Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-09-15
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 septembre 1908 15 septembre 1908
Description : 1908/09/15 (A2,N351). 1908/09/15 (A2,N351).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646005w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2 'Année. «• N0 351 (Quotidien') LeNuméro: S centimes --
Marat 15 Septembre 1908.,
COMCEDIA
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKi
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS;
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 9
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 *>
AVENTURES DE BETTINE
Un Comique
Bettine, ayant repris haleine, poursui-
vit en ces termes le récit de ses aven-
tures :
— J'étais donc tapie dans l'ombre
Id'une colonne, et j'assistais à un spec-
tacle qui me payait bien, je vous prie de
le croire, des mille émotions que je ve-
nais d'éprouver. Toutes ces femmes qui,
un instant auparavant, demandaient ma
mort, subissaient à présent un sort, qu'il
est convenu de juger mille fois plus af-
freux que le trépas, et les Tarquin de
ces Lucrèce ne faisaient rien pour leur
en adoucir l'horreur. Il me sembla,
d'ailleurs, qu'elles s'y prêtaient avec
toute la bonne grâce que l'inattendu de
l'aventure leur permettait. Quant aux
moines, leurs dociles instruments, les
uns se débattaient dans les convulsions
de leurs mortelles blessures ; les autres,
liés comme des volailles qu'on envoie
au marché, attendaient dans l'angoisse
ce que leurs vainqueurs décideraient
d'eux, quand ils en auraient le loisir.
» J'aurais même beaucoup ri de ce
changement de fortune, si je n'avais eu
à me demander ce qui adviendrait de
moi, quand on me découvrirait. Ai-je dit
que la plupart des assaillants étaient
des nègres hideux qui m'inspiraient en-
core plus de dégoût que d'effroi?
Tout à coup, une main s'abattit sur.
mon épaule. Je fermai les yeux. Une se-
tousse violente me jeta sur le dos, d'a-
genouillée que j'étais. Je crus l'heure ve-
nue. Mais non. Une seconde se passa,
puis je sentis qu'on approchait une tor-
che de mon visage et, soudain, une voix
décria:
— « Qu'est-ce que tu fais là, toi? »
» Une voix qui parlait français!
» Je pensai un moment que c'était M.
de Mevil, qui, las de la piraterie sur
mer, exerçait maintenant son état en
terre ferme. J'ouvris les yeux. Ce n e-
tait pas lui. C'était, je le reconnus,
malgré son turban, sa longue barbe et
quelques autres agréments, c'était Blanc-
villain, un comédien de notre troupe, qui
s'était battu comme un lion lors de la
prise de iagalère et que je croyais
avoir vu périr sous un inouctati- d'en-
nemis.
» J'en demeurais stupide. Blancvillain
continua:
- » C'est idiot de se fourrer dans
des endroits pareils! A-t-on idée! Je
sa4s bien que tu n'as jamais pu rester à
ta place! Mais ici, il pourrait t'arriver
du mal! Et dans ce costume! Si M. le
lieutenant de police te voyait, il t'enver-
rait aux Petites Maisons !
» Il disait cela de ce ton mi-plaisant-
mi-sévère qui lui avait valu ses succès.
» Vous avez connu Blancvillain, qui
jouait les confidents de tragédie et les
valets de comédie? Vous vous rappelez
son grand corps maigre qui n'en finis-
sait plus, sa grosse tête qui semblait trop
lourde pour ses épaules, et son air triste
qui rendait plus comique les saillies qu'il
lançait d'une voix tantôt caverneuse tan-
tôt ridiculement nasillarde. Il avait
longtemps fait les capitans dans des trou-
pes de foire et ne s'était décidé à quit-
ter la farce que parce que ce genre, di-
sait-il, perdait de sa verdeur gauloise et
se laissait envahir par les préciosités ita-
liennes.
» Il continua de me gourmander,
comme il l'eût fait si j'avais manqué.
mon entrée sur le théâtre, paraissant
aussi peu se soucier de ce qui se passait
autour de nous que si c'avaient été fa-
riboles de comparses, combat de grotes-
ques au milieu de ruines en toile peinte
avec des armes de carton et du sang ti-
ré de vessies de pourceaux.
» Je n'en pouvais croire mes yeux ni
mes oreilles, et pourtant c'était bien lui,
oui, mais il avait quelque chose de chan-
gé: il n'avait plus l'air triste et, un mo-
ment, je pensai que c'était son nouveau
métier qui l'amusait plus que l'ancien,
mais je ne tardai pas à découvrir qu'il
n'avait plus l'air triste à cause de deux
grandes cicatrices qui lui tailladaient la
figure, l'une ayant entamé le nez dont
elle ne laissait qu'une sorte de petite
boule rougeaude parfaitement plaisante ;
l'autre qui, coupant la joue gauche, avait
élargi, de ce côté, sa bouche, en sorte
qu'elle semblait toujours dilatée par le
rire.
» Il prit enfin un air plus grave, en
ayant soin de ne me présenter, que la
joue droite, et me dit, du ton noble de
la tragédie :
— » Quittons ces lieux, madame, où
l'on peut vous surprendre ! »
- » C'est un vers, ajouta-t-il; je le
donnerai à M. Pradon. »
» Puis, il m'entraîna, il m'emporta
plutôt par les corridors qui menaient à
la sortie. Avant d'y parvenir, il dépouil-
la de sa robe un cadavre de moine qu'il
heurta du pied et me la jeta sur les
épaules, disant:
— » Couvrez ce sein, que je ne sau-
rais voir! »
» Je n'avais pas encore desserré les
lèvres, tant la surprise m'anéantissait.
Mais, une fois hors du temple, je retrou-
vai le souffle et remerciai chaudement
mon camarade de cette attention.
» Ah! cher Blancvillain. lui dis-je,
que je suis aise de te voir! Ainsi donc,
Je me retrouve de nouveau devant un
homme de ma patrie, moi qui me
croyais destinée à n'en plus connaître
jamais que le souvenir. Ainsi donc, tous
mes compagnons n'ont pas péri, et je
puis espérer que d'autres comme toi ont
échappé aux coups de ces affreux pira-
tes. Que béni soit le ciel!.
» Pour la première fois, je crois, de-
puis mon départ de Marseille, je sentis
mes yeux pleins de larmes. je jetai mes
bras au cou de Blancvillain, et couvris
son visage grimaçant de baisers. Ses
joues avaient un goût salé. Ce n'était
pas le fard. Le brave garçon pleurait
aussi. Nous fûmes plusieurs minutes à
nous remettre. Il répétait en hoquetant:
— » Ah ! ma petite Bettine ! ma petite
Bettine! moi qui te croyais morte,
quelle surprise, quelle bonne surprise!.
Mais, par lés tripes de Maître Gautier-
Garguille, roi de la farce, m'explique-
ras-tu enfin ce que tu faisais ici quand
je suis arrivé avec mes noirauds?
- » J'attendais que ces moines eus-
sent fini de décider, en se battant, lequel
serait mon amant.
- « Voyez-vous ces coquins! dit-il;
ceux qui ne sont pas morts connaîtront
mon bâton! »
- » Mais toi-même, repris-je, m'ap-
prendras-tu par quel prodige je te ren-
contre en cette terre sauvage au milieu
de guerriers qui m'ont tout l'air de vrais
brigands? »
— )> je pourrais te répondre que je ne
me suis engagé dans leur troupe que pour
venir te délivrer des mains de ces moines
outrecuidants. Peut-être ne le croirais-tu
pas? Tu aurais raison; le diable m'em-
porte si je pensais que tu fusses encore
en vie!. »
» Il s'interrompit pour faire une ré-
flexion philosophique, car il avait tou-
jours été grand disputeur.
