Titre : Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1852-04-06
Contributeur : Véron, Louis (1798-1867). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32747578p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 avril 1852 06 avril 1852
Description : 1852/04/06 (Numéro 97). 1852/04/06 (Numéro 97).
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
NUMERO 9-T<
-JS&feiÉîAiJ'X, : ftie «le Valois (Palais-Royal;, n- 1®.
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paris......:. 13 f. pau trimestre.
JJÉPAKTEMENS. 1® F. —
UN NUMÉRO î 2« CENTIMES. ■;
. poob lbs pays ÉTRANGERS, se reporter
aa tableau qui sera publié dans Ajournai,
les 10 e as de ohaque mois.
18^2.-MARDI 6 AVRIL»
Lit aionnemens datent des 1 er et 16 ,
de chaque mois.
- S'adresser } franco, pour la rédactûn, à M.' C ^cheval- G urio. N ¥, rédacteur en chef-
• ' * * Les artlcle» déposés ne «oint pas rendus!
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
I
On s'ab nnej-dan- lesidépariemens; aux Messageries et aux\Directions de postéS^—A'Londres, -thés MM. Cowil
v " — AStrasbourg, chez M. AxEXANDaE,jJowr l'AUeme.gnei "* ■
et kl?."
|!^vîs5î ' ^adresser, franco^ pour Fadministration, à M. D enain, directeur
! Les &nnonoes*0ûi riigues àu iureau du journal; et 'chez M. PAN1S, régisseur, 10, place
place de la Bourse
PARIS, 5 AVRIL.
SOCIALISME. ET LIBRE-ECU ANGE, jf
' Les utopistes ne laissent ni paix ni trêve
à notre production nationale:-A peine vient-
elle d'échapper à toutes les inventions du so
cialisme, aux ateliers nationaux de M. Louis
Blanc, aux communes sociétaires de M. Con
sidérant, à la Banque du peuple de M. Prou-
dhon, qu'il lui faut se défendre contre les
agressions du libre-échange qui la prend de
nouveau à partie. . Nos free-traders, débar
rassés de concurrens dans l'œuvre de la ré
génération industrielle, offrent leur panacée
au Président de. la République comme un
moyen infaillible de développer le bien-être
des masses et d'affermir son gouvernement.
On n'aurait qu'à les laisser faire, et le pays
retomberait bientôt dans une situation non
moins périlleuse que celle à laquelle un mi
racle vient de l'arracher.
Si le socialisme et le libre-échange procè
dent de doctrines essentiellement contradic
toires, s'ils sont éloignés l'un de l'autre de
toute la distance qui sépare Adam Smith et
Malthus de Saint-Simon et Fourier, il y a
cependant un point par lequel ils se rejoi
gnent : ils sont d'adeord pour attaquer notre
régime économique et pour e»-réclamer la
destruction. Lisez les ouvrages émanés de
ces deux écoles, et vous y trouverez les
peintures les plus effroyables du sort de
nos-populations laborieuses, avec cette con
clusion que tout le mal est dans l'ini
quité du droit industriel ou social qui nous
régit. Le socialisme traite nos propriétaires
ejt nos manufacturiers de voleurs ; le libre-
échange les traite de monopoleurs et de pri
vilégiés. . • , :
Maintenant, demandez à chacun de définir
le régime auquel ils entendent nous sou
mettre. Les socialistes vous répondent qu'ils
veulent supprimer la liberté du travail, or
ganiser la production, fixer un minimum
au taux des salaires et un maximum au prix
desproduits,établir une solidarité universelle
entre tous les travailleurs. Les libre-échangis
tes vous déclarent, au contraire, que leur but
est de nous mettre au régime de la liberté
illimitée, d'ajouter la concurrence extérieu
re à la concurrence intérieure, et d'effacer
complètement de nos lois toutes les disposi
tions qui protègent le travail dans les diffé-.
renies sphères de l'activité nationale. En un
mot, les -premiers abolissent la liberté; les
seconds la réclament absolue et sans frein.
Ceux-ci mettent tout entre les mains de l'E
tat ; ceux-là lui dénient toute espèce d'ac
tion. Les uns confisquent»l'intérêt individuel
au profit de l'intérêt social, les autres l'inté
rêt social au profit de l'intérêt individuel.
Voilà les aberrations extrêmes et radicale
ment opposées auxquelles ils se trouvent
conduits, pour avoir déserté le terrain de la
pratique, et pour s'être lancés dans des théo
ries imaginaires sans tenir compte des faits
existans, des droits acquis, des intérêts réels
et permanens de toute société. ■
Le libre-échange est cependant, comme le
socialisme, une application du dogme de la
fraternité dont on a fait de si étranges abus,
mais avec cette différence que le socialisme
veut organiser la fraternité entre les indivi
dus, et le libre-échange entre les nations.
Le socialisme suppose uné société sans li
berté et sans droit ^individuel ; le libre-échan
ge suppose un monde où toutes les nationa
lités auraient disparu, où tous les peuples
auraient les mêmes intérêts, où les produc
teurs des divers pays se répartiraient le tra
vail entr'eux, d'après une espèce de saint-
simonisme commercial, suivant leur force
et leur capacité. Sans doute, les antipathies
n'ationales tendent à perdre le caractère
haineux qu'elles avaient autrefois. Le droit
des gens s'adoucit à mesure que les so-
■ ciétés font des progrès dans la voie de la ci-
yilisaiionr-M»s.rcroit-on; tpie tes nationa
lités puissent et doivent jamais disparaî
tre? Ce serait là une erreur profonde. Les
grandes nationalités ne sont pas fondées sur
des eàprices.oùdes.accidens ; elles ont leur
raison d'être; elles ont leur caractère parti
culier, leur génie distinctif; elles constituent
la vie du monde; C'est dire que toutes les
combinaisons du libre-échange sont basées
sur une hypothèse purement romanesque et
qui ne doit jamais se réaliser.
On pense bien que si les libre-échangistes
n'invoquaient à l'appui de leur doctrine que
ces idées banales de cosmopolitisme, ils ne
seraient pas dangereux. Mais ils ont, comme
les sociàlistes, -leurs moyens d'agir sur les
masses. Les socialistes s'adressent au travail
leur en inscrivantsur leur drapeau : «Réduc
tion de la journée de travail, augmentation
du taux des salaires. » Les libre-échangistes
appellent à eux les consommateurs en inscri
vant sur leur bannière : « Vie à bon mar
ché. » Les promesses des uns ne sont pas
plus sérieuses que celles des autres. Elles
conduiraient aux mêmes déceptions. Que ,
suivant les conseils des socialistes, on
fasse des lois arbitraires pour abréger,
la journée et pour augmenter le prix de
la main-d'œuvre, ces lois ne larderont
pas à tourner contre le travailleur lui-
même en diminuant la demande et par consé-
quentlamasse du travail. Que,conformément
aux propositions des libre-échangistes,on ou
vre la porte aux produits étrangers pour abais
ser"^ prix des objèts de consommation, l'ou
vrier, malgré cette diminution de prix, con
sommera moins qu'auparavant, parce que
l'introduction des produits étrangers aura
paralysé la production nationale, ruiné la
plupart des branches de notre agriculture et
de notre industrie, et, par conséquent, ré
duit le prix de la main-d'œuvre. Le résultat
serait le même des dejpx côtés.
D'où viennent les erreurs du socialisme
et du libre-échange? De ce qu'ils ne voient
chacun qu'un seul eôté des choses. Le socia
lisme considère le producteur isolé du con
sommateur, et le libre-échange l'e consom
mateur isolé du producteur. Or ce sont là
des abstractions en dehors de la réalité
pratique. Le producteur, tel que le conçoit
le socialisme , et le consommateur, tel que
le- comprend le libre-échangiste, sont des
êtres incomplets et difformes, des monstres
qui n'existent pas. Le producteur et le con
sommateur ne sont pas deux êtres séparés et
dbués d'une vie particulière; ils ne consti
tuent réellement qu'un seul et même indivi
du. Le producteur a un estomac pour digé
rer, de même que le consommateur a des •
bras, et des jambes pour travailler.
La crise qui a suivi la révolution de fé
vrier nous a donné des leçons de plus d'un,
genre. Si elle a permis d'apprécier la portée
des doctrines socialistes, on peut y trou
ver également un indice de ce qui ad
viendrait sous le régime du bon marché
promis par le libre-échange. Nous avons vu
les marchandises de toute sorte, non seule
ment les denrées alimentaires, mais tous les
objets nécessaires aux divers besoins de la
vie, tomber alors aux prix les plus bas.
Quelle était cependant la condition des po
pulations laborieuses? Consommaient-elles
plus qu'à l'époque où elles payaient plus cher
pour leur nourriture ou leur vêlement?
On sait bien que non. Jamais les classes
moyennes et inférieures n'ont autant souf
fert, n'ont éprouvé autant de privations que
dans ces temps où tout se- vendait pour rien.
11 y a donc, .pour les ouvriers des villes et
des campagces, quelque chose de plus im
portant encore que le bon marché des pro
duits. Ce quelque chose, c'est un travail as
suré et .convenablement rétribué.
