Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-11-19
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 novembre 1908 19 novembre 1908
Description : 1908/11/19 (A2,N416). 1908/11/19 (A2,N416).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646069t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2e Année. 8" N° 416 (QuOtiOleo. Le Numéroi 3 centimes
Jeudi 19 Novembre 1908.
COMŒDIA
Rédacteur en Chef: Q. de PAWLOWSKI
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Étranger .-.-. 40 D. 20 »
HISTOIRES DE L'OUEST.
Le Pêcheur
à la ligne.
Le triple feu de Cape Flattery, sur la
côte du Pacifique, est considéré comme
l'un des plus importants du monde sur
toutes les chartes marines. C'est le der-
nier phare des Etats-Unis, en allant vers
le Nord. Il garde à la fois le détroit
de Juan de Fucca, formé par l'angle ro-
cheux de l'Orégon et Vancouver Island,
les hâvres sauvages de la grande île ca-
nadienne, hantés de petits Indiens pê-
cheurs, et trois ports considérables de
l'extrême Ouest : Seattle, Victoria, Van-
couver. Cape Flattery Light comporte
trois gigantesques lanternes à réflecteurs
paraboliques, d'une puissance lumineuse
de 90.000 bougies. Le pivotement lent
et simultané des projecteurs est opéré
par une dynamo, installée en bas sur le
roc. Le poste, fort de six canons et ra-
vitaillé par le service des douanes amé-
ricaines, occupe quinze hommes, d'un
bout à l'autre de l'année.
Tous les trois mois, par beau temps,
un cotre chargé de balises, de bouées
rouges et de cordages, va porter à Flat-
tery les vivres, les lettres, les fournitu-
res nécessaires à la petite usine électri-
que, et ramène la relève, les malades, les
permissionnaires.
J'ai gardé des onze jours que j'ai pas-
sés à Flattery Light, en compagnie de
mon ami O'Taggart, chef du feu, un sou-
venir impérissable. C'était à la mi-sep-
tembre. Nous attendions le bateau de
Seattle, qui devait nous ramener, lui
près de sa femme, moi dans le bruit et
la vie intense des métropoles de l'Est.
Durant le jour, nous péchions des white
fishes, ou bien, à marée basse, dans les
trous verdis. une horrible sorte de crabe
qu'on nomme timken, tantôt étourdis par
l'effrayante voix du vent, tantôt volup-
tueusement abattus par le grand soleil,
devant la mer huileuse.
-Jkjkx— «oviéraira «Joo lt«h)éMhistoires de phares, O'Taggart était de
nature taciturne et causait peu. Cepen-
dant, un jour qu'il était assis près de moi
sur le sable, par un doux après-midi, où
nous regardions au loin, sur l'infini du
Pacifique, la silhouette grisaille d'un va-
peur se dirigeant vers l'Alaska, O'Tag-
gart se mit, sans propos préalable, à me
conter la chose extraordinaire que voici :
— Savez-vous, me dit-il, ce que cela
me rappelle de me trouver assis devant
l'eau calme, par un temps comme celui-
ci, où rien ne bouge?
Il resta silencieux une minute, le re-
gard perdu devant lui, puis continua de
la même voix triste :
— Cela me rémémore une chose pé-
nible, une chose qui montre combien
un homme exilé peut être dangereux à
soi-même et aux autres.
» Un jour d'été comme aujourd'hui, je
Pêchais la truite dans le Snake River, à
trois cents milles Est de cette côte. J'étais
venu, avant mon mariage, visiter, mon
frère Arthur, gardien au pont tournant
de Kitty Point, un coin perdu de la prai-
rie.
» La Snake River, je dois vous le
dire, permet un grand trafic fluvial. Dix
à quinze barges, portant beaucoup de
toile, naviguent contre le courant, l'été,
entre Pendleton et Spokane, chargées de
peaux et de graisses du Montana. A pré-
sent, vous saurez aussi qu'à cet endroit
de Kitty Point, où elle est traversée par
les express de Seattle et de Victoria, la
Snake n'est, ni plus ni moins, qu'un
trou profond, dans la roche, un trou de
plusieurs milles de long et de huit cents
pieds de large.
» Kitty Point Bridge était un pont fixe
à l'inauguration de la ligne de Puget
Sound, il y a une vingtaine d'années.
Puis, en 92, après toute une campagne
des mariniers trafiquant sur le fleuve
avec les ranchos du Sud, la Compagnie
du Pacifie Coast Limited établit un pre-
mier pont mobile, en acier de Pittsburg.
C'était, pour l'époque, un véritable tra-
vail d'hercule. Chaque aile de la gigan-
tesque construction mesurait près d'un
quart de mille. Un seul câble de cou-
rant, relié au plateau à excentrique sup-
portant la charge, descendait au long de
la pile centrale, passait dans l'eau à une
Profondeur de cinquante pieds et allait
aboutir à l'ancien poste d'aiguillage, bâti
en retrait de la voie. Un hangar en tôle
ondulée fut placé contre la vieille cabane
Pour abriter les quatre énormes batteries
d'accumulateurs — deux de secours et
deux en service — et ce fut tout; la
Compagnie, trouvant déjà avoir dépassé
Ses allocations, ne crut pas devoir appli-
quer de suite un système de signaux au-
tomatiques à l'est et à l'ouest de Kitty
J?oint. En sorte que mon frère, engagé
aPrès examen, au salaire annuel de six
cents dollars, avait, à la fois, la respon-
sabilité de la manœuvre du pont et celle
res signaux de la voie. Il est vrai que
les gabarres à hauts mâts ne passaient
qu à de rares intervalles.
1 pans ce temps-là, c'était la chose
Plus impressionnante que de voir
voter lentement sur son axe de &rani\.
comme une immense aiguille à mouve-
ment retardataire, ce long tronçon de
railroad. Le pont, peint en gris, avec
ses câbles de tension, se déplaçait tout
d'une pièce, sans qu'on entende le moin-
dre bruit. Progressivement, un grand
vide se faisait sur le fleuve; puis, la
manœuvre finie, de loin, dans le soleil,
on apercevait, suspendue au grand mi-
lieu de la Snake, parallèlement à la rive,
une vague ligne métallique dont la cou-
leur se confondait un peu avec le fond
du ciel.
» Je pêchais, dans le grand silence de
l'eau, en aval du pont resté ouvert de-
puis le passage, une heure auparavant,
de deux chalands à voile. J'avais capturé
quelques belles truites bleues et songeais
à replier mes lignes pour aller rejoindre
Arthur là-haut, dans la cabane solitaire,
parmi ses tableaux de voltage et ses com-
mutateurs, quand, soudain, un sifflet stri-
dent déchira l'air, à ma droite. Un train
de grande vitesse dévorait la courbe, au
milieu d'un petit bois. de mélèzes qui me
cachait la maisonnette. je regardais, un
peu stupide, la haute cheminée de cuivre
courir vertigineusement au-dessus des
cimes vertes, et tout d'un coup, Holy
Christ! dans un infernal bruit de freins,
de roues grinçant sur les rails et d'é-
chappements de vapeur, je vis la longue
locomotive — une Baldwin à éperon —
le tender et neuf pullmans bondés de
voyageurs plonger * dans le fleuve d'une
hauteur de trente pieds!
» Cela dura une dizaine de secondes;
puis tout se tut. L'eau, soulevée en une
trombe effrayante, une fois retombée, fit
place à un large remous, qui, lui-même,
s'anéantit petit à petit dans le courant.
» Il'n'y avait pas un souffle d'air.
Deux petits whizzy birds qui s'étaient
envolés d'un bouquet de lentisques, der-
rière moi, revinrent, au bout d'un ins-
tant, pépier à la même place. Déjà, la
Snake River avait repris sa belle teinte
d'acier sombre.
