Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-05-11
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 mai 1908 11 mai 1908
Description : 1908/05/11 (A2,N224). 1908/05/11 (A2,N224).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76466086
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2* Année.--N° 224 (Quotidien) Le Ntutiêro : 5 centimes
iïïkdl tl Mai 19Cr *
Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSKt
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA.PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 1018
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger •• 40 » 20 >
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PMÏsetDëpartements. 24 fr. 12 fr. ,
Étranger. 40 » 20 »
Double vierge
Claudia examinait son corps dans la
glace. Elle avait revêtu un maillot d'une
soie si fine qu'il fallait y regarder de
bien près pour la distinguer de la peau.
Sous ce maillot, les formes de Claudia
étaient comme la vivante transcription de
la beauté acquise par des mouvements
rythmiques. Ses hanches étaient sveltes
comme celles des jolies Egyptiennes
peintes sur les tombeaux, ses jambes
fines, nerveuses, et sa poitrine, douce-
ment turgescente, aspirait la vie d'un
souffle si large et si aisé qu'elle était
toute force et tout silence, tels que sont
les mécanismes bien faits.
Sur un corps semblable, un joli visage
est un phare qui appelle l'attention vers
une mer d'amour; deux grands yeux,
du brun le plus caressant, y vivaient, et
la grâce du Nord s'y rencontrait avec
la passion du Midi. Sa chevelure hési-
tait entre le blond ardent et le brun, en
une nuance voisine de l'acajou. On y
percevait des ondes de cuivre et des on-
des d'or. Déroulée, c'était une toison
étincelante, pleine de soleil. Claudia la
portait ainsi parce que, dans ses mou-
vements au trapèze, cela produisait un
effet adorable.
Pourtant, ce n'est pas tout d'avoir une
belle chevelureJ, des yeux veloutés, le
corps virginal de Diane, il faut encore
etre aimée. Claudia le sentait bien. Ce
Soir, elle s'attristait de renoncer aux for-
hies exquises de l'adolescence, si bien
d'accord avec les exercices dont elle ti-
trait gloire, et, d'autre part, elle détestait
Cette virginité qui la distrayait d'un
amant cent fois adoré, le comte Amaury
de la Tour Lorix, dont les trente ans
s'émouvaient pour la jeune acrobate.
Amaury est une manière de héros.
C'est lui qui sauva la jeune marquise de
Narvaille au moment où elle se noyait
dans le Rhône. La marquise s'éprit de
son sauveur. Elle était laide et Amaury
la dédaigna. Alors, elle regretta d'avoir
été retirée de l'eau, détesta son sauveur
et le calomnia partout dans le monde,
jusqu'au jour où elle se trouva prise dans
l'incendie d'un bazar de la charité.
Amaury la sauva une fois encore, au
péril de sa propre vie. La chose fit du
bruit, mais ce serait mal connaître les
femmes de crpire que la marquise re-
nonça à sa haine. Elle accusa finalement
le jeune homme de s'être introduit chez
elle et d'avoir volé une bague de grand
prix. Amaury comparut devant les ju-
ges. La chose était si bien arrangée que
le comte y aurait laissé son honneur si
l'amour n'avait refait ce que l'amour
défaisait. Une femme de chambre eut
pitié d'un si beau garçon et dévoila l'in-
trigue. Amaury pardonna.
Cet épisode de sa vie lui donna beau-
coup à réfléchir. Il se méfia désormais
des femmes du monde; et un peu aussi
de toutes les autres, jusqu'au jour où il
tomba sur Claudia. Elle -lui plut bien
au delà de la chair, et il résolut tout de
suite d'en faire sa femme. La chose n'ar-
rangeait pas Claudia mais plaisait à son
père, acrobate infirme qui avait une dent
Contre le métier, dent creuse, assuré-
ment, à juger par la quantité de liquides,
secs, que l'homme y versait chaque jour.
D'ailleurs Claudia, amoureuse du beau
gentilhomme si doux, si fier. si ingénu,
était plus qu'à mi-chemin de céder au
vœu de son père.
En attendant l'heureux jour où cette
belle fille deviendrait sa femme et irait
habiter avec lui au fond du Poitou,
Amaury lui faisait une cour délicate.
suave. Le jour il se tenait derrière une
colonne et assistait, le cœur battant, aux
répétitions. Toute son âme s'élançait du
tremplin avec Claudia, se balançait au
trapèze, retombait dans le filet. Il ne res-
pirait plus. Le cirque, ce vague trou où
tombait une lumière de crypte avec tou-
tes les sales loques recouvrant les fau
teuils, et l'ombre empestée des couloirs,
lui paraissait un Olympe où habitait cette
jolie, cette fine déesse de l'air qui tom
bait du ciel jusque dans ses bras. Il s'a-
vançait, balbutiait des mots d'amour; il
voyait se dresser devant lui une petite
nymphe rougissante dont les seins étaient
soulevés par la respiration ; il voyait un
sourire tendre, des yeux dorés de pas-
sion, une bouche si fraîche qu'il crai
gnait de mourir le jour où il la baise
rait. Et n'avait-elle pas aussi les doigts
les plus délicats, un poignet comme n'en
possèdent pas beaucoup de marquises.
et ce tranquille, ce simple langage qui
est l'intelligence du cœur, la sincérité
d'une âme qui sait d'instinct la plus
haute vie, en quelques mots très doux.
Comme il était lui-même tout d'ins-
tinct, cela lui suffisait, et, grands dieux!
il se fût contenté de beaucoup moins.
D'être tombé sur cette belle fille désin-
téressée, il était rempli d'allégresse. Il
n'en allait pas ainsi de ses parents, bien
entendu, mais Amaury, n'étant pas du
bois dont on fait les flûtes, serait arrivé
au port du mariage le plus paisiblement
du monde si ce n'avait été la trop fa-
meuse marquise qu'il avait eu le mal-,
heur de sauver deux fois de la mort.
