Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-09-01
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1908 01 septembre 1908
Description : 1908/09/01 (A2,N336). 1908/09/01 (A2,N336).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645991f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2* Année. - Mo 336 fOuntldten u Wmmém .# a maum«
L Mardi i9* Septembre 1908.
rédacteur en Chef : o. de PAWLOWSKI
1
RÉDACTION & ADMINISTRATION fi
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA=PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements. 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 01)
R RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouleuard Paissonnière, PARIS
1 TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : C0MŒDlA-PARI5
- ABONNEMENTS:
1% UN AN 6 MOtS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 p
ESTELLE
J'ai entrepris d'écrire l'histoire d'Es-
té, qui est une petite comédienne. Elle
est très connue des Parisiens. On l'ad-
mire aux courses et dans les restaurants
à.la mode: c'est, en un mot, une actrice
d'avenir. Mais elle n'a pas toujours vécu
datas le luxé, et c'est pourquoi je la vé-
nère. Je ressens un profond respect pour
ces jeunes filles qui sont nées dans la
misère et qui, chaque année, parvien-
nerit à dépenser une centaine de mille
francs. Les femmes honnêtes affirment
qu'il suffit de vouloir, et que, si elles y
aVaient consenti. Elles se vantent ou
elles sont naïves. La carrière de la cour-
tisane est difficile. Pourquoi celle-ci,
dont le visage est joli et le corps sou-
Ple, rôde-t-elle sur les boulevards exté-
rieurs, tandis qu'une autre possède un
hôtel dans la plaine Monceau? Ce n'est
Pas seulement la chance qui explique la
diversité de ces fortunes. C'est une ques-
tion de ténacité, d'endurance, de con-
duite.
Estelle appartient à une famille labo-
rieuse. Elle a parfois la fantaisie de réu-
nir à sa table quelques-uns de ses pa-
rents. J'ai £u l'honneur de dîner chez
elle — le soir du premier janvier — avec
Une mercière, un boucher, un apprenti
fumiste et un croque-mort. Si elle avait-
suivi les exemples de solide vertu que
lui donnait sa famille, il est évident
Qu'elle n'aurait jamais pu lui offrir des
repas succulents. Tandis que, d'un air
hautain, les domestiques présentaient les
mets et les vins aux convives, qui rou-
gissaient et balbutiaient, je contemplais
la joie d'Estelle. Un scrupule, un mau-
dis conseil auraient pu la retenir dans
le sentier de la morale. Elle aurait épou-
sé un brave garçon ; elle aurait tenu en
ordre le ménage et fait la cuisine; elle
aurait vieilli très vite, comme sa sœur
cadette, épicière. Elle eut l'énergie de
résister aux appels de sa conscience.
C'est qu'elle aimait le théâtre. Elle
avait été élevée par de bonnes sœurs
qui, gratuitèment, donnaient aux enfants
Instruction primaire et des principes
religieux. Elles organisaient parfois des
fêtes intimes, et les fillettes, comme les
demoiselles de Saint-Cyr, jouaient des
Scènes empruntées aux tragédies sacrées
de Racine. Dans ces spectacles, Estelle
Se faisait remarquer par l'éclat de ses
Yeux et par son costume. Comme elle
était affligée d'un défaut de prononcia-
tion, dont elle n'est pas encore délivrée,
on ne lui confiait pas un rôle important.
jamais elle ne fut Athalie ni Esther.
Mais elle observa que celles qui se don-
naient du mal pour interpréter ces per-
sonnages n'étaient pas récompensées de
leurs efforts. On murmurait:
— Elles ont de la mémoire et de la
bonne volonté.
Au contraire, on remarquait la lévite
Ou la compagne d'Esther qui récitait trois
vers ou qui, même, ne disait rien. C'est
qu'Estelle était habile à se draper et à
imaginer une coiffure. Ainsi lui fut ré-
vélée une vérité salutaire:
— Moins tu parleras sur la scène,
Plus les spectateurs t'attribueront de
talent.
Elle n'a pas encore oublié cette sen-
tence. Bientôt d'ailleurs elle aspirera
aux grands emplois, et la bienveillante
illusion du public pourrait bien se dis-
siper. Car les petites actrices qui brillent
au second plan ne savent pas résister à
la folle ambition de devenir des étoiles.
Elles commanditent des directeurs, achè-
tent des salles de spectacles, créent des
tournées, pour démontrer à Paris et à
la province qu'elles doivent se confiner
dans leurs modestes rôles et qu'il serait
Périlleux de les en sortir. Quand la
Preuve est faite, elles sont heureuses et
hères, parce qu'elles pensent qu'on les
a furieusement applaudies.
Le goût qu'avait montré Estelle pour
le costume théâtral engagea ses parents
à la placer chez une couturière. Grâce
à la protection d'un cocher de remise
qui était l'ami de son père et qui, chaque
Jour, menait au Bois une chanteuse de
music-hall, Estelle fut admise, comme
apprentie, dans une maison de la rue
de la Paix. Elle entendait dans l'atelier
des propos audacieux qui l'amusaient.
ses ouvrières disaient souvent l'avenir
qu'elles rêvaient. L'une voulait épouser
Jules, et l'autre Adolphe. Elles interro-
gèrent Estelle, qui, simplement, leur ré-
pondit :
- Je.veux être bien entretenue et de-
venir actrice.
th Cette réplique lui concilia la sympa-
thie narquoise de toutes les jeunes filles.
On la surnomma l'Ambitieuse. Mais,
comme elle était jolie, quelques-unes se
demandaient si son désir ne se réalise-
rait pas. Ne viendrait-elle pas bientôt
Oans les salons et n'examinerait-elle pas
9 un œil dédaigneux les mannequins?
Ne renverrait-elle pas les robes qu'elle
aurait commandées en signalant des né-
agences qui ne pourraient échapper à
°n attention professionnelle? On se se-
raIt vengé de ses succès futurs si la
on té de son sourire-n'avait apaisé la
jalousie. Mais on parlait beaucoup de
cet!e fillette, et le patron connut le rêve
qu'elle formait. Il vint dans l'atelier et,
legligemment, il lui dit :
- C'est vous, mademoiselle, qu'on
appelle l'Ambitieuse? Quel âge avez-
vous?
Estelle baissa la tête et murmura:.
— Seize ans !
— Il paraît, reprit le couturier, que
vous nous honorerez bientôt de votre
clientèle?
Les ouvrières riaient pour flatter l'or-
gueil du maître et pour humilier l'ap-
prentie. Elle répondit en souriant:
— Il est certain que, si j'étais riche,
je ne voudrais être habillée que par un
artiste tel que vous.
Il rougit un peu, toussa et sa voix
devint plus tendre. Il ne raillait plus. Il
était affectueux, paternel :
— Mon enfant, disait-il, on m'affirme
que vous renonceriez au travail honnête
pour vivre dans un luxe vilain et men-
songer. Est-il possible que vous souhai-
tiez une existence honteuse? Songez à
vos parents.
— Je serai très bonne pour eux, dé-
clara Estelle, et leur achèterai une mai-
son de campagne : c'est leur rêve !
— Ils vous maudiront, affirmait le pa-
tron. Que font-ils?
- Papa est homme de peine, et ma-
man, blanchisseuse.
- Ce sont de braves gens. Les ré-
duirez-vous au désespoir pour avoir des
chiffons? : * - •
— Oh ! s'écria Estelle, ce ne sont, pas
des chiffons, mais des œuvres admi-
rables.
— Elle est drôle, cette petite, dit le
couturier en tapotant les joues d'Es-
telle. Vous avet donc seize ans?
— Quinze ans et demi.