.» Quand, un peu sorti de l'intense
émotion que m'avait causé ce spectacle,
j'arrivai, hors de souffle, à la cabane de
troncs d'arbres, je trouvai Arthur étendu
mort sur le plancher.
JJa ~M't~tM~ ~MMtsag'M'- du ér&in âé
nuit, que j'étais allé arrêter avec des lan-
ternes, à quatre milles en arrière, sur la
voie déserte, déclara que mon frère avait
succombé à une attaque d'apoplexie,
vers deux heures du tantôt, au moment
sans doute où il allait commencer la ma-
nœuvre de fermeture. Le corps, dans sa
chute, avait heurté le levier de « voie
libre» et encliqueté le signal.
» Depuis, ajouta O'Taggart, après un
léger soupir, la Compagnie a décidé de
poster là deux hommes. »
Georges DUPUY.
Nous publierons demain un article de
JEHAN RICTUS
La maison vide
D'après les lettres que nous recevons, la
question de l'Odéon semble se préciser.
L'Odéon est un très beau théâtre, Antoine
sait nous y montrer d'admirables décors.
Avec les moyens de locomotion nouveaux:
autobus et métropolitain, l'Odéon n'est plus
inaccessible. Tout est donc pour le mieux,
et la fortune de ce théâtre serait assurée
s'il ne lui manquait une troupe et des ac-
teurs.
Ce n'est point, cela va sans dire, que
l'Odéon ne soit pas le rendez-vous de tous
les talents; seulement, par suite de circons-
tances particulières, ces talents n'ont point
l'occasion de s'y montrer.
C'est Antoine tout d'abord, dont le seul
nom ferait courir tout Paris, qui n'est point
autorisé à jouer dans son propre théâtre;
ce sont, enfin, les autres acteurs qui consi-
dèrent l'Odéon comme une simple anti-
chambre des autres théâtres et qui ne tont
qu'y passer.
Voyez l'affiche; on n'y trouve que des
débuts; tout le monde veut s'essayer sur
cette scène qui ne compte point, avant d'al-
ler jouer autre part. Il est, en effet, bien
entendu que, si le succès couronne ses es-
sais, l'acteur s'en ira, dès le lendemain,
vers la Comédie-Française ou un théâtre
des boulevards.
Le spectateur qui, lui, paie sa place
comme dans un théâtre ordinaire, s'étonne
à bon droit de cette école d'application
qu'on lui montre. Ce qu'il lui faut, ce sont
des acteurs véritables, et il le prouve en
s'abstenant.
La question s'est déjà posée, on s'en sou-
vient, pour le Lyrique Populaire et donna
les mêmes résultats. Tant que l'on proposa
au public un théâtre d'application à bon
marché, le Lyrique Populaire n'eut aucun
succès. Du jour où l'on sut y donner les
pièces même, les décors, les interprètes de
l'Opéra-Comique et de VOpérable succès a
dépassé toute prévision.
Il en va de même pour l'Odéon, et les
sociétaires de la Comédie-Française, qu'au-
cun voyage n'effraie,. devraient bien partir
de temps à autre en tournée pour assurer
l'interprétation du second Théâtre-Fran-
çais.
Au surplus, il faut bien observer que la
situation est exactement la même pour les
auteurs et que ceux-ci ne considèrent l'O-
déon qu'à la façon d'un théâtre d'essai.
Ce n'est jamais qu'à regret qu'ils y lont
leurs débuts, et si, par hasard, un chef-
d'oeuvre s'y glisse, l'ironie des mots veut
qu'il se mmim Le Passant.
G. M EAWLQWSKL
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre Sarah-Bernhardt, répétition générale de
Les Révoltés, drame en cinq actes et six
tableaux, de MM. Henri Cain et Edouard
Adenis.
Cet après-midi, à une heure et demie,
au Palais-Royal, première représentation du
spectacle du Nouveau Théâtre d'Art : La
Logique du Doute, deux actes de M. Alfred
Mortier; Le Heurt, trois actes de M. Paul
Grariet.
MARIE KALFF
Au moment où Mlle Kalff met à nouveau
son beau talent au service de ce théâtre
d'avant-garde que veut être le Nouveau
théâtre d'Art, nous sommes heureux de
donner ici, d'après les bonnes feuilles du
dernier Cahier de Mécislas Golberg, ce
portrait de la courageuse artiste, dû à la
plume de Paul-Hyacinthe Loyson:
Dire d'elle qu'elle n'est pas « cabotine »,
c'est peu encore. Elle ne promène nêtjie pas à
la ville cette imperceptible odeur le «Couleses
qui suit, les pas des plus probes actrices, ène'
ne force pas l'attention, elle la retient et elle
l'intrigue. Elle a le contour.et la nuance étrange
d'une fleur nouvelle.
Je sais le pays d'ailleurs d'où elle vient: c'est
le pays de l'âme ou est née la Duse infiniment
(H.. Manuel, phot.)
triste. Pourquoi faut-il qu'en notre Paris si gé-
néreux ceux de là-bas se sentent moins chez eux
qu'à l'étranger? Qui nous rouvrira les profon-
deurs ? Qui nous dévoilera les sommets de
clarté ? L'âme, l'âme toute pure, est-elle donc
une tache sur un front d'artiste ? On pleure à
penser rue le talent de Kalff lui a : fait grand
tort. Mais ce n'est pas à elle que je souhaite de
trouver le directeur qui la comprenne: c'est au
directeur et au public que je souhaite cette
chance. Une littérature de l'âme moderne, au
plus noble sens, est en train de se constituer
hors de France, presque à l'exclusion de la
France. Afin que le génie universel de notre
pays ap-orte à ce mouvement sa consécration,
afin du moins qu'il y participe, on réclame des
scènes pour des artistes comme Marie Kalff.
Cette scène, ce n'est pas le Nouveau
Théâtre d'Art qui semble apte à la lui of-
frir, si l'on en juge par le nouveau specta-
cle dont la répétition générale eut lieu hier.
Mais il semble impossible que dans ce Paris
où, quoi qu'on dise, jamais un talent véri-
table ne reste méconnu et dédaigné, on ne
puisse trouver, pour une artiste de l'enver-
gure de Marie Kalff, la scène qu'il lui faut,
dût-on la construire spécialement pour elle.
P M
u
«
rn savant.
[ Un sociétaire de la Comédie-Fran-
çaise, un des plus grands, — mais non pas
seulement par le talent, — se pique volon-
tiers'd'érudition.
Il mettait en scène dernièrement une co-
médie due à un romancier fort connu. Il
houspillait de jeunes interprètes, dont il
trouvait le zèle un peu mou:
- Allons, criait-il, du mouvement !. De
l'air.de l'air!.
Et, le geste soudain plus large:
— De l'hydrogène. de l'hydrogène!
L
a guérison.
C'est le métier des médecins de sau-
ver les malades. o ils n y réussissent pas
toujours, ils essayent du moins d'y réussir,
et cela leur arrive quelquefois.
Mais il est infiniment plus rare que les
malades sauvent les médecins.
A défaut dès malades, les grandes canta-
trices possèdent, paraît-il, ce pouvoir.
Voici du moins ce qu'on raconte.
Un docteur W.-T. Bull, Américain et
spécialiste du cancer, se trouvait dans un
état désespéré. Ses remèdes étaient inuti-
les, il allait périr, quand il exprima le désir
d'entendre une dernière fois Emma Calvé.
La grande artiste consentit, sur les priè-
res de Mme Bull, à se rendre chez le mo-
ribond. Elle chanta, elle chanta d'abord de
timides romances, puis des airs italiens,
puis des lieds allemands.
