Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-02
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 juin 1908 02 juin 1908
Description : 1908/06/02 (A2,N246). 1908/06/02 (A2,N246).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76466301
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2e Année. — N° 3 *£ (Quotidien) Í4Numffll:; t:fFI1!" 1
Mardi 2 Juiti 1908.
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS.
TÉLÉPHONE : 288-07
adresse Télégraphique : COMQEDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 34 fr. 12 fr.
Étranger. 40 D 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS-
TÉLÉPHONE : 288-OT
Adresse Télégraphique : COMŒDlA=PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 ÎV0I3
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » ::, Û n'
Ceci posé.
J'ai dit l'autre jour mon avis sincère,
au sujet de la commission des auteurs. Je
suis d'avis qu'on la supprime, et qu'on
la remplace par un directeur appointé.
Mais, ceci posé, et vu cette considéra-
tion que l'on ne m'écoutera pas, je re-
connais que la commission peut faire de
la meilleure besogne que ce qu'elle nous
a montré pendant ces quelques dernières
années.
Je n'hésite pas d'ailleurs à déclarer
que j'ai voté l'approbation du rapport à
la dernière assemblée. J'aurais volontiers
prêté la main au renversement de la
commission, si on m'avait permis de ne
pas en nommer une autre à la place.
Mais comme personne ne nous avait fait
-cette promesse, je me suis cramponné en
désespéré au cou de notre cheval bor-
gne.
J'ajoute que j'ai voté l'approbation du
rapport parce que je l'approuvais, ce qui
est encore une raison.
J'ai beaucoup-de sympathies pour les
gens qui sont à la tête du syndicat. Je ne
puis oublier que Gabriel Trarieux et
Charles Simon furent mes défenseurs
dans des instants critiques. Je dis cela
sans solennité spéciale et sans larmes
dans les yeux (je n'ai pas le don des
larmes). N'empêche cependant que j'ai
entendu à ces moments-là quelques pa-
roles, dont la justesse autant que la jus-
tice m'ont touché, et je ne les oublierai
pas de sitôt, alors que les imprécations
sonores de certains sociétaires n'ont plus
que de vagues échos dans mon souvenir.
Je suis donc tout disposé, en principe,
à augmenter à l'occasion, le total des voix
du Syndicat de ma modeste et libre voix.
Mais il m'a semblé que, pour son début,
il avait choisi un mauvais terrain de dis-
cussion.
Mon avis, à moi, est que la décision
de la commission, relative au billet de
faveur, méritait surtout des éloges. Cette
mesure n'a d'ailleurs pas été parfaite-
ment défendue par ceux qui l'avaient
adoptée.
Les raisons exposées dans le rapport
de Gaston Caillavet n'étaient pas très
wUiivaliivaui^o. w Ou ~VliU'" par flii isnt
Én Omettant que le quart seulement de
ce nombre de personnes paient leurs pla-
ces, ce serait une somme de tant qui ren-
trerait dans la caisse des théâtres ». Rien
n'autorise à admettre que le quart de ce
nombre de persônnes paieraient leurs
places. Ce sont, me disait quelqu'un
fort justement, des raisonnements de
prospectus pour émissions financières.
Albert Carré n'a pas donné, lui non
plus, d'excellentes raisons en faveur de
la mesure nouvelle. Gavault a été plus
net, mais il n'a pas dit tout ce que nous
attendions.
Aussi, les adversaires du nouveau
traité avaient-ils beau jeu.
On a crié aux membres de la commis-
sion: « C'est l'histoire des répétitions
générales qui recommence ! Vous défe-
rez dans six mois ce que vous avez fait
aujourd'hui ».
Les gens qui ont parlé de cette vieiHe
affaire avaient dû se rappeler que la sup-
pression des répétitions avait été votée
par l'assemblée générale, et que c'était
un mauvais précédent à invoquer par
ceux qui désirent voir tous les sociétai-
res participer à certains travaux de la
commission.
Les arguments de Max Maurey étaient
plus sérieux.
« Certains théâtres ont absolument be-
soin du billet de faveur comme d'un
moyen de publicité. L'emploi intelligent
;'du billet de faveur est absolument néces-
saire à l'exploitation théâtrale. »
Mais cela, nous le savions tous. Evi-
demment, l'emploi intelligent du-billet de
faveur a donné et peut donner d'excel-
lents résultats. Mais le billet de faveur
est-il toujours distribué intelligemment?
Quand une pièce ne marche pas, l'au-
feur a toujours des raisons de croire qu'il
^eri sera de son œuvre comme de Faust, de
Carmen, des Cloches de Corneville, qui
se sont relevés après un mauvais départ.
(Exemples extrêmement rares et bien fu-
nestes. C'est ainsi que jadis je me suis
consolé, avec beaucoup d'autres candi-
dats, d'un échec à la Sorbonne, en me
disant qu'Emile Zola avait été refusé au
bachot)
L'auteur va donc trouver le directeur,
et se plaint de voir le théâtre aux trois
quarts vide. La pièce ne peut pas faire
d'effet: il faut remplir la salle. Le di-
recteur appelle son secrétaire général,
qui s'adresse lui-même à un vieil em-
ployé de soixante-dix-neuf ans. Ce der-
nier, de ses mains tremblantes, sème à
travers la ville des panerées de billets
gratuits, dégoûte les Parisiens de ce plai-
sir facile, répand dans les âmes des fer-
vents de théâtre cette idée dangereuse,
destructive, toxique, que les places de
théâtre ne doivent rien coûter.
On a crié l'autre jour: « Vous avez
supprimé les billets de faveur. Vous les
rétablirez dans six mois ».
Et puis après? C'est possible. C'est
même probable. Je compte bien qu'on les
rétablira. Mais j'espère qu'à l'emploi ac-
tuel du billet de faveur, à cet emploi
absurde et sans contrôle, on substituera
un procédé intelligent, comme le de-
mande Maurey, une façon prudente et
judicieuse d'ouvrir les théâtres à des mil-
ers de personnes, étudiants, petits em-
ployés, qui sans danger, combleront uti-
lement les vides.
Les auteurs dramatiques ne sont pas
tant que ça des- hommes d'argent. J'ai
déjà essayé d'expliquer ici pourquoi ils
se donnent souvent pour plus intéressés
qu'ils ne sont. Au fond, ce sont des ama-
teurs de succès, et le succès matériel leur
plaît moins par les avantages qu'il leur
procure que parce qu'il est la consécra-
tion du succès moral. Il y en a parmi eux
de fort habiles, et qui tirent un excellent
parti de ce qu'ils produisent. Mais chez
ceux-là mêmes, dont on peut dire: « La
roublardise en affaires, c'est leur fort »,
la vanité littéraire ne cesse jamais d'être
leur faible. Elle est plus ou moins justi-
fiée; ce n'est pas là la question. L'im-
portant à constater, c'est que cette vanité
existe. Ce que nous demandons, c'est
qu'on voie nos pièces, et même que
beaucoup de gens les voient à l'œil. Seu-
lement, sous prétexte de montrer nos
ours, que nous jugeons admirables, n'ha-
bituons pas les gens à venir au théâtre
pour rien. C'est très louable, à notre
point de vue, de faire des efforts déses-
pérés pour lutter contre la mauvaise for-
tune d'une pièce. Mais si, pour arriver
ou tâcher d'arriver à notre but, nous
« gâtons le métier »,' n'est-ce pas le rôle
de la Société des Auteurs d'intervenir. Et
il me semble que c'est ce qu'elle a es-
sayé de faire en prenant cette mesure
draconienne, mais nécessaire : la sup-
pression des billets de faveur.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain une chronique de
FÉLIX GALIPAUX -
Le Métro anonyme
Dans le musée fort complet des absurdi-
tés administratives que nous offrons à l'ad-
miration de nos visiteurs étrangers, il en
est une qui passe inaperçue pour tous les
Parisiens, et qui plonge cependant les
étrangers dans le plus noir découragement.
