Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-09-23
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 septembre 1908 23 septembre 1908
Description : 1908/09/23 (A2,N359). 1908/09/23 (A2,N359).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646013f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
^®Annêe* — N.« 359 (Quotidien) >
ÎLe Numéro : 5 centimes
-'tMercredi 23 Septembre 1908.
," Rédacteur en Chef: o. de PAWLOWSKI-
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA»PARIS
0
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 » 20 a
4
1 RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
i
< Adresse Télégraphique : COMŒDlA=PARIS
-ABONNEMENTS :
UN AN 6 mors
Paris et Départements : 24 fr. 12 fr.
■ Étranger 40 » 20 »
Editorial
/« C'est une bien singulière idée qu'ont
^ue nos législateurs. »
G.-D. Gédéon s'arrêta d'écrire, posa
la plume, et pensa à toute autre chose.
Il rédigeait chaque jour un éditorial
pour un grand journal de province. Il
expédiait d'ordinaire son éditorial de
Paris, avant midi, afin qu'il arrivât au
journal vers neuf heures du soir par les
soins de la poste. Un jour, Gédéon
s'aperçut qu'il gagnait deux heures en
portant son article à la gare de départ.
n'allait donc déjeuner dans les environs
de cette gare, et écrivait ses soixante li-
gnes après déjeuner.
Il répétait volontiers que son article
ne lui prenait pas plus d'un quart
d'heure. Mais un souci obsédant le han-
tait toute la matinée. Il était constam-
ment à se dire: « J'ai mon article à
faire. » D'ailleurs, il aurait eu horreur de
penser à ce qu'il mettrait dedans.» Il ne
voulait y songer qu'au moment de l'é-
crire. Et même, très souvent, il écrivait
les premières phrases sans savoir ce
qu'il dirait après. Ça viendrait en écri-
vant.
Ce jour-là, ça ne venait pas.
Il avait déchiré son papier. Car il ne
■ trouvait' pas décidément quelle était la
isingulière idée qu'avaient eue nos légis-
lateurs.
: « Le débat sur la peine de mort n'est
pas près de se terminer. »
Il avait à sa disposition des quantités
de considérations sur la peine de mort.
Mais ce jour-là, elles se présentaient
mal. Elles lui semblaient lourdes, trop
Souvent répétées.
G.-D. Gédéon avait eu, la nuit pré-
cédente, quelques heures d'ivresse un peu
fatigantes. Il avait enregistré un nombre
inusité de « promesses amoureuses)),
comme disent les romanciers galants.
Très impressionné par son record, il lui
semblait qu'il était incapable de trouver
la moindre idée. Et ce fut sans aucune
conviction qu'il commença pour la troi-
sième fois son papier.
« Une des conséquences inattendues
de l'impôt sur le revenu. »
Non, ce n'était pas possible. Toutes
les conséquences qu'il apercevait étaient
vraiment trop faciles à prévoir, pour des
conséquences inattendues.
La feuille, déchirée, alla rejoindre les
deux autres. Les aiguilles de la. pendule
avançaient terriblement vite, avec leur
air de ne pas marcher. Gédéon, en
pleine détresse, fut sauvé tout à coup
par une idée subite.
.Le dernier train-poste qui pouvait
emporter son article était à 1 heure 55.
Mais il y avait, à 6 heures 20, lin ra-
pide qui n'avait pas d' « ambulant »,
mais où l'on trouverait bien, un chef de'
train ou un chauffeur à qui l'on confie-
rait l'article. Le train n'allait pas plus
'loin que la ville en question. Le chef de
train se chargerait d'aller lui-même au
journal vers onze heures et de remettre
tout de suite l'article à la composition.
Gédéon envoya une dépêche au jour-
nal, le prévenant que le « papier » arri-
verait un peu tard. Puis il prit une voi-
ture et se fit conduire chez lui pour
dormir. Après deux ou trois heures de
sommeil, il se réveillerait régénéré. Il
n'aurait qu'à choisir rapidement une
idée ingénieuse, et à la traiter comme
elle le méritait, avec sa facilité et ,son
brio coutumiers.
Il dormit lourdement. On le réveilla,
selon ses instructions, à quatre heures et
demie. Mais la grève des idées conti-
nuait ; elles persistaient à ne pas se pré-
senter au chantier, qui restait vide et
morne. Gédéon s'était levé, lavé, pei-
gné. Il se regarda dans la glace et n'y
vit qu'une jolie tête, pas trop fatiguée
d'apparence, mais certainement vide.
'Il sortit, gagna « le boulevard», acheta
tous les journaux du soir, les parcourut
d'un bout à l'autre en une demi-minute.
Il n'y trouva rien, rien, toujours rien.
!Alors il s'en alla lentement vers le bu-
reau de poste du Grand-Hôtel.
Son parti était pris. Il télégraphierait
&u journal qu'il était souffrant. Il se fai-
sait porter malade. Et ce n'était pas une
ïrime. Il ne souffrait pas. Mais son im-
puissance cérébrale constituait vraiment
une maladie indéniable. Evidemment, la
hôte que publierait le journal ne ferait
pas bon effet. sinon sur le public, du
moins sur le directeur. Mais quoi? Il
h'y avait pas moyen de faire autrement.
Il arriva dans un bureau de poste très
encombré. Il se procura une formule.
Mais, au moment d'écrire sa dépêche, il
ne put trouver la moindre place. Vingt
personnes étaient installées au pupitre
de la poste, ou contre les tablettes, ou
Sur des coins de la petite table des té-
léphonistes.
'Une jeune femme aux bandeaux très
blonds recopiait une pièce de vers, en
strophes de dix vers chacune, qu'elle des-
tinait à un concours littéraire.
Un vieillard corpulent et qui respirait
ûvec force mettait au net toute une sé-
rie de notes recueillies l'après-midi à la
bibliothèque nationale.
, Un. jeune homme avait pris le Bottin
Ses départements et, pour son plaisir,
relevait les noms de toutes les fabriques
d'autos de la région lyonnaise.
1 - Ainsi, s'écria avec irritation Gé-
déon, voilà à quoi servent nos bureaux
de poste!. Voilà pourquoi l'administra-
tion met des plumes revêches, de l'en-
cre blanche et du buvard qui ne boit pas,
à la disposition du public!. Les gens
qui ont à écrire des dépêches pressées
pour demander une somme qui les sau-
vera de la banqueroute, ou pour appeler
un fils au chevet de sa mère, doivent at-
tendre que tous ces littérateurs aient fini
leur noble labeur. C'est un scandale
inouï que personne, que je sache, n'a
encore dénoncé!.
.Et comme, à ce moment-là, une
place, par fortune, se trouva libre, Gé-
déon s'en empara et, enfin inspiré, ré-
digea paisiblement son éditorial, cepen-
dant qu'autour de lui, dévorés d'inquié-
tude, des^hommes d'affaires aux abois,
des fils et des filles de parents malades
cherchaient un coin pour écrire, leur
formule de télégramme à la main.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain un article de
HENRY KISTEMAECKERS
Chroniques
1 Quelle que soit la valeur des efforts ac-
tuellemènt tentés pour rénover l'opérette,
il me semble que ces efforts ne sont point
toujours dirigés dans le sens qu'il faudrait.
On se figure, en effet, trop volontiers
que l'opérette n'est qu'un petit opéra-comi-
que et que l'opéra-comique, lui-même, n'est
qu'un petit opéra.
Or, cette classification hiérarchique ne
correspond en aucune façon à la réalité des
choses. *
L'opérette, dans le domaine musical, cor-
respondant rigoureusement à l'humour en
littérature, ce n'est, en aucune façon, un
genre inférieur, mais bien au contraire une
parodie line et clairvoyante de certains
opéras qui, dans bien des cas, ne manque
point de leur être supérieure.
Confondre l'opérette avec une revue de
music-hall, ce serait confondre une œuvre
humoristique avec un recueil de calem-
bours ou d'anecdotes triviales.
