Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-12-10
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 décembre 1908 10 décembre 1908
Description : 1908/12/10 (A2,N437). 1908/12/10 (A2,N437).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76460907
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2eAnaês,»= Na437 (Quotidien)
Le Numéro: 5 centimes
Jeudi 10 Décembre 1908
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v Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI
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Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger -40 » 20 »
Le pou et les fleurs
- Evidemment, elle est gentille, cette
petite Zoé Poisse! se disait avec un peu
de lassitude M. Raphaël Crapoussin qui,
depuis trois mois, bénéficiait de ses grâces
expérimentées et dociles. Jolie et joyeuse,
elle m'offre le régal d'une jeune chair en
fletir. Pas de caprices avec ça, et jamais de
scènes! Même aucun risque d'infidélité!
Dans son humble zèle à me rendre heu-
reux, je sens de l'admiration pour l'homme
élégant que je suis, et de la gratitude
pour le sort brillant qu'elle me doit. Mais
précisément, c'est sa basse extraction, son
manque de prestige qui me choquent. Je
n'arrive point à oublier la vitre de créme-
rie derrière laquelle j'ai découvert sa fraî-
che et stupide beauté. C'est une femme
sans pittoresque et sans histoire! Personne
ne la connaît. Si resplendissante que soit
sa carnation, avec elle au théâtre ou dans
les restaurants à la mode, il me semble
que j'ai l'air de sortir avec ma bonne en-
dimanchée. Non! Décidément, un homme
de mon rang a besoin de se promener dans
la vie avec une femme ébouriffante dont
la grande allure fasse impression, une
femme connue, dont on parle, ayant un
passé de gloire et d'aventure, une femme
dont l'apparition n'importe où éveille chu-
cbotements et désirs. Quelle excitation à
l'amour que cette perpétuelle griserie d'a-
mour-propre!
Blême, étriqué, nabot, M. Raphaël Cra-
poussin - don-t les disgrâces physiques
eussent dû réfréner l'orgueil et les exigen-
ces — se disait ces paroles de désenchan-
tement avec un amer rictus d'avorton va-
niteux et cruel. Cela, au lendemain d'un
jour où, après tant de méritoires complai-
sances et de caresses Dlus méritoires en-
core, l'aimable Zoë Poisse, bonne fille
toute radieuse de sa récente promotion
d'une modeste crémerie aux liesses de la
vie galante, avait gentiment toléré les re-
buffades, les acrimonieux dédains et la lu-
gubre dégénérescence de M. Crapoussin.
Si cet arrogant bout d'homme, au poil
rare, à la denture gâtée, au relent de
chair pauvre et malade, à l'esprit médiocre,
avait eu le moindre sentiment de justice,
il n'aurait pu avoir au cœur qu'une recon-
naissance éperdue pour la femme belle et
joyeuse qui, même pour de l'argent, voulait
bien tolérer auprès de sa rayonnante chair
jeune la misère physique de cet avorton et,
auprès de son rire, ses vanités hargneuses.
Mais M. Raphaël Crapoussin avait l'in-
guérissable marotte de ne se plaire qu,'en
la compagnie de très belles filles, grandies,
élancées, aux allures victorieuses, qui ajou-
taient à la splendeur de leurs charmes le
prestige d'une notoriété théâtrale ou sim-
plement d'une gloire galante. Riche jusqu'à
l'insolence, pouvant mettre de l'or et des
bijoux au bout de ses plus arrogants désirs,
il satisfaisait parfois — à gros prix — ses
ambitions par de telles conquêtes.
Il fallait voir alors son orgueil, son an-
goisse et sa honte auprès de ces femmes
qui le dominaient de toute leur majes-
tueuse élégants ! M. Crapoussin avait beau
se redresser encore sur ses talons trop
hauts, prendre à côté d'elles un air vain-
queur, dans le coup de vent de leurs jupes
il donnait toujours l'impression d'être un
bouffon triste et grimaçant sur- les pas
d'une reine!
Dans les couloirs des premières repré-
sentations, où ses trop splendides compa-
gnes laissaient derrière elles comme un
sillage de ferveurs et de désirs, devant les
cristaux et les fleurs des restaurants de
fête où leur soudaine apparition produisait
un silence admiratif- aux vernissages fa-
meux, aux -andes réunions sportives, où
il était si fier d'étaler ses enivrantes con-
quêtes, pour tout le monde, il avait le suc-
cès d'un nain de Vélasquez escortant une
infante. Son air d'orgueil, son comique ef-
fort pour grandir sa petite personne étri-
quée, pour prendre l'allure faraude et tran-
quille d'un homme bien à l'aise dans son
bonheur tout naturel, donnaient envie de
rire. Mais sa détresse physiologique, son
expression de rancune, d'amertume et d'an-
goisse faisaien bien plus encdre pitié.
Et il fallait voir avec quel mépris ces
souveraines de la galanterie parlaient à
ce nabot aux dents cariées, au cheveu
maigre, qui semblait les haïr tout en les
désirant, et qui les attristait par son rictus,
si amer et si morne même lorsque le con-
tentement d'orgueil soulevait un peu sa poi-
trine étriquée. Pauvre petit bonhomme ra-
tatiné, il avait eu l'audace de convoiter des
femmes d'une forme si majestueuse que, au
sortir des lieux de fête, il ne pouvait même
prétendre à l'honneur de les aider à remet-
tre leur manteau! C'était le maître d'hôtel
qui, ricaneur en son empressement, devait
venir à son secours!
Aussi, devine-t-on sans peine de quels
dédains, de quels sarcasmes, de quelles exi-
gences, il devait payer, à chaque minute,
les misérables bonheurs dont il se rengor-
geait.!
— Quelle folie! Quelle dérision! se di-
sait-il à lui-même certains soirs où, humilié
en public par les regards de commisération
ou de moquerie et par le sentiment du
contraste trop burlesque entre sa chétivité
hargneuse et la splendeur éblouissante de
ses compagnes, il s'indignait des rebuffades
et des caprices dont, loin des lustres, il lui
fallait payer là joie de parader, nain amer
et fourbu, aux côtés de femmes trop ma-
jestueusement belles !
Alors, dans un sursaut de révolte, notre
Crapoussin réfugiait sa laideur chétive loin
de ces femmes impérieuses et, rendu rai-
sonnable par tant d'humiliations, demandait
l'ivresse à des créatures plus humbles qui,
fascinées. le lui donnaient avec gratitude.
