Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-29
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 juin 1908 29 juin 1908
Description : 1908/06/29 (A2,N273). 1908/06/29 (A2,N273).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646657p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
â'Afthëê..» N* iti (quotidien) Jtê Numêté i I têtittriiêà
"Lundi 29 Juin 190Ss
COMŒDIA
Rédacteur en Chef : KuHb
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LE POLICIER
'A force d'interpréter — avec succès,
d'ailleurs — le rôle de Sherlock Holmes,
au Duke of York's Theater de Liver-
pool, Charley Mastings se sentit l'âme
d'un policier.
En vérité, les grands artistes « vivent »
Souvent les personnages qu'ils représen-
tent et le fait de se mettre « dans la
peau » du sujet n'est pas une vaine ex-
pression.
Charley Mastings éprouvait des joies
suprêmes à la scène, lorsque, de déduc-
tions en déductions, il parvenait à con-
fondre, par sa déconcertante logique, ses
adversaires, et que le public, haletant,
suspendu à ses lèvres, applaudissait à
outrance.
L'acteur s'effaçait devant l'homme :
Encore qu'il sut toujours ce qui devait
arriver - car il possédait à fond son
texte — Charley Mastings palpitait cha-
que fois qu'une question épineuse lui
était posée. Sherlock Holmes devine
tout: L'âge et les vices d'un individu en
consultant le boîtier de sa montre ; les
crimes qui se commettent dans le voisi-
nage, rien qu'en regardant le temps qu il
fait; la pensée intime d'un ennemi, à la
façon dont se fume un cigare.
Charley Mastings, lui aussi, se sentait
ce don de divination.
Il incarnait, au théâtre, le héros de
Conan Doyle; il personnifiait ce Sher-
lock Holmes jusqu'alors énigmatique?
Charley Mastings serait, dans la vie
réelle, le policier de la fiction.
Oh! il ne s'agissait point d'abandon-
ner son métier et d'aller s'enrôler sous
l'administrative férule des constàbles at-
titrés du royaume ; de prétendre gagner,
galon par galon, les grades de l'Inspec-
tion: au demeurant, un vieux dicton an-
glais n'assure-t-il pas que, pour faire un
bon policeman, il faut être « grand et
bête». Or, Charley Mastings n'était ni
l'un ni l'autre. Non, il serait l'informa-
teur privé; l'amateur travaillant, à ses
heures, aux affaires dignes de son inté-
rêt. Il inaugurerait les procédés subtils
d'investigation du Holmes de théâtre,
procédés modernes, scientifiques. im-
prévus, basés sur le raisonnement, la
psychologie, l'observation méticuleuse ;
procédés où le diagnostic est si cer-
îaîrriratrsa concttiston pifccîse irréduc-
tiblement la marche à suivre.
Charles Hastings, aux heures de loi-
dr, s'entraîna. Un bon policier doit être
physionomiste. En peu de temps, l'ac-
teur, forçant sa mémoire, y fixa les ima-
ges les plus insignifiantes.
Son premier succès fut la surprise
d'un cocher de cab, auquel il déclara :
— Il y a quinze jours, à quatre heu-
res, vous m'avez conduit à Princes
Park. Je vous donnai deux shillings et
vous aviez une rose pourpre à la bou-
tonnière de ce même pardessus que vous
portez aujourd'hui.
Charley Mastings triompha auprès de
sa cuisinière, qu'il surprit maintes fois
auprès de son fourneau, étant venu lui-
même, à pas de loups et silencieusement,
cependant que harnaché de colliers mu-
nis de grelots.
Il excella rapidement à retirer un ob-
jet de la poche de son veston de flanelle
blanche, avec sa main couverte de pous-
sière de charbon, sans laisser de trace
sur le vêtement.
1 II se fit le protecteur des inconsé-
quents : quand il rentrait à pied du théâ-
tre, la nuit, aucune fenêtre laissée entre-
'bâillée, aucune porte mal fermée ne lui
réchappait.
Il sonnait, réveillait les gens, les avi-
sait du risque et se retirait, digne et
mystérieux.
.Mais tout cela n'était que baga-
telles.
Charley Mastings remarqua qu'une
maison voisine de la sienne, et assez
isolée était habitée par une vieille dame
seule, réputée très riche. Cette dame
n'avait auprès d'elle, la nuit, ni domes-
tique, ni chien.
On l'assassinerait un jour pour la vo-
ler, c'était certain. Il fallait veiller.
Les crimes sont commis par les gens
au courant de vos habitudes.
Les meurtriers éventuels de la vieille
dame se trouveraient donc dans ses re-
lations. Il convenait donc de les con-
naître. Charley Mastings s'arrangea
pour rencontrer le facteur chaque fois
qu'il sonnait chez sa voisine. Il apprit
ainsi, en lisant rapidement par-dessus
l'épaule du fonctionnaire, qu'elle s'ap-
pelait Mistress Bumbay et recevait sou-
vent des lettres de Birmingham et d'Ex-
iler.
Un trente du mois. l'ayant filée jus-
qu'à la banque, où elle toucha pas mal
d'argent, Charley Mastings remarqua
qu'elle était suivie par deux individus
assez louches, et il en conclut que le
drame était proche. Une dépêche était
Venue ce même jour, avec réponse
Payée, pour Folkestone. Charley Mas-
tings l'avait su à la poste.
***
Ce soir-là, Charley Mastings mena
tambour battant la représentation de
herlock Holmes. Il avait une bien au-
tre mission à remplir que celle consistant
1 dérider les foules. A onze heures vingt,
le rideau tomba.
r Dix minutes après, Charley Mastings,
enionté en hâte dans son quartier,
voyait, dans la pénombre, à l'angle du
square et de sa rue, se dissimuler deux
ombres. A coup sûr, il arrivait à temps.
Charley Mastings rentra ostensible-
ment chez lui, puis sur la crête des mu-
retins clôturant les cours intérieurs, ga-
gna à plat ventre celle de Mistress Bum-
bay. Il était armé.
Tout semblait calme dans la demeure
de la vieille dame. Mais que de choses
imprudentes cet observateur remarqua :
les fenêtres à guillotine, à demi-baissées.
La clef de la porte de la cuisine laissée
à l'extérieur. Des caisses en planches
empilées au pied du mur, véritables es-
caliers de fortune pour gagner le pre-
mier étage.
Dans le silence de la nuit sombre et
tiède, Charley Mastings perçut, sur un
gravier lointain, de légers bruits de pas.
Les assassins.
Allons, il fallait sauver la vieille dame
et, du coup, rendre le nom de Charley
Mastings aussi populaire que celui de
Holmes.
Expert dans l'art d'approcher sans
bruit, Charley Mastings pénétra dans la
maison par la cuisine. Les villas anglai-
ses sont toutes bâties sur le même mo-
dèle. Il se guida aisément dans l'obscu-
.rité, gagna le vestibule, monta l'escalier
de bois sans faire craquer les marches,
ayant soin d'exercer sur elles des pesées
progressives.
Sur le palier du premier, il s'arrêta.
La respiration un peu asthmatique de
la vieille dame se percevait à gauche, ce
qui permit à Charley Mastings d'identi-
fier la chambre où elle dormait.
Une portière en tapisserie lui parut
une retraite favorable; il se dissimula
derrière et attendit.
Les bruits recommencèrent et l'oreille
exercée de Charley Mastings lui permit
de reconnaître que les malfaiteurs sui-
vaient le même chemin que lui. Moins
experts, ils firent craquer l'escalier. Le
policier amateur s'assura de son revol-
ver.
Soudain, une violente secousse. le
projeta par eterre, et, avant qu'il ait eu
le temps de se reconnaître, il fut ligotté,
mis dans l'impossibilité de faire un mou-
vement. -
La vieille dame, réveillée par le bruit,
sortit de sa chambre, affoléè, mais, line
voix cPhomme,* ainraWe~etttotIce,~lii ras-
sura aussitôt de ces mots :
- N'ayez crainte, madame, nous le
tenons, il ne vous fera aucun mal!.
