Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-08-07
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 août 1908 07 août 1908
Description : 1908/08/07 (A2,N312). 1908/08/07 (A2,N312).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645967s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2' Année; «N» 312 (Quotidien.
Le Numéro : S centimes
Vendredi 7 Août ÏQnu.
COMŒDIA
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : CQMŒDIÀ=PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
r
RÉDACTION & ADMINISTRATION:
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN e mois
- -
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 „ 20 »
PLAISIRS D'ÉTÉ -
Beaux sujets
Le jeune dramaturge dit communé-
ment :
— L'exécution n'est rien. Rien. Le
tout est d'avoir un beau sujet, voilà un
beau sujet.
Et le jeune dramaturge se ronge les
ongles, en embrassant la vie d'un large et
pénétrant regard. - - -. A.
Mais la vie, toute la vie, lui paraît vide.
Quoi? Les blés lèvent, mûrissent et sont
fauchés; les hirondelles vont et vien-
nent ; de vains peuples conspuent un roi ;
un tunnel s'effondre; il fait chaud. Bonté
divine, qu'il fait chaud! Tout cela ne
comporte pas un sujet de pièce. Quel-
ques alexandrins, peut-être? Mais un
bon drame, une forte comédie, un vau-
deville alerte, réclament un aliment
moins vague.
Il faut se résoudre à restreindre le
ihainp de son observation. Puisque, dans
les matériaux nombreux qu'amassa l'ex-
périence de ses dix-huit ans, le jeune
dramaturge ne trouve pas la matière so-
lide de trois actes, il regardera dans les
coins, à la loupe.
Voyons, la famille? La famille est un
trésor inépuisable. A travers les âges, de
grands faits ont signalé la sienne: traits
d'héroïsme d'un aïeul, viol d'une cou-
sine, banqueroute d'un collatéral. A la
réflexion, ces choses ne sont ni drama-
tiques ni gaies. Et puis, elles manquent
de « retournements». L'aïeul fut héroï-
que, mais avec une monotone obstina-
tion; la cousine violée tourna très mal,
ce qui ne prouve rien; et on hérita du
banqueroutier, après qu'il eut fait for-
tune en Russie. Quelle fadeur!
L'Histoire? Bien fol est le jeune dra-
maturge qui prétend découvrir un beau
sujet dans l'Histoire. Il s'y trouvait trois
thèmes buvables: les démêlés des Atri-
des, les complots du grand-duché de Gé-
rolstein, et le sans-gêne de la maréchale
Lefebvre. On s'en est servi. On n'a rien
laissé aux dix-huit ans du jeune drama-
turge.
Les faits divers? Le jeune dramaturge
hausse les épaules avec mélancolie. Le
fait divers est théâtralement inexprima-
ble. Des nietschéens à rouflaquettes as-
sassinèrent un vétusté grisou, deux rou-
quines se sont étripées, un caissier s'est
dirigé vers Ostende, quelques Touran-
geaux furent entôlés, il y a eu des ac-
cidents d'automobiles. Si des événements
aussi normaux vous inspirent une tra-
gédie, c'est que vous n'avez aucune no-
tion de ce que souhaite le spectateur
contemporain.
Un peu las, et les ongles en sang, le
jeune dramaturge se résigne à relire ses
anciens. Il constate ainsi que ses contem-
porains illustres n'ont rien inventé, et
cette remarque le fortifie.
Une autre l'étonné: tous ces gens-là,
en vérité, se sont épuisés sur des sujets,
bien peu excitants! Quelle banalité na-
vrante! Quelle indigente imagination!
Comment se peut-il faire que les foules
furent passionnées par d'aussi piètres
débats?
En y regardant de très près, évidem-
ment, on soupçonne bien, de ci de là,
l'existence du beau sujet. Mais l'auteur
a passé à côté. C'est à refaire. Tout est
à refaire. - "- -
Ainsi, en voilà un, de beau sujet! seu-
lement, où sont les idées? Car il n'y a
que le théâtre d'idées. En voici un autre.
Hélas! il est traité sans idéalisme. Et le
théâtre renaît à l'idéalisme. — En voici
un troisième. Il exigeait de la vérité, de
la vérité profonde. Le théâtre sera vrai,
ou il ne sera pas. Ici, tout est conven-
tionnel, tout est factice, tout est faux.
Tout, encore une fois, est à refaire.
Dégoûté, le jeune dramaturge referme
les pauvres livres, les mauvais livres, ce
tas de livres. Et il pense. Il pense.
C'est en lui-même, décidément, que gît
le beau sujet..
D'ailleurs, le crépuscule s'annonce, et
le beau sujet se formule. Le jeune dra-
maturge, dans son fauteuil, fixe les nuées
rouges, et je vous dis qu'il pense.
Voilà: C'est une femme. Que sera
cette femme? Princesse ou midinette?
Nous verrons. On pourrait en faire une
aventurière. Oui, un peu de mystère sur
cette femme !
Cette femme est mariée. Est-elle ma-
riée avant le lever du rideau, ou le jeune
dramaturge la mariera-t-il au premier
acte? Peu importe. Ne parlons pas de
l'exécution. Il faut, d'abord, s'en tenir
au sujet, et procéder avec méthode.
Le mari doit être un personnage très
moderne. On choisira parmi des caractè-
res fortement typés. Ceux-ci ne man-
quent pas. S'ils manquent, on les forge
de toutes pièces. C est du détail. Ne nous
égarons pas.
Au deuxième acte, la femme trompe
son mari. Comment? Pourquoi? Les
moyens et les motifs ne manquent pas.
De Phèdre à Amoureuse, le jeune dra-
maturge n'a qu'un choix trop étendu. Au
surplus, imaginez que l'héroïne de Di-
vorçons, et celle de Francillon, soient al-
lées jusqu'au bout de la faute; il s'en
-fallut de si peu, que le jeune dramaturge
a bien le droit d'utiliser cette hypothèse.
Le jeune dramaturge, tandis que la
nuit tombe, ne songe pas à se dissimuler.
Qu'un dénouement s'itnoose à la remar-
quable situation qu'il vient d'imaginer.
Mais cet aveu ne l'emplit pas d'épou-
vante. Un troisième acte est toujours pos-
sible. Bien mieux, il naît spontanément
du caractère des personnages. Cent œu-
vres célèbres lui ont appris qu'un mari,
pour qu'une pièce s'achève, peut tuer,
pardonner ou se résigner. Il n'est pas
temps encore de se préoccuper de telles
contingences.
Mais quel beau sujet! En le nourris-
sant d'idées, d'idéalisme, et de vérité,
quel beau sujet !
Sans doute n est-il pas sans rappeler,
lointainement, quelques pièces très vieil-
les ou très récentes. Les évangiles eux-
mêmes s'intéressent à la femme adultère,
et Shakespeare, accidentellement, n'en a
pas fait fi: Pauvre objection. Le beau
sujet, précisément, est éternel. L'artiste
aura seulement le souci de le renouveler.
Et il s'en charge. Pour être beau, un su-
jet n'a nul besoin d'être neuf. Nuance.
— D'ailleurs, murmure fermement le
jeune dramaturge, le sujet n'est rien.
Rien. Tout est dans l'exécution, voilà,
dans l'e-xé-cu-tion.
Henry KISTEMAECKERS.
Nous publierons demain un article de
PAUL DOLLFUS
Couleur locale
Lorsque nous demandons, en pleine sai-
son, aux directeurs de théâtre d'opérer quel-
ques petites réformes dans l'organisation
administrative de leurs salles, ils nous ré-
pondent avec raison que de telles modifica-
tions ne peuvent plus se faire en cours de
route et qu'il ne. sera possible d'y songer
qu'au moment de la réouverture de la sai-
son.
Il est bien évident, a autre part, que si
nous demandons ces mêmes réformes en
ce moment, nous aurons peu de chances
d'être écoutés par les mêmes directeurs.
Ceux-ci se livrent, en effet, activement
à la chasse aux crevettes entre deux ro-
chers, et toute leur sollicitude se porte ac-
tuellement sur la situation désolante que
présentent certains crabes pris au fond de
leurs filets de pêche.
Il est cependant certaines petites réfor-
mes qu'il leur serait facile de réaliser ac-
tuellement sans grands risques et, qui plus
est, sans engager aucune dépense supplé-
mentaire.
C'est ainsi que nous avons signalé l'hiver
dernier l'heureuse disposition de certains
théâtres étrangers qui avaient adopté tout
simplement des couleurs différentes pour le
côté droit et le côté gauche de la salle, et
pour ses différents étages.
