Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-06
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 juin 1908 06 juin 1908
Description : 1908/06/06 (A2,N250). 1908/06/06 (A2,N250).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646634p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
-4 L' -
Année. N° 250 (Quotldien'-
ï* Nwpéro : centimes
1
^Samedi 6Julnl908
COMŒDIA
j Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
P. Boulevard Poissonnière, PARIS.
TÉLÉPHONE: 288-07
adresse Télégraphique : COMfEDlA.PARISt--
ABONNEMENTS :
UN AN e MOIS
fp;ris et Départements 24 fr. 12 fr.
fJËtranger. 40 » 20 »
,V:>R RÉDACTION & ADMINISTRATION :
-27, Boulevard Poissonnière, PAJÏI8
1 TÉLÉPHONE : 288-07 I l. :
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ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements ; 24 fr. 12 fr.
Ëtranger. 40 » 20 »
"AVENTURES DE BETTINE
Un compagnon
d'esclavage
rAu souper de M. de Montmolin, la
comédienne Bettine, retour de captivité
tehez les Barbaresques, poursuivit ainsi
3e récit de ses aventures :
« — Lorsque le vieil Ibrahim eût as-
souvi à la fois sa soif de vengeance et
ea lubricité, je fus reléguée parmi les es-
claves domestiques, et astreinte aux plus
Murs travaux. Ces mains que vous voyez
Iont écrasé le blé, lavé le linge d'e ces
barbares et fait mille besognes que je
iIl'ose même dire. Mais, dans ma dé-
tresse, il me vint une consolation. Dès
de premier moment, je remarquai parmi
mes compagnons de souffrance un jeune
liomme fort bien fait et de bone mine,
ten qui j'eus peu après la joie de recon-
naître un compatriote. Il m'aborda dans
jima langue, et me dit, avec un air de ga'
lanterie du meilleur ton:
« - Quoi, ces sauvages ont osé mettre
tfen doute votre haute naissance? Les
misérables ne vous ont donc pas regar-
idée?
« Au premier moment, je crus qu'il
boulait se moquer, et je répondis du
'même air:
« — Que m'importe leur erreur ! Elle
t'empêchera point que je ne sois fille
Ide roi en Castille, sultane à Constanti-
Inople, impératrice à Rome!
« — J'entends, dit-il, vous êtes comé-
dienne.
« Je vis que j'avais affaire à un homme
3e bonne compagnie, et je me laissai
aller entièrement au plaisir de causer
lvec quelqu'un qui parlait la même lan-
gue que mol. Il m'apprit qu'il se nom-
mait Régnard, qu'il avait hérité de son
lpère un bien considérable, et que, se
sentant attiré par le théâtre, non comme
iacteur il est vrai, mais comme auteur, il
savait cru bon de voir le monde avant
(l'écrire. Il avait parcouru une moitié
ije l'Europe, lorsque le hasard d'une
partie de jeu le mit en relation avec une
femme charmante, provençale et mariée,
|dont il s'éprit aussitôt passionnément.
four la suivre, il avait pris passage sur
)une frégate anglaise qui avait été captu-
rée par les pirates comme la galère du
roi, et depuis plusieurs mois. il était l'es-
clave d'IbrahiLm, tandis que sa belle Pro-
vençale avait été retenue pour le harem
klu dey. En me parlant d'elle il maudis-
sait la destinée, il maudissait l'amour, il
maudissait plus encore la passion du jeu
Bans la Quelle rien ne lui serait arrivé.
« — Ah! s'écriait-il, si je sors d'ici,
)e vous dis que je ferai une tragédie ou
une comédie contre le jeu. Il faudra que
j'écrive ce que j'ai sur le cœur.
« Ibramm, qui faisait métier de spécu-
er sur les captifs dont on attendait une
grosse rançon, avait acheté l'amoureux
Régnard, et en attendant qu'il lui vînt
des fonds, il l'employait à la cuisine pour
laquelle le jeune homme avait quelque
talent, et le louait comme ouvrier peintre
fcux propriétaires de navires, car il savait
toianier le pinceau.
« Né dans l'opulence, habitué a la vie
la plus heureuse, il ne s'apercevait même
jpas de ses souffrances. Il ne songeait qu'à
ocelles de la Provençale, et, en pensant
.à ce que le dey avait pu exiger d'elle,
Iii serrait les poings et grinçait des dents.
J'aurais pu le renseigner fort proprement
'sur la façon dont les femmes sont trai-
tées en ce pays, mais il était trop à plain-
dre, et j'insinuai qu'il se trouvait aussi
iparmi les Algériens des hommes capa-
bles de respecter la vertu et d'honorer
île malheur.
« - Ah! si je pouvais vous troire,
fc'écria-t-il en me saisissant les mains.
« — Il faut me croire, répondis-je avec
frorce. Il me suffit de vous regarder pour
jêtre sûr que le ciel ne peut s'acharner
japrès vous. Vous retrouverez votre Pro-
vençale comme vous l'avez laissée et
liVous serez heureux dans ses bras.
! « A cette promesse, il ne put se te-
rnir de porter ma main à ses lèvres, et
tje sentis des larmes couler sur mes
Doigts.
:' Ceci se passait dans un réduit de l'ha-
jbitation, où nous nous étions glissés pour
Pouvoir causer sans témoins, et où nous
n'étions éclairés que par la lumière de la
Hune.
« Quand il releva la tête, il me dévi-
sagea longuement, puis d'une voix très
rendre :
« — Oh! comme vous êtes bonne!
Vous êtes bonne comme elle. Vous lui
ressemblez. Votre voix est aussi douce
que la sienne. Pardonnez à mon égoïs-
me, mais je remercie le Ciel de vous
avoir placée sur mon chemin. Nous par-
lerons d'elle souvent. Voulez-vous? Sa-
vez-vous qu'au moment où nous fûmes
attaqués, j'allais être heureux et que.
