Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-08-11
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 août 1908 11 août 1908
Description : 1908/08/11 (A2,N316). 1908/08/11 (A2,N316).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645971p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
- 2e Année. caNo 316 (Quoti4l|§]|
ht ~Mt~
Mardi 11 Août 1908*»
COMŒDIA
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKt
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA..PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements. 24 fr. 12 fr.
Etranger 40 » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :'
27, Bouleuard Poissonnière,JPAR/8
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA.PÃRIS
, ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 D
FABLES EN PROSE
Le Droit
à la Grève
'A sir R.-K. Bloomfield.
Après son dîner, en fumant son ci-
gare, le 29 juin 19.., l'imprimeur Tou-
noir jeta par hasard les yeux sur son
grand-livre.
Il se lamenta.
Une somme relativement importante
entrait, tous les jours, dans sa poche. La
Plus grosse fraction de cette somme pas-
sait aussitôt, hélas! de sa poche dans
selle de ses ouvriers.
26 juin. - Encaissé.Fr. 100 »
'l7 Payé aux ouvriers. 70 »
, *7 juill. — Encaissé.Fr. 103 »
28 Payé aux ouvriers. 70 »
28 juin. - Encaissé. Fr. 97 »
Payé aux ouvriers. 70 »
Il possédait en magasin un stock im-
Portant de marchandises. Il songea qu'il
Pourrait fort bien réduire à zéro, pen-
dant un mois, ses frais de personnel. Il
ne tarda pas à se rendre compte, cepen-
dant, qu'il n'aurait jamais le courage de
Priver brusquement de leur gagne-pain,
Pour quatre semaines, douze braves gar-
Çons qui possédaient femme et enfants.
Par curiosité, il voulut, cependant,
calculer le chiffre qu'auraient atteint ses
bénéfices s'il avait eu le cœur assez sec
Pour se comporter de la sorte.
b Une feuille de papier traînait sur son
bureau. C'était l'épreuve d'une com-
mande qu'il avait exécutée, dix mois
Plus tôt, pour la Confédération Géné-
rale du Travail. Au recto, étaient im-
primés ces mots: « Camarades, ne tra-
vaillez plus que huit minutes par jour. »
Sur le verso, il crayonna ses calculs.
'l Il multiplia 100 francs par trente jours.
La solution lui prouva qu'il aurait pu,
le mois prochain, déposer 3.000 francs,
a son nom, dans les caves de la Banque
de France.
Le lendemain matin 30 juin, comme
tous les matins, l'apprenti balaya l'ate-
lier de l'imprimerie Tounoir.
Un chiffon de papier, roulé en boule,
attira ses regards.. Il le ramassa.
D'tiii côté, il aperçut des chiffrés grif-
fonnés au crayon: « 100x30=3.000. »
Il ne leur cureta aucune attention. De
autre, il lut*: « Camarades, ne travaillez
Plus que huit minutes par jour. »
En manière de plaisanterie, il colla ce
Papillon sur le mur.
Les ouvriers arrivèrent à huit heures
et demie. Ils aperçurent la petite affiche.
— Pourtant vrai, qu' c' serait bath
travailler seul'ment huit minutes par
jour! hasarda lHin, vers dix heures.
— Si c'est pas une dégoûtation de
turbiner du matin au soirl. constata *n
autre, vers une heure.
— On se crève, parole, on se crève!.
grommela un troisième, vers quatre
heures.
A l'heure de la fermeture des ateliers,
le doyen des ouvriers de la maison Tou-
noir frappa à la porte du bureau du
Patron.
— Entrez, mon ami.
— V'là, patron. les camarades et
moi on a décidé qu'on veut plus tra-
vailler que huit minutes.
— Huit minutes !. s'exclama M. Tou-
noir. Huit minutes! Vous ne parlez pas
sérieusement, mon ami!. Vous m'accu-
leriez à la faillite. La concurrence
étrangère.
— Patron, je discute point. C'est à
prendre ou à laisser. Huit minutes ou
la grève?
Le lendemain, le surlendemain et les
iours suivants, M. Tounoir nota sur son
livre de caisse:
1er juillet. -Encaissé Fr. 200 n
2 Payé aux ouvriers. 0 0
2 juillet. — Encaissé Fr. 207 »
Payé aux ouvriers. 0 0
3 juillet. — Encaissé. Fr. 210 »
Payé aux ouvriers. 0 0
Le 1er août, M. Tounoir se rendit à la
Banque. Les prix de vente avaient dou-
blé par suite de la grève. Il déposa, à
son compte, 6.000 francs.
Son stock de marchandises se trouvait
presque épuisé.
Devant la porte de l'imprimerie, il
rencontra le doyen de ses ouvriers.
4— Bonjour, mon ami, lui cria-t-il cor-
dialement. Je ne saurais vous cacher que
je vous approuve pleinement d'avoir té-
moigné d'une inébranlable énergie.
Excellent précédent en faveur des re-
Vendications sociales. Je crois, néan-
moins, que, pour le moment, votre ma-
nifestation n'aurait aucun intérêt à se
prolonger.
Une heure après, les compagnons re-
prenaient le travail à l'imprimerie Tou-
noir. En mettant les machines en mou-
vement, ils hochèrent la tête :
- On l'a pas encor' aujourd'hui la
journée de huit minutes, c't' évident.
Mais y a pas de danger, on l'aura la
prochaine fois !
Max et Alex FISCHER.
(Traduction réservée.)
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
La terreur musicale
On a bien tort de dire du mal des phono-
graphes, ce sont des artistes infiniment bon
entant et d'un maniement essentiellement
facile. Point n'est besoin d'user envers eux
de démarches diplomatiques pour les déci-
cider à jouer leur grand air, point n'est be-
soin de politesses exagérées et d'invitations
solennelles pour les entendre. On peut leur
tourner le dos pendant qu'ils jouent, on
peut même les oublier complètement, c'est
à peine si, lassés par tant d'ingratitude, ils
finissent au bout de quelques minutes par
ne plus chanter que d'une voix découragée
dont les notes espacées s'étouffent dans leur
gorge jusqu'au râle final.
Un petit encouragement et les voilà re-
partis.
A l'époque de terreur musicale où nous
vivons, ils sont une grosse consolation pour
bien des familles. Depuis plusieurs années
déjà, on avait traqué et chassé d'un peu
partout les chanteurs ambulants qui, seuls,
nous donnaient quelque joie parmi les mille
bruits de l'usine métallurgique dans laquelle
nous vivons. Restaient les orgues de barba-
rie: on les a supprimées. La joule infortu-
née se trouvait ainsi rabattue vers les ca-
fés-concerts et vers les théâtres lyriques of-
ficiels..
Les premiers de ces établissements étant
interdits, pour la plupart, aux mineurs ah
dessous de soixante ans, restaient seuls les
seconds. Mais la joule, muette d'horreur, n'a
pu se faire aux effroyables charivaris or-
chestraux que les acrobates de la musique
moderne y donnent journellement
Ainsi donc, plus rien. Le Père-Lachaise
dans toute son horreur, la.' nécropole im-
mense sans le moindre petit air chantant,
sans la moindre petite phrase musicale pour
se remettre un peu pendant quelques mi-
nutes des fils de fer neurasthéniques et des
troleys officiels de la vie. C'est alors qu'est
apparu le bon petit phonographe, et les bra-
ves bourgeois de Paris qui n'osaient avouer
à leurs amis leurs préférences musicales de
peur de passer pour des imbéciles, ont pu,
depuis ce jour, s'enfermer dans leur cave
avec quelques disques ou se réfugier au
tond de la hutte d'un charbonnier dans une
forêt déserte, pour entendre tout à leur aise
La Fille de Madame Angot, Sambre-et-
Meuse ou Les Cloches de Corneville.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
D
e Max auteur.
De Max ne se contente pas d'être le
beau tragédien que l'on sait. Il avait hor-
reur de la pantomime et voici que, con-
verti à la religion du geste cher à Debu-
reau, il écrit en secret un livret mimé qui
sera prochainement interprété par le mime
Farina et Mlle d'Egrenières. La pantomime
de M. de Max contient un nègre qui —
par amour — se transforme en Pierrot
blanç. Le cœur a des raisons.
S
ur le pré.
On nous communique le procès-ver-
bal suivant:
A la suite d'un incident d'ordre littéraire, une
rencontre a eu lieu à l'épée ce matin entre M.
Valentin Mandelstamm et M. Jacques Ballieu, à
la Grande-Roue.
A la première reprise, M. Jacques Ballieu a
été atteint à la partie externe de l'avant-bras
droit d'une blessure pénétrante. Mis en obser-
vation, il a été jugé par les deux médecins, les
docteurs Mugnier et Guillet, en état d'infério-
rité manifeste, et malgré ses protestations, le
combat a été déclaré clos.
