Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-11-09
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 novembre 1908 09 novembre 1908
Description : 1908/11/09 (A2,N406). 1908/11/09 (A2,N406).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646059f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
8e Année. »= NJ 406 (Quotidien)
Le Numéro : 5 centimes
Lundi 9 Novembre 1905.
'i
rédacteur en àhef : G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouleuard Poissonnière, PARIS
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Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
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LES DEUX ÉPOQUES
L'Avancement
Au Gymnase, Chochotte, la comédie
en trois actes de Lancrit avait remporté
un énorme succès. La répétition générale
s'était affirmée comme un succès chaleu-
reux, la première comme un succès co-
assai. En prenant la moyenne, on pou-
vait donc affirmer exactement que Cho-
choiie était un énorme succès.
Ce matin-là, dès neuf heures, Pécal
Parcourait les journaux, et, le long de
chaque article, il modulait un sifflement
doux qui exprimait sa surprise et son ad-'
rniration: « Ah! ça mais, qu'est-ce qu'ils
ont? pensait-il. Bien sûr que c'est gen-
til Mais tout de même, ces cris d'en-
thcu siasme pour cette petite ChÓchotte!
En voilà un qui dit que c'est du Mari-
vaux, maintenant ! Du Marivaux ma-
rengo, tout au plus! C'est le délire!
C'est le critérium tremens! » Et, saisis."
sant un carnet, il nota : « Critérium ire-
mens, pitoyable à peu près, mais à pla-
cer quand même dans une pièce secon-
daire ou de préférence dans la conversa
tfon ».
Il reprit les journaux et, se résumant,
11 les jeta sur la table avec un bouf de
réprobation signifiant qu'il en avait as-
fez. Mais aussitôt, il sourit: « Suis-je
idiot, se dit-il, c'est pour moi cet en-
thousiasme-là! C'est de moi sa Cho-
choiie! C'est bien moi qui l'ai faite, je
Pense ! » Et Il se rappelait le cri d'un
bonhomme dans la rue, un rempailleur
escaladé de chaises démantibulées et qui
vociférait, en désignant devant lui une
"humble femme : « C'est moi qui les
jais! C'est moi qui les vends! C'est ma
femme qui boulotte l'argent L..H N'était-
Ce pas Lancrit qui boulottait sa gloire?.
Comme il pensait ainsi, debout, on
frappa. Il dit: « Entre! » Un chien se
rua, puis Lancrit. Pécal ouvrit ses bras,
et les deux auteurs s'étreignirent sincè-
rement émus. Ils s'exclamaient et s'in-
terrogeaient tour à tour, le plus sou-
vent ensemble. Mais Lancrit dominait:
Hein? Ça y est-il, oui ou non? Et la
P"£"se? Inouïe! Et cette salle! Tout le
J-onde debout! Lé, grand-duc, hein?
Vous avez vu ces battoirs? Et la com-
",t¿f;SB- bastion, ide yeux hors de la tête,
la poitrine dehors, tout dehors, .tellement
Qu'elle a failli se fiche les quatre fers
en l'air de l'avant-scène deux! C'eût été
r\goîo ! Et quelle location ! En trois jours,
v'n?,t mille trois-cent six!' Et les invita-
tions ! Tenez! tenez! Moi qui ai fait tant
Ge démarches vaines ! Les voilà qui rap-
Pliquent! Jusqu'à la bonne duchesse et
ce cher baron qui me rendait un coup de
chapeau sur dix, et qui m'envoie cette
Merveille de terrier né chez Edouard lui-
^ême ! Sont-ils snobs, ces gens là ! Hein?
Je crois que ça y est!.
Débonnaire, Pécal s'extasiait. 11 y
avait bien entre les deux amis quelques
Points pas très clairs, un surtout : cette
lettre qui témoignait que Lancrit s'était
offert Henriette pour joindre, comme il
n avait pas craint de le dire, à l'amitié
du cher maître, l'affection de la ciiere
maîtresse. Mais quoi? On s'était e:p'i-
Qué là-dessus. La lettre? c'était une sim-
ple expérience, une lettre truquée peur
obtenir, en vue de la scène du trois, m
effet dans la vie, le geste exact de l'i-
mant dans l'instant même où il app'^id
^ue son amie ie, trompe! Pécal aval
bien quelque peu « tiqué » devam r,e
coup du document humain. Mais il avfii
horreur, avant tout, des histoires cui
durent. Aussi s'était-il empressé de ccj-
Psr celle-là: « Ecoutez, mes enfants, je
compliquons pas une aventure déjà très
compliquée. Mon état d'âme à moi
tout ce qu'il y a de plus élémentaire. ù\
m'embête de vous croire, ça m'embête
de rompre. Alors, zut pour la lettre! J'at-
tendrai de vous avoir pincés! » Et votte
pourquoi, sans rancune et revivant l'an-
cienne allégresse de son premier succès,
se réchauffait loyalement le cœur 1
Souriait à la joie de Lancrit.
D'ailleurs il était si juvém emtit
J, oyeux! C'était même la première fcîs
que Pécal le trouvait vraiment je;."e ? I1
avait bien toujours son sourire qui dé-
couvrait les crocs. Mais il les faisait veir
comme pour s'amuser..C'était tiégan-
- ment gentil et il lui venait même dès
Inots spontanés pour le cher maîti e, cfes
mots (ig reconnaissance charmante et
affection émue.
-Vrai? Ça vous fait plaisir, mon suc-
demanda-t-il enfin à Pécal.
- Plus que tu ne mérites, garnemetf !
- Eh bien alors causons, VI>iilt;"
vous? dIt Lancrit en allumant la ;,'dlc
khédive Que son grand ami ve'l [; t de
lui offrir.
- Tu as donc à me dire autre se
que de-,3 phrases sans suite et à exo- .?e ■
m JOie autrement que par des cr s et ne
mrve d,t la danse?..
Heureusement pour moi,
Lancrit. J'ai à savoir de vous h p< ré
véritable que vous donnez au succèi ÛL
Chochotte et à vous demander vr.e u ;>
grande faveur. Mais, procédons pai )r
dre. VOUS trouvez que Chochoiie est n
réel succès. Mais ce succès est-.:, ,
vous, comme on dit, un succès de cii■■■
se?..
— Voilà des expressions! souri: «
Cal. Si c'était un succès de classe, eonru:
tu dis, ce serait un succès de con :c"-'
Oh t no -
— Oh ! non, je vous en prie! Ne P-'»-
santez pas! direct ! C'est s: r: a >e
OourmoiI Sérieusement mon su";c; t!(
classe-t-il définitivement au premier rang
des jeunes grands auteurs?