Une simple petite lettre écrite sur le coin
de la table du casino par nos directeurs à
leurs régisseurs oit à leurs administrateurs
suffirait pour réaliser cette petite réforme
peu coûteuse. Il suffirait pour cela, en com-
mandant les carnets à souche de la location,
les cartons de vestiaire et les ampoules élec-
triques, d'adopter des couleurs différentes
permettant aux spectateurs de se retrouver
instantanément en entrant, de gagner leurs
places sans hésitation et de recouvrer leurs
manteaux et leurs parapluies avec une pré-
cision qu'envieraient les pl,¡,¿s grands mathé-
maticiens. De même que nous voyons des
enfants voués au bleu ou au blanc, nous
verrions des spectateurs voués au rouge, au
vert ou même au jaune, et qui sauraient
que, dans leurs recherches dans les cou-
loirs, c'est à ces couleurs qu'ils doivent se
rallier.
Les bonnets d'ouvreuses pourraient être
également de la même couleur.
Ce mode de ralliement deviendrait pept-
être moins célèbre dans l'histoire que celui
qu'innova Henri IV, mais, au point de vue
pratique, il serait sans aucun doute infini-
ment préférable.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre du Châtelet, première représentation
(reprise) du Tour du Monde en 80 jours,
pièce à grand spectacle en cinq acte et
vingt-deux tableaux, d'Adolphe d'Ennery et
Jules Verne.
CI
sux qui s'en vont.
Nous avons le regret d'apprendre le
décès de M. Prosper Bouyer, 1 un des mem-
bres les plus actifs de l'Association dcs Ar-
tistes Dramatiques.
M. Bouyer s'était fait souvent remar-
quer dans diverses créations au Théâtre
des Nations, au Châtelet et à la Porte-Saint-
Martin. Il était devenu, depuis, directeur
de la maison de retraite de Pont-aux-Da-
mes.
Ses obsèques seront célébrées à Couilly,
samedi prochain 8 août, à midi et demie.
Le présent avis doit être considéré com-
me une invitation à son convoi.
Gare de l'Est, prendre le billet pour
Couilly-Saint-Germain, train de 10 h. 50,
changement de train pour correspondre à
Esbly. -
La
1 tombe d'un vivant.
Le brave Léon Noël, l'excellent
Chopard du Courrier de Lyon, est un hom-
me de précaution, et, malgré sa robuste au-
tomne, il a depuis longtemps fait préparer
son tombeau au Père-Lachaise. Ce n'est
pas cela qui fait mourir!
Un buste superbe de lui, en bronze, les
cheveux au vent malgré -la calvitie du som-
met de la tête, signé G. Deloye, surmonte
cette tombe où reposent déjà trois êtres
chers.
Pieusement, l'excellent artiste, qui ma-
nie fort bien aussi le ciseau, a mis dans la
pierre un médaillon en bronze des traits de
sa mère, fait par lui.
L'inscription, en ce qui concerne Léon
Noël, porte heureusement une seule date,
celle de sa naissance.
Si Ton ^mie p. £roj£. ait monument de
Thiers, on trouve bientôt à gauche, dans la
28 division, le « chemin du bassin » ; c'est
là, le long de ce chemin, sur la droite. De là
vous apercevrez le buste. Regardez-le bien,
car il est extrêmement ressemblant. et l'on
voit les traits d'un brave homme.
H
ymenee.
La nouvelle était vraie. MIle Mag-
gie Gauthier va se marier, et se marier
avec un prince. Voici, d'ailleurs, le télé-
gramme que nous adresse la délicieuse co-
médienne :
« Dieppe, 5 août.
t< Monsieur, la nouvelle de mon mariage
est exacte. Le comte de Mailly-Châlons, qui
la dément, n'est autre que le père de mon
fiancé, Anselme de Mailly, prince de L'Isle-
Montréal..Sentiments distingués. — Mag-
gie GAUTHIER. »
Adressons donc nos vœux et nos félici-
tations à l'excellente artiste et regrettons
que ce changement de situation l'arrache
pour toujours à nos applaudissements.
M'
Dlière en musique.
On se souvient qu'il y a quelques
mois, au cours dune violente polémique
entre un très célèbre compositeur et un
sympathique écrivain, les deux adversaires
se proposèrent mutuellement d'adapter mu
sicalement Tartuffe, Le Menteur et Les
Fourberies de Scapin.
Nous ne savons pas si Le Menteur ou
Lej Fourberies paraîtront bientôt sur la
scène de l'Opéra-Comique, mais, en atten-
dant, nous pouvons annoncer que Richard
Strauss, le fameux auteur de Salomé, ter-
mine une comédie lyrique tirée de Tar-
tuffe. r.
A
vis. * -
Les théâtres en plein air n'ont pas
de chance cette année. Ils sont plus nom-
breux que jamais et, de plus, l'été fantai-
siste dont nous sommes gratifiés les em-
pêche de jouer deux dimanches sur trois.
Comœdia se devait de leur indiquer un
moyen couramment employé en Amérique,
où il donne !es meilleurs résultats. Nous
voulons parler de l'assurance contre le
mauvais temps en cas de solennités ou de
fêtes publiques en plein air.
Ainsi, l'organisateur d'une course d'au-
tomobiles à Elkwood avait signé un con-
trat avec une Compagnie d'assurances.
Moyennant 8.000 francs, cette dernière
s'engageait à verser 30.000 francs en cas
de pluie.
Allons! messieurs les directeurs, assu-
rez-vous et, bientôt, vous bénirez la pluie.
L
eurs vacances.
Sur la petite plage, terne, enserre.
sableuse du Crotoy, les baigneurs, en at-
tendant l'eau, peuvent apercevoir un bizar-
re trio.
Près d'un promeneur mélancolique, une
dame très belle, imposante, quoique sou-
riante, pousse devant elle une petite voi-
ture où gémit un jeune arthritique.
La dame très belle, c'est Mlle Marcelle
Yrven ; le promeneur, M. Dubosc, et l'ar-
thritique, M. Carpentier, des Variétés.
c
hez Thémis.
L'autre jour on pouvait voir, en cas-
sant rue Drouot, M. Garay, le sympathi-
que pensionnaire de la Comédie, entrer dé-
libérément à la mairie du 96 arrondisse-
ment.
Allait-il se marier? Non. Il est, on le
sait, l'époux de l'excellente artiste Garay-
Myriel? Allait-il déclarer la naissance de
quelque petit nouveau-né? Non. Il obtint
déjà du ciel, il y a peu de mois, deux ju-
meaux.
Il allait tout simplement comparaître de-
vant la justice de paix. Un procès engagé
entre lui et M. Hertz, directeur de la Porte-
Saint-Martin, l'y appelait.
Et ce procès, il l'a gagné, ce qui prouve
que, malgré l'opinion établie, les directeurs
n'ont pas toujours raison.
D
îbuts conjugaux.
On connaît l'histoire — née dans
l'imagination d'un conteur fantaisiste —
de cet ami précieux qui commet un
crime sensationnel pour fournir une
occasion éclatante de se révéler au
talent impatient d'un jeune avocat au-
quel il s'intéresse. Mme Jeanne Merey,
la charmante cantatrice — qui a épousé
il y a quelques mois un avocat stagiaire du
barreau parisien, Me Valabrègue — n'a pas
été jusque là, mais presque. Elle a intenté
un procès en cent vingt-six mille francs de
dommages-intérêts aux frères Isola, dont
elle était la pensionnaire; et son mari a pu
faire ainsi d'imposants débuts devant le Tri-
bunal. Il a pu soutenir, avec une énergie
et une émotion légitimes, que la direction
de la Gaîté avait manqué à tous ses devoirs
en ne donnant pas à Mme Merey la même
vedette qu'à Mme Delna.
Le procès a été perdu, hélas! et la vic-
toire est restée à Me Le Barazer, l'avocat
adverse; mais le succès de Me Valabrègue
a été très vif.
u
_:'-._-
ne lettre de M. de Croisset.
Verrons-nous, l'hiver prochain, une
pièce se passant entièrement sur l'eau?