- Et en une seule séance, le docteur Bull
fut guéri.
Voilà, du moins, ce qu'on raconte.
L
es petits mystères.
r Qui nous dira jamais pourquoi l'affi-
che du Theatre-hrançais, mentionnant nier
pour la première fois le : prénom de
M. Grand, écrit George Grand justement
au-dessous du et du. pr®#om
M-CiïOTMès &ekrt
Pourquoi cette différence d'orthographe?
Est-ce pour marquer la nuance qui sé-
pare le sympathique créateur de La Rivale,
sociétaire seulement, du créateur du Bon
Roi Dagobert, professeur au Conservatoire
et chevalier de la Légion d'honneur? Et
cette s dont on gratifie M. Georges Berr
indique-t-elle la pluralité de ses mérites de
ccmédien, d'écrivain, de professeur?
C'est ce qu'on ne saura sans doute ja-
mais.
N
e vendez pas vos bijoux, belles perles
et pierres fines sans les montrer à.
Dusausoy, expert joaillier, 4, boulevard des
Italiens, qui paie très cher au comptant.
Grand choix d'occasions.
c
'est amusant, un catalogue, et instruc-
tif.
En voici un, qui annonce la vente d une
collection d'autographes, avec le prix d'esti-
mation et la qualité des signataires :
Léa d'Asco, artiste lyrique, célèbre mon-
daine. — Curieuse lettre, 5 francs.
Louise Balthy, artiste lyrique. — Carte
télégramme et deux lignes sur une carte de
visite, 4 francs.
Albert Grisar, gracieux compositeur. -
Belle lettre, 5 francs.
Georges Hainl, violoncelliste distingué.
- Curieuse lettre, 8 francs.
Lot de quarante pièces autographes, let-
tres, billets, cartes. — Très intéressant dos-
sier formé d'autographes de Massenet, Co-
lonne, Bruneau, Salvayre, Albert Cahen,
Victor Roger, Louis Diémer, le tout pour
15 francs.
Une lettre de Gounod est mise à prix
3 francs, tandis qu'une lettre de François
Bazin, compositeur de rien du tout, vaut
4 francs.
Auber, Boïeldieu, Gustave Charpentier,
Benjamin Godard, Massenet, Reyer sont à
égalité, 3 francs; Saint-Saëns, Alfred Bru-
neau sont cotés 2 francs, vingt sous moins
cher que le « célèbre » compositeur Elwart.
Adolphe Adam se vend 1 fr. 50 couram-
ment; Galipaux atteint 2 francs, et Oscar
Comettant 4 francs.
Le seul autographe qui soit estimé à un
bon prix, 12 francs, est celui de Georgeb
Bizet.
Q
uand le premier pas est fait.
Comœdia citait récemment le pre-
mier vers au on connut du Chantecler de
Rostand. En voici un autre, que nous garan-
tissons rigoureusement authentique, le se-
cond qu'une nouvelle indiscrétion nous per-
met de soumettre a nos lecteurs. Puisse-t-ïl
faire prendre patience aux nombreux Pari-
siens toujours tenus en haleine et toujours
déçus dans leur espoir d'entendre* enfin
l'œuvre nouvelle, tant promise, de l'auteur
de Cyrano.
Ce vers commence une invocation du per-
sonnage de Chantecler au Soleil; c'est donc
le grand Coq qui le devra prononcer:
Ton or est le seul or qui porte bon conseil.
La série est ouverte; se poursuivra-t-
elle ?
T
k-
)ut le monde est d'accord pour conve-
nir qu'il était impossible de trouver un
numéro nouveau aussi bon que les Scheffer
ou les Kremo. M. CI. Bannel, l'actif direc-
teur des Folies-Bergère, vient de prouver
une fois de plus que le mot impossible n'est
pas français en nous révélant les O'Kabé,
la merveilleuse troupe japonaise. Non seu-
lement ce numéro est aussi bon que celui
des Scheffer ou des Kremo, mais il faut re-
connaître que ces acrobates nippons sont
les plus forts que l'on ait jamais vus; ils
sont inouïs, vertigineux, inimitables: leurs
prouesses sont incroyables pour qui ne les
a pas vues. Il faut aller aux Folies-Bergère
admirer ce numéro unique; il faut y aller
également pour applaudir Germaine Gal-
lois, la plus belle, la plus exquise des chan-
teuses, etc., etc.
k~~
Questions d'art, de littérature. et mys-
tifications.
Il y a « l'art birman », découvert par M,
Sacha Guitry ; mais il y a aussi « la litté-
rature laponne ».
Cette littérature fut découverte, il y a
quelques années, par un autre humoriste,
maintenant oublié, Alfred Guilloux.
D'innombrable affiches, des notes déli-
rantes dans tous les journaux annoncèrent,
une fois, qu "une conférence sur « la litté-
rature laponne », tout à fait inconnue, au-
rait lieu dans un théâtre, aujourd'hui dis-
paru. A l'heure indiquée, la salle était
pleine. Alfred Guilloux, le conférencier, pa-
rut alors et dit simplement:
— Mesdames et messieurs, les Lapons
n'ont pas de littérature. »
La conférence était finie.
Avant que les spectateurs aient eu le
temps de revenir de leur stupéfaction, Al-
fred Guilloux était parti. On dit qu'il fit
bien — car tous n'auraient peut-être pas
apprécié à sa juste valeur cette jolie mysti-
fication. <
L'art n'a pas de patrie.
JL~ En s'imprégnant de la civilisation
européenne, les Japonais ont pris aux vieil-
les nations leurs mœurs et leurs coutumes.
Chacun des Etats d'Europe a son hymne
national; le Japon a voulu à son tour en
avoir Un. On a donc pris un chant de pieuse
ferveur datant du dixième siècle et com-
posé pour le souverain de l'Empire'du So-
leil-Levant par le poète Kino-Tsurayuki.
Mais, hélas! ce chant n'avait point de
musique propre, aussi a-t-on fait appel. à
un capellmeister allemand : F. Eckert.
L'art, même patriotique, n'a pas de pa-
trie !
G
racieuse, élégante, souple, silencieuse,
telle est la voiture grand chic et dont
la Fiat, la grande triomphatrice de ces der-
nières années, est le modèle du genre.
Voyez ses modèles au beau magasin de la
rue de la Paix, que dirige l'aimable Loste,
agent exclusif de M. E. Lamberjack. con-
cessionnaire général, et vous verrez que
nous n'exagérons pas.
Le Mascue èé Verré*
Au seuil de la Duse.
- (Photo Bert, Paris]
LA DUSE {PhotO Bert. Paris]
Ge que dit
la soubrette
Ce qu'écrit
la maîtresse
Par ordîre de M. de Pawlowski, rédacteur en
chef de Comœdia, me voilà à l'hôtel Continen-
tal, où Eleonora Duse a planté ses tentes pour
deux jours seulement.
La grande artiste italienne, avant de rentrer
dans sa patrie, toute fraîche encore des lauriers
cueillis en plusieurs villes d'Allemagne où elle
a joué, avec un succès énorme, Ibsen et d'An-
nunzio, a voulu — comme toujours — passer
quelques heures dans sa chère ville de Paris,
qu'elle affectionne tout particulièrement et
qu'elle se plaît à revoir de temps en temps,
incognito, bien que pour la créatrice de La Gio-
conda et de Nora il n'y ait pas d'incognito possi-
ble.
Ce sont les petits ou les grands inconvénients
de la gloire. Et quelle gloire? la plus pure et
la plus haute que j'ai jamais connue dans ma
vie d'homme de lettres.
Me voHà donc à l'hôtel Continemafrr me de-
mandant, non sans perplexité, si je pourrai
contenter notre cher M. de Pawlowski et ses
lecteurs: car il y a longue date que je sais Eleo-
nora Duse rebelle — cruellement rebelle — à
toute sorte d'interview.