— Des jeunes maîtres, mon fils!
— Moi? Vous ne blaguez pas?
— Ma parole!
- Quel plaisir vous me faites! excla-
ma Lancrit. Venant de vous, n'est-ce pas,
c'est la consécration et vous m'encoura-
gez. Donc, je n'hésite plus et je m'a-
dresse à votre bienveillance avec la cer-
titude que je serai compris.
- Qu'est-ce donc, sacrebleu?
- Oh! mon Dieu, c'est bien simple,
au fond, mais, malgré tout, c'est délicat
à dire, prononça le jeune homme. Eh
bien, voilà la chose. Vous venez de cons-
tater que le succès de Chochotte est pour
moi un avancement tout à fait décisif. Je
ne suis donc plus le débutant d'avenir
incertain. Je dois donc prendre place et,
puisque vous m'assignez vous-même,
avec un indulgence si cordiale, un rang
plus élevé, permettez-moi dorénavant de
ne plus vous appeler maître, mais bien
mon cher ami.
- Eh bien ça, par exemple!. exhala
Pécal.
Mais Lancrit repartait
— Vous me comprenez bien? Vous
restez pour moi le maître incomparable !
Mais si je vous donne ce titre publique-
ment, je reste, moi, le petit débutant, et
je me fais du tort! Tandis que si je vous
dis « Mon cher ami », je monte en grade.
Je deviens le lieutenant-colonel, l'officier
supérieur! Voulez-vous?.
Maintenant, Pécal se roulait. II se-
couait Lancrit par les épaules et, avec de
fracassants éclats: « Sacré gosse! Je te
crois, que je veux! Tu crois donc que j'y
tenais à ton cher maître ! Appellermoi dé-
sormais « mon petit lapin » et, à partir
d'aujourd'hui, tu vas me tuotyer !
- Vraiment, vous permettriez?
- Oui, mais ça, mon petit, ça te sera
plus dur, car, malgré ton culot, tu es
bien élevé et ce « tu » immédiat de Lan-
crit à Pécal, vois-tu, ça sortira très diffi-
cilement!.
Ils parlèrent d'autre chose. L'ancien
cher maître lui donna des conseils, lui
demanda même une loge pour son vieil
ami, le prince Constantin et. comme ils
se quittaient, avec encore de l'enthou-
siasme à l'égard de Chochotte, Lancrit
dit tout à coup à Pécal, en lui serfant-la
main: ,"
— $h bien, quanjt ji tes pkçes,* c est
entendu, mon vieux, tu les auras ce
soir.
Gustave GUICHES.
"La Bohème"
La Gaité-Lyrique vient d'éveiller à nou-
veau les tableaux de La Bohème de Murger.
La pièce est bien montée, la musqué en est
vulgaire : elle plaira au public. Il est cu-
rieux, à ce propos, de constater, toutefois,
combien ce genre d'aventures, qui passion-
naient autrefois, ont vieilli, et le peu d'in-
terêt qu'elles présentent pour les jeunes
hommes d'aujourd'hui.
Jadis, l' « étudiant » faisait la joie de nos
rues..11 était multiple et divers, toujours
changeant et, en même temps, identique à
luirmêmc. On le trouvait clans tous les coins
de rue et sa race était innombrable.
On désignait, en effet, sous ce nom tous
les jeunes gens qui, par profession, n'étu-
diaient pas, qu'ils fussent parisiens ou pro-
vinciaux, riches ou pauvres, incapables ou
i iresseux, blancs ou nègres, alcooliques ou
mal blanchis.
Egalement vide d'esprit et de corps, l'é-
iitdiant trouvait un juste modèle dans les
,.',Poui,antails à moineaux et, volontiers, leur
empruntait leur façon de s'habiller, pom-
peuse, certes, mais parfois, il faut bien le
dire, un peu trop voyante tout de même.
Un chapeau sale, taillé dans la fumée;
nh large manteau,' terminé par des stalac-
tites; une canne en forme de. pipe, et une
pipe en lorme de canne, l'étudiant s'en al-
LÛt désabusé au long des rues, faisant peur
aux moineaux et à leurs frères les bour-
geois. L'étudiant avait encore ceci de com-
mun avec l'épouvantail à moineaux, qu'il
n'était lavé que parja pluie, et sa crasse
semblait être pour ltfi un nouveaà titre de
gloire.
Une victorieuse nicotine recouvrait ses
,lents, des flots de généreuse absinthe cou-
raient dans ses veines, et, la tête remplie
les fumées de l'opium, l'étudiant, les yeux
fixés sur un parasol japonais, attendait che:
lui, couché sur un divan, la mort libératrice
Malheureusement, la mort était lente i
venir, elle ne survenait généralement qUI
vingt ou trente ans plus tard, à la suite, di
raient les voisins, d'une vieille bronchit
nal soignée, contractée jadis au quartier la
lin.
Aujourd'hui, cet heureux temps est pas
sé. Notre jeunesse, triste et désabusée, m
sait plus, dit-on, s'amuser; elle travaille, e:
le pire, voyez-vous, chers vieillards, c'es.
que cela l'amuse infiniment.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
L
eurs travaux.
Maurice Maeterlinck achève en ce
moment un nouvel ouvrage dramatique qui,
soit publié en volume, soit interprété en
public, provoquera de vives discussions lit-
téraires et philosophiques.
Ce drame mettra en opposition les doc-
trines du christianisme avec la philosophie
de Sénèque et s'appellera Marie Made-
leine.
L
es robes de chambre de Wagner.
On raconte que Charles Baudelaire
demanda un jour à Champfleury ae mirage
connaître l'auteur du Crépuscule des Dieux.
Chauîpfteury voulut bien se rendre à son
désir et l'accompagna chez Wagner, lequel
demeurait alors rue Newton. Présentations.
Compliments. Bref, le maître, vêtu d'une
épaisse robe de chambre bleue, se met au
piano.
Après avoir joué un morceau que Champ-
fleury et Baudelaire trouvent merveilleux,
il se lève, disparaît quelques instants et re-
vient bientôt avec une robe de chambre
jaune; puis, il attaque un nouveau morceau.
A la dernière note, le même jeu recom-
mence: Wagner disparaît à nouveau pour
revenir cette fois dans une robe de chambre
verte. Mais, à la fin de son troisième mor-
ceau, Baudelaire le retient :
- C'est superflu, lui dit-il. Mais, per-
mettez-moi une question. J'ai bien vu que
vous teniez à jouer-vos morceaux avec des
robes de chambre de diverses couleurs.