— Ainsi vous ne vous intéressez qu'à
la toilette?
— Oh! non, monsieur, je lis. J'ai été
élevée chez les sœurs. Si je veux être
élégante, c'est pour jouer la comédie.
Les ouvrières poussaient des cris de
joie; mais le patron leur imposa rude-,
ment silence :
— Taisez-vous, mesdemoiselles. Il ne
s'agit plus ici de coquetterie ou d'enfan-
tillage. Nous sommes en présence d'une
vocation théâtrale. Cette petite fille, dont
vous vous moquez, ridiculement, sera
peut-être une grande actrice. Respectez
l'art! L'art!
— L'art! répéta, fervente, Estelle.
Et elle leva ses beaux yeux vers le pa-
tron, qui balbutia :
— L'art!
Il toussa encore et dit
— Cette gamine a en physi«^-*émi-
rable. Elle sera charmante sur une scène.
Elle a déjà un regard profond. Elle est
bien faite.
Les ouvrières se taisaient. Estelle sou-
rit et, de nouveau, baissa la tête. Le
couturier sifflait un air d'opérette an-
glaise. II conclut:
— Mon enfaçt, vous direz à votre
père de venir me voir demain, à sept
heures, chez moi, avenue du Bois. Vous
savez quelques vers?
— J'ai appris des fables de La Fon-
taine.
— Vous en réciterez une devant un
acteur de la Comédie-Française qui doit
dîner avec moi.
— Je n'oserai jamais!
— Il faut oser ! Si vous avez des qua-
lités et si vos parents y consentent, je
vous procurerai les moyens de vous pré-,
senter aux examens du Conservatoire.
— Oh ! monsieur, dit Estelle en pleu-
rant, vous êtes bon.
- Calmez-vous, mon enfant. Je ne
suis pas meilleur qu'un autre; mais je
suis un artiste; je protège l'art. A de-
main !
— A demain, monsieur.
— Ah! Comment vous appelez-vous?
— Estelle.
Quand le patron fut sorti, les ouvriè-
res gardèrent un silence hostile. Une
d'elles dit enfin à Estelle:
- Pourquoi restes-tu ici puisque tu
te destines maintenant à la carrière
théâtrale?
- Oh! répondit-elle, je ne sais pas
encore si j'ai les dons nécessaires, et
mes parents me refuseront peut-être leur
consentement.
— Le patron a décidé que tu seras
une actrice : rien ne l'empêchera de faire
de toi une actrice. Il veut bien ce qu'il
veut.
— Oui, répondit Estelle, c'est un hom-
me très fort! Et elle éclata de rire.
$ - Pourquoi ris-tu?
W - Je suis gaie, dit Estelle : mon rêve
se réalise.
- Tu vas être une femme entretenue!
- Pardon ! répliqua gravement Es-
telle ; une artiste !
NOZIÊRE.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Mendicité
Tout a été prévu dans le nouveau règle-
ment concernant la police des théâtres. Des
dispositifs spéciaux s'appliquant aux ména-
geries ont même réglé, dans ses moindres
détails, la façon dont on devait traiter les
animaux les plus féroces. Une seule chose
semble avoir été oubliée à ce propos: c'est
la question, toujours ouverte et toujours
passionnante, de l'ouvreuse chargée, dans
certains théâtres, de la mendicité.
Que l'on n'ait point résolu, à l'heure ac-
tuelle, d'une façon satisfaisante la question
du vestiaire, qu'il nous faille encore multi-
plier nos pourboires pour d'innombrables
ouvreuses qui nous rendent de petits ser-
vices, cela passe encore. Mais on peut s'é-
tonner que M. Lépine n'aii pointsongi-Â-
nous déliv'rer de l'ouvreuse famélique con-
nue de tous, et dont le rôle unique est, au
cours d'une représentation, de venir implo-
rer la charité des spectateurs tout en leur
écrasant les pieds pour mieux se rappeler
à leur bon souvenir.
Tout le monde sait, au surplus, que l'ou-
vreuse chargée de ce service spécial est la
première à en souffrir.
Forcée de payer une forte somme au
théâtre pour exercer son petit monopole,
force lui est bien de rentrer dans ses avan-
ces comme elle le peut, et le plus souvent
elle n'essaie même pas de justjiier son in-
justifiable situation. Aux questions que lui
posent les spectateurs, curieux de savoir le
genre de service qu'elle rend, elle se con-
tente de répondre tristement:
- Je serais bien en peine de vous le
dire!
Elle est là pour mendier au nom de l'ad-
ministration, et elle se trouve à peu près
dans la même situation pitoyable que les
enfants en bas âge qu'une mégère, dissi-
mulée derrière une porte, lâche sur les
passants pour leur arracher quelques sous.
Cette pratique, il faut bien le dire, cons-
titue une monstruosité véritable pour nos
théâtres, dont les directeurs sont seuls res-
ponsables, et elle est d'autant plus intolé-
rable pour le public qu'elle n'est en rien
justifiée.
Les gens qui mendient dans la rue ont
au moins la pudeur de simuler de fausset
plaies et de chimériques amputations. S'il
est avéré que nos directeurs de théâtre ne
peuvent pas se passer de la charité publi-
que, qu'ils aient au moins la pudeur d'ac-
coutrer leurs ouvreuses de la même façon.
Avec quelques frais de maquillage dans les
coulisses, il sera facile de présenter les cho-
ses d'une façon plus convenable, et c'est de
grand cœur que nous donnerons un peu
d'argent à l'ouvreuse aveugle ou cul-de-jatte
qui nous le demandera.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures, réouverture de
l'Opéra-Comique avec la reprise d'Aphro-
dite, drame musical en six tableaux (d'a-
près le roman de Pierre Louys), adaptation
de M. Louis de Gramont, musique de M.
Camille Erlanger.
Ce soir, inauguration de l'Olympia trans-
formé, et soirée de gala.
L
e groom-saboteur.
Dans un petit théâtre, la direction,
changeant de spectacle les premiers jours
de ce mois, avait chargé son groom de por-
ter les services de « générale » et de « pre-
mière » à tous les journaux quotidiens. Or,
hier, plusieurs courriéristes réclamaient
leurs places, n'ayant rien reçu.
Le groom-gréviste avait saboté son théâ-
tre en jetant à l'égout les places adressées
à nos confrères de la presse.
T
ous les chemins.
Les débuts de Jeanne Petit, la char-
mante ingénue de 1 operette, dans la comé-
die, sont maintenant officiels. Il est curieux,
à cette occasion, de remarquer quel puis-
sant attrait le théâtre exerce sur les artistes
de çafés-concerts et de l'opérette.
Tous n'y réussissent point, cela va sans
dire, mais personne n'ignore qu'ils débutè-
rent sur les planches des music-halls, tous
ces artistes maintenant célèbres qui ont
nom Polin, Max Dearly, Prince, Reschal,
Moricey, Jeanne Granier, Simon-Girard,
Anna Judic, Ariette Dorgère, Mistinguett,
Diéterle, Lavallière, Yvette Guilbert, Po-
laire, etc.
Nous en passons, et des meilleurs.
E
ntr'acte.
Tout récemment,, à Saint-Lunaire,
s'organisait un de ces concours de construc-
tions de résistance qui font, sur les plages,
la joie des baigneurs oisifs et exaltent les
aptitudes. architecturales des- concurrents.
En un clin d'oeil- de véritables montagnes
de sable furent dressées. Chacune résista
- de son mieux - aux rudes assauts de
la vague.
Il y eut des prix, comme vous pensez.
t'un d'eux échut à l'équipe Ritcher, dont
faisait partie M. Emile Bergerat, qui n'a-
vait ménagé ni ses forces, ni ses encourage-
ments. Ce fut un joli succès.