Je m'imagine volontiers que, pour écrire
une opérette, il faudrait trouver un maître
capable d'écrire l'un de nos plus grands
opéras et, par réaction, capable également
d'en faire la parodie, c'est-à-dire la critique,
dans ses moments de loisir. On a souvent
remarqué que le rire le meilleur et le plus
tin se produisait toujours dans les circons-
tances les plus graves et les plus ^o^ i-
nelles, et il faut une association, d'idées
èxtraordinairement opposées pour que le
rire se déclanche automatiquement d'une
façon irrésistible et sûre.
Nos compositeurs modernes auraient, je
crois, tout intérêt à le comprendre et, au
lieu d'aborder l'opérette comme une œu-
vre de laisser-aller musical et de gros rire,
de la travailler tout d'abord, comme s'il s'a-
gissait d'écrire l'opéra le plus considérable
de leur temps..
'Au surplus, il taut bien le dire, cette
incompréhension absolue de la véritable va-
leur des œuvres humoristiques n'est
qu'une des multiples conséquences de la
vague d'ennui qui, depuis quelques années,
s'est abattue sur notre littérature contem-
poraine.
A force de répéter que les œuvres fran-
çaises n'étaient point sérieuses, nos meil-
leurs auteurs ont fini par le croire. Pour
mériter l'estime de leurs concitoyens, ils
se sont affublés de fausses barbes germa-
niques et ont affecté un profond dédain rour
les œuvres de pure imagination. Lis ;.oM."s
se sont fait critiques, les compositeurs ma-
thématiciens et les romanciers sociologues.
La chronique contemporaine, vide 'et pré-
tentieuse comme un discours de réunion
publique, a résumé cette triste évolution, et
il nous faudra bien des années sans doute
pour comprendre à nouveau cette vérité qui,
jadis, enfanta des chefs-d' œuvre: c'est que
l'art, pour être utile, doit être, avant toute
chose, complètement inutile.
G: DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre Sarah-Bernhardt, répétition générale de
L'Or, pièce nouvelle en cinq actes, de
MM. René Peter et Robert Danceny.
E
ntente cordiale.
Par déférence pour la critique, le
théâtre Sarah-Bernhardt passant ce soir et
l'Odéon demain, le théâtre des Bouffes-
Parisiens remet à vendredi la première re-
présentation de Madame Bluff et à demain
jeudi, après-midi, la répétition générale.
L
ucullus dîne-t-il chez Lucullus?..
Ils sont nombreux, les auteurs
dramatiques qui vont écouter les pièces de
leurs confrères! Cependant il en est. quel-
ques-uns qui s'abstiennent presque systé-
matiquement de ce passe-temps..
Les auteurs dramatiques qu'on ne voit
presque jamais ou, du moins, que très rare-
ment aux répétitions générales sont: MM.
Victorien Sardou, Brieux, Maurice Donnay,
François de Curel, Henry Bataille et Ed-
mond Rostand; les plus assidus sont MM.
Pierre Decourcelle, Georges Feydeau et
Pierre Wolff y
L
e mariage de Carmen.
Mlle Geneviève Vix, l'exquise - ar-
tiste qui vient de chanter Carmen à 1 Ope-
ra-Comique, avec le plus grand succès,
vient-elle de se marier, oui ou non? Notre
confrère Le Figaro l'annonça dernièrement;
une revue féminine publie aujourd'hui sa
photographie en précisant qu'elle a épousé
un artiste dramatique.
On peut dire que ce « canard » vient de
loin. Cet été, Mlle Vix ayant rencontré, sur
une plage à la mode, un de nos plus sym-
pathiques Parisiens qui, accompagnant des
femmes du monde, avait salué très légère-
ment l'artiste en la rencontrant:
— Vous savez, mon cher, lui dit-elle, peu
après, vous pouvez toujours me saluer
maintenant. je suis mariée.
Et cette amusante plaisanterie s'envola
jusque dans les colonnes des Courriers de
théâtre.
Ses amis en furent émus et la mère de
la délicieuse cantatrice lui écrivit un télé-
gramme suppliant:
« Dis-moi si tu es mariée, oui ou ncn ! »
Que ses admirateurs se rassurent: elle
n'a pas encore l'intention de nous priver
du plaisir de l'entendre et de l'applaudir!
Q
ui?
Cherchez, si le cœur vous en dit,
dans quel casino le directeur, ne dédaignant
pas de se faire jouer devant son public de
baigneurs, laisse dans les termes que voici,
et en tête de ses programmes, présenter
ses pièces au public:
« La Crise d'Amour, créée au Tréteau-
Mondain, à Paris, avec un succès considé-
rable, est une œuvre de haute envergure
qui aurait dû être jouée sur une grande
scène comme le Vaudeville, le Gymnase,
voire l'Odéon, si les Fiers, Caillavet, Ca-
pus, Sacha Guitry n'accaparaient la place
pour des pièces souvent inférieures et de
qualité problématique. La Crise d'Amour a,
de plus, cet avantage qu'elle peut être vue
par tout le monde, alors que les succès pa-
risiens des auteurs précités, frisent un peu
trop la pornographie sous prétexte d'esprit
moderne et boulevardier. »
Je sais bien qu'à la place des Fiers, des
Caillavet, des Sacha Guitry et autres Ca-
pus, je serais « bigrement » embêté.
L
1 e temple est dans l'obscurité. Devant
f les colonnes oui supportent le fron-
ton, au pied des marches, on a placé des
tables et les chaises du café voisin. Elles
sont inoccupées. C'est le calme complet.
Entre les colonnes surgissent deux sil-
houettes qui s'arrêtent sur le seuil du tem-
p\e. L'une, silhouette de femme, enserrée
dans un costume tailleur, presque un cos-
tume de voyage, est coiffée d'une toque
d'où monte une plume, comme une fusée.
L'autre, silhouette d'homme, plantureuse,
solidement campée, est coiffée d'un cha-
peau de paille qui se balance en mouve-
ments approbateurs.
Les deux silhouettes se sont arrêtées.
L'heure passe; l'un après l'autre, les.
quarts sonnent. La répétition est terminée
depuis longtemps : Mlle Lavallière et M.
G.-A. de Caillavet causent toujours sur le
seuil des Variétés.
CI PAUL KT UiaattUE » :
(H. Manuel, phot.)
Mlle Angèle Pornot et M. Devriès tMr -
L
e théâtre et la vie.
4 La mort d'Arthur Ranc et celle d'Em-
manuel Arène viennent de rappeler à l'ac-
tualité la personnalité de Gambetta.
Sait-on, à ce propos, qu'il existe une
pièce de théâtre dont le principal rôle per-
sonnifie l'illustre tribun? Nous voulons par-
ler de Vallobra, le drame politique en cinq
actes du regretté Paul Alexis.
Sait-on également que cette pièce a été
reçue, trois fois différentes, par le même
directeur: M. Antoine?
Voici l'histoire: Dès que Paul Alexis eut
achevé d'écrire son œuvre, c'est-à-dire en
octobre 1895, il la lut à Antoine, à qui le
liait une-vieille camaraderie, toute la cam-
pagne du Théâtre-Libre. Antoine reçut tout
de suite la pièce, pour le jour où il diri-
gerait une scène parisienne. En attendant,
Paul Alexis soumit Vallobra à M. Albert
Carré, directeur du Vaudeville, qui lui ré-
pondit qu'il représenterait volontiers cette
œuvre puissante, « si dame Anastasie
n'existait n. Une scène du troisième acte
effarouchait, en effet, M. Carré : celle entre
Vallobra — alias Gambetta - et l'ambas-
sadeur d'Allemagne, où il est question de
la fameuse revanche à laquelle il faut pen-
ser toujours, sans en parler jamais.
Alors, Paul.Alexis, se souvenant des liens
d'amitié qui avaient uni autrefois Coquelin
au grand tribun, soumit à « Constant » sa
pièce. Mais « Constant » avait déjà dans
son tiroir Cyrano de Bergerac.
Il ne restait que la Comédie-Française,
qui n'avait pas craint de représenter Ther-
midor, une pièce politique aussi. M.
Claretie, plus encore que M. Carré, fut ef-
frayé par le côté politique de Vallobra.