Maintenant je suis séparé d'elle peut-être
Pour toujours sans en avoir rien obtenu
*ïue des serments et quelques chastes
baisers! Et penser que le dey Hassan!.
« Je lui mis la main sur la bouche
Pour arrêter ces paroles trop cruelles
Pour son amour. Il me remercia de ce
Ile8te qu'il comprit, puis il me demanda
e. lui parler de moi, et je fis en ayant
sOIn de lui cacher de mon sort tout ce
iqui aurait pu l'inquiéter de la belle Pro-
vençale.
: « Que vous dirai-je. Une grande' l'ar-
je de la nuit s'écoula dans ces confi-
ances. La sympathie naît vite en pareil
,tas. A force d'unir nos larmes*, nous
nous étions singulièrement rapproches,
et, puisque j'ai promis de vous conter
mon histoire sans détour, je vous avoue-
rai que l'aurore nous trouva dans les
bras l'un de l'autre, mêlant nos trans-
ports et oubliant presque le lieu où nous
étions, notre captivité et tous nos mal-
heurs. »
A ce moment du récit, il y eut des
interruptions quelque peu ironiques :
, - Vous êtes une bonne âme, made-
moiselle, dit une dame.
— Pauvre Provençale, fit une autre.
Mais Bettine répliqua sans se trou-
bler :
— Qu'eussiez-vous fait à ma place?
Quoi, vous auriez laissé un compatriote
se mourir de chagrin sans lui donner la
seule consolation qui fût en votre pou-
voir ! Quel tort faisions-nous à la Pro-
vençale. A sa place, j'eusse été recon-
naissante à celle qui aurait fait oublier
à mon amant à quels outrages j'étais ex-
posée.
— Mais votre dévouement vous coûta
fort, sans doute? dit une autre railleuse.
— Point, avoua Bettine, il me fut
très agréable. Croyez-moi, quand de-
puis une semaine on fut la victime de
brutaux qui ne perdirent pas de temps
à demander ce qu'ils pouvaient prendre.
on éprouve une grande satisfaction à
exaucer la prière de quelqu'un qui ne
vous veut tenir que de votre bonne vo-
lonté et se croit très honoré de la faveur
grande
Les convives masculins approuvè-
rent. Les dames ne dirent plus rien.
Peut-être faisaient-elles un retour sur
elles-mêmes et se demandaient-elles de
quoi elles eussent été capables, dans la
situation de Bettine.
M. Racine questionna:
— Et que devint ce jeune homme, ce
Richard ou Renard, ou je ne sais com-
ment vous avez dit? ,
— Régnard, monsieur. Hélas! je l'i-
gnore, car nous ne tardâmes pas à être
séparés de la façon la plus cruelle.
- En vérité! comment cela put-il se
faire?
- Par l'astuce et la méchanceté des
femmes d'Ibrahim. Figurez-vous que ces
mégères, aussi captives que flous-mêmes
leurs esclaves, et unies à un homme déjà
vieux qui n'était guère en état de calmer
leurs ardeurs, avaient toutes trois jets
les yeux sur- mon pauvre compagnon.
Lui, fidèle à sa Provençale, et sachant ce
qu'il risquait s'il était surpris en liaison
coupable avec une Algérienne, s'était
gardé de répondre à leurs avances. Il
avait une excuse, elles n'étaient pas des
plus jolies ni des plus jeunes. Sa froi-
deur les avait mises en rage. Que fût-ce
lorsqu'elles découvrirent que ce qu'il
leur refusait, il me le prodiguait. Elles
imaginèrent alors une vengeance af-
freuse, digne, monsieur Racine, de votre
Néron. ou de votre Agrippine, et je ne
serais point surprise lorsque je vous l'au-
rai dite que vous en fassiez un jour une
tragédie.
- Voyons, dit M. Racine, si vous ef-
facerez Tacite ou Plutarque.
Paul DOLLFUS.
Rira bien.
Depuis que nous avons signalé la triste
situation faite aux étrangers dans nos théâ-
tres parisiens, situation qui rappelle à s'y
méprendre celle des naufragés du radeau de
La Méduse, c'est chaque jour que l'on nous
signale les tristes aventures qui découragent
les plus audacieux de ces explorateurs.
Hier encore, un de nos amis repêchait,
aux Variétés, un infortuné lot d'Anglais qui
se mouvait, découragé, entre la double énig-
me de deux bureaux de location, Au deuxiè-
me bureau on refusait d'engager lé moindre
pourparler concernant les fauteuils d'orches-
tre. Au premier bureau, clostration hermé-
tique : la demoiselle téléphonait, et, quand
la demoiselle téléphone, elle aime à ce qu'on
la laisse tranquille. Sans doute, sommes-
nous les premiers à la comprendre, mais les
Anglais, eux, n'y comprenaient rien.
Tout cela, évidemment, est fort amusant et
peut fournir d'utiles scènes à nos revues de
fin d'année. Une dernière scène seule sera
peut-être un jour moins goûtée par nos di-
recteurs parisiens: ce sera celle où l'on re-
présentera un nouveau théâtre, conçu pour
le plus grand plaisir des étrangers, et que
quelque impresario exotique installera peut-
être au beau milieu de notre ville.