Il nous est permis de l'espérer en lisant
cette lettre délicate et spirituelle adressée
par M. Francis de Croisset à M. Jules Bois,
l'auteur d'Hippolyte couronné et de La Fu-
rie, dès l'apparition du Vaisseau des Ca-
resses:
Mon cher ami,
Je viens de lire votre très beau livre. ,
D'abord laissez-moi vous dire combien il m'a
ému et ravi. C'est une œuvre profonde, un H-
vre de Passion et de tendresse, une rnerveil-
leuse histoire h' m'0Ur' et dans quels décors
Il y a tout m et toute notre PsYci'O-
logie moderne - aiguë, et tout notre instinct
et tops les instincts
Oui, tout cela est ?amat^ue- brûlant, avec
des ombres fraîches, des coins bleus d'eau pu-
re; il Y a tout dans Votre bouquin ! des cris
et des rires, de la paresse voluptueuse et des
sanglots et tous vos lecteurs sont amoureuX de
Glatic ; quelle adorable et sont amoureux de
Faire une Pièce « '^Cela?Mon cher amI,
il faudrait des artistes de génie et un décora-
teur qui fut un ? • Sénie et un décora-
teur qui fut un magicien! Car puisqite l'ac-
tion nombreuse souvent se restreint dans un
même décor, il faudrait rendre l'âme du ciel.
de la mer — et le vent qui fait flotter les clie-
veux et les voiles de Glatic. Il faudrait tout
de même, oui tout de même, donner, rendre
cette impression, si forte, si émouvante de
votre livre, de ce coin d'univers porté sur un
bateau, de cette synthèse de cité.
Si vous voulez, nous en recauserons à votre
retour d'été.
D'ici là, je vous envoie encore foutes mes
félicitations enthousiastes et bien affectueuses.
CROISSET.
NOS MISERES
LA BATAILLE S'ENGAGE
Le jeune auteur a reçu la lettre le con-
voquant à trois heures au théâtre pour
la lecture de sa pièce — sa première
pièce — La nuit de Janvier. A l'heure
dite, même un peu avant — ayant
pris un fiacre de peur d'être en re-
tard — il est là et s'engouffre dans le
couloir.
LE CONCIERGE, l'arrêtant. — Qui demandez-
vous ?
LE JEUNE AUTEUR, interloqué. — Mais! (frap-
pant un grand coup) je suis l'auteur de La Nuit
de Janvier.
LE CONCIERGE, calme. - Cela ne me dit
rien.
LE JEUNE AUTEUR. — je suis convoque pour la
lecture de ma pièce.
LE CONCIERGE. — Ah! il y a une lecture.
J'ignorais (rentrant dans sa loge), au premier.
Le jeune auteur, surpris de l'ignorance
inconcevable du concierge à son en-
droit, fait son entrée sur la scène.
LE JEUNE AUTEUR, saluant. — Monsieur, je suis
auteur de La Nuit de Janvier.
LE RÉGISSEUR. — Enchanté. vous venez pour
la lecture., mais vous êtes en avance.
LE JEUNE AUTEUR, interloqué. — La lettre vor-
tait trois heures !
LE RÉGISSEUR. — Trois heures pour cinq heu-
res Enfin, puisque vous êtes là. où vais-je
vous fourrer ? On répète sur le plateau, on ré-
pète au foyçr. Attendez! nous trouverons bien
un coin. Je vais toujours vous présenter vos in-
terprètes.
Ils se dirigent vers un groupe d'artis-
tes. Présentation: les artistes sont
froids et dédaigneux ; le jeune auteur,
un peu ahuri de cette réception, s'as-
sied à l'écart.
PREMIER ACTEUR. — Où le patron a-t-il encore
déniché celui-là ?
PREMIÈRE ACTRICE. — C'est sa première pièce 1
DEUXIÈME ACTEUR, à l'actrice. — Charmant!
Et c'est nous qui sommes chargés de le dé-
niaiser.
TROISIÈME ACTEUR. — Il a dû verser la forte
somme.
PREMIER ACTEUR. — Sûr! Et qui la presse
éreintera-t-elle ? Nous ! toujours nous !
PREMIÈRE ACTRICE, le regardant. — Je trouve
que pour un auteur., il a l'air assez intelligent.
DEUXIÈME ACTEUR. — Dans le fond, j' m'en
fiche de sa pièce, pour ce que j'en écouterait
TROISIÈME ACTEUR. — Si je dors, pas de
.blagues., ne me réveillez pas.
TROISIÈME ACTRICE. — Encore un rôle de
bonne. Je commence à en avoir assez de ces
patines dé çUaïre lignes, - "- -
PREMIER ACTEUR, rosse. — Courte. et bonne!
TROISIÈME ACTRICE, vexée. — Ohl très drô-
le.., laisse-moi rire.
Le régisseur accourt en coup de vent,
et réunit, du geste, auteur et inter-
prètes.
LE RÉGISSEUR. — Voilà., la lecture aura
lieu dans la régie.
LE JEUNE AUTEUR. — La régie ?
LE RÉGISSEUR. — C'est peut-être un peu
petit, mais vous vous serrerez un peu. (spiri-
tuel), au théâtre, il faut se sentir les coudes.,
et puis, ce sera plus intime.
Ils montent, et tant bien que mal s'ins-
tallent dans la -régie, l'auteur devant
un petit guéridon, entouré des ac-
teurs, qui dardent sur le malheureux
des yeux féroces.
LE JEUNE AUTEUR, lisant. — La scène repré-
sente un salon très élégant.
La lecture se poursuit; les acteurs
semblent transformés en « hommes
de bronze », et le pauvre petit jeune
auteur, perdant pied dans cette tour-
mente de glace, lit., lit toujours.
LE JEUNE AUTEUR, lisant. — Vous oubliez, ma-
dame, que je suis votre mari.
La physionomie des acteurs reste la
même, sauf pour le troisième acteur,
qui fait semblant de dormir. Mais le
jeune auteur, s'animant, aborde la
scène capitale, d'une gaieté vraiment
irrésistible. Les acteurs, pris malgré
eux, « s'efforcent de n'en rien laisser
paraître. Ils se pincent même les lè-
vres pour ne pas rire, quand, ô mi-
racle, le premier acteur, n'y tenant
plus, part d'un long et bruyant éclat
de rire : le jeune auteur lève la tête,
radieux, délivré, heureux.
LE PREMIER ACTEUR. — Excusez-moi. Je
songeais à une histoire fort drôle que l'on m'a
contée aujourd'hui ! ! !
- ELIE DE BASSAN"
u
n drame sur les boulevards.
Une auto passe rapidement au coin
ae la rue aiout, sans souci du danger.
Soudain mille cris d'horreur jaillissent de
mille poitrines. Un chien vient d'être écra-
sé. L'auto s'arrête, et cependant que le
chauffeur engage une longue discussion
avec un agent, nous dévisageons la proprié-
taire de l'auto. C'est la jolie Lilian Greuze,
la délicieuse créatrice des Bouffons. La ra-
pide interview s'imposait:
— Ce que je compte faire cet été, nous
dit la charmante Lilian, c'est bien simple:
dans huit jours je serai en Suisse et j'es-
père faire t'ascension du Mont-Blanc; quin-
ze jours après je serai rendue en auto à
Deauville pour le grand-prix.
— Et puis?.
— Et puis je vais être obligée, hélas!
de rentrer à Paris — sans avoir visité, com-
me je le désirais, l'Allemagne — afin de
reprendre à l'Athénée mon rôle de Clau-
dine dans Le Chant du Cygne. Je suis très
heureuse, car je créerai cet hiver des rôles
très importants. C'est la promesse de - M.
Deval, qui m'a engagée pour l'année pro-
chaine. Il se pourrait aussi que je joue aux
Nouveautés, et puis.
Mais l'agent avait fini de verbaliser, et
Lilian Greuze, tel un beau' papillon heu-
reux de vivre, s'envola rapidement dans son
auto.
T
ous 4es pèlerins wagn'ériens gravissent
à Bayreuth la colline où s'élève le
théâtre du puissant maître de la musique
moderne; mais, à Paris, tous les pèlerins
de la gaieté montent à Montmartre, au Mou-
lin-Rouge-Palace, ce resplendissant éta-
blissement si connu de toutes les jolies fem-
mes et si apprécié des aimables yiveurs du
monde entier.
H liNGue de Verre,
Les Femmes excentriques
au Théâtre
Louise Balthy
Une femme fantaisiste. La "nique" à l'existence
(Walery, phot.)
Mlle Louise Balthy
Hier soir, à l'heure où les apéritifs cha-
toyaient dans les verres d'un café littéraire, là
où Bergerat prend sa verte, Mendès son por-
to, La Jeunesse son oxygénée, une femme ren-
tra.