Elle apprit le projet et, par des lettres
anonymes, des racontars habiles, elle ar-
riva à jeter dans l'esprit du comte un
doute sur la vertu de Claudia. La per-
fidie de la médisance était qu'on n'ac-
cusait pas la jeune fille directement; on
prétendait qu'elle avait cédé aux objur-
gations et aux menaces de son père; en
tout cas, elle n'était pas vierge.
Amaury se trouvait possédé d'un tel
amour qu'il n'aurait sans doute pas re-
culé devant l'idée que Claudia avait eu
avant lui un amant avoué; mais il con-
çut quelque effroi à la voir innocente et
candide en apparence avec un passé im-
pur derrière elle. Il souffrit mille morts.
Il s'approchait dix fois par jour de sa
fiancée avec l'intention de tout appren-
dre d'elle ; mais il demeurait muet devant
ces yeux tranquilles, ce beau corps dont
toutes les lignes disaient qu'il était imma-
culé. ,
Sa tristesse, cependant, avait tini par
impressionner la petite acrobate, et c'est
pourquoi nous la trouvons, ce soir, dans
ce délicieux maillot de soie légère, rê-
vant de son aimé et résolue à devenir
sa femme. C'est ainsi que la nature se
fait un jeu de nos sentiments, nous les
donnant à contre mesure, et que Claudia
se décidait au mariage alors qu'Amaury
commençait à hésiter.
Cependant, elle alla faire un exercice
très court qui ouvrait le spectacle, et où
elfe eut même, un très joli succès; mais
elle n'y pensait pas, elle ne pensait qu'à
Amaury, à sa mélancolie des derniers
jours. Aussi éprouva-t-elle une secousse
joyeuse quand, rentrée dans sa loge, un
peu haletante, elle vit entrer le comte.
Dans la lumière faible, il crut qu'elle
était complètement dévêtue et il voulut
se retirer. Elle se précipita vers lui:
— Non, dit-elle, il faut que vous res-
tiez, que vous me disiez la cause de vo-
tre tristesse, que vous ne soyez plus
triste.
Il demeurait frémissant de la sentir si
près de lui, et tout le sang lui montait
à la tête. A peine s'il distinguait Clau-
dia; il la percevait seulement par tous
ses sens extasiés:
,
- Pourquoi? murmura-t-il.
-- Oui, pourquoi? pourquoi?
- Claudia ! oh ! Claudia !
Il sanglotait. Elle se jeta sur lui, pres-
sante, consolatrice:
— Dites! dites !
— Est-il vrai, Claudia, que vous ayez
aimé d'autres hommes avant moi?
Claudia, élevée librement, n'était pas
une oie blanche. Elle comprit très bien
ce qu'Amaury voulait dire, et qu'il y
avait derrière tout cela du mensonge et
de la calomnie :
— Non, ce n'est pas vrai! dit-elle fer-
mement. Vous serez le seul homme qui
jamais possédera Claudia!
Elle l'enlaçait, elle l'affolait. Il la sen-
tait douce sous sa main palpitante comme
un oiseau captif, tous ses jolis muscles
tendus vers le baiser. Elle oublia qu'elle
n'avait sur elle qu'un léger maillot de
soie et il arriva une chose imprévue:
c'est qu'Amaury de la Tour Lorix dé-
couvrit, en ce soir mémorable, que Clau-
dia était doublement vierge!
J.-H. ROSNY.
(Traduction réservée.)
Échos
Ce soir, à liuit- heures trois quarts, au
théâtre Femina, répétition générale du
spectacle des Escholiers Autour de la
lampe, pièce en trois actes, de M. André
Ibels; et L'Invitation à l'amour, un acte de
M. Georges Loiseau.
Ce soir, à l'Eldorado, première représen-
tation de La Pension Michorinet, opérette
en deux actes et quatre tableaux, de M.
Fernand Beissier, musique de M. F. Per-
pignan.
* *
Ce soir, au Casino de Paris, répétition
générale, à bureaux ouverts, de Le Beau
Tejada, livret de MM. F. Beissier et G.
Ritter, musique de M. Valverde.
AU SALON
André BRUNOT
> dan» Crlspln, pas 0» Bédane* -
E
ncore la politique.
L'exemple de Mlle Jeanne - Laloë,
qui obtint, aux élections de dimanche der-
nier, 527 suffrages, serait-il contagieux?
Voici un jac-simile des bulletins qui fu-
rent distribués hier dans toutes les sections
de vote de Paris où eurent lieu les scrutins
de ballottages:
CANDIDA
le triomphe de
VERA SERGINE
Vera Sergine en ballottage? C'est une
nouvelle bien invraisemblable.
Si Candida eût été candidate, elle eût
assurément passé au premier tour!
1
istallation nouvelle.
Un attroupement dense s'était formé
hier au bas d'un bel immeuble de la rue
Henner, puisque la rue Léonie s'appelle
désormais ainsi.
Des ouvriers, le visage ruisselant de
sueur, montaient péniblement, au moyen de
machines compliquées, trois vastes coffres-
forts en acier impeccablement neufs, pen-
dant que la galerie se gaussait des lazzis de
quelques passants en verve.
C'est, on le sait, dans cet immeuble de
la rue Henner que vient d'être transféré le
siège daola Société des Auteurs.
Pour que les nouveaux coffres-forts soient
aussi démesurés, on doit fonder de bien
grandes espérances sur le régime qui doit
très prochainement être mis en vigueur.
L
es Anglais, gens pratiques, achètent
volontiers de beaux diamants et de
belles perles. Ils savent que Dusausoy, ex-
pert, 4, boulevard des Italiens, leur don-
nera toujours un bon prix au comptant.
Grand choix d'occasions.
u
ne lettre de M. Reynaldo Hahn.
A la suite de l'appréciation du cri-
tique de la Revue Musicale de Lyon sur son
vTTomëthée triomphant, M. Reynaldo Hahn
nous communique ce spirituel billet qu'il
adresse audit critique:
9 mai 1908.