Qui/pourrait calculer ce que la libre te*;
troductioûjlÊàJjiés dé'lâ Russie, deç'grâjnes"
oléagineuses de l'Egypte, des bestiaux de
l'Allemagne, des fers, des tissus et de la.
plupart des produits manufacturés de Mur
gleterre, enlèverait de travail à nos popula
tions agricoles et industrielles ! C'est par
milliards qu'il faudrait compter. On nous
oppose, pour nous rassurer, les succès que
nous avons remportés à l'exposition de Lon
dres. Nos meubles, nos bronzes, "nos bijoux,
nos papiers peints, nos tapis des Gobelins,
nos porcelaines de Sèvres, nos produits
d'art, de goût et de luxe ont obtenu,
en effet, beaucoup de médailles , et ils
n'ont même pas obtenu toutes celles- aux
quelles ils avaient droit. Mais ce qu'il faudrait
prouver, c'est que là France produit les cé
réales au même prix que la Crimée, le fer
au même prix que le pays de-Galles, les tis
sus de laine, de lin ou de coton au même
prix que Leeds ou Manchester. Car ce sont
là les grandes industries, celles qui forment
la masse du travail national, celles qui font
vivre la masse de nos populations. Qu'on;
attende le rapport du jury français sur l'ex
position de Londres, et l'on pourra, à l'aide
de§ données comparatives qu'il contiendra,'
• se faire une idée du sort résèrvé à notre pro-
'duction nationale le jou ?43£ ûq»s cesserions
de la protéger." '
. Nous ne croyons pas, du reste, que le Pré
sident de la République, après nous avoir
sauvés du socialisme,ait la moindre envie de
nous livrer au libre-échange. Nous doutons
qu'il ait unfe confiance assez grande dans l'é
conomie politique, que M. Rossi lUi-même
déclarait une science de raisonnement plutôt
qu'une science d'observation, pour souscrire
aveuglément à ses arrêts. Adam Smith est
certainement un esprit ingénieux. Mais il faut
autre chose pour gouverner le monde. C'é
tait l'avis de l'Empereur, qui avait, comme
on sait, peu de-goût pour les idéologues, et
qui avait préféré suivre les exemples de Col-
bert et de Cremwell, plutôt que les conseils
;de Jean-Baptiste Say.
C'est, en effet, au système protecteur, ou
vrage de Napoléon, que la France doit tous
les progrès manufacturiers accomplis de
puis le commencement du siècle. Quand il
a voulu lutter avec l'Angleterre dans l'arène
industrielle aussi bien que sur le champ de
bataille, il a examiné, avec sa grande intelli
gence, les moyens à l'aide desquels elle s'était
.élevée si haut, et il s'en est emparé à son tour.
Car, on l'oublie trop facilement, l'Angleterre-
nia grandi qu'à l'ombre de la protection,
iel, si elle a rejeté , il y a quelques an
nées , l'appui des tarifs, c'est, seulement
parce qu'après s'en, être servie pour at
teindre le premier rang, elle n'avait plus
besoin de leur secours^ Nous n'en sommes
pas eneore là. Venus les derniers dans la
carrière, nous avons encore, quelque consi
dérables que soient nos progrès, beaucoup
de terrain à franchir pour rejoindre nos de
vanciers. LePrésidentdêlaRépubliquele sait/
il se gardera bien de compromettre l'œuvre
de l'Empereur; il la consolidera, au con
traire, .en continuant au travail national une
protection qui a déjà produit de si grands et
de si magnifiques résultats.
Louis-Napoléon avait déjà fait connaître,
dans les écrits publiés avant sop avènement
au pouvoir, les principes éminemment sages
qu'il professait en matière de tarifs. Un dé
cret récent a prouvé qu'il n'entendait pas
s'en départir. On avait, par la loi sur les su
cres, Votée il y a huit mois, abaissé la sur
taxe sur les sucres étrangers au point de met
tre la fabrication indigène en péril. Le Prési
dent a entendu les cris de souffrance de no
tre industrie ; il s'est informé de l'état des
choses, et après avoir reconnu que les su
cres étrangers venaient prendre la place
des sucres français «dans- la consommation
intérieure, 3 il a relevé la surtaxe afin de
sauvegarder les intérêts du travàil natio
nal. C'est là un acte important, non pas
seulement pour la sucrerie indigène, mais
pour l'ensemble de notre production agri
cole et manufacturière, qui aurait pu s'alar
mer de là résurrection du libre-échange et
qui aurait pu Craindre de voir ses doctrines
prévaloir dans les conseils du nouveau gou
vernement. J. B urat;
Le ministre de la marine vient de faire no
tifier dans les ports de France une ordonnan
ce, rendue à Malte, par le gouverneur de nette
île, le 29 janvier dernier, et qui a pour ob
jet de soumettre les navires de commerce à
un droit de'tonnage destiné à pourvoir aux
frais de construction et d'entretien d'un
phare. Dftns le principe, ce droit, qui est as-
sez élevé, était établi sur tous les bâtimens
marchands sans distinction, soit qu'ils fus
sent conduits a Malte, pour opérations de
commerce, soit qu'ils ne fissent qu'y mouil
ler en passant.
Or, on sait que l'île de Malte est un point
de relâche pou? les nombreux steamers qui
font le service de la correspondance et le
transport iles 1 ' passagers dans la Méditerra
née. L'entrép et la sortie périodique de ces
bâtimens ranne au part et à l'île tout en
tière mouvement mie Malte était menacée
de perdre par l'effef de là nouvelle ordon
nance.. Les paquebots, de la Méditerranée
amènent dans l'île un grand nombre d'etran-
gers de toute nation, voyageurs aises pour la
plupart, qui, dans leur court séjour a terre,
répandent l'argent dans l'île. Si les bateaux
à vapeur prenaient une autre route, Malte,
réduite à ses propres ressources, perdrait
toute son animation, et ne serait plus qu'une
fortification anglaise, isolée, sur un. rocher
au milieu de la mer.
La population a compris qu'elle était me
nacée de cet isolement, et d'unanimes récla
mations ont été adressées au gouverneur
pour obtenir le rappel de l'ordonnance. Le
conseil local à fait entendre des représenta
tions, et l'administration de l'île a senti
qu'elle faisait fausse route. En conséquence,
un nouvel acte du gouvernement a profon
dément modifié le premier en ce sens que
lès navires, à voiles resteront seuls soumis
désormais au droit proportionnel de tonnage
primitivement établi. Quant aux bâtimens à
vapeur, ils n'auront à payer qu'une taxe de
25 à 37 fr. 50 c. , que le collecteur des doua
nes prélèvera en délivrant les expédi tions.
Le gouvernement de Malte, s'il avait main
tenu sa première mesure, aurait commis une
erreur d'autant plus grande que l'utilité de
relâcher à Malte a ^té déjà très souvent et
très fortement contestée.
Le secrétaire de la rédaction, l. bonifa.ce.
M. le ministre des finances vient d'en
voyer au conseil d'Etat la loi des comptes de
l'exercice 1848 et celle des comptes de l'exer
cice 184-9. Comme la première avait déjà été
l'objet d'un rapport à l'Assemblée dissoute,
il est probable quelle sortira du conseil
d'Etat avant la fin de la semaine, et que le
corps législatif en sera saisi le jour de sa'pro-
chaine séance.
Un journal donne aujourd hui des détails
sur les conditions auxquelles plusieurs des
principaux banquiers seraient intervenus
dans l'affaire de la conversion de la rente
S 0/0. Nous avons tout lieu de croire ces déj
tails inexacts. Pour ne citer qu'un chiffre ,
nous dirons que les avances de là banque de
France, sur dépôt d'effets publics, se sont
élevées, non pas à 145 millions; mais à 100
millions environ. On comprend, d'ailleurs,
que ceux qui ont acheté du 5 0/0 à 100 fr. et
quelques centimes ont fait une assez bonne
affaire ^puisque le 4 1/2, qui le remplaee ,
étaiteetéaujourd'hui à 101 fr. 60 c.
J. B urat.
Le Journal de Lot-et-Garonne, du 3 avril,
nous apporte des nouvelles de la missipn du
colonel Espinasse, chargé en même temps
que MM. Caurobert et Quentin Bauchard de
réviser les dossiers des insurgés condamnés
à la transportation.
M. Espinasse est arrivé le 1 er avril à Agen.
.«Si nous sômtnes tfttTî Informés, dit lè journal
"de Lot-et-Garonne, ltjonoiabte eotenel aurait dé
claré que sa mission 1 avait % principalement pour
■but d'adoucir le sort de ceux des condamnés qui
avaient été entraînés dans l'insurrection et. dont
la participation aux événemens pouvait être im
putée soit à des inlluences personnelles, soit à une
faiblesse d'esprit et de caractère.
» Quant aux chefs, quant aux hommes d'intel
ligence et d'initiative, la juste sévérité des com
missions mixtes devait recevoir 'son plein et entier
effet.
» Après avoir pris connaissance' des dossiers,
M. le colonel Espinasse a témoigné la plus pro
fonde surprise. A Paris, a-t-il dit, an croyait à une
simple insurrection, mais personne ne se doutait
d'une organisation aussi formidable et des'dan
gers imminens que les honnêtes gens ont courus
dans les divers arrondissemens de Lot-et-Ga
ronne. *
» Le colonel a témoigné ensuite sa satisfaction
sur la manière à la fois juste et pleine de modéra
tion avec laquelle la commission avait rempli sa
tâche, et voici les modifications qu'il a apportées
aux décisions de cette commission :
» Dix-sept personnes passent de la catégorie
des transportés en Algérie dans la catégorie des
internés en France.
» L'expulsé du territoire passe également dans
la catégorie d'internement.
;» Enfin, vingt-quatre internés sont réintégrés
dans leurs foyers avec surveillance^ de la police
générale. »
Voici le texte du projet de loi sur les mon*
naies, délibéré et adopté par le conseil d'E
tat, dans sa séance du 25 mars, et porté 'to
corps législatif le 2 avril :
Art i Seront Tgtirées'dè'1â ï crfcûîatiSn'ÎS 4 3e^
tnonetisées : -
Les pièces d'un liard et de deux liards ;
Les pièces d'un son et de deux sous ; -
Lss pièces d'un, cinq et dix centimes.
2. Des décrets fixeront les époques auxquelles
ces pièces cesseront d'avoir cours légal et forcé, et
ne seront plus admises dans les caisses de l'Etat.
y.Ces monnaies seront remplacées par une nou
velle monnaie de bronze, dont les pièces seront
d'un, deux, cinq et dix centimes -
Le poids et le module de ces pièces seront ;
Poids. Diamètre.
1 centime. 1 gramme. 18 millimètffes.
2 id. 2 id. 20 id. ^
5 id. S' id. 25 id.
10 id. 10 id. 30 id.
Elles seront composées de 95 centièmes de cui
vre, 4 d'étain, et 1 de zinc.
La tolérance du poids en fort et en faible sera
de 1 p. 100 pour les pièces de 5 et de 10 c., et de
1/2 p. p. 100 pour les pièces de 1 et de 2 c.
La tolérance du titre en dessus et en dessous
sera d'un .centième pour le cuivre, et de demi cen
tième pour chacun,des deux autres métaux.