C'est sans doute pour indiquer les tonalités
différentes?.
Wagner regarda en dessous son interlo-
cuteur, pour voir s'il riait, et, après s'être
rendu compte qu'il parlait sans aucune ar-
rière-pensée :
— Mais non, répondit-il. J'ai changé de
robe de chambre parce que la première était
ma robe de chambre d'hiver, et elle m'est
devenue trop chaude. parce que, en jonant
du piano, je me couvre de sueur.
Et Baudelaire n'en revint pas.
A
lfred Capus et le bridge.
Au moment où les cinq Académies
tiennent, sous la coupole, leur séance an-
nuelle, la sixième —l'Académie de bridge.
d'importance au moins égale, n'est-il pas
vrai, M. de Mitty? —accomplit beaucoup
de besogne.
En grand secret, l'un de ses membres les
plus notoires, M. Capus, s'occupe, à l'heure
actuelle, de réunir tous les documents et
anecdotes ayant trait au bridge, et nous ver-
rons sous peu paraître en librairie, sous le
nom du célèbre auteur de La Veine, un opus-
cule destiné à éclairer les amateurs de ce
jeu compliqué et amusant. Bien entendu, il
s'est assuré, la collaboration du père de sir
Philipp Marmaduke pour la confection de
ce livre, qui sera distribué seulement aux
membres de l'Académie de .bridge et à quel-
ques amis.
Ceux-ci recherchaient pourquoi la pro-
duction de M. Capus s'était ralentie en ces
derniers temps. Les voilà désormais rassu-
rés : M. Capus applique les lumières de son
talent à l'exégèse du bridge.
Parions qu'il y réussira aussi bien qu'au
théâtre!
M
esures pour rien.
, Dimanche; tes' Miteaate ont été prî*
vés de musique.
Une grève des chefs d'orchestre, en effet,
éclata. Les exécutants se solidarisèrent avec
leurs dirigeants et les concerts de l'après-
midi, les représentations de la matinée et
du soir furent, ou bien annulées, ou bien
données vous devinez dans quelles condi-
tions! Le piano fut d'un grand secqurs,
l'harmonium re,t .jusqu'à l'accordéon, tout fut
utilisé, pan des mains inexpertes, pour tâ-
cher d'obtenir quelques sons. Tout n'alla
naturellement nas pour le mieux. Dans un
établissement, on ne trouva pas qu'une pai-
re de cymbales — de cymbales milanaises,
aurait dit l'Ouvreuse, si elle avait été là!
A
l'Académie.
Jamais l'Académie Française n'aura
été frappée de plus de deuils!
Avec Victorien Sardou, après Ludovic
Halévv Gaston Boissier, François Coppée,
Gebbhart et le cardinal Mathieu, six acadé-
miciens sont morts dans l'année.
Et voilà l'Académie Française privée de
deux de ses plus glorieux auteurs drama-
tiques, de ses deux doyens du théâtre.
Puisqu'il est, dit-on, impossible de ne pas
nommer un ecclésiastique au fauteuil du
cardinal Mathieu, il semble plus impossible
encore de ne pas nommer un dramaturge
au fauteuil de Sardou.
Et nous allons avoir, patientez après
MM. Georges de Porto-Riche, Brieux et
Capus, de nouveaux compétiteurs.
1
ndisefétions sur "Chantecler.
- Quelques personnages: le Singe d'une
nuit acte, le Paon des Arts, le Serpent
teint, l'Indicateur des Grues de Paris, le
Chat perché, le Dindon de la force, le Cy-
gne d'Etang, la Vache Alcade, le Coq Li-
cot, etc.
Sous toutes réserves!.
D
usausoy ! Dusausoy ! Voilà le nom de
l'expert joaillier-du 4, boulevard des
italiens, qui achète le plus cner DIJOUX, dia-
mants, perles. M. Dusausoy prie de bien se
renseigner sur la valeur avant de lui vendre.
L
a reconnaissance.
Il y a de cela quelques années. Un
aramaturge célèbre, membre de l'Académie
Française, passait une semaine chez des
amis. Un autre commensal offrait la mine
afflieée du génie méconnu. L'académicien
le confessa. C'était un confrère qui n'avait
pas réussi. faute de .talent, mais qui insista
pour lire au maître un scénario. Très aima-
ble, celui-ci déclara qu'il y avait « quelque
chose à faire ». Et, comme l'auteur mécon-
nu geignait de ,'plus belle, l'académicien,
emporté par sa générosité, proposa, sa, colla-
boration, fit la pièce, mais pria l'agent de
la Société de laisser discrètement tous les
droits d'auteur à «on confrère malheureux:
Lequel, pendant trois ou quatre ans, tou-
cha des semestres de mille à quinze cents
francs.
L'académicien s'en tint à ce cadeau prin-
cier, si délicatement offert. Et depuis ce
jour, son collaborateur occasionnel alla, dé-
clarant partout: ,
X. est un homme charmant, seulement,
nous avons fait ensemble une pièce qui
nous rapporte à chacun dans les trois mille
par an, et, depuis ce jour, il ne marche
plus. J'ai cependant fortement contribué à
sa1 fortune; ce n'est qu'un arriviste et un
ingrat !
Et voilà comment on écrit l'histoire.
Quant à l'académicien, ne le nommons pas,
ce n'est sûrement pas celui qu'on Dense!
1
1 y a des juges à Paris.
Mais la campagne d e Comœdia a eu du
bon !
.Voici, coup sur coup, deux grands jour-
naux qui choisissent enfin des critiques qui
ne sont pas auteurs dramatiques.
Et nous nous réjouirons particulièrement,
après avoir vu entrer M. Henri de Régnier
aux Débats, de voir le Figaro choisir M.
,Francis Chevassu.
Mais pourvu qu'ils ne tournent pas mal!
PENSEES ET ŒILLETS CHINÉS
Le théâtre, c'est la vie, mais c'est surtout la
vie qui est du théâtre. (Je sais bien qu'à y re-
garder de plus près cela ne signifie rien 'ou
presque rien, mais une bonne petite « pensée »
de cette forme-là a, pour commencer, vraiment
assez grand air.
— On trouve toujours à Paris un directeur
de théâtre pour monter une mauvaise pièce;
on trouve rarement un directeur pouf en accep-
ter une bonne.
— Je parie qu'on vient de vous refuser votre
pièce?
— Oui, mais je vous jure que ce n'est pas
pour ça.
- Evidemment, évidemment. le comprends
bien.
Beaucoup d'auteurs dramatiques ressemblent
trop à de faux monnayeurs.