Monsieur,
Je m'incline devant l'opinion que vous formu-
lez sur mon Prométhée triomphant et me rési-
gne — non sans amertume - à ne pas vous
plaire.
Mais il m'est impossible de vous laisser dire
que je joue « sur des pianos emmitouflés de
brocarts et de broderies ». Non, vraiment, cela
n'est pas possible ! Mes amis sont tous des gens
ou très simples, ou très élégants, ou très ar-
tistes, et ils abhorrent le genre de mobilier
qu'impliquent ces « pianos emmitouflés ».
Je m'en voudrais de laisser passer sans pro-
tester une allégation qu'ils pourraient, avec
quelque raison, considérer comme quasi-inju-
rieuse à leur égard, et je vous prie, Monsieur,
de vouloir bien publier cette lettre, dans le pro-
chain numéro de la Revue. Je ne crois, pas
outrepasser mon droit en sollicitant de vous
cette marque de courtoisie, et, dans l'espoir aue
vous consentirez à me donner satisfaction sur
ce point, que je regarde comme extrêmement
important, je vous adresse, Monsieur, l'expres-
sion de mes sentiments les plus distingués.
Reynaldo HAHN.
M
ondains, artistes, littérateurs se don-
- nent rendez-vous chaque soir au
orner des théâtres, cnez {:;hampeaux, le ra-
meux restaurateur qui attire et retient sôn
élégante clientèle grâce à sa cuisine sa-
vamment préparée et à ses vins les plus
exquis du monde.
T
rès admirés, hier matin, au Bois, les
délicieux trotteurs où l'on reconnaît
la coupe impeccable de Linzeler, le coutu-
rier du 112, boulevard Haussmann. Du
reste, ses salons sont le rendez-vous de nos
plus exquises artistes, où elles trouvent un
choix abondant de nouveaux et originaux
modèles.
Le Masque de Verre.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
- .-
Mlle GREUZEj{BrodJ>hoû)}.\: r..Mlle BRÉSIL (Reutlinger, Phot.)
£Le Pboto-ProgramrasV IA GQN2.UÊTE DES FLEUR J
La signora Manon
C'est avec une profonde mélancolie que
je vois réformer chaque jour davantage
dans nos lycées la méthode d'enseignement
des langues étrangères.
A force de rendre cet enseignement plus
pratique, on finira peut-être par apprendre
aux jeunes Français à parler une autre lan-
gue que la leur, et ce sera grand dommage.
Autrefois, avec l'enseignement tradition-
nel que nous tenions de la longue expé-
rience de nos pères, il n'en allait, pas ainsi.
Je me souviens pour mon compte d'avoir
appris, pendant neuf années consécutives,
au lycée Condorcet, le premier des verbes
irréguliers anglais, et de n'avoir jamais ap-
pris autre chose. Les professeurs changè-
rent de nom, le lycée lui-même tut baptisé
de façons différentes, mais le premier des
verbes irréguliers resta toujours le même.
Je me souviens également d'avoir voulu,
par curiosité, à l'Ecole des Sciences Politi-
ques, étudier le russe. Dès la première
leçon, on nous avertit qu'il faudrait tout
d'abord, pendant une ou deux années, ap-
prendre trois mille racines, et que l'on pour-
rait ensuite aborder peut-être l'étude de
cette langue étrangère. Comme cela, au
moins, nous étions fixés de suite, et l'idée
de manger des racines pendant trois ans
comme un anachorète me détourna poure
toujours de cette étude.
Cette ignorance des langues étrangères,
que je devais à la sage prévoyance de l'en-
seignement ancien, m'a valu depuis les plus
pures joies artistiques de ma vie. Elle m'a
permis de parcourir de tort beaux pays où
des gens stupides devaient dire sans doute
des choses déplaisantes sans en erre jamais
incommodés. En Italie, particulièrement,
cette ignorance de la langue est tout sim-
plement délicieuse; la musique seule sub-
siste et aucune considération moderne ne
vient entraver le plaisir que l'on éprou- è
en contemplant ce cadre ancien.
Aujourd'hui, en parcourant le programme,
de la saison d'opéra à Covent Garde n Ré-
prouve un réel plaisir en constatant Que ie
ne suis point le seul de mon avis: de tcutes
les œuvres qui seront données cette année
à Londres, toutes seront jouées, suivant
l'habitude, en allemand ou en italien; a,
cune ne le sera en français.
C'est ainsi que l'on jouera en italien
le Barbiere di Siviglia, Don Giovanni. G!i
Ugonotti et tant d'autres œuvres, Manon
par exemple, qu'il nous paraît difficile de
concevoir autrement qu'en français.
Grâce à cette heureuse précaution, les
personnes de la société anglaise qui ne con-
naissent que l'anglais et le français se trou-
vent délivrées des abominables livrets
d'opéra et peuvent en toute liberté d'esprit
s'abandonner sans réserve au charme qui
se dégage de la pattition.
On nous permettra de les envier et de
regretter à Paris l'ancien Théâtre Italien
dont nos parents, mieux avertis des choses
de l'art, ne pouvaient se passer. On nous
permettra même de regretter que ce prin-
cipe, mieux connu et mieux développé, ne
nous permette point de taire jouer à Paris
en javanais, en turc ou même en petit nègre
d'innombrables œuvres dramatiques dé-
nuées de tout esprit et que nous n'allons
voir le plus souvent que pour admirer la
grâce et le charme de leurs interprètes.
G. DE PAWLOWSKI.
THÉÂTRE DÇ L'ATHÉNÉE
La Conquête des Fleurs
t
, Pièce en trois actes de M. Gustave Grillet
SOMMAIRE
ACTE PREMIER. - Dans le royaume des
fleurs, les fleurs, qui sont des femmes, obéis-
sent à leur souveraine, la belle Rosita. Les
hommes, quelques hommes, sont esclaves, dans
ce royaume où l'on ignore et méprise l'amour.