Art. 4. La nouvelle monnaie de bronze portera
sur la face, l'effigie du prince-Pre.si4.ent de la Ré
publique, avec la légende : Louis-rNapolécm,
parte, et au revers l'indication de la valeur de la
pièce et Tannée de la fabrication.' '
Art. 5. L'émission de la nouvelle monnaie de
bronzene pourra 'dépasser, en définitive,' la, va
leur nominale dès anciennes monnaies de cuivre
qui seront démonétisées en exécution du présent
décret.
Art. 0, Une somme de 7,560,000 francs est af
fectée à toutes les - dépenses que néeessiteront le*
retrait et la démonétisation des monnaies de cui
vre actuellement en circulation, la fabrication et
l'émission delà nouvelle monnaie de bronze.
Art. 7. A valoirsur l'allocation déterminée par
l'artjcle précédent, il est ouvert au ministère des
finances sur l'exerçice 1852, un crédit spécial dé
1 mglien..
„ Art. 8. Il sera pourvu à cette dépense au moyen
des ressources accordées par le budget pour l'exer
cice 1852.
Le Moniteur publie aujourd'hui le rapport
suivant :
RAPPORT
De la commission chargée de l'examen du projet
de sénatus-consulte relatif à l'allocation annuelle
due au Président de la République en vertu de
l'article 15 de la Constitution. "
Messieurs les sénateurs,
Il est juste et convenable que le sénat s'occupe,
dès les premiers jours de son installation, de dé
terminer, conformément à la Constitution, la
somme qui doit être allouée annuellement au Pré
sident de la Repubuciue.
La proposition qui vous est faite par votre bu
reau exprime le sentiment du pays et celui de
cette assemblée.
Il s'agit de fixer la position du chef d'un grand
peuple -qui tient ases anciennes traditions.Le pays
entend que l'homme qui a sauvé la société et à
qui ; il a donne confiance par une manifestation
unique dans l'histoire, puisse le représenter di
gnement dans la magistrature suprême dont il l'a
investi.
: Il veut qu'il habite les palais de s&s anciens sou
verains, qu'il exerce noblement l'hospitalité de la
France, qu'il encourage les arts, les sciences et les
.lettres/qui font'unè partie de notre gloire natio
nale, qu'il pntSsc tendre une main secourable à
toutes les infortunes.
Dans cette partie importante de sa grande mis
sion, le prince Louis-Napoléon répondra digne
ment, nous le savons, aux vœux de la France. Il
appartient au sénat de lui en assurer les moyens
par son vote.
Votre commission^ (jui a adopté à l'unanimité
les dispositions du projet de .sénatus-consulte, y a
introduit, pour plus de clarté èt dans ua intérêt
d'ordre, de légères modifications. Nous espérons
qu'elles obtiendront votre assentiment, de même
que leî articles du sénatus-consulte proposés par
votre bureau;
Fait au palais du sénat, le if avril 1852.
Le rapporteur de la commission,
Signé, fôuld. '
Aujourd'hui, après une courte séance, le
corps législatif s'est ajourné au 13 de ce mois,
-, i ' - . ■ "
Voici le procès-verbal de la prestation de
serment qui a, eu lieu hier soir à l'Elysée ;
nous retranchons seulement les noms que
nous avons publiés dès hier : .
Procès-verbal deja prestation de serment des mem-
. bres de la cour de cassation et de la ,cour des
comptes et des premiers présidens et procureurs?
généraux des cours d'appel.
Aujourd'hui, 4 avril 1852, à neuf heures du
Soir, les membres de la cour de cassation et de la*
cour des comptes, les premiers présidens et les
procureurs généra ux d es jiours d'appel se sont
«Wàyàtr-^àfais'mëTEIJsée pour prêter, entre les
mains du Président de la Républiqoe, le serment
prescrit par la Constitution.
Le Prince était entouré de ses ministres.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a
pris la parole et s'est exprimé en ces termes :
« Monseigneur,
» MM. les membres de la cour de cassation, MM.
les premiers présidens et procureurs-généraux des
cours d'appel, viennent prêter, entre les mains
du chef de l'Etat le serment prescrit par la Consti
tution.
» Ces magistrats, honorés par tant de travaux
utiles, habitués à imposer le niveau de la loi à
tous les citoyens, attestent par leur seule présen
ce à cet acte solennel, qu'ils respecteront et feront
respecter cette Constitution que la nation entière
a proclamée par votre voix.
» Leur loyauté bien connue vous garantit leur
entière adhésion à votre gouvernement et à l'or
dre de choses que vous avez fondé.
» Ils savent que c'est à votre courageuse initia^-
tive que sont dus et la-défaite de la démagogie et
le rétablissement de l'autorité, sauvegarde de*
l'ordre et de la liberté.
» Ils apporteront à votre gouvernement la
force que donne la justice; ils n'oublieront pas
que vous avez conservé à la magistrature françai
se cette forte organisation quelle avait reçue de
l'homme immortel : doat , vous portez le'nom et
dont, vous continue? l'œuvre patriotique.
» Tels sont leurs. sentimens. Je suis heureux
d'en être l'interprète, auprès de vous.
« Permettez, Monseigneur, que j'aie l'honneur
de lire la formule du serment que ces Messieurs
prêteront individuéllement. »
Après cette allocution, le prince-Président a dit :
« Messieurs les magistrats,
» Quoique je reçoive votre serment avec plaisir,
» l'obligation de le prêter pour tous les corps
» constitués me semble moins nécessaire delà
» part de ceux dont la noble mission est de faire
» dominer et respecter le droit.
» Plus l'autorité repose sur une base incontes-
» table, plus elle doit être naturellement défendue
■a par vous.
» Depuis le jour où le dogme de la souveraineté
» du peuple est venu remplacer le principe du
» droit divin,on peut dire qu'aucun gouvernement
» n'a été aussi légitime que le mien.
» En 1804, 4 millions de suffrages, en procla-
» mant l'hérédité du pouvoir dans*ma famille, me
» désignèrent comme l'héritier de l'Empire.
» En 1848, près de 6 millions m'appelèrent à la
» tête de la République.
» En 1851, près de 8 millions m'y maintinrent.
» Ainsi, en me prêtant serment, ce n'est pas
» simplement à un homme que vous allez jurer
» d'être fidèle, mais à un principe, à une cause, à
» la volonté nationale elle-même. »
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a lu
ensuite la formule du serment :
« Je jure obéissance à la Constitution et fidélité
au Président; je jure aussi et promets de bien et
fidèlement remplir mes fonctions, de garder reli
gieusement le secret des délibérations, et de me
conduire en tout comme un digne et loyal magis
trat. »
Le garde des sceaux a -fait l'appel nominal, et
chacun des magistrats appelés a levé la main et a
dit : « Je le jure. »
Le ministre des finances a ensuite demandé au
prince-Président de vouloir bien recevoir le Ser
ment/des membres de la cour des comptes.
Le prince leur a adressé les paroles suivantes .
FiîiMErON DUCOOTCTÏOMU AVRIL.
REVUE MUSICALE.
concert spirituel de m. gordjgum —31. van-gei-
der.—m.lou.1slacombe.—m.herman—m.mdlder.
—m. " ' *.—musique et prestidigitation .—Rentrée
deM 1Ie Courtol.— La Revue des Ombres, par G iusisp-
pe dan1ele.
Il y a longtemps que je voulais consacrer
quelques lignes dans ce Journal à un compo
siteur élégant, distingue, d'un talent solide,
M. Gordigiani, déjà connu et apprécié dans
le monde, mais dont le gros public n'a pas
encore appris à répéter le nom. Le concert
spirituel qui vient d'avoir lieu dans la salle
llerz donnera au moins-à la notice qu'on
va lire un intérêt d'à-propos. M. Gordi
giani est un de* ces hommes d'une nature
singulière qu'il faut aller chercher dans
leur coin et qui font tout leur possible pour
se. soustraire à la publicité. C'est l'excès con
traire à celui que je déplorais dans mon der
nier article. Il est beau, sans doute, de ne
pas vouloir arriver par les coteries et psr
l'intrigue; mais il ne faut pas non plus in
triguer pour rester dans l'ombre. Trop de
modestie pourrait bien cacher un peu d'or
gueil.
Ce n'est pas la première fois que M. Gor
digiani quitte Florence sa patrie et les pai
sibles bords de l'Arno, pour se mêler au
mouvement de Paris. 11 y est venu tout en
fant. Son père faisait partie de la chapelle
de . l'Empereur. E q 1812, le petit Gordi
giani, âgé de cinq à six ans, eut l'insigne
honneur de dîner chez la signora Bolla
avec Paër, Crescentini et Zingarelli, et on
lui fit chanter au dessert : Notle e giorno fati-
car,- etc., ce qu'il s'est bien gardé d'oublier.
Dans ces heureuses années de la première en
fance,'il était sans cessé sur les génoux de Mme,
Festa, de Barilli, de Tacchinardi, de Porto,
qui florissaient alors dans tout l'éclat de leur
gloire et de leur talent. De retour en Italie,
l'enfant chanta beaucoup, de sa petite voix
de soprano, dans les salons, dans les théâtres
et dans les églises. On admirait sa : justesse,
sa grâce, et, dans un âge si tendre, une mé
thode correcte et lîn goût naturel. I! fut at
taché à la chapelle du grand-duc. Le mo
ment était venu de donner à ses études une
direction plus sérieuse et plus régulière. Il
apprit d'abord ,' sous son père, puis avec
Benvenuti et Pietro Romani, les règles de
l'harmonie et de la composition. Il pro
fita surtout des leçons et des conseils de
Disma Ugcilini , un bon vièux professeur
d'un profond génie et d'un immense savoir,-
qui inventerait la musique si elle n'existait
pas. Le jeune élève n'avait pas vingt* ans
accomplis qu'il débutait au Cocomero par
un petit ouvrage en un acte, intitulé le Ren
dez-vous. Son premier opéra dé Quelque im
portance est Fausto. Ii fut représenté, je crois,
à la Pergola,ettombalourdement. Lapartition
renfermait cependant des morceaux remar
quables; niais l'élément surnaturel dont
l'auteur du poème avait usé largement bles
sa le goût d'un parterre à la fois classique et
sceptique. L'apparition desombres ; des sor
cières et des démons, qu'on avait voulu ren
dre terribles à grand renfort de cornes, de
griffes et de queues, soulevadans la salle une
longue hilarité. Evidemment l'Italie notait
pas encore mûre pour le genre romantique.