On dit.
Qu'une de nos plus jolies comédien-
nes, qui souvent a triompha dans deux des
principaux théâtres du boulevard, chante-
rait une opérette cet hiver dans un petit
théâtre voisin de la Madeleine.
Voilà un projet nullement. aride?
L
es gaietés de l'annonce; du Times:
« On demande, pour la scène, un
homme avec un visage d acier et un sou-
rire capable de supporter une chaleur énor-
me. Ecrire A. 808, The Times, office E. S. »
Pourquoi, grands dieux, pourquoi ce vi-
sage d'acier et ce sourire. ignifugé? A
quel rôle peut-il bien convenir? Peut-être
au Masque de Fer assistant à une éruption
du Vésuve?. Cruelle énigme!
L
'âge de Péricaud.
Galipaux nous écrit :
Entre deux trains.
Cher Masque,
Notre ami Péricaud se trompe, nous aurons
tous les deux 18 ans, le soir de la première de
Chantée 1er.
A vous.
-- Félix - GALIPAUX.
L
e travail aux champs.
Les vacances ne sont pas toujours
synonymes de repos. Les auteurs dramati"
ques en savent quelque chose.
Sur les bords de la Meuse, M. Maurice
Hennequin achève, en collaboration avec
M. Pierre Veber, Une grosse affaire, trois
actes.
Au cap Brun, M. Henry Kistemaeckers
prépare quatre actes pour les Variétés.
M. Lucien Descaves suit son exemple, dans
la Haute-Savoie.
MM. Robert Charvay et Paul Gavault
goûtent, à Paris-Plage, les douceurs de la
villégiature en mettant la dernière main à
une comédie destinée au Gymnase.
M. Jacques Richepin travaille à Tréboul.
Vacances! Vacances!
s
on départ.
Nous disions tout dernièrement qu'il
était question du départ du co-directeur de
notre principal théâtre subventionné.
Tout est changé maintenant. « Il » ne se
retire pas. Il restera d'abord pour conduire
à l'orchestre un grand drame lyrique qui
sera la nouveauté de la saison, puis pour
diriger aussi une tragédie lyrique jouée
l'hiver dernier au Chàtelet, et qui sera
chantée par une célèbre cantatrice que
l'on a applaudie souvent à Covent. Gar-
den.
Que va dire le renommé compositeur qui
veut, lui aussi, diriger l'orchestre?
A
u palais du Dictionnaire,
La séance publique annuelle des
cinq Académies aura lieu le 26 octobre,
sous la Coupole.
On sait que chacune des cinq sections de
l'Institut de France fait présenter à cette
séance une notice par l'un de ses membres.
C'est à M. Maurice Do.nnay que l'Aca-
démie française a confié le soin de faire,
en son nom, la lecture d'usage. Une jolie
première — combien élégante 1 - en pers-,
pective!
REYNALDO HAHN, CRITIQUE
Dans cent mélodies, il avait répandu les grâ-
ces de son inspiration et de sa fantaisie. Mieux
que tout autre, il avait su comprendre et ac-
compagner la mélancolie de Verlaine, le lyrisme
serein de Banville, la majesté latine de Leconte
de Lisle. Les nuits parfumées de Venise lui
avaient inspiré les accents les plus mélodieux.
Puis son talent s'éleva et s'élargit, et ce fut le
charme exotique et imprécis de L'Ile du Rêve,
ce fut La Carmélite aux accords un peu mièvres
et volontairement surannés, et ce Bal chez Béa-
trix d'Esté, qui est peut-être sa page la plus ex-
quise.
Voici quelques années, il se révéla chef d'or-
chestre. En d'inoubliables soirées, il nous fit
connaître un Mozart que nous ne soupçonnions
pas. Il sut le jouer avec vivacité, avec ardeur et
rendit vivantes ces partitions que des inter-
prètes incertains faisaient languissantes et mo-
notones.
Le printemps dernier, le grand public connut
une joie, réservée jusqu'alors à ses seuls amis.
Aiïx mâtinées du ThSêtre' âes Arts, cpuÍs-ün "'fÓÍr,
à Versailles, sur le Grand Canal, Reynàldo
Hahn chanta — et ce fut' un ravissement. D'une
voix sobre, mais assurée, nuancée, aux accents
délicats et émouvants, avec un art merveilleux,
il murmura du Fauré et du Hahn. « .Cette
diction sincère, cette voix sans apprêts, sembla-
ble à la voix parlée, ces modelés impercepti-
bles et pourtant nécessaires, ce chant qui n'est
qu'une émanation du cœur, tout cela compose
quelque chose d'exquis et qu'on n'oublie pas. »
Et je suis heureux de pouvoir retourner à Rey-
naldo Hahn, cette charmante appréciation dont
il honore un chanteur allemand, M. Maurice
Farkoa. dans sa dernière chronique de Femina.
Car, non content d'être le plus gracieux de
nos compositeurs, d'être un conducteur d'or-
chestre intelligent et habile, et un chanteur déli-
cieux, M. Reynaldo Hahn vient de nous prouver
qu'il possède les qualités les plus rares de l'écri-
vain et du critique : le charme de l'esprit, le
don de l'expression, une intelligence ornée et
féconde, la connaissance approfondie de son art,
un jugement très sûr et un parfait éclectisme.
Lisez dans Femina les « Notes sur des notes »,
qu'il y publie chaque mois. Vous y trouverez,
sur le mouvement musical contemporain, les
remarques les plus fines, les anecdotes les plus
typiques, exprimées dans un style alerte, savou-
reux et neuf. Qu'il s'agisse du dernier concert
symphonique, des représentations d'opéra à Co-
vent Garden, de l'art du chanteur, de la renais-
sance de l'opérette, ou de la chanson de café-
concert, M. Reynaldo Hahn juge, commente,
évoque avec esprit et avec goût.
M. Reynaldo Hahn se fera rapidement, s'il le
désire, une grande réputation dans la critique
musicale, qui compte trop peu de Pierre Lalo.
Mais que ses succès de chroniqueur ne le dé-
tournent pas de son art et qu'il s'interrompe
quelque temps d'écrire, pour nous donner la
belle partition que nous espérons et qu'il nous
fait attendre.
- RENÉ BLUM.
O
n ne voit plus sur les routes, comme
jadis, nos chauffeurs lever de déses-
poir les bras vers le ciel; c'est que le pneu
« Le Gaulois » est aujourd'hui universel-
lement employé et qu'il ne crève pas de-
vant l'obstacle, auquel il oppose sa sou-
plesse et sa résistance.
L
'Ouverture.
,,
Taïaut!.. Couleurs de l'équipage
Où, très sanglés, nous suffoquons.
Les Piqueurs mènent grand tapage.
Mais, comtesse, où sont les faucons!.
Sous la verdoyante feuillée,
Chère à toutes les Magalis,
Voici la forêt réveillée
Par les sonores hallalis.
Et, dans les champs de marguerites,
Sous le noble décor qui sied,
Nous vous ferons, selon les rites,
Comtesse, les honneurs du pied.
***
Taïaut !. Le soleil agonise
Dans la majesté des couchants.
Le vélum des brumes tamise
La gloire du Théâtre aux Champs!
La Ville reconquiert ses hôtes.
Qu'avait retenus et ravis
M. Castelbon de Beauxhôtes.
On fait l'ouverture à Paris!
La Rampe attise ses lumières.
— Peuh! Tirés de Fontainebleau! -
Taïaut! Taïaut! C'est les Premières!