Mais on y connaît la discorde. Le parti des lys,
représenté par Lyllis, première ministresse, est
en lutte ouverte avec le parti des dahihs. Entre
les deux factions, la reine Rosita, frémissante
et douloureuse. rêve à des hommes qui seraient
des maîtres et non des esclaves. Elle est incitée
à cette rêverie par un vieux manuscrit décou-
vert par elle, et traitant de la question.
ACTE II. — Le royaume des fleurs est en-
vahi par un régiment venu, en aéroplane, de
la Terre. Ce régiment, éminemment français et
un peu gaulois, est chargé d'une mission par
le ministre de la Guerre terrestre. Il s'agit de
« coloniser » le royaume. On devine ce que le
mot signifie. Donc: premières escarmouches
galantes du commandant Hector de Beauvisage
avec la belle Rosita; du capitaine folicœur avec
la bouillante Giroflea, cheffesse des armées du
royaume; du soldat Courtoujours avec l'incon-
tinente Picololys.
Lyllis, qui aime le beau commandant, se la-
mente aux pieds de la statue de Vénus, et mau-
dit sa rivale, la reine Rosita.
ACTE III. — La colonisation est achevée.
Soldats conquérants et fleurs conquises boivent,
banquettent, s'enlacent, font tous les gestes des
fins de repas. Musique. Chansons. Querelles.
<1 cause de l'Amour amené par les jolis con-
quistadors, les fleurs, jadis paisibles, se dé-
chirent, s'effeuillent. Voici Beauvisage entre
Rosita, sa conquête de la veille, et Lyllis, sa
conquête de ce soir. Mais Lyllis restera pure.
Et Rosita pleurera bientôt le départ de l'infi-
dèle, envolé, avec son régiment, dans l'aéro-
plane, la mission accomplie. Les fleurs, déso-
lées, mais reconnaissantes, remettront désor-
mais le pouvoir aux mains des esclaves mâles
du royaume, en souvenir des galants colons
trop vite disparus!
C'est, comme on a coutume de le dire:
« L'Erreur d'un homme de talent! »
M. Gustave Grillet, qui a fait représenter
à l'Ambigu un beau drame militaire: Les
Pierrots,, vient d'échouer un peu cruelle-
ment à l'Athénée avec sa comédie floréale.
(Je parle comme les plus spirituels person-
nages de La Conquête des Fleurs.)
Car voici le ton de cette oeuvre qui n'est
ni sérieuse, ni bouffonne, ni poétique, ni
réaliste, ni fantaisiste, trais qui voudrait
jien être tont ceia.
Pendant deux ou trois heures, nous avons
assisté, comme en un rêve, et sachant trop
que nous ne dormions pas, à un défilé de
personnes piaillantes et vociférantes, dont
les travestissements ne témoignaient pas
d'une grande originalité! Volants de jupes
figurant — naturellement — les pétales
Un pétale plus grand sur la tête en ma-
nière de chaperon. Toutes les jambes gan-<
tées de bas de couleur, afin d'évoquer tou-
tes les tiges. Et allez donc! Voilà le Royau-
me des Fleurs!.
Pour ce qui est du texte, sachez que des
armées se mettent (nous dit-on) en marche
sur l'air de l'Interfloréale ; qu'une fleur per-
sécutée par ses compagnes leur crie: « Ahl
la tigel. » ; que la Giroflée est la fleur qui
gifle les hommes; et que la jeune Picololys
ne cesse pas d'être saoûle, à cause des trois
premières syllabes de son nom.
Je n'insiste pas!
Manifestement, l'auteur et le directetif
ont été les victimes d'une littérature am-
biante. Ruydard Kypling et son Livre de la
Jungle; Maeterlinck et son Intelligence des
Fleurs; Edmond Rostand et son Chante'
clair, voici les vrais coupables. Ils sont un
peu responsables de la trop joyeuse soirée
d'hier.
Par malheur, MM. Grillet et Deval ont
oublié que le Livre de la Jungle était un; »
livre; que L'Intelligence des Fleurs était un.
merveilleux poème scientifique ; et qu'Ed-.
mond Rostand nous apparaissait comme le'
seul virtuose de génie dont les vers fini-
raient toujours par retomber sur leurs pieds.' *
Ils ont oublié cela! Ils ont rêvé d'une en-
treprise dramatique nouvelle, qui, grâce à
des çouplets genre invocation à des
« from-from » genre musique de scène, à
des décors genre Puvis de Chavannes, à
des créatures genre (je ne veux pas le
dire) pourrait bien devenir une entreprise
d art.
Hélas! l'art n'est pas une entreprise. On
est, on se manifeste un artiste en dehors de
sa propre volonté, quelquefois malgré soi.
Je suis sûr que M. Grillet a écrit Les
Pierrots pour la foule, et La Conquête des
Fleurs pour les lettrés. Or, les lettrés peu-
vent trouver aux Pierrots de quoi se satis
faire, et demeureront stupides à La Con.
quête des Fleurs. >
Ohi les fleurs qui parlent comme des
fleurs, avec leur voix un peu encanaillée de
icmme: les fleurs-femmes! les femmes-
Heurs! les cuisses-tiges; les derrières-éu-
mines; la botano-psychologie, la psycho-bo-
tanique de tout ça!.
Oh! l'arrivée des galants conquistador1: l
L'Amour et la guerre! Les billets de loge-
ment chez l'habitante! La consigne qui * sti
de séduire! Les citations à l'ordre de îa
nuit!.