Je veux parler de la façon dont sont in-
diqués les noms des stations du Métropoli-
tain. L'étranger confiant, à qui le portier de
l'hôtel a expliqué qu'en sortant de la Gaîté-
Lyrique, par exemple, il lui suffirait de
prendre le Métro à Réaumur, s'en va le soir
au théâtre, tranquille, après avoir inscrit ce
!pnxpipnp.mp.nt. sur son petit carnet
En sortant de la Gaité, au hasard des pe-
tites ruelles, sur les indications bénévoles
de quelque agent, il trouve enfin une pre-
mière station de notre excellent chemin de
fer urbain. Est-ce Réaumur? Il lève les
yeux et regarde le nom de la station: Mé-
tropolitain. Non, ce n'est pas cela, et il re-
prend sa course dans les rues voisines.
Bientôt il découvre enfin une nouvelle
station; est-ce Réaumur cette tois fi Il re-
garde encore.. Non, c'est touiours Métropo-
litain. L'administration centrale peut-être?
Ce n'est que lorsqu'il s'assied, découra-
gé, vers six heures du matin, sur le bord
du trottoir, cours de Vincennes ou place
d'Italie, que le jour commence à se faire
dans son cerveau. Non, évidemment, il est
impossible qu'il y ait autant de stations à
Paris portant le même nom, et l'indication
véritable doit être autre part.
C'est alors qu'il s'avise de descendre
dans les sous-sols et que, là, entre deux an-
nonces, il découvre enfin le nom de la sta-
tion. Si c'est celle-là qu'il cherche, tout y a
bien. Si ce n'est pas cela, il n'a plus qu'à
suivre au hasard des rues chaque ligne du
Métro pour prendre un billet à chaque sta-
tion, et à descendre à l'intérieur voir, si par
hasard ce ne serait pas enfin là.
Il faut être franc, même lorsque notre
orgueil national est en jeu: eh bien!
avouons-le nettement, ce système-là n'est
point le plus pratique, et celui qui consiste-
rait à mettre le nom de la station à l'exté-
rieur aurait tout de même bien des avan-
tages.
G. DE PAWLOWSKl.
Échos
M
ark Twain et sa fille.
Miss Clara Clemens, la fille du cé-
lèbre humoriste américain, va faire ses dé-
buts en Europe, demain samedi, comme
chanteuse. Elle paraît au Queen's-Hall dans
un concert donné au profit de îa Société des
femmes américaines de Londres.
On lui a demandé pourquoi son père n'é-
tait pas venu avec elle. «Voyez-vous, répon-
dit-elle, pendant près de deux ans, ii m'a
accompagnée dans mes tournées en Amé-
rique: pendant tout le temps que je chan-
tais, c'était si clair qu'il attendait avec im-
patience que j'aie fini pour faire un dis-
cours, et les gens étaient si manifestement
impatients de l'entendre, que j'aime mieux
apparaître toute seule ».
L
e ton de la Maison.
Henry Becque, dont on inaugura.
hier, le monument, eut, on le sait, des dé-
mêlés âpres et nombreux avec M. Jules Cla-
retie qui, bien avant d'en réclamer à MM.
Mirbeau et Natanson, lui demanda souvent
des coupures.
Un jour, à une répétition des Honnêtes
Femmes, l'administrateur s'aperçut qu'un
des personnages féminins de la pièce par-
lait. occasionnellement, de boire un verre
de vin.
M. Claretie sursauta!
— Une femme! sur la scène du Théâtre-
Français! s'exprimer ainsi! Qu'elle dise au
moins: « Un verre de Marsala! »
L
e créateur de Boris Godounow.
Un célèbre baryton des théâtres im-
périaux de Saint-Pétersbourg et de Moscou
vient d'arriver à Paris: M. Korsoff, qui créa
Boris Godounow à Moscou il y a vingt ans.
M. Korsoff, doyen des chanteurs russes,
fut l'interprète préféré de Rubinstein et de
Tschaïkowsky ; ce dernier lui confia les
créations de ses principaux ouvrages: Ma-
zeppa, Opritchnik, Vakoala, le rôle du
prince dans L'Enchanteresse, celui du dia-
ble dans Le Forgeron, celui du comte
Tomski dans La Dame de Pique, son chef-
d'œuvre lyrique, celui du prince de Bour-
gogne dans Yolande.
On lui doit encore des créations impor-
tantes dans le Rakhmaninoft d'Ivanoff, et
d'Orio dans Cordelia, qu'écrivit le compo-
siteur Inlowieff sur le drame de Victorien
Sardou, La Haine.
M. Korsoff, qui est un ami de notre pavs
puisque - Mlle Lucette Korsoff, notre char-
mante étoile, réengagée tout dernièrement
par M. Albert Carré, est sa fille, et qu'il
fit jadis ses études de chant à Paris sous la
direction du professeur Delle Sedie, a/dû
ses derniers succès de théâtre à l'Henry
VIII de M. Saint-Saëns, que représentèrent
il y a quatre ans les théâtres impériaux.
Il professe d'ailleurs un culte pour l'il-
lustre maître, qu'il appelle le plus grand'
musicien actuel.
M. Korsoff était avant-hier à l'Opéra où
il applaudissait de grand cœur les admira-
bles interprètes de Boris Godounow et se
félicitait du succès que l'œuvre de Mous-
sorgsky a rencontré à Paris.
Le créateur de Boris à Moscou serait
particulièrement fêté s'il consentait à 'nous
laisser admirer son beau talent et sa su-
perbe voix! -
A
musettes et gris-gris.
L Les nombres ne vont pas seuls à
jouir du privilège d'impressionner nos artis-
tes, et leurs superstitions portent encore sur.
d'autres objets. Citons, à la suite denQÍre
dernier écho sur les afficha fatidiques,
quelques îéricnes de gei s de t -é.atre :
On connaît le chapeau de paille tradition-
nel dont s'orne, durant les répétitions, le
chef de M. Samuel, directeur des Variétés.
M. Hertz met des bottines neuves à cha-
cune de ses répétitions générales. - >
-M. André Antoine conserve précieuse-
ment une boîte qui ne le quitte pas; et'où il
enferme les missives heureuses.
M. Krauss porte une grosse bague de fer
à laquelle il prête une vertu considérable. :
Mlle Blanche Toutain porte une médaille
amulette oui lui vient de Rome.
Mlle Lina Munte, qui exècre le chiffre
quatre, ne consent à entrer en scène qu'a-
près y avoir fait placer, dans un endroit peu
en, vue, un vieux porte-monnaie vide dont
elle ne se dessaisit qu'à cette occasion.
Enfin, M. Samuel, déjà nommé, 'Iotsqu*il
monta La Chance du Mariiezig'ea .quelle
décor fut celui du troisième acte de La
X/l'JiwialSgj'T.vfc^it-rp uar superstition ou^Ar
E
n passant.
Le regretté auteur du Passant, com-
- i- c«.r ii'
ner, et, en outre, se montrait le plus ironi-
quement observateur des flâneurs. A l'une
de ses dernières sorties, traversant au bras
d'un ami le trottoir qui longe le péristyle de
la Madeleine, il tourna la tête et, désignant
un écriteau scellé dans le mur de l'église,
proféra de sa voix douce: « Dire que j'ai
toujours vu là cet écriteau et penser qu'il y
sera sans doute encore après ma mort !.»