M. Rouzier-Dorcières dirigeait la rencontre.
Fait double à Paris, le io août 1908.
Pour M. Jacques Ballieu:
CAMILLE LE SENNE.
E. ROUZIER-DORCIÈRES.
Pour M. V. Mandelstamm:
F. FRANK-PUAUX.
R. POPP DE LUTTIN.
c
'est le vent!.
Le premier jour des chorégies d'O-
range, le ballet venait de finir sur la danse
des voiles.
Et les petites danseuses, qui avaient dé-
sespérément lutté contre un mistral déchaî-
né en tempête, regagnaient leurs loges, avec
quelque déception de ne pas avoir reçu
d'un public empressé à sortir les applaudis-
sements enthousiastes que ne leur réser-
vent jamais leurs admirateurs de l'Opéra:
— Bah ! dit philosophiquement la char-
mante choryphée de l'Opéra, Jeanne Katz,
c'est la faute du vent. On ne peut pas ap-
plaudir quand on est préoccupé de retenir
son chapeau! -
L
a musique des Peaux-Rouges et la mu-
sique allemande. - ',.
Miss Fletcher, membre du bureau a etn-
nologie américain, armée du phonographe,
a enregistré de nombreux chants de Peaux-
Rouges qu'elle a fait ensuite noter musica-
lement. Le résultat a été surprenant.
Il apparaît, en effet, que les chants de
Peaux-Rouges ne sont nullement des hur-
lements comme on avait prétendu les carac-
tériser, mais qu'ils ont, au contraire, cer-
taines ressemblances avec les thèmes de
Beethoven, de Schumann et encore plus de
Wagner et de Liszt, voire même de Chopin.
Dans le Chant de la Paix, notanirnent,
on remarque une analogie étonnante avec
la manière de l'auteur de la Tétralogie.
Ces chants sont répandus chez tous les
Indiens et se transmettent de génération en
génération. Miss Fletcher a constaté qu ils
existaient dans toutes les tribus, sans au-
cune variation de mélodie et de rythme.
Et voilà comment les superficiels « visa-
ges pâles » ont coutume de calomnier les
pauvres sauvages. „
L
eur âge. 4
La surprise qu exprimait récemment
un lecteur de Comœaiu au sujet ues rap-
ports de Victor Hugo vieillard et de Ra-
phaël Duflos jeune débutant, nous profite
qu'on se fait en général une fausse idée
de l'âge de nos artistes.
Précisons donc un peu. A la Comédie,,
le doyen, M. Mounet-Sully, atteignit sa
soixante-septième année en février dernier.
Son frère Paul a cinquante-cinq ans. Mmel
Fayolle va en avoir cinquante-neuf, Mme
Bartet cinquante-quatre et Silvain cinquan-
te-sept. Juillet en apporta soixante à Bail-
let, et de Féraudy va sur ses quarante-neuf.
M. Prudhon, lui, est de 1843, et le cinquan-
tième anniversaire — parfaitement! - de
M. Le Bargy va sonner dans quelques
jours; il y a quelques semaines qu'il sonna
pour Huguenet. Plus jeunes, MM. Leloir
(48), Leitner (46), Albert Lambert fils (43),
Ravet (38), Esquier (37), Siblot (37), Fe-
noux (38), Numa (43), Beer (41)) et Des-
sonnes (31).
Mme Pierson est de 1842, Mlle du Mi-
nil de 68, Mlle Delvair de 77, Mme Sorel
de 72, Mme Segond-Weber de 67, Mme
Kolb de 54, Mlle Kolb de 56, Mlle Cerny
de 68, Mlle Géniat de 80, et l'heureuse
Mlle Piérat de 85!
E
n République.
Dans une de nos stations balnéaires
les plus en vue, une troupe de passage est
annoncée : elle doit donner un chef-d'œuvre ;
les artistes sont, paraît-il, excellents ; la salle
est comble, on va lever le rideau. Quand,
tout à coup, un monsieur fort distingué
fait appeler le directeur de la troupe.
— Monsieur, lui dit-il, la grande-du-
chesse Wladimir a l'intention d'assister à
votre spectacle; seulement, comme Son Al-
tesse a excursionné cet après-midi, elle est
rentrée un peu tard et vous prie de retar-
der d'un quart d'heure le lever du rideau.
Il va sans dire que l'on obtempéra au
désir de l'Altesse qui, en récompense, vou-
lut bien faire féliciter les artistes par un
chambellan., Mais ne pensez-vous pas que
si nous nous mettons, en France, sur le
pied de faire plaisir à toutes les Altesses
qui nous visitent, nous risquons des com-
plications diplomatiques regrettables. Sup-
posez, en effet, que, le même soir, le prince
de Galles ait demandé que l'on commençât
un quart d'heure plus tôt, afin de ne point
rater le Sud-Express. Il est permis de se
demander comment l'imprésario se serait
tiré de là.
D
ans le monde.
Hier a été célébré, à la mairie du
8 arrondissement, le mariage de Mlle Anne
Fallières, fille du président de la Républi-
que, et de M. Jean Lanes, secrétaire géné-
ral de l'Elysée.
Une assistance considérable, appartenant
au monde politique et diplomatique, se
(P. Boyer et Bert, phot.)
Mlle Fallières
pressait à la mairie où M. Roger ABou a
prononcé une courte allocution.
La cérémonie religieuse, qui eut lieu à
la Madeleine, fut des plus simples, et, après
un déjeuner intime à l'Elysée, M. et Mme
Jean Lanes ont quitté Paris, se rendant
dans le département de Lot-et-Gàronne.
v
ieux papiers.
Nous recevons d'un de nos lecteurs,
qui porte un joli nom de répertoire classi-
que, M. Cléone, la très intéressante lettre
suivante :
La lecture des vieux livres ou des publications
plus ou moins anciennes vous fait souvent décou-
vrir des anecdotes assez curieuses. C'est ainsi
qu'en feuilletant L'Intermédiaire des Chercheurs
et des Curieux, année 1896, premier semestre,
j'ai été mis sur la trace du passage de Molière,
ou plus exactement de sa future famille, dans
une petite localité proche d'Etampes, Anger-
ville. En étudiant et en fouillant les registres pa-
roissiaux de cette commune, un Etampois, cher-
cheur érudit et opiniâtre, M. Ch. Forteau, a dé-
couvert, en effet, à la date du 5 février 1636,
l'acte de baptême de « Magdeleine », fille de
« Jean-Baptiste Tristan l'Hermite, escuier de
Saint-Praix (Saint-Prest près Chartres et sieur de
Vauselle) et de damoiselle Marie Courtain ».
L'enfant a pour parrain François Breton, es-
cuyer parisien, et pour marraine, Marie Hervé,
sa tante, bourgeoise de Paris.
D'après M. Georges Monval, le distingué ar-
chiviste du Théâtre-Français, qui vient tout ré-
cemment de prendre sa retraite, il s'agit de Mag-
deleine de l'Hermite, qui figura quelque temps,
avec ses père et mère, dans la troupe de Mo-
lière, en province, sous le nom de Mademoiselle
Magdelon, épousa, en Avignon, Pierre Fuzelier
(1655) et devint, en 1666, comtesse de Modène,
par un remariage avec Esprit de Rémond de Mo-
dène, veuf de Marguerite de la Baume de Suze
et amant de Madeleine Béjart. Son père, J.-B.
l'Hermite de Vauselle, était le frère de lacadé-
micien François Tristan l'Hermite de Souliers.
Sa mère, Marie Courtin de la Dehors, était pa-
rente des Béjart. La marraine. Marie Hervé, était
Mme Béjart, belle-mère de Molière et belle-
sœur de l'Hermite de Vauselle. Quant au par-
rain, François Breton, escuyer parisien, son iden-
tité est incertaine.
Comme on le voit, une partie du futur entou-
rage de Molière se trouvait à Angerville le 5 fé-
vrier 1636; était-ce une troupe de comédiens de
campagne qui, se rendant d'Etampes à Orléans,
ou marchant en sens inverse et allant d'Orléans
à Paris, s'était arrêtée à Angerville? Il est diffi-
cile de le préciser, mais tout porte à le croire. Et
n'estai pas curieux de voir la future Mademoi-
selle Magdelon, la future comtesse de Modène,
la future parente de Molière, venir - au monde
dans un petit coin de la Beauce. au hasard d'un
relai de poste?