C'est ainsi que M. Raphaël Crapoussin
avait, tour à tour, abandonné, à cause de
leurs moqueries exigeantes et des ricane-
ments de la foule, l'altière Amarante de
Campanelle, étoile des Folies-Plastiques,
opulente Iris de Pompone, fraîche rose
Mousseuse qui était la - commère de toutes
les revues à la mode dans les plus bril-
lants théâtres du boulevard, et l'opulente
venelle de Passerose qui, si elle ne joue
Pas sérieusement la comédie, a, du moins,
des drames de passion et de mort dans son
ncc galante, ce qui lui assure un pres-
tige bien DIUS éclatant encnrev
Et, au lendemain mélancolique de ces
humiliantes ruptures, M. Crapoussin s'était
résigné à des aventures sans gloire avec de
modestes petites femmes qui, tout ébahies
de bien-être et de luxe, le réjouissaient de
leurs jeunes grâces avec la plus respectueu-
se admiration. Pendant quelques semaines,
il goûtait avec bonheur la quiétude de n'être
point trahi, de n'être plus moqué, de moins
apparaître dans sa laideur de nabot gro-
tesque et fripé.
Mais, peu à peu, ces amours obscures
le consternaient. Il était repris par la han-
tise des grandes femmes glorieuses et
voyantes. Oubliant les tortures anciennes,
il - ne pensait qu'aux joies d'amour-propre
et de vanité. C'est ainsi que, impatient de
recommencer son rôle de nain dans les ju-
pes des courtisanes altières, il avait bru-
talement congédié telle Alphonsine Goffe,
telle Virginie Truelle, telle Emma Paillas-
son, avec lesquelles pourtant, taquin, auto-
ritaire, hargneux, il avait pu librement
prendre sa renvanche des avanies dont il
était victime avec les autres.
Et il se sentait sur le point de céder
une fois de plus à son invariable^et bur-
lesque folie, d'abandonner là docile Zoë
Poisse, auprès de laquelle, trois mois du-
rant, il avait connu l'alléeresse de n'être
point bafoué, pour courir au supplice de
nouveHes aventures plus glorieuses.
Mais, la veille, il avait tant martyrisé
l'humble amoureuse que, si bonne fille
qu'elle fût et si soecieuse de conserver,
dans la galanterie, le rôle auquel elle ve-
nait d'être promue, elle s'était révoltée à
son tour. Tandis que, amer et crispé, le
nabot Raphaël Crapoussin préméditait un
lâchage, elle s'écriait dans un immense
soulagement de voir partir cet avorton
cruel :
— J en ai soupe de l'amour avec un
singe! Ce que j'appelle un homme qui soit
à ma taille et qui ait au moins la force de
rire? Ce n'est, certes, pas moi qui empê-
cherai ce pou de se trémousser près des
grandes fleurs autour desquelles il est si
pitoyable de vanité, de souffrance et d'hu-
miliation!.
Incorrigible, M. Raphaël Crapoussin re-
tourna fiévreusement aux torturantes ivres-
ses dont il gardait la hantise dans son
pauvre petit cœur ratatiné de nabot vani-
teux.
Georges LECOMTE.
Nous publierons demain un article de
FÉLIX GALIPAUX
Antoine - -.
Puisque l'Odéon se voit force d'engager,
pour séduire le public, des artistes en re-
présentation. on ne saurait trop lui conseil-
ler de choisir des noms populaires capa-
bles d'attirer la foule véritable. Parmi ceux-
ci, il en est un qui me paraît tout particu-
lièrement désigné pour faire la fortune
de l'Odéon, c'est celui d'Antoine, et je ne
comprends pas comment, la direction de no-
tre second Théâtre-Français hésite plus
longtemps à s'attacher un artiste de cette
valeur.
Quel que soit l'admirable talent de 'Gé-
mier et la clientèle innombrable qu'il a
su se créer, le sais cependant certains pro-
vinciaux qui turent ravis, l'an dernier, d'a-
voir pu, lors de leur passage à Paris, ap-
plaudir Antoine dans son rôle de Sherlock
Holmes.
Il faut, en effet, un très grand nombre
damnées pour que le gros public soit bien
an courant des changements opérés et cer-
tains provinciaux, de passage à Paris, ne
manquent point de retourner dans tel ou
tel théâtre où ils eurent le plaisir d'applau-
dir, il y a vingt ans, lors de leur voyage de
noces, les acteurs qui s'y trouvaient.
Antoine à l'Odéon, ce serait, à n'en point
douter, un vif mouvement de curiosité dans
le public et le succès assuré pour une
prochaine pièce.
Dans les milieux officiels, rien ne s'oppose,
parait-il, à ce qu'Antoine joue à l'Odéon;
on en serait même ravi. Seulement, voilà,
une seule question reste encore à résoudre
dont dépend peut-être le salut de notre se-
cond Théâtre-Français ; Antoine voudra-
t-il se décider à aller jouer là-bas, à l'O-
déon, de Vautre côté de l'eau?' D'aucuns,
disent que non et cela, il taut bien le dire,
serait infiniment regrettable.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, a huit heures un quart, au th'éâ-
tre Mévisto, répétition générale de Leurs
Maîtres, comédie en un acte de M. Jacques
Terni. 1
DISTRIBUTION
M*" Deraisey COLETTE.
Derlize GERMAINE
Martcha LILY
M. Clavaret BOB
et de L'Affaire des Variétés, comédie 'en
trois actes, de M. Gabriel Timmory.
DISTRIBUTION
M." Suzanne Demay La Rivale de Sherloclc
Holmes
jane Salazac VICTORINE
Martcha Catherine d'UPSAAL
Thérèse Robert VIVIANE
Marconi UTTLE FLO
Deraisey Comtesse d'UPSAAL
Degaultret DE PREJALIN
Desseigne - VERNUDESCO
Moskow DE NEUVAINES
MM. Mévisto KAACKMANN *'
Jacques Normand Baron BRITZBERG «
R. Maisonnières BROQUET
Pierre Labrousse Rodolphe NICOLESCO
doë Nathan MONARD
Blancara Le comte a UPSAAL
Weyrich LESTIBOUDAC
Albert Lombard TABlmON
Dastiéry FOCGERON
Eygen L'Avertisseur
L
'affaire du Foyer continue.
r Parmi les personnes arrêtées avant-
hier, à la Comédie-Française, se trouvait
un de nos confrères -::-'"- bouillant sports-
map —r qui ne trouva pas à son goût une
note Dame. à orocos de cette mémorahia
à
soirée, dans le courrier des théâtres d'un
grand quotidien. Il s'en fut, hier soir, à la
rédaction de ce journal et demanda « le res-
ponsable ».