Sur l'écriteau en question étaient inscrits
ces mots : « La circulation est interdite pro-
visoirement dans ce passage. »
François Coppée est mort et l'écriteau est
toujours là, mais le poète avait bien prédit,
il y demeurera longtemps encore à n'en pas
douter.
Provisoirement, n'est-ce pas?.
LES BRETONS A MONTFORT-L'AMAURY
1 M. Nucelly, de l'Opéra
dans le costume qu'il portait. dimanche,
au Pardon d'Anne de Bretagne
s
elma Kurz. et l'Affaire marocaine.
Sous le titre « Une affaire théâtrale
entre Vienne et Fans », les journaux vien-
nois consacrent des colonnes entières à un
incident qui a passé presque inaperçu à'Pa-
ris.
Mlle Selma Kurz, de l'Opéra de Vienne,
devait chanter à Paris à la représentation
au bénéfice des soldats français bles-
sés au Maroc. Or, malgré l'interven-
tion personnelle de l'ambassadeur, le direc-
teur de l'Opéra ne crut pas devoir accorder
son autorisation. Rappelons que ce directeur
s'appelle Weingaertner et qu'il fut souvent
applaudi à Paris; M. Weingaertner prétend
ne pouvoir — moins heureux que M. Clare-
tie ! — se passer de sa pensionnaire, même
pour trois jours. Le maréchal de la Cour a
approuvé le kapellmeistèr. Qu'est-ce à dire?
La rigueur du règlement n'est ici qu'un pré.
texte. En réalité, la politique s'en est me
lée, et Mlle Kurz est une nouvelle victime
de la Triple Alliance, dont la solidité serait
évidemment ébranlée, si une cantatrice prê-
tait son concours à un concert de bienfai-
sance !
L
"hospitalité.
Les choristes du théâtre de Moscou,
qui font l'admiration de tout Pans, dans
Bons Godounow, s'attendaient à un geste
aimable de la part de la direction de l'Opéra.
Ces braves gens espéraient quelques mo-
destes places de poulailler pour voir jouer
un opéra français.
Le geste n'est pas venu. MM. Messager
et Broussan, très artistes, veulent sans dou-
te éviter aux choristes russes la comparai-
son avec les choristes français.
Et. les chœurs de Moscou auront passé
quinze jours à Paris, auront chanté à l'Opé-
ra. et n'auront pas vu l'Opéra.
L
a question des chapeaux et des billets
de faveur. - '.-
On sait que certains cirques peuvent
transformer leur piste en piscine favorable
aux ébats nautiques.
Donc, la scène se passe dans un cirque,
au moment où le tapis-brosse a fait place à
la nappe,d'eau. ■>" 1
: - Chapeau ! chapeau ! crie un monsieur
dans la salle, à une dame dont l'immense
couvre-chef l'empêche de suivre le specta-
cle. Retirez votre chapeau !
Et tandis que la dame refuse énergique-
ment de se plier à l'exigence du monsieur,
celui-ci se lève, la saisit et la précipite dans
l'onde verte. ,..
Le «public est à peine remis de son émo-
tion .bien naturelle, qu'un spectateur pénè-
tre dans la salle et demande à être placé
avec un billet de faveur.
— Les billets de faveur sont supprimés,
,lui crie un garde municipal.
— Je m'en fiche, répond le spectateur;
mon billet de faveur me donne droit à une
baignoire, je la veux!
- Ah ! vous voulez une baignoire?. La
voici !
Sans autre forme de procès, le garde en-
voie, le -spectateur entêté faire, à la suite
de ,1a « dame au chapeau », un vigoureux
plongeon. v. - v ,.,:- ,
Rassurez-vous, il ne s'agit pas là de deux
deux scènes de es e açon
vraiment très plaisante, traitent deux palpi-
tantes actualités théâtrales. Les auteurs de
cette revue sont, il est vrai, nos deux spiri-
tuels confrères Trébla et Codey.
L
a scène à faire.
M. de Féraudv est un heureux nère.
Son fils Jacques n'est pas seulement un co-
médien de talent et d'avenir, c'est aussi un
fort spirituel gentleman.
Mais il est jeune et ne sait pas encore
l'art d'équilibrer un budget. Il lui arrive de
s'abandonner à des dépenses inutiles. Ajou-
tez qu'il se montre fervent sportsman et
que le turf a, suivant une. parole célèbre,
de glorieuses mais coûteuses incertitudes.
M. Jacques de' Féraudy se trouve donc
parfois obligé de recourir discrètement, pour
remplir sa bourse de jeune homme, à la lar-
gesse patérnelle. ,:
Et savez-vous, alors; comment il s'y
prend pour éviter des remontrances.
Il commence, en manière de jeu, à répé-
ter une scène célèbre des Affaires sont les
atfaires, où le jeune Lechat obtient d'Isi-
dore Lechat des sommes rondelettes.
M. J. de Féraudy a d'ailleurs très bien
joué ce rôle à la Comédie. Il en envoie les
répliques avec un naturel exquis, mais mon-
tre cependant quelque gêne. 1
Et comme son père le reprend:
— Que veux-tu, papa, je ne peux, pas me
mettre en situation si tu ne me donnes pas
les accessoires!.
N
ombreux sont les touristes qui, a cette
époque de l'année, songent à com-
mander leur carrosserie. Est-il besoin de
leur rappeler que les usines Védrine, si mer-
veilleusement outillées, leur fourniront tous
modèles, et très diligemment.
D
Regner, 4, rue des Capucines, paye -.
cher bijoux, diamants. Deries. auto-'
mobiles, reconnaissances du Mont-de-Piété,
100 0/0, les dégage sans frais, même chez
des tiers.
u
ne simple constatation.
On ne voit sur les routes que sens
occupés à changer enveloppes et chambres
à air. Exception est faite cependant en fa-
veur des chauffeurs qui ont soin de munir
leurs voitures des célèbres pneus Bergou-
gnan.
D
écidément, le Moulin-Rouge-Palace de-
vient le rendez-vous de l'aristocratie
comme il était déjà le rendez-vous du mon-
de des lettres et des arts.
Hier, en effet, à l'apéritif-concert,
S. A. R. le prince Georges de Grèce, fils
du roi des Hellènes et ancien gouverneur
général de la Crète, avait pris place dans
les magnifiques jardins de cet établissement
sans rivaL.Il faut croire qu'il ne s'y déplut
pas trop; car il resta pour dîner et ne partit
que très tard.
NOUVELLE A LA MAIN
E
lie sortait du Conservatoire et venait
d'être engagée dans un de nos sub-
ventionnés.
L'heureux père reçoit les félicitations:
— Brillante carrière ouverte devant elle.
Glorieux avenir. Mais va-t-elle prendre un
pseudonyme?
Lors le père, d'une voix tonitruante:
— Si elle prend un pseudonyme, mossieu,
je le tue de ma propre main?
Le Masque de Verre.
La Journée d'Henry Becque
Son monument fut inauguré hier matin.
Son chef d'ceuVre fut applaudi hier soir.