— » Ah ! dit-il, comme le monde est
petit! On nous parle de l'immensité!.
On ne peut pas faire deux pas sans se
retrouver en pays de connaissance.
Voici l'Afrique barbare. On s'y croirait
au Marais, tant on y rencontre de co-
médiens et de comédiennes. Je ne nous
donne pas trois mois que nous n'ayons
trouvé de quoi former une troupe et
jouer le répertoire ! »
Paul DOLLFUS,
fions publierons âmâirt un articie â*
twsfrAN ËÉRNÂRiï > ■
Communiqués
Sans vouloir prendre parti dans l'affaire
de l'Ambigu, il me semble posé, dès main-
tenant, que les dirigeants de ce théâtre pa-
raissent véritablement trop exigeants à
l'égard de leur personnel. Si, après ce qui
s'est passé l'autre soir, ils ne sont pas con-
tents de leur Chef de Publicité et s'ils per-
sistent à le renvoyer, il faut avouer qu'ils
y mettront un évident parti pris. Pendant
plusieurs jours, tous les journaux de France
et de l'étranger n'auront parlé que de l'Am-
bigu, et c'est à peine si l'on songe aujour-
d'hui qu'il existe d'autres théâtres à Paris.
Et cela sans bourse délier, ce qui, pour une
Société qui cherche à se remonter, est
toujours particulièrement appréciable.
Du reste, il faut bien en convenir, M.
Stien, tout en reconnaissant ses qualités .ex-
ceptionnelles de chef de publicité, ne pa-
raît pas avoir complètement innové en la
matière. Au point où l'on en est, son geste'
ne saurait étonner ceux qui lisent, chaquei
jour, les communiqués de certains théâtres
A Paris, les termes admiratifs dm
vocabulaire français ayant été épuisés en-
tièrement dans les communiqués, il faut re-
courir aux faits pour attirer un peu l'atten-
tion du public, et tous les moyens pour y
arriver sont bons.
Il faut, de toute nécessité, pour lancer
une pièce, la faire interdire, insinuer avec
d'innombrables sous-entendus, qu'elle est
essentiellement immorale ou malsaine; et,
dans un avenir très rapproché, le Théâtre-
Français sera contraint lui-même de re-
courir à de tels procédés pour taire accep-
ter Molière. On jouera Tartufe à huis clos,
à cause d'une certaine scène dont les com-,
muniqués parleront discrètement en don-
nant seulement la photographie du mou-
choir derrière lequel il se passera quelque
chose.
D'une façon générale, les interprètes doi-
vent recourir aux mêmes procédés. Deux
jours avant la première, il est indispensable
qu'on les retrouve mystérieusement éva-
nouis dans leur loge ou, plus communé-
.ment, qu'on leur dérobe une rivière de
diamants valant quelques millions.
La préfecture de police, en pareille cir-
constance, fait une sérieuse concurrence à
nos meilleures agences de publicité, et les
services qu'elle rend inconsciemment aux
théâtres sont incalculables.
M. Stien, sans doute affolé par les mer-
veilleuses inventions de ses confrères, et
inis en demeure de montrer ses capacités,
n'avait plus d'autre ressource que de faire
ce qu'il a tait. Je ne pense pas qu'il soit, à
Paris, un chef de publicité sérieux pour lui
jeter la première pierre.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures, au Théâtre-Lyri-
que municipal de la Gaité, première repré-
sentation de Paul et Virginie, opéra-comi-
que en quatre actes et sept tableaux, de Ju-
les Barbier et Michel Carré, musique de
Victor Massé.
Ce soir, à huit heures et demie, aux
Folies-Dramatiques, première représentation
.dd.»Am'zelle Trompette, opérette en trois
i
actes de MM. Maurice Desvallières et Paul
Moncousin, musique de M. Hirlemann.
On commencera par Les Quinze Mille,
vaudeville en un acte, de MM. E. Dupont
et Félix Chapiseau.
Les dames sont priées de venir sans cha-
peau à l'orchestre et au balcon.
c
'est la mode nouvelle.
Le bruit court qu'un de nos plus
sympathiques artistes, M. Synès, qui - fut,
tour à tour, pensionnaire de l'Odéon, du
Gymnase, des Variétés et, enfin, de l'Am-
bigu, songerait à quitter le théâtre pour
faire de l'aviation.
M. Synès, qui fut un des automobilistes
de la première heure, se sent une irrésis-
tible vocation pour le vol plané. Nul doute
qu'il n'y réussisse complètement.
Il nous souvient, d'ailleurs, que, dans La
Conquête de l'air, Synès jouait avec un
naturel parfait, le rôle de. M. Ernest Arch-
deacon, un des promoteurs et des mécènes
du sport qui essaye ses premiers vols un
peu de tous côtés.
Souhaitons pour l'aviation que Synès lui
apporte sa jeunesse, son énergie, son sang-
froid et sa science mécanique,, mais regret-
tons pour le théâtre le départ d'un artiste
à qui la scène n'a cependant paâ encore
dit adieu.
p
i inkiana !
.C'est le titre - imprime en ca-
ractères gras — sous lequel un grand jour-
nal d'Italie vient de faire un sort — et un
tour pendable — au persifleur de « l'arri-
visme » de Gabriele d'Annunzio (« Les
dieux s'en vont, d'Annunzio reste », par
,F.-T. Marinetti). Suivait un télégramme
ainsi conçu : « Aujourd'hui, à l'Eden, en pré-
sence grand nombre automobilistes, poète
Marinetti a baptisé au champagne sa toute
neuve 70 chevaux du nom de sa célèbre
revue Poesia. Sur la superbe machine, a
déclamé son ode à l'automobile au milieu
grand enthousiasme. Aussitôt après, à bord
même machine, Marinetti" en compagnie
Notari et autres lettrés, parti pour circuit
Bologne. Vous prie-publier. Remerciements
anticipés. » Signé (en très gros): MARI-
NETTI.
.« D'Annunzio s'en .va,; Marinetti
reste! » ,
GRANDS ARTISTES ET PETITS CABOTS
r .T-.
>
Miss Camille Chifford
c
e n'est pas une Espagnole. Olléî oîlé!
« Son père était un Auvergnat de
Saint-Cernin (Cantal), un de ces Auver-
gnats qui, émigrant en Espagne selon une
tradition séculaire, célébrés en vers hé-
roïques par le poète Arsène Vermenouze,
sont appelés « Espagnols ».
« Cet Espagnol de la Haute-Cantalousie
épousa une brune et sémillante Castillanne,
une Castillanne authentique qui vint faire
ses couches là-haut sur la montagne dont
Eugène Lintilhac est le sénateur autorisé.
.« Il suffit, d'ailleurs, pour s'en convaincre,
de jeter un coup d'œil sur les registres de
l'état civil de Saint-Cernin, année 1867. »
C'est en ces termes qu'un membre fa-
meux de la Soupe aux choux d'Auvergne
nous conta la véritable origine d'une balle-
rine célèbre autant par sa beauté et ses bi-
joux que par son talent et son accent tra
los montes. Ollé ! ollé!
L
e retour d'Amélie.
On rentre en masse. Les premiers
rois- chassent des plages et des monts tes
plus attardés.
Paris rentre enfin à Paris.
Et voici que, demain soir mercredi, nous
reverrons, toute ragaillardie par un long
séjour dans le bon grand air naturel, Amé-
lie, la séduisante Amélie.
Qui donc disait que Mlle Armande Cas-
sive avait souffert gravement cet été?
Jamais nous ne l'avons vue plus joJfè,
plus gaie, mieux portante.
Et son retour ravira tout le monde : ges
camarades, son directeur, l'auteur, le pu-
blic, tout Paris.