Je sais bien que ce jour-là il n'y aura
pas assez d'épithètes pour flétrir l'invasion
de ces « marchands de conserves de' Chi-
cago », et que l'on annoncera la décadence
définitive de l'Art français. Seulement, au
bout de quelques semaines quand les meil-
leurs artistes de Paris seront engagés,' quand
les meilleures pièces de notre répertoire se-
ront jouées, qu'il n'y aura plus, grâce aux
scènes tournantes, ni entr'actes, ni attente
interminable au début du spectacle, que l'on
pourra circuler en toute liberté dans des dé-
pendances bien aménagées, sans être assailli
par une armée de mendiants, ce jour-là,
quand le grand public s'entassera dans ledit
théâtre, vous verrez que les directeurs af-
folés des scènes anciennes s'efforceront
alors, mais trop tard, de perf ectionner leuts
établissements et de fournir des interprètes
de valeur non seulement sur les planches,
mais aussi à la porte des théâtres. Seule-
ment, aussi, ce jour-là, suivant la forte pa-
role des employés du Métropolitain, il sera
« trop tard
G. DE PAWLOWSKL.
Échos
Ce soir, à huit heures un quart, au
théâtre de l'Œuvre (salle Femina), répéti-
tion générale de Vœ Victis, pièce en trois
actes et quatre tableaux, de Mlle M. Du-
terme; Les Amours d'Uyide, comédie en
deux actes en vers, de MM.. Mouézy-Eon,
Auzanet et Far al, musqué de scène, de M.
Henri Moreau-Febvre.
A
la générale" d'A moUreuse, une de nos
pensionnaires les plus aimables de la
Comédie critiquait assez vertement Mlle Le-
comte. Pourquoi ce peu d'indulgence en,. la
bouche de cette excellente camarade? C'est
que le rôle principal de l'oeuvre de M. de. Por-
to-Riche lui avait été distribué puis retiré.
Inde fureur, jalousie, colère. aussi est-il
question de faire interpréter à cette nou-
velleAristarque - qui, dans l'espoir d'être
nommée sociétaire, tient à jouer du Molière
4— non pas Célimène, comme cela est an-
noncé depuis longtemps, mais un pastiche
d'une pièce classique due à un de nos plus
brillants auteurs, pièce qui aurait pour ti-
tre Le Dépit dA moureuse.
u
ne- belle représentation.
Le procès intenté par MM. Messager
et Broussan à MM. Pierre Veber et Gor-
don-Bennett, directeur du New-York He-
rald, viendra à bref délai devant la première
chambre du Tribunal civil. Il sera plaidé,
pour MM. Messager et Broussan, par Me
Millerand, qui, on le sait, prit une large
part à leur nomination; et, de l'autre côté,
par Me Charles Philippe pour M. Pierre Ve-
ber, et par Me Barboux, de l'Académie fran-
çaise, et un des plus anciens abonnés de
l'Opéra, pour M. Gordon-Bennett et le
New-York Herald.
Ce jour-là MM. Messager et Broussan
feront le maximum.
L
es nombreux vols de bijoux commis ré-
cemment ont effrayé beaucoup d'ar-
tistes qui se sont empressées de les vendre
à Dusausov, expert, 4, boulevard des Ita-
liens, qui leur a payé très cher. Grand choix
d'occasions.
B
ataille de dames.
Elle a eu lieu il y a quelques jours
dans un de nos plus charmants théâtres d'à-
côté qui a connu jadis des jours heureux.
Au firmament de ce théâtre brillaient deux
étoiles; c'était trop! A cause d'une ré-
flexion qui ne plut pas à l'une de ces da-
mes, il y eut d'abord échange de mots ai-
gre-doux, puis tout à coup une brune co-
médienne, aussi brune que jolie, appliqua
une retentissante gifle sur la joue de son
ex-camarade.
Et voilà pourquoi le lendemain on ne put
jouer dans cette coquette salle la revue ha-
bituelle: l'exquise' artiste, et sa sœur, une
amusante danseuse anglaise qui porte le
nom d'un maréchal célèbre, ayant abandon-
né leurs rôles.
s
i bon nombre de nos belles-artistes ont
leurs petites superstitions, la grande
mondaine a aussi la sienne; aussi ne sorti-
rait-elle jamais de son boudoir sans avoir
vaporisé, sur ses dentelles, quelques gouttes
de Solange, cette exquise création de Gellé
frères.
, '-
1
e sais, au fond de la Bretagne, un vieux
moulin abandonne dont les ailes, inac-
ures désormais, projettent, sur la IandëT
l'ombre de leur squelette. Les femmes et
les enfants, lorsque la nuit tombe, s'en
écartent peureusement, car il court sur les
derniers habitants de cette ruine des his-
toires lugubres.
Je sais aussi un autre moulin, c'est place
Blanche, le Moulin-Rouge-Palace, établis-
sement sans rival dont les habitués se font
de jour en jour plus nombreux: on n'y
entend que des chansons joyeuses, le jar-
din rayonne de mille feux électriques, on
y soupe par tables. fleuries et son histoire
sera des plus joyeuses, à coup sûr.
Le Masque de Verre.
Nous publierons demain une chronique de
G-DE PAWLOWSKl
Le Chant du Départ
ou
LeDêpartdu Chant
•La nouvelle Direction *
ne sachant que faire
d'un artiste incomparable
M. Jean de Reszké
juge que sa place
n'est plus à l'Opéra
Eh bien! Dansez maintenant!
Nous connaissions depuis avant-hier 'la
nouvelle de la démission de M. Jean de
Reszké. L'éminent artiste qui.exerçait à l'O-
péra, depuis l'avènement de la direction
nouvelle, les fonctions de directeur des étu-
des musicales et plus spécialement vocales,
s'est en effet retiré définitivement. L évé-
nement est des plus importants, des plus si-
gnificatifs aussi.
Désireux de connaître les véritables rai-
sons de cette regrettable décision, nous
sommes allé les demander à M. Jean
de Reszké lui-même. Le célèbre chanteur,
avec la courtoisie et la bonne grâce qui lui
sont habituelles, n'a fait aucune difficulté
pour nous répondre :
— Je m'en vais, nous a-t-il déclaré, parce
que j'estime que, dans les conditions actuel-
les, ma présence à l'Opéra est totalement
inutile. Elle ne peut que nuire à ma répu-
tation. Jamais il ne m'a été donné de faire,
à l'Opéra, la-moindre besogne intéressante.