Elle était rose comme un sorbet, avec un
chapeau simple, une « capeline » qu'elle disait
si parfaitement discrète que mon regard alla
vers elle, dans la vastitude des champignons
féminins qui peuplaient le Napolitain.
— Tiens, Louise Balthy !
— Je crois, en effet, nous répond la si amu-
sante actrice, je crois que c'est moi! Car Co-
mœdia a annoncé que j'étais à la campagne et
si je n'y suis point ce soir, c'est que je suis
revenue pour lire, aux Capucines, le premier
acte de la pièce de Michel Carré et André
Barde. - 1
- Vous allez donc jouer aux capucines?
- Oui, môssieu, je vais jouer
cines! On vient d'y transformer la salle. Elle
est d'un Louis XVI qui fiche par terre- les
dorures de la troisième République. Dans ce
cadre toutes les interprètes vont être suaves!
Et, prenant une cuillerée de sa glace, Bal-
thy ajoute-
— a Toutes les interprètes seront jolies, et
moi aussi!
Balthy cligne de I'oeil, Cette oeillade spéciale
particulière que tout Paris connaît parce
qu'elle souligne toujours chez elle une inten-
tion ou bien un tas de choses qu'elle garde
pour elle. Elle appelle ça cc l'internat Balthy J)
— Et quel rôle 1 là-dedans allez-vous tenir?
demandons-nous à l'excentrique.
— Quel rôle? Mais une amoureuse, une
de ces amoureuses trompées, comme on en
rencontre tant dans la vie, une de ces amou-
reuses qui, pénétrées des théories modernes,
prennent le mal du bon côté et s'en tirent aVec
une nique à l'existence Car la nique.
1 Qu'est la nique, selon vous? 11
— La nique! nous dit Balthy, qui est tift
philosophe et connaît, POur l'avoir fouiIIé l'âme humaine, la nique nvl i
soi-même qui, au lieu de pudeur de
voir l'air d'un accordéon blessé, se redresse etj
fait un pied de nez à la vie
» Sous le sourire, la moquerie, la rnain qui,
dans l'air, décrit un geste enfichiste, on
pourrait retrouver le coeur rneurtri. Mais il
est de bon ton, il est SLf „L r meurtri- Mais il
plus parisien de monStrer société» il est
plus parisien de montrer l'armure, la cara-
pace extérieure, et c'est à ^U01 J*e m'efforce
dans mes rôles. quoi ie m'efforce
» Je considère, en effet, nous continue
Louise Balthy, que le théâtre, quel qu'il soit,
doit être l'image de la vie 3 te^e enseigne
que, nous autres, les nnvro
sentiments de tous, nous devons nous montrer
bourgeois, bohèmes, parisiens en nous-mêmes.
Quand il se fait - par un bonheur artistique
dont je bénis la Providence
sissons à rendre à la scène ce que, vraiment,
nos personnages peuvent- Ce que' vraim«nt,
dire que, vraiment, nous sommes les interprè-
tes dignes de la penser del'auteur. interprè-
— Dès lors, c'est bien d'observation aiguë
que sont faits vos rôle aiguë
0 Ui
- Oui, nous e répond Balthy, oui, la figure
devenue subitement sérieuse parce qu'on parle
« métier ., et qu'elle adore le sien. Et le Pu-
blic, le bGn public, celui que nous aimoas.
que J'adore, qui est le cœnr du totit Paris, ce-
lui des gens, des autres et de moi-même, ne
sait pas, souvent, de quelle Patiente analyse
nos rôles sont faits.
Dans le verre en forme de COUpe, où Baf-
thy puise d'une main amusée, la glace fond,
fond, en un lac liquide. Et Balthy, philosophe,
avec de telles convictions qu'on comprend, à
la voir, de quelles études et de quelles ardeurs
sont bâtis les personnages que des femmes,
apparemment primesautières comme elle, li-
vrent au public, c'eesst -wrlr n-e aux applaudisse-
ments. "i
E. ROUZIER-DORCIÊRES.
La Saison à Cauterets
Depuis cette année, la charmante station des v*,-* *
le théâtre qui lui manquait e"fin
Voici, depuis cette année, Cauterets classé
parmi les cinq ou six grandes stations estivales
où la vie théâtrale et artistique, suspendue à Pa-
ris de la mi-juillet à la fin d'août, trouve un
agréable refuge.
Fermé depuis de longues années, le Casino
Club vient de rouvrir ses portes avec éclat.
Les représentations lyriques qui s'y sont suc-
cédé classent le théâtre de cet établissement
au rang de ceux de Vichy, Dieppe ou Aix-les-
Bains. C'est-à-dire au tout premier. Il faut
dire que la tâche de M. Louis Perron, le di-
recteur artistique dont l'intelligence et l'acti-
vité sont incomparables, a trouvé ici un théâ-
tre comme peu de nos grandes villes en pos-
sèdent.
Pont rustique de Luterlirle, en dessous de ia
Cascade de Lutour
M. Catherine Mme Dutranne Mme Catherine
-
CASCADE DE LUTOUR
Dutranne
devant la Cascade
de Lutour. aux environs
de Cauterets
M. Louis Perron
Directeur artistique du
Théâtre du Casino-Club
à Cauterets
CASCADE DE LUTOUR
Chef a-orcw;oC2therlr»e
Chef d'ot'chestre du Casin<>cltlb
de Cauterets, ela excursion à lx
Cascade dA e*;Ursion à ht
La salle du Casino-Club est de proportions
vastes, mais néanmoins harmonieuses. La
scène permet un déploiement de figuration et
un aménagement de décors des plus heureux.
M. Perron a tiré de tout cela un remarquable
parti et telle de ses mises en scène — celle
de La Tosca, ou du Chemineau, par exemple,
qui sont des modèles — ont été particulière-
ment applaudies.
J'ai assisté au détail de leur préparation com-
me à une leçon de choses infiniment intéres-
sante: « Comment voulez-vous que tout ne
marche pas à merveille ici, me disait, en me
parlant de M. Perron, un des chanteurs de la
troupe, ce diable d'homme a le feu sacré. Avec
un autre, nous aimons notre métier; avec lui,
nous l'adorons. »
Le programme de la Sai. son a été composé
avec un goût parfait. Le vieux répertoire a
étl ~~a~ ~WW' A m* Werther, et
Carmen, ce Sont les nouveautés de la sàîs~ul:,
qui ont été ou seront offertes à la clientèle,
select de Cauterets Le Chemineau. La Vie de
bohème, La Tosca Madame Butterfly. Voilà les
principales œuvres choisies. Elles nous repo-
sent des Faust, des Lakmé, des Mignon, qui'
s'éternisent sur les affiches j, es Mignon, quf
de nos scènes estivales d' Un grand nombre
La représentation de Madame Butter/ly, n<^
tamment, sera un véritable événement artisti-
que, puisque, lUSdeUr aucunhéâtiretf
France, des éditeurs de T?Pe,^a"Comique' n'avait)
obtenu des éditeurs de Puccini l'autorisation do
représenter la japonaiserie du maître italien. -",.
J'ai exposé les programmes; il me resw
à parler des interprètes. Je pourrais tout restf
rie. en rfooo.
----.
mer d'un cle La disant le Clav aroche de For-d
le ScarDia de La Tosca. le Clavaroche de For-
tunio ont été joués par DUfranne qui a créS
a retrouvé à Pa Le merveilleux
baryton a retrouvé à Cauterets la plupart d«
ses camarades de la rufVart : Mlles Lucy
Vauthrin, DemelIier, Bériza Mme Mlles Lucy
mayrac et son mari Bériza, Mme de - Pou-
mayrac et son mari, M Billot dont la belle
voix de basse fera merveille cet hiver, à la
Monnaie; M. Simart, hiver, à la
M. Ibos engagé pour * J gardé pour la fin
tations: pour Werther, naturellement, et La
Tosca. nat, urel,lement, et lA
Dufranne parti, il sera remplacé par M.. :..
P acé Par A !--
bers, qui triomphe actue ileinent à Vichy. Quà.;
rante musiciens, sOigneusement à Vichy. cons-
tituent un orchestre choisis, cons-
tituent un orchestre remarquable, dirigé par
M. Catherine qui, lui, reconnaissons--Ie, n'est
pas de l'Opéra-Corninuè ®n®îssons-le, n'est
péra tout cohru *** puisiu'il est de l'O
Le Numéro : S centimes
Vendredi 7 Août ÏQnu.