N
'éveillez pas le chat noir qui dort !.
Au prieuré de Gailloriet, en son es-
tival domaine, M. Maurice Donnay s'est en-
fermé ; il a calfeutré sa porte, écarté les im-
portuns, donné des ordres sévères à ses do-
mestiques, et, depuis le.matin jiisqu'âu soir,
sans trêve, sans arrêt, sans; répit, il, tra-
vaille.
Quel zèle le pousse! D'où vient cette ar-
deur inconnue? M. Maurice Donnay, on le
sait, aime d'ordinaire à travailler lentement
et à son heure, et prend plaisir à s'attar-
der en d'oisives rêveries.
Mais, en ce moment, il est acharné, et,
tête baissée, il écrit, il écrit, il écrit..,
Est-ce La Patronne, que le. Vaudeville re-
présentera bientôt? Est-ce Le Mariage de
Télémaque, dont les joyeux flonflons égaye-
ront, cet hiver, la Renaissance, qui moti-
vent un tel acharnement?
Non ! M. Maurice Donnay a de plus gra-
ves soucis. Et, dix heures par jour, à l'ex-
clusion de tout autre labeur, il rédige le
grand discours qu'il doit lire à l'assemblée
plénière des cinq académies.
Drôle d'occupation, tout de même! Une
chanson, jadis, lui donnait moins de mal, et
j'en sais qui préféraient la légère et vive
inspiration d'hier à la lourde et pénible be-
sogne d'aujourd'hui.
L
es artistes, en scène, se livrent parfois
à de fâcheuses facéties.
lel fut le cas de ce chanteur, idole, a
cette époque, du public d'une capitale pro-
che de France. Un soir, à une représenta-
tion de gala, à laquelle la souveraine du
pays assistait, notre homme, ayant sans
doute bien dîné, ne s'avisa-t-il pas, au beau
milieu d'un ensemble, de dédaigner le tex-
te du livret et de le remplacer par une
improvisation en un dialecte peu employé
dans la ville?
Malheureusement pour lui, la reine en-
tendait parfaitement ce langage et saisit au
passage quelques appréciations peu flatteu-
ses pour elle. En conséquence, l'acteur fut
expulsé. Cela ne l'empêcha pas, d'ailleurs,
de fournir, depuis, une carrière fort bril-
lanteet d'être, à l'heure actuelle, un de nos
professeurs les mieux achalandés.
HABILLEUSE
Ellè habite généralement Montmartre, Belle-
ville ou les Batignolles. C'est de ces parages
lointains que, chaque soir, elle descend, vers
sept heures, pour préparer la loge de sa maî-
tresse.
Il lui faut en arrivant remettre tout en ordre,
ranger les costumes, garnir les toilettes, recou-
dre un bouton ici, une agrafe là, porter la per-
ruque à friser et quelquefois même - ce qui
est plus délicat — ouvrir le tourner de 'l'étoile,
C'est une véritable femme de confiance, c'est
sur elle que l'artiste compte pour éviter les à-
coups de la vie et les secousses du cœur. Il ne
faut pas qu'en venant jouer le soir, la comé-
dienne apprenne une fâcheuse nouvelle qui la
priverait de ses moyens. Et l'Habilleuse veille,
attentive.
D'ailleurs, en dehors même de son utile
fonction, l'Habilleuse est indispensable à la bon-
ne marche du théâtre, et le directeur, qui l'es-
time, use avec elle d'un tutoiement familier.
Ses obligations sont multiples. C'est elle qui
sait faite comprendre à monsieur que madame
est souffrante désire rentrer seule. C!est .elle
qui reconduit jusqu'à la porte de communication
le tritique influent, et qui éconduît les fâcheux.
Mais il lui arrive parfois de n'être point récom-
pensée pour tant de petits services; alors, elle
combine 'de terribles vengeances. Elle oublie
d'acheter de la poudre, elle cache un bijou, que
l'on croit perdu ou volé; la perruque n'est: pa*
frisée, et l'artiste, comprenant enfin qu'elle ne
peut lutter, conclut la pair au prix de quelque
argent.
Pauvre habilleuse, papillon brûlé du théâtre,
elle n'est pas méchante. Elle gagne peu — trente
francs par mots — mais elle a des bénéfices : la
pièce des admirateurs, quelques costumes, ca-
deaux de sa maîtresse, etc.: c'est à elle égale-
ment que reviennent, la plupart du temps, les
fleurs envoyées par les snobs à l'actrice en vo-
gue. Et quand elle les emporte, magnifiques et
parfumées, c'est un peu d'illusion qu'elle respire
fumées, c'est un peu d'ilhision qu'elle respire
mélancoliquement.
SOMBREUIL.
u
n énorme héritage vient d'être fait
par une artiste; les diamants, perles
furent soumis à différents experts et le
maximum du prix fut trouvé chez Dusau-
soy, 4, boulevard des Italiens. Grand choix
d'occasions.
L
a politesse,des cours.
On sait avec quelle inlassable abon-
dance et quelle verve attendrie M. hrederic
Febvre évoque, dans le Gaulois, les souve-
nirs de sa longue carrière. L'ex-vice-doyen
de la Comédie-Française en a de nombreux
et de variés et qui portent sur les person-
nages célèbres, sur les comédiens fameux,
sur l'époque du second Empire et sur tous
les souverains qui furent de ses amis. Ils
portent, également, sur ses exploits person-
nels et c'est là, comme on pense bien, le
principal attrait de ses récits.
Mais M. Febvre ne dit pas tout. Une cer-
taine modestie l'empêche, semble-t-il, de
vider ses tiroirs. Il dissimule ses meilleurs
succès, ceux-là même qui lui ont valu sa
grande notoriété. Et c'est dommage, vrai-
ment. Que d'heureuses saillies et que de
charmantes anecdotes seront ainsi perdues !
Celle-ci, par exemple:
Le prince de Galles, depuis le roi
Edouard VII, pénètre un soir au Foyer de
la Comédie. M. Frédéric Febvre, qui jouait
don Salluste, s'approche, plie l'échiné dans
les deux révérences en usage dans les
cours, puis, souriant, la bouche en cœur:
— Madame Votre Auguste Mère se porte
bien, Monseigneur ?
U
n vieux gastronome de nos amis di-
sait hier qu'il ferait encore le tour
du monde pour savourer un plat inconnu.
Inutile, bien inutile, vraiment, quand, à.Pa-
ris, le Moulin-Rouge-Palace vient encore de
mettre à la mode de nouveaux mets iné-
dits, aussi délicieux que ses vins renommés,
qu'apprécie sa clientèle élégante et gaie.
N
os vertus ont des équivalents dans la
matière, et les images de comparaison
t-neres aux tribuns ou auteurs dramatique»
s'enrichiront bientôt des suivantes: Souple
comme un pneumatique « Le Gaulois », ré-
sistant tel un pneu Bergougnan, qu'on sait
être les mêmes, l'un étant fabriqué par
l'autre, et les plus invulnérables contre le
silex, réchauffement et le dérapage.
Le Masque de Verre.
COMŒDIA * sizpi:l8n
demain
six pages
Un Théâtre unique au Monde
, Un des plus curieux théâtres du monde
est certainement celui que l'on trouve
dans la petite ville de Vicenza, en Italie.
Pour l'imprévu de la construction et la
richesse du décor il n'a point son pareil. Ce
véritable tetnple de Thespis s'appelle le
Théâtre Olimpico. Il a été bâti suivant les
indications de Palladio, le célèbre archi-
tecte de la Renaissance qui se conforma
pour ses plans aux règles établies par Vi-
truve concernant le théâtre ancien. Il ne
fut toutefois terminé que quelques années
après la mort de Palladio en 1584 et inau-
guré par une représentation d'Œdipe Roi,de
Sophocle.
