Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-07-21
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 21 juillet 1908 21 juillet 1908
Description : 1908/07/21 (A2,N295). 1908/07/21 (A2,N295).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645950h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
t~e. « No 295 (Quotidien)
te Numéro : 5 centimes
Mardi 21 Juillet 1908. :
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
FACTION & ADMINISTRATION,
Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288-97
Adresse Télêrraphiqae : C0/«$DIA-PARl5
ABONNEMENTS :
UN AN • MÛ*
Ct DéPartements 24 fr. 12 fr.
êer • • » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION ?
;
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Uresse Télégraphique : COMŒDlA.P ARIS
ABONNEMENTS:
, UN AN 4 molb
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger40 a 20 w
buteur
et ses amis
Les heures Gémissantes des derniers
ours de travail, l'angoisse de la répéti-
tion générale qui s'approche, toutes ces
émotions pénibles et charmantes sont gâ-
tées par une odieuse formalité: la distri-
tées par une odieuse formalité: la distri-
bution des places aux amis.
Ulee c'est avec un sentiment
Pour ma part, c'est avec un sentiment
que Je vois venIr le secre:
taire général, qui me remet un gros pli
cacheté : « Votre service. » Je n'ouvre
jamais l'enveloppe tout de suite. Dans
hypothèse où je ne serais pas content
du service en question, il faudrait faire,
séance tenon
séance tenante, des observations, formu-
ler sur un ton léger les revendications les
plus amères. Le secrétaire nous répon-
dait en Plaisantant, pour ne pas se fâ-
cher:«De quoi vous plaignez-vous? Je
tre gave de Places. Dans aucun théâ-
» aurez un service si impor-
Si la discussion s'envenime, on va
bassement se plaindre au directeur,
grand seipn P~~ de directeur,
grand seigneur préoccupé de bien d'au-
affaire Il dit d'un air détaché au
rétaire - .Il Tâchez donc de lui trouver
encore quelques fauteuils. - Mais, pa-
tron, vous savez bien que Je n'ai plus
rien! ».L'auteur lève les bras au pla-
fond. Le directeur, pour le calmer, l'em-
mène da., salle: « Occupez-vous donc
plutôt de votre trois, qui n'y est pas en-
core. Je OUS assure que c'est plusimpor-
Evidemment, c'est plus important.
Mais ce ne sont pas les choses les plus
importantes qui ont , le plus d'impor-
tante. L'auteur va s'asseoir dans la sal-
le, en boudant. Il est brouillé mortelle-
taire POur trois heures avec le secré-
taire générJal
Il a dressé chez lui. une liste des gens
à qui il faut envoyer des places. Il con-
fronte Cette liste avec celle de ses cou-
pons. s. Il a Plus de faute uiis d'orchestre
qu'il 'ne la ,plus de fauteuils d'orchestre
fauteuils lui en faut. Mais, à part quatre
bons, tous les au"
tres sont inenvoyables. Ils sont tout au
dans les ténèbres.
Puis l'auteur examine ses coupons
de bal COn, et, une grande détresse l'en-
vahit, quand il a vu, sur le plan, où se
trouvaient les 132 et 134, et les 133 et
135. Ils sont à l'extrêrne limite du second
me ''m"e du second
rang de côté à tin endroit où une girafe
elle-même devait renoncer à toute espé-
rance d'apercevoir un coin de scène.
D'autres places , meilleures, ne sont pas
plus utilisables, L'auteur a quatre clients
pour les balcons. L auteur a quatre clients
une fn- deux couples, à qui il
éternel d'assister pour toutes, le droit
éternel d'assister à ses générales dans
cts ces 1 Ions de gloire et de confort.
tlouS les 3eux CoUples doivent être, ou
tous les deux au premier rang, ou tous
les deux au second rang. Et le service
'Ilt comprend que deux fauteuils du pre-
ran
De même, une famille de six person-
nes a, depuis le huitième siècle de notre
êre, le privillège d'une loge de face. Or,
la loge 31 n'a que quatre places. Il y a
bien la baignoire 15 Mais elle est aussi
noire que le Cocyte; on n'aperçoit de
lè d., 'Icteurs décapités et l'on n'y
la que des acteurs décapités et l'on n'y
entend distinctement que les tramways
du boulevard.
L'auteur, exaspéré, ne veut pas regar-
der la Hasse abondante des fauteuils de
foyer, de magnifiques premier rang de
face , peux dn?îifiques Premier ran§ ce
sont Jes m on dit couramment: ce
sont les meilleurs du théâtre. Ce sont,
en effet, d'excellentes places, où l'on est
bien assis, d'où l'on voit merveilleuse-
bie SC ène. Mais il suffit d'envoyer
un coupon de ce genre au plus tendre
de ses amis pour développer dans son,
cœur des sen d)Atride et y allu-
teindre et y allu-
J'ai haine destinée à ne jamais s'é-
J'ai clamé bien souvent, dans le dé-
sert, cet me bien souvent, dans le dé-
cette Proposition: ne donner aux
auteurs Que des fauteuils de foyer;
qu'il s^it Pr. y une fois pour tou-
tes, qubil, ri, une fois pour tou-
tes, et s n aUront jamais d'autres pla-
ces, et Que ce sera désormais au foyer
teur» b,.
eUr seront lacés « les amis de l'au-
ntre
Peut-être, par ce moyen, rendra-t-on
ces places decriées un peu de prestige.
Ce ui 0 rrait décider certains au-
teurs à Soutp ir cette proposition, c'est
%'iio aUraienx pette proposition, c'est
qu'ils auraient désormais sous les yeux
toute la bande de leurs amis, qu'ils se
rendraient compte ainsi si leurs clients
font leur devoir, devoir impérieux entre
mer la Piè ConSiste à applaudir, à accla-
Il est admis par les auteurs qu'un ami
al la ièce de son ami, que le vé-
ami est toujours sévère, qu'il
n'admet pas de défaillance. II sait mieux
que ersonne de quoi, l'auteur est capa-
ble. Si donc cet auteur se permet de
courir au-dessous de sa forme ., l'ami
S sa forme », l'ami
véritable protestera impitoyablement.
Quelques COnt auteurs prudents se prému-
nissent contre les dangers de l'amitié vé-
ritable en conviant leurs camarades à la
tè Pétit. on desCOuturiers. Ce système à
ses avantages. toi ?ise 'il?1 l'irnpression des amis
n'iront pas la répandre
Ils diront Peut-ètre volontiers : « Je
d'Untel. ph volontiers: «. Je
viens de la répétition des couturiers
Ils répondent trop vite et trop sèche-
nent qUe c est trèsbien. I-e question-
neur hOCh Ist tres bien. Le question-
neur hoche in a tête sourit et dit: « Je
— Mais non, mais non, je vous as-
sure. Vous vous méprenez. Il y a de
très belles choses. Evidemment, on ne
peut jamais répondre de l'effet qu'une
pièce fera sur le public. C'est la bouteille
à l'encre.
— Il n'a pas de chance, ce pauvre
Untel! poursuit l'autre. Ça va faire la
série de trois!
— Mais je vous assure que vous avez
fort de considérer déjà la pièce de de-
main comme un insuccès. Il est possible
que ça marche très bien.
— Ça va lui faire du tort. Trois
fours, c'est un peu trop!
— VoUs êtes drôle! Je vous dis qu'il
y a des chances sérieuses pour que ce
ne soit pas un four.
— Moi, ça m'embête pour lui. Il ne
m'est pas sympathique: je le dis, quoi
qu'il soit votre ami. Mais c'est en-
nuyeux de voir quelqu'un passer au tra-
vers d'une façon aussi régulière depuis
deux ans.
L'ami, découragé, change de conver-
sation.