L'entrevue fut, dit-on, si orageuse qu'il
y eut des voies de fait de la part du vi-
siteur. L'affaire va-t-elle se terminer sur
4e pré? Le sang gaulois de l'un deman-
dera-t-il à l'autre — un escrimeur gaucher
— raison de l'insulte?
R
I
î, en de nouveau. 1
Il y eut, en 1891, une question
Upéra, avec Bourgeois au minisre.
La question Opéra actueHe donne quel-
que regain de succès aux quelques vers en-
joints retrouvés dans un vieux numéro du
Figaro ;
LES IMPRÉCATIONS DE GAILHARD
Bourgeois, l'unique objet de mon ressentiment !
Bourgeois, dont l'arrêté vient de nommer Bertrand!
Bourgeois, qui me détruit et qùe mon coeur abhorre !
Bourgeois, toi que je hais puisque Bertrand t'adore!
Puissent, de l'Opéra, les hommes préférés
Saper les fondements par nous mal assurés !
Puissè-je voir tomber au plus tôt les murailles!
Que Bertrand de ses mains déchire ses entrailles !
Que :le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur lui des déluges de feux !
Pulssè-je de mes yeux y voir tomber la foudre,
Voir ses loges en cendre et ses décors en poudre !
Voir le dernier ténor à son dernier soupir,
Moi seul en être cause et. vivre de plaisir.
Albin Valabrègue,
L
es nombreux vols de bijoux commis
r récemment ont effrayé beaucoup
d'artistes, qui se sont empressées de les
vendre à Dusausoy, expert, 4, boulevard
des Italiens, ew1 leur a payé très cher.
Grand choix d'occasions"
M
adeleine s'ennuyait.
„ Madeleine Dolley, l'exquise créa-
trice de L'Enfaht chérie, est toujoursc en
Russie. Un charmant petit mot d'elle, adres-
sé au Masque de Verre, nous prévient
qu'elle n'oublie pas. ses amis de Paris. Elle
était partie en Russie sans crainte du
choléra; la suite lui a prouvé qu'elle avait
eu pleinement raison. « Mais, nous écrit-
elle, l'actualité est unpeugûgtfdans l'empire
des tsars ; les beaux gestes manquent un
peu d'éclat.» Et, pour secouer cet air
neurasthénique, Madeleine Dolley s'est
mise à organiser des five o'clock et des
soupers: et maintenant, paraît-il, elle com-
mence à vivre. -
H
istoire d'une barbe. -
'1 Ravet, qui a si pittoresqttôrrtent in-
terprété le rôle du politicien fâcheux Aar- •
naud-Tripier» datjs Le Foyer{ avait primiti-
vement conçu son personnage avec une
bar!?c tou~u~, )Lnvua~MHMtuu~,*"'g<.-m~' Moter
siac.
A l'une des répétitions « an tête », on lui
demanda de modifier sa physionomie, qui
rappelait celle de quelqu'un de connu.
Aux « couturières », Ravet n'avait plus
qu'une barbiche en pointe, comme maint
radical-socialiste. Il ressemblait alors au
parent, récent et proche, d'un des plus
hauts personnages de la République. Il dut
encore se changer. Il sacrifia toute la barbe
et conserva seulement une moustache, drue,
mais courte qui sera, espérons-le, défini-
tive.
E
adversaire.
C'est aujourd'hui que l'Académie
française proclamera officiellement vacant
le fauteuil de Victorien Sardou.
On sait que parmi les candidats à la suc-
cession de l'illustre dramaturge, il faut ci-
ter à côté de MM. Henri Roujon et Marcel
Prévost, M. Edouard Drumont; mais à
côté de M. Edouard Drumont, il ne faut
pas oublier M. Vibert.
M. Vibert semble avoir adopte cette spé-
cialité dans la vie d'être toujours candidat
contre M. Drumont, chaque fois que celui-
ci brigue un avantage électif.
Déjà, quand M. Drumont faisait campa-
gne en Algérie pour entrer au Palais-Bour-
bon, M. Vibert fut son adversaire.
Il le sera encore cette fois, sous la Cou-
pole.
M. Vibèrt a de la suite dans les idées.
L
L'
eurs loisirs..
t Quels sont ceux de nos ministres
qui fréquentent le plus le theatre r
Il y a d'abord M. Briand et M. Thom-
son, le précédent ministre de la marine, qui
n'en manque pas une. L'autre soir encore,
il occupait, à la Renaissance, la grande,
avant-scène.
M. Barthou va au théâtre souvent ; M.
Pichon, souvent; M. Ruau, le plus souvent
possible; M. Clemenceau, qui fut auteur
dramatique, assiste aux dernières répéti-
tions des pièces de ses amis, sinon il ne
se dérange, comme un bon bourgeois, que:
vers la quarantième, alors que le succès
est nettement affirmé; M. Cruppi, ^ent la *
femme est auteur dramatique; M. Vimni,
dont le beau-frère est auteur arain".tique,;
vont au théâtre plus souvent que M. Cail-
laux, que M. Alfred Picard ou que -Mil-;
liès-Lacroix.
Et voilà déjà longtemps que nous riavonsi
aperçu à aucune « générale », à. aucune
« première » M. Dujardin-Beaumetz.
u
n écho ae l'affaire Steinheil.
Nous sommes autorisés à- démentir
de la façon la plus catégorique le Drun,
d'après lequel les victimes de l'impasse
Ronsin auraient été, avant leur strangU'la- |'
tion, empoisonnés grâce à de l'arsonic in-I
troduit par une main criminelle dans des
Bonbons Comœdia. Les délicieux Bonbons
Comœdia 'n'ont été lancés par le grand
chocolatier Gibert que le 13 novembre der-
nier. Il est vrai qu'en moins d'un mois,
leur réputation est devenue universelle
'grâce à l'exquise finesse de sa saveur.,
NOUVELLE A LA MAIN
O
n dit : ,
i — Qu'il est Question de donner aux
Matinées de la Jeunesse, à Femina, un petit
opéra-comique qui serait un peu remanié.
— Quel esfree?
- Fra Diabolo L. : (
r''f t"'J.;.
Le Masque de Verre.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE
SANGA
Drame lyrique en quatre actes, de MM. E. Morand et P. de Chouâens
Musique de M. Isidore de Lara * (pnoto Sert, Paria)
: • (photQ Bert, Paris)
Mlle Nelly Martyl (Lénaî
1 iM». Léon Beyle (JeanJ
1 Mme Wienat jtSangaJ
Dans la ferme de maître, Vigord, riche
paysan savoyard, on achève les moissons.