Des gradins de marbre en hémicycle
sont réservés aux spectateurs. Toute la
salle est décorée à profusion des marbres
les plus rares et de statues fort remarqua-
bles. L'orchestre forme une fosse demi-
circulaire à. un mètre cinquante au-dessous
du plancher de la salle.
Mais ce qu'il y a de plus curieux dans ce
théâtre, c'est la perspective aménagée sur
la scène et qui forme un décor permanent.
Au moyen de peintures en trompe4'œii,
de quelque place que l'on occupe dans la,
salle, on voit devant soi toute une perspec-j
tive de rues et de galeries. Toute-ces
rues semblent se prolonger a l'infini, l'il-
lusion de la perspective est parfaite. ■
Chaque année on joue des tragédies,
des tragédies seulement, sur la scène de cei
théâtre, Thomas Salvini y joua Œdipe RoVj
et son fils y joua également.
Il y a dans ce théâtre à côté de la saltà
un remarquable foyer que l'on utilise pour.
des concerts ou des lectures publiques. Ce
théâtre est une des grandes curiosités de.
la ville, mais comme malheureusement Vil
cenza n'est pas située sur le passage des
touristes, il demeure inconnu de la plu-
part de ceux qui voyagent en Italie.
ANNE DE BURIDAN.
AU GRAND CERCLE WAIX-LES-VAINS
"CL AI RONNETTE"
Gréiid 'BalleWPantomime en u n-acte
de 'Bertol • GraiVil, musique de Henri Hirschmann
La direction du Grand-Cercle continue la sé-
rie de créations d'œuvres de plus en plus inté-
ressantes, en montant le ballet absolument inédit
dû à la collaboration de deux personnalités ar-
tistiques auxquelles le théâtre doit déjà des œu-
vres aussi populaires que nombreuses.
M. Bertol-Graivil, syndic de la presse répu-
blicaine, par ailleurs, a donné au théâtre nom-
bre de revues, comédies, pièces à succès, qui,
précisément, font regretter l'homme de théâtre
si heureusement doué, que d'autres travaux ac-
caparent pour notre plus grand dam.
Le scénario capiteux de M. Bertol-Graivil et
la musique excitante de M. H. Hirschmann
avaient, durant les intéressantes répétitions, un
auditoire attentif et amusé où nous vîmes même
se glisser, entre deux raccords, le sympathique
ténor Nuibo, dont la vie se passe décidément au
théâtre du Cercle.
M. Bertol-Cralvit
Syndic de la Pressa
Boyer et Bert, phot,
M. H. Hirschmann
Qu'est-ce donc que cette Claironnette ? •
Une idylle villageoise, un drame militaire, l'a-\
mour vainqueur des pires obstacles? Un peu
tout cela vraiment : Sur la place d'un village, de-,
vant le cabaret du « Tambour Royal », paysans'
et villageoises dansent joyeusement. Survient;
Jocoeur, conscrit attristé de quitter sa promise.
Pour les adieux des amoureux, les brocs se vi-
dent et. se remplissent, les danser reprennent;
mais voici, au son des fifres et des tambours,
messieurs les gardes-françaises, recruteurs sans
; pitié.
lJocçeur s'ealuit, pendant qafe Claironnette,
futée, matoise comme pas une, égare, en recher-
ches vaines, le sergent Flamberge et sa troupe.
Les croyant partis pour tout de bon, notre Jo-
coeur reparaît avec précaution et, rassuré par
ses amis, s'installe et noie sa frayeur et ses
craintes dans une joyeuse beuverie qui l'endort
sur table. Mais tout se gâte à nouveau, les
soldats reviennent bredouilles et furieux, nour-
rissant, cette fois, des projets de vengeance en-
vers notre lâcheur.
Résolument, Claironnette fait emporter le
dormeur, et la matine endort'la vigilance inquisi-
tive de Flamberge, par sa grâce enveloppante et
ses danses grisantes. Le flambant sergent mis à
point, elle lui échappe, et le galant n'a plus qu'à
se griser à son tour, furieux et dépité, rassem-
bler ses hommes et s'apprêter au départ. Maiâ
Claironnette avait son plan: déguisée en garde-
française, elle tente de se substituer comme re-
crue à son promis, lequel, pris de remords, ac-
court dégrisé, dévoile le subterfuge et fait si.
bien que le sergent, ahuri et un peu gris, veut,
manu militari, découvrir le vrai futur soldat.
La pauvrette avoue son généreux dévouement,,
et, comme tout finit par s'arranger, elle suivra
son Jocoeur comme vivandière en titre du régi-'
ment.
Ce scénario, charpenté de main de maître efr
dont l'esprit très parisien nous sort des bana-
lités ordinaires où stagnent généralement les^
librettos de ballets, a, à notre sens, le grave tort
de n'avoir ni frère ni sœur, du moins le croyons-
nous. On se plaint, en effet, que l'art des mi-
mes se perd de jour en jour; mais n'est-ce pas,,
précisément, que les occasions sont-rares, aux
fervents de ce grand art, de déployer leurs réels
talents. Formons donc le vœu que M. Bertoi-
Graivil nous gratifie bientôt, et souvent, de piè-
ces savoureuses et scéniques comme celle-ci, et
nous verrons refleurir un art puissant dont nous'
avons ce; soir, enfin, un vivant exemple. M.
Natta, le maître de ballet du Grand Cercle, mime
intense lui-même, a fidèlement extériorisé les
intentions de l'auteur non seulement dans son
rôle de Flamberge, sorte de Lescaut très réussi,
mais aussi dans ses partenaires qu'il éduque de
si magistrale façon. Mlle Camesi, en Clairon-
nette aussi jolie dans son déguisement que dans
son costume de villageoise, a dansé avec un art
si-parfait qu'on regrette ne pas la voir encore
sur nos plus grandes scènes parisiennes. Ses
jambes souples et nerveuses, aux fines attaches,,
se plient, s'infléchissent, font merveille en des
pas d'une hardiesse incomparable.
Mlle Vandenesse mime adorablement l'amou
reux déconfit, couard, grisé et résolu, dans un
costume et un geste qui en font, décidément,
le rêve des travestis.
Mlles Natta et tout le corps de ballet avec.
aussi toute la figuration (que, M. Gandrey. qui!
ne fait rien à demi, a obligeamment prêtée à
cette œuvre considérable) ont réalisé un ensem-
ble animé, vivant, une ambiance, une atmos-
phère locale dont il faut louer sans résene l'ac-
tive intervention de M. Rével, sous-directeur
du Grand Cercle.
; La musique, composée par M. Henri Hirsch-
mann, est, cela ne faisait pas doute un seul ins-
tant, Fentralnant, l'excitant, le spirituel commen-
taire de l'œuvre. L'heureux auteur de Néron
galiet en trois actes; de La Petite Bohème, des
Hirondelles et de tant d'autres pièces jouées \]n)
nombre incalculable de fois sur toutes nos scè-
oies, a bercé de sa musique enchanteresse un
auditoire extraordinairement diverti.
Dès l'introduction, l'orchestre fait enk.dre le
motif de la scène de séduction entre Flamberge
'et Claironnette, avec toutes les cordes ciiantant,
dans le grave le motif de la « valse lente » ie
Claironnette.
Il n'y a pas de leit-motiv, mais durant toute
la partition revient l'air du berger sur un rythme
large et sonore. Le motif si caractéristique de
Jocœur se fait d'abord entendre par le hautbois,
ensuite par tous les bois, enfin toutes les cor-
des.
