Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-04-24
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 avril 1908 24 avril 1908
Description : 1908/04/24 (A2,N207). 1908/04/24 (A2,N207).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646591c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2* Année. •• ftJ" 207 (Quotidi*o> I# f ':.fl\
-1
Vendredi 24 Avril 1903,
Rédacteur en Chef : G. dû PAWLOWSKi
RÉDACTION , ADMINISTRATION t
27, Souleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE 288-07
Adresse Télégraphique ,: COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 9 fflOIS
- -
Paris et Départements 24 fr. 12 Cr.
Etranger.
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE: 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA.PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Fatis et Départements » 24 fr. 12 fr. *
Étranger 40 » 20 »
Sur le Théâtre
en vers
Pour Hugues Delorme.
Un jeune homme, récemment joué à
'l'Odéon, vient d'émettre une proposition
littéraire dont j'avoue que le simple
énoncé m'a plongé dans un gouffre de
stupeur.
A son avis, à ce jeune homme, le vers
de théâtre doit se dépouiller dé tout ly-
risme; même il doit repousser impitoya-
blement « les trouvailles de mots, les
épithètes rares qui sont les petites chan-
ces du travail! » Il faut qu'il ne vole
point et qu'on sente toujours qu'il a des
pieds!
D'où la nécessité, pour un poète de
cette école spéciale, de se choisir avec
soin les sujets les plus terre-à-terre, les
caractères les moins généreux, les situa-
tions les plus plates. Car, voyez la ma-
lice du Vers: il serait capable, le bigre!
si le moindre prétexte ou le plus infime
espace lui était laissé, de rebondir mal-
gré son scribe, et d'aller voir un petit
peu, là-haut, si les étoiles y sont!
Non, non et non ! Le Vers, surtout le
vers de théâtre, qui est fait pour être
dit, clamé, soupiré ou chanté, et non
pour être lu dans le silence, mérite qu'on
le pare de toutes les gloires du verbe et
de toute la musique des couleurs.
Et il est bien certain qu'il ne convient
guère dans la bouche d'un monsieur
en veston cintré causant du krach Ro-
chette avec une dame en jupe trotteuse.
Il lui faut les grands habits de jadis et le
recul du temps dans le décor.
Car les vers ne sont propres qu'à ex-
primer des sentiments ou des sensations
invariables éternellement: la Haine, l'A-
mour, la Peur, la Bravoure, en somme
tout ce qui, dans l'être humain —lequel
ne change point en ses profondeurs —
est demeuré et demeurera immuable,
depuis le premier homme qui vécut jus-
qu'à celui qui mourra le dernier.
Le vers de théâtre n a pas pour rôle
de « situer » ou de « dater» les événe-
ments ou les passions qu'il conte ou
qu'il célèbre. Il n'est ni un Guide-Conty
ni une Chronologie d'école primaire. Il n'a
rien de commun avec le moment qui
passe, et c'est à cette condition qu'il ne
passe pas.
Si nous n'avions que les tragiques ou
même les comiques grecs ou latins pour
nous donner une idée de ce qu'étaient
l'actualité et les conditions contemporai-
nes de la vie, en leurs époques, nous ne
posséderions là-dessus que de bien piè-
tres documents. Je ne crois pas que Mo-
lière ou Regnard nous renseignent beau-
- coup plus nettement sur la manière dont
on traversait Paris, de leurs jours.
Pourquoi?
Parce que, si familiers qu'ils pussent
être, tous ces poètes se sont gardés as-
sez poètes pour généraliser leur pensée
et ne la point restreindre aux particula-
rités du bref quart d'heure d'existence
qui leur fut dévolu sur la terre. Ceux-là.
pourtant, ont pu encore mettre en scène
des protagonistes un peu moins vilaine-
ment vêtus que les funèbres personna-
ges de ce vingtième siècle où tous les
panaches sont tombés.