(jify Aragonesi in Napoli, donnés un peu
plus' tard, au théâtre Leopoldo, eurent le
plus grand succès, non-seulement à Floren
ce, mais dans plusieurs villes. Filippo, re
présenté au Cocomero, réussit de même et
acheva d'établir la réputation du jeune maes
tro. Une singularité piquante, et dont on ne
trouverait pas, je pense, beaucoup d'exem
ples dans l'histoire du théâtre, c'est que lès
deux derniers ouvrages de Gordigiani ont été
chantés par les Poniatowski, ces prinees qui
n'auraient point de rivaux parmi les artistes,
si la naissance et la fortuiie ne les avaient mis
hors de toute concurrence. Aùssijorsqu'bn
demande à Gordigiani ce qu'il attend pour
faire jouer ses opéras, il vous répond avec'
son fin sourire J'attends que le ministre de
Toscane, le prince Poniatowski, s'engage,
comme premier ténor, au Théâtre-Italien de
Pans. '
Pe rarque travaillait huit'et jour à son
poeme latin l'Africa, qu'il regardait comme
son unique titre à la gloire; il écrivait ses
sonnets dans un moment de rêverie et de
loisir, et c'est pourtant par ses sonnets qu'il
est parvenu à la postérité. Gordigiani, dans
un autre art et dans un rang moins élevé,
attendait tout de ses opéras; mais ce qui l'a
fait .connaître rapidement en Italie, ce sont
ses Chants populaires, qu'il improvise en se
jouant. La première de ces petites composi
tions charmantes qui passa les Alpes et lit
sensation à Paris, commence par ces mots :
Partitaè già la nave dallo porto. Elle fut pu
bliée par Pacini, et le succès ne se fit pas at
tendre longtemps. Aujourd'hui, le recueil
des Mélodies de Gordigiani est sur le piano
"de tous les artistes d'élite, de tous les gens
de goût. Ce sont des chants d'une simplicité,
d'une originalité et d'une grâce incompa
rables. Il en a écrit jusqu'à cent, parmi les
quels on ne saurait choisir; car le dernier
qu'on entend paraît toujours le plus beau.
Rien de plus grâcieux, de plus touchant,
de plus suave que la Biancnina, i Salmi,
il Soldato, o Santissima vergine, o -Rosa dél
ié rose, etc. Les paroles sont aussi dou
ces que la musique; ce sont des vers
charmans,donton ne connaît point l'auteur;
le peuple les chante dans les rues, et M. Gor
digiani n'a fait que les recueillir et les ar
ranger.
Les Mélodies sacrées qu'il vient de faire en
tendre dans le concert de samedi sont au
nombre de dix. Le style en est plus grave, *
mais la mélodie n'en est pas moins pleine
de grâce, d'élégance et' de. fraîcheur. On a
surtout remarqué l'Ave Maria, air pour con
tralto; le Salve Regina, qualuoravec chœurs;
un Credo magnifique, il Cibo de giusti, air de
, basse d'un caractère^ la fois simple et gran
diose ; le Pater noster , air pour ténor; et Là
E
suIV altar del Gotgota, air de soprano avec
chœur, d'un effet délicieux. Les interprètes
étaient Lablache, Moriani, Mlle Hugot et
Mme la princesse Labanoff, voix ravissante,
méthode exquise et talent de premier ordre.
Ce qu'il y avait ce jour-là de marquises, de
duchesses et de princes dans la salle Herz rem
plirait, rien qu'à citer les noms et les titres,
a .moitié d'un livre d'or. Un tel parterre
était digne de tels artistes.
Maintenant, je confierai tout bas à l'oreille
de M. Lumley, que l'auteur des Mélodies sa
crées et des Chants populaires vient de mettre
la dernière main à un opéra : l'Assedto de Fi-
rense* Mais si M. Lumley veut l'avoir pour la
saison prochaine, il faudrait qu'il s'entendît
d'avance avec M. le prince Poniatowski et
avec Mme.la princesse Labanoff. Qui sait si,
en s'y prenant adroitement, il ne réussit pas
à les engager? Il en a fait bien d'autres.
—Mes lec teurs me sont témoins que j'ai tou
jours saisi, avec bien duplaisir, les occasions
que j'ai pu trouver de dire du bien d'Adol
phe Sax et de ses instrumens. Si l'on écou
tait mes conseils dans l'autre monde, c'est
lui qu'on chargerait de fabriquer les trom
pettes du jugement dernier. Il fait déjà un
essai dans ce genre. Il prépare, pour le Juif
errant, un monstrueux saxo-tuba de vingt
pieds de haut : dont l'effet sera formidable.
Mais nos plus' chers amis ont leurs dé
fauts, et le défaut de Sax est la petite
salle qu'il a fait bâtir à côté de ses ate
liers et qu'il prête ou loue aux artistes à
des prix modérés. Toute petite qu'elle est,
cette salle a une infinité de perfections qu'on
ne eonnaît qu'à l'usage. On y gèle quand
il fait froid, on y étouffe dès que le temps
s'adoucit ; elle est éclairée aux carcels, mais
des carcels d'une si courte haleine et d'une
clarté si intermittente, qu'il faut les remon
ter tous les quarts d'heure, ce qui ne man
que pas de jeter quelque variété dans le
concert; elle est sonore autant que salle peut
- l'être, et tous les fiacres qni passent dans la
rue Saint-Georges l'ébranlent par de vives se
cousses et font trembler les vitres, le plafond
et les murs. Autre agrément : par une coïnci
dence étrange, et qui ne peut être l'effet du
hasard, tou t le personnel de service es t boiteux;
le contrôleur boite, le garçon boite, l'ouvreuse
boite abominablement ; on les a choisis, je
crois, tout exprès; pour marquer la mesure.
Ces Waves gens vont , viennent, sortent, ren
trent, pour donner tantôt lé petit banc, tan
tôt le programme; le parquet gémit sous,
leur pas inégal; le musicien s'interrompt,
l'aiiditoire s'irrite, et la soirée se passe~au
milieu des incidens lés plus comiques et les
plus inattendus. !
C'est apparemment à tous ces avantages
que la salle Sax doit la faveur singulière
dont elle jouit ; les artistes qui comptent
sur un publie plus choisi que nombreux la
préfèrent à toute autre salle, d'abord parce
qu'il est plus facile de la remplir, ensuite
parce que l'exécutant a toutes ses victimes
sous la main. Impossible, de s'échapper; c'est
l'enfer du Dante : Lasciate ogni speranza, o voi
ch'entrate. oii "a bien ménagé ;dans un coin
une espèce 'de soupente, où les artistes se
tiennent pliés én deux lorsqu'ils sont d'une
taille ordinaire; mais malheur à qui voudrait
s'évader de cè côté; ce foyer n'a point d'issue,
on y est pris comme dans une souricière.
Ce n'est pas, on le comprendra, sans de
graves motifs que l'auteur dé cet article est
venu se placer de lui-même sur la sellette et
a bravé aeux heures de détentionpréventive.
Il s'agissait d'entendre un* de nos meilleurs
violoncellistes,M. Van-Gelder, et on devaitde
plus, ce soir là, dire unnouveautrio de Louis
Lacombe, cetartiste d'un talent sérieux, con
vaincu, qui va droit son chemin, la tête
haute et les yeux fixés sur le but lumineux
qu'il Yeut atteindre. J'ai été exact comme
toujours, ce qui m'a procuré le plaisir
d'un long tête-à-tête avec les trois boi
teux qui font les honneurs de la salle. Au
bout de quelque temps, j'ai vu paraître une
famille anglaise composée de six dames et de
quatre ou cinq gentlemen. Les dames étaient
en grande toilette, les épaules nues, les bras
nus, d'énormes broches sur la poitrine, des
fleurs, des fruits etautres comestibles dans les
cheveux ; les hommes étalaient du linge d'une
raideur étonnante et des cravates, blan
ches, dont les bouts ressemblaient aux ailes
d'un moulin ou aux bras d'un, télégraphe.
nltnri/1 1 'r\rl fnît rwi/~vT51 >4a tAiit T*r*î.
proûahiement trop enauet, ont pris
les éventails de leurs dames, et se sont éven
tés toute la soirée, avec une gravité imper
turbable. Quant au bruit qu'on faisait autour
d'eux ou devant eux, ils paraissaient n'y
prêter aucune attention. Heureux caractère !
Enfin, on à ouvert la séance, et j'ai été dé
dommagé tout d'un coup d'une si longue at
tente! On n'a exécu té que le largo et le finale
du nouveau trio de Lacombe, et les deux
morceaux que j'ai entendus me font regret
ter l 'allegro et le scherzo. L'auteur a été par
faitement secondé par MM. Armingaua et
Van-Gelder, qui, dans l'interprétation d'une
œuvre assez difficile , ne pouvaient faire
preuve de plus de sentiment, de finesse et
dé goût. Le largo débute par une prière, ex
posée d'abord par le piano seul, et répétée
après un court intermède par le violon et
par le Violoncelle. Un chant doux, et plain-
. tif, accompagné en octaves par le violon
celle, et présenté ensuite en mineur, sert
de transition à un second motif d'une
couleur sombre et sévère , sur lequel ; se
dessine un contre-point d'un grand effet.
Des accens plus brillans et plus vifs ramè
nent la pensée principale, dite alors en canon
par les deux instrumens à cordes pendant
que des traits en arpèges, parcourant tout le
piano et entremêlés d'accords, soutiennent la
mélodie. Tout le morceau est empreint d'une
tristesse et d'une rêveriecharmantes. Le finale
au contraireestrempli de mouvement, de pas
sion et de chaleur. Tout le monde a paruravi
du second thème, qui est une marche des plus
pittoresques et des plus originales, relevée
encore par un contre-point dont le rythme
contraste avec celui de la marche. Le tout se
termine par une reprise du premier motif
-JS&feiÉîAiJ'X, : ftie «le Valois (Palais-Royal;, n- 1®.