Voilà près d'un mois que nous surveil-
lons ses allures suspectes.
Et, s'adressant à Charley Mastings,
l'homme qui était revêtu du sombre uni-
forme de constable ajouta:
— Si ça ne fait pas pitié, un artiste
comme vous s'avilir jusqu'au vol; pro-
bablement. jusqu'au crime! Allez, ouste,
en prison!
Pierre SOUVESTRE.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Tragédie animale
ET
Comédie humaine
Un usafle immémorial veut que l'on met-
te toujours dans l'échelle littéraire la Tra-
gédie très au-dessus de la Comédie, et
qu'on la fasse passer la première dans tou-
tes les pompes officielles.
Cela tient à ce préjugé enraciné dans le
peuple depuis plusieurs siècles, préjugé sui-
vant lequel le genre comique se trouve, par
définition même, être moins sérieux que le
genre tragique. A première vue, du reste,
cette opinion paraît justifiée. Au genre tra-
gique appartiennent en effet les événements
les' plus tristes et les plus solennels de la
vie quotidienne, dans lesquels ont fait in-
tervenir volontiers les héros et les dieux.
Et la foule, pieuse et atterrée, n'a plus qu'à
suivre l'exemple ou l'inspiration qui lut
vient d'En Haut, car si la comédie symbo-
lise le libre examen, la tragédie personnifie
le principe d'autorité devant lequel toute
faiblesse aime à s'incliner.
Le genre comique paraît au contraire
d'essence plus vulgaire; il se repaît des me-
nus événements qui se déroulent en dehors
de la présence des dieux, entre gens du
commun. Il a pour essence le rire, et le
rire, à première vue, ne parait être que la
plus égoïste et la plus basse expression du
bien-être éprouvé par un homme en pré-
sence du ridicule ou des menus malheurs de
ses semblables.
Entre deux genres dont l'un nous offre
au théâtre des vies exemplaires au point de
vue moral, et dont l'autre ne nous montre
que les travers du vulgaire, l'hésitation n'est
pas permise et le genre tragique doit l'em-
porter.
Ce jugement peut paraître plein de bon
sens, il n'en demeure pas moins parfaite-
ment erroné. Il ne tend rien moins qu'à fai-
re régir toute Société par des sergents de
ville chargés de veiller directement à la
morale publique et à supprimer tous les
chefs-d'œuvre artistiQues dont l'action im-
médiate n'apparaît point sur les foules; il
étonne enfin lorsque l'on constate que la
tragédie existe chez les animaux, tandis que
le rire est le propre de l'homme.
On oublie en effet, dans la comédie, un
personnage qui n'est point marqué dans la
distribution de la pièce, et qui n'est autre
que le Public. Or c'est lui, à n'en point dou-
ter, qui inconsciemment, et à un degré quel-
conque, constitue dans la 'salle le héros que
la tragédie ne conçoit qu'en scène.
Mis en présence des travers de ses con-
temporains, le spectateur, par son rire,
marque une satisfaction égoïste sans doute,
màis aussi an senûfkeht de supériorité in-
térieure et la joie qu'il ressent à se sentir
bien au-dessus des faiblesses qu'on lui mon-
tre. Naturellement, cette sensation de su-
périorité se manifeste différemment suivant
l'âge ou l'intelligence du spectateur, et l'é-
chelle comique comporte d'innombrables de-
grés.
C'est ainsi que le Guignol convient de
préférence aux enfants. A cet âge une seule
chose importe : le bien-être physique et la
supériorité matérielle. Le tait de rosser qui
que ce soit satisfait aux plus légitimes am-
bitions de petits animaux.
Au-dessus de ce comique primitif on peut
en trouver d'autres qui agréent à la foule,
qui lui donnent artificiellement la sensation
d'avoir du bon sens et de l'esprit, et, en
pareille matière, l'habitude devient souvent
une seconde nature.
Il est enfin un troisième genre de comi-
que qui n'appartient qu'à très peu de gens:
c'est celui qui permet" d'englober l'univers
entier dans une même. critique et de taire
des héros même de la tragédie les princi-
paux personnages commues du théâtre du
monde.
Là encore, le spectateur reste le héros
de la pièce. Mais combien sont-ils ceux qui
peuvent éprouver la légitime satisfaction de
tutoyer les dieux sans en être éblouis, et
suriout sans avoir rame de M. Homais ?.
Et l'on comprend véritablement que l'opi-
nion de la majorité taisant la loi en matière
de théâtre, la tragédie conserve l'avantage
sur un comique génial de cet ordre-là.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
L
eurs projets:
M. Henry Bernstein, le fougueux au-
teur de La Rafale, a qui nous avons ae-
mandé ses projets, nous écrit :
Mon cher Confrère,
Je termine la pièce que j'ai, promise à Réjane
et qui ouvrira, à son théâtre, la saison 1908-
1909..
Ensuite j'appartiendrai tout entier à la Comé-
die-Française. J'ai déjà conçu très complètement
le plan de l'œuvre à laquelle M. Claretie réserve
le troisième tour.
Cordialement. HENRY BERNSTEIN.
Ajoutons que le Gymnase ouvrira au
mois de spetembre par une reprise du Dé-
tour, avec Mme Simone, dans le rôle qui
lui permit de si brillants débuts.
INSTANTANÉ
,.. ÇAMEMBERT-SUIl-OUJRÇ^ •
On prétend que, impassible, je m'ingénie à
créer les pires spectacles d'horreur. On soutient
que rien ne saurait m'émouvoir. Eh bien, eh
bien, je me dois de l'avouer : je viens de pleu-
rer ! En écrivant ces lignes j'ai encore des lar-
mes plein les yeux !. Je viens de pleurer, il
est vrai, à force d'avoir ri : j'ai terminé, il y a
cinq minutes, la lecture de Camembert-sur-
Ourcq, le nouveau roman de Max et Alex Fis-
cher.
J'avais lu l'Amant de la Petite Dubois, Pour
s'amuser en ménage, Détails sur mon suicide. Je
savais que Max et Alex Fischer sont doués de l'i-
magination la plus cocasse ; je savais que tou-
tes les histoires qu'ils nous content, et qui de
prime abord, semblent simplement très comiques,
sont aussi, si l'on veut bien y réfléchir, assez
profondes et d'une jolie philosophie.
Camembert-sur-Ourcq, cependant, m'a prouvé
que, jusqu'à ce jour, les frères Fischer ne nous
avaient pas encore donné la pleine mesure de
leur talent.
Un après-midi, par hasard, immobilisé tJar une
panne, un ministre inaugure une école dans un
village voisin de Camembert-sur-Ourcq. Aussi-
tôt, tous les villages de la région : Foley-la-Jo-
lie. Descaves-le-Roc, Renard-le-Bref, Loti-sur-
Moi, La Croix-Tinayre, Loüys-l'Amour, Esparbès-
sur-Tambour, etc., etc., éprouvent le plus vif
désir de posséder, eux aussi, un monument sur
la façade duquel ils feront apposer une plaque
commémorative. Camembert-sur-Ourcq ressent,
irrésistiblement la même envie, et pour pouvoir
y parvenir. Mais pourquoi vous raconterai-je
Camembert-sur-Ourcq ? Vous le lirez.
Vous le lirez, et, comme moi, vous estimerez
que cela tient du prodige, qu'avec un sujet aussi
simple, aussi humain, qui aurait pu être très
émouvant, Max et Alex Fischer aient écrit une
œuvre aussi comique, aussi follement. aussi in-
lassablement comique !
Je souhaiterais vous faire complètement parta-
ger mon enthousiasme. Les seules éomparaisons
auxquelles je puisse avoir recours ici, dans ce
but, sont des comparaisons théâtrales. Eh bien —
pour parler net — je vous l'affirme, à la fin de
chaque chapitre de ce joli, de ce passionnant ro-
man satirique, le lecteur, emballé, a envie d'ap-
plaudir ; d'instant en instant une réplique spiri-
tuelle lui arrache un involontaire « bravo » ; et,
lorsqu'il a tourné la dernière page du livre, il
éprouve un irrésistible désir de « rappeler » les
délicieux pantins dont Max et Alex Fischer, im-
passibles, ont tenu les fils d'une main sûre !