COMŒDIA
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : CQMŒDIÀ=PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
r
RÉDACTION & ADMINISTRATION:
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN e mois
- -
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 „ 20 »
PLAISIRS D'ÉTÉ -
Beaux sujets
Le jeune dramaturge dit communé-
ment :
— L'exécution n'est rien. Rien. Le
tout est d'avoir un beau sujet, voilà un
beau sujet.
Et le jeune dramaturge se ronge les
ongles, en embrassant la vie d'un large et
pénétrant regard. - - -. A.
Mais la vie, toute la vie, lui paraît vide.
Quoi? Les blés lèvent, mûrissent et sont
fauchés; les hirondelles vont et vien-
nent ; de vains peuples conspuent un roi ;
un tunnel s'effondre; il fait chaud. Bonté
divine, qu'il fait chaud! Tout cela ne
comporte pas un sujet de pièce. Quel-
ques alexandrins, peut-être? Mais un
bon drame, une forte comédie, un vau-
deville alerte, réclament un aliment
moins vague.
Il faut se résoudre à restreindre le
ihainp de son observation. Puisque, dans
les matériaux nombreux qu'amassa l'ex-
périence de ses dix-huit ans, le jeune
dramaturge ne trouve pas la matière so-
lide de trois actes, il regardera dans les
coins, à la loupe.
Voyons, la famille? La famille est un
trésor inépuisable. A travers les âges, de
grands faits ont signalé la sienne: traits
d'héroïsme d'un aïeul, viol d'une cou-
sine, banqueroute d'un collatéral. A la
réflexion, ces choses ne sont ni drama-
tiques ni gaies. Et puis, elles manquent
de « retournements». L'aïeul fut héroï-
que, mais avec une monotone obstina-
tion; la cousine violée tourna très mal,
ce qui ne prouve rien; et on hérita du
banqueroutier, après qu'il eut fait for-
tune en Russie. Quelle fadeur!
L'Histoire? Bien fol est le jeune dra-
maturge qui prétend découvrir un beau
sujet dans l'Histoire. Il s'y trouvait trois
thèmes buvables: les démêlés des Atri-
des, les complots du grand-duché de Gé-
rolstein, et le sans-gêne de la maréchale
Lefebvre. On s'en est servi. On n'a rien
laissé aux dix-huit ans du jeune drama-
turge.
Les faits divers? Le jeune dramaturge
hausse les épaules avec mélancolie. Le
fait divers est théâtralement inexprima-
ble. Des nietschéens à rouflaquettes as-
sassinèrent un vétusté grisou, deux rou-
quines se sont étripées, un caissier s'est
dirigé vers Ostende, quelques Touran-
geaux furent entôlés, il y a eu des ac-
cidents d'automobiles. Si des événements
aussi normaux vous inspirent une tra-
gédie, c'est que vous n'avez aucune no-
tion de ce que souhaite le spectateur
contemporain.
Un peu las, et les ongles en sang, le
jeune dramaturge se résigne à relire ses
anciens. Il constate ainsi que ses contem-
porains illustres n'ont rien inventé, et
cette remarque le fortifie.
Une autre l'étonné: tous ces gens-là,
en vérité, se sont épuisés sur des sujets,
bien peu excitants! Quelle banalité na-
vrante! Quelle indigente imagination!
Comment se peut-il faire que les foules
furent passionnées par d'aussi piètres
débats?
En y regardant de très près, évidem-
ment, on soupçonne bien, de ci de là,
l'existence du beau sujet. Mais l'auteur
a passé à côté. C'est à refaire. Tout est
à refaire. - "- -
Ainsi, en voilà un, de beau sujet! seu-
lement, où sont les idées? Car il n'y a
que le théâtre d'idées. En voici un autre.
Hélas! il est traité sans idéalisme. Et le
théâtre renaît à l'idéalisme. — En voici
un troisième. Il exigeait de la vérité, de
la vérité profonde. Le théâtre sera vrai,
ou il ne sera pas. Ici, tout est conven-
tionnel, tout est factice, tout est faux.
Tout, encore une fois, est à refaire.
Dégoûté, le jeune dramaturge referme
les pauvres livres, les mauvais livres, ce
tas de livres. Et il pense. Il pense.
C'est en lui-même, décidément, que gît
le beau sujet..
D'ailleurs, le crépuscule s'annonce, et
le beau sujet se formule. Le jeune dra-
maturge, dans son fauteuil, fixe les nuées
rouges, et je vous dis qu'il pense.
Voilà: C'est une femme. Que sera
cette femme? Princesse ou midinette?
Nous verrons. On pourrait en faire une
aventurière. Oui, un peu de mystère sur
cette femme !
Cette femme est mariée. Est-elle ma-
riée avant le lever du rideau, ou le jeune
dramaturge la mariera-t-il au premier
acte? Peu importe. Ne parlons pas de
l'exécution. Il faut, d'abord, s'en tenir
au sujet, et procéder avec méthode.
Le mari doit être un personnage très
moderne. On choisira parmi des caractè-
res fortement typés. Ceux-ci ne man-
quent pas. S'ils manquent, on les forge
de toutes pièces. C est du détail. Ne nous
égarons pas.
Au deuxième acte, la femme trompe
son mari. Comment? Pourquoi? Les
moyens et les motifs ne manquent pas.
De Phèdre à Amoureuse, le jeune dra-
maturge n'a qu'un choix trop étendu. Au
surplus, imaginez que l'héroïne de Di-
vorçons, et celle de Francillon, soient al-
lées jusqu'au bout de la faute; il s'en
-fallut de si peu, que le jeune dramaturge
a bien le droit d'utiliser cette hypothèse.
Le jeune dramaturge, tandis que la
nuit tombe, ne songe pas à se dissimuler.
Qu'un dénouement s'itnoose à la remar-
quable situation qu'il vient d'imaginer.
Mais cet aveu ne l'emplit pas d'épou-
vante. Un troisième acte est toujours pos-
sible. Bien mieux, il naît spontanément
du caractère des personnages. Cent œu-
vres célèbres lui ont appris qu'un mari,
pour qu'une pièce s'achève, peut tuer,
pardonner ou se résigner. Il n'est pas
temps encore de se préoccuper de telles
contingences.
Mais quel beau sujet! En le nourris-
sant d'idées, d'idéalisme, et de vérité,
quel beau sujet !
Sans doute n est-il pas sans rappeler,
lointainement, quelques pièces très vieil-
les ou très récentes. Les évangiles eux-
mêmes s'intéressent à la femme adultère,
et Shakespeare, accidentellement, n'en a
pas fait fi: Pauvre objection. Le beau
sujet, précisément, est éternel. L'artiste
aura seulement le souci de le renouveler.
Et il s'en charge. Pour être beau, un su-
jet n'a nul besoin d'être neuf. Nuance.
— D'ailleurs, murmure fermement le
jeune dramaturge, le sujet n'est rien.
Rien. Tout est dans l'exécution, voilà,
dans l'e-xé-cu-tion.
Henry KISTEMAECKERS.
Nous publierons demain un article de
PAUL DOLLFUS
Couleur locale
Lorsque nous demandons, en pleine sai-
son, aux directeurs de théâtre d'opérer quel-
ques petites réformes dans l'organisation
administrative de leurs salles, ils nous ré-
pondent avec raison que de telles modifica-
tions ne peuvent plus se faire en cours de
route et qu'il ne. sera possible d'y songer
qu'au moment de la réouverture de la sai-
son.
Il est bien évident, a autre part, que si
nous demandons ces mêmes réformes en
ce moment, nous aurons peu de chances
d'être écoutés par les mêmes directeurs.
Ceux-ci se livrent, en effet, activement
à la chasse aux crevettes entre deux ro-
chers, et toute leur sollicitude se porte ac-
tuellement sur la situation désolante que
présentent certains crabes pris au fond de
leurs filets de pêche.
Il est cependant certaines petites réfor-
mes qu'il leur serait facile de réaliser ac-
tuellement sans grands risques et, qui plus
est, sans engager aucune dépense supplé-
mentaire.
C'est ainsi que nous avons signalé l'hiver
dernier l'heureuse disposition de certains
théâtres étrangers qui avaient adopté tout
simplement des couleurs différentes pour le
côté droit et le côté gauche de la salle, et
pour ses différents étages.