Je donne ma carte de visite (sur laquelle j'a-
vais griffonné quelques mots) au valet de cham-
bre de l'étage habité par la divine Eleonora,
dalle belle mani, et à la voix d'or, chantante
comme une mélodie de Bizet.
Aussitôt, une élégante « soubrette », qui parle
la langue de mon pays, vint à moi pour me dire
que « la Signora » n'était pas là, qu'elle ne se-
rait rentrée que très tard à l'hôtel, ayant plu-
sieurs visites à faire, et que je n'aurais pu la
voir que difficilement, les malles étant déjà fai-
tes pour le départ.
— Vous quittez déjà Paris, demandai-je?
— Oui, monsieur, et ce soir même.
— Madame rentre-t-elle à Florence?
— Oui; pour se reposer un peu, après la
courte mais triomphante tournée d'Allemagne.
— Triomphante, je le sais. Et c'est Ibsen,
n'est-ce pas, avec La Gioconda, de d'Annunzio,
qui a eu tous les honneurs et qui a remporté
une nouvelle et éclatante victoire?
— Comme vous le dites. Maintenant, « la
Signera » ne veut jouer que de l'Ibsen. Et elle
a bien raison, car les publics lui en sont très
reconnaissants, et, soit cfit entre nous, elle est
aussi la « seule » qui puisse rendre, sur la scè-
ne, toute la gamme des héroïnes ibseniennes.
— Tous mes compliments, mg gentilje sou-
brette. Vous voilà parfaitement renseignée sur
le « nouvel état d'âme » de votre grande « pa-
tronne ».
— Ne me faites pas rougir, cher monsieur*
Et, surtout, ne me blaguez pas 1 Il y a lODgJ
temps que j' « habille » la Signora dans seS
« tournées », et je suis très heureuse de cet
honneur.
— Je parie que vous avez fini par savoir Jbsea:
par cœur!
— Oh! par cœur. mais à peu près.
- Dites-moi, il n'y aura donc pas moyen ae:
causer — ne fût-ce qu'un instant — avec votre
maîtresse ? Je l'attendrai, s'il le faut, toute uaor
journée et toute une nuit.
— Je ne le pense pas. La Signora n'est past
venue à Paris pour voir des journalistes.
— Vous aussi; vous les méprisez donc bien..
ces journalistes?
— Mais la Signora ne les méprise pas du toutï
Seulement, lorsqu'elle ne joue pas, elle préfère
ne pas les voir. .- -'
— Je sais, 16 sais! Mais tout cela ne fait râg
mon affaire! Je ne puis absolument m'eu alJed
les mains vides. J'attendrai, quitte à prendre 14
train ce soir avec vous!
— Faites une chose plus simple. Ecrivez-Itil
un mot. Et je vous promets de le lui donner ans*
sitôt qu'elle sera rentrée.
- C'est entendu! Voici le mot. Mais donnez^
le lui immédiatement.
— Comptez sur moi !
Je remercie ma charmante interlocutrice eS
je griffonne quelques mots en présentant à la
Divine les hommages de M. de Pawlowski et der
Comœdia, et en la priant de vouloir bien m'ao
corder — coûte que coûte — dix minutes d'en*
tretien avant son départ pour Florence.
Rentré chez moi, je reçois, quelques heure*
après, ce charmant billet écrit de la main de 14
grande actrice, et que je traduis littéralement!:
« Mon cher Traversi,
« Merci, merci à Comœdia et très affectueuse.
ment. Merci de même à vous pour votre si ai*
mable petit mot. Mon très court séjour à Paria
se termine ce soir. Tout en remerciant encore
une fois Comœdia, je pars sans pouvoir, hélasl
accueillir votre séduisante prière. Je vous prie
de m'absoudre et de me faire absoudre par Co-.
mœdia.
« Une fois encore merci.
« Eleonora DUSE,
« Paris, ,ce 17 novembre 1908. »
Et voilà le compte rendu de ma visite, qui
n'en fut pas une.
CAMILLO-A. TRAVERSI.
1
Comment j'ai débuté
au Th eâtre= Français,
).t. (
C'était, il y a plusieurs années, par un jour
d'automne, sale et triste.
J'étais à l'âge heureux des premiers enthou-
siasmes. Les théâtres me semblaient ce qu'il y
a de plus beau au monde, et le Théâtre-Français,
le plus beau des théâtres. Bien souvent, au mé-
pris de mon estomac, je consacrai à l'acquisi-
tion d'une stalle de quatrième galerie la petite
somme dont j'aurais dû dîner. Bien souvent,
dans le vent et le froid, je stationnai des heures
et des heures devant la loge. de Leclerc, afin
de voir d'un peu plus près le visage de Marthe
Brandès ou - ça ne nous rajeunit pas — la
cravate de M. Le Bargy.
Hélas 1 en ai-je feuilleté des livres inutiles,
à la devanture du libraire Stock, qui, dans ces
temps anciens, tenait boutique sous les arcades
même de la Maison de Molière.
Comment, par ce triste et sale jour d'au-
tomne, rencontrai-je ce jeune homme pas fier
qui me conduisit aux abords du théâtre Sarah-
Bernhardt? Je ne sais plus. Mais c'était vers le
crépuscule. Avenue Victoria, nous trouvâmes,
sur le trottoir, une cohorte de jeunes hommes
groupés autour d'un gros petit chef. Tous s'em-
pressaient, et lui les commandait avec des pa-
roles brutales. Il recrutait des seigneurs et. des
gardes pour ttae fepriaè éùhùais ^l èxi Tfeê&tre-
frarulMf" ',,', ,
La brume du soir, piquée de lueurs timidesf
par des becs de gaz de bonne volonté; la sil-
houette confuse, au loin, de l'Hôtel de Ville et
D'arrogante tour Saint-Jacques, dressée devant
nous, composaient un' décor fort impressionnant.
Je m'avançai, hésitant, le chapeau levé.
Le chef examina ma figure rasée, qu'il parât
trouver assez -noble. Et brusquement il me de-
manda :
— Vous avez déjà été de Louis XI?
- Oui, répondis-je, en rougissant et sana.
savoir.
— Qu'est-ce que vous faisiez ? Un garda.
bleu?
— Justement. oui. un garde bleu.
— Eh bien, les gardes bleus. ie uremt
f.iche !
Je trouvai, malgré ma terreur, le courage do
riposter :
— Non, pardon, je me trompe, je faisais. la.
faisais.
— Un seigneur bourguignon?
— Eh foui.. un seigneur bourguignon.
- Eh bien! les seigneurs bourguignào.s. ICI
m'en f iche ! -
J'allais partir sur ce refus décisif, quand Il
me retint.
- Venez tout de même demain au théAtrea.
Soyez-y à midi et demie.
Cette nuit-là fut pour mol un cauchempjp
glorieux. Dès dix heures du matin, j'étais Su
Théâtre-Français, prêt à jouer mon rôle. Les for-
malités de mon admission dans ce Temple pas-
sèrent pour moi comme un rêve.
J'obéis sans comprendre aux ordres que le
reçus. Et c'est ahuri, incrédule, que Je rencon-
trai dans une glace ma silhouette de connétable,
cuirassé, casqué, ganté de fer, la main sur la
garde de l'épée, les pieds prolongés de longues
antennes qui embarrassaient fort ma marche.
Et je parus très décemment sur la scène dit
Théâtre-Français. Je criai: « Mont joie! » et je
brandis mon glaive à la satisfaction publique,
et je reçus fort dignement l'ordre de monter à
cheval et de m'emparer de la Bourgogne.
On me donna, pour cette action d'éclat, ud
salaire de trente sous.