Camembert-sur-Ourcq ira à la centième. Je
veux dire à la centième édition.
ANDRÉ DE LORDE.
L
e beau voyage.
Il rentre d'un très, très long voyage.
Il a visite la urece, la lurquie et 1 Asie Mi-
neure. Il a prié sur l'Acropole, rêvé sur le
Bosphore, et maudit devant les Pyramides
le prosaïsme des temps présents.
Au Caire, les moustiques, la chaleur et
la mauvaise nourriture l'ont contraint de
revenir à Paris.
Nous l'avons - rencontré ces jours der-
niers, hâlé, bistré et maigri.
En ce moment, il est à Londres, il re-
viendra la semaine prochaine et partira vers
le 14 juillet pour Burgos, où il doit assis-
ter à une grande course de taureaux.
Et voilà comment M. Lucien Guitry em-
ploie ses vacances.
L
, 'étourdi.
t Le - directeur du Grand-Théâtre de
rinlande fut prie, 1 autre soir, a une bril-
lante fête mondaine.
L'un des plus imposants financiers de
l'empire avait organisé, dans les jardins de
son palais, une éclatante représentation, à
laquelle participaient quelques étoiles ; du
Grand-Théâtre Impérial, notamment la di-
vine Z., l'exquise S., la charmante M.
L'aimable directeur goûta fort ce diver-
tissement, qu'il suivit avec une vive atten-
tion.
Soudain, se penchant vers son voisin, un
diplomate vénétien:
— Quelles sont donc ces jolies femmes?
demanda-t-il, en désignant du doigt les meil-
leures de ses pensionnaires qui faisaient
des pointes devant lui.
Il ne les avait pas reconnues.
L
e prince héritier.
C'était un plaisir délicat chaque di-
mancne, que de s amuser a ces longues er
savoureuses phrases du feuilleton des Dé-
bats, où M. Emile Faguet se jouait avec
une ingéniosité malicieuse des plus perfides
pièges de la syntaxe.
Son successeur, M. Henri de Régnier
s'essaie à imiter cette distraction de lettré,
mais il lui manque encore le tour de main.
Lisez plutôt d'une haleine, ces lignes ex-
traite, au petit bonheur, de l'article d'hier:
« N'avons-nous pas eu, en ces dernières se-
maines, le Poiyphème d'Albert Samain et la
Velléda de M. Maurice Magre, et ne nous pro-
met-on pas, pour septembre, la Furie, de M.
Jules Bois et le Roi Dagobert, de M. André Ri-
voire ? Les Escholiers ne viennent-ils pas de
nous donner la Dernière Dulcinée, de M. Albert
Dubois, et le Théâtre d'Orange ne nous réserve-
t-il pas le spectacle de quelque tragédie ou de
quelque drame antique dont les tirades sonne-
ront fièrement, de toutes leurs rimes, aux échos
du vieux mur romain qui dresse avec orgueil
ses nobles pierres au fond de la scène tant de
fois séculaire sur laquelle la Muse moderne se
drape du peplum classique et chausse le tradi-
tionnel cothurne' ? »
Un joli exercice de respiration pour les
élèves du Conservatoire!.
L
es bijoux n'on jamais été autant à la
mode, et ils le seront toujours, car,
quand ils ne plaisent plus, Dusausoy,expert,
4, boulevard des Italiens, les rachète tou-
jours à leur réelle valeur.Grand. choix d'oc-
casions.
L
;s parrains de minuit.
La mode est déjà passée — tout
passe! — des surnoms que ion donnait
aux artistes et aux gens de théâtre.
Dans les médianoches du « Napolitain »
ou du café de la Madeleine, combien de
sobriquets furent lancés qui coururent tout
Paris, firent trois petits tours en province
et à l'étranger, et puis s'en furent où s'en
sont allées les neiges d'antan.
Ce fut cependant une minute de vie pa-
risienne trop originale pour ne la point rap-
peler de temps à autre.
Citons quelques-uns des surnoms qui
furent le plus en vogue.
C'était à la cantatrice plantureuse les
surnoms donnés de: Peplum-pudding et de
Tanagradouble;. c'était à l'illustre doyen de
la Comédie-Française: Le Rugisseur de la
Scène; c'était un important sociétaire i La
poire entière; c'était, pour un habitué des
'premières: Le Dindon de la Force; pour
certain critique: Le Sournois gentilhomme;
c'était à un jeune auteur tapageur: Le Bluff
à la Mode; à une chanteuse de l'Opéra
assoiffée de publicité: Mademoiselle Récla-
mier; pour certain fonctionnaire: Le Suif
Errant; pour M. P. B. Gheusi : L'Emule de
Pedro, et pour M. Jules Claretie: Gui-
manve-le-Conquérant.
Comme tout cela est loin déjà! On n'é-
tait pas meilleur qu'aujourd'hui, mais on
se donnait du moins la peine d'avoir de
l'esprit
Nos; contemporains semblent y avoir un
peu trop renoncé.
0'
nsenva.
Nos auteurs dramatiques ont fait
choix de leurs villégiatures 'd été, quelques-
uns s'y sont déjà rendus.
M. Edmond Rostand reste à Cambo, M.
Victorien Sardou s'est installé à Marly; M.
Catulle Mendès est à Saint-Germain, où
sont également MM. Hugues Le Roux,
Pierre Mortier et Henry Février, le jeune
compositeur de Monna Vanna. M. Henry
Bataille est à Forges-les-Eaux; M. Pierre
Wolff, à Pont-de-1'Arche; M. Brieux à Saint-
Hilaire-sur-Puiseaux. dans le Loiret ; M. Al-
fred Capus repartira aujourd'hui même pour
Vernon-sur-Brenne ; M. Maurice Donnay est
au prieuré *de Gaillonnet; M. Massenet, à
Egreville: M. Louis Artus, à Cabourg; M.
Jacques Richepin, à Trébone ; M. Jules Cla-
retie à Viroflay et beaucoup — ce ne sont
peut-être pas les plus à plaindre — à
Paris-sur-Seine.
E
r tre le fournisseur automobile attitré de
t toutes les élégances parisiennes,
cest très bien, mais pour la porte de
l'étranger, y vendre des Renault, des Fiat,
des Zedel par centaines, c'est mieux. Aussi,
Lamberjack l'a-t-il merveilleusement com-
pris, puisque son lieutenant fidèle Domi-
nique Lamberjack va partir prochainement
pour une importante tournée d'affaires dans
l'Amérique du Sud.
Le Masque de Verre.
Le P. P. C.
de Comœdia"
LE JEUDI 9 JUILLET, A L'ERMITAGE
DE VILLEBON
Nombre de nos plus jolies artistes ont bien
voulu confier aux lecteurs de Comœdia, ces
jours-ci, tous leurs projets de villégiature. Elles
se sont plu à nous vanter la poésie âpre de la
mer, les charmes de la campagne, les rudes
beautés de la montagne; elles se faisaient fête
par avance du départ qu'elles attendent impa-
tiemment.
Quel meilleur moyen pour tous leurs admira-
teurs de venir leur souhaiter de joyeuses va-
cances, le soir du 9 juillet, au pique-nique que
Comœdia organise en leur honneur à l'Ermitage
de Villebon.
Dans ce cadre adorable du bois de Meudon,
par les douces soirées d'été, le regret des
adieux se teintera d'un peu de poésie. Com-
ment, au moment des adieux, ne pas se remé-
morer les succès de la saison, l'enthousiasme
du public? Comment surtout ne pas bâtir de
beaux projets pour les saisons prochaines?