Sur ces entrefaites, M. Antoine fut nom-
mé directeur de l'Odéon avec M. Paul Gi-
nisty. Sans que Paul Alexis eût besoin de
Un rappeler sa promesse, M. Antoine, qui
n'était que directeur de la scène, pressa
tout de suite son vieil ami de 'présenter
Vallobra à son co-directeur. Il paraîtrait que
la réception de Vallobra à l'Odéon fut l'oc-
casion d'un des premiers tiraillements entre
les deux directeurs. Toujours est-il, qu'An-'
toine parti, M. Ginisty ne joua jamais Val-
lobra et qu'il fut condamné à payer une
indemnité à l'auteur.
Antoine prit alors Vallobra pour son
théâtre du boulevard de Strasbourg, où,
chaque année, cet ouvrage figura sur le
programme des pièces à jouer, jusqu'à la
mort de Paul Alexis, en 1901. Depuis, il
n'en a plus été question, quoique M. An-
toine soit retourné à l'Odéon.
Pourquoi M. Gémier, en se souvenant du
succès qu'il obtint avec La Vie Publique,
d'Emile Fabre, ne représenterait-il pas Val-
lobra?
L
es brillants de taille ancienne sont épais
et carrés. Les brillants taille moderne
sont ronds et minces ; Dusausoy, expert,
4, boulevard des Italiens, achète toujours
les belles pierres. Il vend aussi de belles
occasions.
c
oncurrence. .,
Il fut autrefois, avant d'être un au-
teur dramatique ceieore, un sportsman re-
nommé. Ses couleurs étaient réputées sur
les hippodromes; des revers de fortune, des
coups malheureux à la Bourse et au bac-
cara le contraignirent à envoyer au Tatter-
sall les produits de son écurie.
Mais aujourd'hui, à la suite de quelques
gros succès, la passion du cheval l'a repris
et il vient d'offrir, nous dit-on, à Mme Su-
zanne de Binville un prix considérable pour
les huit superbes étalons noirs qu'elle mon-
tre, chaque soir, avec tant de grâce et de
eânerie, dans un music-hall parisien.
Pourquoi? Aurait-il l'intention de les
faire courir? C'est bien peu probable. Ces
huit étalons, pour noirs et superbes qu'ils
soient, sont, raconte-t-on, un cadeau d'un
opulent prince russe et n'appartiennent pas
à la noble race des pur-sang anglais.
Est-ce que M. — nous allions dire son
nom — songerait à paraître à son tour dans
quelque numéro équestre? Nous nous re-
fusons à croire qu'il essaye d'égaler Mme
de Binville.
Qui sait?. Il n'est peut-être qu'un ad-
mirateur de la jolie écuyère, qui est en
train de conquérir une très belle situation
de sportswoman.
S
ur les traces de Brummel.
Prenez à part chacun de nos auteurs
dramatiques, faites-le parler, il vous dira
inévitablement « qu'il est l'homme le mieux
habillé de Paris ».
Il n'existe pas, en effet, de profession
honnête dans laquelle les hommes aient
plus de prétentions à l'élégance.
Quels sont véritablement les mieux ha-
billés? En citer quelques-uns, serait en
offenser un si grand nombre que nous hé-
sitons à faire cette énumération.
Essayons tout de même:
Parmi les écrivains dramatiques vérita-
blement élégants, nous trouvons: M. Ed-
mond Rostand, M. Henry Bernstein, M.
Francis de Croisset, M. Pierre Wolff, M.
Fernand Vandérem..
MM. Paul Hervieu, Paul Bourget, Alfred
Capus, Miguel Zamacoïs, Henri Lavedan
s'habillent très simplement, mais avec goût.
MM. G.-A. de Caillavet, Courteline, Tris-
tan Bernard, Léon Gandillot sont plus né-
gligés dans leur mise.
Mais l'homme qui est véritablement le
mieux habillé du Paris théâtral, ce n'est
pas un auteur dramatique, c'est l'agent gé-
néral des Auteurs dramatiques: M. Robert
Gangnat. -
L
a petite Nichette. 1
r Elle fait. depuis cino ou six ans seu-
lement, partie de la « Grande Famille »,
celle que Mme Sarah Bernhardt emmène en
tournée. 1
Déjà, cependant, elle a parcouru l'Amé-
rique, l'Angleterre, bien d'autres pays en-
core. y compris le Midi-de la France.
Avec Mme Boulanger et Mlle Blanche
Defrêne, elle pourrait vous conter les vé-
ritables Mémoires de Sarah depuis ces der-
nières années.
Mais elle est réservée à la ville comme au
théâtre, où elle attend patiemment « son
tour d, ce* qui ne l'empêche pas de rem-
porter un succès très personnel lorsqu'elle
joue la petite princesse des Boxons, et
même Nichette de La Dame aux Camélias.
Il n'y a pas longtemps, elle dut mettre
nues ses épaules — très bas — pour jouer
La Courtisane de Corinthe.
Et elle eut, à ce propos, ce mot char-
mant:
(Paul Boyer et Bert. phot.)
Mlle Fernande Duo
- — Jamais je ne m'étais vue si nue au
ithéâtre; j'en étais gênée.
Mlle Fernande Duc est délicieusement
ingénue.
E
n ce moment où la réouverture de nos
théâtres amène de nombreuses •.< pre-
mi eres », combien d'artistes, même des
plus réputés, sont pris par le « trac » an-
goissant!
Ceux qui sont bien avisés — et ils sont
légion — ignorent les affres du « trac»:
ils ont, dans leur loge, une bouteille de
Dubonnet où ils puisent, au moment pro-
pre, un verre réconfortant du précieux li-
quide.
C
&n s'inquiète peu de la pluie, de la
boue, des difficultés ** de la circulation
ou de la mauvaise volonté des cochers,
quand on a la bonne fortune de posséder
une voiture Richard Unie.
Cette marque, qui réalise l'idéal moyen
de locomotion, peut prendre pour devise:
économie, souplesse, régularité.
Le Masque de Verre.
1 Le Maestro Gino Marinuzzi
e
i jiPaol Boyer et Bert. 1
Mince, svelte, semblable d'aspect à
Francis de Croisset, dont il a un peu la
physionomie, le maestro Gino Marinuzzi di-
rige les ouvrages italiens du répertoire de
l'Opéra-Comique. C'est un remarquable
chef d'orchestre de théâtre. Il conduit avec
autorité, le geste sobre et expressif, se
garde avec autant de soin de la monotone
lourdeurs et des éclats intempestifs, sur-
veille et guide à la fois ses instrumentistes
et les artistes en scène. Avec lui, rien n'est
lâché. Il préside excellemment à des exécu-
tions d'ensemble et parvient à une harmo-
nie parfaite d'interprétation. La preuve en a
été faite aux récentes représentations de
La Vie de bohème et de Madame But-
terjly. l,
Déjà réputé en Italie, le maestro Gino
Marinuzzi fit ses études musicales au Con
servatoire de Palerme, d'où il sortit, à dix-
neuf ans, avec le premier prix de composi-
tion. Il débuta dans la carrière musicale par
-la composition d'une Messe funèbre, exé-
cutée à l'occasion de la mort du roi Hum-
bert. Il fit ensuite représenter avec succès
une œuvre lyrique en trois actes, Barberine,
d'après Alfred de Musset. Actuellement, il
travaille, sur un livret de Donaoudy, à un
ouvrage dont l'action se passe au temps de
la Jacquerie. Deur actes sur, trois sont déjà
terminés.
Le maestro Gino, Marinuzzi avait vingt et
un ans quand il commença sa carrière d&
chef d'orchestre. A ce titre, il monta au pu-
pitre successivement à Rome, Gênes, Ye-
nise, Turin, Florence, Mantoue et PalermeJ
Il a dirigé tous les ouvrages du répertoires
italien; dans le répertoire français: Car
men, Werther, Faust, Samson et Dahlaj
L'Africaine, et, parmi les œuvres de Wag^f
ner: Tristan et Y solde et Lohengrin. Entrd
temps, il a fait exécuter des poèmes sym-
phoniques: Après la Victoire, La Légende:
de Noël, Andantino all Antica et une Suite.
phoniques: Après la Victoire, La Légende,
de Noël, Andantino all Antica et une Suite
Sicilienne composée sur des airs populaires.