Ici, la fleur-littérature a douté d'elle-mê-:
me. Après avoir longtemps demandé secours;
a sa compagne la fleur-rhétorique, elle s'est,
mise à dégager des parfums un peu &ro'J-'
siers. un peu troubles (opérette et revue mi-ri
tigées; un mélangel ) j
Oh 1 l'orgie de la fin!. Corolles et uni-l
formes enlacés ! Chansons ! Petit jour sur la'
nterl. Et (pourquoi pas?) fleurs lumineuses;
qui df-sgendent encore, encore. Oh !.
iïïkdl tl Mai 19Cr *
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Étranger. 40 » 20 »
Double vierge
Claudia examinait son corps dans la
glace. Elle avait revêtu un maillot d'une
soie si fine qu'il fallait y regarder de
bien près pour la distinguer de la peau.
Sous ce maillot, les formes de Claudia
étaient comme la vivante transcription de
la beauté acquise par des mouvements
rythmiques. Ses hanches étaient sveltes
comme celles des jolies Egyptiennes
peintes sur les tombeaux, ses jambes
fines, nerveuses, et sa poitrine, douce-
ment turgescente, aspirait la vie d'un
souffle si large et si aisé qu'elle était
toute force et tout silence, tels que sont
les mécanismes bien faits.
Sur un corps semblable, un joli visage
est un phare qui appelle l'attention vers
une mer d'amour; deux grands yeux,
du brun le plus caressant, y vivaient, et
la grâce du Nord s'y rencontrait avec
la passion du Midi. Sa chevelure hési-
tait entre le blond ardent et le brun, en
une nuance voisine de l'acajou. On y
percevait des ondes de cuivre et des on-
des d'or. Déroulée, c'était une toison
étincelante, pleine de soleil. Claudia la
portait ainsi parce que, dans ses mou-
vements au trapèze, cela produisait un
effet adorable.
Pourtant, ce n'est pas tout d'avoir une
belle chevelureJ, des yeux veloutés, le
corps virginal de Diane, il faut encore
etre aimée. Claudia le sentait bien. Ce
Soir, elle s'attristait de renoncer aux for-
hies exquises de l'adolescence, si bien
d'accord avec les exercices dont elle ti-
trait gloire, et, d'autre part, elle détestait
Cette virginité qui la distrayait d'un
amant cent fois adoré, le comte Amaury
de la Tour Lorix, dont les trente ans
s'émouvaient pour la jeune acrobate.
Amaury est une manière de héros.
C'est lui qui sauva la jeune marquise de
Narvaille au moment où elle se noyait
dans le Rhône. La marquise s'éprit de
son sauveur. Elle était laide et Amaury
la dédaigna. Alors, elle regretta d'avoir
été retirée de l'eau, détesta son sauveur
et le calomnia partout dans le monde,
jusqu'au jour où elle se trouva prise dans
l'incendie d'un bazar de la charité.
Amaury la sauva une fois encore, au
péril de sa propre vie. La chose fit du
bruit, mais ce serait mal connaître les
femmes de crpire que la marquise re-
nonça à sa haine. Elle accusa finalement
le jeune homme de s'être introduit chez
elle et d'avoir volé une bague de grand
prix. Amaury comparut devant les ju-
ges. La chose était si bien arrangée que
le comte y aurait laissé son honneur si
l'amour n'avait refait ce que l'amour
défaisait. Une femme de chambre eut
pitié d'un si beau garçon et dévoila l'in-
trigue. Amaury pardonna.
Cet épisode de sa vie lui donna beau-
coup à réfléchir. Il se méfia désormais
des femmes du monde; et un peu aussi
de toutes les autres, jusqu'au jour où il
tomba sur Claudia. Elle -lui plut bien
au delà de la chair, et il résolut tout de
suite d'en faire sa femme. La chose n'ar-
rangeait pas Claudia mais plaisait à son
père, acrobate infirme qui avait une dent
Contre le métier, dent creuse, assuré-
ment, à juger par la quantité de liquides,
secs, que l'homme y versait chaque jour.
D'ailleurs Claudia, amoureuse du beau
gentilhomme si doux, si fier. si ingénu,
était plus qu'à mi-chemin de céder au
vœu de son père.
En attendant l'heureux jour où cette
belle fille deviendrait sa femme et irait
habiter avec lui au fond du Poitou,
Amaury lui faisait une cour délicate.
suave. Le jour il se tenait derrière une
colonne et assistait, le cœur battant, aux
répétitions. Toute son âme s'élançait du
tremplin avec Claudia, se balançait au
trapèze, retombait dans le filet. Il ne res-
pirait plus. Le cirque, ce vague trou où
tombait une lumière de crypte avec tou-
tes les sales loques recouvrant les fau
teuils, et l'ombre empestée des couloirs,
lui paraissait un Olympe où habitait cette
jolie, cette fine déesse de l'air qui tom
bait du ciel jusque dans ses bras. Il s'a-
vançait, balbutiait des mots d'amour; il
voyait se dresser devant lui une petite
nymphe rougissante dont les seins étaient
soulevés par la respiration ; il voyait un
sourire tendre, des yeux dorés de pas-
sion, une bouche si fraîche qu'il crai
gnait de mourir le jour où il la baise
rait. Et n'avait-elle pas aussi les doigts
les plus délicats, un poignet comme n'en
possèdent pas beaucoup de marquises.
et ce tranquille, ce simple langage qui
est l'intelligence du cœur, la sincérité
d'une âme qui sait d'instinct la plus
haute vie, en quelques mots très doux.
Comme il était lui-même tout d'ins-
tinct, cela lui suffisait, et, grands dieux!
il se fût contenté de beaucoup moins.
D'être tombé sur cette belle fille désin-
téressée, il était rempli d'allégresse. Il
n'en allait pas ainsi de ses parents, bien
entendu, mais Amaury, n'étant pas du
bois dont on fait les flûtes, serait arrivé
au port du mariage le plus paisiblement
du monde si ce n'avait été la trop fa-
meuse marquise qu'il avait eu le mal-,
heur de sauver deux fois de la mort.