1 H. CLÉONE.
';:: LES PRINCES D'ORANGE
1 ; -: 8 août 1908.
i J'aime à ne pas m'étonner dans une atmos-
phère d'héroïsme; mais quelle cuirasse n'a pas
son défaut? Allez donc résister à l'enveloppant
mouvement de tant de gestes qui, passant la
crête dentelée de murs centenaires, vont jus-
qu'aux étoiles, que notre Gasquet prétend
<( effleurées par un léger mistral! » Quelles
merveilleuses chimères vous animez de votre
vitalité exaspérée, ô Princes d'Orange! Voici,
dans le décor d'un ciel formidable avec sa
fuite de nuage s,\ l'affairement des Héros: Mou'
net-Sully, Paul Mounet, A. Lambert, -Joubé,
Alexandre,'" Perrin campés comme des Dieux.!
Et tant d'autres ! Puis, grâce et fureur, tour-
billon de voiles diaprés, voici les Princesses:
Weber, Roch, Provost, Neith Blanc, Tessan-
dier, Yvonne Ducos, Delphine Renot, Lyrisse
et cette Tanagra Napier kowskal Et tant d'au-
tres 1. Des pleurs, des rires et les danses ! 113
vont conquérir la Toison fabuleuse qui cache
la fortune et la gloire en ses plis et par surcroit
demi-dieux ! Argo, vaisseau géant, porte des
demi-Dieux, l'ombre de Racine 1 s'accoudeélé-
gante à la prouejqui vise la mer. houleuse du
peuple angoissé A Là Mendès, Souchon, Avize,
Hugo chantent leurs péans victorieux qui s'en-
volent - comme des aigles aux coups d'ailes
rythmés! Au gouvernail, Paul Mariéton, Réal
défient l'impossible mauvaise fortune. Empres-
sés, rieurs, blagueurs et vaillants, les servi-
teurs de l'art emplissent la ville et les gra-
dins l Gabriel Boissy, Valmy-Baysse, E. Gau-
bert, Petitjean, Gir, Vierge bousculent Nozière,
Rigal, Fauré,, Courteline, d'Esparbès, Gasquet,
Varennes! La cour empanachée, dès l'aube, le
petit lever du 4 roi Soleil, intrigue, potine et
pose. La foule des photographes rameuse les
miettes des gestes que la canaille achète pour
assouvir sa r faim .- de souvenirs.
- Après les répétitions, on se rue vers-les" .ta-
bles chargées de mets. Tessandier adore le, me-
lon, - qu'elle dévore à même, à pleines dents,;
Paul Mounet préfère les fruits arrosés d'un pe-
tit vin sincère; Delphine Renot choisit un sau-
cisson qui vient de cuire 1 0 particularitée -des
appétits! Une petite à la taille de guêpe man-
ge comme l'ogre • et les géants touchent les
pièces de viande du bout des dents.
On dort mal dans la fièvre d'une ville enva-
hie par l'attente d'inoubliables manifestations
d'art. Et parmi tant de martyrs volontaires,
épuisé d'un dévouement effacé, dans son trou:
sonore, je te vois, ô souffleur, et te plains,
t'admire, puisque tu es, tour à tour, le sup-
pléant des aèdes absents. Que ton nom, par
Comcedia, vole jusqu'à la postérité! C'est De-
lafosse 1
ROGER DUCOS.
p
elléas et Mélisande.
Que les debussystes se réjouissent.
On nous annonce, en effet, que le chef-
d'œuvre de Debussy, Pelléas et Mélisande,
sera représenté à Londres, la saison pro-
chaine, au théâtre de Covent-Garden.
Ce sera, croyons-nous, la première re-
présentation de ce célèbre drame lyrique,
de l'autre côté de la Manche.
Encore un heureux effet de l'entente
cordiale.
Le Masque de Verre.
Une lettre ",'
de M. Alfred Capus
Nous avons reçu de M. Alfred Capus la
trop flatteuse lettre que voici, mais que
nous ne croyons pouvoir cependant con-
server pour nous seuls, tant elle présente
d'idées claires et intéressantes sur l'Art
dramatique tout entier:
Lundi, II août.
Monsieur et cher confrère,
Je ne résiste pas au plaisir de vous dire com-
bien certains de vos articles sur le théâtre me
paraissent justes et profonds. J'ajouterais «neufs»
si quoi que ce soit pouvait être absolument
neuf; en tout cas, très originaux et très person-
nels par les points de vue où vous vous placez
et la netteté de l'expression.
Celui de ce matin sur les sujets de pièces,
simples armatures destinées à contenir et à res-
serrer la pensée de l'auteur dramatique, est un
des meilleurs. J'ai soutenu plusieurs fois dans
des articles et des notes sur le théâtre, et je
n'étais pas le premier, une idée à peu près
pareille, mais l'analogie que vous y ajoutez avec
la méthode scientifique m'avait échappé. Elle est
excellente, vous appartient et contribue à éclair-
cir la question.
En effet, un sujet de pièce pour un écrivain
qui a quelque chose à dire, comme un système
scientifique pour un savant qui a quelque chose
à trouver, ne sont que des appuis â leur pensée
et à leur recherche. Et, pour ne parler que de
théâtre, c'est le détail nouveau, imprévu, le
tour de l'exécution, le point de vue de l'au-
teur, sa manière, sa philosophie, sa conception
particulière de la vie et du, sentiment qui sont
tout.
Conduire plus ou moins bien un sujet de
pièce du commencement à la fin et obtenir un
succès plus ou moins grand exige, certes, du
talent et du métier, mais un talent et un métier
de qualité moyenne et que presque tous les
écrivains de profession peuvent acquérir ou s'as-
similer. Ce n'est qu'affaire d'application et de
travail. Mais pour le reste, il faut la personna-
lité, le don. Il faut mieux que le travail, il
faut la méditation. -
La grande ligne frontière entre les auteurs
dramatiques qui font du théâtre et ceux qui
comptent dans l'histoire du théâtre est là.
On ne s'imagine pas avec quelle justice et
quelle autorité on jugerait les œuvres dramati-
ques, celles d'aujourd'hui comme celles d'hier
si on les examinait de ce côté et sous cet an-
gle. On renouvellerait la critique, on éclairerait
la voie où s'engage notre théâtre au lieu de
l'encombrer de formules qui durent une saison,
de mots vagues, de sentences sommairement dé-
daigneuses ou de violentes et impérieuses louan-
ges. (Les louanges, c'est encore ce qu'il y a
de moins grave).
Et pour tout dire, mon cher confrère, il y a
un délicieux mot français qui semble vous être
cher, qui m'est cher à moi aussi, et dont tous
les écrivains de notre pays devraient s'efforcer
de ne pas laisser périr le sens. Ce mot, c'est
le goût.
« Le mauvais goût mène au crime » a dit un
contemporain de Stendhal. L'auteur de La Char-
treuse de Parme citait souvent avec admiration
cette parole qui devrait planer sur tous les ju-
gements littéraires.
Je vous félicite donc encore, mon cher con-
frère, et non seulement pour l'article qui vous
attire cette un peu longue épître, mais pour la
plupart des autres. Je suis convaincu que uius
en tirerez un jour un très remarquable code de
critique dramatique et je vous prie de me croire
un de vos plus fidèles lecteurs.
Alfred CAPUS.
La Grande Semaine de Trouville
Mlle Yvonne Dubel
- - La semaine qui commence est la grande
semaine des courses et le plein de la sai-
son. Elle sera particulièrement chargée au
théâtre du Casino-Salon.
Dimanche, Faust; lundi, L'Amour veille,
avec M. Georges Berr et Mme Bertiny,
de la Comédie-Française.; mardi, Lakmé,
avec M. Clément et Mlle Mathieu-Lutz, de
l'Opéra-Comique ; mercredi, soirée de gala
organisée par M. Letellier, maire de Trou-
ville, au bénéfice des pauvres de Trouville-
Deauville, avec le concours de Mlle Dus-
sane et M. Dessonnes, de la Comédie-
Française, Mmes Polaire, Marguerite De-
val, etc., MM. Brûlé, Maurel, Defreyn, etc. ;
jeudi, Carmen, avec M.. Clément; samedi,
Le Cœur et le Reste, avec M. Albert Bras-
seur;etàdimanch'e [16, Manon, avec-imle
YvoimedDubeLet' M. Clément.
Desson-côté, l'Eden-Casino aura complè-î
tement renouvelé son affiche. Les admlIDs-,
trateurs, MM. Stainville et Henriez, ont,
engagé Mme Esther Lekain et les Neuf
Yankee Doodle Gearls, chanteuses et dan-
seuses américaines. i
Dans^la partie de concert outre-Mme Marthe O'Relly, Mlle Liseron] ,
MM. Paul Villa, Delfort, Chambard, etc.J
Parmi les attractions on doit citer le£
Yost, sculpteurs modeleurs; Flem et BrockJ
boxeurs aériens; les 3 Stewarts, acrobates;
Tony's, clown imitateur ; les frères Galettij
anneaux, etc. Programme très Tarié, conv
me on peut voir.