A l'expiration, dans trois mois, de son'
engagement à l'Opéra-Comique, le maestro
Gino Marinuzzi retournera à Palerme, au
Grand-Théâtre, dont il est le directeur mu.
sical. v
Chevalier de la Couronne d'Italie et de
l'ordre des Saints Maurice et JLazare,
jeune homme de vingt-six ans est l'un des
musiciens les plus en vue de la jeune école
italienne.
GEORGES TALMONT.
LES AVANT-PREMIÈRES
M. André Rivoire i
,
auteur du "Bon Roi, Dagobert"-.
Tandis que, sur le plateau interdit au profane,
André Rivoire et M. l'administrateur regardaient
équiper la terrasse du manoir féodal où se dé-
roulera le premier acte du Bon roi Dagobert,
le sourire aimablement conventionnel de M. Du-
berry me guida vers la salle du comité de lec-
ture.
J'y devais attendre le poète..
Attente qui, d'ailleurs, fut courte et toute
peuplée d'évocations historiée-théâtrales.
C'est sur cette chaise banale de salle à man-
ger bourgeoise que se sont assis, un manuscrit
févreux entre les doigts; tous ceux dont le nom
rayonne sur les sommets de la littérature dra-
matique ; ce pendant que les graves sociétaires,
le menton aux paumes et les yeux perdus dans
une rêverie attentive, écoutaient chanter les ti-
rades en vers et pétiller les répliques de co-
médie.
Sous un globe de verre — châsse laïque -
voici la moitié d'un maxillaire inférieur, mâ-
choire édentée, effritée, lamentable, où un col-
lectionneur impie écrivit un nom : Molière.
Aux murs se fige le portrait bien sage d'Emile
Augier, en pose de gravure de modes, par « son
ami E. Dantau »; d'autres toiles encore: Une
Répétition générale au Théâtre-Français, où sont
groupées dans une demi-teinte assez heureuse
toutes les physionomies illustres d'il y a vingt
ans, depuis l'oncle Sarcey jusqu'à Meissonnier;
puis encore -une manière de pastorale amidon-
née, « don de l'empereur ».
Sur tout cela flotte comme une poussière im-
palpable et surannée qui fleure le Scribe et le
Dumas qui écrivit le Demi-Monde.
Mais voici André Rivoire, brun, jeune, mo-
deste, avenant et vêtu d'un complet de travail
où saigne un mince ruban rouge.
Le poète fume, fume et va fumer pendant
toute l'heure charmante que nous allons passer
en tête à tête. -
Une cigarette, méthodiquement, sert à rallu-
mer l'autre. Et, non moins méthodiquement, la
vapeur âcre et nocive de l'herbe à Nicot entre
par la bouche, s'engouffre"d'une aspiration au-
tomatique, dans les profondeurs des poumons
et ressort par le nez, en -courtes bouffées
égales. ",.' ,<,
* *
L'auteur du Bon Roi Dagobert a, tout en
gros, trente-six ans, et en voilà bien vingt-six
qu'en marge de son cahier d'écolier il griffonna
son premier alexandrin. Depuis lors, sans re-
lâche, avec l'avidité de la vocation vraie, le
gamin, puis l'homme s'abreuva aux flots gri-
sants de l'Hippocrène.
A dix-sept ans, Rivoire s'évadait du collège
de Vienne, dals l'Isère, où il végétait sous la
férule d'un pédant départemental, et vint à Paris
potasser « Normale-lettres ».
— J'échouai, m'avoue-t-il avec un sourire
sans amertume, et me contentai de décrocher
ma licence ès lettres; puis je m'en fus faire:
« Portez, armes! » dans une caserne lyonnaise,
et, à vingt-trois ans, je revenais à Paris pour
essayer d'y brider Pégase et d'y juguler le
succès.
L'année d'ensuite, notre pêcheur de lune en-
trait à la Revue de Paris comme secrétaire de
la rédaction. Il y est encore.
Et, des lors, les volumes de vers, tour à tour
ironiques et tendres, illustrés de jolis croquis
littéraires et débordants de psychologie inten-
sive, se succédaient, pour la joie des délicats,
sous cette plume d'artiste.
En 1895, à vingt et un ans, Rivoire nous don-
nait les Vierges, un livre tout d'azur, d'élans
sentimentaux et de rêveries planantes; puis,
quatre ans plus tard, Berthe aux grands pieds,
succession d* n imageries fantaisistes, ombres
chinoises tour à tour burlesques et attendries,
dont le Roi Dagobert évoquera, par plus d'un
point, le souvenir.
En 1900, l'Académie couronnait, du poète, le
Songe de l'Amour, et un peu plus tard le Che-
min de l'Oubli, deux volumes d'intimité dont le.
prix Archon-Despérouses récompensait et con-
sacrait l'inspiration charmante.
Au théâtre, André Rivoire donnait, en 1900, la
Peur de souffrir, dont Antoine confiait les deuJ
rôles à Dumény et à Mlle Mellot. C'était là une
comédie psychologique où l'auteur n'avait rien
sacrifié aux goûts du public. Elle connut le suc-
cès et fut reprise un an plus tard.
Puis, sous le pseudonyme de François Ver-
nayse et en collaboration avec Abel Tarride,
André Rivoire faisait représenter, aux Mathurins
et aux Capucines, deux actes: Le Coin du Feu
et Fin de vertu. , *—
Burguet, Mylo d'Arcyle, Grandval, Thomae-
sin, Pierre Achard, André Dubosc mettaient leur
souplesse de talent au service de l'inspiration
très fine et très parisienne des auteurs
A l'Odéon, en 1905, la critique .faisait un
succès à l'Ami du Ménage, qu'enlevaient de
Xî?,ve ^roV' ce pauvre Lerer, mort depuis, et
Mlle MarciIly.
Et enfin, en1905, Georges Berr, Mlles Lara
et Marie Mull, er faisaient triompher ce conte
exquis et de si délicate inspiration dont s'est
enrichi le répertoire de la Comédie-Française:
Il était une bergère.
Le vers d'André Rivoire èst simple — j'allais*
dire : naïf, mais quelle naïveté rayonnante 1 -
sans recherches, sans afféterie, sans complica-
tions de linguistique ni d'images.
- Je hais l'incompréhensible.' me déclarait
hier, le poète, tout en lançant vers le lustre dé-
doré du plafond de lourdes bouffées de sa ci-
garette. Je veux que tous mes vers, même ceux'
où la subtilité du sentiment pourrait apporter
quelque obscurité, soient compréhensibles DOUT-
tous. ,
Et, malicieusement, il ajouta:
— J'ai essayé de lire les symbolistes, 1es gâ-
cheurs de pathos, j'y ai renoncé. Ces gens-là me
sont étrangers. Et, dans la complication puérile'
de leur verbe, je ne verrai jamais qu'une ma-
nière plus ou moins habile de masquer le néant
de l'idée et l'ignorance du mécanisme proso-
dique. -
J'ai essayé d'obtenir d'André Rivoire quelques,
précisions sur ce Bon Roi Dagobert que la Co-
médie achève de répéter avec une activité flî
vreuse.
C'est après le gros succès de II était une
bergère que Georges Berr poussa le poète à
écrire une grande pièce en vers, à ériger un.
monument littéraire plus important et plus con-tr
sécrateur.
André Rivoire songea au roi Dagobert, ce per-'
sonnage falot, distrait et spirituel, qui convien-,
drait admirablement au talent, tout fait de finesse
et d'émotion, de Georges Berr
Quelques mois plus tard, il soumettait un t
scénario sommaire a M. Claretie, qui l'agréait *
et, pendant deux ans et demi, l'auteur s'attelait;
courageusement et amoureusement à la besogne
ciselait, limait une œuvre qu'il voulait déflajl K
tive; puis, une fois le dernier hémistiche polit
au goût de l'artiste, il lIsaIt son manuscrit à,
l'administrateur de la Comédie.
Immédiatement, le Bon Roi Dagobert était
mis en répétitions.
Ceci se passait en juin dernier. On interron*
pait le travail au 14 juillet pour le reprendre gu
1er septembre.