D'autres amis disent franchement
qu'ils sont navrés, que c'est une décep-
tion. Mais le jour de la générale, ils
ont jeté leur venin; ils sont calmés et
inoffensifs. Ils applaudissent même avec
vaillance, pourvu qu'ils aient affaire à
un auteur à poigne, qui tienne bien en
mains ses partisans, et mène ses amis
d'enfance au doigt et à l'œil.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain un article de
LOUIS MARSOLLEAU
Théâtre d'application
On sait que l'article 67 du règlement du
Conservatoire interdit aux élèves de jouer
sur aucune scène sans la permission ex-
presse du directeur. On sait également que
les élèves du Conservatoire ne font que ce-
la toute l'année. On s'est ému d'une pa-
reille situation en haut lieu, et l'on cher-
che à y porter remède.
Appliquer le règlement, il n'y faut pas
songer, ce serait transformer le Conserva-
toire en Tour d'Ugolin, et l'on ne peut dé-
cemment exiger de tous les élèves qu'ils
meurent de faim pour leur apprendre à vi-
vre. Aussi bien, cherche-t-on de tous côtés
des-subsides nécessaires pour assurer l'exis-
tence des élèves durant leur passage aw
Conservatoire, et pouvoir ainsi, décemment,
appliquer le terrible article soixante-sept.
M. Dujardin-Beaumetz travaille en ce
sens et il espère aboutir. Cet heureux ré-
sultat une fois obtenu, on est toutefois en
droit de se demander s'il ne conviendra
pas alors de taire une nouvelle campagne
pour obtenir des élèves du Conservatoire
qu'ils consentent à jouer sur des petites
scènes à côté durant leur passage à l'Ecole.
Il est hors de doute, en effet, que le con-
tact seul avec le public peut former un co-
médien et que l'on ne peut décemment ap-
peler un public six vieilles dames tricotan-
tes et deux appariteurs amorphes.Seulement
comme il est non moins évident que toutes
les petites scènes ne conviennent pas éga-
lement pour former un acteur, on peut se
demander si, avec l'argent trouvé par M.
Dujardin-Beaumetz, il ne serait pas plus
intéressant de monter un petit théâtre d'ap-
plication appartenant exclusivement aux élè-
ves du Conservatoire, et dont les recettes
seraient effectuées à leur profit.
Grâce à ce petit syndicat, nos futurs co-
médiens connaîtraient toutes les difficultés
du théâtre, ils passeraient successivement
par les transes directoriales et par les émo-
tions des répétitions générales, ils entre-
raient ainsi en contact avec la vie réelle et
ne se contenteraient plus pendant plusieurs
années de glousser dans les nuées comme
de simples interprètes d'Aristophane. Et
cette chaire nouvelle créée au Conservatoire
au profit du Public ne serait pas la moins
utile de toutes..
utile de toutes.. G. DE PAWLOWSKI.
Échos
H
yménée.
Nous sommes heureux d'annoncer
le prochain mariage de M. Leminstm Brous-
san, co-directeur de l'Opéra, avec Mlle Sa-
mary-Lagarde, fille de la regrettée Jeanne
Samary et nièce de M. Pierre Lagarde, di-
recteur artistique de l'Opéra.
La nouvelle est officielle depuis diman-
che.
Et voilà un mariage qui resserrera le plus
heureusement du monde les relations si cor-
diales qui existaient entre les deux direc-
teurs de FOpéra. --
E
lie ne sait pas nager.
Si la vicomtesse de Raymes n'était
une excellente nageuse, nous aurions perau
Mlle Renée Félyne. L'exquise comédienne
du Gymnase, qui villégiature en ce moment
en Bretagne, faisait une promenade en mer.
Le bateau sombre. Mlle Félyne tombe.
Heureusement, la vicomtesse de Raymes,
qui l'accompagnait, la sauva.
Les flots nous ont rendu Mlle Félyne.
L
e ruban rouge.
Encore une décoration théâtrale qui
sera s,rmpathiquement accueillie. est
celle de M. Franz Fonson, l'excellent direc-
teur des Galeries Saint-Hubert et de l'O-
lympia de Bruxelles. On sait tout ce que
l'art dramatique français doit au nouveau
légionnaire. Il a monté les pièces de nos
meilleurs écrivains avec un goût, un luxe
et une conscience artistique auxquels nous
sommes particulièrement heureux ici de
rendre hommage.
Avant d'être directeur, M. Franz Fonson
était un homme de lettres distingué, et il
donna durant de longues années au Petit
Bleu de Bruxelles une collaboration bril-
lante et remarquée.
, Et voilà une juste et sympathique distinc-
tion.
A ce propos, sait-on quels sont, parmi les
directeurs de théâtre de Belgique, ceux qui
sont décorés de l'ordre national de la Lé-
sion d'honneur. Il y a MM. Kufferath et
Guidé, directeurs du théâtre de la Mon-
naie; il y a M. Reding, directeur du Parc;
il y a enfin, depuis hier, M. Fonson.
A qui le tour, la fois prochaine.
Nous enregistrerons avant peu deux nou-
velles promotions dans la Légion d'honneur.
Bien qu'elles viennent rendre hommage au
mérite ou au talent de personnalités théâ-
trales, elles seront accordées par le minis-
tère de la Guerre.
Nous lisons en effet, parmi les inscrits
au tableau de concours pour la rosette d'of-
ficier, le nom du commandant Schmoll, le
sympathique organisateur des représenta-
tions artistiques du Cercle militaire, frère
de l'aimable administrateur du Gaulois; et,
pour la croix de chevalier, M. de La Neu-
ville (Jacques-Lemaire), l'auteur applaudi
du Petit Lord et l'anci.en secrétaire général
de l'Hippodrome et du Casino de Paris.
Nous avons publié hier les noms de quel-
ques déçus. La liste n'en est pas complète.
Parmi les gens de théâtre qui comptaient
sur le ruban rouge et qui devront attendre
une promotion meilleure et un ministre plus
prodigue, ajoutons, pour la cravate de com-
mandeur, M. Pedro Gailhard, ancien direc-
teur de l'Opéra; pour la rosette, MM. An-
toine. directeur de l'Odéon, Porel, direc-
teur du Vaudeville, et J. Schurmann, l'im-
presario connu; et, pour le ruban roupe,
MM. Francis de Croisset, Auguste Ger-
main, Charles Henry-Hirsch, Caran d'Ache,
Cappiello et Edmond Clément, le charmant
ténor de l'Opéra-Comique.
Sans compter Mme Sarah Bernhardt,
Mme Marcelle Tinayre et les autres. Mais
ceux que nous venons de mentionner étaient
donnés comme favoris.
A propos de la rosette d'officier de M.
Maurice Donnay, sait-on que, sur les trente-
six académiciens actuels, dix ne sont pas
décorés.
Ce sont MM. Barboux, Maurice Barrès,
Paul Deschanel, Emile Ollivier, Ribot, le
comte de Vogue, le marquis de Ségur, le
cardinal Mathieu, Frédéric Masson et notre
éminent collaborateur Jean Richepin.
L'Académie ne compte qu'un seul grand-
croix, c'est M. Victorien Sardou; un seul
grand-officier, M. Ernest Lavisse, et deux
commandeurs, MM. Jules Claretie et le ,
marquis de Vogue.
Parmi les écrivains les plus notoires qui
ne sont pas décorés, citons, en même temps
que MM. Jean Richepin et Maurice Barrés,
un autre de nos plus illustres collabora-
teurs, M. Octave Mirbeau.
L'admirable romancier du Calvaire et de
Sébastien Roch a toujours refusé la croix.
Enfin, pour terminer ces petites statisti-
ques, ajoutons qu'à la Commission de la
Société des Auteurs tous les commissaires
actuels sont décorés, à l'exception de M.
Jean Richepin et de M. Henry Bernstein.