Une simple petite lettre écrite sur le coin
de la table du casino par nos directeurs à
leurs régisseurs oit à leurs administrateurs
suffirait pour réaliser cette petite réforme
peu coûteuse. Il suffirait pour cela, en com-
mandant les carnets à souche de la location,
les cartons de vestiaire et les ampoules élec-
triques, d'adopter des couleurs différentes
permettant aux spectateurs de se retrouver
instantanément en entrant, de gagner leurs
places sans hésitation et de recouvrer leurs
manteaux et leurs parapluies avec une pré-
cision qu'envieraient les pl,¡,¿s grands mathé-
maticiens. De même que nous voyons des
enfants voués au bleu ou au blanc, nous
verrions des spectateurs voués au rouge, au
vert ou même au jaune, et qui sauraient
que, dans leurs recherches dans les cou-
loirs, c'est à ces couleurs qu'ils doivent se
rallier.
Les bonnets d'ouvreuses pourraient être
également de la même couleur.
Ce mode de ralliement deviendrait pept-
être moins célèbre dans l'histoire que celui
qu'innova Henri IV, mais, au point de vue
pratique, il serait sans aucun doute infini-
ment préférable.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre du Châtelet, première représentation
(reprise) du Tour du Monde en 80 jours,
pièce à grand spectacle en cinq acte et
vingt-deux tableaux, d'Adolphe d'Ennery et
Jules Verne.
CI
sux qui s'en vont.
Nous avons le regret d'apprendre le
décès de M. Prosper Bouyer, 1 un des mem-
bres les plus actifs de l'Association dcs Ar-
tistes Dramatiques.
M. Bouyer s'était fait souvent remar-
quer dans diverses créations au Théâtre
des Nations, au Châtelet et à la Porte-Saint-
Martin. Il était devenu, depuis, directeur
de la maison de retraite de Pont-aux-Da-
mes.
Ses obsèques seront célébrées à Couilly,
samedi prochain 8 août, à midi et demie.
Le présent avis doit être considéré com-
me une invitation à son convoi.
Gare de l'Est, prendre le billet pour
Couilly-Saint-Germain, train de 10 h. 50,
changement de train pour correspondre à
Esbly. -
La
1 tombe d'un vivant.
Le brave Léon Noël, l'excellent
Chopard du Courrier de Lyon, est un hom-
me de précaution, et, malgré sa robuste au-
tomne, il a depuis longtemps fait préparer
son tombeau au Père-Lachaise. Ce n'est
pas cela qui fait mourir!
Un buste superbe de lui, en bronze, les
cheveux au vent malgré -la calvitie du som-
met de la tête, signé G. Deloye, surmonte
cette tombe où reposent déjà trois êtres
chers.
Pieusement, l'excellent artiste, qui ma-
nie fort bien aussi le ciseau, a mis dans la
pierre un médaillon en bronze des traits de
sa mère, fait par lui.
L'inscription, en ce qui concerne Léon
Noël, porte heureusement une seule date,
celle de sa naissance.
Si Ton ^mie p. £roj£. ait monument de
Thiers, on trouve bientôt à gauche, dans la
28 division, le « chemin du bassin » ; c'est
là, le long de ce chemin, sur la droite. De là
vous apercevrez le buste. Regardez-le bien,
car il est extrêmement ressemblant. et l'on
voit les traits d'un brave homme.
H
ymenee.
La nouvelle était vraie. MIle Mag-
gie Gauthier va se marier, et se marier
avec un prince. Voici, d'ailleurs, le télé-
gramme que nous adresse la délicieuse co-
médienne :
« Dieppe, 5 août.
t< Monsieur, la nouvelle de mon mariage
est exacte. Le comte de Mailly-Châlons, qui
la dément, n'est autre que le père de mon
fiancé, Anselme de Mailly, prince de L'Isle-
Montréal..Sentiments distingués. — Mag-
gie GAUTHIER. »
Adressons donc nos vœux et nos félici-
tations à l'excellente artiste et regrettons
que ce changement de situation l'arrache
pour toujours à nos applaudissements.
M'
Dlière en musique.
On se souvient qu'il y a quelques
mois, au cours dune violente polémique
entre un très célèbre compositeur et un
sympathique écrivain, les deux adversaires
se proposèrent mutuellement d'adapter mu
sicalement Tartuffe, Le Menteur et Les
Fourberies de Scapin.
Nous ne savons pas si Le Menteur ou
Lej Fourberies paraîtront bientôt sur la
scène de l'Opéra-Comique, mais, en atten-
dant, nous pouvons annoncer que Richard
Strauss, le fameux auteur de Salomé, ter-
mine une comédie lyrique tirée de Tar-
tuffe. r.
A
vis. * -
Les théâtres en plein air n'ont pas
de chance cette année. Ils sont plus nom-
breux que jamais et, de plus, l'été fantai-
siste dont nous sommes gratifiés les em-
pêche de jouer deux dimanches sur trois.
Comœdia se devait de leur indiquer un
moyen couramment employé en Amérique,
où il donne !es meilleurs résultats. Nous
voulons parler de l'assurance contre le
mauvais temps en cas de solennités ou de
fêtes publiques en plein air.
Ainsi, l'organisateur d'une course d'au-
tomobiles à Elkwood avait signé un con-
trat avec une Compagnie d'assurances.
Moyennant 8.000 francs, cette dernière
s'engageait à verser 30.000 francs en cas
de pluie.
Allons! messieurs les directeurs, assu-
rez-vous et, bientôt, vous bénirez la pluie.
L
eurs vacances.
Sur la petite plage, terne, enserre.
sableuse du Crotoy, les baigneurs, en at-
tendant l'eau, peuvent apercevoir un bizar-
re trio.
Près d'un promeneur mélancolique, une
dame très belle, imposante, quoique sou-
riante, pousse devant elle une petite voi-
ture où gémit un jeune arthritique.
La dame très belle, c'est Mlle Marcelle
Yrven ; le promeneur, M. Dubosc, et l'ar-
thritique, M. Carpentier, des Variétés.
c
hez Thémis.
L'autre jour on pouvait voir, en cas-
sant rue Drouot, M. Garay, le sympathi-
que pensionnaire de la Comédie, entrer dé-
libérément à la mairie du 96 arrondisse-
ment.
Allait-il se marier? Non. Il est, on le
sait, l'époux de l'excellente artiste Garay-
Myriel? Allait-il déclarer la naissance de
quelque petit nouveau-né? Non. Il obtint
déjà du ciel, il y a peu de mois, deux ju-
meaux.
Il allait tout simplement comparaître de-
vant la justice de paix. Un procès engagé
entre lui et M. Hertz, directeur de la Porte-
Saint-Martin, l'y appelait.
Et ce procès, il l'a gagné, ce qui prouve
que, malgré l'opinion établie, les directeurs
n'ont pas toujours raison.
D
îbuts conjugaux.
On connaît l'histoire — née dans
l'imagination d'un conteur fantaisiste —
de cet ami précieux qui commet un
crime sensationnel pour fournir une
occasion éclatante de se révéler au
talent impatient d'un jeune avocat au-
quel il s'intéresse. Mme Jeanne Merey,
la charmante cantatrice — qui a épousé
il y a quelques mois un avocat stagiaire du
barreau parisien, Me Valabrègue — n'a pas
été jusque là, mais presque. Elle a intenté
un procès en cent vingt-six mille francs de
dommages-intérêts aux frères Isola, dont
elle était la pensionnaire; et son mari a pu
faire ainsi d'imposants débuts devant le Tri-
bunal. Il a pu soutenir, avec une énergie
et une émotion légitimes, que la direction
de la Gaîté avait manqué à tous ses devoirs
en ne donnant pas à Mme Merey la même
vedette qu'à Mme Delna.
Le procès a été perdu, hélas! et la vic-
toire est restée à Me Le Barazer, l'avocat
adverse; mais le succès de Me Valabrègue
a été très vif.
u
_:'-._-
ne lettre de M. de Croisset.
Verrons-nous, l'hiver prochain, une
pièce se passant entièrement sur l'eau?
