Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-11-26
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 novembre 1908 26 novembre 1908
Description : 1908/11/26 (A2,N423). 1908/11/26 (A2,N423).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646076z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
V
k
2e Année.-= N° 423 (Quotidiens
1
'lœ Numéro : S centimes
Jeudi 26 10IME!
Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSKÏ
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HAUTES ÉTUDES DRAMATIQUES
La présentation
DES
#
personnages
Messieurs, je continue.
Nous allons effleurer aujourd'hui un
des secrets les plus délicats du métier,
un de ceux qui se dérobent le plus im-
pitoyablement aux investigations du jeu-
ne et fiévreux dramaturge. Je veux par-
ler de la Présentation des personnages.
Il y a vingt ans encore, cette présenta-
tion n'entraînait aucune difficulté trop
Particulière. Au lever du rideau, un vieil
ami de la famille monologuait dans un
fauteuil : « Bien patriarcal, ce château
de Chenevières!. Certes, la duchesse
douairière couche avec son intendant,
mais elle sait y mettre des formes, et cela
ne l'a pas empêché de faire de sa pe-
tite-fille, Yvonne, le type accompli, etc.,
etc. » Le vieil ami passait alors tous les
personnages en revue, donnait la date de
4 leur naissance, signalait leurs traits de
Caractère, et, au bout d'une petite demi-
heure, tout le monde était fixé sur les
héros de la comédie qu'on allait avoir
l'honneur de représenter devant vous.
Aujourd'hui, le public n'admet plus ce
Procédé. Il exige une présentation brève,
rapide, ingénieuse, et dans le mouve-
ment.Ainsi, le pauvre jeune fiévreux dra-
maturge a bien du mal à commencer sa
pièce.
Cependant, bien des recettes s'ouvrent
à lui pour éviter la courbature. Une des
plus couramment usitées consiste à met-
tre, face à. face, dès la première scène,
un des personnages principaux de l'in-
trigue et quelque subalterne autorisé,
Par les circonstances, à une attitude as-
sez familière.
Procédons par l'exemple. Supposons
que' nous travaillons pour le théâtre de
Madame. A un auditoire composé en ma-
jeure partie de jeunes filles, de jeunes
mères, et de vieux messieurs, il nous
faut présenter, en moins de cinq minu-
tes, la comtesse d'Erieux, le comte dont
elle porte le deuil, Thérèse d'Erieux, sa
fille, le colonel d'Estrepont, qu'elle veut
* Epouser, MM. Petro, d'Entrecastle,
v J-ixon, le baron Poussin^ le marquis de
Nier,-. d'autres- ¡retsommges-encore" qui,
Pour être épisodiques,' nous sont indis-
pensables au deuxième acte.
Comment nous y prendre? D'abord,
décidons-nous à ne faire ces présenta-
tions qu'au seul point de vue qui inté-
resse le spectateur. Notre comédie traite
gracieusement d'un cas subtil de l'amour
moderne. Tenons-nous-en là, et ne révé-
lons pas, par exemple, que le baron
Poussin est licencié ès sciences, puisque
ce détail ne fait rien à l'affaire..
Après quoi, bien imprégnés de ce
Principe, mettons en scène, hardiment,
la comtesse elle-même, donnons-lui à
Peine le temps de se moucher pour oc-
cuper le lever du rideau, et introduisons
aussitôt Mariette, la camériste de la com-
tesse, comme son nom l'indique.
Ce n'est plus qu'un jeu! un jeu d'en-
fant. Pan, pan, pan ! vous allez voir :
- Mariette!
; — Madame?
— Approchez, ma fille. Et, exception-
nellement, asseyez-vous. J'ai à vous par-
, 1er de choses sérieuses. Vous m'écou-
tez? - ~~)~.-~~, -.
— Oh ! oui, madame ! *
- Mariette, j'ai quarante ans.
— Oh ! madame exagère !
— De vingt-quatre mois à peine. J'ai
Quarante-deux ans, quarante au maxi-
mum. *
— Bien, madame.
x — Cet âge, Mariette, est un très bel
~ge. Balzac en a dit des choses exquises.
Pour ma part, je me sens en pleine
force, en pleine forme. Mes actions
®ont puissantes, j'ai beaucoup de fond.
^nfin, avec de l'entraînement, je me
Sens capable de prouesses vertigineuses,
Sans effort. Bref, j'ai quarante ans. Ça
dit tout. Or, il y en a douze que je vous
ai mon service.
- Exactement, madame.
-— Je vous ai prise quand vous aviez
Seize ans, à la campagne. Je vous ai dé-
grossie. J'ai eu beaucoup de patience.
J'ai fait de vous une femme de chambre
remplie. Et, de plus, quand feu le
comte d'Erieux entretenait avec vous une
liaison que j'ose qualifier d'ancillaire, et
qui, dans tous les cas, était coupable, j'ai
fermé les yeux. Ne pensez-vous pas que
tout cela vaut quelque dévouement? ,
- Oh! si, madame.
n. - Bon. Ecoutez donc : depuis que
r oUs sommes au château de Cheneviè-
s-sur-Eure, vous avez dû vous aperce-
u Olr que le colonel d'Estrepont me fait
"ne cour très vive. Hier, il s'est enfin
déci r^* Ma fortune et ma personne le
séduisent. Quant à moi, il me plaît. Mais
il est entendu que j'ai quarante ans.
que je Parais les avoir. Que, d'ailleurs,
tempune grande fille de vingt-trois prin-
temps, qui ne me permet guère de dis-
simuler mon âge, à deux ou trois ans
près.
- Oui, madame. Mlle Thérèse vous
accuse! il est t, d ,
- Or *ieSt entendu aussi que. qu'a-
vec l'entraînement, comme je vous lc
disais tout à l'heure,. Enfin, c'est un
véritable époux .qu'me faut!- Vous
comprenez, Mariette? pas un honoraire,
un vrai ! arIette? pas un honoraIre,
- Un fiaillard d'attaque.
- Oui, Mariette, un gaillard comme
vous dites. Et le chiendent, c'est que je
suis une honnête femme. Mes principes
me défendent de céder au colonel avant
d'être sa femme. Du reste, le colonel me
respecte trop pour me violer. Voilà. Au
résumé, je voudrais être renseignée sur
l'endurance conjugale de mon futur, et
je ne suis pas à même d'obtenir ces ren-
seignements d'une façon directe. Ma-
riette, comprenez-vous ce que j'attends
de votre dévouement?
- Ah! madame, en vérité, voudrait
que.
— Oui, Mariette, je voudrais que.
— Et madame croit que le colonel?
— Je crois, Mariette, que si le colo-
nel — enfermé ici depuis quinze jours,
entouré de personnes vénérables, et
n'ayant d'autres distractions que des
plaisirs que j'ose qualifier de cynégéti-
ques, car c'est le mot — je crois que si
le colonel résistait, il ne serait bon qu'à
mettre à la retraite. Voilà ce que je crois.
Mais pas d'hypothèses tragiques! Ayons
la foi. Gardons la certitude que, dès de-
main, vous pourrez me dire si cet hom-
me est digne de porter ^, un uniforme
français!
— Mon Dieu ! je puis bien renseigner
tout de suite madame, non seulement
sur le colonel, mais sur la plupart des
autres invités de madame. Ainsi, M. Pe-
tro, le musicien, est un homme doux, en-
veloppant; M. d'Entrecastle est très an-
glais, froid, méthodique. M. Lixon est
jeune, jeune!
— Mais. mais!