Les uns font passer des pièces fausses; les
autres, de mauvaises pièces de un, deux, cinq
francs. je veux dire en un acte, deux ou cinq
actes. (Il est à remarquer toutefois que la pièce
de théâtre en trois actes est la plus commune,
tandis que la pièce de monnaie de trois francs
n'existe pas. Du. côté monnaie, il y a la pièce
en. plomb, certaines pièces étrangères et la
pièce du pape dont il faut se méfier, et, du
côté théâtre, il y a certaines pièces étrangères
aussi, les pièces antiques et isurtout les pièces
en vers.)
On met en prison les faux monnay eurs. Si on
n'y met pas les. mauvais auteurs dramatiques,
c'est que certainement il n'y aurait jamais assez
de place. -
— Finissez donc de pleurer ici et retenez un
peu vos sanglots déchirants.
— C'est que, mon çker çmi, je « puts Pas
me consoler du lamentable êcnec dé voire cne'f-
d'oeuvre.
— le vous remercie beaucoup. Mais attendei
donc d'être sorti de ce théâtre: vous ne voyez
donc pas que tout le monde vous regarde. Si,
par hasard, quelqu'un ne s'était pas aperçu que
C'était le four.
(— Je le sais bien, parbleu 1}
Il y a un moyen bien simple pour les direc-
teurs de supprimer les entrées de faveur.
C'est de mettre sur les billets payants: cc En-
trée de faveur » et de proposer (gratuits) des
billets de faveur avec la mention: « Entréo
payante ».
Personne n'en voudrait: on ne pourrait plus
les faire voir. Tout le monde voudrait de*
autres.
HENRY RIGAL.
L'événement parisien de demain sera, à
i~ n'en pas douter, l'inauguration du
Lnatham. Là où s'élevait autrefois, sur la
rue Volnev. un grand mur blanc, se dresse
aujourd'hui, imposante et gracieuse à la
fois, la nouvelle aile de l'hôtel Chatham;
le rez-de-chaussée est dévolu à un restau-
rant dont la fortune est certaine et que le
boulevard, qu'il touche, adoptera dès son
ouverture.
On ne saurait, en effet, trouver installa-
tion plus confortablement luxueuse pour dé-
guster, dans le plaisir des yeux, une cui-
sine délicate et une cave centenaire.
0
lu'importe la route!. pourvu qu'on ait
l'ivresse de la vitesse - dans la pîu^
parfaite quiétude. C est ainsi que panent
tous les chauffeurs avisés n'employant que
les pneus Dunlop. reconnus les meilleurs
en tourisme.
NOUVELLES A LA MAIN
Un jeune auteur dramatique, très pares-
~JL seux, rencontre un de ses vieux amis,
qui l'engage vivement à travailler.
— Allons, dit-il, voyons, prends ton cou-
rage à deux mains.
— Eh bien, oui! répond l'autre, mais s!
je prends mon courage à deux mains, avec
quelle main voulez-vous que je travailla?
D
ans le cabinet directorial du plus ci'-
gant de nos théâtres de genre.
L'administrateur et un auteur très Jo::é
dans la maison parlent de X., cet arriviste
féroce, qui a la réputation de vivre de:
femmes.
— En voilà un qui fera son chemin ! af-
firme l'auteur.
Et l'administrateur de répliquer:
—- Son chemin I Appelez ça : son sîï-'
lage !
.-A<- Le Masaue de Verre.
Nous publierons demain un article de,
TRISTAN BERNARD
SARDOU EST MORT
(Reuttinger, phot)
Sans doute, depuis plusieurs semaines,
nous nous attendions, nous étions pré-
parés à cette mort, à ce deuil, mais, tout
de même, nous voulions, espérer, il nous
semblait que le cher doyen de nos luttes,
celui qui fut non seulement notre maître,
mais notre patron, ne pouvait pas, ne
devait pas encore mourir et qu'il nous
resterait, et que nous le garderions, et
qu'il surmonterait, avec cette admirable
énergie dont il sut donner tant de preu-
ves, le mal qui devait l'emporter.
Sardou est mort. En nous rappelant ce
qu'il fut, et surtout ce qu'il fut pour
tous, nous ne pouvons nous habituer à
l'idée qu'il s'en est allé et que nous ne.
!e verrons plus jamais.
Il dominait de son talent, de ses vertus
3t de son âge toute une époque. Il fut ce
que, dans l'histoire, on appelle un grand
omme. Il le fut par son inlassable la-
beur, il le fut par ses succès triom-
phants, il le fut par le courage qu'il dé-
pensa. f 4
Il ne fut pas seulement un grand hom-
me, il fut un brave homme, bon, pitoya-
ble et indulgent. Nous l'aimions. Il était
(Pftorto Kart ***"'
L'éminent dramaturge a succombé hier aux
suites d'une congestion pulmonaire
Ses derniers moments
L'Ami a L'Homme iii L'Écrivain
À
(Photo Bett, Paria)
pour nous un conseiller indulgent et sûr,
un grand ami tendre et paternel qui se
plaisait à nous aider de son expérience
et qui aimait à étendre sa protection bien-
veillante et précieuse sur ses plus jeunes
confrères.
Nous l'aimions et il nous aimait. Elle
serait interminable et éclatante, la liste
des écrivains qu'il aida, qu'il poussa, et,
s'il fallait énumérer tous ceux qu'il ser-
vit, il faudrait nommer tous les littéra-
teurs de ce temps.
Il était, chargé d'honneurs et d'ans,
une sorte de connétable des auteurs dra-
matiques. C'est à lui qu'on allait conter
ses ennuis, ses ioies et ses espoirs, et
fa. Manuel. Dami
c'est'lui qu'on venait consulter, certain
qu'on était de trouver. un conseiller éclai-
ré et juste.
Nous nous arrêtons volontairement à
parler des qualités morales de celui qui
dort maintenant de l'éternel sommeil,
parce que, dans la douleur qui nous
étreint, il nous est impossible aujour-
d'hui de parler d'autre chose. Qui pour-
rait exiger un article réfléchi d'un hom-
me qui pleure un maître et un ami !
Ce que fut Sardou? Vous le savez, de-
puis cinquante-quatre ans qu'il régna sur
le théâtre.
On peut formuler sur son œuvre tou-
tes les réserves, on peut aimer plus ou
moins sa manière dramatique; il est im-
possible de méconnaître et ,de ne pas ad-
mirer le prestigieux talent qu'il dépensa.
Son génie si divers, si varié, sut passer
de la plus fine psychologie à la grandeur
la plus tragique, de la gaieté presqjuc vau-
devillesque à l'émotion la plus noble.