Mais nous! nous autres! De quel
front irions-nous, si nous écrivons en
vers — c'est-à-dire si nous généralisons
notre pensée ! — chercher, pour person-
nifier nos héros, la dame en jupe trot-
teuse et le monsieur en veston cintré?
La tentative, au reste, n'est pas nou-
velle. Sous la Restauration et sous
Louis-Philippe, voire sous le second
Empire, la « comédie' bourgeoise en
vers » fleurit à la façon de la moisissure
sur les vins éventés. Camille Doucet,
Casimir Delavigne, Emile Augier (oh!
Gabriellel), d'autres encore que la Ba-
rathre a engloutis. Quelques vers — de
toute cette production — ont même sur-
nagé dans nos mémoires:
Léon! je te défends de brosser mon chapeau!
Considération ! Considération !
Ma seule ambition ! Ma seule ambition !
Que dis-tu maintenant de mon petit système?
- 0 père de famille ! o poète! je t'aime!!!
De même que M. Scribe, - à ce
qu'affirma Banville — avait le don de
ne pas rimer, il est des versifie, te>' "rs
qui ont le don de ne pas être poètes.
Rien de mieux! Chacun son hareng!
comme dit Yvette Guilbert; mais pour-
quoi vouloir communiquer ce don aux
autres par la voie de l'apostolat? Pour-
quoi ériger en théorie dogmatique ad
usum urbis et orbis, ce qui n'est qu'une
hérésie personnelle?
La prose occupe au théâtre un domai-
ne assez vaste assez beau et assez riche
pour qu'elle ne vienne pas empiéter sur
les maigres terres de la poésie. Tout ce
qui est observation, critique de mœurs,
études de caractères, tout ce qui se
prend sur le vif de l'instant qui fuit et
étude de caractères, tout ce qui se
exactitude, raisonnement, thèse, plai-
doyer, conseil, tout cela a pour truche-
ment cette admirable prose souple, dé-
liée, légère, tendre, cruelle, qui est celle
de nos dramaturges et vaudevillistes mo-
dernes à qui rien de ce qui est la vi<
présente n'est étranger.
Mais, de grâce, ne mêlons pas les su-
jets et que les genres restent chacun
chez soi ! Si vous avez, dans votre pièce,
à parler d'auto-taxis, de télégraphie sans
fil, du diamant Lemoine ou des méhal-
las de Moulaï-Hafid, ne dérangez pas
la Fée des Consonnes d'Appui, laissez
Pégase à l'écurie, et le grelot de la
Rime à son collier pendu au mur. Le
français tel qu'on le parle vous suffira
amplement.
Non! non! ô jeune homme joué ré-
cemment à l'Odéon, arrêtez-vous sur ce
chemin périlleux et sans beauté. Foin de
la prose poétique et de la poésie pro-
saïque! Car si l'endosmose préconisée
par vous se produit de nouveau — j'ai
cité des exemples; — entre les deux
langages, ce sera, de rechef, l'énerve-
ment de la prose et l'avilissement de la
poésie. Personne ne saura plus dans
quelle partie il travaille, et Monsieur Jour-
dain lui-même, quand il dira: « Ma
femme, passe-moi mes pantoufles! »
croira qu'il fait des vers.
Louis MARSOLLEAU.
Nous publierons demain un article de
ANDRÉ DE LORDE
, Sortie
Il est en France un usage séculaire qui
veut que l'on prenne toutes les précautions
nécessaires pour éviter une catastrophe le
lendemain du jour où elle se produit.
Lorsqu'un homme se suicide en plein
champ dans un lieu désert, on construit le
lendemain, en cet endroit, un poste de se-
cours avec une boîte de pharmacie permet-
tant de venir en aide, au besoin, à l'homme
qui s'est tué là la veille. C'est une satisfac-
tion purement intellectuelle et qui n'est, en
.résumé, qu'une façon nouvelle de satisfaire
à la manie Que nous avons d'élever partout
des monuments commémoratifs et d'impé-
rissables hommes de bronze.