— Attendez, madame, ce n'est pas
tout. Le baron Poussin est un peu ma-
niéré; le marquis de Niel est sentimen-
tal; M. Cléteran, l'écrivain, prononce
des phrases qui font longueur; le comte
d'Astignac exige des remerciements,
c'est une manie. M. Astier, l'explora-
teur, a toujours l'air de revenir du dé-
sert. Enfin, le colonel, tenez, madame,
il n'y a qu'un mot pour décrire le co-
lonel!. Le colonel est épatant, vous en-
tendez, madame, é-pa-tant!
—. Mais, Mariette, vous me glacez
l'âme! Comment, en moins de trois se-
maines, vous avez pu vous documenter
ainsi sur la psychologie de tant d'êtres
différents!. Mais, j'en suis abasour-
die. Mais pour un peu, je suffoque-
rais I * -«-r---
- Oh ! ce n'est pas moi, 'maâ.ame,Jy Je
dis seulement à madame ce qu'on m'a
raconté!
— Et qui donc, ma fille, a pu vous
raconter tout cela?
— C'est Mlle Thérèse, madame?
Et allez donc! C'est fait, passez mus-
cade. Appréciez le tour de main: Non
seulement tous les personnages nous
sont désormais connus, mais nous som-
mes déjà en pleine action. Nous savons
que la comtesse d'Erieux n'a pas su évi-
ter l'autre danger, et, haletants, nous
nous demandons ce qui va s'ensuivre.
Il faut ajouter, messieurs, que la situa-
tion demandait à être exposée avec tact,
étant donné le public très prude auquel
nous avons affaire.
Henry KISTEMAECKERS.
Nous publierons demain un article de
MARCEL BOULENGER
L'idéal nécessaire
On parle, chaque jour davantage, de la
nécessité de créer un Théâtre Idéaliste.
L'on désigne même la-salle qui conviendrait
et qui serait celle de l'Odéon.
Bien que le côté forcément matériel du
théâtre n'implique point tout d'abord l'idée
d'une réalisation idéaliste parfaite, il n'en
faut pas moins convenir que l'entreprise, à
notre époque, est des plus intéressantes.
Il est évident, en effet, que la civilisation
doit, de toute nécessité, s'appuyer sur un
idéal pour progresser. Depuis que lIe monde
existe, les hommes ont rêvé un idéal, puis
ils se sont efforcés de le réaliser, et,
parfois, ils y sont parvenus.
C'est un procédé analogue à celui de la
boule d'aimant que Cyrano relançait cons-
tamment devant son char de fer pour s'éle-
ver jusqu'à la lune, mais dont les résultats
paraissent plus certains..
Les' Anciens l'avaient fort bien compris,
et leur création de l'Olympe n'avait point
d'autre but. Toutes les beautés de la nature
émanaient d'Apollon, l'esprit dyonisien —
pour employer l'expression chère à Nietzs-
che — sut voiler les pires instincts, et la
Mort elle-même était figurée par un jeune
adolescent couronné de roses.
Les Anciens paraissaient, en effet, ne se
taire aucune illusion sur la portée unique-
ment artistique et terrestre de leur religion
et ils n'en attendaient aucun autre profit
qu'un plaisir intellectuel.
Plus tard, lorsqu'à l'usage des pauvres,
jurent créés des religions occidentales ré-
munératrices, lorsque l'on n'eut plus la foi
pour l'art, mais par intérêt personnel, il
était tout naturel que l'idéal Îût déporté au
delà des limites de la vie terrestre.
L'antagonisme surgit entre la vie terres-
tre méprisable et la vie future seule at-
tendue. Avec le développement de la scien-
ce, cette lutte ne pouvait se terminer que
par une rupture, qui semble, aujourd'hui,
définitive.
Sans doute ne saurait-on regretter ce taux
idéal qui se résumait en critiques découra-
geantes de notre vie quotidienne et de nos
aspirations les plus naturelles. Il n'en est
pas moins vrai qu'il apparaît aujourd'hui
très urgent de lui trouver un successeur.
Est-ce là une chose impossible ? Evidem-
ment, non. Sans doute n'aurons-nous plus,
dans l'avenir; de dieux immortels pour nous
servir d'exemple, mais certaines théories
générales fournies par la science sont, au-
jourd'hui, bien près de les remplacer.
L:,œuvre artistiaue, par-dessus tout, sem-
ble désignée pour -tenter les esprits. Elle est.
la seule participation raisonnable que nous
puissions souhaiter à l'Immortalité, et c'est
déjà beaucoup plus qu'on ne le croit géné-
ralement.
G. DE PA WLOWSKI.
Échos
Çe soir, 'à huit heures et demie, au Théâ-
tre Lyrique municipal de la Gaité, représen-
tation de gala offerte par la Ville de Paris,
en l'honneur de la municipalité de Prague.
- N
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre de l'Œuvre (salle Femina), première re-
présentation de: Au temps des fées, pièce
en vers, en un acte et deux tableaux, de M.
Jacques Blanchard; Elektra, de Hupo de
Hotfmannsthal, adaptation en.deux actes
en vers, de MM. Stephan Epstein et Paul,
Strozzi; et Le Jeu de la morale et du ha-
sard, pièce en un acte, de M. Tristan Bef-
nord. i
A
mer, mais juste.
,. Dans le foyer des artistes, un soir
ae aeours, aans un ae nos théâtres suoven.
tionnés. Dans cinq minutes, le rideau va
se lever sur cinq actes de Molière. Le di-
recteur vient et tend la main au néophyte
qui va, dans un instant, interpréter Valère:
— Eh bien! jeune homme, ça va? La
voix est bonne? Le coeur y est?
— Patron, je ne vous le cache pas..,, je
suis dans mes petits souliers!
Féroce, mais juste, le directeur désigne
Molière et laisse tomber:
- Et Lui donc!
SACHA GUITRY
Un grand garçon de charpente robuste, de
visage massif et régulier, comme on en voit'
aux médailles romaines, dans les belles époques
des Antonins ou des Césars, avec, tempérant
la classique dignité de ce masque impérial,, des
yeux gris que la joie éclaire, des lèvres « mor-
dantes » où le rire et la bonté creus.ent tour à
tour des lignes expressives; l'allure noncha-
lante et l'aspect négligé, tel, à vingt-trois ans,
applaudi, aimé de tous, enfant gâté de la vie et
des hommes, apparaît Sacha Guitry. -
Les bonnes fées ont apporté leurs dons-a son
berceau. Nulle restriction n'envenima leurs pré-
sents. Les rosiers ont à sa jeunesse épargné
leurs épines et prodigué les parfums. Poète, co-
médien, auteur dramatique, dessinateur, confé-
rencier, humoriste à ses moments perdus, Sa-
cha Guitry s'est exercé dans tous les arts, a
forcé toutes les portes, s'est imposé au public
par des audaces où tout autre que lui se fût
cassé les reins. Il a, comme un simple mac-
jarlane, endossé les ailes d'Icare. Il a écrit des
romans, des vers, des opérettes. Il a donné
La Clef, presque un chef-d'œuvre, au théâtre
Réjane. Il a fait applaudir à bon droit Chez les
Zoaques dans la maison Gémier. Il était célèbre
avant d'être électeur. Il improvise des confé-
rences, parle aux abonnés de l'Odéon — oui,
monsieurl — et leur tourne le dos. Il découpe
en silhouette parfois la gracieuse beauté de
Marthe Régnier ou de Charlotte Lysès, parfois
la laideur accomplie et chimérique de M.. Ernest
La Jeunesse. Il irrévère, il houspille, il honnit
les critiques, ces oracles à tout faire; il atteste
les solécismes opiniâtres, les jugements à lon-
gues oreilles dont s'honore la vieillesse de M.