La matinée
La cérémonie d'inauguration du monu-
ment élevé à la mémoire d'Henry Becque
fut très simple, presque familiale, et fort
émouvante. Il y avait peu de monde, mais
-les invités étaient de marque. Nous notons
au hasard: M. Clemenceau, président du
Conseil des ministres, assisté de M. Dujar-
din-Beaumetz, sous-secrétaire d'Etat aux
Beaux-Arts; le commandant Schlumberger,
représentant le président de la République;
MM. Victorien Sardou, Pierre Sardou, Oc-
taye Mirbeau, Xavier Roux, Georges Du-
val,. Adolphe Aderer, Emile Fabre, Georges
Ancey, Guinon, membres, du Comité d'ini-
tiative; puis MM. de Selves, préfet de la
Seine; Lépine, préfet de police; Barthé-
lémy Robaglia, neveu d'Henry Becque;
Emile Massard, Pugliesi-Conti, Cosnard,
Paul Escudier, Bouvard, Adrien Bernheim,
Adolphe Brisson,i Armand Bernard, An-
toine, Michel, Nénot, Gabriel Fauré, Rodin,
Paul Hervieu, , et Mmes Emile Zola, Su-
zanne Devovod, Ventura. Le Conseil mu-
nicipal n'était pas représenté à cette céré-
monie; ceci fit du reste l'objet de nombreux
commentaires. Par contre, une foule assez
PENDANT L'INAUQURATIO»
Henry Becque
(Ernesto Brodv pliaLÏ.
dense assistait'de loin à l'érection^e^l'œip'
vre de Rodin ; elle était maintenue par "des
gardiens de la'paix er-quelques gardes mu-
nicipaux.
Comme nous l'avons dit, le monument
s'élève à l'angle de l'avenue de Villiers et
du boulevard de Courcelles. Il est d'une
belle venue et d'un heureux effet: le buste,
en marbre blanc, est certainement l'un des
meilleurs du grand artiste, qui a fort bien
rendu les traits énergiques et volontaires
de Becque. Il repose sur un piédestal de
pierre dû à M. Nenot, membre de l'Institut,
et sur lequel sont gravés ces mots: « Henry
Becque — 1837-1899. »
Nous remarquons, au pied du monument,
une très belle gerbe de fleurs naturelles où
on lit cette inscription: « A Henry Becque,
ses petits neveux. »
Le préfet de la Seine, M. de Selves, a
pris le premier la parole. Il a défendu l'é-
crivain contre les accusations dont son ca-
ractère fut trop souvent l'objet:
Henry Becque, dit l'orateur, ne fut pas mé-
chant. Son dévouement pour les siens, tou-
chant et vénérable chez un homme qui fut tou-
jours voisin de la gêne, et qu'il convient à
cette heure de mettre soigneusement en lumiè-
re, ne constitue-t-il pas une protestation déci-
sive contre une semblable accusation?
Il fut satirique invinciblement, mais sans
doute connue les hommes bons que la vie a
blessés.
Elle l'avait en effet cruellement blessé. Qui
le sait mieux que. vous, devant qui j'ai l'hon-
neur de parler ?
La vie n'est pas égale pour tous. Elle crée
les uns heureux, tandis qu'aux autres elle dis-
pense le malheur.
M. Dujardin-Beaumetz, au nom du gou-
vernement, a parié du théâtre de Becque,
« qui est .le reflet même de sa vie », et de
son influence sur l'art dramatique contem-
porain :
Becque écrivit comme il pensait, avec cette
sorte d'objectivité froide qui donne à son théâ-
tre, avec une singulière âpreté, une intensité
si prenante. Nu1 ne sut mieux rassembler tous
aiguë, où chaque réplique ouvre un jour subit
et éclatant sur la réalité intime des personna-
ges. Est-il besoin de rappeler ce que lui doit
le , mouvement de l'art dramatique contempo-
rain? Alors que nous voyons peu à peu s'es-
tompei- et s'étendre la réputation d'auteurs qui
n avaient recherché que des ¡uccès immédiats
et faciles, sa figure au contraire semble gran-
dir chaque jour davantage, et les ans donnât,
à ses ouvrages une signification plus hauts.
M. Alfred Capus, au nom de ja Société
des Auteurs dramatiques, prononça un 'res
important discours que nous regrettera vi-
vement de ne pouvoir reproduire in ex-
tenso. Voici comment il a jugé La Pun-
sienne :
Il y avait donc, dans la Parisiennt, ,ruc;.:\:
qu'une variation délicieuse sur le thème éier-
nel du mari, de la femme et de l'imprévu: il
y avait le premier exemplaire d'un type de
femme que les conditions nouvelles de 'a vie
parisienne étaient en train de créer. Co ~'pe,
le temps ne l'a pas affaibli; il l'a au confire
multiplié. Il est devenu de plus en plus sail-
lant et général. C'est la femme de transition
entre deux sociétés. Elle possède encore pat
héritage et éducation les anciennes verras bour-
geoises ; elle est attachée à son menace et
soucieuse de l'avenir; elle sait soigner SfS en-
fants, et elle a pour son mari une affection
sérieuse. Mais elle est en même temps cuttaî-
née par l'ardeur de vivre qu'elle sent autoui
d'elle, par le besoin du luxe, la coquetterie et
la vanité. Entre les vertus familiales et k. dé-
pravation, elle n'a pas le courage de choisi:,
et elle prend cette résolution étrangt : elle-
les éléments dramatiques utiles à une action:
Yapiaë^u cHaqtte inoî est tfii trait d'observaêW
essaye de les combiner. Et elle les combù:¡- et.
effet d'une façon insolente et savouret,.;e. EÎttl
établit un équilibre merveilleux entre le • fo>ei>
et la garçonnière, n'allant à la garçonrièrt; qjii
lorsque tout est en ordre dans le foyer.
;
M. Georges Lecomte, dans son allocuj <
tion au nom de la Société des Gens de Let-
tres, a établi la filiation directe qui existe
entre Molière et Becque, et a terminé, par
ce parallèle entre Flaubert et l'homme de
lettres dont on a célébré la mémoire hier:
Ils se rapprochent dans notre gratiîude par
l'étroite parenté de leur art et aussi de leurs
généreuses indignations. Ce que Flaubert réa-
lisa si magnifiquement par -le livre, Becque le
voulut faire au théâtre. Dans leur effort si mo-
derne, ce sont l'un et l'autre des classiques
par l'expressive sobriété de la langue et leur
sens si droit de la vie. Enfin tous deux vécu-
rent en perpétuelle révolte contre l'injustice et
la laideur. A la fougue de Flaubert répond dans
notre esprit le rire sarcastique et joyeux de
Becque.
Ils avaient l'un et l'autre des visages de force
et de lumière, la parole ardente, le cœur chaud,
une bonne humeur combative, par-dessus tout
le don de créer la vie en une forme concise et
un égal amour de la vérité. En continuant les
belles traditions de notre littérature, ils furent
tous deux, par le livre ou par le théâtre, de
merveilleux inventeurs.
M. Camille Le Senne a parlé en ces ter-
mes des relations de Becque et de la criti-
que:
Non, messieurs, Henry Becque n'était pas
et ne pouvait pas être un ennemi irréductible
de la critique, non seulement parce qu'il avait
pris place au premier rang parmi nos confrères
'professionnels, mais parce qu'il était critique
dans l'âme, critique de tempérament et de
vocation à la façon de cet autre grand méconnu
qui fut aussi un grand lutteur: Barbey d'Au-
revilly.
M. Henry Bauer, enfin, s'est exprimé su
nom des amis.-Il a conté diverses anecdo-
tes intéressantes et rappelé ses longues re-
lations d'amitié avec Becque. Il l'a définj
de la façon suivante:
L'amitié de Becque n'était pas banale. X
l'encontre de tant de gens qui ne considèrent
que leurs ennemis, il avait di; ressentiment; 1
n'oubliait ni les services ni les injur..:s. H re-
poussait les témoignages indifférents e! t-nail
pour amis les seuls hommes dont il estimaxt M
Mardi 2 Juiti 1908.