Très pittoresque la danse des servantes, sui
un trois-quatre bien rythmé avec, à l'orchestre,,
une imitation curieuse de la boisson versée
A signaler aussi, le Cg^ 4«o d'amour entre,
Marat 15 Septembre 1908.,
COMCEDIA
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKi
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS;
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 9
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 *>
AVENTURES DE BETTINE
Un Comique
Bettine, ayant repris haleine, poursui-
vit en ces termes le récit de ses aven-
tures :
— J'étais donc tapie dans l'ombre
Id'une colonne, et j'assistais à un spec-
tacle qui me payait bien, je vous prie de
le croire, des mille émotions que je ve-
nais d'éprouver. Toutes ces femmes qui,
un instant auparavant, demandaient ma
mort, subissaient à présent un sort, qu'il
est convenu de juger mille fois plus af-
freux que le trépas, et les Tarquin de
ces Lucrèce ne faisaient rien pour leur
en adoucir l'horreur. Il me sembla,
d'ailleurs, qu'elles s'y prêtaient avec
toute la bonne grâce que l'inattendu de
l'aventure leur permettait. Quant aux
moines, leurs dociles instruments, les
uns se débattaient dans les convulsions
de leurs mortelles blessures ; les autres,
liés comme des volailles qu'on envoie
au marché, attendaient dans l'angoisse
ce que leurs vainqueurs décideraient
d'eux, quand ils en auraient le loisir.
» J'aurais même beaucoup ri de ce
changement de fortune, si je n'avais eu
à me demander ce qui adviendrait de
moi, quand on me découvrirait. Ai-je dit
que la plupart des assaillants étaient
des nègres hideux qui m'inspiraient en-
core plus de dégoût que d'effroi?
Tout à coup, une main s'abattit sur.
mon épaule. Je fermai les yeux. Une se-
tousse violente me jeta sur le dos, d'a-
genouillée que j'étais. Je crus l'heure ve-
nue. Mais non. Une seconde se passa,
puis je sentis qu'on approchait une tor-
che de mon visage et, soudain, une voix
décria:
— « Qu'est-ce que tu fais là, toi? »
» Une voix qui parlait français!
» Je pensai un moment que c'était M.
de Mevil, qui, las de la piraterie sur
mer, exerçait maintenant son état en
terre ferme. J'ouvris les yeux. Ce n e-
tait pas lui. C'était, je le reconnus,
malgré son turban, sa longue barbe et
quelques autres agréments, c'était Blanc-
villain, un comédien de notre troupe, qui
s'était battu comme un lion lors de la
prise de iagalère et que je croyais
avoir vu périr sous un inouctati- d'en-
nemis.
» J'en demeurais stupide. Blancvillain
continua:
- » C'est idiot de se fourrer dans
des endroits pareils! A-t-on idée! Je
sa4s bien que tu n'as jamais pu rester à
ta place! Mais ici, il pourrait t'arriver
du mal! Et dans ce costume! Si M. le
lieutenant de police te voyait, il t'enver-
rait aux Petites Maisons !
» Il disait cela de ce ton mi-plaisant-
mi-sévère qui lui avait valu ses succès.
» Vous avez connu Blancvillain, qui
jouait les confidents de tragédie et les
valets de comédie? Vous vous rappelez
son grand corps maigre qui n'en finis-
sait plus, sa grosse tête qui semblait trop
lourde pour ses épaules, et son air triste
qui rendait plus comique les saillies qu'il
lançait d'une voix tantôt caverneuse tan-
tôt ridiculement nasillarde. Il avait
longtemps fait les capitans dans des trou-
pes de foire et ne s'était décidé à quit-
ter la farce que parce que ce genre, di-
sait-il, perdait de sa verdeur gauloise et
se laissait envahir par les préciosités ita-
liennes.
» Il continua de me gourmander,
comme il l'eût fait si j'avais manqué.
mon entrée sur le théâtre, paraissant
aussi peu se soucier de ce qui se passait
autour de nous que si c'avaient été fa-
riboles de comparses, combat de grotes-
ques au milieu de ruines en toile peinte
avec des armes de carton et du sang ti-
ré de vessies de pourceaux.
» Je n'en pouvais croire mes yeux ni
mes oreilles, et pourtant c'était bien lui,
oui, mais il avait quelque chose de chan-
gé: il n'avait plus l'air triste et, un mo-
ment, je pensai que c'était son nouveau
métier qui l'amusait plus que l'ancien,
mais je ne tardai pas à découvrir qu'il
n'avait plus l'air triste à cause de deux
grandes cicatrices qui lui tailladaient la
figure, l'une ayant entamé le nez dont
elle ne laissait qu'une sorte de petite
boule rougeaude parfaitement plaisante ;
l'autre qui, coupant la joue gauche, avait
élargi, de ce côté, sa bouche, en sorte
qu'elle semblait toujours dilatée par le
rire.
» Il prit enfin un air plus grave, en
ayant soin de ne me présenter, que la
joue droite, et me dit, du ton noble de
la tragédie :
— » Quittons ces lieux, madame, où
l'on peut vous surprendre ! »
- » C'est un vers, ajouta-t-il; je le
donnerai à M. Pradon. »
» Puis, il m'entraîna, il m'emporta
plutôt par les corridors qui menaient à
la sortie. Avant d'y parvenir, il dépouil-
la de sa robe un cadavre de moine qu'il
heurta du pied et me la jeta sur les
épaules, disant:
— » Couvrez ce sein, que je ne sau-
rais voir! »
» Je n'avais pas encore desserré les
lèvres, tant la surprise m'anéantissait.
Mais, une fois hors du temple, je retrou-
vai le souffle et remerciai chaudement
mon camarade de cette attention.
» Ah! cher Blancvillain. lui dis-je,
que je suis aise de te voir! Ainsi donc,
Je me retrouve de nouveau devant un
homme de ma patrie, moi qui me
croyais destinée à n'en plus connaître
jamais que le souvenir. Ainsi donc, tous
mes compagnons n'ont pas péri, et je
puis espérer que d'autres comme toi ont
échappé aux coups de ces affreux pira-
tes. Que béni soit le ciel!.
» Pour la première fois, je crois, de-
puis mon départ de Marseille, je sentis
mes yeux pleins de larmes. je jetai mes
bras au cou de Blancvillain, et couvris
son visage grimaçant de baisers. Ses
joues avaient un goût salé. Ce n'était
pas le fard. Le brave garçon pleurait
aussi. Nous fûmes plusieurs minutes à
nous remettre. Il répétait en hoquetant:
— » Ah ! ma petite Bettine ! ma petite
Bettine! moi qui te croyais morte,
quelle surprise, quelle bonne surprise!.
Mais, par lés tripes de Maître Gautier-
Garguille, roi de la farce, m'explique-
ras-tu enfin ce que tu faisais ici quand
je suis arrivé avec mes noirauds?
- » J'attendais que ces moines eus-
sent fini de décider, en se battant, lequel
serait mon amant.
- « Voyez-vous ces coquins! dit-il;
ceux qui ne sont pas morts connaîtront
mon bâton! »
- » Mais toi-même, repris-je, m'ap-
prendras-tu par quel prodige je te ren-
contre en cette terre sauvage au milieu
de guerriers qui m'ont tout l'air de vrais
brigands? »
— )> je pourrais te répondre que je ne
me suis engagé dans leur troupe que pour
venir te délivrer des mains de ces moines
outrecuidants. Peut-être ne le croirais-tu
pas? Tu aurais raison; le diable m'em-
porte si je pensais que tu fusses encore
en vie!. »
» Il s'interrompit pour faire une ré-
flexion philosophique, car il avait tou-
jours été grand disputeur.
— » Ah ! dit-il, comme le monde est
petit! On nous parle de l'immensité!.