On n'esffmé pas assez les figurants.
Oloïrè éfès côiièges, grouillement 4a. taùâë
Jeudi 19 Novembre 1908.
COMŒDIA
Rédacteur en Chef: Q. de PAWLOWSKI
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Étranger .-.-. 40 D. 20 »
HISTOIRES DE L'OUEST.
Le Pêcheur
à la ligne.
Le triple feu de Cape Flattery, sur la
côte du Pacifique, est considéré comme
l'un des plus importants du monde sur
toutes les chartes marines. C'est le der-
nier phare des Etats-Unis, en allant vers
le Nord. Il garde à la fois le détroit
de Juan de Fucca, formé par l'angle ro-
cheux de l'Orégon et Vancouver Island,
les hâvres sauvages de la grande île ca-
nadienne, hantés de petits Indiens pê-
cheurs, et trois ports considérables de
l'extrême Ouest : Seattle, Victoria, Van-
couver. Cape Flattery Light comporte
trois gigantesques lanternes à réflecteurs
paraboliques, d'une puissance lumineuse
de 90.000 bougies. Le pivotement lent
et simultané des projecteurs est opéré
par une dynamo, installée en bas sur le
roc. Le poste, fort de six canons et ra-
vitaillé par le service des douanes amé-
ricaines, occupe quinze hommes, d'un
bout à l'autre de l'année.
Tous les trois mois, par beau temps,
un cotre chargé de balises, de bouées
rouges et de cordages, va porter à Flat-
tery les vivres, les lettres, les fournitu-
res nécessaires à la petite usine électri-
que, et ramène la relève, les malades, les
permissionnaires.
J'ai gardé des onze jours que j'ai pas-
sés à Flattery Light, en compagnie de
mon ami O'Taggart, chef du feu, un sou-
venir impérissable. C'était à la mi-sep-
tembre. Nous attendions le bateau de
Seattle, qui devait nous ramener, lui
près de sa femme, moi dans le bruit et
la vie intense des métropoles de l'Est.
Durant le jour, nous péchions des white
fishes, ou bien, à marée basse, dans les
trous verdis. une horrible sorte de crabe
qu'on nomme timken, tantôt étourdis par
l'effrayante voix du vent, tantôt volup-
tueusement abattus par le grand soleil,
devant la mer huileuse.
-Jkjkx— «oviéraira «Joo lt«h)éM
nature taciturne et causait peu. Cepen-
dant, un jour qu'il était assis près de moi
sur le sable, par un doux après-midi, où
nous regardions au loin, sur l'infini du
Pacifique, la silhouette grisaille d'un va-
peur se dirigeant vers l'Alaska, O'Tag-
gart se mit, sans propos préalable, à me
conter la chose extraordinaire que voici :
— Savez-vous, me dit-il, ce que cela
me rappelle de me trouver assis devant
l'eau calme, par un temps comme celui-
ci, où rien ne bouge?
Il resta silencieux une minute, le re-
gard perdu devant lui, puis continua de
la même voix triste :
— Cela me rémémore une chose pé-
nible, une chose qui montre combien
un homme exilé peut être dangereux à
soi-même et aux autres.
» Un jour d'été comme aujourd'hui, je
Pêchais la truite dans le Snake River, à
trois cents milles Est de cette côte. J'étais
venu, avant mon mariage, visiter, mon
frère Arthur, gardien au pont tournant
de Kitty Point, un coin perdu de la prai-
rie.
» La Snake River, je dois vous le
dire, permet un grand trafic fluvial. Dix
à quinze barges, portant beaucoup de
toile, naviguent contre le courant, l'été,
entre Pendleton et Spokane, chargées de
peaux et de graisses du Montana. A pré-
sent, vous saurez aussi qu'à cet endroit
de Kitty Point, où elle est traversée par
les express de Seattle et de Victoria, la
Snake n'est, ni plus ni moins, qu'un
trou profond, dans la roche, un trou de
plusieurs milles de long et de huit cents
pieds de large.
» Kitty Point Bridge était un pont fixe
à l'inauguration de la ligne de Puget
Sound, il y a une vingtaine d'années.
Puis, en 92, après toute une campagne
des mariniers trafiquant sur le fleuve
avec les ranchos du Sud, la Compagnie
du Pacifie Coast Limited établit un pre-
mier pont mobile, en acier de Pittsburg.
C'était, pour l'époque, un véritable tra-
vail d'hercule. Chaque aile de la gigan-
tesque construction mesurait près d'un
quart de mille. Un seul câble de cou-
rant, relié au plateau à excentrique sup-
portant la charge, descendait au long de
la pile centrale, passait dans l'eau à une
Profondeur de cinquante pieds et allait
aboutir à l'ancien poste d'aiguillage, bâti
en retrait de la voie. Un hangar en tôle
ondulée fut placé contre la vieille cabane
Pour abriter les quatre énormes batteries
d'accumulateurs — deux de secours et
deux en service — et ce fut tout; la
Compagnie, trouvant déjà avoir dépassé
Ses allocations, ne crut pas devoir appli-
quer de suite un système de signaux au-
tomatiques à l'est et à l'ouest de Kitty
J?oint. En sorte que mon frère, engagé
aPrès examen, au salaire annuel de six
cents dollars, avait, à la fois, la respon-
sabilité de la manœuvre du pont et celle
res signaux de la voie. Il est vrai que
les gabarres à hauts mâts ne passaient
qu à de rares intervalles.
1 pans ce temps-là, c'était la chose
Plus impressionnante que de voir
voter lentement sur son axe de &rani\.
comme une immense aiguille à mouve-
ment retardataire, ce long tronçon de
railroad. Le pont, peint en gris, avec
ses câbles de tension, se déplaçait tout
d'une pièce, sans qu'on entende le moin-
dre bruit. Progressivement, un grand
vide se faisait sur le fleuve; puis, la
manœuvre finie, de loin, dans le soleil,
on apercevait, suspendue au grand mi-
lieu de la Snake, parallèlement à la rive,
une vague ligne métallique dont la cou-
leur se confondait un peu avec le fond
du ciel.
» Je pêchais, dans le grand silence de
l'eau, en aval du pont resté ouvert de-
puis le passage, une heure auparavant,
de deux chalands à voile. J'avais capturé
quelques belles truites bleues et songeais
à replier mes lignes pour aller rejoindre
Arthur là-haut, dans la cabane solitaire,
parmi ses tableaux de voltage et ses com-
mutateurs, quand, soudain, un sifflet stri-
dent déchira l'air, à ma droite. Un train
de grande vitesse dévorait la courbe, au
milieu d'un petit bois. de mélèzes qui me
cachait la maisonnette. je regardais, un
peu stupide, la haute cheminée de cuivre
courir vertigineusement au-dessus des
cimes vertes, et tout d'un coup, Holy
Christ! dans un infernal bruit de freins,
de roues grinçant sur les rails et d'é-
chappements de vapeur, je vis la longue
locomotive — une Baldwin à éperon —
le tender et neuf pullmans bondés de
voyageurs plonger * dans le fleuve d'une
hauteur de trente pieds!
» Cela dura une dizaine de secondes;
puis tout se tut. L'eau, soulevée en une
trombe effrayante, une fois retombée, fit
place à un large remous, qui, lui-même,
s'anéantit petit à petit dans le courant.
» Il'n'y avait pas un souffle d'air.
Deux petits whizzy birds qui s'étaient
envolés d'un bouquet de lentisques, der-
rière moi, revinrent, au bout d'un ins-
tant, pépier à la même place. Déjà, la
Snake River avait repris sa belle teinte
d'acier sombre.