S'il en était autrement on peut penser,
en effet, que ce n'est point à l'endroit même
où l'accident vient de se produire que l'on
doit prendre les mesures nécessaires, mais
bien aux endroits plus menacés où de nou-
veaux accidents sont à craindre; mais, je
le répète tel n'est point l'usage expiatoire.
Au lendemain de la catastrophe du Métro-
politain, ce fut à là station ~-t~edent s'était produit que l'on prit toutes les
mesures nécessaires pour indiquer suffisam-
ment la sortie de la station et les moyens
de combattre l'incendie, et ce ne fut que
plus tard que l'on étendit les mêmes pré-
cautions aux autres stations.
Il en va de même, est-il besoin de le dire,
pour nos grandes scènes parisiennes. Il est
indispensable qu'un théâtre ait brûlé-pour
que l'on prenne les mesures de sécurité né-
cessaires, et ceux-là seuls qui turent éprou-
vés par le jeu sont aujourd'hui à peu près
convenablement conçus. Dans les autres,
c'est, toujours la même imprévoyance, la
même insuffisance d'indications en atten-
dant la catastrophe qui remettra tout en
place.
Sans aller plus loin, il est évident qu'à
l'imitation de ce qui s'est fait dans U Métro-
politain il serait nécessaire d'indiquer en
lettres lumineuses, éclairées par un circuit
indépendant, les principales sorties du théâ-
tre. Théoriquement, il devrait en être ainsi;
pratiquement, tout le monde sait qu'il n'en
est rien et que les quelques rares lanternes
posées sur les portes sans issue ne seraient
d'aucun secours dans l'affolement d'un in-
cendie.
Quant aux autres indications, on peut pen-
ser qu'elles seraient insuffisantes ou triste-
ment macabres, et que ce serait une mince
consolation, au moment de mourir étouffé,
que de lire sur les murs: « Limonade, 50
centimes », ou « Orangeade, 75 centimes ».
G. DE PAWLOWSKI.
Echos
Cet après-midi, à deux heures, à l'Odéon,
répétition générale de L'Alibi, pièce en
trois actes, de M. Trarieux, et de Une
vieille contait., un acte en vers, de MM.
Gumpel et Delaquys.
Ce soir, à huit heures trois quarts, aux
Variétés, première représentation de Le
Roi, comédie en trois actes et quatre ta-
bleaux, de MM. G.-A. de Caillavet, Robert
de Flers et Emmanuel Arène.
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
Théâtre de l'Œuvre (salle Femina), répéti-
tion générale de La Loi, pièce en trois ac-
tes, de M. Daniel Jourda.
Ce soir vendredi, à huit heures trois
quarts, à Parisiana, répétition générale de
Yoritomo, un drame au Japon, en deux ac-
tes, de MM. Bonis-Charancle et Romain,
et de La Comtesse Léa, pièce d'avant-gar-
de en quatre actes, de M. Bonis-Charancle.
u
n engagement sensationnel.
Donc, nous avons été les premiers à
l'annoncer, M. Guitry va jouer une opérette
antique de MM. Jules Lemaître et Maurice
Donnay, pour le poème, et dont M. Claude;
Terrasse écrira la musique. Les Aventures
de Télémaque, c'est le titre de cette œuvre
nouvelle, seront offertes au public avec une
de ces interprétations dont on dit QU elies
sont di primo cartello.
Parmi les artistes que nous applaudirons,
citons d'abord M. Lucien Guitry, qui jouers
vraisemblablement le rôle du vieil Homère,
et M. Polin. Nous savons aussi qu'un rôle
important est réservé à Mlle Jeanne Des-
clos une jeune et charmante actrice oui a
fait, dans La Femme nue, un début fort re-
marqué.