Nous nous efforcerons, d'ailleurs; d'adoucir la
tristesse de l'Au Revoir et nous piquerons dans
notre programme, après le dîner, quelques ré-
jouissances champêtres'. Ne serons-nous pas à
la campagne? Et nos vedettes ne se prépareront-
elles pas à s'y fixer pour deux mois.
Ce programme, nous l'étudions en ce mo-
ment, car nous voulons que notre fête soit dis-
crète et nous ne voulons point de cohue.
On peut dès - maintenant s'inscrire à Comœ-
dia pour le 9 juillet. ((Le Prix du Pique-Nique,
tous frais compris, est de vingt francs).
Comment on devient
Ma r guéri te, A ida* Cassandre
Peu de gens savent exactement comment
l'on prépare une chanteuse au théâtre. D'au-
cuns l'ignorent même totalement. Rien n'est
plus curieux que la complexité, la minutie né-
cessaires à l'éducation d'une future artiste. Le
souci absolu du détail y domine. Il faut au pro-
fesseur une attention constante, une somme de
capacités considérable, la possession parfaite de
tous les rôles du répertoire, et surtout une
qualité qui, en l'espèce, est indispensable: la
vocation.
La seule façon véritablement concrète d'ex-
poser au lecteur les diverses phases de cet ap-
prentissage scénique, c'est évidemment de le
faire assister par la pensée, ou plus exactement
par la lecture à ce qu'on appelle « un cours
de mise en scène ».
Pour cela, il nous suffisait d'aller trouver
un maître de mise en scène dont la gloire ar-
tistique put donner à notre courte étude un
relief tout particulier, et d'obtenir la permis-
sion d'assister à la leçon. C'est à quoi nous
avons réussi de la façon la plus complète,
grâce à la cordiale obligeance de Mme Région,
de l'Opéra. -
A peine lui avions-nous explique le but de
notre visite: « Mettez-vous là, nous dit-elle en
montrant un coin écarté ; ne bougez pas, et
que nulle parmi mes élèves ne soupçonne vo-
tre présence ni surtout votre qualité. » Ce que
nous fîmes. Quelques instants après, le cours
commençait.
Au piano, l'excellent musicien Albert Wolf
s'est assis. Il frappe quelques accords, puis,
ayant ouvert une partition, attaque le prélude
de la scène de l'église de Faust. Marguerite
s'avance. A peine a-t-elle fait quelques pas,
que le professeur intervient. Six fois, il remet
l'élève en place; six fois, l'entrée.de Margue-
rite est recommencée. La voici enfin age-
nouillée sur le prie-Dieu que comporte la
mise en scene classique. Courbé vers elle, le
maître étudie les expressions du visage, rec-
tifie l'attitude, prodigue les conseils avec une
exactitudes de termes étonnante. Rien ne lui
échappe: « Vos yeux, mon petit, vos mains,
dit-elle. C'est avec ses yeux et ses mains qu'on
fait du théâtre. » Joignant le geste à la parole,
l'artiste place- les bras de Marguerite sur le
prie-Dieu, elle lui dispose tes mains ; elle lui
a La Prise de Troie >
modèle le visage, comme un sculpteur modèle-
rait de la glaise
La scène suit son cours. Le maître interrompt
souvent. « Encore ça, » dit-il, et on reprend.
Wolf donne la réplique d'une voix de téno-
rino dont il se sert fort adroitement.
Ecoute ces clameurs, c'est l'enfer qui t'appelle.
A ce moment, le professeur prend la place
de l'élève et joue comme il jouerait devant
mille personnes. On oublie tout, meubles, pia-
no, assistants; l'impression est si forte que la
pensée supplée d'elle-même à l'absence du dé-
cor, cependant que Wolf maintenant « chante
les chœurs », passant, -selon le besoin du mo-
ment, du soprano à la basse. Dalila, devenue
Marguerite, souffre, gémit, se traîne sur les
genoux dans un crescendo d'expression admi-
rable, et trouve des accents si poignants et si
sincères qu'une sensation d'art véritable s'em-
pare de l'auditeur.
Le maître se relève. C'est fini. Alors, con-
fondue, l'élève a une phrase caractéristique:
(( Je vous demande pardon d'avoir si mal fait,
madame, » dit-elle.
Après une courte interruption, le travail est
repris. Ayant fermé Faust, Wolf ouvre Aidai
Sur une table s'aperçoit précisément un por-
trait dédicacé de Giuseppe Verdi. Alors com-
mence la scène au bord du Nil.
L'élève paraît intelligente et possède une su-
perbe voix. Chose curieuse, elle évoque assez
exactement le masque de Mme Litvinne. Elle
prend l'attitude voulue. Le maître interrompt
sans cesse: « Pas tant de gestes, pas de brus-
querie. Du sentiment, de la poésie; c'est la
Mme Héglon
« Aida 0
lune et c'est le Nil. Surtout, le g-,
mot. »
Aida comprend à merveille. PC'; r :
trompe. Wolf souffle, corrigeant les
mesure. Le maître prodigue ses -
forçant du regard la compréhension, d); r>'
qu'il faut dire, avec une précision, une ne'teîé^
un à propos merveilleux. Son attention ne fai-
blit pas une seconde, et rien ne lui échappe.
On en arrive à la scène où Aïda. terrifiée,^>
écoute les reproches de son père. Le ndtre ai.
pris la pose. Couché à terre, il explique à l'é-
lève attentive: « Voici le mouvement décom-
posé. Chantez le père, » dit-il à iac-.c'ntpa-"
gnateur, et, devenu baryton, Wolf d'en tonner
« Tu n'es qu'une esclave. » La scène i'schève^
Quand la future Aida s'est retirée, ".cms as-"
sistons à la mise au point d'un fragment "de lii'
Prise de Troie. Pendant quelques i r, stants,
Mme Héglon apprend à Cassandre à se draper.
Ensuite, elle lui enseignera à tomber. cum=.
il sied de le faire, dans les bras de Chorèbe*
sur les mots fameux: « Et dans ton, flanc, 181
f•er d'un Grec. » -
Wolf, devenu orchestre de Berlioz tire "e
son piano des tonitruances de trombone? !
Intéressé au plus haut point, nous e
à la grande artiste notre admiration sincrrtt
pour la façon dont elle comprend sa tâ» hc.
« Vous avez vu, nous dit-elle, la partes u ,''f
intéressante du métier. En effet, ces «?.v t.;. ;)d"
vent déjà chanter. Leur maître, M. jean de
Restzké, me les envoie afin que Je m'occupa
de les préparer à la scène. C'est un enseignts
ment très spécial, très fatigant, mais anachantf
au suprême degré. Il me passionne. » >
C'est bien là notre impression dominante.
Nous prenons congé, en emportant qu?Iqueè
clichés faits au moment du concours du Con-I
servatoire de Musica, où Mme Héglon pro-i
fesse la déclamation lyrique et a obte iu ics.
brillants succès que l'on sait. Le lecteur pourra
donc apprécier combien l'art de la r r en'
scène est chose délicate, et se rendre compte:
des soins, de la conscience et de l'habileté
professionnelle qu'il exige. Grâce au sympa-,
thique accueil que nous fit Mme Héglon. uous
avons pu voir à l'œuvre un maître qiv 1 la
complète possession de ces qualités, je:;.' 'me
volonté d'art surprenante. Nous ne pc ;vîons
évidemment puiser à une source meille\-e les
détails dont nous avions besoin pour x-ioutrer
au lécteur ce qu'est un véritable cours de mise
en scène, berceau de tant d'espoirs, et-rir-. lude
de futurs triomphes.
La a Muse d'Enghlen »
Le Couronnement
de la Muse d'Enghien.