Elle apprit le projet et, par des lettres
anonymes, des racontars habiles, elle ar-
riva à jeter dans l'esprit du comte un
doute sur la vertu de Claudia. La per-
fidie de la médisance était qu'on n'ac-
cusait pas la jeune fille directement; on
prétendait qu'elle avait cédé aux objur-
gations et aux menaces de son père; en
tout cas, elle n'était pas vierge.
Amaury se trouvait possédé d'un tel
amour qu'il n'aurait sans doute pas re-
culé devant l'idée que Claudia avait eu
avant lui un amant avoué; mais il con-
çut quelque effroi à la voir innocente et
candide en apparence avec un passé im-
pur derrière elle. Il souffrit mille morts.
Il s'approchait dix fois par jour de sa
fiancée avec l'intention de tout appren-
dre d'elle ; mais il demeurait muet devant
ces yeux tranquilles, ce beau corps dont
toutes les lignes disaient qu'il était imma-
culé. ,
Sa tristesse, cependant, avait tini par
impressionner la petite acrobate, et c'est
pourquoi nous la trouvons, ce soir, dans
ce délicieux maillot de soie légère, rê-
vant de son aimé et résolue à devenir
sa femme. C'est ainsi que la nature se
fait un jeu de nos sentiments, nous les
donnant à contre mesure, et que Claudia
se décidait au mariage alors qu'Amaury
commençait à hésiter.
Cependant, elle alla faire un exercice
très court qui ouvrait le spectacle, et où
elfe eut même, un très joli succès; mais
elle n'y pensait pas, elle ne pensait qu'à
Amaury, à sa mélancolie des derniers
jours. Aussi éprouva-t-elle une secousse
joyeuse quand, rentrée dans sa loge, un
peu haletante, elle vit entrer le comte.
Dans la lumière faible, il crut qu'elle
était complètement dévêtue et il voulut
se retirer. Elle se précipita vers lui:
— Non, dit-elle, il faut que vous res-
tiez, que vous me disiez la cause de vo-
tre tristesse, que vous ne soyez plus
triste.
Il demeurait frémissant de la sentir si
près de lui, et tout le sang lui montait
à la tête. A peine s'il distinguait Clau-
dia; il la percevait seulement par tous
ses sens extasiés:
,
- Pourquoi? murmura-t-il.
-- Oui, pourquoi? pourquoi?
- Claudia ! oh ! Claudia !
Il sanglotait. Elle se jeta sur lui, pres-
sante, consolatrice:
— Dites! dites !
— Est-il vrai, Claudia, que vous ayez
aimé d'autres hommes avant moi?
Claudia, élevée librement, n'était pas
une oie blanche. Elle comprit très bien
ce qu'Amaury voulait dire, et qu'il y
avait derrière tout cela du mensonge et
de la calomnie :
— Non, ce n'est pas vrai! dit-elle fer-
mement. Vous serez le seul homme qui
jamais possédera Claudia!
Elle l'enlaçait, elle l'affolait. Il la sen-
tait douce sous sa main palpitante comme
un oiseau captif, tous ses jolis muscles
tendus vers le baiser. Elle oublia qu'elle
n'avait sur elle qu'un léger maillot de
soie et il arriva une chose imprévue:
c'est qu'Amaury de la Tour Lorix dé-
couvrit, en ce soir mémorable, que Clau-
dia était doublement vierge!
J.-H. ROSNY.
(Traduction réservée.)
Échos
Ce soir, à liuit- heures trois quarts, au
théâtre Femina, répétition générale du
spectacle des Escholiers Autour de la
lampe, pièce en trois actes, de M. André
Ibels; et L'Invitation à l'amour, un acte de
M. Georges Loiseau.
Ce soir, à l'Eldorado, première représen-
tation de La Pension Michorinet, opérette
en deux actes et quatre tableaux, de M.
Fernand Beissier, musique de M. F. Per-
pignan.
* *
Ce soir, au Casino de Paris, répétition
générale, à bureaux ouverts, de Le Beau
Tejada, livret de MM. F. Beissier et G.
Ritter, musique de M. Valverde.
AU SALON
André BRUNOT
> dan» Crlspln, pas 0» Bédane* -
E
ncore la politique.
L'exemple de Mlle Jeanne - Laloë,
qui obtint, aux élections de dimanche der-
nier, 527 suffrages, serait-il contagieux?
Voici un jac-simile des bulletins qui fu-
rent distribués hier dans toutes les sections
de vote de Paris où eurent lieu les scrutins
de ballottages:
CANDIDA
le triomphe de
VERA SERGINE
Vera Sergine en ballottage? C'est une
nouvelle bien invraisemblable.
Si Candida eût été candidate, elle eût
assurément passé au premier tour!
1
istallation nouvelle.
Un attroupement dense s'était formé
hier au bas d'un bel immeuble de la rue
Henner, puisque la rue Léonie s'appelle
désormais ainsi.
Des ouvriers, le visage ruisselant de
sueur, montaient péniblement, au moyen de
machines compliquées, trois vastes coffres-
forts en acier impeccablement neufs, pen-
dant que la galerie se gaussait des lazzis de
quelques passants en verve.
C'est, on le sait, dans cet immeuble de
la rue Henner que vient d'être transféré le
siège daola Société des Auteurs.
Pour que les nouveaux coffres-forts soient
aussi démesurés, on doit fonder de bien
grandes espérances sur le régime qui doit
très prochainement être mis en vigueur.
L
es Anglais, gens pratiques, achètent
volontiers de beaux diamants et de
belles perles. Ils savent que Dusausoy, ex-
pert, 4, boulevard des Italiens, leur don-
nera toujours un bon prix au comptant.
Grand choix d'occasions.
u
ne lettre de M. Reynaldo Hahn.
A la suite de l'appréciation du cri-
tique de la Revue Musicale de Lyon sur son
vTTomëthée triomphant, M. Reynaldo Hahn
nous communique ce spirituel billet qu'il
adresse audit critique:
9 mai 1908.
Monsieur,
Je m'incline devant l'opinion que vous formu-
lez sur mon Prométhée triomphant et me rési-
gne — non sans amertume - à ne pas vous
plaire.