Mais un engagement tout à fait sensa-
tionnel serait sur le point d'être signé. Et
il serait question, pour chanter le principal
rôle de l'opérette, d'une cantatrice fort con-
nue qui est la femme du directeur d'une
de nos premières scènes lyriques subven-
tionnées, scène lyrique dont elle est, par
surcroît, l'étoile.
Cherchez. Elles ne sont *as si nom-
breuses.
Nous en reparlerons.
E
n Belgique.
C'est demain samedi que notre col-
laborateur et ami Rouzier-Dorcières, tout
comme un sociétaire du Théâtre-Français,
affrontera le public bruxellois.
Il doit y faire, dans les « jardins » de
l'Alcazar, une conférence sur le duel, en-
trecoupée de très intéressantes auditions
d'une quinzaine d'artistes appartenant aux
théâtres du Parc, de la Monnaie, ou pro-
fessant au Conservatoire de Bruxelles.
Une autre attraction inédite est due à
l'ingéniosité de Rouzier-Dorcières. Ses
spectateurs assisteront à des reconstitutions
fort curieuses de combats anciens, tels que
le duel à la dague, le duel à la lanterne
ou le duel à la rapière.
La-seule annonce d'un duel à la lanterne
ne suffît-elle pas à évoquer d'admirables
visions romantiques?
N
- ec mergitur.
C'était en 1905.
.., « /> - if jî- r»-. •
En ce temps-là, îa ^omcuie-rrançaise
était heureuse! Les parts de sociétaire, ex-
ceptionnellement abondantes, mettaient un
sourire sur toutes les lèvres, et la paix ré-
gnait au foyer.
Aussi, quand fut révolue la vingtième an-
née d'administration de M. Jules Claretie,
organisa-t-on une fête jubilaire.
Presque tous les sociétaires, oublieux des
discordes anciennes — M. Mounet-Sully,
cependant, avait refusé de s'associer à cette
manifestation — vinrent présenter leurs
vœux à leur cher administrateur. Ils lui of-
frirent l'édition originale de Molière, due à
Lagrange et connue sous le nom d'édition
de 1682. Et, pour donner plus d'éclat à
cette solennité, M. Silvain - qui, depuis!.
— vint lire un sonnet de sa main, car M.
Silvain, dans ses loisirs, alterne les plaisirs
de la pêche à la ligne et les jeux de la poé-
sie. -
Ce sonnet, le voici fidèlement transcrit:
SONNET ,
Pour Jules l'octa-
sion de sa vingtième année
n'aadministrateur de la <5K
médie-Française.
Son œuvre a la clarté d'une vive fontaine.
S'il a la plume au doigt, il a la barre au poing!
Et, lorsque la nuit tombe et lorsque le jour point,
Sa lunette, en éveil, suit la brume lointaine.
Voilà vingt ans passés que, sur l'onde incertaine,
Debout au banc de quart, il guette et fait le point,
Et que, roseau d'acier qui plie et ne rompt point,
Il est, quand vient l'orage, un rude capitaine.
Et, gardien souriant d'un trésor surhumain,
Louvoyant, esquivant les écueils du chemin,
Versant par les hublots sa verve journalière,
Il conduit, sur le flot maintenant azuré,
Toutes voiles dehors, la Maison de Molière,
Nef qui flotte toujours et n'a jamais sombré !.
Le flot autrefois azuré s'est assombri et
courroucé; M. Jules Claretie est toujours
là, la barre au poing.
Y resterait-il encore longtemps? L'orage
paraît s'apaiser, mais tant de nuages mena-
cent encore le pilote !..r
L
a paix chez soi.
La notoriété est enviable, certes, et
elle présente des avantages, mais elle ex-
pose aussi ceux qui la surent conquérir
aux indiscrétions quotidiennes de bien re-
doutables « raseurs ».