On ne peut pas faire deux pas sans se
retrouver en pays de connaissance.
Voici l'Afrique barbare. On s'y croirait
au Marais, tant on y rencontre de co-
médiens et de comédiennes. Je ne nous
donne pas trois mois que nous n'ayons
trouvé de quoi former une troupe et
jouer le répertoire ! »
Paul DOLLFUS,
fions publierons âmâirt un articie â*
twsfrAN ËÉRNÂRiï > ■
Communiqués
Sans vouloir prendre parti dans l'affaire
de l'Ambigu, il me semble posé, dès main-
tenant, que les dirigeants de ce théâtre pa-
raissent véritablement trop exigeants à
l'égard de leur personnel. Si, après ce qui
s'est passé l'autre soir, ils ne sont pas con-
tents de leur Chef de Publicité et s'ils per-
sistent à le renvoyer, il faut avouer qu'ils
y mettront un évident parti pris. Pendant
plusieurs jours, tous les journaux de France
et de l'étranger n'auront parlé que de l'Am-
bigu, et c'est à peine si l'on songe aujour-
d'hui qu'il existe d'autres théâtres à Paris.
Et cela sans bourse délier, ce qui, pour une
Société qui cherche à se remonter, est
toujours particulièrement appréciable.
Du reste, il faut bien en convenir, M.
Stien, tout en reconnaissant ses qualités .ex-
ceptionnelles de chef de publicité, ne pa-
raît pas avoir complètement innové en la
matière. Au point où l'on en est, son geste'
ne saurait étonner ceux qui lisent, chaquei
jour, les communiqués de certains théâtres
A Paris, les termes admiratifs dm
vocabulaire français ayant été épuisés en-
tièrement dans les communiqués, il faut re-
courir aux faits pour attirer un peu l'atten-
tion du public, et tous les moyens pour y
arriver sont bons.
Il faut, de toute nécessité, pour lancer
une pièce, la faire interdire, insinuer avec
d'innombrables sous-entendus, qu'elle est
essentiellement immorale ou malsaine; et,
dans un avenir très rapproché, le Théâtre-
Français sera contraint lui-même de re-
courir à de tels procédés pour taire accep-
ter Molière. On jouera Tartufe à huis clos,
à cause d'une certaine scène dont les com-,
muniqués parleront discrètement en don-
nant seulement la photographie du mou-
choir derrière lequel il se passera quelque
chose.
D'une façon générale, les interprètes doi-
vent recourir aux mêmes procédés. Deux
jours avant la première, il est indispensable
qu'on les retrouve mystérieusement éva-
nouis dans leur loge ou, plus communé-
.ment, qu'on leur dérobe une rivière de
diamants valant quelques millions.
La préfecture de police, en pareille cir-
constance, fait une sérieuse concurrence à
nos meilleures agences de publicité, et les
services qu'elle rend inconsciemment aux
théâtres sont incalculables.
M. Stien, sans doute affolé par les mer-
veilleuses inventions de ses confrères, et
inis en demeure de montrer ses capacités,
n'avait plus d'autre ressource que de faire
ce qu'il a tait. Je ne pense pas qu'il soit, à
Paris, un chef de publicité sérieux pour lui
jeter la première pierre.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures, au Théâtre-Lyri-
que municipal de la Gaité, première repré-
sentation de Paul et Virginie, opéra-comi-
que en quatre actes et sept tableaux, de Ju-
les Barbier et Michel Carré, musique de
Victor Massé.
Ce soir, à huit heures et demie, aux
Folies-Dramatiques, première représentation
.dd.»Am'zelle Trompette, opérette en trois
i
actes de MM. Maurice Desvallières et Paul
Moncousin, musique de M. Hirlemann.
On commencera par Les Quinze Mille,
vaudeville en un acte, de MM. E. Dupont
et Félix Chapiseau.
Les dames sont priées de venir sans cha-
peau à l'orchestre et au balcon.
c
'est la mode nouvelle.
Le bruit court qu'un de nos plus
sympathiques artistes, M. Synès, qui - fut,
tour à tour, pensionnaire de l'Odéon, du
Gymnase, des Variétés et, enfin, de l'Am-
bigu, songerait à quitter le théâtre pour
faire de l'aviation.
M. Synès, qui fut un des automobilistes
de la première heure, se sent une irrésis-
tible vocation pour le vol plané. Nul doute
qu'il n'y réussisse complètement.
Il nous souvient, d'ailleurs, que, dans La
Conquête de l'air, Synès jouait avec un
naturel parfait, le rôle de. M. Ernest Arch-
deacon, un des promoteurs et des mécènes
du sport qui essaye ses premiers vols un
peu de tous côtés.
Souhaitons pour l'aviation que Synès lui
apporte sa jeunesse, son énergie, son sang-
froid et sa science mécanique,, mais regret-
tons pour le théâtre le départ d'un artiste
à qui la scène n'a cependant paâ encore
dit adieu.
p
i inkiana !
.C'est le titre - imprime en ca-
ractères gras — sous lequel un grand jour-
nal d'Italie vient de faire un sort — et un
tour pendable — au persifleur de « l'arri-
visme » de Gabriele d'Annunzio (« Les
dieux s'en vont, d'Annunzio reste », par
,F.-T. Marinetti). Suivait un télégramme
ainsi conçu : « Aujourd'hui, à l'Eden, en pré-
sence grand nombre automobilistes, poète
Marinetti a baptisé au champagne sa toute
neuve 70 chevaux du nom de sa célèbre
revue Poesia. Sur la superbe machine, a
déclamé son ode à l'automobile au milieu
grand enthousiasme. Aussitôt après, à bord
même machine, Marinetti" en compagnie
Notari et autres lettrés, parti pour circuit
Bologne. Vous prie-publier. Remerciements
anticipés. » Signé (en très gros): MARI-
NETTI.
.« D'Annunzio s'en .va,; Marinetti
reste! » ,
GRANDS ARTISTES ET PETITS CABOTS
r .T-.
>
Miss Camille Chifford
c
e n'est pas une Espagnole. Olléî oîlé!
« Son père était un Auvergnat de
Saint-Cernin (Cantal), un de ces Auver-
gnats qui, émigrant en Espagne selon une
tradition séculaire, célébrés en vers hé-
roïques par le poète Arsène Vermenouze,
sont appelés « Espagnols ».
« Cet Espagnol de la Haute-Cantalousie
épousa une brune et sémillante Castillanne,
une Castillanne authentique qui vint faire
ses couches là-haut sur la montagne dont
Eugène Lintilhac est le sénateur autorisé.
.« Il suffit, d'ailleurs, pour s'en convaincre,
de jeter un coup d'œil sur les registres de
l'état civil de Saint-Cernin, année 1867. »
C'est en ces termes qu'un membre fa-
meux de la Soupe aux choux d'Auvergne
nous conta la véritable origine d'une balle-
rine célèbre autant par sa beauté et ses bi-
joux que par son talent et son accent tra
los montes. Ollé ! ollé!
L
e retour d'Amélie.
On rentre en masse. Les premiers
rois- chassent des plages et des monts tes
plus attardés.
Paris rentre enfin à Paris.
Et voici que, demain soir mercredi, nous
reverrons, toute ragaillardie par un long
séjour dans le bon grand air naturel, Amé-
lie, la séduisante Amélie.
Qui donc disait que Mlle Armande Cas-
sive avait souffert gravement cet été?
Jamais nous ne l'avons vue plus joJfè,
plus gaie, mieux portante.
Et son retour ravira tout le monde : ges
camarades, son directeur, l'auteur, le pu-
blic, tout Paris.
N
'éveillez pas le chat noir qui dort !.