.m
9KIX SB !■' ABOKWEB3EKT
paris......:. 13 f. pau trimestre.
JJÉPAKTEMENS. 1® F. —
UN NUMÉRO î 2« CENTIMES. ■;
. poob lbs pays ÉTRANGERS, se reporter
aa tableau qui sera publié dans Ajournai,
les 10 e as de ohaque mois.
18^2.-MARDI 6 AVRIL»
Lit aionnemens datent des 1 er et 16 ,
de chaque mois.
- S'adresser } franco, pour la rédactûn, à M.' C ^cheval- G urio. N ¥, rédacteur en chef-
• ' * * Les artlcle» déposés ne «oint pas rendus!
JOURNAL POLITIQUE, LITTÉRAIRE, UNIVERSEL.
I
On s'ab nnej-dan- lesidépariemens; aux Messageries et aux\Directions de postéS^—A'Londres, -thés MM. Cowil
v " — AStrasbourg, chez M. AxEXANDaE,jJowr l'AUeme.gnei "* ■
et kl?."
|!^vîs5î ' ^adresser, franco^ pour Fadministration, à M. D enain, directeur
! Les &nnonoes*0ûi riigues àu iureau du journal; et 'chez M. PAN1S, régisseur, 10, place
place de la Bourse
PARIS, 5 AVRIL.
SOCIALISME. ET LIBRE-ECU ANGE, jf
' Les utopistes ne laissent ni paix ni trêve
à notre production nationale:-A peine vient-
elle d'échapper à toutes les inventions du so
cialisme, aux ateliers nationaux de M. Louis
Blanc, aux communes sociétaires de M. Con
sidérant, à la Banque du peuple de M. Prou-
dhon, qu'il lui faut se défendre contre les
agressions du libre-échange qui la prend de
nouveau à partie. . Nos free-traders, débar
rassés de concurrens dans l'œuvre de la ré
génération industrielle, offrent leur panacée
au Président de. la République comme un
moyen infaillible de développer le bien-être
des masses et d'affermir son gouvernement.
On n'aurait qu'à les laisser faire, et le pays
retomberait bientôt dans une situation non
moins périlleuse que celle à laquelle un mi
racle vient de l'arracher.
Si le socialisme et le libre-échange procè
dent de doctrines essentiellement contradic
toires, s'ils sont éloignés l'un de l'autre de
toute la distance qui sépare Adam Smith et
Malthus de Saint-Simon et Fourier, il y a
cependant un point par lequel ils se rejoi
gnent : ils sont d'adeord pour attaquer notre
régime économique et pour e»-réclamer la
destruction. Lisez les ouvrages émanés de
ces deux écoles, et vous y trouverez les
peintures les plus effroyables du sort de
nos-populations laborieuses, avec cette con
clusion que tout le mal est dans l'ini
quité du droit industriel ou social qui nous
régit. Le socialisme traite nos propriétaires
ejt nos manufacturiers de voleurs ; le libre-
échange les traite de monopoleurs et de pri
vilégiés. . • , :
Maintenant, demandez à chacun de définir
le régime auquel ils entendent nous sou
mettre. Les socialistes vous répondent qu'ils
veulent supprimer la liberté du travail, or
ganiser la production, fixer un minimum
au taux des salaires et un maximum au prix
desproduits,établir une solidarité universelle
entre tous les travailleurs. Les libre-échangis
tes vous déclarent, au contraire, que leur but
est de nous mettre au régime de la liberté
illimitée, d'ajouter la concurrence extérieu
re à la concurrence intérieure, et d'effacer
complètement de nos lois toutes les disposi
tions qui protègent le travail dans les diffé-.
renies sphères de l'activité nationale. En un
mot, les -premiers abolissent la liberté; les
seconds la réclament absolue et sans frein.
Ceux-ci mettent tout entre les mains de l'E
tat ; ceux-là lui dénient toute espèce d'ac
tion. Les uns confisquent»l'intérêt individuel
au profit de l'intérêt social, les autres l'inté
rêt social au profit de l'intérêt individuel.
Voilà les aberrations extrêmes et radicale
ment opposées auxquelles ils se trouvent
conduits, pour avoir déserté le terrain de la
pratique, et pour s'être lancés dans des théo
ries imaginaires sans tenir compte des faits
existans, des droits acquis, des intérêts réels
et permanens de toute société. ■
Le libre-échange est cependant, comme le
socialisme, une application du dogme de la
fraternité dont on a fait de si étranges abus,
mais avec cette différence que le socialisme
veut organiser la fraternité entre les indivi
dus, et le libre-échange entre les nations.
Le socialisme suppose uné société sans li
berté et sans droit ^individuel ; le libre-échan
ge suppose un monde où toutes les nationa
lités auraient disparu, où tous les peuples
auraient les mêmes intérêts, où les produc
teurs des divers pays se répartiraient le tra
vail entr'eux, d'après une espèce de saint-
simonisme commercial, suivant leur force
et leur capacité. Sans doute, les antipathies
n'ationales tendent à perdre le caractère
haineux qu'elles avaient autrefois. Le droit
des gens s'adoucit à mesure que les so-
■ ciétés font des progrès dans la voie de la ci-
yilisaiionr-M»s.rcroit-on; tpie tes nationa
lités puissent et doivent jamais disparaî
tre? Ce serait là une erreur profonde. Les
grandes nationalités ne sont pas fondées sur
des eàprices.oùdes.accidens ; elles ont leur
raison d'être; elles ont leur caractère parti
culier, leur génie distinctif; elles constituent
la vie du monde; C'est dire que toutes les
combinaisons du libre-échange sont basées
sur une hypothèse purement romanesque et
qui ne doit jamais se réaliser.
On pense bien que si les libre-échangistes
n'invoquaient à l'appui de leur doctrine que
ces idées banales de cosmopolitisme, ils ne
seraient pas dangereux. Mais ils ont, comme
les sociàlistes, -leurs moyens d'agir sur les
masses. Les socialistes s'adressent au travail
leur en inscrivantsur leur drapeau : «Réduc
tion de la journée de travail, augmentation
du taux des salaires. » Les libre-échangistes
appellent à eux les consommateurs en inscri
vant sur leur bannière : « Vie à bon mar
ché. » Les promesses des uns ne sont pas
plus sérieuses que celles des autres. Elles
conduiraient aux mêmes déceptions. Que ,
suivant les conseils des socialistes, on
fasse des lois arbitraires pour abréger,
la journée et pour augmenter le prix de
la main-d'œuvre, ces lois ne larderont
pas à tourner contre le travailleur lui-
même en diminuant la demande et par consé-
quentlamasse du travail. Que,conformément
aux propositions des libre-échangistes,on ou
vre la porte aux produits étrangers pour abais
ser"^ prix des objèts de consommation, l'ou
vrier, malgré cette diminution de prix, con
sommera moins qu'auparavant, parce que
l'introduction des produits étrangers aura
paralysé la production nationale, ruiné la
plupart des branches de notre agriculture et
de notre industrie, et, par conséquent, ré
duit le prix de la main-d'œuvre. Le résultat
serait le même des dejpx côtés.
D'où viennent les erreurs du socialisme
et du libre-échange? De ce qu'ils ne voient
chacun qu'un seul eôté des choses. Le socia
lisme considère le producteur isolé du con
sommateur, et le libre-échange l'e consom
mateur isolé du producteur. Or ce sont là
des abstractions en dehors de la réalité
pratique. Le producteur, tel que le conçoit
le socialisme , et le consommateur, tel que
le- comprend le libre-échangiste, sont des
êtres incomplets et difformes, des monstres
qui n'existent pas. Le producteur et le con
sommateur ne sont pas deux êtres séparés et
dbués d'une vie particulière; ils ne consti
tuent réellement qu'un seul et même indivi
du. Le producteur a un estomac pour digé
rer, de même que le consommateur a des •
bras, et des jambes pour travailler.
La crise qui a suivi la révolution de fé
vrier nous a donné des leçons de plus d'un,
genre. Si elle a permis d'apprécier la portée
des doctrines socialistes, on peut y trou
ver également un indice de ce qui ad
viendrait sous le régime du bon marché
promis par le libre-échange. Nous avons vu
les marchandises de toute sorte, non seule
ment les denrées alimentaires, mais tous les
objets nécessaires aux divers besoins de la
vie, tomber alors aux prix les plus bas.
Quelle était cependant la condition des po
pulations laborieuses? Consommaient-elles
plus qu'à l'époque où elles payaient plus cher
pour leur nourriture ou leur vêlement?
On sait bien que non. Jamais les classes
moyennes et inférieures n'ont autant souf
fert, n'ont éprouvé autant de privations que
dans ces temps où tout se- vendait pour rien.
11 y a donc, .pour les ouvriers des villes et
des campagces, quelque chose de plus im
portant encore que le bon marché des pro
duits. Ce quelque chose, c'est un travail as
suré et .convenablement rétribué.