Tout dernièrement, M. Leitner, l'excel-
lent sociétaire du Théâtre-Français, rece-
vait, à une heure très matinale, la visite de
deux messieurs que toute l'énergie de la
femme de chambre n'avait pu réussir à
éconduire.
Et savez-vous quel important objet les
amenait chez lui?
Ils avaient parié., paraît-il, que, dans le
rôle de Filippo, du Luthier de Crémone,
qu'il interprète admirablement, il jouait
vraiment en scène du violon.
Ils avaient d'ailleurs perdu. M. Leitner
mime le jeu d'un violoniste, mais son ins-
trument reste muet et c'est, en coulisse,
un musicien professionnel qui manie réel.
lement l'archet.
N'importe, c'est gai d'être connu!
L
eurs violons d'Ingres.
» Nous avons dit, l'autre jour, eue Mlle
Odette Dulac, exquise creatrice ae tant
d'opérettes célèbres, préparait un roman e*
avait exposé au Salon deux ravissantes sta-
tuettes en cire.
D'autres artistes utilisent Teurs Içisirs
dans des occupations différentes de celles
d'i théâtre. Mme Yvette Guilbert a écrit un
roman: La Vedette; Mlle Annie T,errev a
publié un charmant livre de vers: Voici
mon cœur; Mlle Jeanne Dortzal, l'auteur
des beaux poèmes contenus dans Vers Vin-
fini, vient de faire paraître un nouveau re-
cueil de poésie: Le Jardin des dieux.
Dans d'autres branches, nous savons que
MM. Louis Gauthier, Max Linder, Pozen-
berg, Le Bargy et Paul Clerget sont de re-
doutables escrimeurs-
M. Galipaux est premier prix de voîon;
M. Joliet est un ioueur d'échecs renommé.
M. André Dubosc fait de la sculpture. MM-
Tarride, Dumény, Huguenet ont Ces sito-
mobiles farouches. M. Max Dearly possède
une écurie de courses. M. Gardel a t n ma-
gasin d'antiquités; M. Petit, un magasin de
lit rairie ; MM. Leitner et Léon Noël zont
des graveurs distingués; M. Grand'il est
caricaturiste; M. Wilfrid, le doyen des ar-
tistes dramatiques, vend des dictionnaires ;
M. de Féraudy rime des chansons et
Mlle Cécile Sorel est journaliste.
Et nous ne parlons pas de ceux qui,
comme MM. Numès, Georges Berr, Paul
Ardot. Laroche, Galipaux, etc., sont au. 1
teurs dramatiques. Ajoutons à cette liste,
forcément incomplète, les artistes qui sont
directeurs, tels que MM. Albert "Carré, An-
toine, Porel, Micheau, Guitry, Broussan
les frères Isola, Gémier, Samuel, Franck,
Coquelin aîné et Jean Coquelin, Deval,
Roll, Duplay, Berthez, Clot et Dublay, et
Mmes Sarah Bernhardt, Réjane — c'est-
à-dire presque tous les directeurs.
Ajoutons que presque tous les sociétai-
res de la Comédie-Française cumulent cette
fonction glorieuse avec celle, moins hono-
rifique, de chemineaux.
u
n mot de situation.
C'était avant-hier, à l'Odéon. Le ri-
deau venait de se lever pour le deuxième
acte des Revenant-s, lorsqu'un tumulte d'une
violence inouïe se déchaîna dans la salle
arrêtant les premières répliques des ac-
teurs.
L'exagération des clameurs devint telle
qu'elle exclut vite l'hypothèse, aussitôt
conçue, d'un incendie. On comprit qu'il s'a-
gissait d'un chapeau.
Bientôt, une dame quittait l'orchestre, et
la salle, peu à peu rendue au calme, per-
cevait la voix de l'acteur Mosnier qui, sous
les traits du Pasteur, disait à Mme Grum-
brach ',.-" Madame Alving: « Pensez-vous
Que nous puissions jamais espérer qu'ils
nous écouteront? »
Qui donc affirmait qu'Ibsen dédaignait
les mots de situation?