- Et voilà, conclut André Rivoire. C'est là
)
ÎLe Numéro : 5 centimes
-'tMercredi 23 Septembre 1908.
," Rédacteur en Chef: o. de PAWLOWSKI-
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA»PARIS
0
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 » 20 a
4
1 RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
i
< Adresse Télégraphique : COMŒDlA=PARIS
-ABONNEMENTS :
UN AN 6 mors
Paris et Départements : 24 fr. 12 fr.
■ Étranger 40 » 20 »
Editorial
/« C'est une bien singulière idée qu'ont
^ue nos législateurs. »
G.-D. Gédéon s'arrêta d'écrire, posa
la plume, et pensa à toute autre chose.
Il rédigeait chaque jour un éditorial
pour un grand journal de province. Il
expédiait d'ordinaire son éditorial de
Paris, avant midi, afin qu'il arrivât au
journal vers neuf heures du soir par les
soins de la poste. Un jour, Gédéon
s'aperçut qu'il gagnait deux heures en
portant son article à la gare de départ.
n'allait donc déjeuner dans les environs
de cette gare, et écrivait ses soixante li-
gnes après déjeuner.
Il répétait volontiers que son article
ne lui prenait pas plus d'un quart
d'heure. Mais un souci obsédant le han-
tait toute la matinée. Il était constam-
ment à se dire: « J'ai mon article à
faire. » D'ailleurs, il aurait eu horreur de
penser à ce qu'il mettrait dedans.» Il ne
voulait y songer qu'au moment de l'é-
crire. Et même, très souvent, il écrivait
les premières phrases sans savoir ce
qu'il dirait après. Ça viendrait en écri-
vant.
Ce jour-là, ça ne venait pas.
Il avait déchiré son papier. Car il ne
■ trouvait' pas décidément quelle était la
isingulière idée qu'avaient eue nos légis-
lateurs.
: « Le débat sur la peine de mort n'est
pas près de se terminer. »
Il avait à sa disposition des quantités
de considérations sur la peine de mort.
Mais ce jour-là, elles se présentaient
mal. Elles lui semblaient lourdes, trop
Souvent répétées.
G.-D. Gédéon avait eu, la nuit pré-
cédente, quelques heures d'ivresse un peu
fatigantes. Il avait enregistré un nombre
inusité de « promesses amoureuses)),
comme disent les romanciers galants.
Très impressionné par son record, il lui
semblait qu'il était incapable de trouver
la moindre idée. Et ce fut sans aucune
conviction qu'il commença pour la troi-
sième fois son papier.
« Une des conséquences inattendues
de l'impôt sur le revenu. »
Non, ce n'était pas possible. Toutes
les conséquences qu'il apercevait étaient
vraiment trop faciles à prévoir, pour des
conséquences inattendues.
La feuille, déchirée, alla rejoindre les
deux autres. Les aiguilles de la. pendule
avançaient terriblement vite, avec leur
air de ne pas marcher. Gédéon, en
pleine détresse, fut sauvé tout à coup
par une idée subite.
.Le dernier train-poste qui pouvait
emporter son article était à 1 heure 55.
Mais il y avait, à 6 heures 20, lin ra-
pide qui n'avait pas d' « ambulant »,
mais où l'on trouverait bien, un chef de'
train ou un chauffeur à qui l'on confie-
rait l'article. Le train n'allait pas plus
'loin que la ville en question. Le chef de
train se chargerait d'aller lui-même au
journal vers onze heures et de remettre
tout de suite l'article à la composition.
Gédéon envoya une dépêche au jour-
nal, le prévenant que le « papier » arri-
verait un peu tard. Puis il prit une voi-
ture et se fit conduire chez lui pour
dormir. Après deux ou trois heures de
sommeil, il se réveillerait régénéré. Il
n'aurait qu'à choisir rapidement une
idée ingénieuse, et à la traiter comme
elle le méritait, avec sa facilité et ,son
brio coutumiers.
Il dormit lourdement. On le réveilla,
selon ses instructions, à quatre heures et
demie. Mais la grève des idées conti-
nuait ; elles persistaient à ne pas se pré-
senter au chantier, qui restait vide et
morne. Gédéon s'était levé, lavé, pei-
gné. Il se regarda dans la glace et n'y
vit qu'une jolie tête, pas trop fatiguée
d'apparence, mais certainement vide.
'Il sortit, gagna « le boulevard», acheta
tous les journaux du soir, les parcourut
d'un bout à l'autre en une demi-minute.
Il n'y trouva rien, rien, toujours rien.
!Alors il s'en alla lentement vers le bu-
reau de poste du Grand-Hôtel.
Son parti était pris. Il télégraphierait
&u journal qu'il était souffrant. Il se fai-
sait porter malade. Et ce n'était pas une
ïrime. Il ne souffrait pas. Mais son im-
puissance cérébrale constituait vraiment
une maladie indéniable. Evidemment, la
hôte que publierait le journal ne ferait
pas bon effet. sinon sur le public, du
moins sur le directeur. Mais quoi? Il
h'y avait pas moyen de faire autrement.
Il arriva dans un bureau de poste très
encombré. Il se procura une formule.
Mais, au moment d'écrire sa dépêche, il
ne put trouver la moindre place. Vingt
personnes étaient installées au pupitre
de la poste, ou contre les tablettes, ou
Sur des coins de la petite table des té-
léphonistes.
'Une jeune femme aux bandeaux très
blonds recopiait une pièce de vers, en
strophes de dix vers chacune, qu'elle des-
tinait à un concours littéraire.
Un vieillard corpulent et qui respirait
ûvec force mettait au net toute une sé-
rie de notes recueillies l'après-midi à la
bibliothèque nationale.
, Un. jeune homme avait pris le Bottin
Ses départements et, pour son plaisir,
relevait les noms de toutes les fabriques
d'autos de la région lyonnaise.
1 - Ainsi, s'écria avec irritation Gé-
déon, voilà à quoi servent nos bureaux
de poste!. Voilà pourquoi l'administra-
tion met des plumes revêches, de l'en-
cre blanche et du buvard qui ne boit pas,
à la disposition du public!. Les gens
qui ont à écrire des dépêches pressées
pour demander une somme qui les sau-
vera de la banqueroute, ou pour appeler
un fils au chevet de sa mère, doivent at-
tendre que tous ces littérateurs aient fini
leur noble labeur. C'est un scandale
inouï que personne, que je sache, n'a
encore dénoncé!.
.Et comme, à ce moment-là, une
place, par fortune, se trouva libre, Gé-
déon s'en empara et, enfin inspiré, ré-
digea paisiblement son éditorial, cepen-
dant qu'autour de lui, dévorés d'inquié-
tude, des^hommes d'affaires aux abois,
des fils et des filles de parents malades
cherchaient un coin pour écrire, leur
formule de télégramme à la main.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain un article de
HENRY KISTEMAECKERS
Chroniques
1 Quelle que soit la valeur des efforts ac-
tuellemènt tentés pour rénover l'opérette,
il me semble que ces efforts ne sont point
toujours dirigés dans le sens qu'il faudrait.
On se figure, en effet, trop volontiers
que l'opérette n'est qu'un petit opéra-comi-
que et que l'opéra-comique, lui-même, n'est
qu'un petit opéra.
Or, cette classification hiérarchique ne
correspond en aucune façon à la réalité des
choses. *
L'opérette, dans le domaine musical, cor-
respondant rigoureusement à l'humour en
littérature, ce n'est, en aucune façon, un
genre inférieur, mais bien au contraire une
parodie line et clairvoyante de certains
opéras qui, dans bien des cas, ne manque
point de leur être supérieure.
Confondre l'opérette avec une revue de
music-hall, ce serait confondre une œuvre
humoristique avec un recueil de calem-
bours ou d'anecdotes triviales.
Je m'imagine volontiers que, pour écrire
une opérette, il faudrait trouver un maître
capable d'écrire l'un de nos plus grands
opéras et, par réaction, capable également
d'en faire la parodie, c'est-à-dire la critique,
dans ses moments de loisir. On a souvent
remarqué que le rire le meilleur et le plus
tin se produisait toujours dans les circons-
tances les plus graves et les plus ^o^ i-
nelles, et il faut une association, d'idées
èxtraordinairement opposées pour que le
rire se déclanche automatiquement d'une
façon irrésistible et sûre.