E&îspectacle d'hier au Théâtre: du Salot
devait être L'Attaque du Moulin, mais M.
Auber, encore fatigué de la représentatioE
d'Hamlet, r a demandé un peu de reposa «
L'Attaque 'est, remise à plus tard; et on-a
donné Faust en remplacement. j
Le chef-d'œuvre de Gounod avait" attire
une chambrée complète. Il en est toujours
ainsi, du reste, depuis l'Opéra jusqu'au plus
petit théâtre, chaque fois que cet ouvrage
est sur l'affiche, ce qui prouve que s'il esi
très chic, dans certains milieux, de tnouvei
Faust démodé, le public qui paie n'estîpasi
de cet avis. - i
Il faut d'abord mettre hors de pairlMIIe
Yvonne Dubel, qui a chanté et joué lelTôle
de Marguerite comme on le voit rarement
en saison d'été. L'air des Bijoux, le grand
duo du Jardin, la scène de l'Eglise,, la*morfi
de Valentin et le grand trio final «.«onHéîâ
pour elle une série ininlerrompuerde-Jxrai
vos, et c'était très mérité. 4
M. Zocchi faisait son Jsecondèdebnt$3ana
le rôle du docteur Faust. Le premier,/',ta j
bleau, la cavatine du jardin, où. sa jolie^-voia
a fait merveille, le duo du jardin, le".tri
du duel ainsi que le trio, final ont été ires
applaudis. -J
M. Rudolff, dans le rôle defMéphistophê^
lès, a fait grand plaisir. La ronde du Veau
d'or et la sérénade ont fait valoir saryoh
souple et très homogène. j
M. Corin (Valentin) a droit à: tous 210a
remerciements pour ne pas nous avoir in-
fligé l'audition de la phrase de l'ouve r
qui, bien à sa place à cet endroit, a ét
agrémentée (?) de paroles pour quelquesf
barytons étrangers et qui ne se chante pas
à Paris. Mais que les habitués de l'Opéra
se rassurent: ils n'y perdent rien et la gloij
re de Gounod non plus ! Le trio du Duef efi
la mort de Valentin ont été joués et chantés
par M. Corin de façon très dramatique.
Mme Lenté-Maître (Siébel) etMmeMkfi^
qui a joué dame Marthe avec beaucoup da
gaieté, ont eu leur part dans le succès gé-<
néral.
Les chœurs, un peu flottants, auraient etl
besoin d'une répétition supplémentaire.
L'orchestre était bien dans la main de son
chef, Adolphe Maton.
Le Triduum
Artistique d'Orange
La troisième et dernière journée Voit l'éclatant succès ded
DurgraVes de Victor Hugo
(DEUXIÈME SOIRÉE)
Vous vous rappelez la page célèbre de l'Ori-
gine de La Tragédie, où Nietzsche montre le roi
Midas poursuivant Silène dans la forêt. Lorsqu'il
s'en est emparé et qu'il lui a demandé quelle est
la chose qu'on doit préférer à tout, le dieu, long-
temps muet, finit par éclater de rire, et dans l'é-
clat de ce rire imprévu: « Race éphémère et mi-
sérable, répond-il, enfant du hasard et de la
reine, pourquoi me forces-tu à te révéler ce qu'il
vaudrait mieux pour toi ne jamais connaître? Ce
que tu dois préférer à tout, c'est pour toi l'impos-
sible: c'est de n'être pas né, de ne pas être,
d'être néant. Mais, après cela, ce que tu peux
désirer de mieux, — c'est de mourir bientôt. »
Avant de me rendre au théâtre, ou justement,
ce soir, on donne Le Roi Midas, de MM. André
Avèze et Paul Souchon, je viens de relire cette
page extraordinaire où Nietzsche montre que
pour comprendre le drame du monde, l'homme
doit avoir atteint déjà ce haut degré de renonce-
ment. C'est un analogue renoncement, c'est un
mot de bonté qui termine aussi la comédie lyri-
que des deux jeunes poètes que nous venons
d'applaudir longuement tout à l'heure. Bienveil-
lant aux muses, le Mistral qui, tout le jour, avait
redoublé de violence, s'est un peu apaisé ce soir.
Il plaque les voiles sur la nudité plus sculpturale
des actrices et met un mouvant horizon de souf-
fle salubre et de large morale aux beaux vers des
deux jeunes fils auxquels il mêle ses vastes fris-
sons et son murmure paternel.
C'est autant par la pureté des rythmes que par
l'ampleur des images que valent, en effet, les
vers du Roi Midas. Familiers, bavards et sautil-
lants, ces vers d'antique comédie, sans rien per-
dre de leur légèreté, constamment côtoient le
grand lyrisme, et de larges strophes en débor-
dent qui, comme dans la dispute de Pan et d Apol-
Ion, s'envolent au plein ciel de la plus noble ins-i
piration. Il faut dire aussi que l'interprétation en
fut parfaite. Paul Mounet a dessiné un type tru-
culent de Silène ivre, plein de grandeur et de
bonhomie. Quand il est apparu, l'outre au flanc,
à califourchon sur son âne, trébuchant dans
l'ivresse des dieux, il m'a rappelé -ce triomphe
de Silène de Dalou, au Luxembourg, devant le»
quel peut-être Souchon a conçu les premières
scènes de la comédie, entre deux poèmes de La
Beauté de Paris.
Mais je voudrais vous raconter la pièce. Je
sais que les pièces de cette sorte ne s'analysent
point, qu'elles perdent, à être racontées, tout le
charme vivant dont le vers les enveloppe; mais
je citerai de ces vers le plus que je pourrai. Com-
me ceux des vrais poètes, on les retient au pas-
sage. Ils se couchent dans la mémoire heureuse
pour s'éveiller comme un beau paysage au clair
soleil du souvenir.
Au premier acte, nous sommes en Phrygie,
dans le palais du roi Midas. La belle Laodice y
est retenue captive, et Gordius, le satrape, lui
fait une vaine cour. Les choses vont si loin qu'il
y gagne une gifle. Il se plaindra au roi. « Tu le
peux, riposte Laodice, mais ce ne sera pas le
premier affront qu'il recevra à cause de toi. » Le
satrape se trouble. Il a connu les faveurs de la
reine. Gordius, effaré, craignant de voir son se-
cret révélé, s'halluciné à chercher partout des
espions, troue les murs de son glaive. Un cri :
« Je suis mort 1 » et surgit le barbier du roi, Ly-
cidas, l'amant de Laodice. Il crible Gordius
d'acerbes railleries, le satrape s'enfuit sous cetfi
grêle de bons mots empennés et d'images ré-
jouissantes. Seul, avec sa maîtresse, le barbier
la prévient que la reine, jalouse, va la faire exiler;
mais cet antique Figaro qui connaît plus d'un
tour a, sur. Midas, la plus grande influence. E(
voici justement le roi qui le réclame à tous le^
échos. Sa barbe n'est pas faite, et il doit rendra
au peuple la justice. Terrible perplexité f Qu'ai
cela ne tienne. N'est-il donc plus le maître? E
tout en coiffant le roi, le barbier lui souffle
politique. ,
Que Votre Majesté daigne m'en croire. On règn&rf
Pour que tout ce qui vit vous honore et vous craH
Et non pour être à ses sujets assujetti. [gDe
Si j'étais roi, j'aurais le plus gros appétit i
De mon royaume. En tout je donnerais l'exempter
J'aurais l'esprit plus vif et le ventre plus amples
Que tous ; et me moquant du tiers comme du quarts
Je voudrais à mon gré faire le grand écart. 1
Donc, le barbier rasera et le roi jugera. On fiw
troduit le peuple. La reine exige le renvoi d«
Mlle Provost
répétant pendant un coup de mistral
Laodice, dont Midas, prétend-elle, est t'amant
Ahurissement de ce pauvre Midas qui, pour avoli
la paix, consent à tout ce que l'on veut. MÏÏ
maître barbier veille. Qu'on exile Laodice mair
que Gordius l'accompagneen commandai fS
corte qu'on doit à la noble captive. L, rei^,
prise a son piège, préfère garder T
point perdre Gordius. Le bori rc)i approuve, mals
une rumeur éclate, des- dires, des cris Et c'es;
la bouffonne entrée de l'énorme Silène qu'appoiv
tent, endormi, des bergers à bout d'épraulesei
de bras.
Il a pillé leur cave, il a bu tout leur vin refus;
tout paiement: il est dieu. On reconnaît Silène,
et Midas tout joyeux lui offre une abondance h.,
ht ~Mt~
Mardi 11 Août 1908*»
COMŒDIA
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKt
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA..PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements. 24 fr. 12 fr.
Etranger 40 » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :'
27, Bouleuard Poissonnière,JPAR/8
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA.PÃRIS
, ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 D
FABLES EN PROSE
Le Droit
à la Grève
'A sir R.-K. Bloomfield.
Après son dîner, en fumant son ci-
gare, le 29 juin 19.., l'imprimeur Tou-
noir jeta par hasard les yeux sur son
grand-livre.
Il se lamenta.
Une somme relativement importante
entrait, tous les jours, dans sa poche. La
Plus grosse fraction de cette somme pas-
sait aussitôt, hélas! de sa poche dans
selle de ses ouvriers.
26 juin. - Encaissé.Fr. 100 »
'l7 Payé aux ouvriers. 70 »
, *7 juill. — Encaissé.Fr. 103 »
28 Payé aux ouvriers. 70 »
28 juin. - Encaissé. Fr. 97 »
Payé aux ouvriers. 70 »
Il possédait en magasin un stock im-
Portant de marchandises. Il songea qu'il
Pourrait fort bien réduire à zéro, pen-
dant un mois, ses frais de personnel. Il
ne tarda pas à se rendre compte, cepen-
dant, qu'il n'aurait jamais le courage de
Priver brusquement de leur gagne-pain,
Pour quatre semaines, douze braves gar-
Çons qui possédaient femme et enfants.
Par curiosité, il voulut, cependant,
calculer le chiffre qu'auraient atteint ses
bénéfices s'il avait eu le cœur assez sec
Pour se comporter de la sorte.
b Une feuille de papier traînait sur son
bureau. C'était l'épreuve d'une com-
mande qu'il avait exécutée, dix mois
Plus tôt, pour la Confédération Géné-
rale du Travail. Au recto, étaient im-
primés ces mots: « Camarades, ne tra-
vaillez plus que huit minutes par jour. »
Sur le verso, il crayonna ses calculs.
'l Il multiplia 100 francs par trente jours.
La solution lui prouva qu'il aurait pu,
le mois prochain, déposer 3.000 francs,
a son nom, dans les caves de la Banque
de France.
Le lendemain matin 30 juin, comme
tous les matins, l'apprenti balaya l'ate-
lier de l'imprimerie Tounoir.
Un chiffon de papier, roulé en boule,
attira ses regards.. Il le ramassa.
D'tiii côté, il aperçut des chiffrés grif-
fonnés au crayon: « 100x30=3.000. »
Il ne leur cureta aucune attention. De
autre, il lut*: « Camarades, ne travaillez
Plus que huit minutes par jour. »
En manière de plaisanterie, il colla ce
Papillon sur le mur.
Les ouvriers arrivèrent à huit heures
et demie. Ils aperçurent la petite affiche.
— Pourtant vrai, qu' c' serait bath
travailler seul'ment huit minutes par
jour! hasarda lHin, vers dix heures.
— Si c'est pas une dégoûtation de
turbiner du matin au soirl. constata *n
autre, vers une heure.
— On se crève, parole, on se crève!.
grommela un troisième, vers quatre
heures.
A l'heure de la fermeture des ateliers,
le doyen des ouvriers de la maison Tou-
noir frappa à la porte du bureau du
Patron.
— Entrez, mon ami.
— V'là, patron. les camarades et
moi on a décidé qu'on veut plus tra-
vailler que huit minutes.
— Huit minutes !. s'exclama M. Tou-
noir. Huit minutes! Vous ne parlez pas
sérieusement, mon ami!. Vous m'accu-
leriez à la faillite. La concurrence
étrangère.
— Patron, je discute point. C'est à
prendre ou à laisser. Huit minutes ou
la grève?
Le lendemain, le surlendemain et les
iours suivants, M. Tounoir nota sur son
livre de caisse:
1er juillet. -Encaissé Fr. 200 n
2 Payé aux ouvriers. 0 0
2 juillet. — Encaissé Fr. 207 »
Payé aux ouvriers. 0 0
3 juillet. — Encaissé. Fr. 210 »
Payé aux ouvriers. 0 0
Le 1er août, M. Tounoir se rendit à la
Banque. Les prix de vente avaient dou-
blé par suite de la grève. Il déposa, à
son compte, 6.000 francs.
Son stock de marchandises se trouvait
presque épuisé.
Devant la porte de l'imprimerie, il
rencontra le doyen de ses ouvriers.
4— Bonjour, mon ami, lui cria-t-il cor-
dialement. Je ne saurais vous cacher que
je vous approuve pleinement d'avoir té-
moigné d'une inébranlable énergie.
Excellent précédent en faveur des re-
Vendications sociales. Je crois, néan-
moins, que, pour le moment, votre ma-
nifestation n'aurait aucun intérêt à se
prolonger.
Une heure après, les compagnons re-
prenaient le travail à l'imprimerie Tou-
noir. En mettant les machines en mou-
vement, ils hochèrent la tête :
- On l'a pas encor' aujourd'hui la
journée de huit minutes, c't' évident.
Mais y a pas de danger, on l'aura la
prochaine fois !
Max et Alex FISCHER.
(Traduction réservée.)
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
La terreur musicale
On a bien tort de dire du mal des phono-
graphes, ce sont des artistes infiniment bon
entant et d'un maniement essentiellement
facile. Point n'est besoin d'user envers eux
de démarches diplomatiques pour les déci-
cider à jouer leur grand air, point n'est be-
soin de politesses exagérées et d'invitations
solennelles pour les entendre. On peut leur
tourner le dos pendant qu'ils jouent, on
peut même les oublier complètement, c'est
à peine si, lassés par tant d'ingratitude, ils
finissent au bout de quelques minutes par
ne plus chanter que d'une voix découragée
dont les notes espacées s'étouffent dans leur
gorge jusqu'au râle final.
Un petit encouragement et les voilà re-
partis.
A l'époque de terreur musicale où nous
vivons, ils sont une grosse consolation pour
bien des familles. Depuis plusieurs années
déjà, on avait traqué et chassé d'un peu
partout les chanteurs ambulants qui, seuls,
nous donnaient quelque joie parmi les mille
bruits de l'usine métallurgique dans laquelle
nous vivons. Restaient les orgues de barba-
rie: on les a supprimées. La joule infortu-
née se trouvait ainsi rabattue vers les ca-
fés-concerts et vers les théâtres lyriques of-
ficiels..
Les premiers de ces établissements étant
interdits, pour la plupart, aux mineurs ah
dessous de soixante ans, restaient seuls les
seconds. Mais la joule, muette d'horreur, n'a
pu se faire aux effroyables charivaris or-
chestraux que les acrobates de la musique
moderne y donnent journellement
Ainsi donc, plus rien. Le Père-Lachaise
dans toute son horreur, la.' nécropole im-
mense sans le moindre petit air chantant,
sans la moindre petite phrase musicale pour
se remettre un peu pendant quelques mi-
nutes des fils de fer neurasthéniques et des
troleys officiels de la vie. C'est alors qu'est
apparu le bon petit phonographe, et les bra-
ves bourgeois de Paris qui n'osaient avouer
à leurs amis leurs préférences musicales de
peur de passer pour des imbéciles, ont pu,
depuis ce jour, s'enfermer dans leur cave
avec quelques disques ou se réfugier au
tond de la hutte d'un charbonnier dans une
forêt déserte, pour entendre tout à leur aise
La Fille de Madame Angot, Sambre-et-
Meuse ou Les Cloches de Corneville.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
D
e Max auteur.
De Max ne se contente pas d'être le
beau tragédien que l'on sait. Il avait hor-
reur de la pantomime et voici que, con-
verti à la religion du geste cher à Debu-
reau, il écrit en secret un livret mimé qui
sera prochainement interprété par le mime
Farina et Mlle d'Egrenières. La pantomime
de M. de Max contient un nègre qui —
par amour — se transforme en Pierrot
blanç. Le cœur a des raisons.
S
ur le pré.
On nous communique le procès-ver-
bal suivant:
A la suite d'un incident d'ordre littéraire, une
rencontre a eu lieu à l'épée ce matin entre M.
Valentin Mandelstamm et M. Jacques Ballieu, à
la Grande-Roue.
A la première reprise, M. Jacques Ballieu a
été atteint à la partie externe de l'avant-bras
droit d'une blessure pénétrante. Mis en obser-
vation, il a été jugé par les deux médecins, les
docteurs Mugnier et Guillet, en état d'infério-
rité manifeste, et malgré ses protestations, le
combat a été déclaré clos.
M. Rouzier-Dorcières dirigeait la rencontre.
Fait double à Paris, le io août 1908.
Pour M. Jacques Ballieu:
CAMILLE LE SENNE.
E. ROUZIER-DORCIÈRES.
Pour M. V. Mandelstamm:
F. FRANK-PUAUX.
R. POPP DE LUTTIN.
c
'est le vent!.
Le premier jour des chorégies d'O-
range, le ballet venait de finir sur la danse
des voiles.
Et les petites danseuses, qui avaient dé-
sespérément lutté contre un mistral déchaî-
né en tempête, regagnaient leurs loges, avec
quelque déception de ne pas avoir reçu
d'un public empressé à sortir les applaudis-
sements enthousiastes que ne leur réser-
vent jamais leurs admirateurs de l'Opéra:
— Bah ! dit philosophiquement la char-
mante choryphée de l'Opéra, Jeanne Katz,
c'est la faute du vent. On ne peut pas ap-
plaudir quand on est préoccupé de retenir
son chapeau! -
L
a musique des Peaux-Rouges et la mu-
sique allemande. - ',.
Miss Fletcher, membre du bureau a etn-
nologie américain, armée du phonographe,
a enregistré de nombreux chants de Peaux-
Rouges qu'elle a fait ensuite noter musica-
lement. Le résultat a été surprenant.
Il apparaît, en effet, que les chants de
Peaux-Rouges ne sont nullement des hur-
lements comme on avait prétendu les carac-
tériser, mais qu'ils ont, au contraire, cer-
taines ressemblances avec les thèmes de
Beethoven, de Schumann et encore plus de
Wagner et de Liszt, voire même de Chopin.
Dans le Chant de la Paix, notanirnent,
on remarque une analogie étonnante avec
la manière de l'auteur de la Tétralogie.
Ces chants sont répandus chez tous les
Indiens et se transmettent de génération en
génération. Miss Fletcher a constaté qu ils
existaient dans toutes les tribus, sans au-
cune variation de mélodie et de rythme.
Et voilà comment les superficiels « visa-
ges pâles » ont coutume de calomnier les
pauvres sauvages. „
L
eur âge. 4
La surprise qu exprimait récemment
un lecteur de Comœaiu au sujet ues rap-
ports de Victor Hugo vieillard et de Ra-
phaël Duflos jeune débutant, nous profite
qu'on se fait en général une fausse idée
de l'âge de nos artistes.
Précisons donc un peu. A la Comédie,,
le doyen, M. Mounet-Sully, atteignit sa
soixante-septième année en février dernier.
Son frère Paul a cinquante-cinq ans. Mmel
Fayolle va en avoir cinquante-neuf, Mme
Bartet cinquante-quatre et Silvain cinquan-
te-sept. Juillet en apporta soixante à Bail-
let, et de Féraudy va sur ses quarante-neuf.
M. Prudhon, lui, est de 1843, et le cinquan-
tième anniversaire — parfaitement! - de
M. Le Bargy va sonner dans quelques
jours; il y a quelques semaines qu'il sonna
pour Huguenet. Plus jeunes, MM. Leloir
(48), Leitner (46), Albert Lambert fils (43),
Ravet (38), Esquier (37), Siblot (37), Fe-
noux (38), Numa (43), Beer (41)) et Des-
sonnes (31).
Mme Pierson est de 1842, Mlle du Mi-
nil de 68, Mlle Delvair de 77, Mme Sorel
de 72, Mme Segond-Weber de 67, Mme
Kolb de 54, Mlle Kolb de 56, Mlle Cerny
de 68, Mlle Géniat de 80, et l'heureuse
Mlle Piérat de 85!
E
n République.
Dans une de nos stations balnéaires
les plus en vue, une troupe de passage est
annoncée : elle doit donner un chef-d'œuvre ;
les artistes sont, paraît-il, excellents ; la salle
est comble, on va lever le rideau. Quand,
tout à coup, un monsieur fort distingué
fait appeler le directeur de la troupe.
— Monsieur, lui dit-il, la grande-du-
chesse Wladimir a l'intention d'assister à
votre spectacle; seulement, comme Son Al-
tesse a excursionné cet après-midi, elle est
rentrée un peu tard et vous prie de retar-
der d'un quart d'heure le lever du rideau.
Il va sans dire que l'on obtempéra au
désir de l'Altesse qui, en récompense, vou-
lut bien faire féliciter les artistes par un
chambellan., Mais ne pensez-vous pas que
si nous nous mettons, en France, sur le
pied de faire plaisir à toutes les Altesses
qui nous visitent, nous risquons des com-
plications diplomatiques regrettables. Sup-
posez, en effet, que, le même soir, le prince
de Galles ait demandé que l'on commençât
un quart d'heure plus tôt, afin de ne point
rater le Sud-Express. Il est permis de se
demander comment l'imprésario se serait
tiré de là.
D
ans le monde.
Hier a été célébré, à la mairie du
8 arrondissement, le mariage de Mlle Anne
Fallières, fille du président de la Républi-
que, et de M. Jean Lanes, secrétaire géné-
ral de l'Elysée.
Une assistance considérable, appartenant
au monde politique et diplomatique, se
(P. Boyer et Bert, phot.)
Mlle Fallières
pressait à la mairie où M. Roger ABou a
prononcé une courte allocution.
La cérémonie religieuse, qui eut lieu à
la Madeleine, fut des plus simples, et, après
un déjeuner intime à l'Elysée, M. et Mme
Jean Lanes ont quitté Paris, se rendant
dans le département de Lot-et-Gàronne.
v
ieux papiers.
Nous recevons d'un de nos lecteurs,
qui porte un joli nom de répertoire classi-
que, M. Cléone, la très intéressante lettre
suivante :
La lecture des vieux livres ou des publications
plus ou moins anciennes vous fait souvent décou-
vrir des anecdotes assez curieuses. C'est ainsi
qu'en feuilletant L'Intermédiaire des Chercheurs
et des Curieux, année 1896, premier semestre,
j'ai été mis sur la trace du passage de Molière,
ou plus exactement de sa future famille, dans
une petite localité proche d'Etampes, Anger-
ville. En étudiant et en fouillant les registres pa-
roissiaux de cette commune, un Etampois, cher-
cheur érudit et opiniâtre, M. Ch. Forteau, a dé-
couvert, en effet, à la date du 5 février 1636,
l'acte de baptême de « Magdeleine », fille de
« Jean-Baptiste Tristan l'Hermite, escuier de
Saint-Praix (Saint-Prest près Chartres et sieur de
Vauselle) et de damoiselle Marie Courtain ».
L'enfant a pour parrain François Breton, es-
cuyer parisien, et pour marraine, Marie Hervé,
sa tante, bourgeoise de Paris.
D'après M. Georges Monval, le distingué ar-
chiviste du Théâtre-Français, qui vient tout ré-
cemment de prendre sa retraite, il s'agit de Mag-
deleine de l'Hermite, qui figura quelque temps,
avec ses père et mère, dans la troupe de Mo-
lière, en province, sous le nom de Mademoiselle
Magdelon, épousa, en Avignon, Pierre Fuzelier
(1655) et devint, en 1666, comtesse de Modène,
par un remariage avec Esprit de Rémond de Mo-
dène, veuf de Marguerite de la Baume de Suze
et amant de Madeleine Béjart. Son père, J.-B.
l'Hermite de Vauselle, était le frère de lacadé-
micien François Tristan l'Hermite de Souliers.
Sa mère, Marie Courtin de la Dehors, était pa-
rente des Béjart. La marraine. Marie Hervé, était
Mme Béjart, belle-mère de Molière et belle-
sœur de l'Hermite de Vauselle. Quant au par-
rain, François Breton, escuyer parisien, son iden-
tité est incertaine.
Comme on le voit, une partie du futur entou-
rage de Molière se trouvait à Angerville le 5 fé-
vrier 1636; était-ce une troupe de comédiens de
campagne qui, se rendant d'Etampes à Orléans,
ou marchant en sens inverse et allant d'Orléans
à Paris, s'était arrêtée à Angerville? Il est diffi-
cile de le préciser, mais tout porte à le croire. Et
n'estai pas curieux de voir la future Mademoi-
selle Magdelon, la future comtesse de Modène,
la future parente de Molière, venir - au monde
dans un petit coin de la Beauce. au hasard d'un
relai de poste?
1 H. CLÉONE.
';:: LES PRINCES D'ORANGE
1 ; -: 8 août 1908.
i J'aime à ne pas m'étonner dans une atmos-
phère d'héroïsme; mais quelle cuirasse n'a pas
son défaut? Allez donc résister à l'enveloppant
mouvement de tant de gestes qui, passant la
crête dentelée de murs centenaires, vont jus-
qu'aux étoiles, que notre Gasquet prétend
<( effleurées par un léger mistral! » Quelles
merveilleuses chimères vous animez de votre
vitalité exaspérée, ô Princes d'Orange! Voici,
dans le décor d'un ciel formidable avec sa
fuite de nuage s,\ l'affairement des Héros: Mou'
net-Sully, Paul Mounet, A. Lambert, -Joubé,
Alexandre,'" Perrin campés comme des Dieux.!
Et tant d'autres ! Puis, grâce et fureur, tour-
billon de voiles diaprés, voici les Princesses:
Weber, Roch, Provost, Neith Blanc, Tessan-
dier, Yvonne Ducos, Delphine Renot, Lyrisse
et cette Tanagra Napier kowskal Et tant d'au-
tres 1. Des pleurs, des rires et les danses ! 113
vont conquérir la Toison fabuleuse qui cache
la fortune et la gloire en ses plis et par surcroit
demi-dieux ! Argo, vaisseau géant, porte des
demi-Dieux, l'ombre de Racine 1 s'accoudeélé-
gante à la prouejqui vise la mer. houleuse du
peuple angoissé A Là Mendès, Souchon, Avize,
Hugo chantent leurs péans victorieux qui s'en-
volent - comme des aigles aux coups d'ailes
rythmés! Au gouvernail, Paul Mariéton, Réal
défient l'impossible mauvaise fortune. Empres-
sés, rieurs, blagueurs et vaillants, les servi-
teurs de l'art emplissent la ville et les gra-
dins l Gabriel Boissy, Valmy-Baysse, E. Gau-
bert, Petitjean, Gir, Vierge bousculent Nozière,
Rigal, Fauré,, Courteline, d'Esparbès, Gasquet,
Varennes! La cour empanachée, dès l'aube, le
petit lever du 4 roi Soleil, intrigue, potine et
pose. La foule des photographes rameuse les
miettes des gestes que la canaille achète pour
assouvir sa r faim .- de souvenirs.
- Après les répétitions, on se rue vers-les" .ta-
bles chargées de mets. Tessandier adore le, me-
lon, - qu'elle dévore à même, à pleines dents,;
Paul Mounet préfère les fruits arrosés d'un pe-
tit vin sincère; Delphine Renot choisit un sau-
cisson qui vient de cuire 1 0 particularitée -des
appétits! Une petite à la taille de guêpe man-
ge comme l'ogre • et les géants touchent les
pièces de viande du bout des dents.
On dort mal dans la fièvre d'une ville enva-
hie par l'attente d'inoubliables manifestations
d'art. Et parmi tant de martyrs volontaires,
épuisé d'un dévouement effacé, dans son trou:
sonore, je te vois, ô souffleur, et te plains,
t'admire, puisque tu es, tour à tour, le sup-
pléant des aèdes absents. Que ton nom, par
Comcedia, vole jusqu'à la postérité! C'est De-
lafosse 1
ROGER DUCOS.
p
elléas et Mélisande.
Que les debussystes se réjouissent.
On nous annonce, en effet, que le chef-
d'œuvre de Debussy, Pelléas et Mélisande,
sera représenté à Londres, la saison pro-
chaine, au théâtre de Covent-Garden.
Ce sera, croyons-nous, la première re-
présentation de ce célèbre drame lyrique,
de l'autre côté de la Manche.
Encore un heureux effet de l'entente
cordiale.
Le Masque de Verre.
Une lettre ",'
de M. Alfred Capus
Nous avons reçu de M. Alfred Capus la
trop flatteuse lettre que voici, mais que
nous ne croyons pouvoir cependant con-
server pour nous seuls, tant elle présente
d'idées claires et intéressantes sur l'Art
dramatique tout entier:
Lundi, II août.
Monsieur et cher confrère,
Je ne résiste pas au plaisir de vous dire com-
bien certains de vos articles sur le théâtre me
paraissent justes et profonds. J'ajouterais «neufs»
si quoi que ce soit pouvait être absolument
neuf; en tout cas, très originaux et très person-
nels par les points de vue où vous vous placez
et la netteté de l'expression.
Celui de ce matin sur les sujets de pièces,
simples armatures destinées à contenir et à res-
serrer la pensée de l'auteur dramatique, est un
des meilleurs. J'ai soutenu plusieurs fois dans
des articles et des notes sur le théâtre, et je
n'étais pas le premier, une idée à peu près
pareille, mais l'analogie que vous y ajoutez avec
la méthode scientifique m'avait échappé. Elle est
excellente, vous appartient et contribue à éclair-
cir la question.
En effet, un sujet de pièce pour un écrivain
qui a quelque chose à dire, comme un système
scientifique pour un savant qui a quelque chose
à trouver, ne sont que des appuis â leur pensée
et à leur recherche. Et, pour ne parler que de
théâtre, c'est le détail nouveau, imprévu, le
tour de l'exécution, le point de vue de l'au-
teur, sa manière, sa philosophie, sa conception
particulière de la vie et du, sentiment qui sont
tout.
Conduire plus ou moins bien un sujet de
pièce du commencement à la fin et obtenir un
succès plus ou moins grand exige, certes, du
talent et du métier, mais un talent et un métier
de qualité moyenne et que presque tous les
écrivains de profession peuvent acquérir ou s'as-
similer. Ce n'est qu'affaire d'application et de
travail. Mais pour le reste, il faut la personna-
lité, le don. Il faut mieux que le travail, il
faut la méditation. -
La grande ligne frontière entre les auteurs
dramatiques qui font du théâtre et ceux qui
comptent dans l'histoire du théâtre est là.
On ne s'imagine pas avec quelle justice et
quelle autorité on jugerait les œuvres dramati-
ques, celles d'aujourd'hui comme celles d'hier
si on les examinait de ce côté et sous cet an-
gle. On renouvellerait la critique, on éclairerait
la voie où s'engage notre théâtre au lieu de
l'encombrer de formules qui durent une saison,
de mots vagues, de sentences sommairement dé-
daigneuses ou de violentes et impérieuses louan-
ges. (Les louanges, c'est encore ce qu'il y a
de moins grave).
Et pour tout dire, mon cher confrère, il y a
un délicieux mot français qui semble vous être
cher, qui m'est cher à moi aussi, et dont tous
les écrivains de notre pays devraient s'efforcer
de ne pas laisser périr le sens. Ce mot, c'est
le goût.
« Le mauvais goût mène au crime » a dit un
contemporain de Stendhal. L'auteur de La Char-
treuse de Parme citait souvent avec admiration
cette parole qui devrait planer sur tous les ju-
gements littéraires.
Je vous félicite donc encore, mon cher con-
frère, et non seulement pour l'article qui vous
attire cette un peu longue épître, mais pour la
plupart des autres. Je suis convaincu que uius
en tirerez un jour un très remarquable code de
critique dramatique et je vous prie de me croire
un de vos plus fidèles lecteurs.
Alfred CAPUS.
La Grande Semaine de Trouville
Mlle Yvonne Dubel
- - La semaine qui commence est la grande
semaine des courses et le plein de la sai-
son. Elle sera particulièrement chargée au
théâtre du Casino-Salon.
Dimanche, Faust; lundi, L'Amour veille,
avec M. Georges Berr et Mme Bertiny,
de la Comédie-Française.; mardi, Lakmé,
avec M. Clément et Mlle Mathieu-Lutz, de
l'Opéra-Comique ; mercredi, soirée de gala
organisée par M. Letellier, maire de Trou-
ville, au bénéfice des pauvres de Trouville-
Deauville, avec le concours de Mlle Dus-
sane et M. Dessonnes, de la Comédie-
Française, Mmes Polaire, Marguerite De-
val, etc., MM. Brûlé, Maurel, Defreyn, etc. ;
jeudi, Carmen, avec M.. Clément; samedi,
Le Cœur et le Reste, avec M. Albert Bras-
seur;etàdimanch'e [16, Manon, avec-imle
YvoimedDubeLet' M. Clément.
Desson-côté, l'Eden-Casino aura complè-î
tement renouvelé son affiche. Les admlIDs-,
trateurs, MM. Stainville et Henriez, ont,
engagé Mme Esther Lekain et les Neuf
Yankee Doodle Gearls, chanteuses et dan-
seuses américaines. i
Dans^la partie de concert
MM. Paul Villa, Delfort, Chambard, etc.J
Parmi les attractions on doit citer le£
Yost, sculpteurs modeleurs; Flem et BrockJ
boxeurs aériens; les 3 Stewarts, acrobates;
Tony's, clown imitateur ; les frères Galettij
anneaux, etc. Programme très Tarié, conv
me on peut voir.