Je n'ai jamais assisté aux auditions d'artis-
tes; je n'ai jamais fait travailler personne.
N'ayant été consulté en aucune façon, m'é-
tarit vu refuser une responsabilité qu'il
m'eût été agréable d'assumer, j'ai jugé qu'il
était nécessaire, pour la sauvegarde de ma
dignité, de m'éloigner purement et simple-
ment. Je le fais, d'ailleurs, ajoute M. de
Reszké, et il me serait "agréable qu'on le
sût, sans aucune animosité contre M.
Messager, avec lequel ie reste en très bons
termes.
Je crois avoir fidèlement reproduit les
propres paroles du célèbre artiste. En le
quittant, je lui demandai incidemment si,
sur une démarche plus ou moins prompte
de MM. Messager et. Broussan, il consenti-
rait à revenir sur sa décision. La répons.e
de M. de Reszké fut immédiate et nette :
- Avec la combinaison actuelle, ¡am",! s !
répondit-il.
Je partis, sachant ce que je désirais sa-
voir. Ce que M. de Reszké ne m'a pas dit,
je crois l'avoir lu sur son visage, si fran-
chement expressif. Il est probable que l'é-
tat actuel de l'Opéra tente fort peu la col-
laboration de M. de Reszké. Il est probable
aussi qu'on n'eut point à son égard l'atti-
tude déférente qu'il est en droit d'exiger.
Le départ de M. Jean de Reszké est dé-
plorable à tous points de vue. C'est encore
une compétence universellement reconnue
qui s'en va; elle entraîne avec elle une for-
te part de considération et d'estime. C'est
doublement tant pis. ',' *
L. VUILLEMIN.
1 1
M. GRAND M. RAPHAEL DUFLOS Y MNE LECONTE*: i- IJÏÏPAUIXBOYER^T JBert.ïpbot.)^
'-.- -. -' , - .¡jJIa- - - - -. -- -
t - ^jiMOUREU.SE {Troisième .acte)!!
• - ,:.¡ '', 1.
COMÉDIE-FRANÇAISE
en trois actes,
A moureuse,, de M. Georges de Porto-Riche.
Voici de quoi satisfaire ceux qui pré-
tendent (non sans quelque raison, me sem-
ble-t-il) que la Comédie-Française n'est
point faite pour être uniquement une scè-
ne d'actualité, de combat, et surtout d'a-
vant-garde, mais qu'elle ..doit être aussi, et
même presque essentiellement, une sorte
de Musée préparant et assurant le réper-
toire des chefs-d'œuvre dramatiques. Dans
cette hypothèse, la .Maison de Molière se-
rait à la fois le Luxembourg et le Louvre.
Les pièces contemporaines consacrées par
un succès éclatant et indiscutable, y pren-
draient place, et y demeureraient dans l'at-
tente d'être proclamées classiques par l'ad-
miration fidèle de la postérité.
A figurer sur la cimaise de ce Musée.
peu de comédies ont plus de titres que
cette célèbre Amoureuse, et il convient de
rendre grâces à la décision qui lui a ren-
du pareil hommage. II faut même avouer
que, plus l'hommage fut tardif, plus il a
de prix, ouisque. ainsi, l'idée de Musée
évoque moins le Luxembourg que le
Louvre.
Amoureuse a été donnée au public pour-
la première fois, il y a quinze ans, et ce
fut alors un triomphe. Une grande reprise,
non moins victorieuse, confirma la solidité
de cette réussite. Des représentations sans.
nombre, un peu partout, ont ensuite dé-
montré qu'il ne s'agissait pas là d'un suc-
cès purement parisien, d'un engouement
tout passager, et que la force de la pièce,
résistant aux changements d'interprétation
et d'auditoire, avait sa valeur propre, in-
trinsèque, durable, impossible nier, fût-ce
par les critiques les plus misonéistes.
Les critiques n'avaient pas manqué, err
effet, précisément à cause dè la nouveauté
que manifestait l'œuvre. On avait trouvé
d'une audace excessive cette analyse plutôr
physiologique que psychologique, portée à
la lumière crue de la rampe, cette espèce
de vivisection in utero que certaines pu-
deurs jugeaient quelque peu cynique,.
D'aucuns s'étaient quasi-révoltés contre
l'étude, poussée à un tel point, d'un cas
si spécial, et qui leur paraissait relever
beaucoup moins du théâtre que de la clini-
que médicale, voire de la tératologie.
Mais ces critiques, comme de juste, n'a-
vaient servi qu'à aiguiser l'enthousiasme
des admirateurs. Ceux-ci, au reste,, étaient
forts de se sentir soutenus 'par le public
qui faisait fête à l'œuvre, à sa cruelle har-î
diesse, à son originalité. Les partons
d'Amoureuse eurent tôt fait de crier au
chef-d'œuvre absolu, et il s'en trouve
même pour comparer Porto-Riche à Ra-
cine et préférer le physiologue moderne
au classique psychologue.
De ces discussions, si la lumière ne jail.
lit pas tout à fait, un constat subsiste du
moins: c'est que l'auteur d'Amoureuse
avait ouvert, comme on dit, une voie nou-
velle, et que force auteurs l'y suivirent. E1
cela aussi, cela surtout, prouve sa puis-
sance.
En art, celui-là est quelqu'un, et celui-là
seul, qui découvre une source, en fait gi-
cler un jet d'eau, fût-ce un filet d'eau. Les
disciples, conscients ou non, qui s'y vien-
nent abreuver, ou approvisionner pour
abreuver le public, sont les vivants témoi-
gnages de sa 'maîtrise.
Et voilà pourquoi, aujourd'hui, cette
maîtrise constatée, établie définitivement,
il était légitime de lui ouvrir le Musée ot
son œuvre initiatrice et capitale avait 58
place marquée.