.» Quand, un peu sorti de l'intense
émotion que m'avait causé ce spectacle,
j'arrivai, hors de souffle, à la cabane de
troncs d'arbres, je trouvai Arthur étendu
mort sur le plancher.
JJa ~M't~tM~ ~MMtsag'M'- du ér&in âé
nuit, que j'étais allé arrêter avec des lan-
ternes, à quatre milles en arrière, sur la
voie déserte, déclara que mon frère avait
succombé à une attaque d'apoplexie,
vers deux heures du tantôt, au moment
sans doute où il allait commencer la ma-
nœuvre de fermeture. Le corps, dans sa
chute, avait heurté le levier de « voie
libre» et encliqueté le signal.
» Depuis, ajouta O'Taggart, après un
léger soupir, la Compagnie a décidé de
poster là deux hommes. »
Georges DUPUY.
Nous publierons demain un article de
JEHAN RICTUS
La maison vide
D'après les lettres que nous recevons, la
question de l'Odéon semble se préciser.
L'Odéon est un très beau théâtre, Antoine
sait nous y montrer d'admirables décors.
Avec les moyens de locomotion nouveaux:
autobus et métropolitain, l'Odéon n'est plus
inaccessible. Tout est donc pour le mieux,
et la fortune de ce théâtre serait assurée
s'il ne lui manquait une troupe et des ac-
teurs.
Ce n'est point, cela va sans dire, que
l'Odéon ne soit pas le rendez-vous de tous
les talents; seulement, par suite de circons-
tances particulières, ces talents n'ont point
l'occasion de s'y montrer.
C'est Antoine tout d'abord, dont le seul
nom ferait courir tout Paris, qui n'est point
autorisé à jouer dans son propre théâtre;
ce sont, enfin, les autres acteurs qui consi-
dèrent l'Odéon comme une simple anti-
chambre des autres théâtres et qui ne tont
qu'y passer.
Voyez l'affiche; on n'y trouve que des
débuts; tout le monde veut s'essayer sur
cette scène qui ne compte point, avant d'al-
ler jouer autre part. Il est, en effet, bien
entendu que, si le succès couronne ses es-
sais, l'acteur s'en ira, dès le lendemain,
vers la Comédie-Française ou un théâtre
des boulevards.
Le spectateur qui, lui, paie sa place
comme dans un théâtre ordinaire, s'étonne
à bon droit de cette école d'application
qu'on lui montre. Ce qu'il lui faut, ce sont
des acteurs véritables, et il le prouve en
s'abstenant.
La question s'est déjà posée, on s'en sou-
vient, pour le Lyrique Populaire et donna
les mêmes résultats. Tant que l'on proposa
au public un théâtre d'application à bon
marché, le Lyrique Populaire n'eut aucun
succès. Du jour où l'on sut y donner les
pièces même, les décors, les interprètes de
l'Opéra-Comique et de VOpérable succès a
dépassé toute prévision.
Il en va de même pour l'Odéon, et les
sociétaires de la Comédie-Française, qu'au-
cun voyage n'effraie,. devraient bien partir
de temps à autre en tournée pour assurer
l'interprétation du second Théâtre-Fran-
çais.
Au surplus, il faut bien observer que la
situation est exactement la même pour les
auteurs et que ceux-ci ne considèrent l'O-
déon qu'à la façon d'un théâtre d'essai.
Ce n'est jamais qu'à regret qu'ils y lont
leurs débuts, et si, par hasard, un chef-
d'oeuvre s'y glisse, l'ironie des mots veut
qu'il se mmim Le Passant.
G. M EAWLQWSKL
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre Sarah-Bernhardt, répétition générale de
Les Révoltés, drame en cinq actes et six
tableaux, de MM. Henri Cain et Edouard
Adenis.
Cet après-midi, à une heure et demie,
au Palais-Royal, première représentation du
spectacle du Nouveau Théâtre d'Art : La
Logique du Doute, deux actes de M. Alfred
Mortier; Le Heurt, trois actes de M. Paul
Grariet.
MARIE KALFF
Au moment où Mlle Kalff met à nouveau
son beau talent au service de ce théâtre
d'avant-garde que veut être le Nouveau
théâtre d'Art, nous sommes heureux de
donner ici, d'après les bonnes feuilles du
dernier Cahier de Mécislas Golberg, ce
portrait de la courageuse artiste, dû à la
plume de Paul-Hyacinthe Loyson:
Dire d'elle qu'elle n'est pas « cabotine »,
c'est peu encore. Elle ne promène nêtjie pas à
la ville cette imperceptible odeur le «Couleses
qui suit, les pas des plus probes actrices, ène'
ne force pas l'attention, elle la retient et elle
l'intrigue. Elle a le contour.et la nuance étrange
d'une fleur nouvelle.
Je sais le pays d'ailleurs d'où elle vient: c'est
le pays de l'âme ou est née la Duse infiniment
(H.. Manuel, phot.)
triste. Pourquoi faut-il qu'en notre Paris si gé-
néreux ceux de là-bas se sentent moins chez eux
qu'à l'étranger? Qui nous rouvrira les profon-
deurs ? Qui nous dévoilera les sommets de
clarté ? L'âme, l'âme toute pure, est-elle donc
une tache sur un front d'artiste ? On pleure à
penser rue le talent de Kalff lui a : fait grand
tort. Mais ce n'est pas à elle que je souhaite de
trouver le directeur qui la comprenne: c'est au
directeur et au public que je souhaite cette
chance. Une littérature de l'âme moderne, au
plus noble sens, est en train de se constituer
hors de France, presque à l'exclusion de la
France. Afin que le génie universel de notre
pays ap-orte à ce mouvement sa consécration,
afin du moins qu'il y participe, on réclame des
scènes pour des artistes comme Marie Kalff.
Cette scène, ce n'est pas le Nouveau
Théâtre d'Art qui semble apte à la lui of-
frir, si l'on en juge par le nouveau specta-
cle dont la répétition générale eut lieu hier.
Mais il semble impossible que dans ce Paris
où, quoi qu'on dise, jamais un talent véri-
table ne reste méconnu et dédaigné, on ne
puisse trouver, pour une artiste de l'enver-
gure de Marie Kalff, la scène qu'il lui faut,
dût-on la construire spécialement pour elle.
P M
u
«
rn savant.
[ Un sociétaire de la Comédie-Fran-
çaise, un des plus grands, — mais non pas
seulement par le talent, — se pique volon-
tiers'd'érudition.
Il mettait en scène dernièrement une co-
médie due à un romancier fort connu. Il
houspillait de jeunes interprètes, dont il
trouvait le zèle un peu mou:
- Allons, criait-il, du mouvement !. De
l'air.de l'air!.
Et, le geste soudain plus large:
— De l'hydrogène. de l'hydrogène!
L
a guérison.
C'est le métier des médecins de sau-
ver les malades. o ils n y réussissent pas
toujours, ils essayent du moins d'y réussir,
et cela leur arrive quelquefois.
Mais il est infiniment plus rare que les
malades sauvent les médecins.
A défaut dès malades, les grandes canta-
trices possèdent, paraît-il, ce pouvoir.
Voici du moins ce qu'on raconte.
Un docteur W.-T. Bull, Américain et
spécialiste du cancer, se trouvait dans un
état désespéré. Ses remèdes étaient inuti-
les, il allait périr, quand il exprima le désir
d'entendre une dernière fois Emma Calvé.
La grande artiste consentit, sur les priè-
res de Mme Bull, à se rendre chez le mo-
ribond. Elle chanta, elle chanta d'abord de
timides romances, puis des airs italiens,
puis des lieds allemands.
- Et en une seule séance, le docteur Bull
fut guéri.
Voilà, du moins, ce qu'on raconte.