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS.
TÉLÉPHONE : 288-07
adresse Télégraphique : COMQEDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 34 fr. 12 fr.
Étranger. 40 D 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS-
TÉLÉPHONE : 288-OT
Adresse Télégraphique : COMŒDlA=PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 ÎV0I3
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » ::, Û n'
Ceci posé.
J'ai dit l'autre jour mon avis sincère,
au sujet de la commission des auteurs. Je
suis d'avis qu'on la supprime, et qu'on
la remplace par un directeur appointé.
Mais, ceci posé, et vu cette considéra-
tion que l'on ne m'écoutera pas, je re-
connais que la commission peut faire de
la meilleure besogne que ce qu'elle nous
a montré pendant ces quelques dernières
années.
Je n'hésite pas d'ailleurs à déclarer
que j'ai voté l'approbation du rapport à
la dernière assemblée. J'aurais volontiers
prêté la main au renversement de la
commission, si on m'avait permis de ne
pas en nommer une autre à la place.
Mais comme personne ne nous avait fait
-cette promesse, je me suis cramponné en
désespéré au cou de notre cheval bor-
gne.
J'ajoute que j'ai voté l'approbation du
rapport parce que je l'approuvais, ce qui
est encore une raison.
J'ai beaucoup-de sympathies pour les
gens qui sont à la tête du syndicat. Je ne
puis oublier que Gabriel Trarieux et
Charles Simon furent mes défenseurs
dans des instants critiques. Je dis cela
sans solennité spéciale et sans larmes
dans les yeux (je n'ai pas le don des
larmes). N'empêche cependant que j'ai
entendu à ces moments-là quelques pa-
roles, dont la justesse autant que la jus-
tice m'ont touché, et je ne les oublierai
pas de sitôt, alors que les imprécations
sonores de certains sociétaires n'ont plus
que de vagues échos dans mon souvenir.
Je suis donc tout disposé, en principe,
à augmenter à l'occasion, le total des voix
du Syndicat de ma modeste et libre voix.
Mais il m'a semblé que, pour son début,
il avait choisi un mauvais terrain de dis-
cussion.
Mon avis, à moi, est que la décision
de la commission, relative au billet de
faveur, méritait surtout des éloges. Cette
mesure n'a d'ailleurs pas été parfaite-
ment défendue par ceux qui l'avaient
adoptée.
Les raisons exposées dans le rapport
de Gaston Caillavet n'étaient pas très
wUiivaliivaui^o. w Ou ~VliU'" par flii isnt
Én Omettant que le quart seulement de
ce nombre de personnes paient leurs pla-
ces, ce serait une somme de tant qui ren-
trerait dans la caisse des théâtres ». Rien
n'autorise à admettre que le quart de ce
nombre de persônnes paieraient leurs
places. Ce sont, me disait quelqu'un
fort justement, des raisonnements de
prospectus pour émissions financières.
Albert Carré n'a pas donné, lui non
plus, d'excellentes raisons en faveur de
la mesure nouvelle. Gavault a été plus
net, mais il n'a pas dit tout ce que nous
attendions.
Aussi, les adversaires du nouveau
traité avaient-ils beau jeu.
On a crié aux membres de la commis-
sion: « C'est l'histoire des répétitions
générales qui recommence ! Vous défe-
rez dans six mois ce que vous avez fait
aujourd'hui ».
Les gens qui ont parlé de cette vieiHe
affaire avaient dû se rappeler que la sup-
pression des répétitions avait été votée
par l'assemblée générale, et que c'était
un mauvais précédent à invoquer par
ceux qui désirent voir tous les sociétai-
res participer à certains travaux de la
commission.
Les arguments de Max Maurey étaient
plus sérieux.
« Certains théâtres ont absolument be-
soin du billet de faveur comme d'un
moyen de publicité. L'emploi intelligent
;'du billet de faveur est absolument néces-
saire à l'exploitation théâtrale. »
Mais cela, nous le savions tous. Evi-
demment, l'emploi intelligent du-billet de
faveur a donné et peut donner d'excel-
lents résultats. Mais le billet de faveur
est-il toujours distribué intelligemment?
Quand une pièce ne marche pas, l'au-
feur a toujours des raisons de croire qu'il
^eri sera de son œuvre comme de Faust, de
Carmen, des Cloches de Corneville, qui
se sont relevés après un mauvais départ.
(Exemples extrêmement rares et bien fu-
nestes. C'est ainsi que jadis je me suis
consolé, avec beaucoup d'autres candi-
dats, d'un échec à la Sorbonne, en me
disant qu'Emile Zola avait été refusé au
bachot)
L'auteur va donc trouver le directeur,
et se plaint de voir le théâtre aux trois
quarts vide. La pièce ne peut pas faire
d'effet: il faut remplir la salle. Le di-
recteur appelle son secrétaire général,
qui s'adresse lui-même à un vieil em-
ployé de soixante-dix-neuf ans. Ce der-
nier, de ses mains tremblantes, sème à
travers la ville des panerées de billets
gratuits, dégoûte les Parisiens de ce plai-
sir facile, répand dans les âmes des fer-
vents de théâtre cette idée dangereuse,
destructive, toxique, que les places de
théâtre ne doivent rien coûter.
On a crié l'autre jour: « Vous avez
supprimé les billets de faveur. Vous les
rétablirez dans six mois ».
Et puis après? C'est possible. C'est
même probable. Je compte bien qu'on les
rétablira. Mais j'espère qu'à l'emploi ac-
tuel du billet de faveur, à cet emploi
absurde et sans contrôle, on substituera
un procédé intelligent, comme le de-
mande Maurey, une façon prudente et
judicieuse d'ouvrir les théâtres à des mil-
ers de personnes, étudiants, petits em-
ployés, qui sans danger, combleront uti-
lement les vides.
Les auteurs dramatiques ne sont pas
tant que ça des- hommes d'argent. J'ai
déjà essayé d'expliquer ici pourquoi ils
se donnent souvent pour plus intéressés
qu'ils ne sont. Au fond, ce sont des ama-
teurs de succès, et le succès matériel leur
plaît moins par les avantages qu'il leur
procure que parce qu'il est la consécra-
tion du succès moral. Il y en a parmi eux
de fort habiles, et qui tirent un excellent
parti de ce qu'ils produisent. Mais chez
ceux-là mêmes, dont on peut dire: « La
roublardise en affaires, c'est leur fort »,
la vanité littéraire ne cesse jamais d'être
leur faible. Elle est plus ou moins justi-
fiée; ce n'est pas là la question. L'im-
portant à constater, c'est que cette vanité
existe. Ce que nous demandons, c'est
qu'on voie nos pièces, et même que
beaucoup de gens les voient à l'œil. Seu-
lement, sous prétexte de montrer nos
ours, que nous jugeons admirables, n'ha-
bituons pas les gens à venir au théâtre
pour rien. C'est très louable, à notre
point de vue, de faire des efforts déses-
pérés pour lutter contre la mauvaise for-
tune d'une pièce. Mais si, pour arriver
ou tâcher d'arriver à notre but, nous
« gâtons le métier »,' n'est-ce pas le rôle
de la Société des Auteurs d'intervenir. Et
il me semble que c'est ce qu'elle a es-
sayé de faire en prenant cette mesure
draconienne, mais nécessaire : la sup-
pression des billets de faveur.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain une chronique de
FÉLIX GALIPAUX -
Le Métro anonyme
Dans le musée fort complet des absurdi-
tés administratives que nous offrons à l'ad-
miration de nos visiteurs étrangers, il en
est une qui passe inaperçue pour tous les
Parisiens, et qui plonge cependant les
étrangers dans le plus noir découragement.