Nos compositeurs modernes auraient, je
crois, tout intérêt à le comprendre et, au
lieu d'aborder l'opérette comme une œu-
vre de laisser-aller musical et de gros rire,
de la travailler tout d'abord, comme s'il s'a-
gissait d'écrire l'opéra le plus considérable
de leur temps..
'Au surplus, il taut bien le dire, cette
incompréhension absolue de la véritable va-
leur des œuvres humoristiques n'est
qu'une des multiples conséquences de la
vague d'ennui qui, depuis quelques années,
s'est abattue sur notre littérature contem-
poraine.
A force de répéter que les œuvres fran-
çaises n'étaient point sérieuses, nos meil-
leurs auteurs ont fini par le croire. Pour
mériter l'estime de leurs concitoyens, ils
se sont affublés de fausses barbes germa-
niques et ont affecté un profond dédain rour
les œuvres de pure imagination. Lis ;.oM."s
se sont fait critiques, les compositeurs ma-
thématiciens et les romanciers sociologues.
La chronique contemporaine, vide 'et pré-
tentieuse comme un discours de réunion
publique, a résumé cette triste évolution, et
il nous faudra bien des années sans doute
pour comprendre à nouveau cette vérité qui,
jadis, enfanta des chefs-d' œuvre: c'est que
l'art, pour être utile, doit être, avant toute
chose, complètement inutile.
G: DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre Sarah-Bernhardt, répétition générale de
L'Or, pièce nouvelle en cinq actes, de
MM. René Peter et Robert Danceny.
E
ntente cordiale.
Par déférence pour la critique, le
théâtre Sarah-Bernhardt passant ce soir et
l'Odéon demain, le théâtre des Bouffes-
Parisiens remet à vendredi la première re-
présentation de Madame Bluff et à demain
jeudi, après-midi, la répétition générale.
L
ucullus dîne-t-il chez Lucullus?..
Ils sont nombreux, les auteurs
dramatiques qui vont écouter les pièces de
leurs confrères! Cependant il en est. quel-
ques-uns qui s'abstiennent presque systé-
matiquement de ce passe-temps..
Les auteurs dramatiques qu'on ne voit
presque jamais ou, du moins, que très rare-
ment aux répétitions générales sont: MM.
Victorien Sardou, Brieux, Maurice Donnay,
François de Curel, Henry Bataille et Ed-
mond Rostand; les plus assidus sont MM.
Pierre Decourcelle, Georges Feydeau et
Pierre Wolff y
L
e mariage de Carmen.
Mlle Geneviève Vix, l'exquise - ar-
tiste qui vient de chanter Carmen à 1 Ope-
ra-Comique, avec le plus grand succès,
vient-elle de se marier, oui ou non? Notre
confrère Le Figaro l'annonça dernièrement;
une revue féminine publie aujourd'hui sa
photographie en précisant qu'elle a épousé
un artiste dramatique.
On peut dire que ce « canard » vient de
loin. Cet été, Mlle Vix ayant rencontré, sur
une plage à la mode, un de nos plus sym-
pathiques Parisiens qui, accompagnant des
femmes du monde, avait salué très légère-
ment l'artiste en la rencontrant:
— Vous savez, mon cher, lui dit-elle, peu
après, vous pouvez toujours me saluer
maintenant. je suis mariée.
Et cette amusante plaisanterie s'envola
jusque dans les colonnes des Courriers de
théâtre.
Ses amis en furent émus et la mère de
la délicieuse cantatrice lui écrivit un télé-
gramme suppliant:
« Dis-moi si tu es mariée, oui ou ncn ! »
Que ses admirateurs se rassurent: elle
n'a pas encore l'intention de nous priver
du plaisir de l'entendre et de l'applaudir!
Q
ui?
Cherchez, si le cœur vous en dit,
dans quel casino le directeur, ne dédaignant
pas de se faire jouer devant son public de
baigneurs, laisse dans les termes que voici,
et en tête de ses programmes, présenter
ses pièces au public:
« La Crise d'Amour, créée au Tréteau-
Mondain, à Paris, avec un succès considé-
rable, est une œuvre de haute envergure
qui aurait dû être jouée sur une grande
scène comme le Vaudeville, le Gymnase,
voire l'Odéon, si les Fiers, Caillavet, Ca-
pus, Sacha Guitry n'accaparaient la place
pour des pièces souvent inférieures et de
qualité problématique. La Crise d'Amour a,
de plus, cet avantage qu'elle peut être vue
par tout le monde, alors que les succès pa-
risiens des auteurs précités, frisent un peu
trop la pornographie sous prétexte d'esprit
moderne et boulevardier. »
Je sais bien qu'à la place des Fiers, des
Caillavet, des Sacha Guitry et autres Ca-
pus, je serais « bigrement » embêté.
L
1 e temple est dans l'obscurité. Devant
f les colonnes oui supportent le fron-
ton, au pied des marches, on a placé des
tables et les chaises du café voisin. Elles
sont inoccupées. C'est le calme complet.
Entre les colonnes surgissent deux sil-
houettes qui s'arrêtent sur le seuil du tem-
p\e. L'une, silhouette de femme, enserrée
dans un costume tailleur, presque un cos-
tume de voyage, est coiffée d'une toque
d'où monte une plume, comme une fusée.
L'autre, silhouette d'homme, plantureuse,
solidement campée, est coiffée d'un cha-
peau de paille qui se balance en mouve-
ments approbateurs.
Les deux silhouettes se sont arrêtées.
L'heure passe; l'un après l'autre, les.
quarts sonnent. La répétition est terminée
depuis longtemps : Mlle Lavallière et M.
G.-A. de Caillavet causent toujours sur le
seuil des Variétés.
CI PAUL KT UiaattUE » :
(H. Manuel, phot.)
Mlle Angèle Pornot et M. Devriès tMr -
L
e théâtre et la vie.
4 La mort d'Arthur Ranc et celle d'Em-
manuel Arène viennent de rappeler à l'ac-
tualité la personnalité de Gambetta.
Sait-on, à ce propos, qu'il existe une
pièce de théâtre dont le principal rôle per-
sonnifie l'illustre tribun? Nous voulons par-
ler de Vallobra, le drame politique en cinq
actes du regretté Paul Alexis.
Sait-on également que cette pièce a été
reçue, trois fois différentes, par le même
directeur: M. Antoine?
Voici l'histoire: Dès que Paul Alexis eut
achevé d'écrire son œuvre, c'est-à-dire en
octobre 1895, il la lut à Antoine, à qui le
liait une-vieille camaraderie, toute la cam-
pagne du Théâtre-Libre. Antoine reçut tout
de suite la pièce, pour le jour où il diri-
gerait une scène parisienne. En attendant,
Paul Alexis soumit Vallobra à M. Albert
Carré, directeur du Vaudeville, qui lui ré-
pondit qu'il représenterait volontiers cette
œuvre puissante, « si dame Anastasie
n'existait n. Une scène du troisième acte
effarouchait, en effet, M. Carré : celle entre
Vallobra — alias Gambetta - et l'ambas-
sadeur d'Allemagne, où il est question de
la fameuse revanche à laquelle il faut pen-
ser toujours, sans en parler jamais.
Alors, Paul.Alexis, se souvenant des liens
d'amitié qui avaient uni autrefois Coquelin
au grand tribun, soumit à « Constant » sa
pièce. Mais « Constant » avait déjà dans
son tiroir Cyrano de Bergerac.
Il ne restait que la Comédie-Française,
qui n'avait pas craint de représenter Ther-
midor, une pièce politique aussi. M.
Claretie, plus encore que M. Carré, fut ef-
frayé par le côté politique de Vallobra.