Qu'on aime à fond, ou seulement à de-
mi, l'audace de son invention, peu im-
porte! Qu'on puisse reprocher à cette au-
dace le silence paresseux où elle a, depuis
trop longtemps, semblé s'éteindre, soit! Le
fait suffit, qu'elle se soit manifestée, et im-
posée, pour qu'on lui tire avec respect un
grand coup de chapeau.
Et maintenant Qu'Amoureuse est au
répertoire .de la Comédie, souhaitons que ?
son purgatoire de Luxembourg n'y soit pas'
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"AVENTURES DE BETTINE
Un compagnon
d'esclavage
rAu souper de M. de Montmolin, la
comédienne Bettine, retour de captivité
tehez les Barbaresques, poursuivit ainsi
3e récit de ses aventures :
« — Lorsque le vieil Ibrahim eût as-
souvi à la fois sa soif de vengeance et
ea lubricité, je fus reléguée parmi les es-
claves domestiques, et astreinte aux plus
Murs travaux. Ces mains que vous voyez
Iont écrasé le blé, lavé le linge d'e ces
barbares et fait mille besognes que je
iIl'ose même dire. Mais, dans ma dé-
tresse, il me vint une consolation. Dès
de premier moment, je remarquai parmi
mes compagnons de souffrance un jeune
liomme fort bien fait et de bone mine,
ten qui j'eus peu après la joie de recon-
naître un compatriote. Il m'aborda dans
jima langue, et me dit, avec un air de ga'
lanterie du meilleur ton:
« - Quoi, ces sauvages ont osé mettre
tfen doute votre haute naissance? Les
misérables ne vous ont donc pas regar-
idée?
« Au premier moment, je crus qu'il
boulait se moquer, et je répondis du
'même air:
« — Que m'importe leur erreur ! Elle
t'empêchera point que je ne sois fille
Ide roi en Castille, sultane à Constanti-
Inople, impératrice à Rome!
« — J'entends, dit-il, vous êtes comé-
dienne.
« Je vis que j'avais affaire à un homme
3e bonne compagnie, et je me laissai
aller entièrement au plaisir de causer
lvec quelqu'un qui parlait la même lan-
gue que mol. Il m'apprit qu'il se nom-
mait Régnard, qu'il avait hérité de son
lpère un bien considérable, et que, se
sentant attiré par le théâtre, non comme
iacteur il est vrai, mais comme auteur, il
savait cru bon de voir le monde avant
(l'écrire. Il avait parcouru une moitié
ije l'Europe, lorsque le hasard d'une
partie de jeu le mit en relation avec une
femme charmante, provençale et mariée,
|dont il s'éprit aussitôt passionnément.
four la suivre, il avait pris passage sur
)une frégate anglaise qui avait été captu-
rée par les pirates comme la galère du
roi, et depuis plusieurs mois. il était l'es-
clave d'IbrahiLm, tandis que sa belle Pro-
vençale avait été retenue pour le harem
klu dey. En me parlant d'elle il maudis-
sait la destinée, il maudissait l'amour, il
maudissait plus encore la passion du jeu
Bans la Quelle rien ne lui serait arrivé.
« — Ah! s'écriait-il, si je sors d'ici,
)e vous dis que je ferai une tragédie ou
une comédie contre le jeu. Il faudra que
j'écrive ce que j'ai sur le cœur.
« Ibramm, qui faisait métier de spécu-
er sur les captifs dont on attendait une
grosse rançon, avait acheté l'amoureux
Régnard, et en attendant qu'il lui vînt
des fonds, il l'employait à la cuisine pour
laquelle le jeune homme avait quelque
talent, et le louait comme ouvrier peintre
fcux propriétaires de navires, car il savait
toianier le pinceau.
« Né dans l'opulence, habitué a la vie
la plus heureuse, il ne s'apercevait même
jpas de ses souffrances. Il ne songeait qu'à
ocelles de la Provençale, et, en pensant
.à ce que le dey avait pu exiger d'elle,
Iii serrait les poings et grinçait des dents.
J'aurais pu le renseigner fort proprement
'sur la façon dont les femmes sont trai-
tées en ce pays, mais il était trop à plain-
dre, et j'insinuai qu'il se trouvait aussi
iparmi les Algériens des hommes capa-
bles de respecter la vertu et d'honorer
île malheur.
« - Ah! si je pouvais vous troire,
fc'écria-t-il en me saisissant les mains.
« — Il faut me croire, répondis-je avec
frorce. Il me suffit de vous regarder pour
jêtre sûr que le ciel ne peut s'acharner
japrès vous. Vous retrouverez votre Pro-
vençale comme vous l'avez laissée et
liVous serez heureux dans ses bras.
! « A cette promesse, il ne put se te-
rnir de porter ma main à ses lèvres, et
tje sentis des larmes couler sur mes
Doigts.
:' Ceci se passait dans un réduit de l'ha-
jbitation, où nous nous étions glissés pour
Pouvoir causer sans témoins, et où nous
n'étions éclairés que par la lumière de la
Hune.
« Quand il releva la tête, il me dévi-
sagea longuement, puis d'une voix très
rendre :
« — Oh! comme vous êtes bonne!
Vous êtes bonne comme elle. Vous lui
ressemblez. Votre voix est aussi douce
que la sienne. Pardonnez à mon égoïs-
me, mais je remercie le Ciel de vous
avoir placée sur mon chemin. Nous par-
lerons d'elle souvent. Voulez-vous? Sa-
vez-vous qu'au moment où nous fûmes
attaqués, j'allais être heureux et que.
Maintenant je suis séparé d'elle peut-être
Pour toujours sans en avoir rien obtenu
*ïue des serments et quelques chastes
baisers! Et penser que le dey Hassan!.
« Je lui mis la main sur la bouche
Pour arrêter ces paroles trop cruelles
Pour son amour. Il me remercia de ce
Ile8te qu'il comprit, puis il me demanda
e. lui parler de moi, et je fis en ayant
sOIn de lui cacher de mon sort tout ce
iqui aurait pu l'inquiéter de la belle Pro-
vençale.