Combien de pièces au tableau ?. -
HENRI E. SIMONI.
s
LTV
i le grand tourisme a conquis tant de
chauffeurs, c'est Qu'à bord des luxueu-
ses limousines nos belles mondaines ont en-
Core toutes les joies du home. C'est aussi
grâce à Védrine, qui signe toutes les car-
rosseries de ces robustes voitures, auxquel-
- les il a donné une note d'art si originale.
Le M^oue de Verre.
Le Scandale de Saint=Germain
UN THÉÂTRE HISTORIQUE ABANDONNÉ
, L'article publié avant-hier sur l'affaire du théâ-
tre de Saint-Germain m'a valu un volumineux
courrier.
Quelques lettres qui émanent de. gens au cou-
rant de la question sont franchement approba-
tives.
D'autres posent des questions et demandent
des explications complémentaires.
Une, enfin, se montre dubitative.
En répondant à celle-ci, je répondrai à toutes.
Vous me soupçonnez, dites-vous, monsieur,
de légère exagération, aussi bien dans mes cri-
tiques sur la municipalité de Saint-Germain que
dans mes appréciations sur. le vieux théâtre.
Pour me justifier, je me bornerai à préciser les
trois points que vous paraissez mettre en doute,
et vous verrez que je n'avais pas du premier epup
épûisér tiMt thon arsenal de preuves et d'argu-
ments.
Tout d'abord, les qualités de la salle du vieux
théâtre: je maintiens qu'elles sont exceptionnel-
les, et je ne crains pas de dire qu'à ce point de
vue beaucoup de théâtres du boulevard ne sup-
porteraient pas la comparaison.
En ce qui concerne l'acoustique, notamment,
on ne saurait désirer mieux. Une personne pla-
cée devant le rideau de fond et parlant sur le
ton de la conversation est entendue de partout ;
j'en ai fait personnellement l'expérience avec
des personnes qui m'ont accompagné.
Mais passons au second point. Contrairement
à mon opinion, vous paraissez apprécier la nou-
velle salle des fêtes, et croire qu'il est possible
d'y faire du théâtre.
J'ai dit pourtant les dimensions ridicules de
la scène dont le cadre est deux fois plus large
que haut, l'acoustique déplorable, tous les in-
terprètes de la pièce obligés de se grouper sur
une surface de O'm. 50 carrés à gauche du souf-
fleur, tout en avant du proscenium ; j'ai signalé
aussi la machinerie inexistante et l'absence to-
tale de dessous ; or, voyez-vous, monsieur, les
dessous au théâtre, par le temps qui court, je
ne dirai pas que c'est tout, mais c'est beau-
coup.
Au reste, pour vous -édifier complètement sur
les défectuosités de cette salle, qui a cependant
coûté un joli denier, — on parle de plus de
400.000 francs, — je me contenterai de vous si-
gnaler un petit fait que vous ignorez peut-être.
L'amphithéâtre, où le prix des places est en-
core fort respectable, 0 fr. 75 s'il vous plaît, a
été construit de telle sorte que la vue de la
scène lui est complètement masquée par une
grande poutre métallique transversale, sur la-
quelle repose la voûte. Il est donc à peu près im-
possible,, sauf peut-être au premier rang en s(
pliant en deux, de rien voir de ce qui se pass(
en scène.
Lorsqu'on s'aperçut de ce léger inconvénient,
il était trop, tard.
On s'est alors avisé d'un moyen ingénieux'
que je livre à votre appréciation : on a faltl
percer ça et là, dans la fameuse poutre, quel-
ques trous et découper des arabesques, afin que
par ces légers interstices, les spectateurs pttfë<
M. Granchette présentant la reproduction en miniature du Théâtre de St-Qennarn. dont U est raMt
sent avoir, néanmoins, quelque aperçu du spcc-«|
tacle.
Enfin, le troisième point: Vous me laissez
entendre que, même si la municipalité de Saint-i
Germain est en train de commettre une erreur^
ma plume a certainement dépassé ma pensée:
lorsque j'ai écrit les mots « vandalisme ïnuni-,
cipal ».
-Eh bien! mon hoaorable contradicteur, voici
pour votre édification: Vous avez sans doute,
entendu parler de la célèbre série de magnifia
ques tapisseries des Gobelins, connue sous lt
nom de série des Châteaux ou des Mois.
Quatre de ces tapisseries, qui se trouvaient?
autrefois dans l'hôtel du maréchal de Noai.ies,;
furent léguées à la ville de Saint-Germain. <
C'était des pièces de toute beauté, faisant par-
tie d'une série unique, dignes de ligurer auj
Louvre, ou de compléter la collection. partieuel
lière de M. Victorien Sardou.
Eh bien ! savez-vous ce. qu'en ont fait leS)
édiles de Saint-Germain, ceux d'aujourd'hui ou.
leurs prédécesseurs, je ne sais au juste : ils lesl
ont fait couper en bandes et même en. petits'
morceaux pour tapisser les murs du cabinet diii
maire et de la salle du conseil. 1
Si, après cela, vous trouvez encore qfie les;
mots de « vandalisme municipal » sont exaré^és,,
c'est qu'alors vous n'avez pas le culte des chefs-*
d'œuvre et que vous ne savez pas non pins
apprécier la valeur marchande des choses pré- ,
eieuses. Vous n'êtes ni artiste, ni commerç^mt.
Vous n'appartenez donc à aucune des..deux meu-
les catégories d'individus pour lesquels jJai quel-
que considération ; et. dans ces conditions, veus
ne m'intéressez plus.
Ceci dit, je ne me fais pas grande illusion Slp"
le sort réservé au théâtre de Saint-Germain. U
est, très probablement, appelé à disparaître.
Heureusement que, grâce à un artiste local,
M. Granchette, il en existe une réduction
exacte, avec toute la machinerie et les d6cors,
un, vrai petit chef-d'œuvre dont la place est.
tout indiquée au musée de la ville.
P. MEALY.
Aux Admirateurs de M. Mounet=Sully
POLYEUCTE "AMOUREUX"
Nous avons demandé à Mme Emilie Lerou, qui
vient d'avoir un grand succès avec son roman
Sous le Masque, dont Comcedia a publié la partie
intéressant le monde, des théâtres, son apprécia-
Mme Emilie Lerou
tion personnelle sur l'interprétation de son illus-
tre camarade, M. Mounet-Sully, dans Polyeucte.
La voici:
C'est à M. Mounet-Sully que le public, fidèle
au répertoire classique, doit d'écouter aujour-
d'hui Polyeucte dans un'décor intime, qui fait de
cette tragédie un drame familial. Et c'est en 1899
que le Théâtre-Français réalisa une présentation
toute nouvelle de cette œuvre. Le cadre conven-
tionnel de la grande salle ouverte fut remplàcé
par un décor d'une époque de transition: la res-
titution d'un milieu élégant du troisième siècle.
Dans un tel cadre resserré, les personnages se
meuvent en une vision de vie; l'atmosphère est
changée ; les portes révèlent du mystère ; la lu-
mière violente du dehors éclate dans un coin du
vestibule, et le jour voilé de l'intérieur pénètre
par la série des vantaux mobiles, entr'ouverts
sur la clarté crue des jardins.
Cette précision du décor évoque la maison
orientale close au bruit, aux rumeurs, à la cha-
leur du jour. Cela crée l'intérieur d'ombre re-
ci^Uli, ^SOUPL Jbahité. De^ jpersoojiages reliés
, ,- !
ainsi à ce qui les entoure sont influencés par i in-"
timité des choses. Ils pensent, se meuvent, parV
Polyeucte et Pauline (1.. acte)
Photo Inédite de Mounet-Sully et de MTIA DuillaJ..
lent, « osent » autrement. L'exécution en tst
toute vivifiée.