Félix Duquesnel. Ainsi, multipliant les entrepri.
ses, heureux sans vergogne, incapable d'une mi..
nute d'hésitation ou de timidité, libre du fardea'i
pédant qui nous écrase, de l'intempérance li-
vresque dont nous sommes empoisonnés, Sachi
poursuit avec entrain sa « route d'émeraude »,
buvant à chaque étape le vin cordial de la jeu-
nesse, donnant au monde ainsi qu'à ses ami!
l'encourageant exemple du bonheur.
La conquête de Paris, souventejois, se re-
fuse au travail, au mérite, à l'effort, à la vo-
lonté. Les amateurs occupent lâchement toutes
les places qui, naguère encore, permettaient à
l'artiste de recueillir les fruits de son talent,
de penser et de vivre. La plate médiocrité des
riches encombre le journal avec les articles
payants et non payés de M. Tel ou Tel, obstrue
infatigablement le théâtre avec les pièces de
Sac fils ou de Coffre neveu.
Sacha, qui, cependant, était mieux que per-
sonne dans les conditions requises pour faire
son chemin en qu'alité de « fils », ne daigna
point recourir à ce moyen népotique. Il ne de-
manda qu'à lui-même un succès légitime.
Et c'est pourquoi lé succès qui couronne,
sans fetire attendre, ce loyal et spirituel garçon
apparaît comme un dédommagement aux abus
réitérés, comme une satisfaction équitable,
comme la revanche et l'excuse même du Destin.
LAURENT TAILHADE.
D
eux spectateurs.
A la répétition générale des 'Vain-
queurs. Dans les couloirs du théâtre An-
toine, pendant un entr'acte, deux messieurs
sont voisins, chacun d'eux en conversation
avec des interlocuteurs différents. L'un de
ces messieurs, aux cheveux blancs très
courts, a le visage balafré et les mousta-
ches et la barbe rasées. L'autre, au con-
traire, a les cheveux et la barbe noirs. Il
est jeune, plein de bonne humeur et de
santé.
Le premier est Laurent Tailhade, le se-
cond est le docteur Quiserne. Ils ne s'é-
taient pas rencontrés depuis la seule fois
où le hasard, tragique, les avaient mis en
présence: l'interne en médecine avait alors
pansé le blessé, le jour de la fameuse
bombe.
M
me Jane Hading et la chiromancie.
Nous avons retrouvé, dans un vieux
journal, les lignes suivantes, qui dévoilent,
d'après les lignes de la main, le caractère
de la célèbre actrice.
« Nativement sujette aux premiers mou-
vements, 'aux épanchements, mais capable
de retour sur elle-même.,
, » Instinctivement, confiance en soi,
amour de la domination, du faste, de la
popularité, des vo"O'es triomphaux; brus-
querie, jalousie.
» Par contré, sait réfléchir. Cette nature
a mis de l'ordre, de la symétrie, de la suite
dans ses grandes lignes.
» Confiance en soi qui persiste, cepen-
dant. Coups de tête. Devrait attendre vingt-
quatre heures avant de suivre une résolu-
tion prise. Le sort favorise la fortune. De-
vrait se fier à son étoile plus qu'à elle-
même. Destinée heureuse, combattue par
des crises de volonté. »
Et il y a eu du vrai dans cet horoscope
fait il v a bientôt -se ans.
u
ne jolie artiste avait dernièrement une
rivière composée des plus jolis dia-
mants qu une femme peut rever.
Pour satisfaire un caprice, elle prit le
parti de la vendre; un marchand lui offrait
cent mille francs, un autre cent deux mille.
Elle s'en fut chez Dusausoy, expert, 4, bou-
levard des Italiens, qui la lui prit pour cent
dix mille au comptant. Conclusion : Dusau-
soy achète toujours très cher. surtout quand
le bijou en vaut la peine.
L
a gloire. --
L'autre jour, tandis qu'on - jouait, à
la Comedie-française, L Anglais tel qu'on le j
parle, de Tristan Bernard, à la même heure,
au palais de l'Elysée, pour la soirée de gala,
en l'honneur du roi de Suède, on représen-
tait une autre pièce, encore de Tristan Ber-
nard: Dimanche après midi.
Le roi de Suède, qui connaît très bien
la langue française et toute notre littérature,
a vivement apprécié la comédie de notre
émanent collaborateur, et il a dit à Mme
Fallières, qui se trouvait à ses côtés, com-
bien la France devait être fière de posséder
des écrivains aussi fins et spirituels que
M. Tristan Bernard.
Pendant ce temps, Tristan Bernard se
trouvait dans les bureaux de Comœdia, où,
modestement et soigneusement, il corrigeait
les épreuves de sa dernière nouvelle.;
s
aran et la Censure.
C'est aujourd'hui que TA grande Sa-
rah se fera justement applaudir par les fi-
dèles sujets du Grand-Turc.
Cette fois-ci — la dernière - son réper-
toire est beaucoup plus étendu. Dans ses
précédentes tournées à Constantinople, sous
le vain prétexte d'allusions politiques et
d'attentat au respect du sultan, Mme Sa-
rah Bernhardt dut, en effet, sacrifier à
l'idiote et stupide censure quelques-uns des
plus beaux chefs-d'oeuvre français: Fort
heureusement, le doux et pacifique Abdul-
Hamid vient de la supprimer, et les Pé-
rotes pourront, cette année, applaudir l'il-
lustre tragédienne dans plusieurs de ses
meilleures créations et, entre autres, U Ai-
glon, d'Ed. Rostand; Adrienne Lecouvreur,
La Sorcière et La Tosca, de V. Sardou, qui,
jusqu'à présent, avait été impitoyablement
rejetées par la censure.
S
ainte Catherine.
Si la sainte CatHerine est, pour oer-i
taines, un jour un peu mélancolique, il est,
pour les midinettes, un joyeux anniversaire.
Ce soir-là, les théâtres leur sont ouverts.
Elles en sont les hôtesses gracieuses. Par-
tout on les accueille et partout on les fête.
Des places leur sont réservées, les contrô-
leurs ont pour elles un gentil sourire, et
les ouvreuses, qui se rappellent «qu'elles
aussi ont eu vingt ans », leur prodiguent les
plus familières et les plus cordiales sympa- .,
thies. ;
C'est la sainte Catherine! Mais toute mé-
daille a son revers. Le lendemain, celles:
qui ont* coiffé, comme on dit, la sainte des
vieilles filles, reçoivent un cadeau. Et ce
cadeau n'est pas toujours de ceux qui leur
font le plus grand plaisir. C'est générale-
ment une bague, non point une bague de
fiançailles, non point une alliance, mais un
simple anneau qui signifie à la fois qu'elles;
doivent se résigner, attendre — et espérer. !
C'est la sainte Catherine 1
c
* N1
hez M. Jules Claretie.
Dans la bibliothèque rde M. Jules
Claretie, dans le coin réservé aux meilleurs
amis, il y a un volume des Odes Funambu-
lesques, de Théodore de Banville, et ce vo-
lume n'aurait rien d'extraordinaire, certes,
si sur la première page on ne pouvait y lire,
écrite de la main même du grand poète dis-
paru, de sa petite écriture féminine et nette,
les vers suivants, inédits, ou presque:
Mes anciens vers au chant moqueur,
Les voilà, mon cher Claretie.
Rimeur ailé, du même cœur
Je buvais la rose et l'ortie.
Ayant le sombre azur pour dais,
Entre les divins funambules,
Parodiste, je paradais.
