'hôtel sans rien réclamer.
Enfin, je fus libre, et je pus contempler à
loisir le panorama merveilleux qui se dérou
lait devant nos yeux depuis le moment où
la terre nous était apparue. C'est sans con
tredit un d«s spectacles les plus enchanteurs
qu'il m'a été donné jusqu'ici de contempler.
La majesté de Constantmople, la grâce pit
toresque de Smyrne étaient encore présentes
à ma mémoire, et réveillaient dans mon
cœur de bien doux souvenirs; mais la vue
'• de Beirout me fit éprouver de plus vifs sen-
timens, et exerça sur moi je ne sais quelle
Tascination nouvelle et plus agréable en
core. La ville avec ses blanches maisons
est au fond de ia baie, et prolonge de
chaque côté ses édifices," comme si dans ses
deux bras puissans elle voulait étreindre la
mer. A gauche s'élèvent,.d'étage en étage ,
des collines de la forme et de la hauteur les
plus diverses. Quelques-unes sont de sim
ples tertres, d'autres prennent les propor
tions d'une petite montagne. Ces collines
courent derrière la ville qui s'étend en pente
sur le devant, de sorte que, d'un coup-d'œil,
on peut embrasser tout l'amphithéâtre. A
droite, le terrain est élevé, maissans colline^.
Le littoral de Beirout est d'un aspect ori
ginal. Il était formé d'abord par d'immenses
constructions que la mer a minées et détrui
tes graduellement. Aujourd'hui, elles sont
•* totalement tombées sous l'effort des vagues,
isais présentent encore, enquelques endroits,
l'aspect de roches artificielles et de gouffres
de pierre, où l'écume des flots vient s'a
monceler. Çà et là, ces ruines, témoignages
d'une splendeur qui n'est plus, forment de
vastes réservoirs remplis d'une eau limpide
et presque tiède, jusqu'à une profondeur con
sidérable. Une multitude infinie de petits
poissons aux couleurs les plus variées, se
joue dans ces viviers paisibles, et s'y multi
plié sans avoir à y craindre les filets des pê
cheurs ni la voracité des gros poissons.
Au-dessus de la colline la plus élevée se
dresse le mont Liban, le front chargé de
neiges éternelles. Ces hauteurs majestueuses
se-déploient largement à la gauche de la baie,
et se déroulentlumineuses, étincelantes, tan
dis que, vers le centre du paysage, une seule
montagne, trône allier dont les autres mon
tagnes ne sont que les degrés, réuni; sur elle
lesfeux isolés des autres sommets, et, comme
1 les facettes d'une cornaline blanché, les ré
fléchit et les renvoie par-dessus les collines
empourprées. Le coucher du soleil est le
moment le plus favorable pour contem-,
pler ce ravissant tableau. A un certain mo
ment, le soleil semble hâter sa marche
pour se précipiter dans le sein de la
mer ; ses rayons , plus ardens que ja
mais, illuminent le Liban et les collines
inférieures des teintes les plus vives, et les
abandonnent peu à peu pour disparaître
tout à fait. On croirait voir jouer les lumiè
res artificielles du théâtre. Le soleil, en des-
cendantversl'occident, darde loutesses flam
mes sur le devant des montagnes, et pendant
quelques minutes la masse entière des hau
teurs s'enveloppe d'une auréole lumineuse,
que domine encore la pointe étincelante du
Liban. Puis, à mesure que les collines per
dent tour à tour cet éclat cramoisi, l'albâtre
de la mon tagne se teint du rose le plus dé
licat, et conserve cette couleur quelque
temps encore après que les ombres, s'abais-
sant sur les collines de moindre hauteur, ont
confondu leurs contours dans une vague
obscurité, et recouvert d'une teinte grise et
sombre les flots diaprés de la Méditerranée.
Ces dernières couleurs disparaissent tout-à-
coup, et le Liban rentre dans les ténèbres
jusqu'à ce que les rayons de la lune en illu
minent à leur tour les sommets, et répandent
sur toutes les faces de la montague leur lu
mière douce et vaporeuse. Pourquoi un poète
ne vient-il pas au pied de ces montagnes ad
mirer ce riche panorama, s'enivrer de la vue
de cette magnifique nature et puiser à cette
source féconde l'enthousiasme et la poésie?
Li ville de Beirout a un caractère tout-à-
fait oriental. Les rues sont plus étroi
tes et plus sombres que dans toute au
tre ville du Levant. Cela tient à ce que
les maisons s'avancent beaucoup sur la rue,
et forment des voûtes qui redoublent l'obscu
rité : aussi n'est-ce pas sans effroi qu'on se
plonge dans ces sortes de caves, au fond des
quelles on aperçoit de petites boutiques. Le
marchand s'y occupe quelquefois de son com
merce, le plus souvent il fume nonchalam
ment un chibouk ou un narghilé. Un des
commerces principaux est celui de vases en
terre d'une l'orme primitive et de filtres gros
siers dont on fait un grand usage en prient.
On vend aussi en grande quantité des kobob;,
pièces de inoutons forl épicées, que les mar
chands enfilent à des broches et suspen
dent à l'entrée de leurs boutiques." Les con
fitures de Beirout sont aussi fort estimes
et ceux gui les fabriquent font preuve d'une
grande fertilitéd'imagination, dans la varié
té d'espèces qu'ils composent. La vente du
poisson est soumise à un monopole ; j'en ai
vu des masses considérables au dépôt où on
l'apporte, mais aucun n'a le bon goût dès
nôtres : le poisson d'Orient est presque tou
jours flasque et mou.
Aueentredelaville se trouvent les maisons
des consuls, groupées amicalement les unes
à côté des autres ; de loin une petite forêt de
mâts et de pavillons annonce à l'étranger
que là il est sûr de trouver appui et protec
tion. Tout à côté se tient un marché. Sept
on huit tentes immenses, pareilles à ae
gigantesquesombrelles, se soutiennent mu
tuellement et se relient par d'innombra
bles cordages aux maisons élevées qui en
tourent la place. Au centre une fontaine
bourbeuse, distribue ses eaux et offre sur
ses bords des places favorables aux mar
chands privilégiés. Une des tentes ren
ferme des amas de blé étendus sur le sol nu.
Dans une autre tente est établi une sorte de
théâtre forain où l'on montre des images.
La troisième ne contient rien encore, maie
deux Arabes l'ont choisie pour y faire assaut
d'injures, et se querellent avec de grands cris
et la plus violente pantomime. Ailleurs, on
en serait bientôt venu aux coups ; ici les
basses elasses ne vont pas si loin et se
laissent rarement entraîner aux voies de fait.
Une rue étroite, qui conduit au marché, gst
remplie d'une foule nombreuse qui, assise à
terre, tamise du blé sans,faire attention aux
chevaux ou aux chameaux qui tinversent
la rue et s'avancent à travers leurs jambes
et sur leurs amas de grains. Quelques sol
dats turcs flânent au milieu de la foule et
écoutent toutes ces criailleries et regardent
toutes cea occupations avec un mépris tout
militaire.
Comme Smyrne, Beirout est partagée en
plusieurs quartiers. Chaque race, chaque pro
fession a son quartier distinct et> complète-
meut séparé des autres. Dans tous, la boue
semble etre uï$e* chose sacrée; car personne
n'y toucue paur eu débarrasser lés rues. Uû
jour de sabbat, je me décidai à profiter d'une
invitation qui m'avait été faite et à visiter le
quartier des juifs. UnisraélHe, très considéré
dans k ville, voulut bien me servir d'intro
ducteur; aussi je fus parfaitement accueilli
dans trois ou quatre maisons où je me pré-
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