M. Gustave Charpentier au milieu d'un groupe de a Mimi-pinson t M. Marf,. Legay.
Dans une apothéose de lumière et de
yerdure, sous les chauds rayons d'un écla-
tant soleil de juin (,ui euf gagné cependant
à se faire moins valoir, au ry thme cl!&ir'
"Lundi 29 Juin 190Ss
COMŒDIA
Rédacteur en Chef : KuHb
RÉDACTION & ADMINISTRATION i
27, Boulevard Poissonnière, u PARIS •
TÉLÉPHONE : 288-07
adresse Télégraphique : CO/^ZDIA-PARIS
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Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
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Paris et Départements. 24 fr. 12 fr,
Franger. 40 » 20 »
LE POLICIER
'A force d'interpréter — avec succès,
d'ailleurs — le rôle de Sherlock Holmes,
au Duke of York's Theater de Liver-
pool, Charley Mastings se sentit l'âme
d'un policier.
En vérité, les grands artistes « vivent »
Souvent les personnages qu'ils représen-
tent et le fait de se mettre « dans la
peau » du sujet n'est pas une vaine ex-
pression.
Charley Mastings éprouvait des joies
suprêmes à la scène, lorsque, de déduc-
tions en déductions, il parvenait à con-
fondre, par sa déconcertante logique, ses
adversaires, et que le public, haletant,
suspendu à ses lèvres, applaudissait à
outrance.
L'acteur s'effaçait devant l'homme :
Encore qu'il sut toujours ce qui devait
arriver - car il possédait à fond son
texte — Charley Mastings palpitait cha-
que fois qu'une question épineuse lui
était posée. Sherlock Holmes devine
tout: L'âge et les vices d'un individu en
consultant le boîtier de sa montre ; les
crimes qui se commettent dans le voisi-
nage, rien qu'en regardant le temps qu il
fait; la pensée intime d'un ennemi, à la
façon dont se fume un cigare.
Charley Mastings, lui aussi, se sentait
ce don de divination.
Il incarnait, au théâtre, le héros de
Conan Doyle; il personnifiait ce Sher-
lock Holmes jusqu'alors énigmatique?
Charley Mastings serait, dans la vie
réelle, le policier de la fiction.
Oh! il ne s'agissait point d'abandon-
ner son métier et d'aller s'enrôler sous
l'administrative férule des constàbles at-
titrés du royaume ; de prétendre gagner,
galon par galon, les grades de l'Inspec-
tion: au demeurant, un vieux dicton an-
glais n'assure-t-il pas que, pour faire un
bon policeman, il faut être « grand et
bête». Or, Charley Mastings n'était ni
l'un ni l'autre. Non, il serait l'informa-
teur privé; l'amateur travaillant, à ses
heures, aux affaires dignes de son inté-
rêt. Il inaugurerait les procédés subtils
d'investigation du Holmes de théâtre,
procédés modernes, scientifiques. im-
prévus, basés sur le raisonnement, la
psychologie, l'observation méticuleuse ;
procédés où le diagnostic est si cer-
îaîrriratrsa concttiston pifccîse irréduc-
tiblement la marche à suivre.
Charles Hastings, aux heures de loi-
dr, s'entraîna. Un bon policier doit être
physionomiste. En peu de temps, l'ac-
teur, forçant sa mémoire, y fixa les ima-
ges les plus insignifiantes.
Son premier succès fut la surprise
d'un cocher de cab, auquel il déclara :
— Il y a quinze jours, à quatre heu-
res, vous m'avez conduit à Princes
Park. Je vous donnai deux shillings et
vous aviez une rose pourpre à la bou-
tonnière de ce même pardessus que vous
portez aujourd'hui.
Charley Mastings triompha auprès de
sa cuisinière, qu'il surprit maintes fois
auprès de son fourneau, étant venu lui-
même, à pas de loups et silencieusement,
cependant que harnaché de colliers mu-
nis de grelots.
Il excella rapidement à retirer un ob-
jet de la poche de son veston de flanelle
blanche, avec sa main couverte de pous-
sière de charbon, sans laisser de trace
sur le vêtement.
1 II se fit le protecteur des inconsé-
quents : quand il rentrait à pied du théâ-
tre, la nuit, aucune fenêtre laissée entre-
'bâillée, aucune porte mal fermée ne lui
réchappait.
Il sonnait, réveillait les gens, les avi-
sait du risque et se retirait, digne et
mystérieux.
.Mais tout cela n'était que baga-
telles.
Charley Mastings remarqua qu'une
maison voisine de la sienne, et assez
isolée était habitée par une vieille dame
seule, réputée très riche. Cette dame
n'avait auprès d'elle, la nuit, ni domes-
tique, ni chien.
On l'assassinerait un jour pour la vo-
ler, c'était certain. Il fallait veiller.
Les crimes sont commis par les gens
au courant de vos habitudes.
Les meurtriers éventuels de la vieille
dame se trouveraient donc dans ses re-
lations. Il convenait donc de les con-
naître. Charley Mastings s'arrangea
pour rencontrer le facteur chaque fois
qu'il sonnait chez sa voisine. Il apprit
ainsi, en lisant rapidement par-dessus
l'épaule du fonctionnaire, qu'elle s'ap-
pelait Mistress Bumbay et recevait sou-
vent des lettres de Birmingham et d'Ex-
iler.
Un trente du mois. l'ayant filée jus-
qu'à la banque, où elle toucha pas mal
d'argent, Charley Mastings remarqua
qu'elle était suivie par deux individus
assez louches, et il en conclut que le
drame était proche. Une dépêche était
Venue ce même jour, avec réponse
Payée, pour Folkestone. Charley Mas-
tings l'avait su à la poste.
***
Ce soir-là, Charley Mastings mena
tambour battant la représentation de
herlock Holmes. Il avait une bien au-
tre mission à remplir que celle consistant
1 dérider les foules. A onze heures vingt,
le rideau tomba.
r Dix minutes après, Charley Mastings,
enionté en hâte dans son quartier,
voyait, dans la pénombre, à l'angle du
square et de sa rue, se dissimuler deux
ombres. A coup sûr, il arrivait à temps.
Charley Mastings rentra ostensible-
ment chez lui, puis sur la crête des mu-
retins clôturant les cours intérieurs, ga-
gna à plat ventre celle de Mistress Bum-
bay. Il était armé.
Tout semblait calme dans la demeure
de la vieille dame. Mais que de choses
imprudentes cet observateur remarqua :
les fenêtres à guillotine, à demi-baissées.
La clef de la porte de la cuisine laissée
à l'extérieur. Des caisses en planches
empilées au pied du mur, véritables es-
caliers de fortune pour gagner le pre-
mier étage.
Dans le silence de la nuit sombre et
tiède, Charley Mastings perçut, sur un
gravier lointain, de légers bruits de pas.
Les assassins.
Allons, il fallait sauver la vieille dame
et, du coup, rendre le nom de Charley
Mastings aussi populaire que celui de
Holmes.
Expert dans l'art d'approcher sans
bruit, Charley Mastings pénétra dans la
maison par la cuisine. Les villas anglai-
ses sont toutes bâties sur le même mo-
dèle. Il se guida aisément dans l'obscu-
.rité, gagna le vestibule, monta l'escalier
de bois sans faire craquer les marches,
ayant soin d'exercer sur elles des pesées
progressives.
Sur le palier du premier, il s'arrêta.
La respiration un peu asthmatique de
la vieille dame se percevait à gauche, ce
qui permit à Charley Mastings d'identi-
fier la chambre où elle dormait.
Une portière en tapisserie lui parut
une retraite favorable; il se dissimula
derrière et attendit.
Les bruits recommencèrent et l'oreille
exercée de Charley Mastings lui permit
de reconnaître que les malfaiteurs sui-
vaient le même chemin que lui. Moins
experts, ils firent craquer l'escalier. Le
policier amateur s'assura de son revol-
ver.
Soudain, une violente secousse. le
projeta par eterre, et, avant qu'il ait eu
le temps de se reconnaître, il fut ligotté,
mis dans l'impossibilité de faire un mou-
vement. -
La vieille dame, réveillée par le bruit,
sortit de sa chambre, affoléè, mais, line
voix cPhomme,* ainraWe~etttotIce,~lii ras-
sura aussitôt de ces mots :
- N'ayez crainte, madame, nous le
tenons, il ne vous fera aucun mal!.