L Mardi i9* Septembre 1908.
rédacteur en Chef : o. de PAWLOWSKI
1
RÉDACTION & ADMINISTRATION fi
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA=PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements. 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 01)
R RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouleuard Paissonnière, PARIS
1 TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : C0MŒDlA-PARI5
- ABONNEMENTS:
1% UN AN 6 MOtS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 p
ESTELLE
J'ai entrepris d'écrire l'histoire d'Es-
té, qui est une petite comédienne. Elle
est très connue des Parisiens. On l'ad-
mire aux courses et dans les restaurants
à.la mode: c'est, en un mot, une actrice
d'avenir. Mais elle n'a pas toujours vécu
datas le luxé, et c'est pourquoi je la vé-
nère. Je ressens un profond respect pour
ces jeunes filles qui sont nées dans la
misère et qui, chaque année, parvien-
nerit à dépenser une centaine de mille
francs. Les femmes honnêtes affirment
qu'il suffit de vouloir, et que, si elles y
aVaient consenti. Elles se vantent ou
elles sont naïves. La carrière de la cour-
tisane est difficile. Pourquoi celle-ci,
dont le visage est joli et le corps sou-
Ple, rôde-t-elle sur les boulevards exté-
rieurs, tandis qu'une autre possède un
hôtel dans la plaine Monceau? Ce n'est
Pas seulement la chance qui explique la
diversité de ces fortunes. C'est une ques-
tion de ténacité, d'endurance, de con-
duite.
Estelle appartient à une famille labo-
rieuse. Elle a parfois la fantaisie de réu-
nir à sa table quelques-uns de ses pa-
rents. J'ai £u l'honneur de dîner chez
elle — le soir du premier janvier — avec
Une mercière, un boucher, un apprenti
fumiste et un croque-mort. Si elle avait-
suivi les exemples de solide vertu que
lui donnait sa famille, il est évident
Qu'elle n'aurait jamais pu lui offrir des
repas succulents. Tandis que, d'un air
hautain, les domestiques présentaient les
mets et les vins aux convives, qui rou-
gissaient et balbutiaient, je contemplais
la joie d'Estelle. Un scrupule, un mau-
dis conseil auraient pu la retenir dans
le sentier de la morale. Elle aurait épou-
sé un brave garçon ; elle aurait tenu en
ordre le ménage et fait la cuisine; elle
aurait vieilli très vite, comme sa sœur
cadette, épicière. Elle eut l'énergie de
résister aux appels de sa conscience.
C'est qu'elle aimait le théâtre. Elle
avait été élevée par de bonnes sœurs
qui, gratuitèment, donnaient aux enfants
Instruction primaire et des principes
religieux. Elles organisaient parfois des
fêtes intimes, et les fillettes, comme les
demoiselles de Saint-Cyr, jouaient des
Scènes empruntées aux tragédies sacrées
de Racine. Dans ces spectacles, Estelle
Se faisait remarquer par l'éclat de ses
Yeux et par son costume. Comme elle
était affligée d'un défaut de prononcia-
tion, dont elle n'est pas encore délivrée,
on ne lui confiait pas un rôle important.
jamais elle ne fut Athalie ni Esther.
Mais elle observa que celles qui se don-
naient du mal pour interpréter ces per-
sonnages n'étaient pas récompensées de
leurs efforts. On murmurait:
— Elles ont de la mémoire et de la
bonne volonté.
Au contraire, on remarquait la lévite
Ou la compagne d'Esther qui récitait trois
vers ou qui, même, ne disait rien. C'est
qu'Estelle était habile à se draper et à
imaginer une coiffure. Ainsi lui fut ré-
vélée une vérité salutaire:
— Moins tu parleras sur la scène,
Plus les spectateurs t'attribueront de
talent.
Elle n'a pas encore oublié cette sen-
tence. Bientôt d'ailleurs elle aspirera
aux grands emplois, et la bienveillante
illusion du public pourrait bien se dis-
siper. Car les petites actrices qui brillent
au second plan ne savent pas résister à
la folle ambition de devenir des étoiles.
Elles commanditent des directeurs, achè-
tent des salles de spectacles, créent des
tournées, pour démontrer à Paris et à
la province qu'elles doivent se confiner
dans leurs modestes rôles et qu'il serait
Périlleux de les en sortir. Quand la
Preuve est faite, elles sont heureuses et
hères, parce qu'elles pensent qu'on les
a furieusement applaudies.
Le goût qu'avait montré Estelle pour
le costume théâtral engagea ses parents
à la placer chez une couturière. Grâce
à la protection d'un cocher de remise
qui était l'ami de son père et qui, chaque
Jour, menait au Bois une chanteuse de
music-hall, Estelle fut admise, comme
apprentie, dans une maison de la rue
de la Paix. Elle entendait dans l'atelier
des propos audacieux qui l'amusaient.
ses ouvrières disaient souvent l'avenir
qu'elles rêvaient. L'une voulait épouser
Jules, et l'autre Adolphe. Elles interro-
gèrent Estelle, qui, simplement, leur ré-
pondit :
- Je.veux être bien entretenue et de-
venir actrice.
th Cette réplique lui concilia la sympa-
thie narquoise de toutes les jeunes filles.
On la surnomma l'Ambitieuse. Mais,
comme elle était jolie, quelques-unes se
demandaient si son désir ne se réalise-
rait pas. Ne viendrait-elle pas bientôt
Oans les salons et n'examinerait-elle pas
9 un œil dédaigneux les mannequins?
Ne renverrait-elle pas les robes qu'elle
aurait commandées en signalant des né-
agences qui ne pourraient échapper à
°n attention professionnelle? On se se-
raIt vengé de ses succès futurs si la
on té de son sourire-n'avait apaisé la
jalousie. Mais on parlait beaucoup de
cet!e fillette, et le patron connut le rêve
qu'elle formait. Il vint dans l'atelier et,
legligemment, il lui dit :
- C'est vous, mademoiselle, qu'on
appelle l'Ambitieuse? Quel âge avez-
vous?
Estelle baissa la tête et murmura:.
— Seize ans !
— Il paraît, reprit le couturier, que
vous nous honorerez bientôt de votre
clientèle?
Les ouvrières riaient pour flatter l'or-
gueil du maître et pour humilier l'ap-
prentie. Elle répondit en souriant:
— Il est certain que, si j'étais riche,
je ne voudrais être habillée que par un
artiste tel que vous.
Il rougit un peu, toussa et sa voix
devint plus tendre. Il ne raillait plus. Il
était affectueux, paternel :
— Mon enfant, disait-il, on m'affirme
que vous renonceriez au travail honnête
pour vivre dans un luxe vilain et men-
songer. Est-il possible que vous souhai-
tiez une existence honteuse? Songez à
vos parents.
— Je serai très bonne pour eux, dé-
clara Estelle, et leur achèterai une mai-
son de campagne : c'est leur rêve !
— Ils vous maudiront, affirmait le pa-
tron. Que font-ils?
- Papa est homme de peine, et ma-
man, blanchisseuse.
- Ce sont de braves gens. Les ré-
duirez-vous au désespoir pour avoir des
chiffons? : * - •
— Oh ! s'écria Estelle, ce ne sont, pas
des chiffons, mais des œuvres admi-
rables.
— Elle est drôle, cette petite, dit le
couturier en tapotant les joues d'Es-
telle. Vous avet donc seize ans?
— Quinze ans et demi.
— Ainsi vous ne vous intéressez qu'à
la toilette?