Dans tous les genres qu'il lui plut d'abor-
der, il excella. Et lorsque l'heure sera
venue des justes répartitions, on aper-
CPHoto Berl. f in is*)
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L'Avancement
Au Gymnase, Chochotte, la comédie
en trois actes de Lancrit avait remporté
un énorme succès. La répétition générale
s'était affirmée comme un succès chaleu-
reux, la première comme un succès co-
assai. En prenant la moyenne, on pou-
vait donc affirmer exactement que Cho-
choiie était un énorme succès.
Ce matin-là, dès neuf heures, Pécal
Parcourait les journaux, et, le long de
chaque article, il modulait un sifflement
doux qui exprimait sa surprise et son ad-'
rniration: « Ah! ça mais, qu'est-ce qu'ils
ont? pensait-il. Bien sûr que c'est gen-
til Mais tout de même, ces cris d'en-
thcu siasme pour cette petite ChÓchotte!
En voilà un qui dit que c'est du Mari-
vaux, maintenant ! Du Marivaux ma-
rengo, tout au plus! C'est le délire!
C'est le critérium tremens! » Et, saisis."
sant un carnet, il nota : « Critérium ire-
mens, pitoyable à peu près, mais à pla-
cer quand même dans une pièce secon-
daire ou de préférence dans la conversa
tfon ».
Il reprit les journaux et, se résumant,
11 les jeta sur la table avec un bouf de
réprobation signifiant qu'il en avait as-
fez. Mais aussitôt, il sourit: « Suis-je
idiot, se dit-il, c'est pour moi cet en-
thousiasme-là! C'est de moi sa Cho-
choiie! C'est bien moi qui l'ai faite, je
Pense ! » Et Il se rappelait le cri d'un
bonhomme dans la rue, un rempailleur
escaladé de chaises démantibulées et qui
vociférait, en désignant devant lui une
"humble femme : « C'est moi qui les
jais! C'est moi qui les vends! C'est ma
femme qui boulotte l'argent L..H N'était-
Ce pas Lancrit qui boulottait sa gloire?.
Comme il pensait ainsi, debout, on
frappa. Il dit: « Entre! » Un chien se
rua, puis Lancrit. Pécal ouvrit ses bras,
et les deux auteurs s'étreignirent sincè-
rement émus. Ils s'exclamaient et s'in-
terrogeaient tour à tour, le plus sou-
vent ensemble. Mais Lancrit dominait:
Hein? Ça y est-il, oui ou non? Et la
P"£"se? Inouïe! Et cette salle! Tout le
J-onde debout! Lé, grand-duc, hein?
Vous avez vu ces battoirs? Et la com-
",t¿f;SB- bastion, ide yeux hors de la tête,
la poitrine dehors, tout dehors, .tellement
Qu'elle a failli se fiche les quatre fers
en l'air de l'avant-scène deux! C'eût été
r\goîo ! Et quelle location ! En trois jours,
v'n?,t mille trois-cent six!' Et les invita-
tions ! Tenez! tenez! Moi qui ai fait tant
Ge démarches vaines ! Les voilà qui rap-
Pliquent! Jusqu'à la bonne duchesse et
ce cher baron qui me rendait un coup de
chapeau sur dix, et qui m'envoie cette
Merveille de terrier né chez Edouard lui-
^ême ! Sont-ils snobs, ces gens là ! Hein?
Je crois que ça y est!.
Débonnaire, Pécal s'extasiait. 11 y
avait bien entre les deux amis quelques
Points pas très clairs, un surtout : cette
lettre qui témoignait que Lancrit s'était
offert Henriette pour joindre, comme il
n avait pas craint de le dire, à l'amitié
du cher maître, l'affection de la ciiere
maîtresse. Mais quoi? On s'était e:p'i-
Qué là-dessus. La lettre? c'était une sim-
ple expérience, une lettre truquée peur
obtenir, en vue de la scène du trois, m
effet dans la vie, le geste exact de l'i-
mant dans l'instant même où il app'^id
^ue son amie ie, trompe! Pécal aval
bien quelque peu « tiqué » devam r,e
coup du document humain. Mais il avfii
horreur, avant tout, des histoires cui
durent. Aussi s'était-il empressé de ccj-
Psr celle-là: « Ecoutez, mes enfants, je
compliquons pas une aventure déjà très
compliquée. Mon état d'âme à moi
tout ce qu'il y a de plus élémentaire. ù\
m'embête de vous croire, ça m'embête
de rompre. Alors, zut pour la lettre! J'at-
tendrai de vous avoir pincés! » Et votte
pourquoi, sans rancune et revivant l'an-
cienne allégresse de son premier succès,
se réchauffait loyalement le cœur 1
Souriait à la joie de Lancrit.
D'ailleurs il était si juvém emtit
J, oyeux! C'était même la première fcîs
que Pécal le trouvait vraiment je;."e ? I1
avait bien toujours son sourire qui dé-
couvrait les crocs. Mais il les faisait veir
comme pour s'amuser..C'était tiégan-
- ment gentil et il lui venait même dès
Inots spontanés pour le cher maîti e, cfes
mots (ig reconnaissance charmante et
affection émue.
-Vrai? Ça vous fait plaisir, mon suc-
demanda-t-il enfin à Pécal.
- Plus que tu ne mérites, garnemetf !
- Eh bien alors causons, VI>iilt;"
vous? dIt Lancrit en allumant la ;,'dlc
khédive Que son grand ami ve'l [; t de
lui offrir.
- Tu as donc à me dire autre se
que de-,3 phrases sans suite et à exo- .?e ■
m JOie autrement que par des cr s et ne
mrve d,t la danse?..
Heureusement pour moi,
Lancrit. J'ai à savoir de vous h p< ré
véritable que vous donnez au succèi ÛL
Chochotte et à vous demander vr.e u ;>
grande faveur. Mais, procédons pai )r
dre. VOUS trouvez que Chochoiie est n
réel succès. Mais ce succès est-.:, ,
vous, comme on dit, un succès de cii■■■
se?..
— Voilà des expressions! souri: «
Cal. Si c'était un succès de classe, eonru:
tu dis, ce serait un succès de con :c"-'
Oh t no -
— Oh ! non, je vous en prie! Ne P-'»-
santez pas! direct ! C'est s: r: a >e
OourmoiI Sérieusement mon su";c; t!(
classe-t-il définitivement au premier rang
des jeunes grands auteurs?
— Des jeunes maîtres, mon fils!
— Moi? Vous ne blaguez pas?
— Ma parole!