Il nous est permis de l'espérer en lisant
cette lettre délicate et spirituelle adressée
par M. Francis de Croisset à M. Jules Bois,
l'auteur d'Hippolyte couronné et de La Fu-
rie, dès l'apparition du Vaisseau des Ca-
resses:
Mon cher ami,
Je viens de lire votre très beau livre. ,
D'abord laissez-moi vous dire combien il m'a
ému et ravi. C'est une œuvre profonde, un H-
vre de Passion et de tendresse, une rnerveil-
leuse histoire h' m'0Ur' et dans quels décors
Il y a tout m et toute notre PsYci'O-
logie moderne - aiguë, et tout notre instinct
et tops les instincts
Oui, tout cela est ?amat^ue- brûlant, avec
des ombres fraîches, des coins bleus d'eau pu-
re; il Y a tout dans Votre bouquin ! des cris
et des rires, de la paresse voluptueuse et des
sanglots et tous vos lecteurs sont amoureuX de
Glatic ; quelle adorable et sont amoureux de
Faire une Pièce « '^Cela?Mon cher amI,
il faudrait des artistes de génie et un décora-
teur qui fut un ? • Sénie et un décora-
teur qui fut un magicien! Car puisqite l'ac-
tion nombreuse souvent se restreint dans un
même décor, il faudrait rendre l'âme du ciel.
de la mer — et le vent qui fait flotter les clie-
veux et les voiles de Glatic. Il faudrait tout
de même, oui tout de même, donner, rendre
cette impression, si forte, si émouvante de
votre livre, de ce coin d'univers porté sur un
bateau, de cette synthèse de cité.
Si vous voulez, nous en recauserons à votre
retour d'été.
D'ici là, je vous envoie encore foutes mes
félicitations enthousiastes et bien affectueuses.
CROISSET.
NOS MISERES
LA BATAILLE S'ENGAGE
Le jeune auteur a reçu la lettre le con-
voquant à trois heures au théâtre pour
la lecture de sa pièce — sa première
pièce — La nuit de Janvier. A l'heure
dite, même un peu avant — ayant
pris un fiacre de peur d'être en re-
tard — il est là et s'engouffre dans le
couloir.
LE CONCIERGE, l'arrêtant. — Qui demandez-
vous ?
LE JEUNE AUTEUR, interloqué. — Mais! (frap-
pant un grand coup) je suis l'auteur de La Nuit
de Janvier.
LE CONCIERGE, calme. - Cela ne me dit
rien.
LE JEUNE AUTEUR. — je suis convoque pour la
lecture de ma pièce.
LE CONCIERGE. — Ah! il y a une lecture.
J'ignorais (rentrant dans sa loge), au premier.
Le jeune auteur, surpris de l'ignorance
inconcevable du concierge à son en-
droit, fait son entrée sur la scène.
LE JEUNE AUTEUR, saluant. — Monsieur, je suis
auteur de La Nuit de Janvier.
LE RÉGISSEUR. — Enchanté. vous venez pour
la lecture., mais vous êtes en avance.
LE JEUNE AUTEUR, interloqué. — La lettre vor-
tait trois heures !
LE RÉGISSEUR. — Trois heures pour cinq heu-
res Enfin, puisque vous êtes là. où vais-je
vous fourrer ? On répète sur le plateau, on ré-
pète au foyçr. Attendez! nous trouverons bien
un coin. Je vais toujours vous présenter vos in-
terprètes.
Ils se dirigent vers un groupe d'artis-
tes. Présentation: les artistes sont
froids et dédaigneux ; le jeune auteur,
un peu ahuri de cette réception, s'as-
sied à l'écart.
PREMIER ACTEUR. — Où le patron a-t-il encore
déniché celui-là ?
PREMIÈRE ACTRICE. — C'est sa première pièce 1
DEUXIÈME ACTEUR, à l'actrice. — Charmant!
Et c'est nous qui sommes chargés de le dé-
niaiser.
TROISIÈME ACTEUR. — Il a dû verser la forte
somme.
PREMIER ACTEUR. — Sûr! Et qui la presse
éreintera-t-elle ? Nous ! toujours nous !
PREMIÈRE ACTRICE, le regardant. — Je trouve
que pour un auteur., il a l'air assez intelligent.
DEUXIÈME ACTEUR. — Dans le fond, j' m'en
fiche de sa pièce, pour ce que j'en écouterait
TROISIÈME ACTEUR. — Si je dors, pas de
.blagues., ne me réveillez pas.
TROISIÈME ACTRICE. — Encore un rôle de
bonne. Je commence à en avoir assez de ces
patines dé çUaïre lignes, - "- -
PREMIER ACTEUR, rosse. — Courte. et bonne!
TROISIÈME ACTRICE, vexée. — Ohl très drô-
le.., laisse-moi rire.
Le régisseur accourt en coup de vent,
et réunit, du geste, auteur et inter-
prètes.
LE RÉGISSEUR. — Voilà., la lecture aura
lieu dans la régie.
LE JEUNE AUTEUR. — La régie ?
LE RÉGISSEUR. — C'est peut-être un peu
petit, mais vous vous serrerez un peu. (spiri-
tuel), au théâtre, il faut se sentir les coudes.,
et puis, ce sera plus intime.
Ils montent, et tant bien que mal s'ins-
tallent dans la -régie, l'auteur devant
un petit guéridon, entouré des ac-
teurs, qui dardent sur le malheureux
des yeux féroces.
LE JEUNE AUTEUR, lisant. — La scène repré-
sente un salon très élégant.
La lecture se poursuit; les acteurs
semblent transformés en « hommes
de bronze », et le pauvre petit jeune
auteur, perdant pied dans cette tour-
mente de glace, lit., lit toujours.
LE JEUNE AUTEUR, lisant. — Vous oubliez, ma-
dame, que je suis votre mari.
La physionomie des acteurs reste la
même, sauf pour le troisième acteur,
qui fait semblant de dormir. Mais le
jeune auteur, s'animant, aborde la
scène capitale, d'une gaieté vraiment
irrésistible. Les acteurs, pris malgré
eux, « s'efforcent de n'en rien laisser
paraître. Ils se pincent même les lè-
vres pour ne pas rire, quand, ô mi-
racle, le premier acteur, n'y tenant
plus, part d'un long et bruyant éclat
de rire : le jeune auteur lève la tête,
radieux, délivré, heureux.
LE PREMIER ACTEUR. — Excusez-moi. Je
songeais à une histoire fort drôle que l'on m'a
contée aujourd'hui ! ! !
- ELIE DE BASSAN"
u
n drame sur les boulevards.
Une auto passe rapidement au coin
ae la rue aiout, sans souci du danger.
Soudain mille cris d'horreur jaillissent de
mille poitrines. Un chien vient d'être écra-
sé. L'auto s'arrête, et cependant que le
chauffeur engage une longue discussion
avec un agent, nous dévisageons la proprié-
taire de l'auto. C'est la jolie Lilian Greuze,
la délicieuse créatrice des Bouffons. La ra-
pide interview s'imposait:
— Ce que je compte faire cet été, nous
dit la charmante Lilian, c'est bien simple:
dans huit jours je serai en Suisse et j'es-
père faire t'ascension du Mont-Blanc; quin-
ze jours après je serai rendue en auto à
Deauville pour le grand-prix.
— Et puis?.
— Et puis je vais être obligée, hélas!
de rentrer à Paris — sans avoir visité, com-
me je le désirais, l'Allemagne — afin de
reprendre à l'Athénée mon rôle de Clau-
dine dans Le Chant du Cygne. Je suis très
heureuse, car je créerai cet hiver des rôles
très importants. C'est la promesse de - M.
Deval, qui m'a engagée pour l'année pro-
chaine. Il se pourrait aussi que je joue aux
Nouveautés, et puis.
Mais l'agent avait fini de verbaliser, et
Lilian Greuze, tel un beau' papillon heu-
reux de vivre, s'envola rapidement dans son
auto.
T
ous 4es pèlerins wagn'ériens gravissent
à Bayreuth la colline où s'élève le
théâtre du puissant maître de la musique
moderne; mais, à Paris, tous les pèlerins
de la gaieté montent à Montmartre, au Mou-
lin-Rouge-Palace, ce resplendissant éta-
blissement si connu de toutes les jolies fem-
mes et si apprécié des aimables yiveurs du
monde entier.
H liNGue de Verre,
Les Femmes excentriques
au Théâtre
Louise Balthy
Une femme fantaisiste. La "nique" à l'existence
(Walery, phot.)
Mlle Louise Balthy
Hier soir, à l'heure où les apéritifs cha-
toyaient dans les verres d'un café littéraire, là
où Bergerat prend sa verte, Mendès son por-
to, La Jeunesse son oxygénée, une femme ren-
tra.
Elle était rose comme un sorbet, avec un
chapeau simple, une « capeline » qu'elle disait
si parfaitement discrète que mon regard alla
vers elle, dans la vastitude des champignons
féminins qui peuplaient le Napolitain.
— Tiens, Louise Balthy !