La batteuse ronfle et le grain ruisselle: le
maître est content et excite les ouvriers à
la besogne. Sa nièce. la douce Léna, orphe-
line recueillie par charité, s'efforce de ren-
dre moins rude aux travailleurs la lourde
main du rapace fermier, Mais Vigord est
autoritaire et violent, sa volonté, dit-il, « est
taillée dans un cœur de chêne», et rien ne
doit lui résister. Il chasse (impitoyablement
le pauvre chevrier Sylvère, qui ne peut lui
payer un fermage, et entasse avec une joie
féroce les sacs d'écus apportés par ses au-
tres locataires tremblants. Deux de ses ou-
vriers ayant foulé une gerbe par mégarde
sont vertement réprimandés : le terrible Sa-
voyard, qui a lu Zola, prononce aussitôt un
solennel panégyrique du blé, et, usant d'une
respectueuse prosopopée, le présente sous
le nom de « Jean-le-Grain » dans un ingé-
nieux petit apologue de quatre couplets.
Mais il y a un autre Jean, le fils de Vi-
gord, brave garçon qui n'ose avouer à son
redoutable père qu'il se meurt d'amour pour
la belle Sanga, ouvrière inconnue louée pour
la moisson., Sanga, créature mystérieuse;
s'est donnée à lui, dans la Montagne, et lui
a fait prononcer des serments éternels, pre-
nant à témoin les pics, neigeux qui contem-
plèrent leur étreinte. Dès que Vigord com-
prend le désir de son fils, il lui interdit bru-
talement de revoir Sanga, lui ordonne d'é-
pouser sans retard sa cousine Léna, qui
l'aime en secret, avec dévotion, et complète
(Photo Berr, Paris)
M. - Blancard (Te Chevrier)
l'exécution en jetant à la rue la trop-ardente
moissonneuse. Jean fait un pas pour la sui-
vre: « Malheureux! songe à ta mère! »,
s'écrie, le rusé/ fer-mier,, qui. d'ailleurs est
veuf. Le pauvre garçon tombe à genoux et
sanglote, toute, révoltç brisée. Sapga,. suffû-
quée^ maudit tout le monde et s'enfuit dans
la Montagne.
Nous l'y retrouvons, hurlante et déchaî-
née.' Le chevrier lui annonce que le ciel pu-
nira les cœurs durs et lui montre un nuage
noir, bardé d'éclairs,,-qui grossit au-dessus
de la vallée et ne tarde pas. à crever en ava-
lanche. Les torrents sortent de leur lit, se
(Photo Bert, Paris)
.1 M. Fugère (tnaître Vigord) ,
ruent dans la plaine, et nous Voilà à la veille
d2 la catastrophe de Saint-Gervais.
Cependant, on célèbre chez les Vigord les
fiançailles de Léna, radieuse, et. de Jean,
résigné. Chœurs de jeunes filles, cérémo-
nies touchantes, cadeaux d'usage, vieille
parente attentive à faire respecter les tra-
ditions villageoises du pichet de verre, de
la pâtisserie aux seize chandelles et de la
bénédiction du lit,, rien ne manque à la fête.
Mais 1' « Enfin seuls » des deux jeunes gens
manque de conviction. Léna comprend
qu'elle ne chassera pas le souvenir de l'Au-
tre et veut se sacrifier; Jean refuse et se
dispose à partir lui-même, quand soudain le
tocsin retentit. L'inondation atteint le vil-
lage, la ferme croule et une frêle épave
soutient seule sur le gouffre la famille Vi-
gord épouvantée.
Et voici venir sur une barque Sanga la
délaissée. Elle rit de se voir si bien vengée,
laisse périr sous ses yeux l'oncle et la nièce,
et recueille son Jean évanoui. Mais tous
deux ne veulent plus rentrer dans la vie. Ils
repoussent la barque qui seule pourrait les
sauver et se laissent noyer lentement, lè-
vres jointes, par le torrent qui les unira
éternellement dans te mort.
Si l'on établit jamais un « Manuel idu
parfait librettiste », je n'hésiterai pas à en
confier la rédaction à MM. Morand et Paul
de Choudens. Le livret de Sanga est un
prodige d'habileté professionnelle. L'art
avec lequel sont choisis, amenés et opposés
les prétextes à musique dépasse tout ce qui
a été réalisé jusqu'à ce jour par. les maîtres
du genre. Pour la variété des épisodes, 'a
mliïtffcttfîef- des situations lyriques* teàJrmf
joyeuses, passionnées, douloureuses ou tnw
giques, ; la coupe adroite des scènes, M. dt.(
Lara doit à ces techniciens subtils une .3ee
rieuse reconnaissance.
Mais il en doit infiniment moins aux ami
trop zélés qui publièrent ces jours déniera
des articles-programmes sur son ésthétiL.u«
et ses intentions. Rien n'est plus perniuetti
pour une oeuvre, d'art,- ou même pour unfl
œuvre comme Le Foyer, que ces dissec-
tions anticipées. Les diverses autopsies de
Sanga - exécutées avant le lever du rideau
ont failli créer entre le compositeur et 1
public d'irréparables malentendus. Trop
bien intentionné, le schumannien Canuiie
Mauclair — qui a, du reste, parfakeinent Iq
droit de préférer, comme il l'a affirme ic'.v
même, l'art d'Isidore, de Lara à celui da
Wagner, de Vincent d'Indy et de Debuss^
— a risqué des professions-de foi inquié-*
tantes. Nous savions que M. de Lara avait
le respect de la voix humaine, mais I audi-
tion d'hier nous a prouvé que M. Mauclai.
s'abuse, ou s'amuse, lorsqu'il imprime qu
l'orchestre de Sanga, humble serviteur dm
chant, ne l'opprimera jamais. Il en va tou~
autrement, et l'instrumentàtion qui nous fui
offerte eut assez de vitalité, de complexité:
et d'indépendance pour sortir de ce rôle ef^
facé, imposer sa pensée et soumettre à s~
puissance souveraine les larynx, pourtant
vaillants, des interprètes..L'orchestre de
M. de Lara n'est pas le-timide instrument
d'accompagnement qu'on nous avait fait re-
douter. et les wacnériens les plus friand
(Photo Bert, Paris)
Mtric J. Lassam (la VieilleJ
1 1 1.
de fortes douches sonores pourror' s'é-
brouer joyeusement sous ce Niagara tiu ui-
tueux. Demandez à Mlle Chenal ce uVclie
pense de, la timidité et de la réserve lk c~'t
hûmblé serviteur des chanteuses lors .41, ein,
dialogue avec lui sur la montagne! Ce nV>x
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Le pou et les fleurs
- Evidemment, elle est gentille, cette
petite Zoé Poisse! se disait avec un peu
de lassitude M. Raphaël Crapoussin qui,
depuis trois mois, bénéficiait de ses grâces
expérimentées et dociles. Jolie et joyeuse,
elle m'offre le régal d'une jeune chair en
fletir. Pas de caprices avec ça, et jamais de
scènes! Même aucun risque d'infidélité!