: « Que vous dirai-je. Une grande' l'ar-
je de la nuit s'écoula dans ces confi-
ances. La sympathie naît vite en pareil
,tas. A force d'unir nos larmes*, nous
nous étions singulièrement rapproches,
et, puisque j'ai promis de vous conter
mon histoire sans détour, je vous avoue-
rai que l'aurore nous trouva dans les
bras l'un de l'autre, mêlant nos trans-
ports et oubliant presque le lieu où nous
étions, notre captivité et tous nos mal-
heurs. »
A ce moment du récit, il y eut des
interruptions quelque peu ironiques :
, - Vous êtes une bonne âme, made-
moiselle, dit une dame.
— Pauvre Provençale, fit une autre.
Mais Bettine répliqua sans se trou-
bler :
— Qu'eussiez-vous fait à ma place?
Quoi, vous auriez laissé un compatriote
se mourir de chagrin sans lui donner la
seule consolation qui fût en votre pou-
voir ! Quel tort faisions-nous à la Pro-
vençale. A sa place, j'eusse été recon-
naissante à celle qui aurait fait oublier
à mon amant à quels outrages j'étais ex-
posée.
— Mais votre dévouement vous coûta
fort, sans doute? dit une autre railleuse.
— Point, avoua Bettine, il me fut
très agréable. Croyez-moi, quand de-
puis une semaine on fut la victime de
brutaux qui ne perdirent pas de temps
à demander ce qu'ils pouvaient prendre.
on éprouve une grande satisfaction à
exaucer la prière de quelqu'un qui ne
vous veut tenir que de votre bonne vo-
lonté et se croit très honoré de la faveur
grande
Les convives masculins approuvè-
rent. Les dames ne dirent plus rien.
Peut-être faisaient-elles un retour sur
elles-mêmes et se demandaient-elles de
quoi elles eussent été capables, dans la
situation de Bettine.
M. Racine questionna:
— Et que devint ce jeune homme, ce
Richard ou Renard, ou je ne sais com-
ment vous avez dit? ,
— Régnard, monsieur. Hélas! je l'i-
gnore, car nous ne tardâmes pas à être
séparés de la façon la plus cruelle.
- En vérité! comment cela put-il se
faire?
- Par l'astuce et la méchanceté des
femmes d'Ibrahim. Figurez-vous que ces
mégères, aussi captives que flous-mêmes
leurs esclaves, et unies à un homme déjà
vieux qui n'était guère en état de calmer
leurs ardeurs, avaient toutes trois jets
les yeux sur- mon pauvre compagnon.
Lui, fidèle à sa Provençale, et sachant ce
qu'il risquait s'il était surpris en liaison
coupable avec une Algérienne, s'était
gardé de répondre à leurs avances. Il
avait une excuse, elles n'étaient pas des
plus jolies ni des plus jeunes. Sa froi-
deur les avait mises en rage. Que fût-ce
lorsqu'elles découvrirent que ce qu'il
leur refusait, il me le prodiguait. Elles
imaginèrent alors une vengeance af-
freuse, digne, monsieur Racine, de votre
Néron. ou de votre Agrippine, et je ne
serais point surprise lorsque je vous l'au-
rai dite que vous en fassiez un jour une
tragédie.
- Voyons, dit M. Racine, si vous ef-
facerez Tacite ou Plutarque.
Paul DOLLFUS.
Rira bien.
Depuis que nous avons signalé la triste
situation faite aux étrangers dans nos théâ-
tres parisiens, situation qui rappelle à s'y
méprendre celle des naufragés du radeau de
La Méduse, c'est chaque jour que l'on nous
signale les tristes aventures qui découragent
les plus audacieux de ces explorateurs.
Hier encore, un de nos amis repêchait,
aux Variétés, un infortuné lot d'Anglais qui
se mouvait, découragé, entre la double énig-
me de deux bureaux de location, Au deuxiè-
me bureau on refusait d'engager lé moindre
pourparler concernant les fauteuils d'orches-
tre. Au premier bureau, clostration hermé-
tique : la demoiselle téléphonait, et, quand
la demoiselle téléphone, elle aime à ce qu'on
la laisse tranquille. Sans doute, sommes-
nous les premiers à la comprendre, mais les
Anglais, eux, n'y comprenaient rien.
Tout cela, évidemment, est fort amusant et
peut fournir d'utiles scènes à nos revues de
fin d'année. Une dernière scène seule sera
peut-être un jour moins goûtée par nos di-
recteurs parisiens: ce sera celle où l'on re-
présentera un nouveau théâtre, conçu pour
le plus grand plaisir des étrangers, et que
quelque impresario exotique installera peut-
être au beau milieu de notre ville.
Je sais bien que ce jour-là il n'y aura
pas assez d'épithètes pour flétrir l'invasion
de ces « marchands de conserves de' Chi-
cago », et que l'on annoncera la décadence
définitive de l'Art français. Seulement, au
bout de quelques semaines quand les meil-
leurs artistes de Paris seront engagés,' quand
les meilleures pièces de notre répertoire se-
ront jouées, qu'il n'y aura plus, grâce aux
scènes tournantes, ni entr'actes, ni attente
interminable au début du spectacle, que l'on
pourra circuler en toute liberté dans des dé-
pendances bien aménagées, sans être assailli
par une armée de mendiants, ce jour-là,
quand le grand public s'entassera dans ledit
théâtre, vous verrez que les directeurs af-
folés des scènes anciennes s'efforceront
alors, mais trop tard, de perf ectionner leuts
établissements et de fournir des interprètes
de valeur non seulement sur les planches,
mais aussi à la porte des théâtres. Seule-
ment, aussi, ce jour-là, suivant la forte pa-
role des employés du Métropolitain, il sera
« trop tard
G. DE PAWLOWSKL.
Échos
Ce soir, à huit heures un quart, au
théâtre de l'Œuvre (salle Femina), répéti-
tion générale de Vœ Victis, pièce en trois
actes et quatre tableaux, de Mlle M. Du-
terme; Les Amours d'Uyide, comédie en
deux actes en vers, de MM.. Mouézy-Eon,
Auzanet et Far al, musqué de scène, de M.