Je veux parler de la façon dont sont in-
diqués les noms des stations du Métropoli-
tain. L'étranger confiant, à qui le portier de
l'hôtel a expliqué qu'en sortant de la Gaîté-
Lyrique, par exemple, il lui suffirait de
prendre le Métro à Réaumur, s'en va le soir
au théâtre, tranquille, après avoir inscrit ce
!pnxpipnp.mp.nt. sur son petit carnet
En sortant de la Gaité, au hasard des pe-
tites ruelles, sur les indications bénévoles
de quelque agent, il trouve enfin une pre-
mière station de notre excellent chemin de
fer urbain. Est-ce Réaumur? Il lève les
yeux et regarde le nom de la station: Mé-
tropolitain. Non, ce n'est pas cela, et il re-
prend sa course dans les rues voisines.
Bientôt il découvre enfin une nouvelle
station; est-ce Réaumur cette tois fi Il re-
garde encore.. Non, c'est touiours Métropo-
litain. L'administration centrale peut-être?
Ce n'est que lorsqu'il s'assied, découra-
gé, vers six heures du matin, sur le bord
du trottoir, cours de Vincennes ou place
d'Italie, que le jour commence à se faire
dans son cerveau. Non, évidemment, il est
impossible qu'il y ait autant de stations à
Paris portant le même nom, et l'indication
véritable doit être autre part.
C'est alors qu'il s'avise de descendre
dans les sous-sols et que, là, entre deux an-
nonces, il découvre enfin le nom de la sta-
tion. Si c'est celle-là qu'il cherche, tout y a
bien. Si ce n'est pas cela, il n'a plus qu'à
suivre au hasard des rues chaque ligne du
Métro pour prendre un billet à chaque sta-
tion, et à descendre à l'intérieur voir, si par
hasard ce ne serait pas enfin là.
Il faut être franc, même lorsque notre
orgueil national est en jeu: eh bien!
avouons-le nettement, ce système-là n'est
point le plus pratique, et celui qui consiste-
rait à mettre le nom de la station à l'exté-
rieur aurait tout de même bien des avan-
tages.
G. DE PAWLOWSKl.
Échos
M
ark Twain et sa fille.
Miss Clara Clemens, la fille du cé-
lèbre humoriste américain, va faire ses dé-
buts en Europe, demain samedi, comme
chanteuse. Elle paraît au Queen's-Hall dans
un concert donné au profit de îa Société des
femmes américaines de Londres.
On lui a demandé pourquoi son père n'é-
tait pas venu avec elle. «Voyez-vous, répon-
dit-elle, pendant près de deux ans, ii m'a
accompagnée dans mes tournées en Amé-
rique: pendant tout le temps que je chan-
tais, c'était si clair qu'il attendait avec im-
patience que j'aie fini pour faire un dis-
cours, et les gens étaient si manifestement
impatients de l'entendre, que j'aime mieux
apparaître toute seule ».
L
e ton de la Maison.
Henry Becque, dont on inaugura.
hier, le monument, eut, on le sait, des dé-
mêlés âpres et nombreux avec M. Jules Cla-
retie qui, bien avant d'en réclamer à MM.
Mirbeau et Natanson, lui demanda souvent
des coupures.
Un jour, à une répétition des Honnêtes
Femmes, l'administrateur s'aperçut qu'un
des personnages féminins de la pièce par-
lait. occasionnellement, de boire un verre
de vin.
M. Claretie sursauta!
— Une femme! sur la scène du Théâtre-
Français! s'exprimer ainsi! Qu'elle dise au
moins: « Un verre de Marsala! »
L
e créateur de Boris Godounow.
Un célèbre baryton des théâtres im-
périaux de Saint-Pétersbourg et de Moscou
vient d'arriver à Paris: M. Korsoff, qui créa
Boris Godounow à Moscou il y a vingt ans.
M. Korsoff, doyen des chanteurs russes,
fut l'interprète préféré de Rubinstein et de
Tschaïkowsky ; ce dernier lui confia les
créations de ses principaux ouvrages: Ma-
zeppa, Opritchnik, Vakoala, le rôle du
prince dans L'Enchanteresse, celui du dia-
ble dans Le Forgeron, celui du comte
Tomski dans La Dame de Pique, son chef-
d'œuvre lyrique, celui du prince de Bour-
gogne dans Yolande.
On lui doit encore des créations impor-
tantes dans le Rakhmaninoft d'Ivanoff, et
d'Orio dans Cordelia, qu'écrivit le compo-
siteur Inlowieff sur le drame de Victorien
Sardou, La Haine.
M. Korsoff, qui est un ami de notre pavs
puisque - Mlle Lucette Korsoff, notre char-
mante étoile, réengagée tout dernièrement
par M. Albert Carré, est sa fille, et qu'il
fit jadis ses études de chant à Paris sous la
direction du professeur Delle Sedie, a/dû
ses derniers succès de théâtre à l'Henry
VIII de M. Saint-Saëns, que représentèrent
il y a quatre ans les théâtres impériaux.
Il professe d'ailleurs un culte pour l'il-
lustre maître, qu'il appelle le plus grand'
musicien actuel.
M. Korsoff était avant-hier à l'Opéra où
il applaudissait de grand cœur les admira-
bles interprètes de Boris Godounow et se
félicitait du succès que l'œuvre de Mous-
sorgsky a rencontré à Paris.
Le créateur de Boris à Moscou serait
particulièrement fêté s'il consentait à 'nous
laisser admirer son beau talent et sa su-
perbe voix! -
A
musettes et gris-gris.
L Les nombres ne vont pas seuls à
jouir du privilège d'impressionner nos artis-
tes, et leurs superstitions portent encore sur.
d'autres objets. Citons, à la suite denQÍre
dernier écho sur les afficha fatidiques,
quelques îéricnes de gei s de t -é.atre :
On connaît le chapeau de paille tradition-
nel dont s'orne, durant les répétitions, le
chef de M. Samuel, directeur des Variétés.
M. Hertz met des bottines neuves à cha-
cune de ses répétitions générales. - >
-M. André Antoine conserve précieuse-
ment une boîte qui ne le quitte pas; et'où il
enferme les missives heureuses.
M. Krauss porte une grosse bague de fer
à laquelle il prête une vertu considérable. :
Mlle Blanche Toutain porte une médaille
amulette oui lui vient de Rome.
Mlle Lina Munte, qui exècre le chiffre
quatre, ne consent à entrer en scène qu'a-
près y avoir fait placer, dans un endroit peu
en, vue, un vieux porte-monnaie vide dont
elle ne se dessaisit qu'à cette occasion.
Enfin, M. Samuel, déjà nommé, 'Iotsqu*il
monta La Chance du Mariiezig'ea .quelle
décor fut celui du troisième acte de La
X/l'JiwialSgj'T.vfc^it-rp uar superstition ou^Ar
E
n passant.
Le regretté auteur du Passant, com-
- i- c«.r ii'
ner, et, en outre, se montrait le plus ironi-
quement observateur des flâneurs. A l'une
de ses dernières sorties, traversant au bras
d'un ami le trottoir qui longe le péristyle de
la Madeleine, il tourna la tête et, désignant
un écriteau scellé dans le mur de l'église,
proféra de sa voix douce: « Dire que j'ai
toujours vu là cet écriteau et penser qu'il y
sera sans doute encore après ma mort !.»