Oh! quel souvenir lointain, Jules [f
Sans pitié pour son falbala,
J'ai saisi la Muse au col. L'ai-je
Bien embrassée? En ce temps-là
Vous étiez encore au collège.
Car je vous ai vu tout petit,
Lorsqu'en votre prunelle sûre,
Flamboyait déjà l'appétit
Du triomphe et de la blessure.
0 travailleur de chaque jour.
Et toujours d'un regard ami
Je vous suis, moi, le vieux lyrique
Mais M. Çlaretie ne veut pas livrer au
public quelques vers de la dernière strophe,
trop aimables pour lui, dit-il.
Une boîte de bonbons Comœdia au pre-
mier lecteur qui les rétablira.
L
es plus malins s'y font "prendre. et'
tel chauffeur qui s'imagine esthétiser
infailliblement en mécanique ne dira que
des blasphèmes s'il ignore la perfection des
voiturettes Zedel, que Lamberjack a lan-
cées en France. Silencieuses, souples et ra-
pides, ces trois mots étant pris dans leur
acception stricte, ce sont des merveilles
pour le tourisme.
1
1 est des créations qui répondent à de
véritables, besoins. Celle du restaurant
Volney, du - Chatham, est dans ce cas, car
les Parisiens sont nombreux pour qui la
bonne chère a de particuliers attraits. Et le
restaurant Volney, du Chatham, en leur of-
frant, dans un cadre parfait d'élégance,
une table exquise, une cave incomparable,
des thés admirablement servis, satisfait à
ces désirs à la réalisation desquels John,
un maître d'hôtel de la grande école, veille
avec la plus soigneuse compétence.
Le Masaue de Verre.
i., i:;, J '¥i-' C * v vAiV
AU THÉÂTRE ANTOINE
Les Vainqueurs, Pièce en quatre actes,
de M. Emile LABRE.
Le Mnflo Pièce en deux actes,
de M. Sacha GUITRY
1 "s (Photo-ProgrammeJ
M- Gémier M. Colas.
LES VAINQUEURS ?
Je dois déclarer tout d'abord que le suc-
ces, des Vainqueurs, à la répétition, géné-
rale, fut décisif et chaleureux; que Mlle
Cheirel et M. Gémier obtinrent, après cha-
que acte, des rappels réitérés; que le nom
de l'auteur fut finalement salué par. de
bruyants applaudissements. Mais, pour ma
part, je n'ai pu entendre la pièce de
M. Emile Fabre sans le sentiment sourd et
persistant d'une sorte de malaise dont je
! voudrais essayer de démêler ici les raisons.
S'il n'existait déjà sous ce nom une pièce
:.de. M. Brieux, la pièce de M. Emile Fabre
l pourrait s'intituler L'Engrenage. Il s'agit
de montrer un ambitieux qui, par une pre-
rmière défaillance, une première complai-
sance, est nécessairement entraîné à une
[suite d'actes de plus en plus vils et de plus
len: plus périlleux. Une fois engagé, impos-
sible qu'il se reprenne; la roue tourne.
Chaque faute commise engendre fatalement
pour le lendemain une faute plus grave ou
,plus coûteuse. Quand l'homme, après tant
de sacrifices, en touchera enfin le prix,
quand il aura saisi l'objet de son ambition,
;il aura ainsi perdu, lambeau par lambeau,
le Sentiment de sa dignité, son honneur,
son bonheur intime, et il se demandera avec
effroi s'il n'a pas payé son succès par trop
cher. Il jettera sur son triomphe le regard
désolé du vainqueur qui parcourt un champ
de bataille couvert de morts, et il se dira ;
Etait-ce la peiner
s-
Grand sujet, comme on voit, sujet puis-
sant et mélancolique, mais dont la. réussite
était subordonnée à une condition rigoureu-
se. Tout dépendant de la défaillance initiale
d'un homme qui nous était donné, jusqu'à
ce jour, comme un homme probe et irré-
prochable, tout le développement dramati-
que étant suspendu à ce fait premier, il fal-
lait que nous pussions l'accepter comme
probable, ou du moins comme vraisembla-
ble, ou tout au moins comme plausible. Et
la raison principale de ce que j'appelais
mon malaise est que le fait, ou le système
de faits imaginé par M. Emile Fabre, m'ap-
paraît invraisemblable, inadmissible.
Qu'on en juge. Pierre Daygraud, avocat
et député, est sur le point d'accéder enfin
au Ministère. Dans trois jours, au nom du
groupe parlementaire dont il fait partie, il
interpellera le cabinet. Le succès, longue-
ment préparé, est certain; et dans le nou-
, ~r
veau ministère, prépare avec nort mdned,
sollicitude, Pierre Daygraùd doit recevoir
le portefeuille de la Justice. Or, voici qu'àf
point nommé un bruit fâcheux circule 211
Palais, gagne la petite presse, s'étend, set
divulgue. Pierre Daygraud a plaidé tout ré,
cemment pour un Sicilien, le comte Fir.
miani, contre un aigrefin nommé Redon,
On prétend que ce procès fut fictif, ce Sici*
llien illusoire, et que toute. l'affaire fucima"
ginée par Redon pour abuser ses créan.
ciers. Je n'entre pas dans de plus amples -
détails, car l'affaire Firmiani-Redon est lit-*
téralement calquée sur l'affaire Crawford*
Humbert, laquelle, je pense, n'est pas en"
core oubliée. Pierre Daygraud, mis au -fait
de ces propos malveillants, proteste avec M
plus manifeste sincérité; Il n'a jamais vLt
Firmiani, sans doute. Pourtant il est sût
(Pboto-Programme) -
f
-
..-- -- -- -
LES VAINQUEURS n (ptemlef acte,..
de sa réalité, et, s'il le faut, il fera venig
Firmiani, l'obligera à quitter sa Sicile, à*
s'exhiber, à s'affirmer. Au même instant
un inconnu se fait annoncer chez Daygraucf
qui lit sur la carte: « Le comte Firmiani »,g
Le candidat ministre se croit sauvé, maiél
sa joie est de courte durée. En effet, l'home
me qui s'est introduit chez Daygraud sous
ce nom postiche n'est autre que l'aigrefin
Redon. Avec un merveilleux cynisme, Re-i
don explique à Daygraud le mécanisme dej
son escroquerie, et, avec une audace plus
belle encore, il lui propose de s'en faire
complice. Avouez, lui dit-il en substance.
, (Photo-Prottramme)
M. Clasts
7- Mlle Lavlgne
M. Sacha Cultry
«. ]LE MUFLR 'u (deuxième atte)
Mlle Lysès
que vous avez été ma duper vous voFX rfc
dicule, bientôt suspect, et le maroquin vous:
échappe. Si, au cofitraire, nous aITêto
court la campagne, le scandale retombe suis
vos ennemis qui essaient en ce moment 8a
l'exploiter, et le portefeuille que vous con;
voitez vous est mieux que jamais assurée
Qui mène cette campagne? Mes créanciers,
Que veulent-ils? Etre payés. Donnez-moi:
l'argent qu'il faut pour les satisfaire. Avec
votre silence et votre argent, je réponds del
tout.
Je note en passant une première * invraf,,
semblance, toute de détail, mais qu'il faut
signaler. L'avocat des Crawford ne connais-
; sait pas ses clients, mais au moins cornais,,
sait-il ses adversaires. Pierre Daygraud,
lui, n'a jamais vu le comte Firmiani qui!
n'existe pas, mais il n'a pas vu davantage
Redon, qui pourtant existe, et Redon pour.
ra impunément s'introduire chez lui. aouc
k
2e Année.-= N° 423 (Quotidiens
1
'lœ Numéro : S centimes
Jeudi 26 10IME!
Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSKÏ
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : C0MŒD1A»PAR!S
ABONNEMENTS
UN AN 0 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
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z Paris et Départements 24 fr. le fr.
Étranger 40 » 20 »
HAUTES ÉTUDES DRAMATIQUES
La présentation
DES
#
personnages
Messieurs, je continue.
Nous allons effleurer aujourd'hui un
des secrets les plus délicats du métier,
un de ceux qui se dérobent le plus im-
pitoyablement aux investigations du jeu-
ne et fiévreux dramaturge. Je veux par-
ler de la Présentation des personnages.
Il y a vingt ans encore, cette présenta-
tion n'entraînait aucune difficulté trop
Particulière. Au lever du rideau, un vieil
ami de la famille monologuait dans un
fauteuil : « Bien patriarcal, ce château
de Chenevières!. Certes, la duchesse
douairière couche avec son intendant,
mais elle sait y mettre des formes, et cela
ne l'a pas empêché de faire de sa pe-
tite-fille, Yvonne, le type accompli, etc.,
etc. » Le vieil ami passait alors tous les
personnages en revue, donnait la date de
4 leur naissance, signalait leurs traits de
Caractère, et, au bout d'une petite demi-
heure, tout le monde était fixé sur les
héros de la comédie qu'on allait avoir
l'honneur de représenter devant vous.
Aujourd'hui, le public n'admet plus ce
Procédé. Il exige une présentation brève,
rapide, ingénieuse, et dans le mouve-
ment.Ainsi, le pauvre jeune fiévreux dra-
maturge a bien du mal à commencer sa
pièce.
Cependant, bien des recettes s'ouvrent
à lui pour éviter la courbature. Une des
plus couramment usitées consiste à met-
tre, face à. face, dès la première scène,
un des personnages principaux de l'in-
trigue et quelque subalterne autorisé,
Par les circonstances, à une attitude as-
sez familière.
Procédons par l'exemple. Supposons
que' nous travaillons pour le théâtre de
Madame. A un auditoire composé en ma-
jeure partie de jeunes filles, de jeunes
mères, et de vieux messieurs, il nous
faut présenter, en moins de cinq minu-
tes, la comtesse d'Erieux, le comte dont
elle porte le deuil, Thérèse d'Erieux, sa
fille, le colonel d'Estrepont, qu'elle veut
* Epouser, MM. Petro, d'Entrecastle,
v J-ixon, le baron Poussin^ le marquis de
Nier,-. d'autres- ¡retsommges-encore" qui,
Pour être épisodiques,' nous sont indis-
pensables au deuxième acte.
Comment nous y prendre? D'abord,
décidons-nous à ne faire ces présenta-
tions qu'au seul point de vue qui inté-
resse le spectateur. Notre comédie traite
gracieusement d'un cas subtil de l'amour
moderne. Tenons-nous-en là, et ne révé-
lons pas, par exemple, que le baron
Poussin est licencié ès sciences, puisque
ce détail ne fait rien à l'affaire..
Après quoi, bien imprégnés de ce
Principe, mettons en scène, hardiment,
la comtesse elle-même, donnons-lui à
Peine le temps de se moucher pour oc-
cuper le lever du rideau, et introduisons
aussitôt Mariette, la camériste de la com-
tesse, comme son nom l'indique.
Ce n'est plus qu'un jeu! un jeu d'en-
fant. Pan, pan, pan ! vous allez voir :
- Mariette!
; — Madame?
— Approchez, ma fille. Et, exception-
nellement, asseyez-vous. J'ai à vous par-
, 1er de choses sérieuses. Vous m'écou-
tez? - ~~)~.-~~, -.
— Oh ! oui, madame ! *
- Mariette, j'ai quarante ans.
— Oh ! madame exagère !
— De vingt-quatre mois à peine. J'ai
Quarante-deux ans, quarante au maxi-
mum. *
— Bien, madame.
x — Cet âge, Mariette, est un très bel
~ge. Balzac en a dit des choses exquises.
Pour ma part, je me sens en pleine
force, en pleine forme. Mes actions
®ont puissantes, j'ai beaucoup de fond.
^nfin, avec de l'entraînement, je me
Sens capable de prouesses vertigineuses,
Sans effort. Bref, j'ai quarante ans. Ça
dit tout. Or, il y en a douze que je vous
ai mon service.
- Exactement, madame.
-— Je vous ai prise quand vous aviez
Seize ans, à la campagne. Je vous ai dé-
grossie. J'ai eu beaucoup de patience.
J'ai fait de vous une femme de chambre
remplie. Et, de plus, quand feu le
comte d'Erieux entretenait avec vous une
liaison que j'ose qualifier d'ancillaire, et
qui, dans tous les cas, était coupable, j'ai
fermé les yeux. Ne pensez-vous pas que
tout cela vaut quelque dévouement? ,
- Oh! si, madame.
n. - Bon. Ecoutez donc : depuis que
r oUs sommes au château de Cheneviè-
s-sur-Eure, vous avez dû vous aperce-
u Olr que le colonel d'Estrepont me fait
"ne cour très vive. Hier, il s'est enfin
déci r^* Ma fortune et ma personne le
séduisent. Quant à moi, il me plaît. Mais
il est entendu que j'ai quarante ans.
que je Parais les avoir. Que, d'ailleurs,
tempune grande fille de vingt-trois prin-
temps, qui ne me permet guère de dis-
simuler mon âge, à deux ou trois ans
près.
- Oui, madame. Mlle Thérèse vous
accuse! il est t, d ,
- Or *ieSt entendu aussi que. qu'a-
vec l'entraînement, comme je vous lc
disais tout à l'heure,. Enfin, c'est un
véritable époux .qu'me faut!- Vous
comprenez, Mariette? pas un honoraire,
un vrai ! arIette? pas un honoraIre,
- Un fiaillard d'attaque.
- Oui, Mariette, un gaillard comme
vous dites. Et le chiendent, c'est que je
suis une honnête femme. Mes principes
me défendent de céder au colonel avant
d'être sa femme. Du reste, le colonel me
respecte trop pour me violer. Voilà. Au
résumé, je voudrais être renseignée sur
l'endurance conjugale de mon futur, et
je ne suis pas à même d'obtenir ces ren-
seignements d'une façon directe. Ma-
riette, comprenez-vous ce que j'attends
de votre dévouement?
- Ah! madame, en vérité, voudrait
que.
— Oui, Mariette, je voudrais que.
— Et madame croit que le colonel?
— Je crois, Mariette, que si le colo-
nel — enfermé ici depuis quinze jours,
entouré de personnes vénérables, et
n'ayant d'autres distractions que des
plaisirs que j'ose qualifier de cynégéti-
ques, car c'est le mot — je crois que si
le colonel résistait, il ne serait bon qu'à
mettre à la retraite. Voilà ce que je crois.
Mais pas d'hypothèses tragiques! Ayons
la foi. Gardons la certitude que, dès de-
main, vous pourrez me dire si cet hom-
me est digne de porter ^, un uniforme
français!
— Mon Dieu ! je puis bien renseigner
tout de suite madame, non seulement
sur le colonel, mais sur la plupart des
autres invités de madame. Ainsi, M. Pe-
tro, le musicien, est un homme doux, en-
veloppant; M. d'Entrecastle est très an-
glais, froid, méthodique. M. Lixon est
jeune, jeune!
— Mais. mais!