Henri Moreau-Febvre.
A
la générale" d'A moUreuse, une de nos
pensionnaires les plus aimables de la
Comédie critiquait assez vertement Mlle Le-
comte. Pourquoi ce peu d'indulgence en,. la
bouche de cette excellente camarade? C'est
que le rôle principal de l'oeuvre de M. de. Por-
to-Riche lui avait été distribué puis retiré.
Inde fureur, jalousie, colère. aussi est-il
question de faire interpréter à cette nou-
velleAristarque - qui, dans l'espoir d'être
nommée sociétaire, tient à jouer du Molière
4— non pas Célimène, comme cela est an-
noncé depuis longtemps, mais un pastiche
d'une pièce classique due à un de nos plus
brillants auteurs, pièce qui aurait pour ti-
tre Le Dépit dA moureuse.
u
ne- belle représentation.
Le procès intenté par MM. Messager
et Broussan à MM. Pierre Veber et Gor-
don-Bennett, directeur du New-York He-
rald, viendra à bref délai devant la première
chambre du Tribunal civil. Il sera plaidé,
pour MM. Messager et Broussan, par Me
Millerand, qui, on le sait, prit une large
part à leur nomination; et, de l'autre côté,
par Me Charles Philippe pour M. Pierre Ve-
ber, et par Me Barboux, de l'Académie fran-
çaise, et un des plus anciens abonnés de
l'Opéra, pour M. Gordon-Bennett et le
New-York Herald.
Ce jour-là MM. Messager et Broussan
feront le maximum.
L
es nombreux vols de bijoux commis ré-
cemment ont effrayé beaucoup d'ar-
tistes qui se sont empressées de les vendre
à Dusausov, expert, 4, boulevard des Ita-
liens, qui leur a payé très cher. Grand choix
d'occasions.
B
ataille de dames.
Elle a eu lieu il y a quelques jours
dans un de nos plus charmants théâtres d'à-
côté qui a connu jadis des jours heureux.
Au firmament de ce théâtre brillaient deux
étoiles; c'était trop! A cause d'une ré-
flexion qui ne plut pas à l'une de ces da-
mes, il y eut d'abord échange de mots ai-
gre-doux, puis tout à coup une brune co-
médienne, aussi brune que jolie, appliqua
une retentissante gifle sur la joue de son
ex-camarade.
Et voilà pourquoi le lendemain on ne put
jouer dans cette coquette salle la revue ha-
bituelle: l'exquise' artiste, et sa sœur, une
amusante danseuse anglaise qui porte le
nom d'un maréchal célèbre, ayant abandon-
né leurs rôles.
s
i bon nombre de nos belles-artistes ont
leurs petites superstitions, la grande
mondaine a aussi la sienne; aussi ne sorti-
rait-elle jamais de son boudoir sans avoir
vaporisé, sur ses dentelles, quelques gouttes
de Solange, cette exquise création de Gellé
frères.
, '-
1
e sais, au fond de la Bretagne, un vieux
moulin abandonne dont les ailes, inac-
ures désormais, projettent, sur la IandëT
l'ombre de leur squelette. Les femmes et
les enfants, lorsque la nuit tombe, s'en
écartent peureusement, car il court sur les
derniers habitants de cette ruine des his-
toires lugubres.
Je sais aussi un autre moulin, c'est place
Blanche, le Moulin-Rouge-Palace, établis-
sement sans rival dont les habitués se font
de jour en jour plus nombreux: on n'y
entend que des chansons joyeuses, le jar-
din rayonne de mille feux électriques, on
y soupe par tables. fleuries et son histoire
sera des plus joyeuses, à coup sûr.
Le Masque de Verre.
Nous publierons demain une chronique de
G-DE PAWLOWSKl
Le Chant du Départ
ou
LeDêpartdu Chant
•La nouvelle Direction *
ne sachant que faire
d'un artiste incomparable
M. Jean de Reszké
juge que sa place
n'est plus à l'Opéra
Eh bien! Dansez maintenant!
Nous connaissions depuis avant-hier 'la
nouvelle de la démission de M. Jean de
Reszké. L'éminent artiste qui.exerçait à l'O-
péra, depuis l'avènement de la direction
nouvelle, les fonctions de directeur des étu-
des musicales et plus spécialement vocales,
s'est en effet retiré définitivement. L évé-
nement est des plus importants, des plus si-
gnificatifs aussi.
Désireux de connaître les véritables rai-
sons de cette regrettable décision, nous
sommes allé les demander à M. Jean
de Reszké lui-même. Le célèbre chanteur,
avec la courtoisie et la bonne grâce qui lui
sont habituelles, n'a fait aucune difficulté
pour nous répondre :
— Je m'en vais, nous a-t-il déclaré, parce
que j'estime que, dans les conditions actuel-
les, ma présence à l'Opéra est totalement
inutile. Elle ne peut que nuire à ma répu-
tation. Jamais il ne m'a été donné de faire,
à l'Opéra, la-moindre besogne intéressante.
Je n'ai jamais assisté aux auditions d'artis-
tes; je n'ai jamais fait travailler personne.
N'ayant été consulté en aucune façon, m'é-
tarit vu refuser une responsabilité qu'il
m'eût été agréable d'assumer, j'ai jugé qu'il
était nécessaire, pour la sauvegarde de ma
dignité, de m'éloigner purement et simple-
ment. Je le fais, d'ailleurs, ajoute M. de
Reszké, et il me serait "agréable qu'on le
sût, sans aucune animosité contre M.