- Quel plaisir vous me faites! excla-
ma Lancrit. Venant de vous, n'est-ce pas,
c'est la consécration et vous m'encoura-
gez. Donc, je n'hésite plus et je m'a-
dresse à votre bienveillance avec la cer-
titude que je serai compris.
- Qu'est-ce donc, sacrebleu?
- Oh! mon Dieu, c'est bien simple,
au fond, mais, malgré tout, c'est délicat
à dire, prononça le jeune homme. Eh
bien, voilà la chose. Vous venez de cons-
tater que le succès de Chochotte est pour
moi un avancement tout à fait décisif. Je
ne suis donc plus le débutant d'avenir
incertain. Je dois donc prendre place et,
puisque vous m'assignez vous-même,
avec un indulgence si cordiale, un rang
plus élevé, permettez-moi dorénavant de
ne plus vous appeler maître, mais bien
mon cher ami.
- Eh bien ça, par exemple!. exhala
Pécal.
Mais Lancrit repartait
— Vous me comprenez bien? Vous
restez pour moi le maître incomparable !
Mais si je vous donne ce titre publique-
ment, je reste, moi, le petit débutant, et
je me fais du tort! Tandis que si je vous
dis « Mon cher ami », je monte en grade.
Je deviens le lieutenant-colonel, l'officier
supérieur! Voulez-vous?.
Maintenant, Pécal se roulait. II se-
couait Lancrit par les épaules et, avec de
fracassants éclats: « Sacré gosse! Je te
crois, que je veux! Tu crois donc que j'y
tenais à ton cher maître ! Appellermoi dé-
sormais « mon petit lapin » et, à partir
d'aujourd'hui, tu vas me tuotyer !
- Vraiment, vous permettriez?
- Oui, mais ça, mon petit, ça te sera
plus dur, car, malgré ton culot, tu es
bien élevé et ce « tu » immédiat de Lan-
crit à Pécal, vois-tu, ça sortira très diffi-
cilement!.
Ils parlèrent d'autre chose. L'ancien
cher maître lui donna des conseils, lui
demanda même une loge pour son vieil
ami, le prince Constantin et. comme ils
se quittaient, avec encore de l'enthou-
siasme à l'égard de Chochotte, Lancrit
dit tout à coup à Pécal, en lui serfant-la
main: ,"
— $h bien, quanjt ji tes pkçes,* c est
entendu, mon vieux, tu les auras ce
soir.
Gustave GUICHES.
"La Bohème"
La Gaité-Lyrique vient d'éveiller à nou-
veau les tableaux de La Bohème de Murger.
La pièce est bien montée, la musqué en est
vulgaire : elle plaira au public. Il est cu-
rieux, à ce propos, de constater, toutefois,
combien ce genre d'aventures, qui passion-
naient autrefois, ont vieilli, et le peu d'in-
terêt qu'elles présentent pour les jeunes
hommes d'aujourd'hui.
Jadis, l' « étudiant » faisait la joie de nos
rues..11 était multiple et divers, toujours
changeant et, en même temps, identique à
luirmêmc. On le trouvait clans tous les coins
de rue et sa race était innombrable.
On désignait, en effet, sous ce nom tous
les jeunes gens qui, par profession, n'étu-
diaient pas, qu'ils fussent parisiens ou pro-
vinciaux, riches ou pauvres, incapables ou
i iresseux, blancs ou nègres, alcooliques ou
mal blanchis.
Egalement vide d'esprit et de corps, l'é-
iitdiant trouvait un juste modèle dans les
,.',Poui,antails à moineaux et, volontiers, leur
empruntait leur façon de s'habiller, pom-
peuse, certes, mais parfois, il faut bien le
dire, un peu trop voyante tout de même.
Un chapeau sale, taillé dans la fumée;
nh large manteau,' terminé par des stalac-
tites; une canne en forme de. pipe, et une
pipe en lorme de canne, l'étudiant s'en al-
LÛt désabusé au long des rues, faisant peur
aux moineaux et à leurs frères les bour-
geois. L'étudiant avait encore ceci de com-
mun avec l'épouvantail à moineaux, qu'il
n'était lavé que parja pluie, et sa crasse
semblait être pour ltfi un nouveaà titre de
gloire.
Une victorieuse nicotine recouvrait ses
,lents, des flots de généreuse absinthe cou-
raient dans ses veines, et, la tête remplie
les fumées de l'opium, l'étudiant, les yeux
fixés sur un parasol japonais, attendait che:
lui, couché sur un divan, la mort libératrice
Malheureusement, la mort était lente i
venir, elle ne survenait généralement qUI
vingt ou trente ans plus tard, à la suite, di
raient les voisins, d'une vieille bronchit
nal soignée, contractée jadis au quartier la
lin.
Aujourd'hui, cet heureux temps est pas
sé. Notre jeunesse, triste et désabusée, m
sait plus, dit-on, s'amuser; elle travaille, e:
le pire, voyez-vous, chers vieillards, c'es.
que cela l'amuse infiniment.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
L
eurs travaux.
Maurice Maeterlinck achève en ce
moment un nouvel ouvrage dramatique qui,
soit publié en volume, soit interprété en
public, provoquera de vives discussions lit-
téraires et philosophiques.
Ce drame mettra en opposition les doc-
trines du christianisme avec la philosophie
de Sénèque et s'appellera Marie Made-
leine.
L
es robes de chambre de Wagner.
On raconte que Charles Baudelaire
demanda un jour à Champfleury ae mirage
connaître l'auteur du Crépuscule des Dieux.
Chauîpfteury voulut bien se rendre à son
désir et l'accompagna chez Wagner, lequel
demeurait alors rue Newton. Présentations.
Compliments. Bref, le maître, vêtu d'une
épaisse robe de chambre bleue, se met au
piano.
Après avoir joué un morceau que Champ-
fleury et Baudelaire trouvent merveilleux,
il se lève, disparaît quelques instants et re-
vient bientôt avec une robe de chambre
jaune; puis, il attaque un nouveau morceau.
A la dernière note, le même jeu recom-
mence: Wagner disparaît à nouveau pour
revenir cette fois dans une robe de chambre
verte. Mais, à la fin de son troisième mor-
ceau, Baudelaire le retient :
- C'est superflu, lui dit-il. Mais, per-
mettez-moi une question. J'ai bien vu que
vous teniez à jouer-vos morceaux avec des
robes de chambre de diverses couleurs.
C'est sans doute pour indiquer les tonalités
différentes?.