— Attendez, madame, ce n'est pas
tout. Le baron Poussin est un peu ma-
niéré; le marquis de Niel est sentimen-
tal; M. Cléteran, l'écrivain, prononce
des phrases qui font longueur; le comte
d'Astignac exige des remerciements,
c'est une manie. M. Astier, l'explora-
teur, a toujours l'air de revenir du dé-
sert. Enfin, le colonel, tenez, madame,
il n'y a qu'un mot pour décrire le co-
lonel!. Le colonel est épatant, vous en-
tendez, madame, é-pa-tant!
—. Mais, Mariette, vous me glacez
l'âme! Comment, en moins de trois se-
maines, vous avez pu vous documenter
ainsi sur la psychologie de tant d'êtres
différents!. Mais, j'en suis abasour-
die. Mais pour un peu, je suffoque-
rais I * -«-r---
- Oh ! ce n'est pas moi, 'maâ.ame,Jy Je
dis seulement à madame ce qu'on m'a
raconté!
— Et qui donc, ma fille, a pu vous
raconter tout cela?
— C'est Mlle Thérèse, madame?
Et allez donc! C'est fait, passez mus-
cade. Appréciez le tour de main: Non
seulement tous les personnages nous
sont désormais connus, mais nous som-
mes déjà en pleine action. Nous savons
que la comtesse d'Erieux n'a pas su évi-
ter l'autre danger, et, haletants, nous
nous demandons ce qui va s'ensuivre.
Il faut ajouter, messieurs, que la situa-
tion demandait à être exposée avec tact,
étant donné le public très prude auquel
nous avons affaire.
Henry KISTEMAECKERS.
Nous publierons demain un article de
MARCEL BOULENGER
L'idéal nécessaire
On parle, chaque jour davantage, de la
nécessité de créer un Théâtre Idéaliste.
L'on désigne même la-salle qui conviendrait
et qui serait celle de l'Odéon.
Bien que le côté forcément matériel du
théâtre n'implique point tout d'abord l'idée
d'une réalisation idéaliste parfaite, il n'en
faut pas moins convenir que l'entreprise, à
notre époque, est des plus intéressantes.
Il est évident, en effet, que la civilisation
doit, de toute nécessité, s'appuyer sur un
idéal pour progresser. Depuis que lIe monde
existe, les hommes ont rêvé un idéal, puis
ils se sont efforcés de le réaliser, et,
parfois, ils y sont parvenus.
C'est un procédé analogue à celui de la
boule d'aimant que Cyrano relançait cons-
tamment devant son char de fer pour s'éle-
ver jusqu'à la lune, mais dont les résultats
paraissent plus certains..
Les' Anciens l'avaient fort bien compris,
et leur création de l'Olympe n'avait point
d'autre but. Toutes les beautés de la nature
émanaient d'Apollon, l'esprit dyonisien —
pour employer l'expression chère à Nietzs-
che — sut voiler les pires instincts, et la
Mort elle-même était figurée par un jeune
adolescent couronné de roses.
Les Anciens paraissaient, en effet, ne se
taire aucune illusion sur la portée unique-
ment artistique et terrestre de leur religion
et ils n'en attendaient aucun autre profit
qu'un plaisir intellectuel.
Plus tard, lorsqu'à l'usage des pauvres,
jurent créés des religions occidentales ré-
munératrices, lorsque l'on n'eut plus la foi
pour l'art, mais par intérêt personnel, il
était tout naturel que l'idéal Îût déporté au
delà des limites de la vie terrestre.
L'antagonisme surgit entre la vie terres-
tre méprisable et la vie future seule at-
tendue. Avec le développement de la scien-
ce, cette lutte ne pouvait se terminer que
par une rupture, qui semble, aujourd'hui,
définitive.
Sans doute ne saurait-on regretter ce taux
idéal qui se résumait en critiques découra-
geantes de notre vie quotidienne et de nos
aspirations les plus naturelles. Il n'en est
pas moins vrai qu'il apparaît aujourd'hui
très urgent de lui trouver un successeur.
Est-ce là une chose impossible ? Evidem-
ment, non. Sans doute n'aurons-nous plus,
dans l'avenir; de dieux immortels pour nous
servir d'exemple, mais certaines théories
générales fournies par la science sont, au-
jourd'hui, bien près de les remplacer.
L:,œuvre artistiaue, par-dessus tout, sem-
ble désignée pour -tenter les esprits. Elle est.
la seule participation raisonnable que nous
puissions souhaiter à l'Immortalité, et c'est
déjà beaucoup plus qu'on ne le croit géné-
ralement.
G. DE PA WLOWSKI.
Échos
Çe soir, 'à huit heures et demie, au Théâ-
tre Lyrique municipal de la Gaité, représen-
tation de gala offerte par la Ville de Paris,
en l'honneur de la municipalité de Prague.
- N
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre de l'Œuvre (salle Femina), première re-
présentation de: Au temps des fées, pièce
en vers, en un acte et deux tableaux, de M.
Jacques Blanchard; Elektra, de Hupo de
Hotfmannsthal, adaptation en.deux actes
en vers, de MM. Stephan Epstein et Paul,
Strozzi; et Le Jeu de la morale et du ha-
sard, pièce en un acte, de M. Tristan Bef-
nord. i
A
mer, mais juste.
,. Dans le foyer des artistes, un soir
ae aeours, aans un ae nos théâtres suoven.
tionnés. Dans cinq minutes, le rideau va
se lever sur cinq actes de Molière. Le di-
recteur vient et tend la main au néophyte
qui va, dans un instant, interpréter Valère:
— Eh bien! jeune homme, ça va? La
voix est bonne? Le coeur y est?
— Patron, je ne vous le cache pas..,, je
suis dans mes petits souliers!
Féroce, mais juste, le directeur désigne
Molière et laisse tomber:
- Et Lui donc!
SACHA GUITRY
Un grand garçon de charpente robuste, de
visage massif et régulier, comme on en voit'
aux médailles romaines, dans les belles époques
des Antonins ou des Césars, avec, tempérant
la classique dignité de ce masque impérial,, des
yeux gris que la joie éclaire, des lèvres « mor-
dantes » où le rire et la bonté creus.ent tour à
tour des lignes expressives; l'allure noncha-
lante et l'aspect négligé, tel, à vingt-trois ans,
applaudi, aimé de tous, enfant gâté de la vie et
des hommes, apparaît Sacha Guitry. -
Les bonnes fées ont apporté leurs dons-a son
berceau. Nulle restriction n'envenima leurs pré-
sents. Les rosiers ont à sa jeunesse épargné
leurs épines et prodigué les parfums. Poète, co-
médien, auteur dramatique, dessinateur, confé-
rencier, humoriste à ses moments perdus, Sa-
cha Guitry s'est exercé dans tous les arts, a
forcé toutes les portes, s'est imposé au public
par des audaces où tout autre que lui se fût
cassé les reins. Il a, comme un simple mac-
jarlane, endossé les ailes d'Icare. Il a écrit des
romans, des vers, des opérettes. Il a donné
La Clef, presque un chef-d'œuvre, au théâtre
Réjane. Il a fait applaudir à bon droit Chez les
Zoaques dans la maison Gémier. Il était célèbre
avant d'être électeur. Il improvise des confé-
rences, parle aux abonnés de l'Odéon — oui,
monsieurl — et leur tourne le dos. Il découpe
en silhouette parfois la gracieuse beauté de
Marthe Régnier ou de Charlotte Lysès, parfois
la laideur accomplie et chimérique de M.. Ernest
La Jeunesse. Il irrévère, il houspille, il honnit
les critiques, ces oracles à tout faire; il atteste
les solécismes opiniâtres, les jugements à lon-
gues oreilles dont s'honore la vieillesse de M.