Sur ces entrefaites, M. Antoine fut nom-
mé directeur de l'Odéon avec M. Paul Gi-
nisty. Sans que Paul Alexis eût besoin de
Un rappeler sa promesse, M. Antoine, qui
n'était que directeur de la scène, pressa
tout de suite son vieil ami de 'présenter
Vallobra à son co-directeur. Il paraîtrait que
la réception de Vallobra à l'Odéon fut l'oc-
casion d'un des premiers tiraillements entre
les deux directeurs. Toujours est-il, qu'An-'
toine parti, M. Ginisty ne joua jamais Val-
lobra et qu'il fut condamné à payer une
indemnité à l'auteur.
Antoine prit alors Vallobra pour son
théâtre du boulevard de Strasbourg, où,
chaque année, cet ouvrage figura sur le
programme des pièces à jouer, jusqu'à la
mort de Paul Alexis, en 1901. Depuis, il
n'en a plus été question, quoique M. An-
toine soit retourné à l'Odéon.
Pourquoi M. Gémier, en se souvenant du
succès qu'il obtint avec La Vie Publique,
d'Emile Fabre, ne représenterait-il pas Val-
lobra?
L
es brillants de taille ancienne sont épais
et carrés. Les brillants taille moderne
sont ronds et minces ; Dusausoy, expert,
4, boulevard des Italiens, achète toujours
les belles pierres. Il vend aussi de belles
occasions.
c
oncurrence. .,
Il fut autrefois, avant d'être un au-
teur dramatique ceieore, un sportsman re-
nommé. Ses couleurs étaient réputées sur
les hippodromes; des revers de fortune, des
coups malheureux à la Bourse et au bac-
cara le contraignirent à envoyer au Tatter-
sall les produits de son écurie.
Mais aujourd'hui, à la suite de quelques
gros succès, la passion du cheval l'a repris
et il vient d'offrir, nous dit-on, à Mme Su-
zanne de Binville un prix considérable pour
les huit superbes étalons noirs qu'elle mon-
tre, chaque soir, avec tant de grâce et de
eânerie, dans un music-hall parisien.
Pourquoi? Aurait-il l'intention de les
faire courir? C'est bien peu probable. Ces
huit étalons, pour noirs et superbes qu'ils
soient, sont, raconte-t-on, un cadeau d'un
opulent prince russe et n'appartiennent pas
à la noble race des pur-sang anglais.
Est-ce que M. — nous allions dire son
nom — songerait à paraître à son tour dans
quelque numéro équestre? Nous nous re-
fusons à croire qu'il essaye d'égaler Mme
de Binville.
Qui sait?. Il n'est peut-être qu'un ad-
mirateur de la jolie écuyère, qui est en
train de conquérir une très belle situation
de sportswoman.
S
ur les traces de Brummel.
Prenez à part chacun de nos auteurs
dramatiques, faites-le parler, il vous dira
inévitablement « qu'il est l'homme le mieux
habillé de Paris ».
Il n'existe pas, en effet, de profession
honnête dans laquelle les hommes aient
plus de prétentions à l'élégance.
Quels sont véritablement les mieux ha-
billés? En citer quelques-uns, serait en
offenser un si grand nombre que nous hé-
sitons à faire cette énumération.
Essayons tout de même:
Parmi les écrivains dramatiques vérita-
blement élégants, nous trouvons: M. Ed-
mond Rostand, M. Henry Bernstein, M.
Francis de Croisset, M. Pierre Wolff, M.
Fernand Vandérem..
MM. Paul Hervieu, Paul Bourget, Alfred
Capus, Miguel Zamacoïs, Henri Lavedan
s'habillent très simplement, mais avec goût.
MM. G.-A. de Caillavet, Courteline, Tris-
tan Bernard, Léon Gandillot sont plus né-
gligés dans leur mise.
Mais l'homme qui est véritablement le
mieux habillé du Paris théâtral, ce n'est
pas un auteur dramatique, c'est l'agent gé-
néral des Auteurs dramatiques: M. Robert
Gangnat. -
L
a petite Nichette. 1
r Elle fait. depuis cino ou six ans seu-
lement, partie de la « Grande Famille »,
celle que Mme Sarah Bernhardt emmène en
tournée. 1
Déjà, cependant, elle a parcouru l'Amé-
rique, l'Angleterre, bien d'autres pays en-
core. y compris le Midi-de la France.
Avec Mme Boulanger et Mlle Blanche
Defrêne, elle pourrait vous conter les vé-
ritables Mémoires de Sarah depuis ces der-
nières années.
Mais elle est réservée à la ville comme au
théâtre, où elle attend patiemment « son
tour d, ce* qui ne l'empêche pas de rem-
porter un succès très personnel lorsqu'elle
joue la petite princesse des Boxons, et
même Nichette de La Dame aux Camélias.
Il n'y a pas longtemps, elle dut mettre
nues ses épaules — très bas — pour jouer
La Courtisane de Corinthe.
Et elle eut, à ce propos, ce mot char-
mant:
(Paul Boyer et Bert. phot.)
Mlle Fernande Duo
- — Jamais je ne m'étais vue si nue au
ithéâtre; j'en étais gênée.
Mlle Fernande Duc est délicieusement
ingénue.
E
n ce moment où la réouverture de nos
théâtres amène de nombreuses •.< pre-
mi eres », combien d'artistes, même des
plus réputés, sont pris par le « trac » an-
goissant!
Ceux qui sont bien avisés — et ils sont
légion — ignorent les affres du « trac»:
ils ont, dans leur loge, une bouteille de
Dubonnet où ils puisent, au moment pro-
pre, un verre réconfortant du précieux li-
quide.
C
&n s'inquiète peu de la pluie, de la
boue, des difficultés ** de la circulation
ou de la mauvaise volonté des cochers,
quand on a la bonne fortune de posséder
une voiture Richard Unie.
Cette marque, qui réalise l'idéal moyen
de locomotion, peut prendre pour devise:
économie, souplesse, régularité.
Le Masque de Verre.
1 Le Maestro Gino Marinuzzi
e
i jiPaol Boyer et Bert. 1
Mince, svelte, semblable d'aspect à
Francis de Croisset, dont il a un peu la
physionomie, le maestro Gino Marinuzzi di-
rige les ouvrages italiens du répertoire de
l'Opéra-Comique. C'est un remarquable
chef d'orchestre de théâtre. Il conduit avec
autorité, le geste sobre et expressif, se
garde avec autant de soin de la monotone
lourdeurs et des éclats intempestifs, sur-
veille et guide à la fois ses instrumentistes
et les artistes en scène. Avec lui, rien n'est
lâché. Il préside excellemment à des exécu-
tions d'ensemble et parvient à une harmo-
nie parfaite d'interprétation. La preuve en a
été faite aux récentes représentations de
La Vie de bohème et de Madame But-
terjly. l,
Déjà réputé en Italie, le maestro Gino
Marinuzzi fit ses études musicales au Con
servatoire de Palerme, d'où il sortit, à dix-
neuf ans, avec le premier prix de composi-
tion. Il débuta dans la carrière musicale par
-la composition d'une Messe funèbre, exé-
cutée à l'occasion de la mort du roi Hum-
bert. Il fit ensuite représenter avec succès
une œuvre lyrique en trois actes, Barberine,
d'après Alfred de Musset. Actuellement, il
travaille, sur un livret de Donaoudy, à un
ouvrage dont l'action se passe au temps de
la Jacquerie. Deur actes sur, trois sont déjà
terminés.
Le maestro Gino, Marinuzzi avait vingt et
un ans quand il commença sa carrière d&
chef d'orchestre. A ce titre, il monta au pu-
pitre successivement à Rome, Gênes, Ye-
nise, Turin, Florence, Mantoue et PalermeJ
Il a dirigé tous les ouvrages du répertoires
italien; dans le répertoire français: Car
men, Werther, Faust, Samson et Dahlaj
L'Africaine, et, parmi les œuvres de Wag^f
ner: Tristan et Y solde et Lohengrin. Entrd
temps, il a fait exécuter des poèmes sym-
phoniques: Après la Victoire, La Légende:
de Noël, Andantino all Antica et une Suite.
phoniques: Après la Victoire, La Légende,
de Noël, Andantino all Antica et une Suite
Sicilienne composée sur des airs populaires.