Dans son humble zèle à me rendre heu-
reux, je sens de l'admiration pour l'homme
élégant que je suis, et de la gratitude
pour le sort brillant qu'elle me doit. Mais
précisément, c'est sa basse extraction, son
manque de prestige qui me choquent. Je
n'arrive point à oublier la vitre de créme-
rie derrière laquelle j'ai découvert sa fraî-
che et stupide beauté. C'est une femme
sans pittoresque et sans histoire! Personne
ne la connaît. Si resplendissante que soit
sa carnation, avec elle au théâtre ou dans
les restaurants à la mode, il me semble
que j'ai l'air de sortir avec ma bonne en-
dimanchée. Non! Décidément, un homme
de mon rang a besoin de se promener dans
la vie avec une femme ébouriffante dont
la grande allure fasse impression, une
femme connue, dont on parle, ayant un
passé de gloire et d'aventure, une femme
dont l'apparition n'importe où éveille chu-
cbotements et désirs. Quelle excitation à
l'amour que cette perpétuelle griserie d'a-
mour-propre!
Blême, étriqué, nabot, M. Raphaël Cra-
poussin - don-t les disgrâces physiques
eussent dû réfréner l'orgueil et les exigen-
ces — se disait ces paroles de désenchan-
tement avec un amer rictus d'avorton va-
niteux et cruel. Cela, au lendemain d'un
jour où, après tant de méritoires complai-
sances et de caresses Dlus méritoires en-
core, l'aimable Zoë Poisse, bonne fille
toute radieuse de sa récente promotion
d'une modeste crémerie aux liesses de la
vie galante, avait gentiment toléré les re-
buffades, les acrimonieux dédains et la lu-
gubre dégénérescence de M. Crapoussin.
Si cet arrogant bout d'homme, au poil
rare, à la denture gâtée, au relent de
chair pauvre et malade, à l'esprit médiocre,
avait eu le moindre sentiment de justice,
il n'aurait pu avoir au cœur qu'une recon-
naissance éperdue pour la femme belle et
joyeuse qui, même pour de l'argent, voulait
bien tolérer auprès de sa rayonnante chair
jeune la misère physique de cet avorton et,
auprès de son rire, ses vanités hargneuses.
Mais M. Raphaël Crapoussin avait l'in-
guérissable marotte de ne se plaire qu,'en
la compagnie de très belles filles, grandies,
élancées, aux allures victorieuses, qui ajou-
taient à la splendeur de leurs charmes le
prestige d'une notoriété théâtrale ou sim-
plement d'une gloire galante. Riche jusqu'à
l'insolence, pouvant mettre de l'or et des
bijoux au bout de ses plus arrogants désirs,
il satisfaisait parfois — à gros prix — ses
ambitions par de telles conquêtes.
Il fallait voir alors son orgueil, son an-
goisse et sa honte auprès de ces femmes
qui le dominaient de toute leur majes-
tueuse élégants ! M. Crapoussin avait beau
se redresser encore sur ses talons trop
hauts, prendre à côté d'elles un air vain-
queur, dans le coup de vent de leurs jupes
il donnait toujours l'impression d'être un
bouffon triste et grimaçant sur- les pas
d'une reine!
Dans les couloirs des premières repré-
sentations, où ses trop splendides compa-
gnes laissaient derrière elles comme un
sillage de ferveurs et de désirs, devant les
cristaux et les fleurs des restaurants de
fête où leur soudaine apparition produisait
un silence admiratif- aux vernissages fa-
meux, aux -andes réunions sportives, où
il était si fier d'étaler ses enivrantes con-
quêtes, pour tout le monde, il avait le suc-
cès d'un nain de Vélasquez escortant une
infante. Son air d'orgueil, son comique ef-
fort pour grandir sa petite personne étri-
quée, pour prendre l'allure faraude et tran-
quille d'un homme bien à l'aise dans son
bonheur tout naturel, donnaient envie de
rire. Mais sa détresse physiologique, son
expression de rancune, d'amertume et d'an-
goisse faisaien bien plus encdre pitié.
Et il fallait voir avec quel mépris ces
souveraines de la galanterie parlaient à
ce nabot aux dents cariées, au cheveu
maigre, qui semblait les haïr tout en les
désirant, et qui les attristait par son rictus,
si amer et si morne même lorsque le con-
tentement d'orgueil soulevait un peu sa poi-
trine étriquée. Pauvre petit bonhomme ra-
tatiné, il avait eu l'audace de convoiter des
femmes d'une forme si majestueuse que, au
sortir des lieux de fête, il ne pouvait même
prétendre à l'honneur de les aider à remet-
tre leur manteau! C'était le maître d'hôtel
qui, ricaneur en son empressement, devait
venir à son secours!
Aussi, devine-t-on sans peine de quels
dédains, de quels sarcasmes, de quelles exi-
gences, il devait payer, à chaque minute,
les misérables bonheurs dont il se rengor-
geait.!
— Quelle folie! Quelle dérision! se di-
sait-il à lui-même certains soirs où, humilié
en public par les regards de commisération
ou de moquerie et par le sentiment du
contraste trop burlesque entre sa chétivité
hargneuse et la splendeur éblouissante de
ses compagnes, il s'indignait des rebuffades
et des caprices dont, loin des lustres, il lui
fallait payer là joie de parader, nain amer
et fourbu, aux côtés de femmes trop ma-
jestueusement belles !
Alors, dans un sursaut de révolte, notre
Crapoussin réfugiait sa laideur chétive loin
de ces femmes impérieuses et, rendu rai-
sonnable par tant d'humiliations, demandait
l'ivresse à des créatures plus humbles qui,
fascinées. le lui donnaient avec gratitude.