Voilà près d'un mois que nous surveil-
lons ses allures suspectes.
Et, s'adressant à Charley Mastings,
l'homme qui était revêtu du sombre uni-
forme de constable ajouta:
— Si ça ne fait pas pitié, un artiste
comme vous s'avilir jusqu'au vol; pro-
bablement. jusqu'au crime! Allez, ouste,
en prison!
Pierre SOUVESTRE.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Tragédie animale
ET
Comédie humaine
Un usafle immémorial veut que l'on met-
te toujours dans l'échelle littéraire la Tra-
gédie très au-dessus de la Comédie, et
qu'on la fasse passer la première dans tou-
tes les pompes officielles.
Cela tient à ce préjugé enraciné dans le
peuple depuis plusieurs siècles, préjugé sui-
vant lequel le genre comique se trouve, par
définition même, être moins sérieux que le
genre tragique. A première vue, du reste,
cette opinion paraît justifiée. Au genre tra-
gique appartiennent en effet les événements
les' plus tristes et les plus solennels de la
vie quotidienne, dans lesquels ont fait in-
tervenir volontiers les héros et les dieux.
Et la foule, pieuse et atterrée, n'a plus qu'à
suivre l'exemple ou l'inspiration qui lut
vient d'En Haut, car si la comédie symbo-
lise le libre examen, la tragédie personnifie
le principe d'autorité devant lequel toute
faiblesse aime à s'incliner.
Le genre comique paraît au contraire
d'essence plus vulgaire; il se repaît des me-
nus événements qui se déroulent en dehors
de la présence des dieux, entre gens du
commun. Il a pour essence le rire, et le
rire, à première vue, ne parait être que la
plus égoïste et la plus basse expression du
bien-être éprouvé par un homme en pré-
sence du ridicule ou des menus malheurs de
ses semblables.
Entre deux genres dont l'un nous offre
au théâtre des vies exemplaires au point de
vue moral, et dont l'autre ne nous montre
que les travers du vulgaire, l'hésitation n'est
pas permise et le genre tragique doit l'em-
porter.
Ce jugement peut paraître plein de bon
sens, il n'en demeure pas moins parfaite-
ment erroné. Il ne tend rien moins qu'à fai-
re régir toute Société par des sergents de
ville chargés de veiller directement à la
morale publique et à supprimer tous les
chefs-d'œuvre artistiQues dont l'action im-
médiate n'apparaît point sur les foules; il
étonne enfin lorsque l'on constate que la
tragédie existe chez les animaux, tandis que
le rire est le propre de l'homme.
On oublie en effet, dans la comédie, un
personnage qui n'est point marqué dans la
distribution de la pièce, et qui n'est autre
que le Public. Or c'est lui, à n'en point dou-
ter, qui inconsciemment, et à un degré quel-
conque, constitue dans la 'salle le héros que
la tragédie ne conçoit qu'en scène.
Mis en présence des travers de ses con-
temporains, le spectateur, par son rire,
marque une satisfaction égoïste sans doute,
màis aussi an senûfkeht de supériorité in-
térieure et la joie qu'il ressent à se sentir
bien au-dessus des faiblesses qu'on lui mon-
tre. Naturellement, cette sensation de su-
périorité se manifeste différemment suivant
l'âge ou l'intelligence du spectateur, et l'é-
chelle comique comporte d'innombrables de-
grés.
C'est ainsi que le Guignol convient de
préférence aux enfants. A cet âge une seule
chose importe : le bien-être physique et la
supériorité matérielle. Le tait de rosser qui
que ce soit satisfait aux plus légitimes am-
bitions de petits animaux.
Au-dessus de ce comique primitif on peut
en trouver d'autres qui agréent à la foule,
qui lui donnent artificiellement la sensation
d'avoir du bon sens et de l'esprit, et, en
pareille matière, l'habitude devient souvent
une seconde nature.
Il est enfin un troisième genre de comi-
que qui n'appartient qu'à très peu de gens:
c'est celui qui permet" d'englober l'univers
entier dans une même. critique et de taire
des héros même de la tragédie les princi-
paux personnages commues du théâtre du
monde.
Là encore, le spectateur reste le héros
de la pièce. Mais combien sont-ils ceux qui
peuvent éprouver la légitime satisfaction de
tutoyer les dieux sans en être éblouis, et
suriout sans avoir rame de M. Homais ?.
Et l'on comprend véritablement que l'opi-
nion de la majorité taisant la loi en matière
de théâtre, la tragédie conserve l'avantage
sur un comique génial de cet ordre-là.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
L
eurs projets:
M. Henry Bernstein, le fougueux au-
teur de La Rafale, a qui nous avons ae-
mandé ses projets, nous écrit :
Mon cher Confrère,
Je termine la pièce que j'ai, promise à Réjane
et qui ouvrira, à son théâtre, la saison 1908-
1909..
Ensuite j'appartiendrai tout entier à la Comé-
die-Française. J'ai déjà conçu très complètement
le plan de l'œuvre à laquelle M. Claretie réserve
le troisième tour.
Cordialement. HENRY BERNSTEIN.
Ajoutons que le Gymnase ouvrira au
mois de spetembre par une reprise du Dé-
tour, avec Mme Simone, dans le rôle qui
lui permit de si brillants débuts.
INSTANTANÉ
,.. ÇAMEMBERT-SUIl-OUJRÇ^ •
On prétend que, impassible, je m'ingénie à
créer les pires spectacles d'horreur. On soutient
que rien ne saurait m'émouvoir. Eh bien, eh
bien, je me dois de l'avouer : je viens de pleu-
rer ! En écrivant ces lignes j'ai encore des lar-
mes plein les yeux !. Je viens de pleurer, il
est vrai, à force d'avoir ri : j'ai terminé, il y a
cinq minutes, la lecture de Camembert-sur-
Ourcq, le nouveau roman de Max et Alex Fis-
cher.
J'avais lu l'Amant de la Petite Dubois, Pour
s'amuser en ménage, Détails sur mon suicide. Je
savais que Max et Alex Fischer sont doués de l'i-
magination la plus cocasse ; je savais que tou-
tes les histoires qu'ils nous content, et qui de
prime abord, semblent simplement très comiques,
sont aussi, si l'on veut bien y réfléchir, assez
profondes et d'une jolie philosophie.
Camembert-sur-Ourcq, cependant, m'a prouvé
que, jusqu'à ce jour, les frères Fischer ne nous
avaient pas encore donné la pleine mesure de
leur talent.
Un après-midi, par hasard, immobilisé tJar une
panne, un ministre inaugure une école dans un
village voisin de Camembert-sur-Ourcq. Aussi-
tôt, tous les villages de la région : Foley-la-Jo-
lie. Descaves-le-Roc, Renard-le-Bref, Loti-sur-
Moi, La Croix-Tinayre, Loüys-l'Amour, Esparbès-
sur-Tambour, etc., etc., éprouvent le plus vif
désir de posséder, eux aussi, un monument sur
la façade duquel ils feront apposer une plaque
commémorative. Camembert-sur-Ourcq ressent,
irrésistiblement la même envie, et pour pouvoir
y parvenir. Mais pourquoi vous raconterai-je
Camembert-sur-Ourcq ? Vous le lirez.
Vous le lirez, et, comme moi, vous estimerez
que cela tient du prodige, qu'avec un sujet aussi
simple, aussi humain, qui aurait pu être très
émouvant, Max et Alex Fischer aient écrit une
œuvre aussi comique, aussi follement. aussi in-
lassablement comique !