Au prieuré de Gailloriet, en son es-
tival domaine, M. Maurice Donnay s'est en-
fermé ; il a calfeutré sa porte, écarté les im-
portuns, donné des ordres sévères à ses do-
mestiques, et, depuis le.matin jiisqu'âu soir,
sans trêve, sans arrêt, sans; répit, il, tra-
vaille.
Quel zèle le pousse! D'où vient cette ar-
deur inconnue? M. Maurice Donnay, on le
sait, aime d'ordinaire à travailler lentement
et à son heure, et prend plaisir à s'attar-
der en d'oisives rêveries.
Mais, en ce moment, il est acharné, et,
tête baissée, il écrit, il écrit, il écrit..,
Est-ce La Patronne, que le. Vaudeville re-
présentera bientôt? Est-ce Le Mariage de
Télémaque, dont les joyeux flonflons égaye-
ront, cet hiver, la Renaissance, qui moti-
vent un tel acharnement?
Non ! M. Maurice Donnay a de plus gra-
ves soucis. Et, dix heures par jour, à l'ex-
clusion de tout autre labeur, il rédige le
grand discours qu'il doit lire à l'assemblée
plénière des cinq académies.
Drôle d'occupation, tout de même! Une
chanson, jadis, lui donnait moins de mal, et
j'en sais qui préféraient la légère et vive
inspiration d'hier à la lourde et pénible be-
sogne d'aujourd'hui.
L
es artistes, en scène, se livrent parfois
à de fâcheuses facéties.
lel fut le cas de ce chanteur, idole, a
cette époque, du public d'une capitale pro-
che de France. Un soir, à une représenta-
tion de gala, à laquelle la souveraine du
pays assistait, notre homme, ayant sans
doute bien dîné, ne s'avisa-t-il pas, au beau
milieu d'un ensemble, de dédaigner le tex-
te du livret et de le remplacer par une
improvisation en un dialecte peu employé
dans la ville?
Malheureusement pour lui, la reine en-
tendait parfaitement ce langage et saisit au
passage quelques appréciations peu flatteu-
ses pour elle. En conséquence, l'acteur fut
expulsé. Cela ne l'empêcha pas, d'ailleurs,
de fournir, depuis, une carrière fort bril-
lanteet d'être, à l'heure actuelle, un de nos
professeurs les mieux achalandés.
HABILLEUSE
Ellè habite généralement Montmartre, Belle-
ville ou les Batignolles. C'est de ces parages
lointains que, chaque soir, elle descend, vers
sept heures, pour préparer la loge de sa maî-
tresse.
Il lui faut en arrivant remettre tout en ordre,
ranger les costumes, garnir les toilettes, recou-
dre un bouton ici, une agrafe là, porter la per-
ruque à friser et quelquefois même - ce qui
est plus délicat — ouvrir le tourner de 'l'étoile,
C'est une véritable femme de confiance, c'est
sur elle que l'artiste compte pour éviter les à-
coups de la vie et les secousses du cœur. Il ne
faut pas qu'en venant jouer le soir, la comé-
dienne apprenne une fâcheuse nouvelle qui la
priverait de ses moyens. Et l'Habilleuse veille,
attentive.
D'ailleurs, en dehors même de son utile
fonction, l'Habilleuse est indispensable à la bon-
ne marche du théâtre, et le directeur, qui l'es-
time, use avec elle d'un tutoiement familier.
Ses obligations sont multiples. C'est elle qui
sait faite comprendre à monsieur que madame
est souffrante désire rentrer seule. C!est .elle
qui reconduit jusqu'à la porte de communication
le tritique influent, et qui éconduît les fâcheux.
Mais il lui arrive parfois de n'être point récom-
pensée pour tant de petits services; alors, elle
combine 'de terribles vengeances. Elle oublie
d'acheter de la poudre, elle cache un bijou, que
l'on croit perdu ou volé; la perruque n'est: pa*
frisée, et l'artiste, comprenant enfin qu'elle ne
peut lutter, conclut la pair au prix de quelque
argent.
Pauvre habilleuse, papillon brûlé du théâtre,
elle n'est pas méchante. Elle gagne peu — trente
francs par mots — mais elle a des bénéfices : la
pièce des admirateurs, quelques costumes, ca-
deaux de sa maîtresse, etc.: c'est à elle égale-
ment que reviennent, la plupart du temps, les
fleurs envoyées par les snobs à l'actrice en vo-
gue. Et quand elle les emporte, magnifiques et
parfumées, c'est un peu d'illusion qu'elle respire
fumées, c'est un peu d'ilhision qu'elle respire
mélancoliquement.
SOMBREUIL.
u
n énorme héritage vient d'être fait
par une artiste; les diamants, perles
furent soumis à différents experts et le
maximum du prix fut trouvé chez Dusau-
soy, 4, boulevard des Italiens. Grand choix
d'occasions.
L
a politesse,des cours.
On sait avec quelle inlassable abon-
dance et quelle verve attendrie M. hrederic
Febvre évoque, dans le Gaulois, les souve-
nirs de sa longue carrière. L'ex-vice-doyen
de la Comédie-Française en a de nombreux
et de variés et qui portent sur les person-
nages célèbres, sur les comédiens fameux,
sur l'époque du second Empire et sur tous
les souverains qui furent de ses amis. Ils
portent, également, sur ses exploits person-
nels et c'est là, comme on pense bien, le
principal attrait de ses récits.
Mais M. Febvre ne dit pas tout. Une cer-
taine modestie l'empêche, semble-t-il, de
vider ses tiroirs. Il dissimule ses meilleurs
succès, ceux-là même qui lui ont valu sa
grande notoriété. Et c'est dommage, vrai-
ment. Que d'heureuses saillies et que de
charmantes anecdotes seront ainsi perdues !
Celle-ci, par exemple:
Le prince de Galles, depuis le roi
Edouard VII, pénètre un soir au Foyer de
la Comédie. M. Frédéric Febvre, qui jouait
don Salluste, s'approche, plie l'échiné dans
les deux révérences en usage dans les
cours, puis, souriant, la bouche en cœur:
— Madame Votre Auguste Mère se porte
bien, Monseigneur ?
U
n vieux gastronome de nos amis di-
sait hier qu'il ferait encore le tour
du monde pour savourer un plat inconnu.
Inutile, bien inutile, vraiment, quand, à.Pa-
ris, le Moulin-Rouge-Palace vient encore de
mettre à la mode de nouveaux mets iné-
dits, aussi délicieux que ses vins renommés,
qu'apprécie sa clientèle élégante et gaie.
N
os vertus ont des équivalents dans la
matière, et les images de comparaison
t-neres aux tribuns ou auteurs dramatique»
s'enrichiront bientôt des suivantes: Souple
comme un pneumatique « Le Gaulois », ré-
sistant tel un pneu Bergougnan, qu'on sait
être les mêmes, l'un étant fabriqué par
l'autre, et les plus invulnérables contre le
silex, réchauffement et le dérapage.
Le Masque de Verre.
COMŒDIA * sizpi:l8n
demain
six pages
Un Théâtre unique au Monde
, Un des plus curieux théâtres du monde
est certainement celui que l'on trouve
dans la petite ville de Vicenza, en Italie.
Pour l'imprévu de la construction et la
richesse du décor il n'a point son pareil. Ce
véritable tetnple de Thespis s'appelle le
Théâtre Olimpico. Il a été bâti suivant les
indications de Palladio, le célèbre archi-
tecte de la Renaissance qui se conforma
pour ses plans aux règles établies par Vi-
truve concernant le théâtre ancien. Il ne
fut toutefois terminé que quelques années
après la mort de Palladio en 1584 et inau-
guré par une représentation d'Œdipe Roi,de
Sophocle.