C'est ainsi que M. Raphaël Crapoussin
avait, tour à tour, abandonné, à cause de
leurs moqueries exigeantes et des ricane-
ments de la foule, l'altière Amarante de
Campanelle, étoile des Folies-Plastiques,
opulente Iris de Pompone, fraîche rose
Mousseuse qui était la - commère de toutes
les revues à la mode dans les plus bril-
lants théâtres du boulevard, et l'opulente
venelle de Passerose qui, si elle ne joue
Pas sérieusement la comédie, a, du moins,
des drames de passion et de mort dans son
ncc galante, ce qui lui assure un pres-
tige bien DIUS éclatant encnrev
Et, au lendemain mélancolique de ces
humiliantes ruptures, M. Crapoussin s'était
résigné à des aventures sans gloire avec de
modestes petites femmes qui, tout ébahies
de bien-être et de luxe, le réjouissaient de
leurs jeunes grâces avec la plus respectueu-
se admiration. Pendant quelques semaines,
il goûtait avec bonheur la quiétude de n'être
point trahi, de n'être plus moqué, de moins
apparaître dans sa laideur de nabot gro-
tesque et fripé.
Mais, peu à peu, ces amours obscures
le consternaient. Il était repris par la han-
tise des grandes femmes glorieuses et
voyantes. Oubliant les tortures anciennes,
il - ne pensait qu'aux joies d'amour-propre
et de vanité. C'est ainsi que, impatient de
recommencer son rôle de nain dans les ju-
pes des courtisanes altières, il avait bru-
talement congédié telle Alphonsine Goffe,
telle Virginie Truelle, telle Emma Paillas-
son, avec lesquelles pourtant, taquin, auto-
ritaire, hargneux, il avait pu librement
prendre sa renvanche des avanies dont il
était victime avec les autres.
Et il se sentait sur le point de céder
une fois de plus à son invariable^et bur-
lesque folie, d'abandonner là docile Zoë
Poisse, auprès de laquelle, trois mois du-
rant, il avait connu l'alléeresse de n'être
point bafoué, pour courir au supplice de
nouveHes aventures plus glorieuses.
Mais, la veille, il avait tant martyrisé
l'humble amoureuse que, si bonne fille
qu'elle fût et si soecieuse de conserver,
dans la galanterie, le rôle auquel elle ve-
nait d'être promue, elle s'était révoltée à
son tour. Tandis que, amer et crispé, le
nabot Raphaël Crapoussin préméditait un
lâchage, elle s'écriait dans un immense
soulagement de voir partir cet avorton
cruel :
— J en ai soupe de l'amour avec un
singe! Ce que j'appelle un homme qui soit
à ma taille et qui ait au moins la force de
rire? Ce n'est, certes, pas moi qui empê-
cherai ce pou de se trémousser près des
grandes fleurs autour desquelles il est si
pitoyable de vanité, de souffrance et d'hu-
miliation!.
Incorrigible, M. Raphaël Crapoussin re-
tourna fiévreusement aux torturantes ivres-
ses dont il gardait la hantise dans son
pauvre petit cœur ratatiné de nabot vani-
teux.
Georges LECOMTE.
Nous publierons demain un article de
FÉLIX GALIPAUX
Antoine - -.
Puisque l'Odéon se voit force d'engager,
pour séduire le public, des artistes en re-
présentation. on ne saurait trop lui conseil-
ler de choisir des noms populaires capa-
bles d'attirer la foule véritable. Parmi ceux-
ci, il en est un qui me paraît tout particu-
lièrement désigné pour faire la fortune
de l'Odéon, c'est celui d'Antoine, et je ne
comprends pas comment, la direction de no-
tre second Théâtre-Français hésite plus
longtemps à s'attacher un artiste de cette
valeur.
Quel que soit l'admirable talent de 'Gé-
mier et la clientèle innombrable qu'il a
su se créer, le sais cependant certains pro-
vinciaux qui turent ravis, l'an dernier, d'a-
voir pu, lors de leur passage à Paris, ap-
plaudir Antoine dans son rôle de Sherlock
Holmes.
Il faut, en effet, un très grand nombre
damnées pour que le gros public soit bien
an courant des changements opérés et cer-
tains provinciaux, de passage à Paris, ne
manquent point de retourner dans tel ou
tel théâtre où ils eurent le plaisir d'applau-
dir, il y a vingt ans, lors de leur voyage de
noces, les acteurs qui s'y trouvaient.
Antoine à l'Odéon, ce serait, à n'en point
douter, un vif mouvement de curiosité dans
le public et le succès assuré pour une
prochaine pièce.
Dans les milieux officiels, rien ne s'oppose,
parait-il, à ce qu'Antoine joue à l'Odéon;
on en serait même ravi. Seulement, voilà,
une seule question reste encore à résoudre
dont dépend peut-être le salut de notre se-
cond Théâtre-Français ; Antoine voudra-
t-il se décider à aller jouer là-bas, à l'O-
déon, de Vautre côté de l'eau?' D'aucuns,
disent que non et cela, il taut bien le dire,
serait infiniment regrettable.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, a huit heures un quart, au th'éâ-
tre Mévisto, répétition générale de Leurs
Maîtres, comédie en un acte de M. Jacques
Terni. 1
DISTRIBUTION
M*" Deraisey COLETTE.
Derlize GERMAINE
Martcha LILY
M. Clavaret BOB
et de L'Affaire des Variétés, comédie 'en
trois actes, de M. Gabriel Timmory.
DISTRIBUTION
M." Suzanne Demay La Rivale de Sherloclc
Holmes
jane Salazac VICTORINE
Martcha Catherine d'UPSAAL
Thérèse Robert VIVIANE
Marconi UTTLE FLO
Deraisey Comtesse d'UPSAAL
Degaultret DE PREJALIN
Desseigne - VERNUDESCO
Moskow DE NEUVAINES
MM. Mévisto KAACKMANN *'
Jacques Normand Baron BRITZBERG «
R. Maisonnières BROQUET
Pierre Labrousse Rodolphe NICOLESCO
doë Nathan MONARD
Blancara Le comte a UPSAAL
Weyrich LESTIBOUDAC
Albert Lombard TABlmON
Dastiéry FOCGERON
Eygen L'Avertisseur
L
'affaire du Foyer continue.
r Parmi les personnes arrêtées avant-
hier, à la Comédie-Française, se trouvait
un de nos confrères -::-'"- bouillant sports-
map —r qui ne trouva pas à son goût une
note Dame. à orocos de cette mémorahia
à
soirée, dans le courrier des théâtres d'un
grand quotidien. Il s'en fut, hier soir, à la
rédaction de ce journal et demanda « le res-
ponsable ».
L'entrevue fut, dit-on, si orageuse qu'il
y eut des voies de fait de la part du vi-
siteur. L'affaire va-t-elle se terminer sur
4e pré? Le sang gaulois de l'un deman-
dera-t-il à l'autre — un escrimeur gaucher
— raison de l'insulte?