L
es petits mystères.
r Qui nous dira jamais pourquoi l'affi-
che du Theatre-hrançais, mentionnant nier
pour la première fois le : prénom de
M. Grand, écrit George Grand justement
au-dessous du et du. pr®#om
M-CiïOTMès &ekrt
Pourquoi cette différence d'orthographe?
Est-ce pour marquer la nuance qui sé-
pare le sympathique créateur de La Rivale,
sociétaire seulement, du créateur du Bon
Roi Dagobert, professeur au Conservatoire
et chevalier de la Légion d'honneur? Et
cette s dont on gratifie M. Georges Berr
indique-t-elle la pluralité de ses mérites de
ccmédien, d'écrivain, de professeur?
C'est ce qu'on ne saura sans doute ja-
mais.
N
e vendez pas vos bijoux, belles perles
et pierres fines sans les montrer à.
Dusausoy, expert joaillier, 4, boulevard des
Italiens, qui paie très cher au comptant.
Grand choix d'occasions.
c
'est amusant, un catalogue, et instruc-
tif.
En voici un, qui annonce la vente d une
collection d'autographes, avec le prix d'esti-
mation et la qualité des signataires :
Léa d'Asco, artiste lyrique, célèbre mon-
daine. — Curieuse lettre, 5 francs.
Louise Balthy, artiste lyrique. — Carte
télégramme et deux lignes sur une carte de
visite, 4 francs.
Albert Grisar, gracieux compositeur. -
Belle lettre, 5 francs.
Georges Hainl, violoncelliste distingué.
- Curieuse lettre, 8 francs.
Lot de quarante pièces autographes, let-
tres, billets, cartes. — Très intéressant dos-
sier formé d'autographes de Massenet, Co-
lonne, Bruneau, Salvayre, Albert Cahen,
Victor Roger, Louis Diémer, le tout pour
15 francs.
Une lettre de Gounod est mise à prix
3 francs, tandis qu'une lettre de François
Bazin, compositeur de rien du tout, vaut
4 francs.
Auber, Boïeldieu, Gustave Charpentier,
Benjamin Godard, Massenet, Reyer sont à
égalité, 3 francs; Saint-Saëns, Alfred Bru-
neau sont cotés 2 francs, vingt sous moins
cher que le « célèbre » compositeur Elwart.
Adolphe Adam se vend 1 fr. 50 couram-
ment; Galipaux atteint 2 francs, et Oscar
Comettant 4 francs.
Le seul autographe qui soit estimé à un
bon prix, 12 francs, est celui de Georgeb
Bizet.
Q
uand le premier pas est fait.
Comœdia citait récemment le pre-
mier vers au on connut du Chantecler de
Rostand. En voici un autre, que nous garan-
tissons rigoureusement authentique, le se-
cond qu'une nouvelle indiscrétion nous per-
met de soumettre a nos lecteurs. Puisse-t-ïl
faire prendre patience aux nombreux Pari-
siens toujours tenus en haleine et toujours
déçus dans leur espoir d'entendre* enfin
l'œuvre nouvelle, tant promise, de l'auteur
de Cyrano.
Ce vers commence une invocation du per-
sonnage de Chantecler au Soleil; c'est donc
le grand Coq qui le devra prononcer:
Ton or est le seul or qui porte bon conseil.
La série est ouverte; se poursuivra-t-
elle ?
T
k-
)ut le monde est d'accord pour conve-
nir qu'il était impossible de trouver un
numéro nouveau aussi bon que les Scheffer
ou les Kremo. M. CI. Bannel, l'actif direc-
teur des Folies-Bergère, vient de prouver
une fois de plus que le mot impossible n'est
pas français en nous révélant les O'Kabé,
la merveilleuse troupe japonaise. Non seu-
lement ce numéro est aussi bon que celui
des Scheffer ou des Kremo, mais il faut re-
connaître que ces acrobates nippons sont
les plus forts que l'on ait jamais vus; ils
sont inouïs, vertigineux, inimitables: leurs
prouesses sont incroyables pour qui ne les
a pas vues. Il faut aller aux Folies-Bergère
admirer ce numéro unique; il faut y aller
également pour applaudir Germaine Gal-
lois, la plus belle, la plus exquise des chan-
teuses, etc., etc.
k~~
Questions d'art, de littérature. et mys-
tifications.
Il y a « l'art birman », découvert par M,
Sacha Guitry ; mais il y a aussi « la litté-
rature laponne ».
Cette littérature fut découverte, il y a
quelques années, par un autre humoriste,
maintenant oublié, Alfred Guilloux.
D'innombrable affiches, des notes déli-
rantes dans tous les journaux annoncèrent,
une fois, qu "une conférence sur « la litté-
rature laponne », tout à fait inconnue, au-
rait lieu dans un théâtre, aujourd'hui dis-
paru. A l'heure indiquée, la salle était
pleine. Alfred Guilloux, le conférencier, pa-
rut alors et dit simplement:
— Mesdames et messieurs, les Lapons
n'ont pas de littérature. »
La conférence était finie.
Avant que les spectateurs aient eu le
temps de revenir de leur stupéfaction, Al-
fred Guilloux était parti. On dit qu'il fit
bien — car tous n'auraient peut-être pas
apprécié à sa juste valeur cette jolie mysti-
fication. <
L'art n'a pas de patrie.
JL~ En s'imprégnant de la civilisation
européenne, les Japonais ont pris aux vieil-
les nations leurs mœurs et leurs coutumes.
Chacun des Etats d'Europe a son hymne
national; le Japon a voulu à son tour en
avoir Un. On a donc pris un chant de pieuse
ferveur datant du dixième siècle et com-
posé pour le souverain de l'Empire'du So-
leil-Levant par le poète Kino-Tsurayuki.
Mais, hélas! ce chant n'avait point de
musique propre, aussi a-t-on fait appel. à
un capellmeister allemand : F. Eckert.
L'art, même patriotique, n'a pas de pa-
trie !
G
racieuse, élégante, souple, silencieuse,
telle est la voiture grand chic et dont
la Fiat, la grande triomphatrice de ces der-
nières années, est le modèle du genre.
Voyez ses modèles au beau magasin de la
rue de la Paix, que dirige l'aimable Loste,
agent exclusif de M. E. Lamberjack. con-
cessionnaire général, et vous verrez que
nous n'exagérons pas.
Le Mascue èé Verré*
Au seuil de la Duse.
- (Photo Bert, Paris]
LA DUSE {PhotO Bert. Paris]
Ge que dit
la soubrette
Ce qu'écrit
la maîtresse
Par ordîre de M. de Pawlowski, rédacteur en
chef de Comœdia, me voilà à l'hôtel Continen-
tal, où Eleonora Duse a planté ses tentes pour
deux jours seulement.
La grande artiste italienne, avant de rentrer
dans sa patrie, toute fraîche encore des lauriers
cueillis en plusieurs villes d'Allemagne où elle
a joué, avec un succès énorme, Ibsen et d'An-
nunzio, a voulu — comme toujours — passer
quelques heures dans sa chère ville de Paris,
qu'elle affectionne tout particulièrement et
qu'elle se plaît à revoir de temps en temps,
incognito, bien que pour la créatrice de La Gio-
conda et de Nora il n'y ait pas d'incognito possi-
ble.
Ce sont les petits ou les grands inconvénients
de la gloire. Et quelle gloire? la plus pure et
la plus haute que j'ai jamais connue dans ma
vie d'homme de lettres.
Me voHà donc à l'hôtel Continemafrr me de-
mandant, non sans perplexité, si je pourrai
contenter notre cher M. de Pawlowski et ses
lecteurs: car il y a longue date que je sais Eleo-
nora Duse rebelle — cruellement rebelle — à
toute sorte d'interview.