Qui/pourrait calculer ce que la libre te*;
troductioûjlÊàJjiés dé'lâ Russie, deç'grâjnes"
oléagineuses de l'Egypte, des bestiaux de
l'Allemagne, des fers, des tissus et de la.
plupart des produits manufacturés de Mur
gleterre, enlèverait de travail à nos popula
tions agricoles et industrielles ! C'est par
milliards qu'il faudrait compter. On nous
oppose, pour nous rassurer, les succès que
nous avons remportés à l'exposition de Lon
dres. Nos meubles, nos bronzes, "nos bijoux,
nos papiers peints, nos tapis des Gobelins,
nos porcelaines de Sèvres, nos produits
d'art, de goût et de luxe ont obtenu,
en effet, beaucoup de médailles , et ils
n'ont même pas obtenu toutes celles- aux
quelles ils avaient droit. Mais ce qu'il faudrait
prouver, c'est que là France produit les cé
réales au même prix que la Crimée, le fer
au même prix que le pays de-Galles, les tis
sus de laine, de lin ou de coton au même
prix que Leeds ou Manchester. Car ce sont
là les grandes industries, celles qui forment
la masse du travail national, celles qui font
vivre la masse de nos populations. Qu'on;
attende le rapport du jury français sur l'ex
position de Londres, et l'on pourra, à l'aide
de§ données comparatives qu'il contiendra,'
• se faire une idée du sort résèrvé à notre pro-
'duction nationale le jou ?43£ ûq»s cesserions
de la protéger." '
. Nous ne croyons pas, du reste, que le Pré
sident de la République, après nous avoir
sauvés du socialisme,ait la moindre envie de
nous livrer au libre-échange. Nous doutons
qu'il ait unfe confiance assez grande dans l'é
conomie politique, que M. Rossi lUi-même
déclarait une science de raisonnement plutôt
qu'une science d'observation, pour souscrire
aveuglément à ses arrêts. Adam Smith est
certainement un esprit ingénieux. Mais il faut
autre chose pour gouverner le monde. C'é
tait l'avis de l'Empereur, qui avait, comme
on sait, peu de-goût pour les idéologues, et
qui avait préféré suivre les exemples de Col-
bert et de Cremwell, plutôt que les conseils
;de Jean-Baptiste Say.
C'est, en effet, au système protecteur, ou
vrage de Napoléon, que la France doit tous
les progrès manufacturiers accomplis de
puis le commencement du siècle. Quand il
a voulu lutter avec l'Angleterre dans l'arène
industrielle aussi bien que sur le champ de
bataille, il a examiné, avec sa grande intelli
gence, les moyens à l'aide desquels elle s'était
.élevée si haut, et il s'en est emparé à son tour.
Car, on l'oublie trop facilement, l'Angleterre-
nia grandi qu'à l'ombre de la protection,
iel, si elle a rejeté , il y a quelques an
nées , l'appui des tarifs, c'est, seulement
parce qu'après s'en, être servie pour at
teindre le premier rang, elle n'avait plus
besoin de leur secours^ Nous n'en sommes
pas eneore là. Venus les derniers dans la
carrière, nous avons encore, quelque consi
dérables que soient nos progrès, beaucoup
de terrain à franchir pour rejoindre nos de
vanciers. LePrésidentdêlaRépubliquele sait/
il se gardera bien de compromettre l'œuvre
de l'Empereur; il la consolidera, au con
traire, .en continuant au travail national une
protection qui a déjà produit de si grands et
de si magnifiques résultats.
Louis-Napoléon avait déjà fait connaître,
dans les écrits publiés avant sop avènement
au pouvoir, les principes éminemment sages
qu'il professait en matière de tarifs. Un dé
cret récent a prouvé qu'il n'entendait pas
s'en départir. On avait, par la loi sur les su
cres, Votée il y a huit mois, abaissé la sur
taxe sur les sucres étrangers au point de met
tre la fabrication indigène en péril. Le Prési
dent a entendu les cris de souffrance de no
tre industrie ; il s'est informé de l'état des
choses, et après avoir reconnu que les su
cres étrangers venaient prendre la place
des sucres français «dans- la consommation
intérieure, 3 il a relevé la surtaxe afin de
sauvegarder les intérêts du travàil natio
nal. C'est là un acte important, non pas
seulement pour la sucrerie indigène, mais
pour l'ensemble de notre production agri
cole et manufacturière, qui aurait pu s'alar
mer de là résurrection du libre-échange et
qui aurait pu Craindre de voir ses doctrines
prévaloir dans les conseils du nouveau gou
vernement. J. B urat;
Le ministre de la marine vient de faire no
tifier dans les ports de France une ordonnan
ce, rendue à Malte, par le gouverneur de nette
île, le 29 janvier dernier, et qui a pour ob
jet de soumettre les navires de commerce à
un droit de'tonnage destiné à pourvoir aux
frais de construction et d'entretien d'un
phare. Dftns le principe, ce droit, qui est as-
sez élevé, était établi sur tous les bâtimens
marchands sans distinction, soit qu'ils fus
sent conduits a Malte, pour opérations de
commerce, soit qu'ils ne fissent qu'y mouil
ler en passant.
Or, on sait que l'île de Malte est un point
de relâche pou? les nombreux steamers qui
font le service de la correspondance et le
transport iles 1 ' passagers dans la Méditerra
née. L'entrép et la sortie périodique de ces
bâtimens ranne au part et à l'île tout en
tière mouvement mie Malte était menacée
de perdre par l'effef de là nouvelle ordon
nance.. Les paquebots, de la Méditerranée
amènent dans l'île un grand nombre d'etran-
gers de toute nation, voyageurs aises pour la
plupart, qui, dans leur court séjour a terre,
répandent l'argent dans l'île. Si les bateaux
à vapeur prenaient une autre route, Malte,
réduite à ses propres ressources, perdrait
toute son animation, et ne serait plus qu'une
fortification anglaise, isolée, sur un. rocher
au milieu de la mer.
La population a compris qu'elle était me
nacée de cet isolement, et d'unanimes récla
mations ont été adressées au gouverneur
pour obtenir le rappel de l'ordonnance. Le
conseil local à fait entendre des représenta
tions, et l'administration de l'île a senti
qu'elle faisait fausse route. En conséquence,
un nouvel acte du gouvernement a profon
dément modifié le premier en ce sens que
lès navires, à voiles resteront seuls soumis
désormais au droit proportionnel de tonnage
primitivement établi. Quant aux bâtimens à
vapeur, ils n'auront à payer qu'une taxe de
25 à 37 fr. 50 c. , que le collecteur des doua
nes prélèvera en délivrant les expédi tions.
Le gouvernement de Malte, s'il avait main
tenu sa première mesure, aurait commis une
erreur d'autant plus grande que l'utilité de
relâcher à Malte a ^té déjà très souvent et
très fortement contestée.
Le secrétaire de la rédaction, l. bonifa.ce.
M. le ministre des finances vient d'en
voyer au conseil d'Etat la loi des comptes de
l'exercice 1848 et celle des comptes de l'exer
cice 184-9. Comme la première avait déjà été
l'objet d'un rapport à l'Assemblée dissoute,
il est probable quelle sortira du conseil
d'Etat avant la fin de la semaine, et que le
corps législatif en sera saisi le jour de sa'pro-
chaine séance.
Un journal donne aujourd hui des détails
sur les conditions auxquelles plusieurs des
principaux banquiers seraient intervenus
dans l'affaire de la conversion de la rente
S 0/0. Nous avons tout lieu de croire ces déj
tails inexacts. Pour ne citer qu'un chiffre ,
nous dirons que les avances de là banque de
France, sur dépôt d'effets publics, se sont
élevées, non pas à 145 millions; mais à 100
millions environ. On comprend, d'ailleurs,
que ceux qui ont acheté du 5 0/0 à 100 fr. et
quelques centimes ont fait une assez bonne
affaire ^puisque le 4 1/2, qui le remplaee ,
étaiteetéaujourd'hui à 101 fr. 60 c.
J. B urat.
Le Journal de Lot-et-Garonne, du 3 avril,
nous apporte des nouvelles de la missipn du
colonel Espinasse, chargé en même temps
que MM. Caurobert et Quentin Bauchard de
réviser les dossiers des insurgés condamnés
à la transportation.
M. Espinasse est arrivé le 1 er avril à Agen.
.«Si nous sômtnes tfttTî Informés, dit lè journal
"de Lot-et-Garonne, ltjonoiabte eotenel aurait dé
claré que sa mission 1 avait % principalement pour
■but d'adoucir le sort de ceux des condamnés qui
avaient été entraînés dans l'insurrection et. dont
la participation aux événemens pouvait être im
putée soit à des inlluences personnelles, soit à une
faiblesse d'esprit et de caractère.
» Quant aux chefs, quant aux hommes d'intel
ligence et d'initiative, la juste sévérité des com
missions mixtes devait recevoir 'son plein et entier
effet.
» Après avoir pris connaissance' des dossiers,
M. le colonel Espinasse a témoigné la plus pro
fonde surprise. A Paris, a-t-il dit, an croyait à une
simple insurrection, mais personne ne se doutait
d'une organisation aussi formidable et des'dan
gers imminens que les honnêtes gens ont courus
dans les divers arrondissemens de Lot-et-Ga
ronne. *
» Le colonel a témoigné ensuite sa satisfaction
sur la manière à la fois juste et pleine de modéra
tion avec laquelle la commission avait rempli sa
tâche, et voici les modifications qu'il a apportées
aux décisions de cette commission :
» Dix-sept personnes passent de la catégorie
des transportés en Algérie dans la catégorie des
internés en France.
» L'expulsé du territoire passe également dans
la catégorie d'internement.
;» Enfin, vingt-quatre internés sont réintégrés
dans leurs foyers avec surveillance^ de la police
générale. »
Voici le texte du projet de loi sur les mon*
naies, délibéré et adopté par le conseil d'E
tat, dans sa séance du 25 mars, et porté 'to
corps législatif le 2 avril :
Art i Seront Tgtirées'dè'1â ï crfcûîatiSn'ÎS 4 3e^
tnonetisées : -
Les pièces d'un liard et de deux liards ;
Les pièces d'un son et de deux sous ; -
Lss pièces d'un, cinq et dix centimes.
2. Des décrets fixeront les époques auxquelles
ces pièces cesseront d'avoir cours légal et forcé, et
ne seront plus admises dans les caisses de l'Etat.
y.Ces monnaies seront remplacées par une nou
velle monnaie de bronze, dont les pièces seront
d'un, deux, cinq et dix centimes -
Le poids et le module de ces pièces seront ;
Poids. Diamètre.
1 centime. 1 gramme. 18 millimètffes.
2 id. 2 id. 20 id. ^
5 id. S' id. 25 id.
10 id. 10 id. 30 id.
Elles seront composées de 95 centièmes de cui
vre, 4 d'étain, et 1 de zinc.
La tolérance du poids en fort et en faible sera
de 1 p. 100 pour les pièces de 5 et de 10 c., et de
1/2 p. p. 100 pour les pièces de 1 et de 2 c.
La tolérance du titre en dessus et en dessous
sera d'un .centième pour le cuivre, et de demi cen
tième pour chacun,des deux autres métaux.