Mais il m'est impossible de vous laisser dire
que je joue « sur des pianos emmitouflés de
brocarts et de broderies ». Non, vraiment, cela
n'est pas possible ! Mes amis sont tous des gens
ou très simples, ou très élégants, ou très ar-
tistes, et ils abhorrent le genre de mobilier
qu'impliquent ces « pianos emmitouflés ».
Je m'en voudrais de laisser passer sans pro-
tester une allégation qu'ils pourraient, avec
quelque raison, considérer comme quasi-inju-
rieuse à leur égard, et je vous prie, Monsieur,
de vouloir bien publier cette lettre, dans le pro-
chain numéro de la Revue. Je ne crois, pas
outrepasser mon droit en sollicitant de vous
cette marque de courtoisie, et, dans l'espoir aue
vous consentirez à me donner satisfaction sur
ce point, que je regarde comme extrêmement
important, je vous adresse, Monsieur, l'expres-
sion de mes sentiments les plus distingués.
Reynaldo HAHN.
M
ondains, artistes, littérateurs se don-
- nent rendez-vous chaque soir au
orner des théâtres, cnez {:;hampeaux, le ra-
meux restaurateur qui attire et retient sôn
élégante clientèle grâce à sa cuisine sa-
vamment préparée et à ses vins les plus
exquis du monde.
T
rès admirés, hier matin, au Bois, les
délicieux trotteurs où l'on reconnaît
la coupe impeccable de Linzeler, le coutu-
rier du 112, boulevard Haussmann. Du
reste, ses salons sont le rendez-vous de nos
plus exquises artistes, où elles trouvent un
choix abondant de nouveaux et originaux
modèles.
Le Masque de Verre.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
- .-
Mlle GREUZEj{BrodJ>hoû)}.\: r..Mlle BRÉSIL (Reutlinger, Phot.)
£Le Pboto-ProgramrasV IA GQN2.UÊTE DES FLEUR J
La signora Manon
C'est avec une profonde mélancolie que
je vois réformer chaque jour davantage
dans nos lycées la méthode d'enseignement
des langues étrangères.
A force de rendre cet enseignement plus
pratique, on finira peut-être par apprendre
aux jeunes Français à parler une autre lan-
gue que la leur, et ce sera grand dommage.
Autrefois, avec l'enseignement tradition-
nel que nous tenions de la longue expé-
rience de nos pères, il n'en allait, pas ainsi.
Je me souviens pour mon compte d'avoir
appris, pendant neuf années consécutives,
au lycée Condorcet, le premier des verbes
irréguliers anglais, et de n'avoir jamais ap-
pris autre chose. Les professeurs changè-
rent de nom, le lycée lui-même tut baptisé
de façons différentes, mais le premier des
verbes irréguliers resta toujours le même.
Je me souviens également d'avoir voulu,
par curiosité, à l'Ecole des Sciences Politi-
ques, étudier le russe. Dès la première
leçon, on nous avertit qu'il faudrait tout
d'abord, pendant une ou deux années, ap-
prendre trois mille racines, et que l'on pour-
rait ensuite aborder peut-être l'étude de
cette langue étrangère. Comme cela, au
moins, nous étions fixés de suite, et l'idée
de manger des racines pendant trois ans
comme un anachorète me détourna poure
toujours de cette étude.
Cette ignorance des langues étrangères,
que je devais à la sage prévoyance de l'en-
seignement ancien, m'a valu depuis les plus
pures joies artistiques de ma vie. Elle m'a
permis de parcourir de tort beaux pays où
des gens stupides devaient dire sans doute
des choses déplaisantes sans en erre jamais
incommodés. En Italie, particulièrement,
cette ignorance de la langue est tout sim-
plement délicieuse; la musique seule sub-
siste et aucune considération moderne ne
vient entraver le plaisir que l'on éprou- è
en contemplant ce cadre ancien.
Aujourd'hui, en parcourant le programme,
de la saison d'opéra à Covent Garde n Ré-
prouve un réel plaisir en constatant Que ie
ne suis point le seul de mon avis: de tcutes
les œuvres qui seront données cette année
à Londres, toutes seront jouées, suivant
l'habitude, en allemand ou en italien; a,
cune ne le sera en français.
C'est ainsi que l'on jouera en italien
le Barbiere di Siviglia, Don Giovanni. G!i
Ugonotti et tant d'autres œuvres, Manon
par exemple, qu'il nous paraît difficile de
concevoir autrement qu'en français.
Grâce à cette heureuse précaution, les
personnes de la société anglaise qui ne con-
naissent que l'anglais et le français se trou-
vent délivrées des abominables livrets
d'opéra et peuvent en toute liberté d'esprit
s'abandonner sans réserve au charme qui
se dégage de la pattition.
On nous permettra de les envier et de
regretter à Paris l'ancien Théâtre Italien
dont nos parents, mieux avertis des choses
de l'art, ne pouvaient se passer. On nous
permettra même de regretter que ce prin-
cipe, mieux connu et mieux développé, ne
nous permette point de taire jouer à Paris
en javanais, en turc ou même en petit nègre
d'innombrables œuvres dramatiques dé-
nuées de tout esprit et que nous n'allons
voir le plus souvent que pour admirer la
grâce et le charme de leurs interprètes.
G. DE PAWLOWSKI.
THÉÂTRE DÇ L'ATHÉNÉE
La Conquête des Fleurs
t
, Pièce en trois actes de M. Gustave Grillet
SOMMAIRE
ACTE PREMIER. - Dans le royaume des
fleurs, les fleurs, qui sont des femmes, obéis-
sent à leur souveraine, la belle Rosita. Les
hommes, quelques hommes, sont esclaves, dans
ce royaume où l'on ignore et méprise l'amour.