Je souhaiterais vous faire complètement parta-
ger mon enthousiasme. Les seules éomparaisons
auxquelles je puisse avoir recours ici, dans ce
but, sont des comparaisons théâtrales. Eh bien —
pour parler net — je vous l'affirme, à la fin de
chaque chapitre de ce joli, de ce passionnant ro-
man satirique, le lecteur, emballé, a envie d'ap-
plaudir ; d'instant en instant une réplique spiri-
tuelle lui arrache un involontaire « bravo » ; et,
lorsqu'il a tourné la dernière page du livre, il
éprouve un irrésistible désir de « rappeler » les
délicieux pantins dont Max et Alex Fischer, im-
passibles, ont tenu les fils d'une main sûre !
Camembert-sur-Ourcq ira à la centième. Je
veux dire à la centième édition.
ANDRÉ DE LORDE.
L
e beau voyage.
Il rentre d'un très, très long voyage.
Il a visite la urece, la lurquie et 1 Asie Mi-
neure. Il a prié sur l'Acropole, rêvé sur le
Bosphore, et maudit devant les Pyramides
le prosaïsme des temps présents.
Au Caire, les moustiques, la chaleur et
la mauvaise nourriture l'ont contraint de
revenir à Paris.
Nous l'avons - rencontré ces jours der-
niers, hâlé, bistré et maigri.
En ce moment, il est à Londres, il re-
viendra la semaine prochaine et partira vers
le 14 juillet pour Burgos, où il doit assis-
ter à une grande course de taureaux.
Et voilà comment M. Lucien Guitry em-
ploie ses vacances.
L
, 'étourdi.
t Le - directeur du Grand-Théâtre de
rinlande fut prie, 1 autre soir, a une bril-
lante fête mondaine.
L'un des plus imposants financiers de
l'empire avait organisé, dans les jardins de
son palais, une éclatante représentation, à
laquelle participaient quelques étoiles ; du
Grand-Théâtre Impérial, notamment la di-
vine Z., l'exquise S., la charmante M.
L'aimable directeur goûta fort ce diver-
tissement, qu'il suivit avec une vive atten-
tion.
Soudain, se penchant vers son voisin, un
diplomate vénétien:
— Quelles sont donc ces jolies femmes?
demanda-t-il, en désignant du doigt les meil-
leures de ses pensionnaires qui faisaient
des pointes devant lui.
Il ne les avait pas reconnues.
L
e prince héritier.
C'était un plaisir délicat chaque di-
mancne, que de s amuser a ces longues er
savoureuses phrases du feuilleton des Dé-
bats, où M. Emile Faguet se jouait avec
une ingéniosité malicieuse des plus perfides
pièges de la syntaxe.
Son successeur, M. Henri de Régnier
s'essaie à imiter cette distraction de lettré,
mais il lui manque encore le tour de main.
Lisez plutôt d'une haleine, ces lignes ex-
traite, au petit bonheur, de l'article d'hier:
« N'avons-nous pas eu, en ces dernières se-
maines, le Poiyphème d'Albert Samain et la
Velléda de M. Maurice Magre, et ne nous pro-
met-on pas, pour septembre, la Furie, de M.
Jules Bois et le Roi Dagobert, de M. André Ri-
voire ? Les Escholiers ne viennent-ils pas de
nous donner la Dernière Dulcinée, de M. Albert
Dubois, et le Théâtre d'Orange ne nous réserve-
t-il pas le spectacle de quelque tragédie ou de
quelque drame antique dont les tirades sonne-
ront fièrement, de toutes leurs rimes, aux échos
du vieux mur romain qui dresse avec orgueil
ses nobles pierres au fond de la scène tant de
fois séculaire sur laquelle la Muse moderne se
drape du peplum classique et chausse le tradi-
tionnel cothurne' ? »
Un joli exercice de respiration pour les
élèves du Conservatoire!.
L
es bijoux n'on jamais été autant à la
mode, et ils le seront toujours, car,
quand ils ne plaisent plus, Dusausoy,expert,
4, boulevard des Italiens, les rachète tou-
jours à leur réelle valeur.Grand. choix d'oc-
casions.
L
;s parrains de minuit.
La mode est déjà passée — tout
passe! — des surnoms que ion donnait
aux artistes et aux gens de théâtre.
Dans les médianoches du « Napolitain »
ou du café de la Madeleine, combien de
sobriquets furent lancés qui coururent tout
Paris, firent trois petits tours en province
et à l'étranger, et puis s'en furent où s'en
sont allées les neiges d'antan.
Ce fut cependant une minute de vie pa-
risienne trop originale pour ne la point rap-
peler de temps à autre.
Citons quelques-uns des surnoms qui
furent le plus en vogue.
C'était à la cantatrice plantureuse les
surnoms donnés de: Peplum-pudding et de
Tanagradouble;. c'était à l'illustre doyen de
la Comédie-Française: Le Rugisseur de la
Scène; c'était un important sociétaire i La
poire entière; c'était, pour un habitué des
'premières: Le Dindon de la Force; pour
certain critique: Le Sournois gentilhomme;
c'était à un jeune auteur tapageur: Le Bluff
à la Mode; à une chanteuse de l'Opéra
assoiffée de publicité: Mademoiselle Récla-
mier; pour certain fonctionnaire: Le Suif
Errant; pour M. P. B. Gheusi : L'Emule de
Pedro, et pour M. Jules Claretie: Gui-
manve-le-Conquérant.
Comme tout cela est loin déjà! On n'é-
tait pas meilleur qu'aujourd'hui, mais on
se donnait du moins la peine d'avoir de
l'esprit
Nos; contemporains semblent y avoir un
peu trop renoncé.
0'
nsenva.
Nos auteurs dramatiques ont fait
choix de leurs villégiatures 'd été, quelques-
uns s'y sont déjà rendus.
M. Edmond Rostand reste à Cambo, M.
Victorien Sardou s'est installé à Marly; M.
Catulle Mendès est à Saint-Germain, où
sont également MM. Hugues Le Roux,
Pierre Mortier et Henry Février, le jeune
compositeur de Monna Vanna. M. Henry
Bataille est à Forges-les-Eaux; M. Pierre
Wolff, à Pont-de-1'Arche; M. Brieux à Saint-
Hilaire-sur-Puiseaux. dans le Loiret ; M. Al-
fred Capus repartira aujourd'hui même pour
Vernon-sur-Brenne ; M. Maurice Donnay est
au prieuré *de Gaillonnet; M. Massenet, à
Egreville: M. Louis Artus, à Cabourg; M.
Jacques Richepin, à Trébone ; M. Jules Cla-
retie à Viroflay et beaucoup — ce ne sont
peut-être pas les plus à plaindre — à
Paris-sur-Seine.
E
r tre le fournisseur automobile attitré de
t toutes les élégances parisiennes,
cest très bien, mais pour la porte de
l'étranger, y vendre des Renault, des Fiat,
des Zedel par centaines, c'est mieux. Aussi,
Lamberjack l'a-t-il merveilleusement com-
pris, puisque son lieutenant fidèle Domi-
nique Lamberjack va partir prochainement
pour une importante tournée d'affaires dans
l'Amérique du Sud.
Le Masque de Verre.
Le P. P. C.
de Comœdia"
LE JEUDI 9 JUILLET, A L'ERMITAGE
DE VILLEBON
Nombre de nos plus jolies artistes ont bien
voulu confier aux lecteurs de Comœdia, ces
jours-ci, tous leurs projets de villégiature. Elles
se sont plu à nous vanter la poésie âpre de la
mer, les charmes de la campagne, les rudes
beautés de la montagne; elles se faisaient fête
par avance du départ qu'elles attendent impa-
tiemment.
Quel meilleur moyen pour tous leurs admira-
teurs de venir leur souhaiter de joyeuses va-
cances, le soir du 9 juillet, au pique-nique que
Comœdia organise en leur honneur à l'Ermitage
de Villebon.
Dans ce cadre adorable du bois de Meudon,
par les douces soirées d'été, le regret des
adieux se teintera d'un peu de poésie. Com-
ment, au moment des adieux, ne pas se remé-
morer les succès de la saison, l'enthousiasme
du public? Comment surtout ne pas bâtir de
beaux projets pour les saisons prochaines?