M. Paul Hervieu, qui est président, est
officier. Avant lui, MM. Alfred Capus et
Georges Ohnet, qui le précédèrent, étaient
également officiers, M. Ludovic Halévy
était commandeur, et M. Victorien Sardou
(qui est aujourd'hui grand-croix) grand-offi-
cier.
Allons, on n'est pas encore près, en
France, de supprimer les décorations!
L
e théâtre érotique.
Une tentative vient d'avoir lieu à
Berlin, où M. Otto Borngraeber fait repré-
senter, au Nouveau-Théâtre, Les Premiers
Hommes, mystère érotique.
Le sujet est le fratricide de Caïn qui,
d'après l'auteur, a eu pour mobile une pas-
sion incestueuse pour Eve, qui lui préfé-
rait Abel. Trouvant son frère dans les bras
de sa mère, il le tua avec un tronc d'arbre
et, maudit par Adam, il s'enfuit en hurlant:
« Mourir pour une femme, pour la femme
entrevue dans mes rêves! »
Cette fantaisie biblique a été plus que
fraîchement accueillie et a eu deux repré-
sentations. ,
c
onlment on écrit l'histoire.
Notre excellent confrère Robert
Eude nous envoie ce fait divers copié tex-
tuellement dans l'Impartial de Mexico:
UN CRIME D'AMOUR
La Belle Otéro, jalouse de voir un de ses
amis l'abandonner par amour pour Liane de
Pougy, a tiré trois coups de revolver sur sa
rivale au Café de la Paix, la blessant mortel-
lement.
Le journal mexicain fait suivre cette in-
formation de ce savoureux commentaire:
Ainsi ces deux délicieuses créatures d'amour
finissent tragiquement leur carrière, l'une au
Père-Lachaise, l'autre en prison.
Nous espérons que la Cour d'assises tiendra
compte du tempérament ardent et impulsif de
la Belle Otéro, sœur de Carmen. En tout cas,
si la célèbre ballerine emploie le procédé de
Phryné devant ses juges, elle est sûre de son
acquittement.
Et voilà ce qu'on raconte aux gens du
Mexique. Ils sont de bonne composition et
nous ne savons ce que nous devons plus
admirer: de leur crédulité ou de l'imagina-
tion de leurs informateurs.
Mais que va dire Mlle Liane de Pougy,
qui villégiature en ce moment à Roscoff,
lorsqu'elle apprendra qu'elle vient d'être
tuée par Mme Otéro!.
L
e favori.
Qui sera nommé à la chaire du Con-
servatoire que le départ prochain de Mme
Sarah Bernhardt va laisser vacante? On a
mis plusieurs noms en avant. On a parlé
de M. Dumény, de M. Henri Mayer et de
Mme Kolb.
Il semble que le candidat le plus indiqué
soit M. Leitner, qui a, depuis plusieurs
mois, suppléé officiellement à la fois M. Sil-
vain et Mme Sarah Bernhardt.
Et l'on a vu, par les derniers concours,
que l'enseignement de M. Leitner n'a pas
été trop mauvais.
C'est d'ailleurs M. Leitner que le Con-
seil supérieur a présenté au choix et à l'a-
grément du ministre. Et tout fait croire et
espérer que M. Doumergue ratifiera cette
légitime proposition. -'
T
héâtre et amphithéâtre.
C'était dimanche la clôture de la
fête de Montmartre, qui succède, on le sait,
à celle de Neuilly. Parmi les manèges, les
tourbillons,les toboggans,le gros succès fut,
cette année, pour une baraque sur laquelle
flamboyaient ces mots : Clinique chirurgi-
cale, et qui était dirigée par « une sage-
femme de première classe ».
Les- personnes sensibles, après avoir été
dûment averties, assistaient à trois opéra-
tions pratiquées par le docteur Doyen.
Et, réjouissant spectacle, le cinématogra-
phe nous montrait l'enlèvement d'une. tu-
meur à la.gorg-de plusieurs tumeurs à la
jambe, et de l'ablation d'un rein.
Hélas, cette émouvante attraction n'aura
pas de lendemain, la préfecture de police
et le docteur Doyen, à la suite du scandale
provoqué par cette exhibition, ont interdit
la production de ces filmes !
p
armi les nouveaux chevaliers de la, Lé-
gion d'honneur, nommés à l'occa-
sion de l'Exposition coloniale de Marseille,,
nous relevons avep plaisir le nom - de
M. André Silva, l'un des administrateurs
de la maison Paz et Silva.
Le Masque de Verre.
LA VIE AU "DÉSERT
(Ernesto yBrod, j?hot.)
-C# qu'on joue en co moment aux Variétés 1 9 - - -
U .ROUETTE. de Palcal, musique de. Terrasse
S. A. S. Emile Faguet
wprof* de rhéto"
Un aspect peu connu de Son Altesse Séré-
nissime Emile .Faguet, notre très intellectuel
prince des critiques dramatiques, c'est alors qu'il
était professeur de rhétorique au lycée Janson
de Sailly.
En rangeant de vieilles paperasses dans l'ar-
moire aux souvenirs — hélas ! les jeunes ont
déjà des souvenirs! - je viens «ie prouver qua-
tre' petites pièces à convictiqn. L'une est une
« copiie », une « composition française » anno-
tée) par l'éminent académicien, avant qu'il fît
partie de la noble compagnie; les trois autres
sont des croquis faits par moi, en classe, au
risque de me faire « coller quatre heures, sans
rachat », deux représentant M. Emile Faguet
en train de faire son cours, l'autre montrant
le poète.Eugène Manuel, l'auteur des Ouvriers,
venu au lycée en inspecteur de l'Instruction pu-
blique.
.Car, en ce temps-là, j'ai eu le rare bonheur
de faire ma rhétorique avec, pour maître, M.
Emile Faguet. Nous avions pour lui une affec-
tueuse admiration, nous l'adorions. Au début de
l'année scolaire, nous avions fait des pieds et
des mains pour être compris dans sa section, la
division B. Ah ! je puis bien le lui dire : il était
prince alors, bien avant le vote de Comœdia!.
Que dis-je? Il était monarque ; nous, ses élèves,
nous lui composions une cour; le fauteuil de
sa chaire, quand il s'y asseyait, nous semblait
un trône royal!.
De son cours, au hasard des boutades, j'ai
cueilli au vol bon nombre de pensées savoureu-
ses, dont voici quelques-unes :
— « L'Odyssée est une » revue » de tout
le monde grec ».
— cc Les scènes de remplissage sont celles qui
font des -trous ». ■ <
- « Quand un vers peut être expliqué de trois
manières différentes, c'est qu'il est obscur x.
- cc De son père tapissier, Molière avait con-
servé l'habitude de cheviller ».
— « L'Opéra est un effort pour mettre tous
les arts en fusion ».
— « En 1653, on peut placer l'origine des
droits d'auteur. Quinault ne vendit pas sa pièce
Les Rivales; il toucha un tant pour cent sur
chaque représentation. »
- cc Alceste est un caractère énergique, il
est donc aimé des femmes. Célimène l'aime,
mais elle aime son salon davantage. On n'aime
pas beaucoup, quand il y a quelque chose qu'on
aime plus que ce qu'on aime. L'amour ne se
sent qu'à la préférence. »
— « Les mauvaises pièces de Corneille sont
des distractions. Il continuait de travailler même
quand il n'était pas en verve. Il est inégal. Il
ne devait pas avoir de bonnes qualités de cri-
tique. »
La meilleure note qu'il nous donna pour un
devoir fut 18, sur 20. Il l'expliquait en disant:
— « A Dieu seul je donnerais 20, et à Ra-
Céne 19 !. »
Ses alertes causeries avaient de telles séduc-
tions ! Nous nous imaginions déjà, bel et bien,
être en Sorbonne.
Pourtant, je m'en souviens, il y avait des
jours où nous étions terriblement dissipés. Les
mercredis, invariablement les mercredis. Pour-
quoi?. Ce sont « des mystères ignorés de la
foule Il. A la classe de l'après-midi, M. Emile
Faguet arrivait en retard de quelques minutes.
Nous avions pris place sur les bancs, gardés
par un « pion ». M. Faguet entrait, le « pion »
sortait. Et c'était, alors, en sourdine, un lent
murmure de pieds frôlant le parquet, comme
des mugissements souterrains parcourant les
rangs. Cependant, tous les élèves paraissaient
immobiles, chacun simulant son étonnement de
cette manifestation shakespearienne. Tout ceci
n'avait qu'un but. C'était pour faire dire à A.
Emile Faguet une petite phrase, toujours la
même, une petite phrase que, chaque fois en
cette circonstance, il disait avec le même geste,
sur le même ton. En retirant son chapeau,
finement il nous regardait. Et, cette petite
phrase dans un sourire il nous la disait: -
« Alors, messieurs, c'est une gageure?..! J>~
Aussitôt, le calme se rétablissait. Nous l'ai-
mions entendre prononcergaillre, comme à' la
Comédie-Française. C'était un plaisir dé déli-
cats.
Vint en inspection Eugène Manuel, qui, à
cette époque, présentait sa candidature à l'Im-
mortalité. Les délicats que nous étions se trou-
vèrent donc naturellement intéressés par ce
« sujet ». Ce jour-là, il y avait gala en Rhéto-
rique B.
On fit d'abord la récitation des leçons, des
vers du Misanthrope. M. Manuel fit remarquer
qu'il fallait bien scander les..vers. en les réci-
tant, bien marquer la césure au milieu ile char.'
cun d'eux. -
Les riseurs sont pour vous,--- madame; c'est
[tout dire,
Et vous pouvez pousser — contre moi la satire.
Par un fait étrange, M. Faguet,. huit jours
auparavant, nous avait conseillé d'éviter cette
monotonie. Nous nous tordions SOUG cape!.
M. Faguet, entre autres expressions qu'il n'ai-
mait pas, nous avait avoué, quinze jours aupara-
vant, que Il poète doublé d'un penseur » était
une tournure peu de son goût. Par un fait
étrange, M. Manuel employa cette expression.
Nous jubilions dans notre barbe absente!.
A maintes reprises, des .faits analogues se
reproduisirent. M. Faguet en arriva à nous re-
garder.. La situation était exquise.
Quand la cloche sonna et que M. Manue.
partit pompeusement, sitôt la porte refermée,
l'enthousiasme de « la salle » fut assourdissant
L'encrier, dont s'était servi le précurseur de
François Coppée dans la poésie des Humbles,
vola au plafond, en y éclatant comme une gros-
se araignée noire. Nous entourions notre « cher
maître ». Ce n'était pas lui qui le moins s'amu-
sait. Nous lui demandâmes son opinion sur la
candidature de M. Manuel chez les Immortels.
— « Quand même! quand même!. nous
répondit-il avec son subtil sourire, il n'est pas
encore mûr pour l'Académie ».:
CHARLES DE BUSSY.
Phryné
devant
les Juges
L'austère représentant de la a Ligue contre
la licence des rues », qui occupait une place ré-
servée à l'audience d'hier de la neuvième cham-
bre correctionnelle, a dû rentrer chez lui fort
irrité. On jugeait, sous la prévention d'outrage
public à la pudeur, un certain nombre de jeunes
personnes qui s'étaient montrées sur la scène
dépourvues de tout vêtement; et il est certain
que l'atmosphère qui régnait dans la salle n'é-
tait pas une atmosphère de sévérité. M. le pré-
sident Pacton paraissait manifestement soucieux
de faire montre d'esprit, et, de cela, si les pré-
venues éprouvaient quelque réconfort, la di-
gnité de la justice était assez mal à l'aise. Le
glaive de la loi ne paraissait guère redoutable,
parce que l'escrime de la main qui le maniait
était un peu trop préoccupée d'élégance.
Je ne sais quel sera le jugement que rendra
le tribunal; mais si les aimables prévenues,
qui ont mêlé, hier, leur rire à celui des magis-
trats et qui ont quelque peu marivaudé avec
eux, étaient frappées d'une main sévère, elles
pourraient se plaindre d'avoir été « prises en
traître », et elles n'auraient pas tort.
Je fais cette constatation, au reste, sans au-
cune indignation, mais ceux-là mêmes qui ont
le plus souhaité la poursuite d'hier devront con-
venir qu'elle était pour le moins inutile ; à
supposer même que l'Art n'ait point eu à en
souffrir, il est clair que la Morale n'y a pas
trouvé un compte bien profitable.
A l'audience d'hier venaient trois affaires dif-
férentes, dont une seule, comme je 1 avais indi-
qué déjà dans une petite note parue ici, offre
un intérêt artistique. Je ne dis qu un mot de
l'affaire du Little-Palace et de l'affaire des Folies-
Royales, parce qu'il est possible de contester
aux exhibitions qui ont eu lieu dans l'un et
l'autre de ces deux petits théâtres le caractère
exclusivement artistique. La pantOmIme Griserie
d'Ether, représentée au Little-Palace, pouvait,
par le sujet qui y était traite, évoquer des pen-
sées impures; d'ailleurs, les artistes n'y appa-
raissaient pas dévêtues, mais portant une légère
et transparente chemise, qUI 9^hait que peu
de chose et inspirait un très jrf de voir -
et de voir de près — ce qui était dissimulé.
Les débats ont révélé qu au cours de la pan-
tomime les chemises quittaient tes corps qu'elles
recouvraient au débat; mais M. dè Chttflion.
■directeur au théure. g soùtenu eue c était l'ar-
deur du sentiment artistique de ses pensionnai-
res qui avait poussé celles-ci à ce geste, et
qu'elles avaient ainsi ajouté spontanément à la
pensée de l'auteur, sans y être autorisées.
Le spectacle des Folies-Royales était de même
nature ; il comprenait une exhibition. de mimes
dévêtues; mais la nudité des artistes s'accompa-
gnait de pestes dont la fantaisie était telle qu ù
supposer que le Tribunal ne tînt pas le nu, en
soi, pour délictueux, il trouverait dans ce spec-
tacle mille autres éléments de condamnation.
Donc, la seule affaire intéressante était celle
de Mlle Aymos et des Folies-Pjoalle. JV^lle Aymos
avait commis le crime d'apparaître quelques se-
condes sur la scène derrière une toile transpa-
rente sur laquelle étaient peints des nuages ; de
plus - martvre de la chasteté, comme a dit Me de
Moro-Giafferi - elle avait eu le soin de rendre
son corps absolument semblable (je pense me faire
comprendre) à celui d'une statue. En outre, M.
Jules Claretie avait écrit une lettre qui a été lue,
ou u exaltait le caractère purement artistique de
ce spectacle. D'autres témoignages étaient joints,
attestant -"aucune pensée impudique ne pouvait
être suggérée par la vue de Mlle Aymos.
Dans ces conditions, peut-on condamner?
M. le substitut Brunet le veut absolument.
Pour lui, il y a lieu de s'en tenir au sens coin-.
mun : la pudeur commande aux hommes et aux
femmes ue ne point aller nus en public. Donc, -
oublier cette rèole, -énéralement observée, c'est
outrager la pudeur. Néanmoins, ce raisonnement
a paru nuelaue peu simpliste à M. le substitut
Brunet, lui-même, "ui a semblé un Deu gêné par
ses souvenirs littéraires. Mais, a-t-il dit, si, dana
la Grèce antique, le nu n'était "as obscène, l'é-
volution des mœurs a changé tout cela. Vérité
avant l'ère chrétienne, erreur au delà. Le repré-
sentant officiel de la Morale a convenu que sa
thèse avait été éloquemment combattue par M.
Pierre Louys; mais, fort heureusement, il a pu
s'abriter sous l'autorité de M. Ernest Lajeunesse,
ce qui a semblé le réconforter et rassurer sa
conscience.
te Numéro : 5 centimes
Mardi 21 Juillet 1908. :
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
FACTION & ADMINISTRATION,
Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288-97
Adresse Télêrraphiqae : C0/«$DIA-PARl5
ABONNEMENTS :
UN AN • MÛ*
Ct DéPartements 24 fr. 12 fr.
êer • • » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION ?
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Uresse Télégraphique : COMŒDlA.P ARIS
ABONNEMENTS:
, UN AN 4 molb
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger40 a 20 w
buteur
et ses amis
Les heures Gémissantes des derniers
ours de travail, l'angoisse de la répéti-
tion générale qui s'approche, toutes ces
émotions pénibles et charmantes sont gâ-
tées par une odieuse formalité: la distri-
tées par une odieuse formalité: la distri-
bution des places aux amis.
Ulee c'est avec un sentiment
Pour ma part, c'est avec un sentiment
que Je vois venIr le secre:
taire général, qui me remet un gros pli
cacheté : « Votre service. » Je n'ouvre
jamais l'enveloppe tout de suite. Dans
hypothèse où je ne serais pas content
du service en question, il faudrait faire,
séance tenon
séance tenante, des observations, formu-
ler sur un ton léger les revendications les
plus amères. Le secrétaire nous répon-
dait en Plaisantant, pour ne pas se fâ-
cher:«De quoi vous plaignez-vous? Je
tre gave de Places. Dans aucun théâ-
» aurez un service si impor-
Si la discussion s'envenime, on va
bassement se plaindre au directeur,
grand seipn P~~ de directeur,
grand seigneur préoccupé de bien d'au-
affaire Il dit d'un air détaché au
rétaire - .Il Tâchez donc de lui trouver
encore quelques fauteuils. - Mais, pa-
tron, vous savez bien que Je n'ai plus
rien! ».L'auteur lève les bras au pla-
fond. Le directeur, pour le calmer, l'em-
mène da., salle: « Occupez-vous donc
plutôt de votre trois, qui n'y est pas en-
core. Je OUS assure que c'est plusimpor-
Evidemment, c'est plus important.
Mais ce ne sont pas les choses les plus
importantes qui ont , le plus d'impor-
tante. L'auteur va s'asseoir dans la sal-
le, en boudant. Il est brouillé mortelle-
taire POur trois heures avec le secré-
taire générJal
Il a dressé chez lui. une liste des gens
à qui il faut envoyer des places. Il con-
fronte Cette liste avec celle de ses cou-
pons. s. Il a Plus de faute uiis d'orchestre
qu'il 'ne la ,plus de fauteuils d'orchestre
fauteuils lui en faut. Mais, à part quatre
bons, tous les au"
tres sont inenvoyables. Ils sont tout au
dans les ténèbres.
Puis l'auteur examine ses coupons
de bal COn, et, une grande détresse l'en-
vahit, quand il a vu, sur le plan, où se
trouvaient les 132 et 134, et les 133 et
135. Ils sont à l'extrêrne limite du second
me ''m"e du second
rang de côté à tin endroit où une girafe
elle-même devait renoncer à toute espé-
rance d'apercevoir un coin de scène.
D'autres places , meilleures, ne sont pas
plus utilisables, L'auteur a quatre clients
pour les balcons. L auteur a quatre clients
une fn- deux couples, à qui il
éternel d'assister pour toutes, le droit
éternel d'assister à ses générales dans
cts ces 1 Ions de gloire et de confort.
tlouS les 3eux CoUples doivent être, ou
tous les deux au premier rang, ou tous
les deux au second rang. Et le service
'Ilt comprend que deux fauteuils du pre-
ran
De même, une famille de six person-
nes a, depuis le huitième siècle de notre
êre, le privillège d'une loge de face. Or,
la loge 31 n'a que quatre places. Il y a
bien la baignoire 15 Mais elle est aussi
noire que le Cocyte; on n'aperçoit de
lè d., 'Icteurs décapités et l'on n'y
la que des acteurs décapités et l'on n'y
entend distinctement que les tramways
du boulevard.
L'auteur, exaspéré, ne veut pas regar-
der la Hasse abondante des fauteuils de
foyer, de magnifiques premier rang de
face , peux dn?îifiques Premier ran§ ce
sont Jes m on dit couramment: ce
sont les meilleurs du théâtre. Ce sont,
en effet, d'excellentes places, où l'on est
bien assis, d'où l'on voit merveilleuse-
bie SC ène. Mais il suffit d'envoyer
un coupon de ce genre au plus tendre
de ses amis pour développer dans son,
cœur des sen d)Atride et y allu-
teindre et y allu-
J'ai haine destinée à ne jamais s'é-
J'ai clamé bien souvent, dans le dé-
sert, cet me bien souvent, dans le dé-
cette Proposition: ne donner aux
auteurs Que des fauteuils de foyer;
qu'il s^it Pr. y une fois pour tou-
tes, qubil, ri, une fois pour tou-
tes, et s n aUront jamais d'autres pla-
ces, et Que ce sera désormais au foyer
teur» b,.
eUr seront lacés « les amis de l'au-
ntre
Peut-être, par ce moyen, rendra-t-on
ces places decriées un peu de prestige.
Ce ui 0 rrait décider certains au-
teurs à Soutp ir cette proposition, c'est
%'iio aUraienx pette proposition, c'est
qu'ils auraient désormais sous les yeux
toute la bande de leurs amis, qu'ils se
rendraient compte ainsi si leurs clients
font leur devoir, devoir impérieux entre
mer la Piè ConSiste à applaudir, à accla-
Il est admis par les auteurs qu'un ami
al la ièce de son ami, que le vé-
ami est toujours sévère, qu'il
n'admet pas de défaillance. II sait mieux
que ersonne de quoi, l'auteur est capa-
ble. Si donc cet auteur se permet de
courir au-dessous de sa forme ., l'ami
S sa forme », l'ami
véritable protestera impitoyablement.
Quelques COnt auteurs prudents se prému-
nissent contre les dangers de l'amitié vé-
ritable en conviant leurs camarades à la
tè Pétit. on desCOuturiers. Ce système à
ses avantages. toi ?ise 'il?1 l'irnpression des amis
n'iront pas la répandre
Ils diront Peut-ètre volontiers : « Je
d'Untel. ph volontiers: «. Je
viens de la répétition des couturiers
Ils répondent trop vite et trop sèche-
nent qUe c est trèsbien. I-e question-
neur hOCh Ist tres bien. Le question-
neur hoche in a tête sourit et dit: « Je
— Mais non, mais non, je vous as-
sure. Vous vous méprenez. Il y a de
très belles choses. Evidemment, on ne
peut jamais répondre de l'effet qu'une
pièce fera sur le public. C'est la bouteille
à l'encre.
— Il n'a pas de chance, ce pauvre
Untel! poursuit l'autre. Ça va faire la
série de trois!
— Mais je vous assure que vous avez
fort de considérer déjà la pièce de de-
main comme un insuccès. Il est possible
que ça marche très bien.
— Ça va lui faire du tort. Trois
fours, c'est un peu trop!
— VoUs êtes drôle! Je vous dis qu'il
y a des chances sérieuses pour que ce
ne soit pas un four.
— Moi, ça m'embête pour lui. Il ne
m'est pas sympathique: je le dis, quoi
qu'il soit votre ami. Mais c'est en-
nuyeux de voir quelqu'un passer au tra-
vers d'une façon aussi régulière depuis
deux ans.
L'ami, découragé, change de conver-
sation.
D'autres amis disent franchement
qu'ils sont navrés, que c'est une décep-
tion. Mais le jour de la générale, ils
ont jeté leur venin; ils sont calmés et
inoffensifs. Ils applaudissent même avec
vaillance, pourvu qu'ils aient affaire à
un auteur à poigne, qui tienne bien en
mains ses partisans, et mène ses amis
d'enfance au doigt et à l'œil.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain un article de
LOUIS MARSOLLEAU
Théâtre d'application
On sait que l'article 67 du règlement du
Conservatoire interdit aux élèves de jouer
sur aucune scène sans la permission ex-
presse du directeur. On sait également que
les élèves du Conservatoire ne font que ce-
la toute l'année. On s'est ému d'une pa-
reille situation en haut lieu, et l'on cher-
che à y porter remède.
Appliquer le règlement, il n'y faut pas
songer, ce serait transformer le Conserva-
toire en Tour d'Ugolin, et l'on ne peut dé-
cemment exiger de tous les élèves qu'ils
meurent de faim pour leur apprendre à vi-
vre. Aussi bien, cherche-t-on de tous côtés
des-subsides nécessaires pour assurer l'exis-
tence des élèves durant leur passage aw
Conservatoire, et pouvoir ainsi, décemment,
appliquer le terrible article soixante-sept.
M. Dujardin-Beaumetz travaille en ce
sens et il espère aboutir. Cet heureux ré-
sultat une fois obtenu, on est toutefois en
droit de se demander s'il ne conviendra
pas alors de taire une nouvelle campagne
pour obtenir des élèves du Conservatoire
qu'ils consentent à jouer sur des petites
scènes à côté durant leur passage à l'Ecole.
Il est hors de doute, en effet, que le con-
tact seul avec le public peut former un co-
médien et que l'on ne peut décemment ap-
peler un public six vieilles dames tricotan-
tes et deux appariteurs amorphes.Seulement
comme il est non moins évident que toutes
les petites scènes ne conviennent pas éga-
lement pour former un acteur, on peut se
demander si, avec l'argent trouvé par M.
Dujardin-Beaumetz, il ne serait pas plus
intéressant de monter un petit théâtre d'ap-
plication appartenant exclusivement aux élè-
ves du Conservatoire, et dont les recettes
seraient effectuées à leur profit.
Grâce à ce petit syndicat, nos futurs co-
médiens connaîtraient toutes les difficultés
du théâtre, ils passeraient successivement
par les transes directoriales et par les émo-
tions des répétitions générales, ils entre-
raient ainsi en contact avec la vie réelle et
ne se contenteraient plus pendant plusieurs
années de glousser dans les nuées comme
de simples interprètes d'Aristophane. Et
cette chaire nouvelle créée au Conservatoire
au profit du Public ne serait pas la moins
utile de toutes..
utile de toutes.. G. DE PAWLOWSKI.
Échos
H
yménée.
Nous sommes heureux d'annoncer
le prochain mariage de M. Leminstm Brous-
san, co-directeur de l'Opéra, avec Mlle Sa-
mary-Lagarde, fille de la regrettée Jeanne
Samary et nièce de M. Pierre Lagarde, di-
recteur artistique de l'Opéra.
La nouvelle est officielle depuis diman-
che.
Et voilà un mariage qui resserrera le plus
heureusement du monde les relations si cor-
diales qui existaient entre les deux direc-
teurs de FOpéra. --
E
lie ne sait pas nager.
Si la vicomtesse de Raymes n'était
une excellente nageuse, nous aurions perau
Mlle Renée Félyne. L'exquise comédienne
du Gymnase, qui villégiature en ce moment
en Bretagne, faisait une promenade en mer.
Le bateau sombre. Mlle Félyne tombe.
Heureusement, la vicomtesse de Raymes,
qui l'accompagnait, la sauva.
Les flots nous ont rendu Mlle Félyne.
L
e ruban rouge.
Encore une décoration théâtrale qui
sera s,rmpathiquement accueillie. est
celle de M. Franz Fonson, l'excellent direc-
teur des Galeries Saint-Hubert et de l'O-
lympia de Bruxelles. On sait tout ce que
l'art dramatique français doit au nouveau
légionnaire. Il a monté les pièces de nos
meilleurs écrivains avec un goût, un luxe
et une conscience artistique auxquels nous
sommes particulièrement heureux ici de
rendre hommage.
Avant d'être directeur, M. Franz Fonson
était un homme de lettres distingué, et il
donna durant de longues années au Petit
Bleu de Bruxelles une collaboration bril-
lante et remarquée.
, Et voilà une juste et sympathique distinc-
tion.
A ce propos, sait-on quels sont, parmi les
directeurs de théâtre de Belgique, ceux qui
sont décorés de l'ordre national de la Lé-
sion d'honneur. Il y a MM. Kufferath et
Guidé, directeurs du théâtre de la Mon-
naie; il y a M. Reding, directeur du Parc;
il y a enfin, depuis hier, M. Fonson.
A qui le tour, la fois prochaine.
Nous enregistrerons avant peu deux nou-
velles promotions dans la Légion d'honneur.
Bien qu'elles viennent rendre hommage au
mérite ou au talent de personnalités théâ-
trales, elles seront accordées par le minis-
tère de la Guerre.
Nous lisons en effet, parmi les inscrits
au tableau de concours pour la rosette d'of-
ficier, le nom du commandant Schmoll, le
sympathique organisateur des représenta-
tions artistiques du Cercle militaire, frère
de l'aimable administrateur du Gaulois; et,
pour la croix de chevalier, M. de La Neu-
ville (Jacques-Lemaire), l'auteur applaudi
du Petit Lord et l'anci.en secrétaire général
de l'Hippodrome et du Casino de Paris.
Nous avons publié hier les noms de quel-
ques déçus. La liste n'en est pas complète.
Parmi les gens de théâtre qui comptaient
sur le ruban rouge et qui devront attendre
une promotion meilleure et un ministre plus
prodigue, ajoutons, pour la cravate de com-
mandeur, M. Pedro Gailhard, ancien direc-
teur de l'Opéra; pour la rosette, MM. An-
toine. directeur de l'Odéon, Porel, direc-
teur du Vaudeville, et J. Schurmann, l'im-
presario connu; et, pour le ruban roupe,
MM. Francis de Croisset, Auguste Ger-
main, Charles Henry-Hirsch, Caran d'Ache,
Cappiello et Edmond Clément, le charmant
ténor de l'Opéra-Comique.
Sans compter Mme Sarah Bernhardt,
Mme Marcelle Tinayre et les autres. Mais
ceux que nous venons de mentionner étaient
donnés comme favoris.
A propos de la rosette d'officier de M.
Maurice Donnay, sait-on que, sur les trente-
six académiciens actuels, dix ne sont pas
décorés.
Ce sont MM. Barboux, Maurice Barrès,
Paul Deschanel, Emile Ollivier, Ribot, le
comte de Vogue, le marquis de Ségur, le
cardinal Mathieu, Frédéric Masson et notre
éminent collaborateur Jean Richepin.
L'Académie ne compte qu'un seul grand-
croix, c'est M. Victorien Sardou; un seul
grand-officier, M. Ernest Lavisse, et deux
commandeurs, MM. Jules Claretie et le ,
marquis de Vogue.
Parmi les écrivains les plus notoires qui
ne sont pas décorés, citons, en même temps
que MM. Jean Richepin et Maurice Barrés,
un autre de nos plus illustres collabora-
teurs, M. Octave Mirbeau.
L'admirable romancier du Calvaire et de
Sébastien Roch a toujours refusé la croix.
Enfin, pour terminer ces petites statisti-
ques, ajoutons qu'à la Commission de la
Société des Auteurs tous les commissaires
actuels sont décorés, à l'exception de M.
Jean Richepin et de M. Henry Bernstein.
M. Paul Hervieu, qui est président, est
officier. Avant lui, MM. Alfred Capus et
Georges Ohnet, qui le précédèrent, étaient
également officiers, M. Ludovic Halévy
était commandeur, et M. Victorien Sardou
(qui est aujourd'hui grand-croix) grand-offi-
cier.
Allons, on n'est pas encore près, en
France, de supprimer les décorations!
L
e théâtre érotique.
Une tentative vient d'avoir lieu à
Berlin, où M. Otto Borngraeber fait repré-
senter, au Nouveau-Théâtre, Les Premiers
Hommes, mystère érotique.
Le sujet est le fratricide de Caïn qui,
d'après l'auteur, a eu pour mobile une pas-
sion incestueuse pour Eve, qui lui préfé-
rait Abel. Trouvant son frère dans les bras
de sa mère, il le tua avec un tronc d'arbre
et, maudit par Adam, il s'enfuit en hurlant:
« Mourir pour une femme, pour la femme
entrevue dans mes rêves! »
Cette fantaisie biblique a été plus que
fraîchement accueillie et a eu deux repré-
sentations. ,
c
onlment on écrit l'histoire.
Notre excellent confrère Robert
Eude nous envoie ce fait divers copié tex-
tuellement dans l'Impartial de Mexico:
UN CRIME D'AMOUR
La Belle Otéro, jalouse de voir un de ses
amis l'abandonner par amour pour Liane de
Pougy, a tiré trois coups de revolver sur sa
rivale au Café de la Paix, la blessant mortel-
lement.
Le journal mexicain fait suivre cette in-
formation de ce savoureux commentaire:
Ainsi ces deux délicieuses créatures d'amour
finissent tragiquement leur carrière, l'une au
Père-Lachaise, l'autre en prison.
Nous espérons que la Cour d'assises tiendra
compte du tempérament ardent et impulsif de
la Belle Otéro, sœur de Carmen. En tout cas,
si la célèbre ballerine emploie le procédé de
Phryné devant ses juges, elle est sûre de son
acquittement.
Et voilà ce qu'on raconte aux gens du
Mexique. Ils sont de bonne composition et
nous ne savons ce que nous devons plus
admirer: de leur crédulité ou de l'imagina-
tion de leurs informateurs.
Mais que va dire Mlle Liane de Pougy,
qui villégiature en ce moment à Roscoff,
lorsqu'elle apprendra qu'elle vient d'être
tuée par Mme Otéro!.
L
e favori.
Qui sera nommé à la chaire du Con-
servatoire que le départ prochain de Mme
Sarah Bernhardt va laisser vacante? On a
mis plusieurs noms en avant. On a parlé
de M. Dumény, de M. Henri Mayer et de
Mme Kolb.
Il semble que le candidat le plus indiqué
soit M. Leitner, qui a, depuis plusieurs
mois, suppléé officiellement à la fois M. Sil-
vain et Mme Sarah Bernhardt.
Et l'on a vu, par les derniers concours,
que l'enseignement de M. Leitner n'a pas
été trop mauvais.
C'est d'ailleurs M. Leitner que le Con-
seil supérieur a présenté au choix et à l'a-
grément du ministre. Et tout fait croire et
espérer que M. Doumergue ratifiera cette
légitime proposition. -'
T
héâtre et amphithéâtre.
C'était dimanche la clôture de la
fête de Montmartre, qui succède, on le sait,
à celle de Neuilly. Parmi les manèges, les
tourbillons,les toboggans,le gros succès fut,
cette année, pour une baraque sur laquelle
flamboyaient ces mots : Clinique chirurgi-
cale, et qui était dirigée par « une sage-
femme de première classe ».
Les- personnes sensibles, après avoir été
dûment averties, assistaient à trois opéra-
tions pratiquées par le docteur Doyen.
Et, réjouissant spectacle, le cinématogra-
phe nous montrait l'enlèvement d'une. tu-
meur à la.gorg-de plusieurs tumeurs à la
jambe, et de l'ablation d'un rein.
Hélas, cette émouvante attraction n'aura
pas de lendemain, la préfecture de police
et le docteur Doyen, à la suite du scandale
provoqué par cette exhibition, ont interdit
la production de ces filmes !
p
armi les nouveaux chevaliers de la, Lé-
gion d'honneur, nommés à l'occa-
sion de l'Exposition coloniale de Marseille,,
nous relevons avep plaisir le nom - de
M. André Silva, l'un des administrateurs
de la maison Paz et Silva.
Le Masque de Verre.
LA VIE AU "DÉSERT
(Ernesto yBrod, j?hot.)
-C# qu'on joue en co moment aux Variétés 1 9 - - -
U .ROUETTE. de Palcal, musique de. Terrasse
S. A. S. Emile Faguet
wprof* de rhéto"
Un aspect peu connu de Son Altesse Séré-
nissime Emile .Faguet, notre très intellectuel
prince des critiques dramatiques, c'est alors qu'il
était professeur de rhétorique au lycée Janson
de Sailly.
En rangeant de vieilles paperasses dans l'ar-
moire aux souvenirs — hélas ! les jeunes ont
déjà des souvenirs! - je viens «ie prouver qua-
tre' petites pièces à convictiqn. L'une est une
« copiie », une « composition française » anno-
tée) par l'éminent académicien, avant qu'il fît
partie de la noble compagnie; les trois autres
sont des croquis faits par moi, en classe, au
risque de me faire « coller quatre heures, sans
rachat », deux représentant M. Emile Faguet
en train de faire son cours, l'autre montrant
le poète.Eugène Manuel, l'auteur des Ouvriers,
venu au lycée en inspecteur de l'Instruction pu-
blique.
.Car, en ce temps-là, j'ai eu le rare bonheur
de faire ma rhétorique avec, pour maître, M.
Emile Faguet. Nous avions pour lui une affec-
tueuse admiration, nous l'adorions. Au début de
l'année scolaire, nous avions fait des pieds et
des mains pour être compris dans sa section, la
division B. Ah ! je puis bien le lui dire : il était
prince alors, bien avant le vote de Comœdia!.
Que dis-je? Il était monarque ; nous, ses élèves,
nous lui composions une cour; le fauteuil de
sa chaire, quand il s'y asseyait, nous semblait
un trône royal!.
De son cours, au hasard des boutades, j'ai
cueilli au vol bon nombre de pensées savoureu-
ses, dont voici quelques-unes :
— « L'Odyssée est une » revue » de tout
le monde grec ».
— cc Les scènes de remplissage sont celles qui
font des -trous ». ■ <
- « Quand un vers peut être expliqué de trois
manières différentes, c'est qu'il est obscur x.
- cc De son père tapissier, Molière avait con-
servé l'habitude de cheviller ».
— « L'Opéra est un effort pour mettre tous
les arts en fusion ».
— « En 1653, on peut placer l'origine des
droits d'auteur. Quinault ne vendit pas sa pièce
Les Rivales; il toucha un tant pour cent sur
chaque représentation. »
- cc Alceste est un caractère énergique, il
est donc aimé des femmes. Célimène l'aime,
mais elle aime son salon davantage. On n'aime
pas beaucoup, quand il y a quelque chose qu'on
aime plus que ce qu'on aime. L'amour ne se
sent qu'à la préférence. »
— « Les mauvaises pièces de Corneille sont
des distractions. Il continuait de travailler même
quand il n'était pas en verve. Il est inégal. Il
ne devait pas avoir de bonnes qualités de cri-
tique. »
La meilleure note qu'il nous donna pour un
devoir fut 18, sur 20. Il l'expliquait en disant:
— « A Dieu seul je donnerais 20, et à Ra-
Céne 19 !. »
Ses alertes causeries avaient de telles séduc-
tions ! Nous nous imaginions déjà, bel et bien,
être en Sorbonne.
Pourtant, je m'en souviens, il y avait des
jours où nous étions terriblement dissipés. Les
mercredis, invariablement les mercredis. Pour-
quoi?. Ce sont « des mystères ignorés de la
foule Il. A la classe de l'après-midi, M. Emile
Faguet arrivait en retard de quelques minutes.