Félix Duquesnel. Ainsi, multipliant les entrepri.
ses, heureux sans vergogne, incapable d'une mi..
nute d'hésitation ou de timidité, libre du fardea'i
pédant qui nous écrase, de l'intempérance li-
vresque dont nous sommes empoisonnés, Sachi
poursuit avec entrain sa « route d'émeraude »,
buvant à chaque étape le vin cordial de la jeu-
nesse, donnant au monde ainsi qu'à ses ami!
l'encourageant exemple du bonheur.
La conquête de Paris, souventejois, se re-
fuse au travail, au mérite, à l'effort, à la vo-
lonté. Les amateurs occupent lâchement toutes
les places qui, naguère encore, permettaient à
l'artiste de recueillir les fruits de son talent,
de penser et de vivre. La plate médiocrité des
riches encombre le journal avec les articles
payants et non payés de M. Tel ou Tel, obstrue
infatigablement le théâtre avec les pièces de
Sac fils ou de Coffre neveu.
Sacha, qui, cependant, était mieux que per-
sonne dans les conditions requises pour faire
son chemin en qu'alité de « fils », ne daigna
point recourir à ce moyen népotique. Il ne de-
manda qu'à lui-même un succès légitime.
Et c'est pourquoi lé succès qui couronne,
sans fetire attendre, ce loyal et spirituel garçon
apparaît comme un dédommagement aux abus
réitérés, comme une satisfaction équitable,
comme la revanche et l'excuse même du Destin.
LAURENT TAILHADE.
D
eux spectateurs.
A la répétition générale des 'Vain-
queurs. Dans les couloirs du théâtre An-
toine, pendant un entr'acte, deux messieurs
sont voisins, chacun d'eux en conversation
avec des interlocuteurs différents. L'un de
ces messieurs, aux cheveux blancs très
courts, a le visage balafré et les mousta-
ches et la barbe rasées. L'autre, au con-
traire, a les cheveux et la barbe noirs. Il
est jeune, plein de bonne humeur et de
santé.
Le premier est Laurent Tailhade, le se-
cond est le docteur Quiserne. Ils ne s'é-
taient pas rencontrés depuis la seule fois
où le hasard, tragique, les avaient mis en
présence: l'interne en médecine avait alors
pansé le blessé, le jour de la fameuse
bombe.
M
me Jane Hading et la chiromancie.
Nous avons retrouvé, dans un vieux
journal, les lignes suivantes, qui dévoilent,
d'après les lignes de la main, le caractère
de la célèbre actrice.
« Nativement sujette aux premiers mou-
vements, 'aux épanchements, mais capable
de retour sur elle-même.,
, » Instinctivement, confiance en soi,
amour de la domination, du faste, de la
popularité, des vo"O'es triomphaux; brus-
querie, jalousie.
» Par contré, sait réfléchir. Cette nature
a mis de l'ordre, de la symétrie, de la suite
dans ses grandes lignes.
» Confiance en soi qui persiste, cepen-
dant. Coups de tête. Devrait attendre vingt-
quatre heures avant de suivre une résolu-
tion prise. Le sort favorise la fortune. De-
vrait se fier à son étoile plus qu'à elle-
même. Destinée heureuse, combattue par
des crises de volonté. »
Et il y a eu du vrai dans cet horoscope
fait il v a bientôt -se ans.
u
ne jolie artiste avait dernièrement une
rivière composée des plus jolis dia-
mants qu une femme peut rever.
Pour satisfaire un caprice, elle prit le
parti de la vendre; un marchand lui offrait
cent mille francs, un autre cent deux mille.
Elle s'en fut chez Dusausoy, expert, 4, bou-
levard des Italiens, qui la lui prit pour cent
dix mille au comptant. Conclusion : Dusau-
soy achète toujours très cher. surtout quand
le bijou en vaut la peine.
L
a gloire. --
L'autre jour, tandis qu'on - jouait, à
la Comedie-française, L Anglais tel qu'on le j
parle, de Tristan Bernard, à la même heure,
au palais de l'Elysée, pour la soirée de gala,
en l'honneur du roi de Suède, on représen-
tait une autre pièce, encore de Tristan Ber-
nard: Dimanche après midi.
Le roi de Suède, qui connaît très bien
la langue française et toute notre littérature,
a vivement apprécié la comédie de notre
émanent collaborateur, et il a dit à Mme
Fallières, qui se trouvait à ses côtés, com-
bien la France devait être fière de posséder
des écrivains aussi fins et spirituels que
M. Tristan Bernard.
Pendant ce temps, Tristan Bernard se
trouvait dans les bureaux de Comœdia, où,
modestement et soigneusement, il corrigeait
les épreuves de sa dernière nouvelle.;
s
aran et la Censure.
C'est aujourd'hui que TA grande Sa-
rah se fera justement applaudir par les fi-
dèles sujets du Grand-Turc.
Cette fois-ci — la dernière - son réper-
toire est beaucoup plus étendu. Dans ses
précédentes tournées à Constantinople, sous
le vain prétexte d'allusions politiques et
d'attentat au respect du sultan, Mme Sa-
rah Bernhardt dut, en effet, sacrifier à
l'idiote et stupide censure quelques-uns des
plus beaux chefs-d'oeuvre français: Fort
heureusement, le doux et pacifique Abdul-
Hamid vient de la supprimer, et les Pé-
rotes pourront, cette année, applaudir l'il-
lustre tragédienne dans plusieurs de ses
meilleures créations et, entre autres, U Ai-
glon, d'Ed. Rostand; Adrienne Lecouvreur,
La Sorcière et La Tosca, de V. Sardou, qui,
jusqu'à présent, avait été impitoyablement
rejetées par la censure.
S
ainte Catherine.
Si la sainte CatHerine est, pour oer-i
taines, un jour un peu mélancolique, il est,
pour les midinettes, un joyeux anniversaire.
Ce soir-là, les théâtres leur sont ouverts.
Elles en sont les hôtesses gracieuses. Par-
tout on les accueille et partout on les fête.
Des places leur sont réservées, les contrô-
leurs ont pour elles un gentil sourire, et
les ouvreuses, qui se rappellent «qu'elles
aussi ont eu vingt ans », leur prodiguent les
plus familières et les plus cordiales sympa- .,
thies. ;
C'est la sainte Catherine! Mais toute mé-
daille a son revers. Le lendemain, celles:
qui ont* coiffé, comme on dit, la sainte des
vieilles filles, reçoivent un cadeau. Et ce
cadeau n'est pas toujours de ceux qui leur
font le plus grand plaisir. C'est générale-
ment une bague, non point une bague de
fiançailles, non point une alliance, mais un
simple anneau qui signifie à la fois qu'elles;
doivent se résigner, attendre — et espérer. !
C'est la sainte Catherine 1
c
* N1
hez M. Jules Claretie.
Dans la bibliothèque rde M. Jules
Claretie, dans le coin réservé aux meilleurs
amis, il y a un volume des Odes Funambu-
lesques, de Théodore de Banville, et ce vo-
lume n'aurait rien d'extraordinaire, certes,
si sur la première page on ne pouvait y lire,
écrite de la main même du grand poète dis-
paru, de sa petite écriture féminine et nette,
les vers suivants, inédits, ou presque:
Mes anciens vers au chant moqueur,
Les voilà, mon cher Claretie.
Rimeur ailé, du même cœur
Je buvais la rose et l'ortie.
Ayant le sombre azur pour dais,
Entre les divins funambules,
Parodiste, je paradais.
Oh! quel souvenir lointain, Jules [f
Sans pitié pour son falbala,
J'ai saisi la Muse au col. L'ai-je
Bien embrassée? En ce temps-là
Vous étiez encore au collège.
Car je vous ai vu tout petit,
Lorsqu'en votre prunelle sûre,
Flamboyait déjà l'appétit
Du triomphe et de la blessure.
0 travailleur de chaque jour.
Et toujours d'un regard ami
Je vous suis, moi, le vieux lyrique
Mais M. Çlaretie ne veut pas livrer au
public quelques vers de la dernière strophe,
trop aimables pour lui, dit-il.
Une boîte de bonbons Comœdia au pre-
mier lecteur qui les rétablira.
L
es plus malins s'y font "prendre. et'
tel chauffeur qui s'imagine esthétiser
infailliblement en mécanique ne dira que
des blasphèmes s'il ignore la perfection des
voiturettes Zedel, que Lamberjack a lan-
cées en France. Silencieuses, souples et ra-
pides, ces trois mots étant pris dans leur
acception stricte, ce sont des merveilles
pour le tourisme.
1
1 est des créations qui répondent à de
véritables, besoins. Celle du restaurant
Volney, du - Chatham, est dans ce cas, car
les Parisiens sont nombreux pour qui la
bonne chère a de particuliers attraits. Et le
restaurant Volney, du Chatham, en leur of-
frant, dans un cadre parfait d'élégance,
une table exquise, une cave incomparable,
des thés admirablement servis, satisfait à
ces désirs à la réalisation desquels John,
un maître d'hôtel de la grande école, veille
avec la plus soigneuse compétence.
Le Masaue de Verre.
i., i:;, J '¥i-' C * v vAiV
AU THÉÂTRE ANTOINE
Les Vainqueurs, Pièce en quatre actes,
de M. Emile LABRE.
Le Mnflo Pièce en deux actes,
de M. Sacha GUITRY
1 "s (Photo-ProgrammeJ
M- Gémier M. Colas.
LES VAINQUEURS ?
Je dois déclarer tout d'abord que le suc-
ces, des Vainqueurs, à la répétition, géné-
rale, fut décisif et chaleureux; que Mlle
Cheirel et M. Gémier obtinrent, après cha-
que acte, des rappels réitérés; que le nom
de l'auteur fut finalement salué par. de
bruyants applaudissements. Mais, pour ma
part, je n'ai pu entendre la pièce de
M. Emile Fabre sans le sentiment sourd et
persistant d'une sorte de malaise dont je
! voudrais essayer de démêler ici les raisons.
S'il n'existait déjà sous ce nom une pièce
:.de. M. Brieux, la pièce de M. Emile Fabre
l pourrait s'intituler L'Engrenage. Il s'agit
de montrer un ambitieux qui, par une pre-
rmière défaillance, une première complai-
sance, est nécessairement entraîné à une
[suite d'actes de plus en plus vils et de plus
len: plus périlleux. Une fois engagé, impos-
sible qu'il se reprenne; la roue tourne.
Chaque faute commise engendre fatalement
pour le lendemain une faute plus grave ou
,plus coûteuse. Quand l'homme, après tant
de sacrifices, en touchera enfin le prix,
quand il aura saisi l'objet de son ambition,
;il aura ainsi perdu, lambeau par lambeau,
le Sentiment de sa dignité, son honneur,
son bonheur intime, et il se demandera avec
effroi s'il n'a pas payé son succès par trop
cher. Il jettera sur son triomphe le regard
désolé du vainqueur qui parcourt un champ
de bataille couvert de morts, et il se dira ;
Etait-ce la peiner
s-
Grand sujet, comme on voit, sujet puis-
sant et mélancolique, mais dont la. réussite
était subordonnée à une condition rigoureu-
se. Tout dépendant de la défaillance initiale
d'un homme qui nous était donné, jusqu'à
ce jour, comme un homme probe et irré-
prochable, tout le développement dramati-
que étant suspendu à ce fait premier, il fal-
lait que nous pussions l'accepter comme
probable, ou du moins comme vraisembla-
ble, ou tout au moins comme plausible. Et
la raison principale de ce que j'appelais
mon malaise est que le fait, ou le système
de faits imaginé par M. Emile Fabre, m'ap-
paraît invraisemblable, inadmissible.
Qu'on en juge. Pierre Daygraud, avocat
et député, est sur le point d'accéder enfin
au Ministère. Dans trois jours, au nom du
groupe parlementaire dont il fait partie, il
interpellera le cabinet. Le succès, longue-
ment préparé, est certain; et dans le nou-
, ~r
veau ministère, prépare avec nort mdned,
sollicitude, Pierre Daygraùd doit recevoir
le portefeuille de la Justice. Or, voici qu'àf
point nommé un bruit fâcheux circule 211
Palais, gagne la petite presse, s'étend, set
divulgue. Pierre Daygraud a plaidé tout ré,
cemment pour un Sicilien, le comte Fir.
miani, contre un aigrefin nommé Redon,
On prétend que ce procès fut fictif, ce Sici*
llien illusoire, et que toute. l'affaire fucima"
ginée par Redon pour abuser ses créan.
ciers. Je n'entre pas dans de plus amples -
détails, car l'affaire Firmiani-Redon est lit-*
téralement calquée sur l'affaire Crawford*
Humbert, laquelle, je pense, n'est pas en"
core oubliée. Pierre Daygraud, mis au -fait
de ces propos malveillants, proteste avec M
plus manifeste sincérité; Il n'a jamais vLt
Firmiani, sans doute. Pourtant il est sût
(Pboto-Programme) -
f
-
..-- -- -- -
LES VAINQUEURS n (ptemlef acte,..
de sa réalité, et, s'il le faut, il fera venig
Firmiani, l'obligera à quitter sa Sicile, à*
s'exhiber, à s'affirmer. Au même instant
un inconnu se fait annoncer chez Daygraucf
qui lit sur la carte: « Le comte Firmiani »,g
Le candidat ministre se croit sauvé, maiél
sa joie est de courte durée. En effet, l'home
me qui s'est introduit chez Daygraud sous
ce nom postiche n'est autre que l'aigrefin
Redon. Avec un merveilleux cynisme, Re-i
don explique à Daygraud le mécanisme dej
son escroquerie, et, avec une audace plus
belle encore, il lui propose de s'en faire
complice. Avouez, lui dit-il en substance.
, (Photo-Prottramme)
M. Clasts
7- Mlle Lavlgne
M. Sacha Cultry
«. ]LE MUFLR 'u (deuxième atte)
Mlle Lysès
que vous avez été ma duper vous voFX rfc
dicule, bientôt suspect, et le maroquin vous:
échappe. Si, au cofitraire, nous aITêto
court la campagne, le scandale retombe suis
vos ennemis qui essaient en ce moment 8a
l'exploiter, et le portefeuille que vous con;
voitez vous est mieux que jamais assurée
Qui mène cette campagne? Mes créanciers,
Que veulent-ils? Etre payés. Donnez-moi:
l'argent qu'il faut pour les satisfaire. Avec
votre silence et votre argent, je réponds del
tout.
Je note en passant une première * invraf,,
semblance, toute de détail, mais qu'il faut
signaler. L'avocat des Crawford ne connais-
; sait pas ses clients, mais au moins cornais,,
sait-il ses adversaires. Pierre Daygraud,
lui, n'a jamais vu le comte Firmiani qui!
n'existe pas, mais il n'a pas vu davantage
Redon, qui pourtant existe, et Redon pour.
ra impunément s'introduire chez lui. aouc
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