Nous nous efforcerons, d'ailleurs; d'adoucir la
tristesse de l'Au Revoir et nous piquerons dans
notre programme, après le dîner, quelques ré-
jouissances champêtres'. Ne serons-nous pas à
la campagne? Et nos vedettes ne se prépareront-
elles pas à s'y fixer pour deux mois.
Ce programme, nous l'étudions en ce mo-
ment, car nous voulons que notre fête soit dis-
crète et nous ne voulons point de cohue.
On peut dès - maintenant s'inscrire à Comœ-
dia pour le 9 juillet. ((Le Prix du Pique-Nique,
tous frais compris, est de vingt francs).
Comment on devient
Ma r guéri te, A ida* Cassandre
Peu de gens savent exactement comment
l'on prépare une chanteuse au théâtre. D'au-
cuns l'ignorent même totalement. Rien n'est
plus curieux que la complexité, la minutie né-
cessaires à l'éducation d'une future artiste. Le
souci absolu du détail y domine. Il faut au pro-
fesseur une attention constante, une somme de
capacités considérable, la possession parfaite de
tous les rôles du répertoire, et surtout une
qualité qui, en l'espèce, est indispensable: la
vocation.
La seule façon véritablement concrète d'ex-
poser au lecteur les diverses phases de cet ap-
prentissage scénique, c'est évidemment de le
faire assister par la pensée, ou plus exactement
par la lecture à ce qu'on appelle « un cours
de mise en scène ».
Pour cela, il nous suffisait d'aller trouver
un maître de mise en scène dont la gloire ar-
tistique put donner à notre courte étude un
relief tout particulier, et d'obtenir la permis-
sion d'assister à la leçon. C'est à quoi nous
avons réussi de la façon la plus complète,
grâce à la cordiale obligeance de Mme Région,
de l'Opéra. -
A peine lui avions-nous explique le but de
notre visite: « Mettez-vous là, nous dit-elle en
montrant un coin écarté ; ne bougez pas, et
que nulle parmi mes élèves ne soupçonne vo-
tre présence ni surtout votre qualité. » Ce que
nous fîmes. Quelques instants après, le cours
commençait.
Au piano, l'excellent musicien Albert Wolf
s'est assis. Il frappe quelques accords, puis,
ayant ouvert une partition, attaque le prélude
de la scène de l'église de Faust. Marguerite
s'avance. A peine a-t-elle fait quelques pas,
que le professeur intervient. Six fois, il remet
l'élève en place; six fois, l'entrée.de Margue-
rite est recommencée. La voici enfin age-
nouillée sur le prie-Dieu que comporte la
mise en scene classique. Courbé vers elle, le
maître étudie les expressions du visage, rec-
tifie l'attitude, prodigue les conseils avec une
exactitudes de termes étonnante. Rien ne lui
échappe: « Vos yeux, mon petit, vos mains,
dit-elle. C'est avec ses yeux et ses mains qu'on
fait du théâtre. » Joignant le geste à la parole,
l'artiste place- les bras de Marguerite sur le
prie-Dieu, elle lui dispose tes mains ; elle lui
a La Prise de Troie >
modèle le visage, comme un sculpteur modèle-
rait de la glaise
La scène suit son cours. Le maître interrompt
souvent. « Encore ça, » dit-il, et on reprend.
Wolf donne la réplique d'une voix de téno-
rino dont il se sert fort adroitement.
Ecoute ces clameurs, c'est l'enfer qui t'appelle.
A ce moment, le professeur prend la place
de l'élève et joue comme il jouerait devant
mille personnes. On oublie tout, meubles, pia-
no, assistants; l'impression est si forte que la
pensée supplée d'elle-même à l'absence du dé-
cor, cependant que Wolf maintenant « chante
les chœurs », passant, -selon le besoin du mo-
ment, du soprano à la basse. Dalila, devenue
Marguerite, souffre, gémit, se traîne sur les
genoux dans un crescendo d'expression admi-
rable, et trouve des accents si poignants et si
sincères qu'une sensation d'art véritable s'em-
pare de l'auditeur.
Le maître se relève. C'est fini. Alors, con-
fondue, l'élève a une phrase caractéristique:
(( Je vous demande pardon d'avoir si mal fait,
madame, » dit-elle.
Après une courte interruption, le travail est
repris. Ayant fermé Faust, Wolf ouvre Aidai
Sur une table s'aperçoit précisément un por-
trait dédicacé de Giuseppe Verdi. Alors com-
mence la scène au bord du Nil.
L'élève paraît intelligente et possède une su-
perbe voix. Chose curieuse, elle évoque assez
exactement le masque de Mme Litvinne. Elle
prend l'attitude voulue. Le maître interrompt
sans cesse: « Pas tant de gestes, pas de brus-
querie. Du sentiment, de la poésie; c'est la
Mme Héglon
« Aida 0
lune et c'est le Nil. Surtout, le g-,
mot. »
Aida comprend à merveille. PC'; r :
trompe. Wolf souffle, corrigeant les
mesure. Le maître prodigue ses -
forçant du regard la compréhension, d); r>'
qu'il faut dire, avec une précision, une ne'teîé^
un à propos merveilleux. Son attention ne fai-
blit pas une seconde, et rien ne lui échappe.
On en arrive à la scène où Aïda. terrifiée,^>
écoute les reproches de son père. Le ndtre ai.
pris la pose. Couché à terre, il explique à l'é-
lève attentive: « Voici le mouvement décom-
posé. Chantez le père, » dit-il à iac-.c'ntpa-"
gnateur, et, devenu baryton, Wolf d'en tonner
« Tu n'es qu'une esclave. » La scène i'schève^
Quand la future Aida s'est retirée, ".cms as-"
sistons à la mise au point d'un fragment "de lii'
Prise de Troie. Pendant quelques i r, stants,
Mme Héglon apprend à Cassandre à se draper.
Ensuite, elle lui enseignera à tomber. cum=.
il sied de le faire, dans les bras de Chorèbe*
sur les mots fameux: « Et dans ton, flanc, 181
f•er d'un Grec. » -
Wolf, devenu orchestre de Berlioz tire "e
son piano des tonitruances de trombone? !
Intéressé au plus haut point, nous e
à la grande artiste notre admiration sincrrtt
pour la façon dont elle comprend sa tâ» hc.
« Vous avez vu, nous dit-elle, la partes u ,''f
intéressante du métier. En effet, ces «?.v t.;. ;)d"
vent déjà chanter. Leur maître, M. jean de
Restzké, me les envoie afin que Je m'occupa
de les préparer à la scène. C'est un enseignts
ment très spécial, très fatigant, mais anachantf
au suprême degré. Il me passionne. » >
C'est bien là notre impression dominante.
Nous prenons congé, en emportant qu?Iqueè
clichés faits au moment du concours du Con-I
servatoire de Musica, où Mme Héglon pro-i
fesse la déclamation lyrique et a obte iu ics.
brillants succès que l'on sait. Le lecteur pourra
donc apprécier combien l'art de la r r en'
scène est chose délicate, et se rendre compte:
des soins, de la conscience et de l'habileté
professionnelle qu'il exige. Grâce au sympa-,
thique accueil que nous fit Mme Héglon. uous
avons pu voir à l'œuvre un maître qiv 1 la
complète possession de ces qualités, je:;.' 'me
volonté d'art surprenante. Nous ne pc ;vîons
évidemment puiser à une source meille\-e les
détails dont nous avions besoin pour x-ioutrer
au lécteur ce qu'est un véritable cours de mise
en scène, berceau de tant d'espoirs, et-rir-. lude
de futurs triomphes.
La a Muse d'Enghlen »
Le Couronnement
de la Muse d'Enghien.
M. Gustave Charpentier au milieu d'un groupe de a Mimi-pinson t M. Marf,. Legay.
Dans une apothéose de lumière et de
yerdure, sous les chauds rayons d'un écla-
tant soleil de juin (,ui euf gagné cependant
à se faire moins valoir, au ry thme cl!&ir'
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