Sur l'écriteau en question étaient inscrits
ces mots : « La circulation est interdite pro-
visoirement dans ce passage. »
François Coppée est mort et l'écriteau est
toujours là, mais le poète avait bien prédit,
il y demeurera longtemps encore à n'en pas
douter.
Provisoirement, n'est-ce pas?.
LES BRETONS A MONTFORT-L'AMAURY
1 M. Nucelly, de l'Opéra
dans le costume qu'il portait. dimanche,
au Pardon d'Anne de Bretagne
s
elma Kurz. et l'Affaire marocaine.
Sous le titre « Une affaire théâtrale
entre Vienne et Fans », les journaux vien-
nois consacrent des colonnes entières à un
incident qui a passé presque inaperçu à'Pa-
ris.
Mlle Selma Kurz, de l'Opéra de Vienne,
devait chanter à Paris à la représentation
au bénéfice des soldats français bles-
sés au Maroc. Or, malgré l'interven-
tion personnelle de l'ambassadeur, le direc-
teur de l'Opéra ne crut pas devoir accorder
son autorisation. Rappelons que ce directeur
s'appelle Weingaertner et qu'il fut souvent
applaudi à Paris; M. Weingaertner prétend
ne pouvoir — moins heureux que M. Clare-
tie ! — se passer de sa pensionnaire, même
pour trois jours. Le maréchal de la Cour a
approuvé le kapellmeistèr. Qu'est-ce à dire?
La rigueur du règlement n'est ici qu'un pré.
texte. En réalité, la politique s'en est me
lée, et Mlle Kurz est une nouvelle victime
de la Triple Alliance, dont la solidité serait
évidemment ébranlée, si une cantatrice prê-
tait son concours à un concert de bienfai-
sance !
L
"hospitalité.
Les choristes du théâtre de Moscou,
qui font l'admiration de tout Pans, dans
Bons Godounow, s'attendaient à un geste
aimable de la part de la direction de l'Opéra.
Ces braves gens espéraient quelques mo-
destes places de poulailler pour voir jouer
un opéra français.
Le geste n'est pas venu. MM. Messager
et Broussan, très artistes, veulent sans dou-
te éviter aux choristes russes la comparai-
son avec les choristes français.
Et. les chœurs de Moscou auront passé
quinze jours à Paris, auront chanté à l'Opé-
ra. et n'auront pas vu l'Opéra.
L
a question des chapeaux et des billets
de faveur. - '.-
On sait que certains cirques peuvent
transformer leur piste en piscine favorable
aux ébats nautiques.
Donc, la scène se passe dans un cirque,
au moment où le tapis-brosse a fait place à
la nappe,d'eau. ■>" 1
: - Chapeau ! chapeau ! crie un monsieur
dans la salle, à une dame dont l'immense
couvre-chef l'empêche de suivre le specta-
cle. Retirez votre chapeau !
Et tandis que la dame refuse énergique-
ment de se plier à l'exigence du monsieur,
celui-ci se lève, la saisit et la précipite dans
l'onde verte. ,..
Le «public est à peine remis de son émo-
tion .bien naturelle, qu'un spectateur pénè-
tre dans la salle et demande à être placé
avec un billet de faveur.
— Les billets de faveur sont supprimés,
,lui crie un garde municipal.
— Je m'en fiche, répond le spectateur;
mon billet de faveur me donne droit à une
baignoire, je la veux!
- Ah ! vous voulez une baignoire?. La
voici !
Sans autre forme de procès, le garde en-
voie, le -spectateur entêté faire, à la suite
de ,1a « dame au chapeau », un vigoureux
plongeon. v. - v ,.,:- ,
Rassurez-vous, il ne s'agit pas là de deux
deux scènes de es e açon
vraiment très plaisante, traitent deux palpi-
tantes actualités théâtrales. Les auteurs de
cette revue sont, il est vrai, nos deux spiri-
tuels confrères Trébla et Codey.
L
a scène à faire.
M. de Féraudv est un heureux nère.
Son fils Jacques n'est pas seulement un co-
médien de talent et d'avenir, c'est aussi un
fort spirituel gentleman.
Mais il est jeune et ne sait pas encore
l'art d'équilibrer un budget. Il lui arrive de
s'abandonner à des dépenses inutiles. Ajou-
tez qu'il se montre fervent sportsman et
que le turf a, suivant une. parole célèbre,
de glorieuses mais coûteuses incertitudes.
M. Jacques de' Féraudy se trouve donc
parfois obligé de recourir discrètement, pour
remplir sa bourse de jeune homme, à la lar-
gesse patérnelle. ,:
Et savez-vous, alors; comment il s'y
prend pour éviter des remontrances.
Il commence, en manière de jeu, à répé-
ter une scène célèbre des Affaires sont les
atfaires, où le jeune Lechat obtient d'Isi-
dore Lechat des sommes rondelettes.
M. J. de Féraudy a d'ailleurs très bien
joué ce rôle à la Comédie. Il en envoie les
répliques avec un naturel exquis, mais mon-
tre cependant quelque gêne. 1
Et comme son père le reprend:
— Que veux-tu, papa, je ne peux, pas me
mettre en situation si tu ne me donnes pas
les accessoires!.
N
ombreux sont les touristes qui, a cette
époque de l'année, songent à com-
mander leur carrosserie. Est-il besoin de
leur rappeler que les usines Védrine, si mer-
veilleusement outillées, leur fourniront tous
modèles, et très diligemment.
D
Regner, 4, rue des Capucines, paye -.
cher bijoux, diamants. Deries. auto-'
mobiles, reconnaissances du Mont-de-Piété,
100 0/0, les dégage sans frais, même chez
des tiers.
u
ne simple constatation.
On ne voit sur les routes que sens
occupés à changer enveloppes et chambres
à air. Exception est faite cependant en fa-
veur des chauffeurs qui ont soin de munir
leurs voitures des célèbres pneus Bergou-
gnan.
D
écidément, le Moulin-Rouge-Palace de-
vient le rendez-vous de l'aristocratie
comme il était déjà le rendez-vous du mon-
de des lettres et des arts.
Hier, en effet, à l'apéritif-concert,
S. A. R. le prince Georges de Grèce, fils
du roi des Hellènes et ancien gouverneur
général de la Crète, avait pris place dans
les magnifiques jardins de cet établissement
sans rivaL.Il faut croire qu'il ne s'y déplut
pas trop; car il resta pour dîner et ne partit
que très tard.
NOUVELLE A LA MAIN
E
lie sortait du Conservatoire et venait
d'être engagée dans un de nos sub-
ventionnés.
L'heureux père reçoit les félicitations:
— Brillante carrière ouverte devant elle.
Glorieux avenir. Mais va-t-elle prendre un
pseudonyme?
Lors le père, d'une voix tonitruante:
— Si elle prend un pseudonyme, mossieu,
je le tue de ma propre main?
Le Masque de Verre.
La Journée d'Henry Becque
Son monument fut inauguré hier matin.
Son chef d'ceuVre fut applaudi hier soir.
La matinée
La cérémonie d'inauguration du monu-
ment élevé à la mémoire d'Henry Becque
fut très simple, presque familiale, et fort
émouvante. Il y avait peu de monde, mais
-les invités étaient de marque. Nous notons
au hasard: M. Clemenceau, président du
Conseil des ministres, assisté de M. Dujar-
din-Beaumetz, sous-secrétaire d'Etat aux
Beaux-Arts; le commandant Schlumberger,
représentant le président de la République;
MM. Victorien Sardou, Pierre Sardou, Oc-
taye Mirbeau, Xavier Roux, Georges Du-
val,. Adolphe Aderer, Emile Fabre, Georges
Ancey, Guinon, membres, du Comité d'ini-
tiative; puis MM. de Selves, préfet de la
Seine; Lépine, préfet de police; Barthé-
lémy Robaglia, neveu d'Henry Becque;
Emile Massard, Pugliesi-Conti, Cosnard,
Paul Escudier, Bouvard, Adrien Bernheim,
Adolphe Brisson,i Armand Bernard, An-
toine, Michel, Nénot, Gabriel Fauré, Rodin,
Paul Hervieu, , et Mmes Emile Zola, Su-
zanne Devovod, Ventura. Le Conseil mu-
nicipal n'était pas représenté à cette céré-
monie; ceci fit du reste l'objet de nombreux
commentaires. Par contre, une foule assez
PENDANT L'INAUQURATIO»
Henry Becque
(Ernesto Brodv pliaLÏ.
dense assistait'de loin à l'érection^e^l'œip'
vre de Rodin ; elle était maintenue par "des
gardiens de la'paix er-quelques gardes mu-
nicipaux.
Comme nous l'avons dit, le monument
s'élève à l'angle de l'avenue de Villiers et
du boulevard de Courcelles. Il est d'une
belle venue et d'un heureux effet: le buste,
en marbre blanc, est certainement l'un des
meilleurs du grand artiste, qui a fort bien
rendu les traits énergiques et volontaires
de Becque. Il repose sur un piédestal de
pierre dû à M. Nenot, membre de l'Institut,
et sur lequel sont gravés ces mots: « Henry
Becque — 1837-1899. »
Nous remarquons, au pied du monument,
une très belle gerbe de fleurs naturelles où
on lit cette inscription: « A Henry Becque,
ses petits neveux. »
Le préfet de la Seine, M. de Selves, a
pris le premier la parole. Il a défendu l'é-
crivain contre les accusations dont son ca-
ractère fut trop souvent l'objet:
Henry Becque, dit l'orateur, ne fut pas mé-
chant. Son dévouement pour les siens, tou-
chant et vénérable chez un homme qui fut tou-
jours voisin de la gêne, et qu'il convient à
cette heure de mettre soigneusement en lumiè-
re, ne constitue-t-il pas une protestation déci-
sive contre une semblable accusation?
Il fut satirique invinciblement, mais sans
doute connue les hommes bons que la vie a
blessés.
Elle l'avait en effet cruellement blessé. Qui
le sait mieux que. vous, devant qui j'ai l'hon-
neur de parler ?
La vie n'est pas égale pour tous. Elle crée
les uns heureux, tandis qu'aux autres elle dis-
pense le malheur.
M. Dujardin-Beaumetz, au nom du gou-
vernement, a parié du théâtre de Becque,
« qui est .le reflet même de sa vie », et de
son influence sur l'art dramatique contem-
porain :
Becque écrivit comme il pensait, avec cette
sorte d'objectivité froide qui donne à son théâ-
tre, avec une singulière âpreté, une intensité
si prenante. Nu1 ne sut mieux rassembler tous
aiguë, où chaque réplique ouvre un jour subit
et éclatant sur la réalité intime des personna-
ges. Est-il besoin de rappeler ce que lui doit
le , mouvement de l'art dramatique contempo-
rain? Alors que nous voyons peu à peu s'es-
tompei- et s'étendre la réputation d'auteurs qui
n avaient recherché que des ¡uccès immédiats
et faciles, sa figure au contraire semble gran-
dir chaque jour davantage, et les ans donnât,
à ses ouvrages une signification plus hauts.
M. Alfred Capus, au nom de ja Société
des Auteurs dramatiques, prononça un 'res
important discours que nous regrettera vi-
vement de ne pouvoir reproduire in ex-
tenso. Voici comment il a jugé La Pun-
sienne :
Il y avait donc, dans la Parisiennt, ,ruc;.:\:
qu'une variation délicieuse sur le thème éier-
nel du mari, de la femme et de l'imprévu: il
y avait le premier exemplaire d'un type de
femme que les conditions nouvelles de 'a vie
parisienne étaient en train de créer. Co ~'pe,
le temps ne l'a pas affaibli; il l'a au confire
multiplié. Il est devenu de plus en plus sail-
lant et général. C'est la femme de transition
entre deux sociétés. Elle possède encore pat
héritage et éducation les anciennes verras bour-
geoises ; elle est attachée à son menace et
soucieuse de l'avenir; elle sait soigner SfS en-
fants, et elle a pour son mari une affection
sérieuse. Mais elle est en même temps cuttaî-
née par l'ardeur de vivre qu'elle sent autoui
d'elle, par le besoin du luxe, la coquetterie et
la vanité. Entre les vertus familiales et k. dé-
pravation, elle n'a pas le courage de choisi:,
et elle prend cette résolution étrangt : elle-
les éléments dramatiques utiles à une action:
Yapiaë^u cHaqtte inoî est tfii trait d'observaêW
essaye de les combiner. Et elle les combù:¡- et.
effet d'une façon insolente et savouret,.;e. EÎttl
établit un équilibre merveilleux entre le • fo>ei>
et la garçonnière, n'allant à la garçonrièrt; qjii
lorsque tout est en ordre dans le foyer.
;
M. Georges Lecomte, dans son allocuj <
tion au nom de la Société des Gens de Let-
tres, a établi la filiation directe qui existe
entre Molière et Becque, et a terminé, par
ce parallèle entre Flaubert et l'homme de
lettres dont on a célébré la mémoire hier:
Ils se rapprochent dans notre gratiîude par
l'étroite parenté de leur art et aussi de leurs
généreuses indignations. Ce que Flaubert réa-
lisa si magnifiquement par -le livre, Becque le
voulut faire au théâtre. Dans leur effort si mo-
derne, ce sont l'un et l'autre des classiques
par l'expressive sobriété de la langue et leur
sens si droit de la vie. Enfin tous deux vécu-
rent en perpétuelle révolte contre l'injustice et
la laideur. A la fougue de Flaubert répond dans
notre esprit le rire sarcastique et joyeux de
Becque.
Ils avaient l'un et l'autre des visages de force
et de lumière, la parole ardente, le cœur chaud,
une bonne humeur combative, par-dessus tout
le don de créer la vie en une forme concise et
un égal amour de la vérité. En continuant les
belles traditions de notre littérature, ils furent
tous deux, par le livre ou par le théâtre, de
merveilleux inventeurs.
M. Camille Le Senne a parlé en ces ter-
mes des relations de Becque et de la criti-
que:
Non, messieurs, Henry Becque n'était pas
et ne pouvait pas être un ennemi irréductible
de la critique, non seulement parce qu'il avait
pris place au premier rang parmi nos confrères
'professionnels, mais parce qu'il était critique
dans l'âme, critique de tempérament et de
vocation à la façon de cet autre grand méconnu
qui fut aussi un grand lutteur: Barbey d'Au-
revilly.
M. Henry Bauer, enfin, s'est exprimé su
nom des amis.-Il a conté diverses anecdo-
tes intéressantes et rappelé ses longues re-
lations d'amitié avec Becque. Il l'a définj
de la façon suivante:
L'amitié de Becque n'était pas banale. X
l'encontre de tant de gens qui ne considèrent
que leurs ennemis, il avait di; ressentiment; 1
n'oubliait ni les services ni les injur..:s. H re-
poussait les témoignages indifférents e! t-nail
pour amis les seuls hommes dont il estimaxt M
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