R
I
î, en de nouveau. 1
Il y eut, en 1891, une question
Upéra, avec Bourgeois au minisre.
La question Opéra actueHe donne quel-
que regain de succès aux quelques vers en-
joints retrouvés dans un vieux numéro du
Figaro ;
LES IMPRÉCATIONS DE GAILHARD
Bourgeois, l'unique objet de mon ressentiment !
Bourgeois, dont l'arrêté vient de nommer Bertrand!
Bourgeois, qui me détruit et qùe mon coeur abhorre !
Bourgeois, toi que je hais puisque Bertrand t'adore!
Puissent, de l'Opéra, les hommes préférés
Saper les fondements par nous mal assurés !
Puissè-je voir tomber au plus tôt les murailles!
Que Bertrand de ses mains déchire ses entrailles !
Que :le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur lui des déluges de feux !
Pulssè-je de mes yeux y voir tomber la foudre,
Voir ses loges en cendre et ses décors en poudre !
Voir le dernier ténor à son dernier soupir,
Moi seul en être cause et. vivre de plaisir.
Albin Valabrègue,
L
es nombreux vols de bijoux commis
r récemment ont effrayé beaucoup
d'artistes, qui se sont empressées de les
vendre à Dusausoy, expert, 4, boulevard
des Italiens, ew1 leur a payé très cher.
Grand choix d'occasions"
M
adeleine s'ennuyait.
„ Madeleine Dolley, l'exquise créa-
trice de L'Enfaht chérie, est toujoursc en
Russie. Un charmant petit mot d'elle, adres-
sé au Masque de Verre, nous prévient
qu'elle n'oublie pas. ses amis de Paris. Elle
était partie en Russie sans crainte du
choléra; la suite lui a prouvé qu'elle avait
eu pleinement raison. « Mais, nous écrit-
elle, l'actualité est unpeugûgtfdans l'empire
des tsars ; les beaux gestes manquent un
peu d'éclat.» Et, pour secouer cet air
neurasthénique, Madeleine Dolley s'est
mise à organiser des five o'clock et des
soupers: et maintenant, paraît-il, elle com-
mence à vivre. -
H
istoire d'une barbe. -
'1 Ravet, qui a si pittoresqttôrrtent in-
terprété le rôle du politicien fâcheux Aar- •
naud-Tripier» datjs Le Foyer{ avait primiti-
vement conçu son personnage avec une
bar!?c tou~u~, )Lnvua~MHMtuu~,*"'g<.-m~' Moter
siac.
A l'une des répétitions « an tête », on lui
demanda de modifier sa physionomie, qui
rappelait celle de quelqu'un de connu.
Aux « couturières », Ravet n'avait plus
qu'une barbiche en pointe, comme maint
radical-socialiste. Il ressemblait alors au
parent, récent et proche, d'un des plus
hauts personnages de la République. Il dut
encore se changer. Il sacrifia toute la barbe
et conserva seulement une moustache, drue,
mais courte qui sera, espérons-le, défini-
tive.
E
adversaire.
C'est aujourd'hui que l'Académie
française proclamera officiellement vacant
le fauteuil de Victorien Sardou.
On sait que parmi les candidats à la suc-
cession de l'illustre dramaturge, il faut ci-
ter à côté de MM. Henri Roujon et Marcel
Prévost, M. Edouard Drumont; mais à
côté de M. Edouard Drumont, il ne faut
pas oublier M. Vibert.
M. Vibert semble avoir adopte cette spé-
cialité dans la vie d'être toujours candidat
contre M. Drumont, chaque fois que celui-
ci brigue un avantage électif.
Déjà, quand M. Drumont faisait campa-
gne en Algérie pour entrer au Palais-Bour-
bon, M. Vibert fut son adversaire.
Il le sera encore cette fois, sous la Cou-
pole.
M. Vibèrt a de la suite dans les idées.
L
L'
eurs loisirs..
t Quels sont ceux de nos ministres
qui fréquentent le plus le theatre r
Il y a d'abord M. Briand et M. Thom-
son, le précédent ministre de la marine, qui
n'en manque pas une. L'autre soir encore,
il occupait, à la Renaissance, la grande,
avant-scène.
M. Barthou va au théâtre souvent ; M.
Pichon, souvent; M. Ruau, le plus souvent
possible; M. Clemenceau, qui fut auteur
dramatique, assiste aux dernières répéti-
tions des pièces de ses amis, sinon il ne
se dérange, comme un bon bourgeois, que:
vers la quarantième, alors que le succès
est nettement affirmé; M. Cruppi, ^ent la *
femme est auteur dramatique; M. Vimni,
dont le beau-frère est auteur arain".tique,;
vont au théâtre plus souvent que M. Cail-
laux, que M. Alfred Picard ou que -Mil-;
liès-Lacroix.
Et voilà déjà longtemps que nous riavonsi
aperçu à aucune « générale », à. aucune
« première » M. Dujardin-Beaumetz.
u
n écho ae l'affaire Steinheil.
Nous sommes autorisés à- démentir
de la façon la plus catégorique le Drun,
d'après lequel les victimes de l'impasse
Ronsin auraient été, avant leur strangU'la- |'
tion, empoisonnés grâce à de l'arsonic in-I
troduit par une main criminelle dans des
Bonbons Comœdia. Les délicieux Bonbons
Comœdia 'n'ont été lancés par le grand
chocolatier Gibert que le 13 novembre der-
nier. Il est vrai qu'en moins d'un mois,
leur réputation est devenue universelle
'grâce à l'exquise finesse de sa saveur.,
NOUVELLE A LA MAIN
O
n dit : ,
i — Qu'il est Question de donner aux
Matinées de la Jeunesse, à Femina, un petit
opéra-comique qui serait un peu remanié.
— Quel esfree?
- Fra Diabolo L. : (
r''f t"'J.;.
Le Masque de Verre.
THÉÂTRE DE L'OPÉRA-COMIQUE
SANGA
Drame lyrique en quatre actes, de MM. E. Morand et P. de Chouâens
Musique de M. Isidore de Lara * (pnoto Sert, Paria)
: • (photQ Bert, Paris)
Mlle Nelly Martyl (Lénaî
1 iM». Léon Beyle (JeanJ
1 Mme Wienat jtSangaJ
Dans la ferme de maître, Vigord, riche
paysan savoyard, on achève les moissons.