Art. 4. La nouvelle monnaie de bronze portera
sur la face, l'effigie du prince-Pre.si4.ent de la Ré
publique, avec la légende : Louis-rNapolécm,
parte, et au revers l'indication de la valeur de la
pièce et Tannée de la fabrication.' '
Art. 5. L'émission de la nouvelle monnaie de
bronzene pourra 'dépasser, en définitive,' la, va
leur nominale dès anciennes monnaies de cuivre
qui seront démonétisées en exécution du présent
décret.
Art. 0, Une somme de 7,560,000 francs est af
fectée à toutes les - dépenses que néeessiteront le*
retrait et la démonétisation des monnaies de cui
vre actuellement en circulation, la fabrication et
l'émission delà nouvelle monnaie de bronze.
Art. 7. A valoirsur l'allocation déterminée par
l'artjcle précédent, il est ouvert au ministère des
finances sur l'exerçice 1852, un crédit spécial dé
1 mglien..
„ Art. 8. Il sera pourvu à cette dépense au moyen
des ressources accordées par le budget pour l'exer
cice 1852.
Le Moniteur publie aujourd'hui le rapport
suivant :
RAPPORT
De la commission chargée de l'examen du projet
de sénatus-consulte relatif à l'allocation annuelle
due au Président de la République en vertu de
l'article 15 de la Constitution. "
Messieurs les sénateurs,
Il est juste et convenable que le sénat s'occupe,
dès les premiers jours de son installation, de dé
terminer, conformément à la Constitution, la
somme qui doit être allouée annuellement au Pré
sident de la Repubuciue.
La proposition qui vous est faite par votre bu
reau exprime le sentiment du pays et celui de
cette assemblée.
Il s'agit de fixer la position du chef d'un grand
peuple -qui tient ases anciennes traditions.Le pays
entend que l'homme qui a sauvé la société et à
qui ; il a donne confiance par une manifestation
unique dans l'histoire, puisse le représenter di
gnement dans la magistrature suprême dont il l'a
investi.
: Il veut qu'il habite les palais de s&s anciens sou
verains, qu'il exerce noblement l'hospitalité de la
France, qu'il encourage les arts, les sciences et les
.lettres/qui font'unè partie de notre gloire natio
nale, qu'il pntSsc tendre une main secourable à
toutes les infortunes.
Dans cette partie importante de sa grande mis
sion, le prince Louis-Napoléon répondra digne
ment, nous le savons, aux vœux de la France. Il
appartient au sénat de lui en assurer les moyens
par son vote.
Votre commission^ (jui a adopté à l'unanimité
les dispositions du projet de .sénatus-consulte, y a
introduit, pour plus de clarté èt dans ua intérêt
d'ordre, de légères modifications. Nous espérons
qu'elles obtiendront votre assentiment, de même
que leî articles du sénatus-consulte proposés par
votre bureau;
Fait au palais du sénat, le if avril 1852.
Le rapporteur de la commission,
Signé, fôuld. '
Aujourd'hui, après une courte séance, le
corps législatif s'est ajourné au 13 de ce mois,
-, i ' - . ■ "
Voici le procès-verbal de la prestation de
serment qui a, eu lieu hier soir à l'Elysée ;
nous retranchons seulement les noms que
nous avons publiés dès hier : .
Procès-verbal deja prestation de serment des mem-
. bres de la cour de cassation et de la ,cour des
comptes et des premiers présidens et procureurs?
généraux des cours d'appel.
Aujourd'hui, 4 avril 1852, à neuf heures du
Soir, les membres de la cour de cassation et de la*
cour des comptes, les premiers présidens et les
procureurs généra ux d es jiours d'appel se sont
«Wàyàtr-^àfais'mëTEIJsée pour prêter, entre les
mains du Président de la Républiqoe, le serment
prescrit par la Constitution.
Le Prince était entouré de ses ministres.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a
pris la parole et s'est exprimé en ces termes :
« Monseigneur,
» MM. les membres de la cour de cassation, MM.
les premiers présidens et procureurs-généraux des
cours d'appel, viennent prêter, entre les mains
du chef de l'Etat le serment prescrit par la Consti
tution.
» Ces magistrats, honorés par tant de travaux
utiles, habitués à imposer le niveau de la loi à
tous les citoyens, attestent par leur seule présen
ce à cet acte solennel, qu'ils respecteront et feront
respecter cette Constitution que la nation entière
a proclamée par votre voix.
» Leur loyauté bien connue vous garantit leur
entière adhésion à votre gouvernement et à l'or
dre de choses que vous avez fondé.
» Ils savent que c'est à votre courageuse initia^-
tive que sont dus et la-défaite de la démagogie et
le rétablissement de l'autorité, sauvegarde de*
l'ordre et de la liberté.
» Ils apporteront à votre gouvernement la
force que donne la justice; ils n'oublieront pas
que vous avez conservé à la magistrature françai
se cette forte organisation quelle avait reçue de
l'homme immortel : doat , vous portez le'nom et
dont, vous continue? l'œuvre patriotique.
» Tels sont leurs. sentimens. Je suis heureux
d'en être l'interprète, auprès de vous.
« Permettez, Monseigneur, que j'aie l'honneur
de lire la formule du serment que ces Messieurs
prêteront individuéllement. »
Après cette allocution, le prince-Président a dit :
« Messieurs les magistrats,
» Quoique je reçoive votre serment avec plaisir,
» l'obligation de le prêter pour tous les corps
» constitués me semble moins nécessaire delà
» part de ceux dont la noble mission est de faire
» dominer et respecter le droit.
» Plus l'autorité repose sur une base incontes-
» table, plus elle doit être naturellement défendue
■a par vous.
» Depuis le jour où le dogme de la souveraineté
» du peuple est venu remplacer le principe du
» droit divin,on peut dire qu'aucun gouvernement
» n'a été aussi légitime que le mien.
» En 1804, 4 millions de suffrages, en procla-
» mant l'hérédité du pouvoir dans*ma famille, me
» désignèrent comme l'héritier de l'Empire.
» En 1848, près de 6 millions m'appelèrent à la
» tête de la République.
» En 1851, près de 8 millions m'y maintinrent.
» Ainsi, en me prêtant serment, ce n'est pas
» simplement à un homme que vous allez jurer
» d'être fidèle, mais à un principe, à une cause, à
» la volonté nationale elle-même. »
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a lu
ensuite la formule du serment :
« Je jure obéissance à la Constitution et fidélité
au Président; je jure aussi et promets de bien et
fidèlement remplir mes fonctions, de garder reli
gieusement le secret des délibérations, et de me
conduire en tout comme un digne et loyal magis
trat. »
Le garde des sceaux a -fait l'appel nominal, et
chacun des magistrats appelés a levé la main et a
dit : « Je le jure. »
Le ministre des finances a ensuite demandé au
prince-Président de vouloir bien recevoir le Ser
ment/des membres de la cour des comptes.
Le prince leur a adressé les paroles suivantes .
FiîiMErON DUCOOTCTÏOMU AVRIL.
REVUE MUSICALE.
concert spirituel de m. gordjgum —31. van-gei-
der.—m.lou.1slacombe.—m.herman—m.mdlder.
—m. " ' *.—musique et prestidigitation .—Rentrée
deM 1Ie Courtol.— La Revue des Ombres, par G iusisp-
pe dan1ele.
Il y a longtemps que je voulais consacrer
quelques lignes dans ce Journal à un compo
siteur élégant, distingue, d'un talent solide,
M. Gordigiani, déjà connu et apprécié dans
le monde, mais dont le gros public n'a pas
encore appris à répéter le nom. Le concert
spirituel qui vient d'avoir lieu dans la salle
llerz donnera au moins-à la notice qu'on
va lire un intérêt d'à-propos. M. Gordi
giani est un de* ces hommes d'une nature
singulière qu'il faut aller chercher dans
leur coin et qui font tout leur possible pour
se. soustraire à la publicité. C'est l'excès con
traire à celui que je déplorais dans mon der
nier article. Il est beau, sans doute, de ne
pas vouloir arriver par les coteries et psr
l'intrigue; mais il ne faut pas non plus in
triguer pour rester dans l'ombre. Trop de
modestie pourrait bien cacher un peu d'or
gueil.
Ce n'est pas la première fois que M. Gor
digiani quitte Florence sa patrie et les pai
sibles bords de l'Arno, pour se mêler au
mouvement de Paris. 11 y est venu tout en
fant. Son père faisait partie de la chapelle
de . l'Empereur. E q 1812, le petit Gordi
giani, âgé de cinq à six ans, eut l'insigne
honneur de dîner chez la signora Bolla
avec Paër, Crescentini et Zingarelli, et on
lui fit chanter au dessert : Notle e giorno fati-
car,- etc., ce qu'il s'est bien gardé d'oublier.
Dans ces heureuses années de la première en
fance,'il était sans cessé sur les génoux de Mme,
Festa, de Barilli, de Tacchinardi, de Porto,
qui florissaient alors dans tout l'éclat de leur
gloire et de leur talent. De retour en Italie,
l'enfant chanta beaucoup, de sa petite voix
de soprano, dans les salons, dans les théâtres
et dans les églises. On admirait sa : justesse,
sa grâce, et, dans un âge si tendre, une mé
thode correcte et lîn goût naturel. I! fut at
taché à la chapelle du grand-duc. Le mo
ment était venu de donner à ses études une
direction plus sérieuse et plus régulière. Il
apprit d'abord ,' sous son père, puis avec
Benvenuti et Pietro Romani, les règles de
l'harmonie et de la composition. Il pro
fita surtout des leçons et des conseils de
Disma Ugcilini , un bon vièux professeur
d'un profond génie et d'un immense savoir,-
qui inventerait la musique si elle n'existait
pas. Le jeune élève n'avait pas vingt* ans
accomplis qu'il débutait au Cocomero par
un petit ouvrage en un acte, intitulé le Ren
dez-vous. Son premier opéra dé Quelque im
portance est Fausto. Ii fut représenté, je crois,
à la Pergola,ettombalourdement. Lapartition
renfermait cependant des morceaux remar
quables; niais l'élément surnaturel dont
l'auteur du poème avait usé largement bles
sa le goût d'un parterre à la fois classique et
sceptique. L'apparition desombres ; des sor
cières et des démons, qu'on avait voulu ren
dre terribles à grand renfort de cornes, de
griffes et de queues, soulevadans la salle une
longue hilarité. Evidemment l'Italie notait
pas encore mûre pour le genre romantique.