Mais on y connaît la discorde. Le parti des lys,
représenté par Lyllis, première ministresse, est
en lutte ouverte avec le parti des dahihs. Entre
les deux factions, la reine Rosita, frémissante
et douloureuse. rêve à des hommes qui seraient
des maîtres et non des esclaves. Elle est incitée
à cette rêverie par un vieux manuscrit décou-
vert par elle, et traitant de la question.
ACTE II. — Le royaume des fleurs est en-
vahi par un régiment venu, en aéroplane, de
la Terre. Ce régiment, éminemment français et
un peu gaulois, est chargé d'une mission par
le ministre de la Guerre terrestre. Il s'agit de
« coloniser » le royaume. On devine ce que le
mot signifie. Donc: premières escarmouches
galantes du commandant Hector de Beauvisage
avec la belle Rosita; du capitaine folicœur avec
la bouillante Giroflea, cheffesse des armées du
royaume; du soldat Courtoujours avec l'incon-
tinente Picololys.
Lyllis, qui aime le beau commandant, se la-
mente aux pieds de la statue de Vénus, et mau-
dit sa rivale, la reine Rosita.
ACTE III. — La colonisation est achevée.
Soldats conquérants et fleurs conquises boivent,
banquettent, s'enlacent, font tous les gestes des
fins de repas. Musique. Chansons. Querelles.
<1 cause de l'Amour amené par les jolis con-
quistadors, les fleurs, jadis paisibles, se dé-
chirent, s'effeuillent. Voici Beauvisage entre
Rosita, sa conquête de la veille, et Lyllis, sa
conquête de ce soir. Mais Lyllis restera pure.
Et Rosita pleurera bientôt le départ de l'infi-
dèle, envolé, avec son régiment, dans l'aéro-
plane, la mission accomplie. Les fleurs, déso-
lées, mais reconnaissantes, remettront désor-
mais le pouvoir aux mains des esclaves mâles
du royaume, en souvenir des galants colons
trop vite disparus!
C'est, comme on a coutume de le dire:
« L'Erreur d'un homme de talent! »
M. Gustave Grillet, qui a fait représenter
à l'Ambigu un beau drame militaire: Les
Pierrots,, vient d'échouer un peu cruelle-
ment à l'Athénée avec sa comédie floréale.
(Je parle comme les plus spirituels person-
nages de La Conquête des Fleurs.)
Car voici le ton de cette oeuvre qui n'est
ni sérieuse, ni bouffonne, ni poétique, ni
réaliste, ni fantaisiste, trais qui voudrait
jien être tont ceia.
Pendant deux ou trois heures, nous avons
assisté, comme en un rêve, et sachant trop
que nous ne dormions pas, à un défilé de
personnes piaillantes et vociférantes, dont
les travestissements ne témoignaient pas
d'une grande originalité! Volants de jupes
figurant — naturellement — les pétales
Un pétale plus grand sur la tête en ma-
nière de chaperon. Toutes les jambes gan-<
tées de bas de couleur, afin d'évoquer tou-
tes les tiges. Et allez donc! Voilà le Royau-
me des Fleurs!.
Pour ce qui est du texte, sachez que des
armées se mettent (nous dit-on) en marche
sur l'air de l'Interfloréale ; qu'une fleur per-
sécutée par ses compagnes leur crie: « Ahl
la tigel. » ; que la Giroflée est la fleur qui
gifle les hommes; et que la jeune Picololys
ne cesse pas d'être saoûle, à cause des trois
premières syllabes de son nom.
Je n'insiste pas!
Manifestement, l'auteur et le directetif
ont été les victimes d'une littérature am-
biante. Ruydard Kypling et son Livre de la
Jungle; Maeterlinck et son Intelligence des
Fleurs; Edmond Rostand et son Chante'
clair, voici les vrais coupables. Ils sont un
peu responsables de la trop joyeuse soirée
d'hier.
Par malheur, MM. Grillet et Deval ont
oublié que le Livre de la Jungle était un; »
livre; que L'Intelligence des Fleurs était un.
merveilleux poème scientifique ; et qu'Ed-.
mond Rostand nous apparaissait comme le'
seul virtuose de génie dont les vers fini-
raient toujours par retomber sur leurs pieds.' *
Ils ont oublié cela! Ils ont rêvé d'une en-
treprise dramatique nouvelle, qui, grâce à
des çouplets genre invocation à des
« from-from » genre musique de scène, à
des décors genre Puvis de Chavannes, à
des créatures genre (je ne veux pas le
dire) pourrait bien devenir une entreprise
d art.
Hélas! l'art n'est pas une entreprise. On
est, on se manifeste un artiste en dehors de
sa propre volonté, quelquefois malgré soi.
Je suis sûr que M. Grillet a écrit Les
Pierrots pour la foule, et La Conquête des
Fleurs pour les lettrés. Or, les lettrés peu-
vent trouver aux Pierrots de quoi se satis
faire, et demeureront stupides à La Con.
quête des Fleurs. >
Ohi les fleurs qui parlent comme des
fleurs, avec leur voix un peu encanaillée de
icmme: les fleurs-femmes! les femmes-
Heurs! les cuisses-tiges; les derrières-éu-
mines; la botano-psychologie, la psycho-bo-
tanique de tout ça!.
Oh! l'arrivée des galants conquistador1: l
L'Amour et la guerre! Les billets de loge-
ment chez l'habitante! La consigne qui * sti
de séduire! Les citations à l'ordre de îa
nuit!.
Ici, la fleur-littérature a douté d'elle-mê-:
me. Après avoir longtemps demandé secours;
a sa compagne la fleur-rhétorique, elle s'est,
mise à dégager des parfums un peu &ro'J-'
siers. un peu troubles (opérette et revue mi-ri
tigées; un mélangel ) j
Oh 1 l'orgie de la fin!. Corolles et uni-l
formes enlacés ! Chansons ! Petit jour sur la'
nterl. Et (pourquoi pas?) fleurs lumineuses;
qui df-sgendent encore, encore. Oh !.
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