Wagner regarda en dessous son interlo-
cuteur, pour voir s'il riait, et, après s'être
rendu compte qu'il parlait sans aucune ar-
rière-pensée :
— Mais non, répondit-il. J'ai changé de
robe de chambre parce que la première était
ma robe de chambre d'hiver, et elle m'est
devenue trop chaude. parce que, en jonant
du piano, je me couvre de sueur.
Et Baudelaire n'en revint pas.
A
lfred Capus et le bridge.
Au moment où les cinq Académies
tiennent, sous la coupole, leur séance an-
nuelle, la sixième —l'Académie de bridge.
d'importance au moins égale, n'est-il pas
vrai, M. de Mitty? —accomplit beaucoup
de besogne.
En grand secret, l'un de ses membres les
plus notoires, M. Capus, s'occupe, à l'heure
actuelle, de réunir tous les documents et
anecdotes ayant trait au bridge, et nous ver-
rons sous peu paraître en librairie, sous le
nom du célèbre auteur de La Veine, un opus-
cule destiné à éclairer les amateurs de ce
jeu compliqué et amusant. Bien entendu, il
s'est assuré, la collaboration du père de sir
Philipp Marmaduke pour la confection de
ce livre, qui sera distribué seulement aux
membres de l'Académie de .bridge et à quel-
ques amis.
Ceux-ci recherchaient pourquoi la pro-
duction de M. Capus s'était ralentie en ces
derniers temps. Les voilà désormais rassu-
rés : M. Capus applique les lumières de son
talent à l'exégèse du bridge.
Parions qu'il y réussira aussi bien qu'au
théâtre!
M
esures pour rien.
, Dimanche; tes' Miteaate ont été prî*
vés de musique.
Une grève des chefs d'orchestre, en effet,
éclata. Les exécutants se solidarisèrent avec
leurs dirigeants et les concerts de l'après-
midi, les représentations de la matinée et
du soir furent, ou bien annulées, ou bien
données vous devinez dans quelles condi-
tions! Le piano fut d'un grand secqurs,
l'harmonium re,t .jusqu'à l'accordéon, tout fut
utilisé, pan des mains inexpertes, pour tâ-
cher d'obtenir quelques sons. Tout n'alla
naturellement nas pour le mieux. Dans un
établissement, on ne trouva pas qu'une pai-
re de cymbales — de cymbales milanaises,
aurait dit l'Ouvreuse, si elle avait été là!
A
l'Académie.
Jamais l'Académie Française n'aura
été frappée de plus de deuils!
Avec Victorien Sardou, après Ludovic
Halévv Gaston Boissier, François Coppée,
Gebbhart et le cardinal Mathieu, six acadé-
miciens sont morts dans l'année.
Et voilà l'Académie Française privée de
deux de ses plus glorieux auteurs drama-
tiques, de ses deux doyens du théâtre.
Puisqu'il est, dit-on, impossible de ne pas
nommer un ecclésiastique au fauteuil du
cardinal Mathieu, il semble plus impossible
encore de ne pas nommer un dramaturge
au fauteuil de Sardou.
Et nous allons avoir, patientez après
MM. Georges de Porto-Riche, Brieux et
Capus, de nouveaux compétiteurs.
1
ndisefétions sur "Chantecler.
- Quelques personnages: le Singe d'une
nuit acte, le Paon des Arts, le Serpent
teint, l'Indicateur des Grues de Paris, le
Chat perché, le Dindon de la force, le Cy-
gne d'Etang, la Vache Alcade, le Coq Li-
cot, etc.
Sous toutes réserves!.
D
usausoy ! Dusausoy ! Voilà le nom de
l'expert joaillier-du 4, boulevard des
italiens, qui achète le plus cner DIJOUX, dia-
mants, perles. M. Dusausoy prie de bien se
renseigner sur la valeur avant de lui vendre.
L
a reconnaissance.
Il y a de cela quelques années. Un
aramaturge célèbre, membre de l'Académie
Française, passait une semaine chez des
amis. Un autre commensal offrait la mine
afflieée du génie méconnu. L'académicien
le confessa. C'était un confrère qui n'avait
pas réussi. faute de .talent, mais qui insista
pour lire au maître un scénario. Très aima-
ble, celui-ci déclara qu'il y avait « quelque
chose à faire ». Et, comme l'auteur mécon-
nu geignait de ,'plus belle, l'académicien,
emporté par sa générosité, proposa, sa, colla-
boration, fit la pièce, mais pria l'agent de
la Société de laisser discrètement tous les
droits d'auteur à «on confrère malheureux:
Lequel, pendant trois ou quatre ans, tou-
cha des semestres de mille à quinze cents
francs.
L'académicien s'en tint à ce cadeau prin-
cier, si délicatement offert. Et depuis ce
jour, son collaborateur occasionnel alla, dé-
clarant partout: ,
X. est un homme charmant, seulement,
nous avons fait ensemble une pièce qui
nous rapporte à chacun dans les trois mille
par an, et, depuis ce jour, il ne marche
plus. J'ai cependant fortement contribué à
sa1 fortune; ce n'est qu'un arriviste et un
ingrat !
Et voilà comment on écrit l'histoire.
Quant à l'académicien, ne le nommons pas,
ce n'est sûrement pas celui qu'on Dense!
1
1 y a des juges à Paris.
Mais la campagne d e Comœdia a eu du
bon !
.Voici, coup sur coup, deux grands jour-
naux qui choisissent enfin des critiques qui
ne sont pas auteurs dramatiques.
Et nous nous réjouirons particulièrement,
après avoir vu entrer M. Henri de Régnier
aux Débats, de voir le Figaro choisir M.
,Francis Chevassu.
Mais pourvu qu'ils ne tournent pas mal!
PENSEES ET ŒILLETS CHINÉS
Le théâtre, c'est la vie, mais c'est surtout la
vie qui est du théâtre. (Je sais bien qu'à y re-
garder de plus près cela ne signifie rien 'ou
presque rien, mais une bonne petite « pensée »
de cette forme-là a, pour commencer, vraiment
assez grand air.
— On trouve toujours à Paris un directeur
de théâtre pour monter une mauvaise pièce;
on trouve rarement un directeur pouf en accep-
ter une bonne.
— Je parie qu'on vient de vous refuser votre
pièce?
— Oui, mais je vous jure que ce n'est pas
pour ça.
- Evidemment, évidemment. le comprends
bien.
Beaucoup d'auteurs dramatiques ressemblent
trop à de faux monnayeurs.