Nous avions pris place sur les bancs, gardés
par un « pion ». M. Faguet entrait, le « pion »
sortait. Et c'était, alors, en sourdine, un lent
murmure de pieds frôlant le parquet, comme
des mugissements souterrains parcourant les
rangs. Cependant, tous les élèves paraissaient
immobiles, chacun simulant son étonnement de
cette manifestation shakespearienne. Tout ceci
n'avait qu'un but. C'était pour faire dire à A.
Emile Faguet une petite phrase, toujours la
même, une petite phrase que, chaque fois en
cette circonstance, il disait avec le même geste,
sur le même ton. En retirant son chapeau,
finement il nous regardait. Et, cette petite
phrase dans un sourire il nous la disait: -
« Alors, messieurs, c'est une gageure?..! J>~
Aussitôt, le calme se rétablissait. Nous l'ai-
mions entendre prononcergaillre, comme à' la
Comédie-Française. C'était un plaisir dé déli-
cats.
Vint en inspection Eugène Manuel, qui, à
cette époque, présentait sa candidature à l'Im-
mortalité. Les délicats que nous étions se trou-
vèrent donc naturellement intéressés par ce
« sujet ». Ce jour-là, il y avait gala en Rhéto-
rique B.
On fit d'abord la récitation des leçons, des
vers du Misanthrope. M. Manuel fit remarquer
qu'il fallait bien scander les..vers. en les réci-
tant, bien marquer la césure au milieu ile char.'
cun d'eux. -
Les riseurs sont pour vous,--- madame; c'est
[tout dire,
Et vous pouvez pousser — contre moi la satire.
Par un fait étrange, M. Faguet,. huit jours
auparavant, nous avait conseillé d'éviter cette
monotonie. Nous nous tordions SOUG cape!.
M. Faguet, entre autres expressions qu'il n'ai-
mait pas, nous avait avoué, quinze jours aupara-
vant, que Il poète doublé d'un penseur » était
une tournure peu de son goût. Par un fait
étrange, M. Manuel employa cette expression.
Nous jubilions dans notre barbe absente!.
A maintes reprises, des .faits analogues se
reproduisirent. M. Faguet en arriva à nous re-
garder.. La situation était exquise.
Quand la cloche sonna et que M. Manue.
partit pompeusement, sitôt la porte refermée,
l'enthousiasme de « la salle » fut assourdissant
L'encrier, dont s'était servi le précurseur de
François Coppée dans la poésie des Humbles,
vola au plafond, en y éclatant comme une gros-
se araignée noire. Nous entourions notre « cher
maître ». Ce n'était pas lui qui le moins s'amu-
sait. Nous lui demandâmes son opinion sur la
candidature de M. Manuel chez les Immortels.
— « Quand même! quand même!. nous
répondit-il avec son subtil sourire, il n'est pas
encore mûr pour l'Académie ».:
CHARLES DE BUSSY.
Phryné
devant
les Juges
L'austère représentant de la a Ligue contre
la licence des rues », qui occupait une place ré-
servée à l'audience d'hier de la neuvième cham-
bre correctionnelle, a dû rentrer chez lui fort
irrité. On jugeait, sous la prévention d'outrage
public à la pudeur, un certain nombre de jeunes
personnes qui s'étaient montrées sur la scène
dépourvues de tout vêtement; et il est certain
que l'atmosphère qui régnait dans la salle n'é-
tait pas une atmosphère de sévérité. M. le pré-
sident Pacton paraissait manifestement soucieux
de faire montre d'esprit, et, de cela, si les pré-
venues éprouvaient quelque réconfort, la di-
gnité de la justice était assez mal à l'aise. Le
glaive de la loi ne paraissait guère redoutable,
parce que l'escrime de la main qui le maniait
était un peu trop préoccupée d'élégance.
Je ne sais quel sera le jugement que rendra
le tribunal; mais si les aimables prévenues,
qui ont mêlé, hier, leur rire à celui des magis-
trats et qui ont quelque peu marivaudé avec
eux, étaient frappées d'une main sévère, elles
pourraient se plaindre d'avoir été « prises en
traître », et elles n'auraient pas tort.
Je fais cette constatation, au reste, sans au-
cune indignation, mais ceux-là mêmes qui ont
le plus souhaité la poursuite d'hier devront con-
venir qu'elle était pour le moins inutile ; à
supposer même que l'Art n'ait point eu à en
souffrir, il est clair que la Morale n'y a pas
trouvé un compte bien profitable.
A l'audience d'hier venaient trois affaires dif-
férentes, dont une seule, comme je 1 avais indi-
qué déjà dans une petite note parue ici, offre
un intérêt artistique. Je ne dis qu un mot de
l'affaire du Little-Palace et de l'affaire des Folies-
Royales, parce qu'il est possible de contester
aux exhibitions qui ont eu lieu dans l'un et
l'autre de ces deux petits théâtres le caractère
exclusivement artistique. La pantOmIme Griserie
d'Ether, représentée au Little-Palace, pouvait,
par le sujet qui y était traite, évoquer des pen-
sées impures; d'ailleurs, les artistes n'y appa-
raissaient pas dévêtues, mais portant une légère
et transparente chemise, qUI 9^hait que peu
de chose et inspirait un très jrf de voir -
et de voir de près — ce qui était dissimulé.
Les débats ont révélé qu au cours de la pan-
tomime les chemises quittaient tes corps qu'elles
recouvraient au débat; mais M. dè Chttflion.
■directeur au théure. g soùtenu eue c était l'ar-
deur du sentiment artistique de ses pensionnai-
res qui avait poussé celles-ci à ce geste, et
qu'elles avaient ainsi ajouté spontanément à la
pensée de l'auteur, sans y être autorisées.
Le spectacle des Folies-Royales était de même
nature ; il comprenait une exhibition. de mimes
dévêtues; mais la nudité des artistes s'accompa-
gnait de pestes dont la fantaisie était telle qu ù
supposer que le Tribunal ne tînt pas le nu, en
soi, pour délictueux, il trouverait dans ce spec-
tacle mille autres éléments de condamnation.
Donc, la seule affaire intéressante était celle
de Mlle Aymos et des Folies-Pjoalle. JV^lle Aymos
avait commis le crime d'apparaître quelques se-
condes sur la scène derrière une toile transpa-
rente sur laquelle étaient peints des nuages ; de
plus - martvre de la chasteté, comme a dit Me de
Moro-Giafferi - elle avait eu le soin de rendre
son corps absolument semblable (je pense me faire
comprendre) à celui d'une statue. En outre, M.
Jules Claretie avait écrit une lettre qui a été lue,
ou u exaltait le caractère purement artistique de
ce spectacle. D'autres témoignages étaient joints,
attestant -"aucune pensée impudique ne pouvait
être suggérée par la vue de Mlle Aymos.
Dans ces conditions, peut-on condamner?
M. le substitut Brunet le veut absolument.
Pour lui, il y a lieu de s'en tenir au sens coin-.
mun : la pudeur commande aux hommes et aux
femmes ue ne point aller nus en public. Donc, -
oublier cette rèole, -énéralement observée, c'est
outrager la pudeur. Néanmoins, ce raisonnement
a paru nuelaue peu simpliste à M. le substitut
Brunet, lui-même, "ui a semblé un Deu gêné par
ses souvenirs littéraires. Mais, a-t-il dit, si, dana
la Grèce antique, le nu n'était "as obscène, l'é-
volution des mœurs a changé tout cela. Vérité
avant l'ère chrétienne, erreur au delà. Le repré-
sentant officiel de la Morale a convenu que sa
thèse avait été éloquemment combattue par M.
Pierre Louys; mais, fort heureusement, il a pu
s'abriter sous l'autorité de M. Ernest Lajeunesse,
ce qui a semblé le réconforter et rassurer sa
conscience.
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