E&îspectacle d'hier au Théâtre: du Salot
devait être L'Attaque du Moulin, mais M.
Auber, encore fatigué de la représentatioE
d'Hamlet, r a demandé un peu de reposa «
L'Attaque 'est, remise à plus tard; et on-a
donné Faust en remplacement. j
Le chef-d'œuvre de Gounod avait" attire
une chambrée complète. Il en est toujours
ainsi, du reste, depuis l'Opéra jusqu'au plus
petit théâtre, chaque fois que cet ouvrage
est sur l'affiche, ce qui prouve que s'il esi
très chic, dans certains milieux, de tnouvei
Faust démodé, le public qui paie n'estîpasi
de cet avis. - i
Il faut d'abord mettre hors de pairlMIIe
Yvonne Dubel, qui a chanté et joué lelTôle
de Marguerite comme on le voit rarement
en saison d'été. L'air des Bijoux, le grand
duo du Jardin, la scène de l'Eglise,, la*morfi
de Valentin et le grand trio final «.«onHéîâ
pour elle une série ininlerrompuerde-Jxrai
vos, et c'était très mérité. 4
M. Zocchi faisait son Jsecondèdebnt$3ana
le rôle du docteur Faust. Le premier,/',ta j
bleau, la cavatine du jardin, où. sa jolie^-voia
a fait merveille, le duo du jardin, le".tri
du duel ainsi que le trio, final ont été ires
applaudis. -J
M. Rudolff, dans le rôle defMéphistophê^
lès, a fait grand plaisir. La ronde du Veau
d'or et la sérénade ont fait valoir saryoh
souple et très homogène. j
M. Corin (Valentin) a droit à: tous 210a
remerciements pour ne pas nous avoir in-
fligé l'audition de la phrase de l'ouve r
qui, bien à sa place à cet endroit, a ét
agrémentée (?) de paroles pour quelquesf
barytons étrangers et qui ne se chante pas
à Paris. Mais que les habitués de l'Opéra
se rassurent: ils n'y perdent rien et la gloij
re de Gounod non plus ! Le trio du Duef efi
la mort de Valentin ont été joués et chantés
par M. Corin de façon très dramatique.
Mme Lenté-Maître (Siébel) etMmeMkfi^
qui a joué dame Marthe avec beaucoup da
gaieté, ont eu leur part dans le succès gé-<
néral.
Les chœurs, un peu flottants, auraient etl
besoin d'une répétition supplémentaire.
L'orchestre était bien dans la main de son
chef, Adolphe Maton.
Le Triduum
Artistique d'Orange
La troisième et dernière journée Voit l'éclatant succès ded
DurgraVes de Victor Hugo
(DEUXIÈME SOIRÉE)
Vous vous rappelez la page célèbre de l'Ori-
gine de La Tragédie, où Nietzsche montre le roi
Midas poursuivant Silène dans la forêt. Lorsqu'il
s'en est emparé et qu'il lui a demandé quelle est
la chose qu'on doit préférer à tout, le dieu, long-
temps muet, finit par éclater de rire, et dans l'é-
clat de ce rire imprévu: « Race éphémère et mi-
sérable, répond-il, enfant du hasard et de la
reine, pourquoi me forces-tu à te révéler ce qu'il
vaudrait mieux pour toi ne jamais connaître? Ce
que tu dois préférer à tout, c'est pour toi l'impos-
sible: c'est de n'être pas né, de ne pas être,
d'être néant. Mais, après cela, ce que tu peux
désirer de mieux, — c'est de mourir bientôt. »
Avant de me rendre au théâtre, ou justement,
ce soir, on donne Le Roi Midas, de MM. André
Avèze et Paul Souchon, je viens de relire cette
page extraordinaire où Nietzsche montre que
pour comprendre le drame du monde, l'homme
doit avoir atteint déjà ce haut degré de renonce-
ment. C'est un analogue renoncement, c'est un
mot de bonté qui termine aussi la comédie lyri-
que des deux jeunes poètes que nous venons
d'applaudir longuement tout à l'heure. Bienveil-
lant aux muses, le Mistral qui, tout le jour, avait
redoublé de violence, s'est un peu apaisé ce soir.
Il plaque les voiles sur la nudité plus sculpturale
des actrices et met un mouvant horizon de souf-
fle salubre et de large morale aux beaux vers des
deux jeunes fils auxquels il mêle ses vastes fris-
sons et son murmure paternel.
C'est autant par la pureté des rythmes que par
l'ampleur des images que valent, en effet, les
vers du Roi Midas. Familiers, bavards et sautil-
lants, ces vers d'antique comédie, sans rien per-
dre de leur légèreté, constamment côtoient le
grand lyrisme, et de larges strophes en débor-
dent qui, comme dans la dispute de Pan et d Apol-
Ion, s'envolent au plein ciel de la plus noble ins-i
piration. Il faut dire aussi que l'interprétation en
fut parfaite. Paul Mounet a dessiné un type tru-
culent de Silène ivre, plein de grandeur et de
bonhomie. Quand il est apparu, l'outre au flanc,
à califourchon sur son âne, trébuchant dans
l'ivresse des dieux, il m'a rappelé -ce triomphe
de Silène de Dalou, au Luxembourg, devant le»
quel peut-être Souchon a conçu les premières
scènes de la comédie, entre deux poèmes de La
Beauté de Paris.
Mais je voudrais vous raconter la pièce. Je
sais que les pièces de cette sorte ne s'analysent
point, qu'elles perdent, à être racontées, tout le
charme vivant dont le vers les enveloppe; mais
je citerai de ces vers le plus que je pourrai. Com-
me ceux des vrais poètes, on les retient au pas-
sage. Ils se couchent dans la mémoire heureuse
pour s'éveiller comme un beau paysage au clair
soleil du souvenir.
Au premier acte, nous sommes en Phrygie,
dans le palais du roi Midas. La belle Laodice y
est retenue captive, et Gordius, le satrape, lui
fait une vaine cour. Les choses vont si loin qu'il
y gagne une gifle. Il se plaindra au roi. « Tu le
peux, riposte Laodice, mais ce ne sera pas le
premier affront qu'il recevra à cause de toi. » Le
satrape se trouble. Il a connu les faveurs de la
reine. Gordius, effaré, craignant de voir son se-
cret révélé, s'halluciné à chercher partout des
espions, troue les murs de son glaive. Un cri :
« Je suis mort 1 » et surgit le barbier du roi, Ly-
cidas, l'amant de Laodice. Il crible Gordius
d'acerbes railleries, le satrape s'enfuit sous cetfi
grêle de bons mots empennés et d'images ré-
jouissantes. Seul, avec sa maîtresse, le barbier
la prévient que la reine, jalouse, va la faire exiler;
mais cet antique Figaro qui connaît plus d'un
tour a, sur. Midas, la plus grande influence. E(
voici justement le roi qui le réclame à tous le^
échos. Sa barbe n'est pas faite, et il doit rendra
au peuple la justice. Terrible perplexité f Qu'ai
cela ne tienne. N'est-il donc plus le maître? E
tout en coiffant le roi, le barbier lui souffle
politique. ,
Que Votre Majesté daigne m'en croire. On règn&rf
Pour que tout ce qui vit vous honore et vous craH
Et non pour être à ses sujets assujetti. [gDe
Si j'étais roi, j'aurais le plus gros appétit i
De mon royaume. En tout je donnerais l'exempter
J'aurais l'esprit plus vif et le ventre plus amples
Que tous ; et me moquant du tiers comme du quarts
Je voudrais à mon gré faire le grand écart. 1
Donc, le barbier rasera et le roi jugera. On fiw
troduit le peuple. La reine exige le renvoi d«
Mlle Provost
répétant pendant un coup de mistral
Laodice, dont Midas, prétend-elle, est t'amant
Ahurissement de ce pauvre Midas qui, pour avoli
la paix, consent à tout ce que l'on veut. MÏÏ
maître barbier veille. Qu'on exile Laodice mair
que Gordius l'accompagneen commandai fS
corte qu'on doit à la noble captive. L, rei^,
prise a son piège, préfère garder T
point perdre Gordius. Le bori rc)i approuve, mals
une rumeur éclate, des- dires, des cris Et c'es;
la bouffonne entrée de l'énorme Silène qu'appoiv
tent, endormi, des bergers à bout d'épraulesei
de bras.
Il a pillé leur cave, il a bu tout leur vin refus;
tout paiement: il est dieu. On reconnaît Silène,
et Midas tout joyeux lui offre une abondance h.,
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