Les uns font passer des pièces fausses; les
autres, de mauvaises pièces de un, deux, cinq
francs. je veux dire en un acte, deux ou cinq
actes. (Il est à remarquer toutefois que la pièce
de théâtre en trois actes est la plus commune,
tandis que la pièce de monnaie de trois francs
n'existe pas. Du. côté monnaie, il y a la pièce
en. plomb, certaines pièces étrangères et la
pièce du pape dont il faut se méfier, et, du
côté théâtre, il y a certaines pièces étrangères
aussi, les pièces antiques et isurtout les pièces
en vers.)
On met en prison les faux monnay eurs. Si on
n'y met pas les. mauvais auteurs dramatiques,
c'est que certainement il n'y aurait jamais assez
de place. -
— Finissez donc de pleurer ici et retenez un
peu vos sanglots déchirants.
— C'est que, mon çker çmi, je « puts Pas
me consoler du lamentable êcnec dé voire cne'f-
d'oeuvre.
— le vous remercie beaucoup. Mais attendei
donc d'être sorti de ce théâtre: vous ne voyez
donc pas que tout le monde vous regarde. Si,
par hasard, quelqu'un ne s'était pas aperçu que
C'était le four.
(— Je le sais bien, parbleu 1}
Il y a un moyen bien simple pour les direc-
teurs de supprimer les entrées de faveur.
C'est de mettre sur les billets payants: cc En-
trée de faveur » et de proposer (gratuits) des
billets de faveur avec la mention: « Entréo
payante ».
Personne n'en voudrait: on ne pourrait plus
les faire voir. Tout le monde voudrait de*
autres.
HENRY RIGAL.
L'événement parisien de demain sera, à
i~ n'en pas douter, l'inauguration du
Lnatham. Là où s'élevait autrefois, sur la
rue Volnev. un grand mur blanc, se dresse
aujourd'hui, imposante et gracieuse à la
fois, la nouvelle aile de l'hôtel Chatham;
le rez-de-chaussée est dévolu à un restau-
rant dont la fortune est certaine et que le
boulevard, qu'il touche, adoptera dès son
ouverture.
On ne saurait, en effet, trouver installa-
tion plus confortablement luxueuse pour dé-
guster, dans le plaisir des yeux, une cui-
sine délicate et une cave centenaire.
0
lu'importe la route!. pourvu qu'on ait
l'ivresse de la vitesse - dans la pîu^
parfaite quiétude. C est ainsi que panent
tous les chauffeurs avisés n'employant que
les pneus Dunlop. reconnus les meilleurs
en tourisme.
NOUVELLES A LA MAIN
Un jeune auteur dramatique, très pares-
~JL seux, rencontre un de ses vieux amis,
qui l'engage vivement à travailler.
— Allons, dit-il, voyons, prends ton cou-
rage à deux mains.
— Eh bien, oui! répond l'autre, mais s!
je prends mon courage à deux mains, avec
quelle main voulez-vous que je travailla?
D
ans le cabinet directorial du plus ci'-
gant de nos théâtres de genre.
L'administrateur et un auteur très Jo::é
dans la maison parlent de X., cet arriviste
féroce, qui a la réputation de vivre de:
femmes.
— En voilà un qui fera son chemin ! af-
firme l'auteur.
Et l'administrateur de répliquer:
—- Son chemin I Appelez ça : son sîï-'
lage !
.-A<- Le Masaue de Verre.
Nous publierons demain un article de,
TRISTAN BERNARD
SARDOU EST MORT
(Reuttinger, phot)
Sans doute, depuis plusieurs semaines,
nous nous attendions, nous étions pré-
parés à cette mort, à ce deuil, mais, tout
de même, nous voulions, espérer, il nous
semblait que le cher doyen de nos luttes,
celui qui fut non seulement notre maître,
mais notre patron, ne pouvait pas, ne
devait pas encore mourir et qu'il nous
resterait, et que nous le garderions, et
qu'il surmonterait, avec cette admirable
énergie dont il sut donner tant de preu-
ves, le mal qui devait l'emporter.
Sardou est mort. En nous rappelant ce
qu'il fut, et surtout ce qu'il fut pour
tous, nous ne pouvons nous habituer à
l'idée qu'il s'en est allé et que nous ne.
!e verrons plus jamais.
Il dominait de son talent, de ses vertus
3t de son âge toute une époque. Il fut ce
que, dans l'histoire, on appelle un grand
omme. Il le fut par son inlassable la-
beur, il le fut par ses succès triom-
phants, il le fut par le courage qu'il dé-
pensa. f 4
Il ne fut pas seulement un grand hom-
me, il fut un brave homme, bon, pitoya-
ble et indulgent. Nous l'aimions. Il était
(Pftorto Kart ***"'
L'éminent dramaturge a succombé hier aux
suites d'une congestion pulmonaire
Ses derniers moments
L'Ami a L'Homme iii L'Écrivain
À
(Photo Bett, Paria)
pour nous un conseiller indulgent et sûr,
un grand ami tendre et paternel qui se
plaisait à nous aider de son expérience
et qui aimait à étendre sa protection bien-
veillante et précieuse sur ses plus jeunes
confrères.
Nous l'aimions et il nous aimait. Elle
serait interminable et éclatante, la liste
des écrivains qu'il aida, qu'il poussa, et,
s'il fallait énumérer tous ceux qu'il ser-
vit, il faudrait nommer tous les littéra-
teurs de ce temps.
Il était, chargé d'honneurs et d'ans,
une sorte de connétable des auteurs dra-
matiques. C'est à lui qu'on allait conter
ses ennuis, ses ioies et ses espoirs, et
fa. Manuel. Dami
c'est'lui qu'on venait consulter, certain
qu'on était de trouver. un conseiller éclai-
ré et juste.
Nous nous arrêtons volontairement à
parler des qualités morales de celui qui
dort maintenant de l'éternel sommeil,
parce que, dans la douleur qui nous
étreint, il nous est impossible aujour-
d'hui de parler d'autre chose. Qui pour-
rait exiger un article réfléchi d'un hom-
me qui pleure un maître et un ami !
Ce que fut Sardou? Vous le savez, de-
puis cinquante-quatre ans qu'il régna sur
le théâtre.
On peut formuler sur son œuvre tou-
tes les réserves, on peut aimer plus ou
moins sa manière dramatique; il est im-
possible de méconnaître et ,de ne pas ad-
mirer le prestigieux talent qu'il dépensa.
Son génie si divers, si varié, sut passer
de la plus fine psychologie à la grandeur
la plus tragique, de la gaieté presqjuc vau-
devillesque à l'émotion la plus noble.
Dans tous les genres qu'il lui plut d'abor-
der, il excella. Et lorsque l'heure sera
venue des justes répartitions, on aper-
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