A l'expiration, dans trois mois, de son'
engagement à l'Opéra-Comique, le maestro
Gino Marinuzzi retournera à Palerme, au
Grand-Théâtre, dont il est le directeur mu.
sical. v
Chevalier de la Couronne d'Italie et de
l'ordre des Saints Maurice et JLazare,
jeune homme de vingt-six ans est l'un des
musiciens les plus en vue de la jeune école
italienne.
GEORGES TALMONT.
LES AVANT-PREMIÈRES
M. André Rivoire i
,
auteur du "Bon Roi, Dagobert"-.
Tandis que, sur le plateau interdit au profane,
André Rivoire et M. l'administrateur regardaient
équiper la terrasse du manoir féodal où se dé-
roulera le premier acte du Bon roi Dagobert,
le sourire aimablement conventionnel de M. Du-
berry me guida vers la salle du comité de lec-
ture.
J'y devais attendre le poète..
Attente qui, d'ailleurs, fut courte et toute
peuplée d'évocations historiée-théâtrales.
C'est sur cette chaise banale de salle à man-
ger bourgeoise que se sont assis, un manuscrit
févreux entre les doigts; tous ceux dont le nom
rayonne sur les sommets de la littérature dra-
matique ; ce pendant que les graves sociétaires,
le menton aux paumes et les yeux perdus dans
une rêverie attentive, écoutaient chanter les ti-
rades en vers et pétiller les répliques de co-
médie.
Sous un globe de verre — châsse laïque -
voici la moitié d'un maxillaire inférieur, mâ-
choire édentée, effritée, lamentable, où un col-
lectionneur impie écrivit un nom : Molière.
Aux murs se fige le portrait bien sage d'Emile
Augier, en pose de gravure de modes, par « son
ami E. Dantau »; d'autres toiles encore: Une
Répétition générale au Théâtre-Français, où sont
groupées dans une demi-teinte assez heureuse
toutes les physionomies illustres d'il y a vingt
ans, depuis l'oncle Sarcey jusqu'à Meissonnier;
puis encore -une manière de pastorale amidon-
née, « don de l'empereur ».
Sur tout cela flotte comme une poussière im-
palpable et surannée qui fleure le Scribe et le
Dumas qui écrivit le Demi-Monde.
Mais voici André Rivoire, brun, jeune, mo-
deste, avenant et vêtu d'un complet de travail
où saigne un mince ruban rouge.
Le poète fume, fume et va fumer pendant
toute l'heure charmante que nous allons passer
en tête à tête. -
Une cigarette, méthodiquement, sert à rallu-
mer l'autre. Et, non moins méthodiquement, la
vapeur âcre et nocive de l'herbe à Nicot entre
par la bouche, s'engouffre"d'une aspiration au-
tomatique, dans les profondeurs des poumons
et ressort par le nez, en -courtes bouffées
égales. ",.' ,<,
* *
L'auteur du Bon Roi Dagobert a, tout en
gros, trente-six ans, et en voilà bien vingt-six
qu'en marge de son cahier d'écolier il griffonna
son premier alexandrin. Depuis lors, sans re-
lâche, avec l'avidité de la vocation vraie, le
gamin, puis l'homme s'abreuva aux flots gri-
sants de l'Hippocrène.
A dix-sept ans, Rivoire s'évadait du collège
de Vienne, dals l'Isère, où il végétait sous la
férule d'un pédant départemental, et vint à Paris
potasser « Normale-lettres ».
— J'échouai, m'avoue-t-il avec un sourire
sans amertume, et me contentai de décrocher
ma licence ès lettres; puis je m'en fus faire:
« Portez, armes! » dans une caserne lyonnaise,
et, à vingt-trois ans, je revenais à Paris pour
essayer d'y brider Pégase et d'y juguler le
succès.
L'année d'ensuite, notre pêcheur de lune en-
trait à la Revue de Paris comme secrétaire de
la rédaction. Il y est encore.
Et, des lors, les volumes de vers, tour à tour
ironiques et tendres, illustrés de jolis croquis
littéraires et débordants de psychologie inten-
sive, se succédaient, pour la joie des délicats,
sous cette plume d'artiste.
En 1895, à vingt et un ans, Rivoire nous don-
nait les Vierges, un livre tout d'azur, d'élans
sentimentaux et de rêveries planantes; puis,
quatre ans plus tard, Berthe aux grands pieds,
succession d* n imageries fantaisistes, ombres
chinoises tour à tour burlesques et attendries,
dont le Roi Dagobert évoquera, par plus d'un
point, le souvenir.
En 1900, l'Académie couronnait, du poète, le
Songe de l'Amour, et un peu plus tard le Che-
min de l'Oubli, deux volumes d'intimité dont le.
prix Archon-Despérouses récompensait et con-
sacrait l'inspiration charmante.
Au théâtre, André Rivoire donnait, en 1900, la
Peur de souffrir, dont Antoine confiait les deuJ
rôles à Dumény et à Mlle Mellot. C'était là une
comédie psychologique où l'auteur n'avait rien
sacrifié aux goûts du public. Elle connut le suc-
cès et fut reprise un an plus tard.
Puis, sous le pseudonyme de François Ver-
nayse et en collaboration avec Abel Tarride,
André Rivoire faisait représenter, aux Mathurins
et aux Capucines, deux actes: Le Coin du Feu
et Fin de vertu. , *—
Burguet, Mylo d'Arcyle, Grandval, Thomae-
sin, Pierre Achard, André Dubosc mettaient leur
souplesse de talent au service de l'inspiration
très fine et très parisienne des auteurs
A l'Odéon, en 1905, la critique .faisait un
succès à l'Ami du Ménage, qu'enlevaient de
Xî?,ve ^roV' ce pauvre Lerer, mort depuis, et
Mlle MarciIly.
Et enfin, en1905, Georges Berr, Mlles Lara
et Marie Mull, er faisaient triompher ce conte
exquis et de si délicate inspiration dont s'est
enrichi le répertoire de la Comédie-Française:
Il était une bergère.
Le vers d'André Rivoire èst simple — j'allais*
dire : naïf, mais quelle naïveté rayonnante 1 -
sans recherches, sans afféterie, sans complica-
tions de linguistique ni d'images.
- Je hais l'incompréhensible.' me déclarait
hier, le poète, tout en lançant vers le lustre dé-
doré du plafond de lourdes bouffées de sa ci-
garette. Je veux que tous mes vers, même ceux'
où la subtilité du sentiment pourrait apporter
quelque obscurité, soient compréhensibles DOUT-
tous. ,
Et, malicieusement, il ajouta:
— J'ai essayé de lire les symbolistes, 1es gâ-
cheurs de pathos, j'y ai renoncé. Ces gens-là me
sont étrangers. Et, dans la complication puérile'
de leur verbe, je ne verrai jamais qu'une ma-
nière plus ou moins habile de masquer le néant
de l'idée et l'ignorance du mécanisme proso-
dique. -
J'ai essayé d'obtenir d'André Rivoire quelques,
précisions sur ce Bon Roi Dagobert que la Co-
médie achève de répéter avec une activité flî
vreuse.
C'est après le gros succès de II était une
bergère que Georges Berr poussa le poète à
écrire une grande pièce en vers, à ériger un.
monument littéraire plus important et plus con-tr
sécrateur.
André Rivoire songea au roi Dagobert, ce per-'
sonnage falot, distrait et spirituel, qui convien-,
drait admirablement au talent, tout fait de finesse
et d'émotion, de Georges Berr
Quelques mois plus tard, il soumettait un t
scénario sommaire a M. Claretie, qui l'agréait *
et, pendant deux ans et demi, l'auteur s'attelait;
courageusement et amoureusement à la besogne
ciselait, limait une œuvre qu'il voulait déflajl K
tive; puis, une fois le dernier hémistiche polit
au goût de l'artiste, il lIsaIt son manuscrit à,
l'administrateur de la Comédie.
Immédiatement, le Bon Roi Dagobert était
mis en répétitions.
Ceci se passait en juin dernier. On interron*
pait le travail au 14 juillet pour le reprendre gu
1er septembre.
- Et voilà, conclut André Rivoire. C'est là
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