— Je crois, en effet, nous répond la si amu-
sante actrice, je crois que c'est moi! Car Co-
mœdia a annoncé que j'étais à la campagne et
si je n'y suis point ce soir, c'est que je suis
revenue pour lire, aux Capucines, le premier
acte de la pièce de Michel Carré et André
Barde. - 1
- Vous allez donc jouer aux capucines?
- Oui, môssieu, je vais jouer
cines! On vient d'y transformer la salle. Elle
est d'un Louis XVI qui fiche par terre- les
dorures de la troisième République. Dans ce
cadre toutes les interprètes vont être suaves!
Et, prenant une cuillerée de sa glace, Bal-
thy ajoute-
— a Toutes les interprètes seront jolies, et
moi aussi!
Balthy cligne de I'oeil, Cette oeillade spéciale
particulière que tout Paris connaît parce
qu'elle souligne toujours chez elle une inten-
tion ou bien un tas de choses qu'elle garde
pour elle. Elle appelle ça cc l'internat Balthy J)
— Et quel rôle 1 là-dedans allez-vous tenir?
demandons-nous à l'excentrique.
— Quel rôle? Mais une amoureuse, une
de ces amoureuses trompées, comme on en
rencontre tant dans la vie, une de ces amou-
reuses qui, pénétrées des théories modernes,
prennent le mal du bon côté et s'en tirent aVec
une nique à l'existence Car la nique.
1 Qu'est la nique, selon vous? 11
— La nique! nous dit Balthy, qui est tift
philosophe et connaît, POur l'avoir fouiIIé
soi-même qui, au lieu de pudeur de
voir l'air d'un accordéon blessé, se redresse etj
fait un pied de nez à la vie
» Sous le sourire, la moquerie, la rnain qui,
dans l'air, décrit un geste enfichiste, on
pourrait retrouver le coeur rneurtri. Mais il
est de bon ton, il est SLf „L r meurtri- Mais il
plus parisien de monStrer société» il est
plus parisien de montrer l'armure, la cara-
pace extérieure, et c'est à ^U01 J*e m'efforce
dans mes rôles. quoi ie m'efforce
» Je considère, en effet, nous continue
Louise Balthy, que le théâtre, quel qu'il soit,
doit être l'image de la vie 3 te^e enseigne
que, nous autres, les nnvro
sentiments de tous, nous devons nous montrer
bourgeois, bohèmes, parisiens en nous-mêmes.
Quand il se fait - par un bonheur artistique
dont je bénis la Providence
sissons à rendre à la scène ce que, vraiment,
nos personnages peuvent- Ce que' vraim«nt,
dire que, vraiment, nous sommes les interprè-
tes dignes de la penser del'auteur. interprè-
— Dès lors, c'est bien d'observation aiguë
que sont faits vos rôle aiguë
0 Ui
- Oui, nous e répond Balthy, oui, la figure
devenue subitement sérieuse parce qu'on parle
« métier ., et qu'elle adore le sien. Et le Pu-
blic, le bGn public, celui que nous aimoas.
que J'adore, qui est le cœnr du totit Paris, ce-
lui des gens, des autres et de moi-même, ne
sait pas, souvent, de quelle Patiente analyse
nos rôles sont faits.
Dans le verre en forme de COUpe, où Baf-
thy puise d'une main amusée, la glace fond,
fond, en un lac liquide. Et Balthy, philosophe,
avec de telles convictions qu'on comprend, à
la voir, de quelles études et de quelles ardeurs
sont bâtis les personnages que des femmes,
apparemment primesautières comme elle, li-
vrent au public, c'eesst -wrlr n-e aux applaudisse-
ments. "i
E. ROUZIER-DORCIÊRES.
La Saison à Cauterets
Depuis cette année, la charmante station des v*,-* *
le théâtre qui lui manquait e"fin
Voici, depuis cette année, Cauterets classé
parmi les cinq ou six grandes stations estivales
où la vie théâtrale et artistique, suspendue à Pa-
ris de la mi-juillet à la fin d'août, trouve un
agréable refuge.
Fermé depuis de longues années, le Casino
Club vient de rouvrir ses portes avec éclat.
Les représentations lyriques qui s'y sont suc-
cédé classent le théâtre de cet établissement
au rang de ceux de Vichy, Dieppe ou Aix-les-
Bains. C'est-à-dire au tout premier. Il faut
dire que la tâche de M. Louis Perron, le di-
recteur artistique dont l'intelligence et l'acti-
vité sont incomparables, a trouvé ici un théâ-
tre comme peu de nos grandes villes en pos-
sèdent.
Pont rustique de Luterlirle, en dessous de ia
Cascade de Lutour
M. Catherine Mme Dutranne Mme Catherine
-
CASCADE DE LUTOUR
Dutranne
devant la Cascade
de Lutour. aux environs
de Cauterets
M. Louis Perron
Directeur artistique du
Théâtre du Casino-Club
à Cauterets
CASCADE DE LUTOUR
Chef a-orcw;oC2therlr»e
Chef d'ot'chestre du Casin<>cltlb
de Cauterets, ela excursion à lx
Cascade dA e*;Ursion à ht
La salle du Casino-Club est de proportions
vastes, mais néanmoins harmonieuses. La
scène permet un déploiement de figuration et
un aménagement de décors des plus heureux.
M. Perron a tiré de tout cela un remarquable
parti et telle de ses mises en scène — celle
de La Tosca, ou du Chemineau, par exemple,
qui sont des modèles — ont été particulière-
ment applaudies.
J'ai assisté au détail de leur préparation com-
me à une leçon de choses infiniment intéres-
sante: « Comment voulez-vous que tout ne
marche pas à merveille ici, me disait, en me
parlant de M. Perron, un des chanteurs de la
troupe, ce diable d'homme a le feu sacré. Avec
un autre, nous aimons notre métier; avec lui,
nous l'adorons. »
Le programme de la Sai. son a été composé
avec un goût parfait. Le vieux répertoire a
étl ~~a~ ~WW' A m* Werther, et
Carmen, ce Sont les nouveautés de la sàîs~ul:,
qui ont été ou seront offertes à la clientèle,
select de Cauterets Le Chemineau. La Vie de
bohème, La Tosca Madame Butterfly. Voilà les
principales œuvres choisies. Elles nous repo-
sent des Faust, des Lakmé, des Mignon, qui'
s'éternisent sur les affiches j, es Mignon, quf
de nos scènes estivales d' Un grand nombre
La représentation de Madame Butter/ly, n<^
tamment, sera un véritable événement artisti-
que, puisque, lUSdeUr aucunhéâtiretf
France, des éditeurs de T?Pe,^a"Comique' n'avait)
obtenu des éditeurs de Puccini l'autorisation do
représenter la japonaiserie du maître italien. -",.
J'ai exposé les programmes; il me resw
à parler des interprètes. Je pourrais tout restf
rie. en rfooo.
----.
mer d'un cle La disant le Clav aroche de For-d
le ScarDia de La Tosca. le Clavaroche de For-
tunio ont été joués par DUfranne qui a créS
a retrouvé à Pa Le merveilleux
baryton a retrouvé à Cauterets la plupart d«
ses camarades de la rufVart : Mlles Lucy
Vauthrin, DemelIier, Bériza Mme Mlles Lucy
mayrac et son mari Bériza, Mme de - Pou-
mayrac et son mari, M Billot dont la belle
voix de basse fera merveille cet hiver, à la
Monnaie; M. Simart, hiver, à la
M. Ibos engagé pour * J gardé pour la fin
tations: pour Werther, naturellement, et La
Tosca. nat, urel,lement, et lA
Dufranne parti, il sera remplacé par M.. :..
P acé Par A !--
bers, qui triomphe actue ileinent à Vichy. Quà.;
rante musiciens, sOigneusement à Vichy. cons-
tituent un orchestre choisis, cons-
tituent un orchestre remarquable, dirigé par
M. Catherine qui, lui, reconnaissons--Ie, n'est
pas de l'Opéra-Corninuè ®n®îssons-le, n'est
péra tout cohru *** puisiu'il est de l'O
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Auteurs similaires Fonds régional : Rhône-Alpes Fonds régional : Rhône-Alpes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RhoneAlp1"Rapport d'avis de la commission d'enquête du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon... /ark:/12148/bd6t542064861.highres Édit... portant suppression de l'office de notaire au fauxbourg de la Croix-Rousse de Lyon, et l'établissement dudit office au bourg de Cuire... [Enregistré au Parlement le 8 janvier 1716.] /ark:/12148/bd6t54204044p.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7645967s/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7645967s/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7645967s/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7645967s/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7645967s
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7645967s
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7645967s/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest