Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-10
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 juin 1908 10 juin 1908
Description : 1908/06/10 (A2,N254). 1908/06/10 (A2,N254).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646638b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2e Année. « N° 254 (Quotldie.)
Le ftufnêro : S centimes
Mercredi 10 Juin 1908.
, Rédacteur en Cher: Cr. de PA WLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATIONS
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
1
TÉLÉPHONE ; 288-1^7
Adresse Télégraphique : C0/45SDIA-PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
mt RÉDACTION & ADMINISTRATION î
27, Bouleuard Poissonnière, PARU
TÉLÉPHONE: 288-07 « - - :
Adresse Télégraphique : COMŒDlA"PARIS:
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
taris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger »•••»••». 40 » 20 o
Une vilaine
baraque
Of Pourquoi, ce dimanche-là, sans y son-
ger, je fis ce que mes goûts, mes loisirs,
et mes habitudes m'avaient toujours éloi-
gné de faire, je ne sais!. Je marchais.
Je vis les gens se diriger vers l'avenue.
J'y allai, moi aussi. J'adoptai la lenteur
lasse et désœuvrée des travailleurs chô-
mant: les hommes en veston hebdoma-
daire, raide et gênant, les manches un
peu longues; les femmes avec de lourds
jupons blancs sortis du matin, les en-
fants, qui sans audace et sans exubé-
rance à cause du costume neuf ou de la
natte au velours renouvelé, s'abstenaient
de sauter et de courir. Pourtant, là-bas,
les cuivres attiraient et entraînaient,
joyeux, incessants, confus, multiples. On
approchait. Et le bruit devenait plus vif,
moins compact. On distinguait des airs
jadis connus ou populaires. On appro-
chait encore. On tournait l'angle de deux
rues. Et alors les rengaines éclataient,
se chevauchaient avec toute l'ardeur des
cymbales automatiques, des orgues inlas-
sables, des sonnettes perçantes. Des coups
de sifflet aigus et brefs lancés comme un
appel désolé vers un triste ciel tout gris
semblaient la clameur d'une machine im-
plorant le soleil pour les ors d'alentour.
Et. malgré toute cette cacophonie, les
voix humaines cherchaient encore à do-
miner le chaos sonore et parfois y par-
venaient. C'était une femme inouïe dont
il fallait admirer les bras colossaux et les
cuisses monstrueuses. C'était dans une
suite de hublots une série de vues du
plus récent et du plus terrible incendie,
puis des instantanés de la catastrophe du
Mont Pelé; enfin les phases diverses
d'une maladie atroce et redoutée. Un fa-
bricant de sucre d'orge, à côté, tressait
interminablement, comme un coiffeur
plongé dans la chevelure d'une belle
cliente, la masse élastique et colorée qu'il
débiterait tout à l'heure. Un tir à la pipe
et une boutique de nougats tenue par des
Algériens maladifs précédaient les wa-
gons innombrables de la ménagerie fa-
meuse d'où sortaient de temps à autre
de sourds et angoissants rugissements.
Sans hâte, en général, et sans gaieté, les
promeneurs défilaient au milieu de cette
haie criarde et criante. Je les accompa-
gnais machinalement sans les remarquer
ou les dctauleï, fatigua 4u bruit et de la
poussière.
Je me pris tout à coup à observer avec
plus d'attention deux enfants du peuple:
une fillette de douze ou treize ans et son
jeune frère qui n'en avait qu'une di-
zaine. L'aînée déjà un peu maman, pres-
sait le petit garçon et l'empêchait de s'ar-
rêter trop longtemps, le tirait par la
main, lui donnait une chiquenaude lors-
que le doigt du mioche se perdait trop
)rofondément dans des fosses nasales hu-
mides et barbouillées.
— Allons, viens donc, To-tor.
Victor contemplait les cent petits objets
inutiles (chandeliers en verre filé, vases
trop roses ou trop bleus, porte-allumettes
mastoques, bagues colorées, lampes mi-
nuscules) que le hasard d'un tourniquet
attribuait aveuglément.
— Dis, Ti-ti-ne, si on tirait là?.
Raisonnablement, la grande sœur dé-
tournait la conversation. Le crédit affec-
té sans doute aux joies de la promenade
foraine ne permettait que peu de dépen-
ses. Il fallait réserver les quelques sous,
ne les lâcher que pour ce qui en vau-
drait vraiment la peine.
Et les deux enfants, l'un traînant l'au-
tre et tous deux traînant leurs souliers fa-
tigués, lourds et blancs de saleté ancienne,
continuaient leur mélancolique prome-
nade du dimanche.
Ils arrivèrent bientôt à la hauteur d'un
pauvre petit manège de chevaux de bois.
La cavalerie tout entière comportait un
cercle de onze bêtes inanimées, peintes
de couleurs passées et revêtues de selle-
rie de velours vieilli, grenat autrefois et
maintenant noir. et luisant. Au centre,
près de l'axe, une haute jument maigre
et attristée tournait depuis tant d'années
qu'elle n'avait plus besoin du bandeau
de cuir dissimulant l'incessante et inter-
minable volte. Elle marchait, ponctuant
chaque pas d'un mouvement de tête las
et pitoyable; elle savait d'elle-même ra-
lentir, stopper et repartir; elle accom-
plissait sa besogne tandis que le patron
faisait la sienne, un boniment un peu
terne, aussi, vaguement honteux de se
produire encore à côté de tant de voi-
sinages plus tentants, plus fiers, plus ro-
bustes et plus imposants. Çet homme aux
cheveux drus et gris, à la figure brune
et ravagée, ne criait pas. Il insistait seule-
ment sur la modicité du prix de la joie
à faire :
— Allons, deux sous la partie de che-
vaux de bois ! Deux sous la balade ! Al-
lons, les enfants, deux sous.
Quand il avait pu réunir trois petits
amateurs, le forain méthodiquement as-
surait les courroies des cavaliers, la bête
recommençait sa circonférence, et par la
manivelle d'un instrument primitif le
vieux remplaçait tout l'orchestre orgueil-
leux des concurrents d'alentour.
To-tor et Ti-tine échangèrent un re-
gard. Deux sous, disait Ti-tine, voilà qui
pourrait t'aller, petit To-tor.
Et To-tor fit la moue :
— Oh! non, pas là. Il est trop moche.
Et toujours lents, les deux gosses pas-
sèrent. Ils ne se doutaient point que le
mot simple et cruel. lâché sans souci
comme sans réflexion, avait atteint et
blessé le vieillard douloureusement. Ce-
lui-ci était resté muet, mortifié, les yeux
fixes: il écoutait encore l'outrage, dur
sinon injuste. Deux larmes lourdes vin-
rent mouiller son regard lointain.
— Grand-père, qu'est-ce que tu as?
Un mioche, venu d'on ne sait où, ar-
rivait et se jetait tout petit et tout rond
dans les jambes du forain.
— Rien, rien. répondit ce dernier
tout en soulevant le bambin pour l'em-
brasser et le reposer ensuite'sur le sol.
Rien, rien.
Il alla caresser l'encolure de la jument
et s'en retourna manœuvrer l'orgue du
manège.
Ces quelques gestes résumaient tout le
roman simple (si peu roman et si poi-
gnant cependant) du vieux homme dont
l'existence finissait dans sa baraque de
toujours, entre la bête amie de longtemps
et le petit être, pour qui, sans plainte, il
peinait encore.
Jacques MAY.
Nous publierons demain une chronique de
- CALIBAN
Les dernières idoles
Je ne sais rien de plus désolant que les
réflexions que l'on se plaît souvent à faire
sur la vie privée de nos grands artistes.
On apprend ainsi que telle étoile a des dif-
ficultés en fin de mois avec son boucher
auquel elle doit de l'argent, ou que tel chan-
teur célèbre a vu son mobilier s'évanouir
sous la griffe des huissiers. Sans aller si
loin, rien n'est plus pénible que d'appren-
dre que les coulisses des théâtres sont ré-
pugnantes de saleté, qu'un cantonnier ne
voudrait point de la loge de certaines actri-
ces pour y loger ses outils, ou plus simple-
ment que la préparation d'un rôle demande
un travail physique long, pénible et fasti-
dieux.
Il y aurait intérêt, au contraire, à taire
de nos principaux interprètes des êtres fa-
buleux, à les loger en un palais soigneuse-
ment gardé où la foule leur supposerait une
vie fastueuse, sans fatigue et semblable à
celle des dieux.
Avec les progrès de la civilisation, il faut
bien constater, en effet, que la diminution
du nombre des êtres fabuleux se fait chaque
jour plus cruellement sentir: les maisons à
dix-sept étages nous ont appris qu'il n'y
avait rien dans le ciel, et la visite domini-
cale des musées d'ethnographie nous a ré-
vélé le vide indéniable des châteaux sei-
gneuriaux et des palais royaux. Nous en
sommes donc réduits, à l'heure actuelle, aux
rois de théâtre et aux illusions scéniques.
Ce n'est déjà pas mal, mais il faut bien
prendre garde de ne point abolir, par des
révélations trop sensationnelles, ce dernier
prestige qui nous reste.
Or, il faut bien le-reconnaître, ce prestige
a encore, à l'heure actuelle, plus d'action
qu'on ne le' pense sur le public. Il suffit,
pour s'en assurer, de stationner quelques
instants à la sortie des artistes d'un grand
théâtre. Il y a là toute une foule composée,
non pas comme on le croit trop souvent, de
messieurs intéressés, mais tout simplement
d'admirateurs passionnés qui viennent, en
dehors de toute illusion provoquée par les
décors, acclamer sans réserves des person-
nalités qui restent pour eux, même dans la
rue, des rois, des reines ou des êtres labu-
leux, et tel vieillard correct et timoré qui
n'oserait pas, sans être présenté, aborder
quelqu'un dans la rue, n'hésite point à ac-
clamer une comédienne célèbre au moment
où elle sort du théâtre en l'appelant familiè-
rement par son petit nom. C'est là, ie le ré-
pète, une des dernières illusions qui nous
restent; elle est assez faible, puisqu'un sim-
ple décor en carton la sépare seule encore de
la réalité. Empressons-nous donc de la con-
server, de la rapiécer et de la recoller soi-
gneusement, car lorsqu'elle sera détruite,
il ne nous restera plus rien de nos rêves
d'autrefois.
1 G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures un quart, à l'Opé-!
ra-Comique, reprise de Pelléas et Méli-
sande,' de M. Claude Debussy.
A
ux eaux.
La saison a repris dans les villes
d'eaux. A Vichy, les baigneurs et les bu-
veurs refont six fois par jour la promenade
de « lhôpital » à la « Grande Grille » et
de « Chaumel » aux « Célestins ». Parmi
les plus zélés des fidèles de Chaumel et
de la « Grande Grille », l'an dernier on re-
marquait une grande et jolie jeune fille,
qu'accompagnait sa mère, plus petite, et qui
ne sortait jamais qu'un livre à la main. La
jeune malade, dont la mine, du reste, n'avait
rien d'inquiétant, lisait assidûment, sem-
blait toujours apprendre quelque chose dans
ce livre.
Et, en effet, Mlle Dussanne, de la Comé-
die-Française, repassait ses classiques en
allant boire ses cent grammes d'eau.
L
a bonne intention. 1.
Duquesne, l'inoubliable créateur de
Napoléon, passait en tournée dans le Nord.
Arrivant à Dunkeroue, -un groupe de co-
médiens déambulait à travers la ville, lors-
que, passant sur une des principales places,
Duquesne, qui était de la bande, se découvre
devant une imposante statue.
— Qu'est-ce que tu fais? lui dit un de
ses camarades.
Tu le vois, répondit-il, je salue un ancê-
tre.
— Tu te trompes, mon vieux! c'est Jean
Bart; la statue de Duquesne est à Dieppe!
s
ur l'eau.
M. Francis de Croisset n'est pas seu-
lement un très spirituel auteur dramatique,
c'est encore un brillant homme du monde.
Hier, il avait prié à déjeuner un certain
nombre de ses amis -:- près de deux cents
personnes. Mais il ne les avait pas conviés
chez lui.
Rendez-vous avait été pris à bord du ba-
teau Le Touriste, loué pour la circonstance,
pavoisé de rubans, garni de fleurs, muni
d'un excellent orchestre.
A une heure de l'après-midi, le bateau
quittait le ponton du quai d'Orsay et entre-
prenait une longue et gracieuse course sur
les bords fleuris de la Seine.
La promenade fut délicieuse et cordiale,
et, au retour, vers trois heures et demie,
les convives refusèrent de se séparer si vite
et improvisèrent sur le pont du Touriste
une passionnée bataille de fleurs.
Les grandes traditions ne sont pas mortes.
E
n Finlande.
Une de nos lectrices, très rensei-
gnée sur ce qui se passe au Grand Théâtre
Impérial de Finlande, nous adresse la let-
tre suivante:
Monsieur le rédacteur en chef,
Les nombreux lecteurs de Comœdia parais-
sant s'intéresser vivement aux faits et gestes
du Théâtre. Impérial de Finlande, voulez-vous
permettre à une de vos fidèles lectrices de leur
faire part de la façon vraiment moscovite dont
se traitent les achats d'étoffes du grand Théâtre
Impérial !.
Autrefois, et ainsi que cela- se pratique dans
toute administration intègre, le théâtre faisait
un large appel à la concurrence de nos pre-
mières maisons de tissus.
Maintenant, tout est changé.
Aussitôt la prise de possession du fauteuil
directorial par les nouveaux inspecteurs impé-
riaux, un ukase était lancé stipulant que doré-
navant un seul et unique fournisseur aurait le
privilège exclusif de ladite fourniture.
Le bénéficiaire de cette mesure stupéfiante
habite une grande ville du centre de l'Empire,
dont l'un des directeurs actuels dirigea précé-
demment le théâtre.
Mais quelques actionnaires habitant la capi-
tale — dame, des capitalistes ! - paraissent mal
goûter ce nouveau système.
Veuillez agréer, etc.
Une fidèle et renseignée lectrice.
p
lusieurs millions à la disposition de
l'expert Dusausoy. 4. boulevard des
Italiens, qui achète de suite, à première
vue et à leur réelle valeur, bijoux, dia-
mants et pierres fines. Grand choix d'oc-
casions. ,
A
nniversaire.
Dans les couloirs des loges du Théâ-
tre-Français, le soir de l'anniversaire de
Corneille.
Une jeune élève du Conservatoire, venue
voir son professeur, croise un Anglais qui
inspecte flegmatiquement. Tout à coup, l'An-
glais interroge la jeune comédienne et, lui
montrant du doigt Mounèt-Sully qui passe:
- Est-ce que c'est celui-là, Corneille?
lui demande-t-il.
— Non, « celui-là », c'est Mounet-Sully.
— Et Pierre Corneille, où est-il?
— Mais il n'est pas là!
— Il ne viendra pas? continue l'Anglais,
tenace.
— Oh ! non, répond la jeune fille en sou-
riant ; il ne sort plus, vu son grand âge.
u
ne émule de Frégoli.
A-t-on le droit de faire iouer à une
artiste deux rôles importants - d'une même
œuvre, dans une soirée, sur l'une des pre-
mières scènes du monde?
C'est pourtant ce qui s'est produit, l'autre
jour, à la représentation d'un opéra du dix-
huitième siècle, au Grand-Théâtre Impérial
de Finlande.
Une seule artiste fut chargée de chanter,
le même soir, le rôle de la Grande Prêtresse
et celui de l'Amour.
Ce dernier rôle était tenu par une jeune
artiste, à qui il plaisait, ce jour-là, d'aller
applaudir le spectacle d'un autre théâtre.
On ne trouva rien de mieux que de la
faire doubler par une chanteuse à qui était
déjà confiée une autre tâche.
Et pourtant, il y a tant d'artistes qui ne
font rien, au Grand-Théâtre Impérial de Fin-
lande!.
s
auvé par des pantomimistes.
Le bon dessinateur Charles Huard
revient de Londres où il a pris quelques
centaines de croquis pour son livre: Lon-
dres comme je l'ai vu. Il luit arriva de s'a-
venturer seul dans Whitechapel, qui est,
comme on le sait, un des plus dangereux
quartiers de Londres. Le dessinateur, en
effet, y fut attaqué, lorsque soudain un des
m'alfaiteurs arrêta ses comparses, dévisagea
sa victime et, après un vigoureux shake
hand, le remit sur le-bon chemin.
Le soir, Huard allait dans un cirque de
la capitale britannique où il devait terminer
quelques croquis, quand un des pantomi-
mistes lui demanda:
— Vous êtes bien rentré hier?
Et Huard reconnut, en le pierrot ma-
quillé qui lui servait de modèle depuis trois
jours, son sauveur de la journée.
s
tatistique.
Un statisticien américain — naturel-
lement - qui n ignore rien des choses de
notre pays nous affirme que les théâtres de
Paris contiennent, en bloc, 83.331 places
assises.
Si nous supposons (en statistique il faut
toujours supposer) que la moyenne du prix
de chaque place est de cinq francs, nous ar-
rivons, pour chaque soirée, à la somme de
416.655 francs, ce qui nous donne par mois
13.499.650 francs et, pour l'année théâtra-
le, la coquette somme de 134.996.500 fr.
Et nous ne comptons pas les places de-
bout des promenoirs de music-halls.
Or, les recettes officielles des théâtres se
montent à 45.753.048 fr. 18, soit un déchet
de 89.243.452 fr. 18.
Les théâtres de Paris nous affirmant toute
l'année qu'ils font le maximum, il est urgent
de se demander où va l'argent?
Mais vous verrez que tout le monde va
se mettre d'accord pour incriminer. qui?.
le billet de faveur.
L
e soleil aidant, les fêtes de la Pente-
côte avaient attiré vers nos belles
routes de France une quantité incroyable
de chauffeurs dont la plupart pilotaient une
Bayard-Clément, la marque fameuse entre
toutes.
p
ar la délicatesse de sa cuisine, l'excel-
lence de sa cave, ses prix à la portée
de tous, le Café Gutenberg, 25, boulevard
Poissonnière, est le rendez-vous tout indi-
qué des amateurs de bonne chère.
NOUVELLE A LA MAIN
0
n disait l'autre jour à Jean Richepin:
— Vous avez eu bien tort en vous
montrant si aimable, dans votre critique de
Comœdia, sur la pièce de Y. Personne
plus que lui ne vous a éreinté lorsque vous
avez fait jouer les Chansons de Miarka. ,
— Éah ! sourit Richepin, il est fort pos-
sible, après tout, que nous nous trompions
tous les deux!
Le Masque de Verre.
CARUSO A L'OPÉRA
« L'Opéra de Paris est le premier théâtre du
monde », on l'a dit souvent, on l'a presque cru.
parfois, il y a longtemps.
La représentation de Rigoletto, demain, per-
mettra de le penser en toute sincérité au moins
une fois ; car, assurément, il n'y a qu'à Paris,
sur le plateau de l'Opéra, que pouvaient se trou-
ver réunis, un même soir, ces trois merveilleux
artistes d'une gloire mondiale: Caruso, Melba
CHALIAPINE
dessiné par Caruso
et Renaud. Ce gala va rendre à notre première
scène lyrique beaucoup de gloire, et faire oublier
bien des choses.
Ce fut, hier soir, à la répétition générale, pour
les quelques privilégiés admis dans la salle, un
régal inoubliable; et cependant c'était une répé-
tition toute intime, « en famille », sans décors,
sans costumes et presque, si j'ose dire, sare
voix. Ils chantèrent, en effet, presque tous à mi-
voix, à part de trop courts instants où ils voulu-
rent bien se donner davantage, ce dont on les ré-
compensa par d'enthousiastes bravos. Ce fut peu
de chose, et ce fut exquis.
Ce fut aussi charmant de simplicité et de ca-
maraderie. Caruso se montra un bon gros gar-
çon jovial, sans pédanterie et sans ostentation ;
il chanta et joua son rôle comme dans un' fau-
teuil, soucieux seulement de s'amuser entre
temps, de faire à droite ou à gauche quelque ai-
mable niche, ou de dire quelque bon mot.
Le célèbre ténor n'est Doint atteint de la re-
doutable maladie du cabotinage ; c'est un artiste
intelligent, qui s'habille comme vous et moi. qui
pense de même et dont la vie familiale est, pa-
raît-il, aussi édifiante que. mettons la vôtre,
en dépit de ce qu'aurait voulu faire croire le pro-
cès scandaleux qui lui fut intenté récemment en
Amérique.
Caruso a cependant une faiblesse; il manie
très joliment le crayon, et s'est fait une réputa-
tion de caricaturiste : la silhouette de Chaliapine,
qu'il dessina en quelques secondes, il y a trois
jours, et que nous reproduisons ici, peut donner
quelque idée de son talent. Or, c'est de ce ta-
lent qu'il est le plus fier ; il prodigue ses produc-
tions avec conviction ; pour tout dire, c'est « son
violon d'Ingres ».
Ce qu'il faut dire aussi, c'est que cet artiste,
qui gagne un million par an, et demande des ca-
chets de dix mille francs par soirée, n'est pas
un homme d'argent. Il vint. il y a deux ans, prê-
ter son généreux concours à une matinée au pro-
fit de l'Association des artistes dramatiques; il
n'a pas hésité, cette année, à répondre à l'appel
de la Société des auteurs et compositeurs, dont la
caisse de retraites va s'enrichir, jeudi, d'un joli
CARUSG
dessiné par Chaliapine
denier, grâce à lui et à ses non moins généreux
partenaires: j'ai nommé la divine Melba, la plus
grande vocaliste du monde ; Renaud, ce bel ar-
tiste, parfait chanteur autant que parfait comé-
dien ; Mme Pttrenko, dont on apprécia l'art char-
mant dans Boris Godounow, et enfin le maestro
Tullio Serafin,' qui conduira l'orchestre dans le
mouvement italien et nous fera entendre ainsi
un Rigoletto inconnu de nous, le vrai Rigoletto
conçu par Verdi.
P. MEALY.
RÊVES ET RÉALITÉS
L'inVentaire de la première année. ca L'Opéra était paVé de bonnd.
intentions. == La saison se termine comme la fable du -I
Pot au lait. == Les habitués ont fait un beau rêVe.
i LE PROGRAMME POUR 1908
Mais voici MM. Messager et Brous-
san bientôt rejoints par M. Pierre
Lagarde. Nous leur avions de-
mandé un rendez-vous afin d'ap-
prendre aux lecteurs de « Comœ-
dia » quel programme avait été
élaboré par la nouvelle direction.
« Comœdia »,
vendredi 13 décembre 1907.
« Nos projets, dirent ces messieurs, vous
allez les connaître. Amis de la presse, parti-
sans de la plus large publicité, respectueux de
la critique, nous venions agir au grand jour,
prendre pour confident et conseilleur le public
tout entier, car, en l'espèce, le conseilleur.
quoi qu'on en dise; est aussi le payeur.
« Notre désir, continuent MM. Messager et
Broussan, est d'offrir aux abonnés et habitués
de l'Opéra de belle musique, de monter toutes
les œuvres qui noms paraîtront dignes de la
première scène lyrique du monde, et de les
monter avec faste; d'accueillir tous les talents,
d'ouvrir les portes de l'Opéra à toutes les éco-
les et de mettre le public français à même de
goûter les chefs-d'œuvre de l'étranger. Aucun
effort, aucune dépense, aucun sacrifice ne se-
ront épargnés pour arriver à ce résultat, et dès
la réouverture, on pourra apprécier notre bonne
volonté, et, espérons-le, notre goût ».
(Suivent quelques considérations sur l'urgen-
ce d'une reconstitution complète de Faust. Nous
suivons) :
« — Après la reprise de Faust, que nous
donnerez-vous ?
« — Hippolyte et Aricie, de Rameau. Nous
avons voulu rendre cet hommage à l'école ini-
tiale française. C'est, en réalité, un ouvrage
nouveau que nous allons représenter là, puisque
cet opéra n'a pas été joué depuis 1767.
« Ensuite, et ce choix prouve notre éclectis-
me, nous donnerons Le Crépuscule des Dieux.
Nous commencerons ainsi l'exécution de notre
projet, qui est, en montant l'année suivante
L'Or du Rhin, de compléter à l'Opéra l'an-
neau de Niebelung et de jouer, dès 1909, la
Tétralogie dans son ensemble.
cc Les maîtres contemporains ne seront pas
oubliés. Massenet a bien voulu nous promettre
la suite d'Ariane, en écrivant Bacchus sur un
livret de Catulle Mendès.
« - Et les jeunes? Ne vous ont-ils rien
apporté ?
« — Que si ! Ils ont reçu ici, comme bien
vous pensez, le meilleur accueil. Nous ne leur
9
demandons qu'une chose: avoir du talent. Ef
ils en ont. Vous aurez, pour la première fois, ;
le plaisir d'entendre à l'Opéra une œuvre dfi
M. Gabriel Pierné, Iseil. sur un livret d'Armand 3
Silvestre et Morand. M. Savard, le distingua ,
directeur du Conservatoire de Lyon, nous don. 3
nera un drame lyrique, La Forêt, poème dé |
Laurent Taillade. A M. Georges Hue, vous de-I <
vrez Le Miracle. ;
« Monterez-vous de nouveaux ballets ?
« — Certes ; D'abord une reprise de Putf
des meilleurs ouvrages du - maître. regretta
Edouard Lalo, son exquise Namouna. Ensuite i
une œuvré nouvelle de MM; Catulle Mendès et ;
Reynaldo Hahn, Là Fête chez Thérèse; puis
Fêtes Galantes, de MM. Salvayre et Adolphe -
Aderer, etc., etc. »,
Voilà ce que promettait le numéro- «te Co»rjr-
dia du vendredi 13 décembre, en reproduisant
fidèlement les propres paroles de MM. Message*
et Broussan.
Depuis bientôt cinq mois, qu'ont-ils fait?
Ils ont: « reconstitué » Faust; mutilé T'ufis,
par l'amputation d'un tableau; abîmé Namouna,
par la suppression du prologue ; défiguré la KorrU
gane, en y introduisant la musique d'un compo-
siteur russe ; parodié Tristan et Lohengrin, par
des coupures vandales; enterré Hippolyte ol
Aricie, par la froideur de l'interprétation géntW )
raie qu'ils lui donnèrent. ,
Ils ont : ridiculisé, par des exécutions fantai-
sistes, les œuvres du répertoire courant ; eng; ij& ,
quelques artistes insuffisants ; maintenu les
chœurs dans un état d'infériorité navrame,
abaissé la valeur artistique de l'Académie na-
tionale à un niveau négatif; installé urr.bafï,e<
somptueux, avec viandes froides et sonnettes
dans les loges; exhibé une danseuse russe.
C'est tout. Au public de conclure.
Voici maintenant la saison morte; c'est-dond
fin septembre seulement que le travail pourra
être repris..
Je ne pense pas qu'au cours des trois mois
qui sépareront MM. Messager et Broussan de 1
la fin de l'année, les directeurs de l'Opéra trou-
vent le temps- matériel de réaliser les projeta
annoncés pour l'an 1908. Je ne pense pas non
plus que l'attitude qu'ils ont jusqu'alors adoptée
leur porte bonheur dans la suite. ,Elle' est us -
défi constant à la tolérance maintenant exagéréi
des musiciens et des contribuables.
L. VUILLEMIN.
THÉÂTRE RÉJANE
Madame Sans-Gène
Pièce en quatre actes, dont un prologue, de V. Sardou et E. M or eau
Pour le sommaire de Madame Sans-
Gêne, je renvoie le lecteur aux nombreux
comptes rendus qui ont paru dans tous
les journaux, lors de la première et des
reprises; ce serait lui faire injure Que de
ne pas le renvoyer surtout à sés propres
souvenirs.
Aussi bien l'occasion qui nous est of-
ferte par Comœdia de publier notre pen-
sée est trop rare pour que je ne me ré-
jouisse pas de pouvoir aborder la critique
de la pièce sans autre préambule. Sardou
est l'auteur le plus considérable et le plus
considéré parmi les contemporains; il a su
avec de très gros succès ponulaires plaire
aux délicats et à l'Académie, ce qui est
toujours un rare mérite. Je suis heureux
que, dans l'ensemble de son œuvre, ce soit
précisément de Madame Sans-Gêne dont
j'ai à m'occuper. Il paraît toujours pué-
ril et parfois envieux de la part d'un
jeune de s'attaquer à des gloires solides et
de déclarer, non sans prétention quelque
peu ridicule, que tel grand auteur drama-
tique n'a pas de talent.
En vérité, je me fus trouvé fort mal à
l'aise dans l'appréciation d'un grand drame
en a, Théodora, Fédora et autres sorciè-
res. Ces grands drames ont rarement ému
et quelquefois fait sourire la jeune géné-
ration peu respectueuse des admirations de
sa devancière, et plus difficile sur les res-
sorts dramatiques des pièces de théâtre. Je
me serais gardé toutefois de les iuger dé-
finitivement avec un haussement d'épau-
les: tels qu'ils sont, ces drames contien-
nent l'admirable talent de Sardou. Cons-
truits avec une habileté spontanée, sans la-
beur. mais étonnante, ils révèlent, en ou-
tre, que leur auteur est un psychologue
profond.
Que nul ne s'étonne! La psychologie de
Sardou n'est pas dans ses personnages; elle
est dans sa merveilleuse compréhension du
public à qui Ja pièce est destinée. Cette
âme du public, l'auteur de Madame Sans-
Gêne en connaît toutes les qualités, toue
les défauts, tous les points faibieg. Il^n'f 3
jamais cherché à la manier, il .s'est tou- -
jours laissé manier par elle. Peiu-être Sar- ?
dou aurait-il pu, lui aussi, faire vivre des ;
hommes sur la scène, et construire un ;
drame sur le seul conflit logique des pas-
sions. Il ne l'a pas voulu parce qu'il est
avant tout un charmeur et que son unique
souci - combien justifié' d'ailleurs -- est
de plaire.
Ceci n'est pas un hors-d'oeuvre h ITUI
critique; je suis en plein dans mon sujet
Madame Sans-Gêne restera comme le type
de ces sortes de pièces où un honrne je
grand talent s'est entièrement livré à see
spectateurs, au lieu de les appeler 5 lui.
Toutes les concessions qu'ils demanUaient,
à son génie, il les a faites avec une sou- .,
riante bonne grâce, avec une inaltérable
belle humeur. Il a même pris goût à ce *
rôle d'amuseur, et s'est amusé lui-i ême.
Il a amusé aussi les adversaires k s piaf
acharnés de son théâtre, et je défie qui que
ce soit d'assister à une représentatif Je
Madame Sans-Gêne sans être vraiment in-
téressé.
Les épisodes sont toujours rapides ei
le récill qui est un élément indispensable ef
souvent ennuyeux de la pièce historique
est toujours alerte et plaisant. Chaque scè-
ne de la pièce est une petite pièce elle-
même, qui, jouée seule, aurait encore son
charme et son intérêt propre. Tout ce,qu'il
y a dans ces scènes de préparations poui <
les actes suivants est habilement dissi-
mulé. Les personnages sont mieux com-
pris dans leur fantaisie que dans un ca-
ractère d'observation; une fois leur psy-
chologie fantaisiste admise, ils restent tlo- -
giques avec eux-mêmes; superficiels à l'e&.:;
Le ftufnêro : S centimes
Mercredi 10 Juin 1908.
, Rédacteur en Cher: Cr. de PA WLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATIONS
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
1
TÉLÉPHONE ; 288-1^7
Adresse Télégraphique : C0/45SDIA-PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
mt RÉDACTION & ADMINISTRATION î
27, Bouleuard Poissonnière, PARU
TÉLÉPHONE: 288-07 « - - :
Adresse Télégraphique : COMŒDlA"PARIS:
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
taris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger »•••»••». 40 » 20 o
Une vilaine
baraque
Of Pourquoi, ce dimanche-là, sans y son-
ger, je fis ce que mes goûts, mes loisirs,
et mes habitudes m'avaient toujours éloi-
gné de faire, je ne sais!. Je marchais.
Je vis les gens se diriger vers l'avenue.
J'y allai, moi aussi. J'adoptai la lenteur
lasse et désœuvrée des travailleurs chô-
mant: les hommes en veston hebdoma-
daire, raide et gênant, les manches un
peu longues; les femmes avec de lourds
jupons blancs sortis du matin, les en-
fants, qui sans audace et sans exubé-
rance à cause du costume neuf ou de la
natte au velours renouvelé, s'abstenaient
de sauter et de courir. Pourtant, là-bas,
les cuivres attiraient et entraînaient,
joyeux, incessants, confus, multiples. On
approchait. Et le bruit devenait plus vif,
moins compact. On distinguait des airs
jadis connus ou populaires. On appro-
chait encore. On tournait l'angle de deux
rues. Et alors les rengaines éclataient,
se chevauchaient avec toute l'ardeur des
cymbales automatiques, des orgues inlas-
sables, des sonnettes perçantes. Des coups
de sifflet aigus et brefs lancés comme un
appel désolé vers un triste ciel tout gris
semblaient la clameur d'une machine im-
plorant le soleil pour les ors d'alentour.
Et. malgré toute cette cacophonie, les
voix humaines cherchaient encore à do-
miner le chaos sonore et parfois y par-
venaient. C'était une femme inouïe dont
il fallait admirer les bras colossaux et les
cuisses monstrueuses. C'était dans une
suite de hublots une série de vues du
plus récent et du plus terrible incendie,
puis des instantanés de la catastrophe du
Mont Pelé; enfin les phases diverses
d'une maladie atroce et redoutée. Un fa-
bricant de sucre d'orge, à côté, tressait
interminablement, comme un coiffeur
plongé dans la chevelure d'une belle
cliente, la masse élastique et colorée qu'il
débiterait tout à l'heure. Un tir à la pipe
et une boutique de nougats tenue par des
Algériens maladifs précédaient les wa-
gons innombrables de la ménagerie fa-
meuse d'où sortaient de temps à autre
de sourds et angoissants rugissements.
Sans hâte, en général, et sans gaieté, les
promeneurs défilaient au milieu de cette
haie criarde et criante. Je les accompa-
gnais machinalement sans les remarquer
ou les dctauleï, fatigua 4u bruit et de la
poussière.
Je me pris tout à coup à observer avec
plus d'attention deux enfants du peuple:
une fillette de douze ou treize ans et son
jeune frère qui n'en avait qu'une di-
zaine. L'aînée déjà un peu maman, pres-
sait le petit garçon et l'empêchait de s'ar-
rêter trop longtemps, le tirait par la
main, lui donnait une chiquenaude lors-
que le doigt du mioche se perdait trop
)rofondément dans des fosses nasales hu-
mides et barbouillées.
— Allons, viens donc, To-tor.
Victor contemplait les cent petits objets
inutiles (chandeliers en verre filé, vases
trop roses ou trop bleus, porte-allumettes
mastoques, bagues colorées, lampes mi-
nuscules) que le hasard d'un tourniquet
attribuait aveuglément.
— Dis, Ti-ti-ne, si on tirait là?.
Raisonnablement, la grande sœur dé-
tournait la conversation. Le crédit affec-
té sans doute aux joies de la promenade
foraine ne permettait que peu de dépen-
ses. Il fallait réserver les quelques sous,
ne les lâcher que pour ce qui en vau-
drait vraiment la peine.
Et les deux enfants, l'un traînant l'au-
tre et tous deux traînant leurs souliers fa-
tigués, lourds et blancs de saleté ancienne,
continuaient leur mélancolique prome-
nade du dimanche.
Ils arrivèrent bientôt à la hauteur d'un
pauvre petit manège de chevaux de bois.
La cavalerie tout entière comportait un
cercle de onze bêtes inanimées, peintes
de couleurs passées et revêtues de selle-
rie de velours vieilli, grenat autrefois et
maintenant noir. et luisant. Au centre,
près de l'axe, une haute jument maigre
et attristée tournait depuis tant d'années
qu'elle n'avait plus besoin du bandeau
de cuir dissimulant l'incessante et inter-
minable volte. Elle marchait, ponctuant
chaque pas d'un mouvement de tête las
et pitoyable; elle savait d'elle-même ra-
lentir, stopper et repartir; elle accom-
plissait sa besogne tandis que le patron
faisait la sienne, un boniment un peu
terne, aussi, vaguement honteux de se
produire encore à côté de tant de voi-
sinages plus tentants, plus fiers, plus ro-
bustes et plus imposants. Çet homme aux
cheveux drus et gris, à la figure brune
et ravagée, ne criait pas. Il insistait seule-
ment sur la modicité du prix de la joie
à faire :
— Allons, deux sous la partie de che-
vaux de bois ! Deux sous la balade ! Al-
lons, les enfants, deux sous.
Quand il avait pu réunir trois petits
amateurs, le forain méthodiquement as-
surait les courroies des cavaliers, la bête
recommençait sa circonférence, et par la
manivelle d'un instrument primitif le
vieux remplaçait tout l'orchestre orgueil-
leux des concurrents d'alentour.
To-tor et Ti-tine échangèrent un re-
gard. Deux sous, disait Ti-tine, voilà qui
pourrait t'aller, petit To-tor.
Et To-tor fit la moue :
— Oh! non, pas là. Il est trop moche.
Et toujours lents, les deux gosses pas-
sèrent. Ils ne se doutaient point que le
mot simple et cruel. lâché sans souci
comme sans réflexion, avait atteint et
blessé le vieillard douloureusement. Ce-
lui-ci était resté muet, mortifié, les yeux
fixes: il écoutait encore l'outrage, dur
sinon injuste. Deux larmes lourdes vin-
rent mouiller son regard lointain.
— Grand-père, qu'est-ce que tu as?
Un mioche, venu d'on ne sait où, ar-
rivait et se jetait tout petit et tout rond
dans les jambes du forain.
— Rien, rien. répondit ce dernier
tout en soulevant le bambin pour l'em-
brasser et le reposer ensuite'sur le sol.
Rien, rien.
Il alla caresser l'encolure de la jument
et s'en retourna manœuvrer l'orgue du
manège.
Ces quelques gestes résumaient tout le
roman simple (si peu roman et si poi-
gnant cependant) du vieux homme dont
l'existence finissait dans sa baraque de
toujours, entre la bête amie de longtemps
et le petit être, pour qui, sans plainte, il
peinait encore.
Jacques MAY.
Nous publierons demain une chronique de
- CALIBAN
Les dernières idoles
Je ne sais rien de plus désolant que les
réflexions que l'on se plaît souvent à faire
sur la vie privée de nos grands artistes.
On apprend ainsi que telle étoile a des dif-
ficultés en fin de mois avec son boucher
auquel elle doit de l'argent, ou que tel chan-
teur célèbre a vu son mobilier s'évanouir
sous la griffe des huissiers. Sans aller si
loin, rien n'est plus pénible que d'appren-
dre que les coulisses des théâtres sont ré-
pugnantes de saleté, qu'un cantonnier ne
voudrait point de la loge de certaines actri-
ces pour y loger ses outils, ou plus simple-
ment que la préparation d'un rôle demande
un travail physique long, pénible et fasti-
dieux.
Il y aurait intérêt, au contraire, à taire
de nos principaux interprètes des êtres fa-
buleux, à les loger en un palais soigneuse-
ment gardé où la foule leur supposerait une
vie fastueuse, sans fatigue et semblable à
celle des dieux.
Avec les progrès de la civilisation, il faut
bien constater, en effet, que la diminution
du nombre des êtres fabuleux se fait chaque
jour plus cruellement sentir: les maisons à
dix-sept étages nous ont appris qu'il n'y
avait rien dans le ciel, et la visite domini-
cale des musées d'ethnographie nous a ré-
vélé le vide indéniable des châteaux sei-
gneuriaux et des palais royaux. Nous en
sommes donc réduits, à l'heure actuelle, aux
rois de théâtre et aux illusions scéniques.
Ce n'est déjà pas mal, mais il faut bien
prendre garde de ne point abolir, par des
révélations trop sensationnelles, ce dernier
prestige qui nous reste.
Or, il faut bien le-reconnaître, ce prestige
a encore, à l'heure actuelle, plus d'action
qu'on ne le' pense sur le public. Il suffit,
pour s'en assurer, de stationner quelques
instants à la sortie des artistes d'un grand
théâtre. Il y a là toute une foule composée,
non pas comme on le croit trop souvent, de
messieurs intéressés, mais tout simplement
d'admirateurs passionnés qui viennent, en
dehors de toute illusion provoquée par les
décors, acclamer sans réserves des person-
nalités qui restent pour eux, même dans la
rue, des rois, des reines ou des êtres labu-
leux, et tel vieillard correct et timoré qui
n'oserait pas, sans être présenté, aborder
quelqu'un dans la rue, n'hésite point à ac-
clamer une comédienne célèbre au moment
où elle sort du théâtre en l'appelant familiè-
rement par son petit nom. C'est là, ie le ré-
pète, une des dernières illusions qui nous
restent; elle est assez faible, puisqu'un sim-
ple décor en carton la sépare seule encore de
la réalité. Empressons-nous donc de la con-
server, de la rapiécer et de la recoller soi-
gneusement, car lorsqu'elle sera détruite,
il ne nous restera plus rien de nos rêves
d'autrefois.
1 G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures un quart, à l'Opé-!
ra-Comique, reprise de Pelléas et Méli-
sande,' de M. Claude Debussy.
A
ux eaux.
La saison a repris dans les villes
d'eaux. A Vichy, les baigneurs et les bu-
veurs refont six fois par jour la promenade
de « lhôpital » à la « Grande Grille » et
de « Chaumel » aux « Célestins ». Parmi
les plus zélés des fidèles de Chaumel et
de la « Grande Grille », l'an dernier on re-
marquait une grande et jolie jeune fille,
qu'accompagnait sa mère, plus petite, et qui
ne sortait jamais qu'un livre à la main. La
jeune malade, dont la mine, du reste, n'avait
rien d'inquiétant, lisait assidûment, sem-
blait toujours apprendre quelque chose dans
ce livre.
Et, en effet, Mlle Dussanne, de la Comé-
die-Française, repassait ses classiques en
allant boire ses cent grammes d'eau.
L
a bonne intention. 1.
Duquesne, l'inoubliable créateur de
Napoléon, passait en tournée dans le Nord.
Arrivant à Dunkeroue, -un groupe de co-
médiens déambulait à travers la ville, lors-
que, passant sur une des principales places,
Duquesne, qui était de la bande, se découvre
devant une imposante statue.
— Qu'est-ce que tu fais? lui dit un de
ses camarades.
Tu le vois, répondit-il, je salue un ancê-
tre.
— Tu te trompes, mon vieux! c'est Jean
Bart; la statue de Duquesne est à Dieppe!
s
ur l'eau.
M. Francis de Croisset n'est pas seu-
lement un très spirituel auteur dramatique,
c'est encore un brillant homme du monde.
Hier, il avait prié à déjeuner un certain
nombre de ses amis -:- près de deux cents
personnes. Mais il ne les avait pas conviés
chez lui.
Rendez-vous avait été pris à bord du ba-
teau Le Touriste, loué pour la circonstance,
pavoisé de rubans, garni de fleurs, muni
d'un excellent orchestre.
A une heure de l'après-midi, le bateau
quittait le ponton du quai d'Orsay et entre-
prenait une longue et gracieuse course sur
les bords fleuris de la Seine.
La promenade fut délicieuse et cordiale,
et, au retour, vers trois heures et demie,
les convives refusèrent de se séparer si vite
et improvisèrent sur le pont du Touriste
une passionnée bataille de fleurs.
Les grandes traditions ne sont pas mortes.
E
n Finlande.
Une de nos lectrices, très rensei-
gnée sur ce qui se passe au Grand Théâtre
Impérial de Finlande, nous adresse la let-
tre suivante:
Monsieur le rédacteur en chef,
Les nombreux lecteurs de Comœdia parais-
sant s'intéresser vivement aux faits et gestes
du Théâtre. Impérial de Finlande, voulez-vous
permettre à une de vos fidèles lectrices de leur
faire part de la façon vraiment moscovite dont
se traitent les achats d'étoffes du grand Théâtre
Impérial !.
Autrefois, et ainsi que cela- se pratique dans
toute administration intègre, le théâtre faisait
un large appel à la concurrence de nos pre-
mières maisons de tissus.
Maintenant, tout est changé.
Aussitôt la prise de possession du fauteuil
directorial par les nouveaux inspecteurs impé-
riaux, un ukase était lancé stipulant que doré-
navant un seul et unique fournisseur aurait le
privilège exclusif de ladite fourniture.
Le bénéficiaire de cette mesure stupéfiante
habite une grande ville du centre de l'Empire,
dont l'un des directeurs actuels dirigea précé-
demment le théâtre.
Mais quelques actionnaires habitant la capi-
tale — dame, des capitalistes ! - paraissent mal
goûter ce nouveau système.
Veuillez agréer, etc.
Une fidèle et renseignée lectrice.
p
lusieurs millions à la disposition de
l'expert Dusausoy. 4. boulevard des
Italiens, qui achète de suite, à première
vue et à leur réelle valeur, bijoux, dia-
mants et pierres fines. Grand choix d'oc-
casions. ,
A
nniversaire.
Dans les couloirs des loges du Théâ-
tre-Français, le soir de l'anniversaire de
Corneille.
Une jeune élève du Conservatoire, venue
voir son professeur, croise un Anglais qui
inspecte flegmatiquement. Tout à coup, l'An-
glais interroge la jeune comédienne et, lui
montrant du doigt Mounèt-Sully qui passe:
- Est-ce que c'est celui-là, Corneille?
lui demande-t-il.
— Non, « celui-là », c'est Mounet-Sully.
— Et Pierre Corneille, où est-il?
— Mais il n'est pas là!
— Il ne viendra pas? continue l'Anglais,
tenace.
— Oh ! non, répond la jeune fille en sou-
riant ; il ne sort plus, vu son grand âge.
u
ne émule de Frégoli.
A-t-on le droit de faire iouer à une
artiste deux rôles importants - d'une même
œuvre, dans une soirée, sur l'une des pre-
mières scènes du monde?
C'est pourtant ce qui s'est produit, l'autre
jour, à la représentation d'un opéra du dix-
huitième siècle, au Grand-Théâtre Impérial
de Finlande.
Une seule artiste fut chargée de chanter,
le même soir, le rôle de la Grande Prêtresse
et celui de l'Amour.
Ce dernier rôle était tenu par une jeune
artiste, à qui il plaisait, ce jour-là, d'aller
applaudir le spectacle d'un autre théâtre.
On ne trouva rien de mieux que de la
faire doubler par une chanteuse à qui était
déjà confiée une autre tâche.
Et pourtant, il y a tant d'artistes qui ne
font rien, au Grand-Théâtre Impérial de Fin-
lande!.
s
auvé par des pantomimistes.
Le bon dessinateur Charles Huard
revient de Londres où il a pris quelques
centaines de croquis pour son livre: Lon-
dres comme je l'ai vu. Il luit arriva de s'a-
venturer seul dans Whitechapel, qui est,
comme on le sait, un des plus dangereux
quartiers de Londres. Le dessinateur, en
effet, y fut attaqué, lorsque soudain un des
m'alfaiteurs arrêta ses comparses, dévisagea
sa victime et, après un vigoureux shake
hand, le remit sur le-bon chemin.
Le soir, Huard allait dans un cirque de
la capitale britannique où il devait terminer
quelques croquis, quand un des pantomi-
mistes lui demanda:
— Vous êtes bien rentré hier?
Et Huard reconnut, en le pierrot ma-
quillé qui lui servait de modèle depuis trois
jours, son sauveur de la journée.
s
tatistique.
Un statisticien américain — naturel-
lement - qui n ignore rien des choses de
notre pays nous affirme que les théâtres de
Paris contiennent, en bloc, 83.331 places
assises.
Si nous supposons (en statistique il faut
toujours supposer) que la moyenne du prix
de chaque place est de cinq francs, nous ar-
rivons, pour chaque soirée, à la somme de
416.655 francs, ce qui nous donne par mois
13.499.650 francs et, pour l'année théâtra-
le, la coquette somme de 134.996.500 fr.
Et nous ne comptons pas les places de-
bout des promenoirs de music-halls.
Or, les recettes officielles des théâtres se
montent à 45.753.048 fr. 18, soit un déchet
de 89.243.452 fr. 18.
Les théâtres de Paris nous affirmant toute
l'année qu'ils font le maximum, il est urgent
de se demander où va l'argent?
Mais vous verrez que tout le monde va
se mettre d'accord pour incriminer. qui?.
le billet de faveur.
L
e soleil aidant, les fêtes de la Pente-
côte avaient attiré vers nos belles
routes de France une quantité incroyable
de chauffeurs dont la plupart pilotaient une
Bayard-Clément, la marque fameuse entre
toutes.
p
ar la délicatesse de sa cuisine, l'excel-
lence de sa cave, ses prix à la portée
de tous, le Café Gutenberg, 25, boulevard
Poissonnière, est le rendez-vous tout indi-
qué des amateurs de bonne chère.
NOUVELLE A LA MAIN
0
n disait l'autre jour à Jean Richepin:
— Vous avez eu bien tort en vous
montrant si aimable, dans votre critique de
Comœdia, sur la pièce de Y. Personne
plus que lui ne vous a éreinté lorsque vous
avez fait jouer les Chansons de Miarka. ,
— Éah ! sourit Richepin, il est fort pos-
sible, après tout, que nous nous trompions
tous les deux!
Le Masque de Verre.
CARUSO A L'OPÉRA
« L'Opéra de Paris est le premier théâtre du
monde », on l'a dit souvent, on l'a presque cru.
parfois, il y a longtemps.
La représentation de Rigoletto, demain, per-
mettra de le penser en toute sincérité au moins
une fois ; car, assurément, il n'y a qu'à Paris,
sur le plateau de l'Opéra, que pouvaient se trou-
ver réunis, un même soir, ces trois merveilleux
artistes d'une gloire mondiale: Caruso, Melba
CHALIAPINE
dessiné par Caruso
et Renaud. Ce gala va rendre à notre première
scène lyrique beaucoup de gloire, et faire oublier
bien des choses.
Ce fut, hier soir, à la répétition générale, pour
les quelques privilégiés admis dans la salle, un
régal inoubliable; et cependant c'était une répé-
tition toute intime, « en famille », sans décors,
sans costumes et presque, si j'ose dire, sare
voix. Ils chantèrent, en effet, presque tous à mi-
voix, à part de trop courts instants où ils voulu-
rent bien se donner davantage, ce dont on les ré-
compensa par d'enthousiastes bravos. Ce fut peu
de chose, et ce fut exquis.
Ce fut aussi charmant de simplicité et de ca-
maraderie. Caruso se montra un bon gros gar-
çon jovial, sans pédanterie et sans ostentation ;
il chanta et joua son rôle comme dans un' fau-
teuil, soucieux seulement de s'amuser entre
temps, de faire à droite ou à gauche quelque ai-
mable niche, ou de dire quelque bon mot.
Le célèbre ténor n'est Doint atteint de la re-
doutable maladie du cabotinage ; c'est un artiste
intelligent, qui s'habille comme vous et moi. qui
pense de même et dont la vie familiale est, pa-
raît-il, aussi édifiante que. mettons la vôtre,
en dépit de ce qu'aurait voulu faire croire le pro-
cès scandaleux qui lui fut intenté récemment en
Amérique.
Caruso a cependant une faiblesse; il manie
très joliment le crayon, et s'est fait une réputa-
tion de caricaturiste : la silhouette de Chaliapine,
qu'il dessina en quelques secondes, il y a trois
jours, et que nous reproduisons ici, peut donner
quelque idée de son talent. Or, c'est de ce ta-
lent qu'il est le plus fier ; il prodigue ses produc-
tions avec conviction ; pour tout dire, c'est « son
violon d'Ingres ».
Ce qu'il faut dire aussi, c'est que cet artiste,
qui gagne un million par an, et demande des ca-
chets de dix mille francs par soirée, n'est pas
un homme d'argent. Il vint. il y a deux ans, prê-
ter son généreux concours à une matinée au pro-
fit de l'Association des artistes dramatiques; il
n'a pas hésité, cette année, à répondre à l'appel
de la Société des auteurs et compositeurs, dont la
caisse de retraites va s'enrichir, jeudi, d'un joli
CARUSG
dessiné par Chaliapine
denier, grâce à lui et à ses non moins généreux
partenaires: j'ai nommé la divine Melba, la plus
grande vocaliste du monde ; Renaud, ce bel ar-
tiste, parfait chanteur autant que parfait comé-
dien ; Mme Pttrenko, dont on apprécia l'art char-
mant dans Boris Godounow, et enfin le maestro
Tullio Serafin,' qui conduira l'orchestre dans le
mouvement italien et nous fera entendre ainsi
un Rigoletto inconnu de nous, le vrai Rigoletto
conçu par Verdi.
P. MEALY.
RÊVES ET RÉALITÉS
L'inVentaire de la première année. ca L'Opéra était paVé de bonnd.
intentions. == La saison se termine comme la fable du -I
Pot au lait. == Les habitués ont fait un beau rêVe.
i LE PROGRAMME POUR 1908
Mais voici MM. Messager et Brous-
san bientôt rejoints par M. Pierre
Lagarde. Nous leur avions de-
mandé un rendez-vous afin d'ap-
prendre aux lecteurs de « Comœ-
dia » quel programme avait été
élaboré par la nouvelle direction.
« Comœdia »,
vendredi 13 décembre 1907.
« Nos projets, dirent ces messieurs, vous
allez les connaître. Amis de la presse, parti-
sans de la plus large publicité, respectueux de
la critique, nous venions agir au grand jour,
prendre pour confident et conseilleur le public
tout entier, car, en l'espèce, le conseilleur.
quoi qu'on en dise; est aussi le payeur.
« Notre désir, continuent MM. Messager et
Broussan, est d'offrir aux abonnés et habitués
de l'Opéra de belle musique, de monter toutes
les œuvres qui noms paraîtront dignes de la
première scène lyrique du monde, et de les
monter avec faste; d'accueillir tous les talents,
d'ouvrir les portes de l'Opéra à toutes les éco-
les et de mettre le public français à même de
goûter les chefs-d'œuvre de l'étranger. Aucun
effort, aucune dépense, aucun sacrifice ne se-
ront épargnés pour arriver à ce résultat, et dès
la réouverture, on pourra apprécier notre bonne
volonté, et, espérons-le, notre goût ».
(Suivent quelques considérations sur l'urgen-
ce d'une reconstitution complète de Faust. Nous
suivons) :
« — Après la reprise de Faust, que nous
donnerez-vous ?
« — Hippolyte et Aricie, de Rameau. Nous
avons voulu rendre cet hommage à l'école ini-
tiale française. C'est, en réalité, un ouvrage
nouveau que nous allons représenter là, puisque
cet opéra n'a pas été joué depuis 1767.
« Ensuite, et ce choix prouve notre éclectis-
me, nous donnerons Le Crépuscule des Dieux.
Nous commencerons ainsi l'exécution de notre
projet, qui est, en montant l'année suivante
L'Or du Rhin, de compléter à l'Opéra l'an-
neau de Niebelung et de jouer, dès 1909, la
Tétralogie dans son ensemble.
cc Les maîtres contemporains ne seront pas
oubliés. Massenet a bien voulu nous promettre
la suite d'Ariane, en écrivant Bacchus sur un
livret de Catulle Mendès.
« - Et les jeunes? Ne vous ont-ils rien
apporté ?
« — Que si ! Ils ont reçu ici, comme bien
vous pensez, le meilleur accueil. Nous ne leur
9
demandons qu'une chose: avoir du talent. Ef
ils en ont. Vous aurez, pour la première fois, ;
le plaisir d'entendre à l'Opéra une œuvre dfi
M. Gabriel Pierné, Iseil. sur un livret d'Armand 3
Silvestre et Morand. M. Savard, le distingua ,
directeur du Conservatoire de Lyon, nous don. 3
nera un drame lyrique, La Forêt, poème dé |
Laurent Taillade. A M. Georges Hue, vous de-I <
vrez Le Miracle. ;
« Monterez-vous de nouveaux ballets ?
« — Certes ; D'abord une reprise de Putf
des meilleurs ouvrages du - maître. regretta
Edouard Lalo, son exquise Namouna. Ensuite i
une œuvré nouvelle de MM; Catulle Mendès et ;
Reynaldo Hahn, Là Fête chez Thérèse; puis
Fêtes Galantes, de MM. Salvayre et Adolphe -
Aderer, etc., etc. »,
Voilà ce que promettait le numéro- «te Co»rjr-
dia du vendredi 13 décembre, en reproduisant
fidèlement les propres paroles de MM. Message*
et Broussan.
Depuis bientôt cinq mois, qu'ont-ils fait?
Ils ont: « reconstitué » Faust; mutilé T'ufis,
par l'amputation d'un tableau; abîmé Namouna,
par la suppression du prologue ; défiguré la KorrU
gane, en y introduisant la musique d'un compo-
siteur russe ; parodié Tristan et Lohengrin, par
des coupures vandales; enterré Hippolyte ol
Aricie, par la froideur de l'interprétation géntW )
raie qu'ils lui donnèrent. ,
Ils ont : ridiculisé, par des exécutions fantai-
sistes, les œuvres du répertoire courant ; eng; ij& ,
quelques artistes insuffisants ; maintenu les
chœurs dans un état d'infériorité navrame,
abaissé la valeur artistique de l'Académie na-
tionale à un niveau négatif; installé urr.bafï,e<
somptueux, avec viandes froides et sonnettes
dans les loges; exhibé une danseuse russe.
C'est tout. Au public de conclure.
Voici maintenant la saison morte; c'est-dond
fin septembre seulement que le travail pourra
être repris..
Je ne pense pas qu'au cours des trois mois
qui sépareront MM. Messager et Broussan de 1
la fin de l'année, les directeurs de l'Opéra trou-
vent le temps- matériel de réaliser les projeta
annoncés pour l'an 1908. Je ne pense pas non
plus que l'attitude qu'ils ont jusqu'alors adoptée
leur porte bonheur dans la suite. ,Elle' est us -
défi constant à la tolérance maintenant exagéréi
des musiciens et des contribuables.
L. VUILLEMIN.
THÉÂTRE RÉJANE
Madame Sans-Gène
Pièce en quatre actes, dont un prologue, de V. Sardou et E. M or eau
Pour le sommaire de Madame Sans-
Gêne, je renvoie le lecteur aux nombreux
comptes rendus qui ont paru dans tous
les journaux, lors de la première et des
reprises; ce serait lui faire injure Que de
ne pas le renvoyer surtout à sés propres
souvenirs.
Aussi bien l'occasion qui nous est of-
ferte par Comœdia de publier notre pen-
sée est trop rare pour que je ne me ré-
jouisse pas de pouvoir aborder la critique
de la pièce sans autre préambule. Sardou
est l'auteur le plus considérable et le plus
considéré parmi les contemporains; il a su
avec de très gros succès ponulaires plaire
aux délicats et à l'Académie, ce qui est
toujours un rare mérite. Je suis heureux
que, dans l'ensemble de son œuvre, ce soit
précisément de Madame Sans-Gêne dont
j'ai à m'occuper. Il paraît toujours pué-
ril et parfois envieux de la part d'un
jeune de s'attaquer à des gloires solides et
de déclarer, non sans prétention quelque
peu ridicule, que tel grand auteur drama-
tique n'a pas de talent.
En vérité, je me fus trouvé fort mal à
l'aise dans l'appréciation d'un grand drame
en a, Théodora, Fédora et autres sorciè-
res. Ces grands drames ont rarement ému
et quelquefois fait sourire la jeune géné-
ration peu respectueuse des admirations de
sa devancière, et plus difficile sur les res-
sorts dramatiques des pièces de théâtre. Je
me serais gardé toutefois de les iuger dé-
finitivement avec un haussement d'épau-
les: tels qu'ils sont, ces drames contien-
nent l'admirable talent de Sardou. Cons-
truits avec une habileté spontanée, sans la-
beur. mais étonnante, ils révèlent, en ou-
tre, que leur auteur est un psychologue
profond.
Que nul ne s'étonne! La psychologie de
Sardou n'est pas dans ses personnages; elle
est dans sa merveilleuse compréhension du
public à qui Ja pièce est destinée. Cette
âme du public, l'auteur de Madame Sans-
Gêne en connaît toutes les qualités, toue
les défauts, tous les points faibieg. Il^n'f 3
jamais cherché à la manier, il .s'est tou- -
jours laissé manier par elle. Peiu-être Sar- ?
dou aurait-il pu, lui aussi, faire vivre des ;
hommes sur la scène, et construire un ;
drame sur le seul conflit logique des pas-
sions. Il ne l'a pas voulu parce qu'il est
avant tout un charmeur et que son unique
souci - combien justifié' d'ailleurs -- est
de plaire.
Ceci n'est pas un hors-d'oeuvre h ITUI
critique; je suis en plein dans mon sujet
Madame Sans-Gêne restera comme le type
de ces sortes de pièces où un honrne je
grand talent s'est entièrement livré à see
spectateurs, au lieu de les appeler 5 lui.
Toutes les concessions qu'ils demanUaient,
à son génie, il les a faites avec une sou- .,
riante bonne grâce, avec une inaltérable
belle humeur. Il a même pris goût à ce *
rôle d'amuseur, et s'est amusé lui-i ême.
Il a amusé aussi les adversaires k s piaf
acharnés de son théâtre, et je défie qui que
ce soit d'assister à une représentatif Je
Madame Sans-Gêne sans être vraiment in-
téressé.
Les épisodes sont toujours rapides ei
le récill qui est un élément indispensable ef
souvent ennuyeux de la pièce historique
est toujours alerte et plaisant. Chaque scè-
ne de la pièce est une petite pièce elle-
même, qui, jouée seule, aurait encore son
charme et son intérêt propre. Tout ce,qu'il
y a dans ces scènes de préparations poui <
les actes suivants est habilement dissi-
mulé. Les personnages sont mieux com-
pris dans leur fantaisie que dans un ca-
ractère d'observation; une fois leur psy-
chologie fantaisiste admise, ils restent tlo- -
giques avec eux-mêmes; superficiels à l'e&.:;
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