(jify Aragonesi in Napoli, donnés un peu
plus' tard, au théâtre Leopoldo, eurent le
plus grand succès, non-seulement à Floren
ce, mais dans plusieurs villes. Filippo, re
présenté au Cocomero, réussit de même et
acheva d'établir la réputation du jeune maes
tro. Une singularité piquante, et dont on ne
trouverait pas, je pense, beaucoup d'exem
ples dans l'histoire du théâtre, c'est que lès
deux derniers ouvrages de Gordigiani ont été
chantés par les Poniatowski, ces prinees qui
n'auraient point de rivaux parmi les artistes,
si la naissance et la fortuiie ne les avaient mis
hors de toute concurrence. Aùssijorsqu'bn
demande à Gordigiani ce qu'il attend pour
faire jouer ses opéras, il vous répond avec'
son fin sourire J'attends que le ministre de
Toscane, le prince Poniatowski, s'engage,
comme premier ténor, au Théâtre-Italien de
Pans. '
Pe rarque travaillait huit'et jour à son
poeme latin l'Africa, qu'il regardait comme
son unique titre à la gloire; il écrivait ses
sonnets dans un moment de rêverie et de
loisir, et c'est pourtant par ses sonnets qu'il
est parvenu à la postérité. Gordigiani, dans
un autre art et dans un rang moins élevé,
attendait tout de ses opéras; mais ce qui l'a
fait .connaître rapidement en Italie, ce sont
ses Chants populaires, qu'il improvise en se
jouant. La première de ces petites composi
tions charmantes qui passa les Alpes et lit
sensation à Paris, commence par ces mots :
Partitaè già la nave dallo porto. Elle fut pu
bliée par Pacini, et le succès ne se fit pas at
tendre longtemps. Aujourd'hui, le recueil
des Mélodies de Gordigiani est sur le piano
"de tous les artistes d'élite, de tous les gens
de goût. Ce sont des chants d'une simplicité,
d'une originalité et d'une grâce incompa
rables. Il en a écrit jusqu'à cent, parmi les
quels on ne saurait choisir; car le dernier
qu'on entend paraît toujours le plus beau.
Rien de plus grâcieux, de plus touchant,
de plus suave que la Biancnina, i Salmi,
il Soldato, o Santissima vergine, o -Rosa dél
ié rose, etc. Les paroles sont aussi dou
ces que la musique; ce sont des vers
charmans,donton ne connaît point l'auteur;
le peuple les chante dans les rues, et M. Gor
digiani n'a fait que les recueillir et les ar
ranger.
Les Mélodies sacrées qu'il vient de faire en
tendre dans le concert de samedi sont au
nombre de dix. Le style en est plus grave, *
mais la mélodie n'en est pas moins pleine
de grâce, d'élégance et' de. fraîcheur. On a
surtout remarqué l'Ave Maria, air pour con
tralto; le Salve Regina, qualuoravec chœurs;
un Credo magnifique, il Cibo de giusti, air de
, basse d'un caractère^ la fois simple et gran
diose ; le Pater noster , air pour ténor; et Là
E
suIV altar del Gotgota, air de soprano avec
chœur, d'un effet délicieux. Les interprètes
étaient Lablache, Moriani, Mlle Hugot et
Mme la princesse Labanoff, voix ravissante,
méthode exquise et talent de premier ordre.
Ce qu'il y avait ce jour-là de marquises, de
duchesses et de princes dans la salle Herz rem
plirait, rien qu'à citer les noms et les titres,
a .moitié d'un livre d'or. Un tel parterre
était digne de tels artistes.
Maintenant, je confierai tout bas à l'oreille
de M. Lumley, que l'auteur des Mélodies sa
crées et des Chants populaires vient de mettre
la dernière main à un opéra : l'Assedto de Fi-
rense* Mais si M. Lumley veut l'avoir pour la
saison prochaine, il faudrait qu'il s'entendît
d'avance avec M. le prince Poniatowski et
avec Mme.la princesse Labanoff. Qui sait si,
en s'y prenant adroitement, il ne réussit pas
à les engager? Il en a fait bien d'autres.
—Mes lec teurs me sont témoins que j'ai tou
jours saisi, avec bien duplaisir, les occasions
que j'ai pu trouver de dire du bien d'Adol
phe Sax et de ses instrumens. Si l'on écou
tait mes conseils dans l'autre monde, c'est
lui qu'on chargerait de fabriquer les trom
pettes du jugement dernier. Il fait déjà un
essai dans ce genre. Il prépare, pour le Juif
errant, un monstrueux saxo-tuba de vingt
pieds de haut : dont l'effet sera formidable.
Mais nos plus' chers amis ont leurs dé
fauts, et le défaut de Sax est la petite
salle qu'il a fait bâtir à côté de ses ate
liers et qu'il prête ou loue aux artistes à
des prix modérés. Toute petite qu'elle est,
cette salle a une infinité de perfections qu'on
ne eonnaît qu'à l'usage. On y gèle quand
il fait froid, on y étouffe dès que le temps
s'adoucit ; elle est éclairée aux carcels, mais
des carcels d'une si courte haleine et d'une
clarté si intermittente, qu'il faut les remon
ter tous les quarts d'heure, ce qui ne man
que pas de jeter quelque variété dans le
concert; elle est sonore autant que salle peut
- l'être, et tous les fiacres qni passent dans la
rue Saint-Georges l'ébranlent par de vives se
cousses et font trembler les vitres, le plafond
et les murs. Autre agrément : par une coïnci
dence étrange, et qui ne peut être l'effet du
hasard, tou t le personnel de service es t boiteux;
le contrôleur boite, le garçon boite, l'ouvreuse
boite abominablement ; on les a choisis, je
crois, tout exprès; pour marquer la mesure.
Ces Waves gens vont , viennent, sortent, ren
trent, pour donner tantôt lé petit banc, tan
tôt le programme; le parquet gémit sous,
leur pas inégal; le musicien s'interrompt,
l'aiiditoire s'irrite, et la soirée se passe~au
milieu des incidens lés plus comiques et les
plus inattendus. !
C'est apparemment à tous ces avantages
que la salle Sax doit la faveur singulière
dont elle jouit ; les artistes qui comptent
sur un publie plus choisi que nombreux la
préfèrent à toute autre salle, d'abord parce
qu'il est plus facile de la remplir, ensuite
parce que l'exécutant a toutes ses victimes
sous la main. Impossible, de s'échapper; c'est
l'enfer du Dante : Lasciate ogni speranza, o voi
ch'entrate. oii "a bien ménagé ;dans un coin
une espèce 'de soupente, où les artistes se
tiennent pliés én deux lorsqu'ils sont d'une
taille ordinaire; mais malheur à qui voudrait
s'évader de cè côté; ce foyer n'a point d'issue,
on y est pris comme dans une souricière.
Ce n'est pas, on le comprendra, sans de
graves motifs que l'auteur dé cet article est
venu se placer de lui-même sur la sellette et
a bravé aeux heures de détentionpréventive.
Il s'agissait d'entendre un* de nos meilleurs
violoncellistes,M. Van-Gelder, et on devaitde
plus, ce soir là, dire unnouveautrio de Louis
Lacombe, cetartiste d'un talent sérieux, con
vaincu, qui va droit son chemin, la tête
haute et les yeux fixés sur le but lumineux
qu'il Yeut atteindre. J'ai été exact comme
toujours, ce qui m'a procuré le plaisir
d'un long tête-à-tête avec les trois boi
teux qui font les honneurs de la salle. Au
bout de quelque temps, j'ai vu paraître une
famille anglaise composée de six dames et de
quatre ou cinq gentlemen. Les dames étaient
en grande toilette, les épaules nues, les bras
nus, d'énormes broches sur la poitrine, des
fleurs, des fruits etautres comestibles dans les
cheveux ; les hommes étalaient du linge d'une
raideur étonnante et des cravates, blan
ches, dont les bouts ressemblaient aux ailes
d'un moulin ou aux bras d'un, télégraphe.
nltnri/1 1 'r\rl fnît rwi/~vT51 >4a tAiit T*r*î.
proûahiement trop enauet, ont pris
les éventails de leurs dames, et se sont éven
tés toute la soirée, avec une gravité imper
turbable. Quant au bruit qu'on faisait autour
d'eux ou devant eux, ils paraissaient n'y
prêter aucune attention. Heureux caractère !
Enfin, on à ouvert la séance, et j'ai été dé
dommagé tout d'un coup d'une si longue at
tente! On n'a exécu té que le largo et le finale
du nouveau trio de Lacombe, et les deux
morceaux que j'ai entendus me font regret
ter l 'allegro et le scherzo. L'auteur a été par
faitement secondé par MM. Armingaua et
Van-Gelder, qui, dans l'interprétation d'une
œuvre assez difficile , ne pouvaient faire
preuve de plus de sentiment, de finesse et
dé goût. Le largo débute par une prière, ex
posée d'abord par le piano seul, et répétée
après un court intermède par le violon et
par le Violoncelle. Un chant doux, et plain-
. tif, accompagné en octaves par le violon
celle, et présenté ensuite en mineur, sert
de transition à un second motif d'une
couleur sombre et sévère , sur lequel ; se
dessine un contre-point d'un grand effet.
Des accens plus brillans et plus vifs ramè
nent la pensée principale, dite alors en canon
par les deux instrumens à cordes pendant
que des traits en arpèges, parcourant tout le
piano et entremêlés d'accords, soutiennent la
mélodie. Tout le morceau est empreint d'une
tristesse et d'une rêveriecharmantes. Le finale
au contraireestrempli de mouvement, de pas
sion et de chaleur. Tout le monde a paruravi
du second thème, qui est une marche des plus
pittoresques et des plus originales, relevée
encore par un contre-point dont le rythme
contraste avec celui de la marche. Le tout se
termine par une reprise du premier motif
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