Des gradins de marbre en hémicycle
sont réservés aux spectateurs. Toute la
salle est décorée à profusion des marbres
les plus rares et de statues fort remarqua-
bles. L'orchestre forme une fosse demi-
circulaire à. un mètre cinquante au-dessous
du plancher de la salle.
Mais ce qu'il y a de plus curieux dans ce
théâtre, c'est la perspective aménagée sur
la scène et qui forme un décor permanent.
Au moyen de peintures en trompe4'œii,
de quelque place que l'on occupe dans la,
salle, on voit devant soi toute une perspec-j
tive de rues et de galeries. Toute-ces
rues semblent se prolonger a l'infini, l'il-
lusion de la perspective est parfaite. ■
Chaque année on joue des tragédies,
des tragédies seulement, sur la scène de cei
théâtre, Thomas Salvini y joua Œdipe RoVj
et son fils y joua également.
Il y a dans ce théâtre à côté de la saltà
un remarquable foyer que l'on utilise pour.
des concerts ou des lectures publiques. Ce
théâtre est une des grandes curiosités de.
la ville, mais comme malheureusement Vil
cenza n'est pas située sur le passage des
touristes, il demeure inconnu de la plu-
part de ceux qui voyagent en Italie.
ANNE DE BURIDAN.
AU GRAND CERCLE WAIX-LES-VAINS
"CL AI RONNETTE"
Gréiid 'BalleWPantomime en u n-acte
de 'Bertol • GraiVil, musique de Henri Hirschmann
La direction du Grand-Cercle continue la sé-
rie de créations d'œuvres de plus en plus inté-
ressantes, en montant le ballet absolument inédit
dû à la collaboration de deux personnalités ar-
tistiques auxquelles le théâtre doit déjà des œu-
vres aussi populaires que nombreuses.
M. Bertol-Graivil, syndic de la presse répu-
blicaine, par ailleurs, a donné au théâtre nom-
bre de revues, comédies, pièces à succès, qui,
précisément, font regretter l'homme de théâtre
si heureusement doué, que d'autres travaux ac-
caparent pour notre plus grand dam.
Le scénario capiteux de M. Bertol-Graivil et
la musique excitante de M. H. Hirschmann
avaient, durant les intéressantes répétitions, un
auditoire attentif et amusé où nous vîmes même
se glisser, entre deux raccords, le sympathique
ténor Nuibo, dont la vie se passe décidément au
théâtre du Cercle.
M. Bertol-Cralvit
Syndic de la Pressa
Boyer et Bert, phot,
M. H. Hirschmann
Qu'est-ce donc que cette Claironnette ? •
Une idylle villageoise, un drame militaire, l'a-\
mour vainqueur des pires obstacles? Un peu
tout cela vraiment : Sur la place d'un village, de-,
vant le cabaret du « Tambour Royal », paysans'
et villageoises dansent joyeusement. Survient;
Jocoeur, conscrit attristé de quitter sa promise.
Pour les adieux des amoureux, les brocs se vi-
dent et. se remplissent, les danser reprennent;
mais voici, au son des fifres et des tambours,
messieurs les gardes-françaises, recruteurs sans
; pitié.
lJocçeur s'ealuit, pendant qafe Claironnette,
futée, matoise comme pas une, égare, en recher-
ches vaines, le sergent Flamberge et sa troupe.
Les croyant partis pour tout de bon, notre Jo-
coeur reparaît avec précaution et, rassuré par
ses amis, s'installe et noie sa frayeur et ses
craintes dans une joyeuse beuverie qui l'endort
sur table. Mais tout se gâte à nouveau, les
soldats reviennent bredouilles et furieux, nour-
rissant, cette fois, des projets de vengeance en-
vers notre lâcheur.
Résolument, Claironnette fait emporter le
dormeur, et la matine endort'la vigilance inquisi-
tive de Flamberge, par sa grâce enveloppante et
ses danses grisantes. Le flambant sergent mis à
point, elle lui échappe, et le galant n'a plus qu'à
se griser à son tour, furieux et dépité, rassem-
bler ses hommes et s'apprêter au départ. Maiâ
Claironnette avait son plan: déguisée en garde-
française, elle tente de se substituer comme re-
crue à son promis, lequel, pris de remords, ac-
court dégrisé, dévoile le subterfuge et fait si.
bien que le sergent, ahuri et un peu gris, veut,
manu militari, découvrir le vrai futur soldat.
La pauvrette avoue son généreux dévouement,,
et, comme tout finit par s'arranger, elle suivra
son Jocoeur comme vivandière en titre du régi-'
ment.
Ce scénario, charpenté de main de maître efr
dont l'esprit très parisien nous sort des bana-
lités ordinaires où stagnent généralement les^
librettos de ballets, a, à notre sens, le grave tort
de n'avoir ni frère ni sœur, du moins le croyons-
nous. On se plaint, en effet, que l'art des mi-
mes se perd de jour en jour; mais n'est-ce pas,,
précisément, que les occasions sont-rares, aux
fervents de ce grand art, de déployer leurs réels
talents. Formons donc le vœu que M. Bertoi-
Graivil nous gratifie bientôt, et souvent, de piè-
ces savoureuses et scéniques comme celle-ci, et
nous verrons refleurir un art puissant dont nous'
avons ce; soir, enfin, un vivant exemple. M.
Natta, le maître de ballet du Grand Cercle, mime
intense lui-même, a fidèlement extériorisé les
intentions de l'auteur non seulement dans son
rôle de Flamberge, sorte de Lescaut très réussi,
mais aussi dans ses partenaires qu'il éduque de
si magistrale façon. Mlle Camesi, en Clairon-
nette aussi jolie dans son déguisement que dans
son costume de villageoise, a dansé avec un art
si-parfait qu'on regrette ne pas la voir encore
sur nos plus grandes scènes parisiennes. Ses
jambes souples et nerveuses, aux fines attaches,,
se plient, s'infléchissent, font merveille en des
pas d'une hardiesse incomparable.
Mlle Vandenesse mime adorablement l'amou
reux déconfit, couard, grisé et résolu, dans un
costume et un geste qui en font, décidément,
le rêve des travestis.
Mlles Natta et tout le corps de ballet avec.
aussi toute la figuration (que, M. Gandrey. qui!
ne fait rien à demi, a obligeamment prêtée à
cette œuvre considérable) ont réalisé un ensem-
ble animé, vivant, une ambiance, une atmos-
phère locale dont il faut louer sans résene l'ac-
tive intervention de M. Rével, sous-directeur
du Grand Cercle.
; La musique, composée par M. Henri Hirsch-
mann, est, cela ne faisait pas doute un seul ins-
tant, Fentralnant, l'excitant, le spirituel commen-
taire de l'œuvre. L'heureux auteur de Néron
galiet en trois actes; de La Petite Bohème, des
Hirondelles et de tant d'autres pièces jouées \]n)
nombre incalculable de fois sur toutes nos scè-
oies, a bercé de sa musique enchanteresse un
auditoire extraordinairement diverti.
Dès l'introduction, l'orchestre fait enk.dre le
motif de la scène de séduction entre Flamberge
'et Claironnette, avec toutes les cordes ciiantant,
dans le grave le motif de la « valse lente » ie
Claironnette.
Il n'y a pas de leit-motiv, mais durant toute
la partition revient l'air du berger sur un rythme
large et sonore. Le motif si caractéristique de
Jocœur se fait d'abord entendre par le hautbois,
ensuite par tous les bois, enfin toutes les cor-
des.
Très pittoresque la danse des servantes, sui
un trois-quatre bien rythmé avec, à l'orchestre,,
une imitation curieuse de la boisson versée
A signaler aussi, le Cg^ 4«o d'amour entre,
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