Je donne ma carte de visite (sur laquelle j'a-
vais griffonné quelques mots) au valet de cham-
bre de l'étage habité par la divine Eleonora,
dalle belle mani, et à la voix d'or, chantante
comme une mélodie de Bizet.
Aussitôt, une élégante « soubrette », qui parle
la langue de mon pays, vint à moi pour me dire
que « la Signora » n'était pas là, qu'elle ne se-
rait rentrée que très tard à l'hôtel, ayant plu-
sieurs visites à faire, et que je n'aurais pu la
voir que difficilement, les malles étant déjà fai-
tes pour le départ.
— Vous quittez déjà Paris, demandai-je?
— Oui, monsieur, et ce soir même.
— Madame rentre-t-elle à Florence?
— Oui; pour se reposer un peu, après la
courte mais triomphante tournée d'Allemagne.
— Triomphante, je le sais. Et c'est Ibsen,
n'est-ce pas, avec La Gioconda, de d'Annunzio,
qui a eu tous les honneurs et qui a remporté
une nouvelle et éclatante victoire?
— Comme vous le dites. Maintenant, « la
Signera » ne veut jouer que de l'Ibsen. Et elle
a bien raison, car les publics lui en sont très
reconnaissants, et, soit cfit entre nous, elle est
aussi la « seule » qui puisse rendre, sur la scè-
ne, toute la gamme des héroïnes ibseniennes.
— Tous mes compliments, mg gentilje sou-
brette. Vous voilà parfaitement renseignée sur
le « nouvel état d'âme » de votre grande « pa-
tronne ».
— Ne me faites pas rougir, cher monsieur*
Et, surtout, ne me blaguez pas 1 Il y a lODgJ
temps que j' « habille » la Signora dans seS
« tournées », et je suis très heureuse de cet
honneur.
— Je parie que vous avez fini par savoir Jbsea:
par cœur!
— Oh! par cœur. mais à peu près.
- Dites-moi, il n'y aura donc pas moyen ae:
causer — ne fût-ce qu'un instant — avec votre
maîtresse ? Je l'attendrai, s'il le faut, toute uaor
journée et toute une nuit.
— Je ne le pense pas. La Signora n'est past
venue à Paris pour voir des journalistes.
— Vous aussi; vous les méprisez donc bien..
ces journalistes?
— Mais la Signora ne les méprise pas du toutï
Seulement, lorsqu'elle ne joue pas, elle préfère
ne pas les voir. .- -'
— Je sais, 16 sais! Mais tout cela ne fait râg
mon affaire! Je ne puis absolument m'eu alJed
les mains vides. J'attendrai, quitte à prendre 14
train ce soir avec vous!
— Faites une chose plus simple. Ecrivez-Itil
un mot. Et je vous promets de le lui donner ans*
sitôt qu'elle sera rentrée.
- C'est entendu! Voici le mot. Mais donnez^
le lui immédiatement.
— Comptez sur moi !
Je remercie ma charmante interlocutrice eS
je griffonne quelques mots en présentant à la
Divine les hommages de M. de Pawlowski et der
Comœdia, et en la priant de vouloir bien m'ao
corder — coûte que coûte — dix minutes d'en*
tretien avant son départ pour Florence.
Rentré chez moi, je reçois, quelques heure*
après, ce charmant billet écrit de la main de 14
grande actrice, et que je traduis littéralement!:
« Mon cher Traversi,
« Merci, merci à Comœdia et très affectueuse.
ment. Merci de même à vous pour votre si ai*
mable petit mot. Mon très court séjour à Paria
se termine ce soir. Tout en remerciant encore
une fois Comœdia, je pars sans pouvoir, hélasl
accueillir votre séduisante prière. Je vous prie
de m'absoudre et de me faire absoudre par Co-.
mœdia.
« Une fois encore merci.
« Eleonora DUSE,
« Paris, ,ce 17 novembre 1908. »
Et voilà le compte rendu de ma visite, qui
n'en fut pas une.
CAMILLO-A. TRAVERSI.
1
Comment j'ai débuté
au Th eâtre= Français,
).t. (
C'était, il y a plusieurs années, par un jour
d'automne, sale et triste.
J'étais à l'âge heureux des premiers enthou-
siasmes. Les théâtres me semblaient ce qu'il y
a de plus beau au monde, et le Théâtre-Français,
le plus beau des théâtres. Bien souvent, au mé-
pris de mon estomac, je consacrai à l'acquisi-
tion d'une stalle de quatrième galerie la petite
somme dont j'aurais dû dîner. Bien souvent,
dans le vent et le froid, je stationnai des heures
et des heures devant la loge. de Leclerc, afin
de voir d'un peu plus près le visage de Marthe
Brandès ou - ça ne nous rajeunit pas — la
cravate de M. Le Bargy.
Hélas 1 en ai-je feuilleté des livres inutiles,
à la devanture du libraire Stock, qui, dans ces
temps anciens, tenait boutique sous les arcades
même de la Maison de Molière.
Comment, par ce triste et sale jour d'au-
tomne, rencontrai-je ce jeune homme pas fier
qui me conduisit aux abords du théâtre Sarah-
Bernhardt? Je ne sais plus. Mais c'était vers le
crépuscule. Avenue Victoria, nous trouvâmes,
sur le trottoir, une cohorte de jeunes hommes
groupés autour d'un gros petit chef. Tous s'em-
pressaient, et lui les commandait avec des pa-
roles brutales. Il recrutait des seigneurs et. des
gardes pour ttae fepriaè éùhùais ^l èxi Tfeê&tre-
frarulMf" ',,', ,
La brume du soir, piquée de lueurs timidesf
par des becs de gaz de bonne volonté; la sil-
houette confuse, au loin, de l'Hôtel de Ville et
D'arrogante tour Saint-Jacques, dressée devant
nous, composaient un' décor fort impressionnant.
Je m'avançai, hésitant, le chapeau levé.
Le chef examina ma figure rasée, qu'il parât
trouver assez -noble. Et brusquement il me de-
manda :
— Vous avez déjà été de Louis XI?
- Oui, répondis-je, en rougissant et sana.
savoir.
— Qu'est-ce que vous faisiez ? Un garda.
bleu?
— Justement. oui. un garde bleu.
— Eh bien, les gardes bleus. ie uremt
f.iche !
Je trouvai, malgré ma terreur, le courage do
riposter :
— Non, pardon, je me trompe, je faisais. la.
faisais.
— Un seigneur bourguignon?
— Eh foui.. un seigneur bourguignon.
- Eh bien! les seigneurs bourguignào.s. ICI
m'en f iche ! -
J'allais partir sur ce refus décisif, quand Il
me retint.
- Venez tout de même demain au théAtrea.
Soyez-y à midi et demie.
Cette nuit-là fut pour mol un cauchempjp
glorieux. Dès dix heures du matin, j'étais Su
Théâtre-Français, prêt à jouer mon rôle. Les for-
malités de mon admission dans ce Temple pas-
sèrent pour moi comme un rêve.
J'obéis sans comprendre aux ordres que le
reçus. Et c'est ahuri, incrédule, que Je rencon-
trai dans une glace ma silhouette de connétable,
cuirassé, casqué, ganté de fer, la main sur la
garde de l'épée, les pieds prolongés de longues
antennes qui embarrassaient fort ma marche.
Et je parus très décemment sur la scène dit
Théâtre-Français. Je criai: « Mont joie! » et je
brandis mon glaive à la satisfaction publique,
et je reçus fort dignement l'ordre de monter à
cheval et de m'emparer de la Bourgogne.
On me donna, pour cette action d'éclat, ud
salaire de trente sous.
On n'esffmé pas assez les figurants.
Oloïrè éfès côiièges, grouillement 4a. taùâë
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