— Oh! non, monsieur, je lis. J'ai été
élevée chez les sœurs. Si je veux être
élégante, c'est pour jouer la comédie.
Les ouvrières poussaient des cris de
joie; mais le patron leur imposa rude-,
ment silence :
— Taisez-vous, mesdemoiselles. Il ne
s'agit plus ici de coquetterie ou d'enfan-
tillage. Nous sommes en présence d'une
vocation théâtrale. Cette petite fille, dont
vous vous moquez, ridiculement, sera
peut-être une grande actrice. Respectez
l'art! L'art!
— L'art! répéta, fervente, Estelle.
Et elle leva ses beaux yeux vers le pa-
tron, qui balbutia :
— L'art!
Il toussa encore et dit
— Cette gamine a en physi«^-*émi-
rable. Elle sera charmante sur une scène.
Elle a déjà un regard profond. Elle est
bien faite.
Les ouvrières se taisaient. Estelle sou-
rit et, de nouveau, baissa la tête. Le
couturier sifflait un air d'opérette an-
glaise. II conclut:
— Mon enfaçt, vous direz à votre
père de venir me voir demain, à sept
heures, chez moi, avenue du Bois. Vous
savez quelques vers?
— J'ai appris des fables de La Fon-
taine.
— Vous en réciterez une devant un
acteur de la Comédie-Française qui doit
dîner avec moi.
— Je n'oserai jamais!
— Il faut oser ! Si vous avez des qua-
lités et si vos parents y consentent, je
vous procurerai les moyens de vous pré-,
senter aux examens du Conservatoire.
— Oh ! monsieur, dit Estelle en pleu-
rant, vous êtes bon.
- Calmez-vous, mon enfant. Je ne
suis pas meilleur qu'un autre; mais je
suis un artiste; je protège l'art. A de-
main !
— A demain, monsieur.
— Ah! Comment vous appelez-vous?
— Estelle.
Quand le patron fut sorti, les ouvriè-
res gardèrent un silence hostile. Une
d'elles dit enfin à Estelle:
- Pourquoi restes-tu ici puisque tu
te destines maintenant à la carrière
théâtrale?
- Oh! répondit-elle, je ne sais pas
encore si j'ai les dons nécessaires, et
mes parents me refuseront peut-être leur
consentement.
— Le patron a décidé que tu seras
une actrice : rien ne l'empêchera de faire
de toi une actrice. Il veut bien ce qu'il
veut.
— Oui, répondit Estelle, c'est un hom-
me très fort! Et elle éclata de rire.
$ - Pourquoi ris-tu?
W - Je suis gaie, dit Estelle : mon rêve
se réalise.
- Tu vas être une femme entretenue!
- Pardon ! répliqua gravement Es-
telle ; une artiste !
NOZIÊRE.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Mendicité
Tout a été prévu dans le nouveau règle-
ment concernant la police des théâtres. Des
dispositifs spéciaux s'appliquant aux ména-
geries ont même réglé, dans ses moindres
détails, la façon dont on devait traiter les
animaux les plus féroces. Une seule chose
semble avoir été oubliée à ce propos: c'est
la question, toujours ouverte et toujours
passionnante, de l'ouvreuse chargée, dans
certains théâtres, de la mendicité.
Que l'on n'ait point résolu, à l'heure ac-
tuelle, d'une façon satisfaisante la question
du vestiaire, qu'il nous faille encore multi-
plier nos pourboires pour d'innombrables
ouvreuses qui nous rendent de petits ser-
vices, cela passe encore. Mais on peut s'é-
tonner que M. Lépine n'aii pointsongi-Â-
nous déliv'rer de l'ouvreuse famélique con-
nue de tous, et dont le rôle unique est, au
cours d'une représentation, de venir implo-
rer la charité des spectateurs tout en leur
écrasant les pieds pour mieux se rappeler
à leur bon souvenir.
Tout le monde sait, au surplus, que l'ou-
vreuse chargée de ce service spécial est la
première à en souffrir.
Forcée de payer une forte somme au
théâtre pour exercer son petit monopole,
force lui est bien de rentrer dans ses avan-
ces comme elle le peut, et le plus souvent
elle n'essaie même pas de justjiier son in-
justifiable situation. Aux questions que lui
posent les spectateurs, curieux de savoir le
genre de service qu'elle rend, elle se con-
tente de répondre tristement:
- Je serais bien en peine de vous le
dire!
Elle est là pour mendier au nom de l'ad-
ministration, et elle se trouve à peu près
dans la même situation pitoyable que les
enfants en bas âge qu'une mégère, dissi-
mulée derrière une porte, lâche sur les
passants pour leur arracher quelques sous.
Cette pratique, il faut bien le dire, cons-
titue une monstruosité véritable pour nos
théâtres, dont les directeurs sont seuls res-
ponsables, et elle est d'autant plus intolé-
rable pour le public qu'elle n'est en rien
justifiée.
Les gens qui mendient dans la rue ont
au moins la pudeur de simuler de fausset
plaies et de chimériques amputations. S'il
est avéré que nos directeurs de théâtre ne
peuvent pas se passer de la charité publi-
que, qu'ils aient au moins la pudeur d'ac-
coutrer leurs ouvreuses de la même façon.
Avec quelques frais de maquillage dans les
coulisses, il sera facile de présenter les cho-
ses d'une façon plus convenable, et c'est de
grand cœur que nous donnerons un peu
d'argent à l'ouvreuse aveugle ou cul-de-jatte
qui nous le demandera.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures, réouverture de
l'Opéra-Comique avec la reprise d'Aphro-
dite, drame musical en six tableaux (d'a-
près le roman de Pierre Louys), adaptation
de M. Louis de Gramont, musique de M.
Camille Erlanger.
Ce soir, inauguration de l'Olympia trans-
formé, et soirée de gala.
L
e groom-saboteur.
Dans un petit théâtre, la direction,
changeant de spectacle les premiers jours
de ce mois, avait chargé son groom de por-
ter les services de « générale » et de « pre-
mière » à tous les journaux quotidiens. Or,
hier, plusieurs courriéristes réclamaient
leurs places, n'ayant rien reçu.
Le groom-gréviste avait saboté son théâ-
tre en jetant à l'égout les places adressées
à nos confrères de la presse.
T
ous les chemins.
Les débuts de Jeanne Petit, la char-
mante ingénue de 1 operette, dans la comé-
die, sont maintenant officiels. Il est curieux,
à cette occasion, de remarquer quel puis-
sant attrait le théâtre exerce sur les artistes
de çafés-concerts et de l'opérette.
Tous n'y réussissent point, cela va sans
dire, mais personne n'ignore qu'ils débutè-
rent sur les planches des music-halls, tous
ces artistes maintenant célèbres qui ont
nom Polin, Max Dearly, Prince, Reschal,
Moricey, Jeanne Granier, Simon-Girard,
Anna Judic, Ariette Dorgère, Mistinguett,
Diéterle, Lavallière, Yvette Guilbert, Po-
laire, etc.
Nous en passons, et des meilleurs.
E
ntr'acte.
Tout récemment,, à Saint-Lunaire,
s'organisait un de ces concours de construc-
tions de résistance qui font, sur les plages,
la joie des baigneurs oisifs et exaltent les
aptitudes. architecturales des- concurrents.
En un clin d'oeil- de véritables montagnes
de sable furent dressées. Chacune résista
- de son mieux - aux rudes assauts de
la vague.
Il y eut des prix, comme vous pensez.
t'un d'eux échut à l'équipe Ritcher, dont
faisait partie M. Emile Bergerat, qui n'a-
vait ménagé ni ses forces, ni ses encourage-
ments. Ce fut un joli succès.
On dit.
Qu'une de nos plus jolies comédien-
nes, qui souvent a triompha dans deux des
principaux théâtres du boulevard, chante-
rait une opérette cet hiver dans un petit
théâtre voisin de la Madeleine.
Voilà un projet nullement. aride?
L
es gaietés de l'annonce; du Times:
« On demande, pour la scène, un
homme avec un visage d acier et un sou-
rire capable de supporter une chaleur énor-
me. Ecrire A. 808, The Times, office E. S. »
Pourquoi, grands dieux, pourquoi ce vi-
sage d'acier et ce sourire. ignifugé? A
quel rôle peut-il bien convenir? Peut-être
au Masque de Fer assistant à une éruption
du Vésuve?. Cruelle énigme!
L
'âge de Péricaud.
Galipaux nous écrit :
Entre deux trains.
Cher Masque,
Notre ami Péricaud se trompe, nous aurons
tous les deux 18 ans, le soir de la première de
Chantée 1er.
A vous.
-- Félix - GALIPAUX.
L
e travail aux champs.
Les vacances ne sont pas toujours
synonymes de repos. Les auteurs dramati"
ques en savent quelque chose.
Sur les bords de la Meuse, M. Maurice
Hennequin achève, en collaboration avec
M. Pierre Veber, Une grosse affaire, trois
actes.
Au cap Brun, M. Henry Kistemaeckers
prépare quatre actes pour les Variétés.
M. Lucien Descaves suit son exemple, dans
la Haute-Savoie.
MM. Robert Charvay et Paul Gavault
goûtent, à Paris-Plage, les douceurs de la
villégiature en mettant la dernière main à
une comédie destinée au Gymnase.
M. Jacques Richepin travaille à Tréboul.
Vacances! Vacances!
s
on départ.
Nous disions tout dernièrement qu'il
était question du départ du co-directeur de
notre principal théâtre subventionné.
Tout est changé maintenant. « Il » ne se
retire pas. Il restera d'abord pour conduire
à l'orchestre un grand drame lyrique qui
sera la nouveauté de la saison, puis pour
diriger aussi une tragédie lyrique jouée
l'hiver dernier au Chàtelet, et qui sera
chantée par une célèbre cantatrice que
l'on a applaudie souvent à Covent. Gar-
den.
Que va dire le renommé compositeur qui
veut, lui aussi, diriger l'orchestre?
A
u palais du Dictionnaire,
La séance publique annuelle des
cinq Académies aura lieu le 26 octobre,
sous la Coupole.
On sait que chacune des cinq sections de
l'Institut de France fait présenter à cette
séance une notice par l'un de ses membres.
C'est à M. Maurice Do.nnay que l'Aca-
démie française a confié le soin de faire,
en son nom, la lecture d'usage. Une jolie
première — combien élégante 1 - en pers-,
pective!
REYNALDO HAHN, CRITIQUE
Dans cent mélodies, il avait répandu les grâ-
ces de son inspiration et de sa fantaisie. Mieux
que tout autre, il avait su comprendre et ac-
compagner la mélancolie de Verlaine, le lyrisme
serein de Banville, la majesté latine de Leconte
de Lisle. Les nuits parfumées de Venise lui
avaient inspiré les accents les plus mélodieux.
Puis son talent s'éleva et s'élargit, et ce fut le
charme exotique et imprécis de L'Ile du Rêve,
ce fut La Carmélite aux accords un peu mièvres
et volontairement surannés, et ce Bal chez Béa-
trix d'Esté, qui est peut-être sa page la plus ex-
quise.
Voici quelques années, il se révéla chef d'or-
chestre. En d'inoubliables soirées, il nous fit
connaître un Mozart que nous ne soupçonnions
pas. Il sut le jouer avec vivacité, avec ardeur et
rendit vivantes ces partitions que des inter-
prètes incertains faisaient languissantes et mo-
notones.
Le printemps dernier, le grand public connut
une joie, réservée jusqu'alors à ses seuls amis.
Aiïx mâtinées du ThSêtre' âes Arts, cpuÍs-ün "'fÓÍr,
à Versailles, sur le Grand Canal, Reynàldo
Hahn chanta — et ce fut' un ravissement. D'une
voix sobre, mais assurée, nuancée, aux accents
délicats et émouvants, avec un art merveilleux,
il murmura du Fauré et du Hahn. « .Cette
diction sincère, cette voix sans apprêts, sembla-
ble à la voix parlée, ces modelés impercepti-
bles et pourtant nécessaires, ce chant qui n'est
qu'une émanation du cœur, tout cela compose
quelque chose d'exquis et qu'on n'oublie pas. »
Et je suis heureux de pouvoir retourner à Rey-
naldo Hahn, cette charmante appréciation dont
il honore un chanteur allemand, M. Maurice
Farkoa. dans sa dernière chronique de Femina.
Car, non content d'être le plus gracieux de
nos compositeurs, d'être un conducteur d'or-
chestre intelligent et habile, et un chanteur déli-
cieux, M. Reynaldo Hahn vient de nous prouver
qu'il possède les qualités les plus rares de l'écri-
vain et du critique : le charme de l'esprit, le
don de l'expression, une intelligence ornée et
féconde, la connaissance approfondie de son art,
un jugement très sûr et un parfait éclectisme.
Lisez dans Femina les « Notes sur des notes »,
qu'il y publie chaque mois. Vous y trouverez,
sur le mouvement musical contemporain, les
remarques les plus fines, les anecdotes les plus
typiques, exprimées dans un style alerte, savou-
reux et neuf. Qu'il s'agisse du dernier concert
symphonique, des représentations d'opéra à Co-
vent Garden, de l'art du chanteur, de la renais-
sance de l'opérette, ou de la chanson de café-
concert, M. Reynaldo Hahn juge, commente,
évoque avec esprit et avec goût.
M. Reynaldo Hahn se fera rapidement, s'il le
désire, une grande réputation dans la critique
musicale, qui compte trop peu de Pierre Lalo.
Mais que ses succès de chroniqueur ne le dé-
tournent pas de son art et qu'il s'interrompe
quelque temps d'écrire, pour nous donner la
belle partition que nous espérons et qu'il nous
fait attendre.
- RENÉ BLUM.
O
n ne voit plus sur les routes, comme
jadis, nos chauffeurs lever de déses-
poir les bras vers le ciel; c'est que le pneu
« Le Gaulois » est aujourd'hui universel-
lement employé et qu'il ne crève pas de-
vant l'obstacle, auquel il oppose sa sou-
plesse et sa résistance.
L
'Ouverture.
,,
Taïaut!.. Couleurs de l'équipage
Où, très sanglés, nous suffoquons.
Les Piqueurs mènent grand tapage.
Mais, comtesse, où sont les faucons!.
Sous la verdoyante feuillée,
Chère à toutes les Magalis,
Voici la forêt réveillée
Par les sonores hallalis.
Et, dans les champs de marguerites,
Sous le noble décor qui sied,
Nous vous ferons, selon les rites,
Comtesse, les honneurs du pied.
***
Taïaut !. Le soleil agonise
Dans la majesté des couchants.
Le vélum des brumes tamise
La gloire du Théâtre aux Champs!
La Ville reconquiert ses hôtes.
Qu'avait retenus et ravis
M. Castelbon de Beauxhôtes.
On fait l'ouverture à Paris!
La Rampe attise ses lumières.
— Peuh! Tirés de Fontainebleau! -
Taïaut! Taïaut! C'est les Premières!
Combien de pièces au tableau ?. -
HENRI E. SIMONI.
s
LTV
i le grand tourisme a conquis tant de
chauffeurs, c'est Qu'à bord des luxueu-
ses limousines nos belles mondaines ont en-
Core toutes les joies du home. C'est aussi
grâce à Védrine, qui signe toutes les car-
rosseries de ces robustes voitures, auxquel-
- les il a donné une note d'art si originale.
Le M^oue de Verre.
Le Scandale de Saint=Germain
UN THÉÂTRE HISTORIQUE ABANDONNÉ
, L'article publié avant-hier sur l'affaire du théâ-
tre de Saint-Germain m'a valu un volumineux
courrier.
Quelques lettres qui émanent de. gens au cou-
rant de la question sont franchement approba-
tives.
D'autres posent des questions et demandent
des explications complémentaires.
Une, enfin, se montre dubitative.
En répondant à celle-ci, je répondrai à toutes.
Vous me soupçonnez, dites-vous, monsieur,
de légère exagération, aussi bien dans mes cri-
tiques sur la municipalité de Saint-Germain que
dans mes appréciations sur. le vieux théâtre.
Pour me justifier, je me bornerai à préciser les
trois points que vous paraissez mettre en doute,
et vous verrez que je n'avais pas du premier epup
épûisér tiMt thon arsenal de preuves et d'argu-
ments.
Tout d'abord, les qualités de la salle du vieux
théâtre: je maintiens qu'elles sont exceptionnel-
les, et je ne crains pas de dire qu'à ce point de
vue beaucoup de théâtres du boulevard ne sup-
porteraient pas la comparaison.
En ce qui concerne l'acoustique, notamment,
on ne saurait désirer mieux. Une personne pla-
cée devant le rideau de fond et parlant sur le
ton de la conversation est entendue de partout ;
j'en ai fait personnellement l'expérience avec
des personnes qui m'ont accompagné.
Mais passons au second point. Contrairement
à mon opinion, vous paraissez apprécier la nou-
velle salle des fêtes, et croire qu'il est possible
d'y faire du théâtre.
J'ai dit pourtant les dimensions ridicules de
la scène dont le cadre est deux fois plus large
que haut, l'acoustique déplorable, tous les in-
terprètes de la pièce obligés de se grouper sur
une surface de O'm. 50 carrés à gauche du souf-
fleur, tout en avant du proscenium ; j'ai signalé
aussi la machinerie inexistante et l'absence to-
tale de dessous ; or, voyez-vous, monsieur, les
dessous au théâtre, par le temps qui court, je
ne dirai pas que c'est tout, mais c'est beau-
coup.
Au reste, pour vous -édifier complètement sur
les défectuosités de cette salle, qui a cependant
coûté un joli denier, — on parle de plus de
400.000 francs, — je me contenterai de vous si-
gnaler un petit fait que vous ignorez peut-être.
L'amphithéâtre, où le prix des places est en-
core fort respectable, 0 fr. 75 s'il vous plaît, a
été construit de telle sorte que la vue de la
scène lui est complètement masquée par une
grande poutre métallique transversale, sur la-
quelle repose la voûte. Il est donc à peu près im-
possible,, sauf peut-être au premier rang en s(
pliant en deux, de rien voir de ce qui se pass(
en scène.
Lorsqu'on s'aperçut de ce léger inconvénient,
il était trop, tard.
On s'est alors avisé d'un moyen ingénieux'
que je livre à votre appréciation : on a faltl
percer ça et là, dans la fameuse poutre, quel-
ques trous et découper des arabesques, afin que
par ces légers interstices, les spectateurs pttfë<
M. Granchette présentant la reproduction en miniature du Théâtre de St-Qennarn. dont U est raMt
sent avoir, néanmoins, quelque aperçu du spcc-«|
tacle.
Enfin, le troisième point: Vous me laissez
entendre que, même si la municipalité de Saint-i
Germain est en train de commettre une erreur^
ma plume a certainement dépassé ma pensée:
lorsque j'ai écrit les mots « vandalisme ïnuni-,
cipal ».
-Eh bien! mon hoaorable contradicteur, voici
pour votre édification: Vous avez sans doute,
entendu parler de la célèbre série de magnifia
ques tapisseries des Gobelins, connue sous lt
nom de série des Châteaux ou des Mois.
Quatre de ces tapisseries, qui se trouvaient?
autrefois dans l'hôtel du maréchal de Noai.ies,;
furent léguées à la ville de Saint-Germain. <
C'était des pièces de toute beauté, faisant par-
tie d'une série unique, dignes de ligurer auj
Louvre, ou de compléter la collection. partieuel
lière de M. Victorien Sardou.
Eh bien ! savez-vous ce. qu'en ont fait leS)
édiles de Saint-Germain, ceux d'aujourd'hui ou.
leurs prédécesseurs, je ne sais au juste : ils lesl
ont fait couper en bandes et même en. petits'
morceaux pour tapisser les murs du cabinet diii
maire et de la salle du conseil. 1
Si, après cela, vous trouvez encore qfie les;
mots de « vandalisme municipal » sont exaré^és,,
c'est qu'alors vous n'avez pas le culte des chefs-*
d'œuvre et que vous ne savez pas non pins
apprécier la valeur marchande des choses pré- ,
eieuses. Vous n'êtes ni artiste, ni commerç^mt.
Vous n'appartenez donc à aucune des..deux meu-
les catégories d'individus pour lesquels jJai quel-
que considération ; et. dans ces conditions, veus
ne m'intéressez plus.
Ceci dit, je ne me fais pas grande illusion Slp"
le sort réservé au théâtre de Saint-Germain. U
est, très probablement, appelé à disparaître.
Heureusement que, grâce à un artiste local,
M. Granchette, il en existe une réduction
exacte, avec toute la machinerie et les d6cors,
un, vrai petit chef-d'œuvre dont la place est.
tout indiquée au musée de la ville.
P. MEALY.
Aux Admirateurs de M. Mounet=Sully
POLYEUCTE "AMOUREUX"
Nous avons demandé à Mme Emilie Lerou, qui
vient d'avoir un grand succès avec son roman
Sous le Masque, dont Comcedia a publié la partie
intéressant le monde, des théâtres, son apprécia-
Mme Emilie Lerou
tion personnelle sur l'interprétation de son illus-
tre camarade, M. Mounet-Sully, dans Polyeucte.
La voici:
C'est à M. Mounet-Sully que le public, fidèle
au répertoire classique, doit d'écouter aujour-
d'hui Polyeucte dans un'décor intime, qui fait de
cette tragédie un drame familial. Et c'est en 1899
que le Théâtre-Français réalisa une présentation
toute nouvelle de cette œuvre. Le cadre conven-
tionnel de la grande salle ouverte fut remplàcé
par un décor d'une époque de transition: la res-
titution d'un milieu élégant du troisième siècle.
Dans un tel cadre resserré, les personnages se
meuvent en une vision de vie; l'atmosphère est
changée ; les portes révèlent du mystère ; la lu-
mière violente du dehors éclate dans un coin du
vestibule, et le jour voilé de l'intérieur pénètre
par la série des vantaux mobiles, entr'ouverts
sur la clarté crue des jardins.
Cette précision du décor évoque la maison
orientale close au bruit, aux rumeurs, à la cha-
leur du jour. Cela crée l'intérieur d'ombre re-
ci^Uli, ^SOUPL Jbahité. De^ jpersoojiages reliés
, ,- !
ainsi à ce qui les entoure sont influencés par i in-"
timité des choses. Ils pensent, se meuvent, parV
Polyeucte et Pauline (1.. acte)
Photo Inédite de Mounet-Sully et de MTIA DuillaJ..
lent, « osent » autrement. L'exécution en tst
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