La batteuse ronfle et le grain ruisselle: le
maître est content et excite les ouvriers à
la besogne. Sa nièce. la douce Léna, orphe-
line recueillie par charité, s'efforce de ren-
dre moins rude aux travailleurs la lourde
main du rapace fermier, Mais Vigord est
autoritaire et violent, sa volonté, dit-il, « est
taillée dans un cœur de chêne», et rien ne
doit lui résister. Il chasse (impitoyablement
le pauvre chevrier Sylvère, qui ne peut lui
payer un fermage, et entasse avec une joie
féroce les sacs d'écus apportés par ses au-
tres locataires tremblants. Deux de ses ou-
vriers ayant foulé une gerbe par mégarde
sont vertement réprimandés : le terrible Sa-
voyard, qui a lu Zola, prononce aussitôt un
solennel panégyrique du blé, et, usant d'une
respectueuse prosopopée, le présente sous
le nom de « Jean-le-Grain » dans un ingé-
nieux petit apologue de quatre couplets.
Mais il y a un autre Jean, le fils de Vi-
gord, brave garçon qui n'ose avouer à son
redoutable père qu'il se meurt d'amour pour
la belle Sanga, ouvrière inconnue louée pour
la moisson., Sanga, créature mystérieuse;
s'est donnée à lui, dans la Montagne, et lui
a fait prononcer des serments éternels, pre-
nant à témoin les pics, neigeux qui contem-
plèrent leur étreinte. Dès que Vigord com-
prend le désir de son fils, il lui interdit bru-
talement de revoir Sanga, lui ordonne d'é-
pouser sans retard sa cousine Léna, qui
l'aime en secret, avec dévotion, et complète
(Photo Berr, Paris)
M. - Blancard (Te Chevrier)
l'exécution en jetant à la rue la trop-ardente
moissonneuse. Jean fait un pas pour la sui-
vre: « Malheureux! songe à ta mère! »,
s'écrie, le rusé/ fer-mier,, qui. d'ailleurs est
veuf. Le pauvre garçon tombe à genoux et
sanglote, toute, révoltç brisée. Sapga,. suffû-
quée^ maudit tout le monde et s'enfuit dans
la Montagne.
Nous l'y retrouvons, hurlante et déchaî-
née.' Le chevrier lui annonce que le ciel pu-
nira les cœurs durs et lui montre un nuage
noir, bardé d'éclairs,,-qui grossit au-dessus
de la vallée et ne tarde pas. à crever en ava-
lanche. Les torrents sortent de leur lit, se
(Photo Bert, Paris)
.1 M. Fugère (tnaître Vigord) ,
ruent dans la plaine, et nous Voilà à la veille
d2 la catastrophe de Saint-Gervais.
Cependant, on célèbre chez les Vigord les
fiançailles de Léna, radieuse, et. de Jean,
résigné. Chœurs de jeunes filles, cérémo-
nies touchantes, cadeaux d'usage, vieille
parente attentive à faire respecter les tra-
ditions villageoises du pichet de verre, de
la pâtisserie aux seize chandelles et de la
bénédiction du lit,, rien ne manque à la fête.
Mais 1' « Enfin seuls » des deux jeunes gens
manque de conviction. Léna comprend
qu'elle ne chassera pas le souvenir de l'Au-
tre et veut se sacrifier; Jean refuse et se
dispose à partir lui-même, quand soudain le
tocsin retentit. L'inondation atteint le vil-
lage, la ferme croule et une frêle épave
soutient seule sur le gouffre la famille Vi-
gord épouvantée.
Et voici venir sur une barque Sanga la
délaissée. Elle rit de se voir si bien vengée,
laisse périr sous ses yeux l'oncle et la nièce,
et recueille son Jean évanoui. Mais tous
deux ne veulent plus rentrer dans la vie. Ils
repoussent la barque qui seule pourrait les
sauver et se laissent noyer lentement, lè-
vres jointes, par le torrent qui les unira
éternellement dans te mort.
Si l'on établit jamais un « Manuel idu
parfait librettiste », je n'hésiterai pas à en
confier la rédaction à MM. Morand et Paul
de Choudens. Le livret de Sanga est un
prodige d'habileté professionnelle. L'art
avec lequel sont choisis, amenés et opposés
les prétextes à musique dépasse tout ce qui
a été réalisé jusqu'à ce jour par. les maîtres
du genre. Pour la variété des épisodes, 'a
mliïtffcttfîef- des situations lyriques* teàJrmf
joyeuses, passionnées, douloureuses ou tnw
giques, ; la coupe adroite des scènes, M. dt.(
Lara doit à ces techniciens subtils une .3ee
rieuse reconnaissance.
Mais il en doit infiniment moins aux ami
trop zélés qui publièrent ces jours déniera
des articles-programmes sur son ésthétiL.u«
et ses intentions. Rien n'est plus perniuetti
pour une oeuvre, d'art,- ou même pour unfl
œuvre comme Le Foyer, que ces dissec-
tions anticipées. Les diverses autopsies de
Sanga - exécutées avant le lever du rideau
ont failli créer entre le compositeur et 1
public d'irréparables malentendus. Trop
bien intentionné, le schumannien Canuiie
Mauclair — qui a, du reste, parfakeinent Iq
droit de préférer, comme il l'a affirme ic'.v
même, l'art d'Isidore, de Lara à celui da
Wagner, de Vincent d'Indy et de Debuss^
— a risqué des professions-de foi inquié-*
tantes. Nous savions que M. de Lara avait
le respect de la voix humaine, mais I audi-
tion d'hier nous a prouvé que M. Mauclai.
s'abuse, ou s'amuse, lorsqu'il imprime qu
l'orchestre de Sanga, humble serviteur dm
chant, ne l'opprimera jamais. Il en va tou~
autrement, et l'instrumentàtion qui nous fui
offerte eut assez de vitalité, de complexité:
et d'indépendance pour sortir de ce rôle ef^
facé, imposer sa pensée et soumettre à s~
puissance souveraine les larynx, pourtant
vaillants, des interprètes..L'orchestre de
M. de Lara n'est pas le-timide instrument
d'accompagnement qu'on nous avait fait re-
douter. et les wacnériens les plus friand
(Photo Bert, Paris)
Mtric J. Lassam (la VieilleJ
1 1 1.
de fortes douches sonores pourror' s'é-
brouer joyeusement sous ce Niagara tiu ui-
tueux. Demandez à Mlle Chenal ce uVclie
pense de, la timidité et de la réserve lk c~'t
hûmblé serviteur des chanteuses lors .41, ein,
dialogue avec lui sur la montagne! Ce nV>x
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