Messager, avec lequel ie reste en très bons
termes.
Je crois avoir fidèlement reproduit les
propres paroles du célèbre artiste. En le
quittant, je lui demandai incidemment si,
sur une démarche plus ou moins prompte
de MM. Messager et. Broussan, il consenti-
rait à revenir sur sa décision. La répons.e
de M. de Reszké fut immédiate et nette :
- Avec la combinaison actuelle, ¡am",! s !
répondit-il.
Je partis, sachant ce que je désirais sa-
voir. Ce que M. de Reszké ne m'a pas dit,
je crois l'avoir lu sur son visage, si fran-
chement expressif. Il est probable que l'é-
tat actuel de l'Opéra tente fort peu la col-
laboration de M. de Reszké. Il est probable
aussi qu'on n'eut point à son égard l'atti-
tude déférente qu'il est en droit d'exiger.
Le départ de M. Jean de Reszké est dé-
plorable à tous points de vue. C'est encore
une compétence universellement reconnue
qui s'en va; elle entraîne avec elle une for-
te part de considération et d'estime. C'est
doublement tant pis. ',' *
L. VUILLEMIN.
1 1
M. GRAND M. RAPHAEL DUFLOS Y MNE LECONTE*: i- IJÏÏPAUIXBOYER^T JBert.ïpbot.)^
'-.- -. -' , - .¡jJIa- - - - -. -- -
t - ^jiMOUREU.SE {Troisième .acte)!!
• - ,:.¡ '', 1.
COMÉDIE-FRANÇAISE
en trois actes,
A moureuse,, de M. Georges de Porto-Riche.
Voici de quoi satisfaire ceux qui pré-
tendent (non sans quelque raison, me sem-
ble-t-il) que la Comédie-Française n'est
point faite pour être uniquement une scè-
ne d'actualité, de combat, et surtout d'a-
vant-garde, mais qu'elle ..doit être aussi, et
même presque essentiellement, une sorte
de Musée préparant et assurant le réper-
toire des chefs-d'œuvre dramatiques. Dans
cette hypothèse, la .Maison de Molière se-
rait à la fois le Luxembourg et le Louvre.
Les pièces contemporaines consacrées par
un succès éclatant et indiscutable, y pren-
draient place, et y demeureraient dans l'at-
tente d'être proclamées classiques par l'ad-
miration fidèle de la postérité.
A figurer sur la cimaise de ce Musée.
peu de comédies ont plus de titres que
cette célèbre Amoureuse, et il convient de
rendre grâces à la décision qui lui a ren-
du pareil hommage. II faut même avouer
que, plus l'hommage fut tardif, plus il a
de prix, ouisque. ainsi, l'idée de Musée
évoque moins le Luxembourg que le
Louvre.
Amoureuse a été donnée au public pour-
la première fois, il y a quinze ans, et ce
fut alors un triomphe. Une grande reprise,
non moins victorieuse, confirma la solidité
de cette réussite. Des représentations sans.
nombre, un peu partout, ont ensuite dé-
montré qu'il ne s'agissait pas là d'un suc-
cès purement parisien, d'un engouement
tout passager, et que la force de la pièce,
résistant aux changements d'interprétation
et d'auditoire, avait sa valeur propre, in-
trinsèque, durable, impossible nier, fût-ce
par les critiques les plus misonéistes.
Les critiques n'avaient pas manqué, err
effet, précisément à cause dè la nouveauté
que manifestait l'œuvre. On avait trouvé
d'une audace excessive cette analyse plutôr
physiologique que psychologique, portée à
la lumière crue de la rampe, cette espèce
de vivisection in utero que certaines pu-
deurs jugeaient quelque peu cynique,.
D'aucuns s'étaient quasi-révoltés contre
l'étude, poussée à un tel point, d'un cas
si spécial, et qui leur paraissait relever
beaucoup moins du théâtre que de la clini-
que médicale, voire de la tératologie.
Mais ces critiques, comme de juste, n'a-
vaient servi qu'à aiguiser l'enthousiasme
des admirateurs. Ceux-ci, au reste,, étaient
forts de se sentir soutenus 'par le public
qui faisait fête à l'œuvre, à sa cruelle har-î
diesse, à son originalité. Les partons
d'Amoureuse eurent tôt fait de crier au
chef-d'œuvre absolu, et il s'en trouve
même pour comparer Porto-Riche à Ra-
cine et préférer le physiologue moderne
au classique psychologue.
De ces discussions, si la lumière ne jail.
lit pas tout à fait, un constat subsiste du
moins: c'est que l'auteur d'Amoureuse
avait ouvert, comme on dit, une voie nou-
velle, et que force auteurs l'y suivirent. E1
cela aussi, cela surtout, prouve sa puis-
sance.
En art, celui-là est quelqu'un, et celui-là
seul, qui découvre une source, en fait gi-
cler un jet d'eau, fût-ce un filet d'eau. Les
disciples, conscients ou non, qui s'y vien-
nent abreuver, ou approvisionner pour
abreuver le public, sont les vivants témoi-
gnages de sa 'maîtrise.
Et voilà pourquoi, aujourd'hui, cette
maîtrise constatée, établie définitivement,
il était légitime de lui ouvrir le Musée ot
son œuvre initiatrice et capitale avait 58
place marquée.
Qu'on aime à fond, ou seulement à de-
mi, l'audace de son invention, peu im-
porte! Qu'on puisse reprocher à cette au-
dace le silence paresseux où elle a, depuis
trop longtemps, semblé s'éteindre, soit! Le
fait suffit, qu'elle se soit manifestée, et im-
posée, pour qu'on lui tire avec respect un
grand coup de chapeau.
Et maintenant Qu'Amoureuse est au
répertoire .de la Comédie, souhaitons que ?
son purgatoire de Luxembourg n'y soit pas'
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