INSTANTANES
DIRECTEUR!
C'est le printemps. Les terrasses de café s'a-
niment d'une vie plus grouillante. Nos comé-
diens, de quatre à sept, goûtent les douceurs du
farniente devant l'inévitable apéritif. Ceux de
province encombrent une terrasse du boulevard
Saint-Martin, ceux de banlieue rôdent dans les
environs de la porte Saint-Denis, ceux de Pa-
ris — ceux des théâtres du boulevard — promè-
nent leur gloire dans le plus luxueux établisse-
ments.
Parmi les mille silhouettes curieuses qui
égayent ces mornes five o clock, il en est
une que chaque fin de saison ramène, c'est
celle du « Monsieur qui doit prendre un théâtre
en septembre prochain ». Ce Monsieur est
glabre, solennel et sombre, il a l'allure impres-
sionnante de Sherlock Holmes et son sérieux
en impose à tous, et même à lui-même.
- Du boulevard Saint-Martin à la place de
l'Opéra, il connaît tout le. monde et salue les
passants. Partout, il est « de la maison », il
parle avec précision de ses projets qui, depuis
la veille, reposent sur des bases solides, il ex-
pose sa « combinaison » dont chacun veut être.
Vers fin juin, il aura engagé, sur parole, soixan-
te artistes, douze régisseurs et quatre-vingts mu-
iku 4'affaire
en est ainsi depuis des années et pendant des
années encore il en sera de même; ce Monsieur
sera éternellement à la veille de prendre un
théâtre. C'est un malhonnête homme, pensez-
vous "eut-être ? Non pas. C'est un fou ? Moins
encore. Alors? Alors, c'est un spécialiste!
Il se donne un genre, tout simplement, pour
se distraire et acquérir à ses propres yeux un
peu d'importance. Et puis, à lui comme à tant
d'autres, il sera beaucoup pardonné, non parce
qu'il aura beaucoup aimé, mais parce qu'il aura
beaucoup payé.
Car il paie le vermouth à l'un, l'absinthe à
l'autre, cela est utile à sa manie. Les femmes
de-théâtre le traitent comme, un bon camarade,
les hommes en excellent copain, et personne ne
le considère comme un directeur éventuel, car il
se laisse parfois taper.
- SOMBREUIL.
u
n beau mariage.
Un jeune et pâle acteur d'un très
petit théâtre ayant épousé récemment une
de ses jeunes camarades, et désireux d'é-
blouir un peu sa famille par l'éclat de ses
relations, avait simplement convié à sa noce
les personnages suivants:
MM. Coquelin aîné, glacier, place de
Passy; Prudhon, entrepreneur de camion-
nages, passage Degrais; Silvain, liquoriste,
rue de Malte; Le Bargy, déménageur, bou-
levard Voltaire; Truffier, sculpteur orne-
maniste, boulevard Richard-Lenoir; Albert
Lambert, fabricant de coussins, rue- de
Saintonge; Leloir, brosseur, rue de Com-
mines; Berr, marchand de peaux, rue Jean-
Jacques-Rousseau; Mlle Sorel, épicière, rue
Saussure ; M. Mas, nourrisseur, rue des Go-
belins; MM. Molière, épicier, avenue Gam-
betta; Racine, tripier, rue Gustave-Cour-
bet, et Hugo, fabricant d'articles de mé-
nage, rue d'Angoulême.
Quand on n'a pas de relations, il faut
bien, n'est-ce pas, s'en créer?
L
a représentation de charité dont nous
avons entretenu nos lecteurs, s'an-
nonce non seulement comme une des plus
brillantes de la saison, mais encore comme
dévant donner des résultats qui permet-
tront à la Société des amis des Lettres, des
Arts et des Sciences de venir en aide aux
infortunes qu'elle a mission de soulager.
Déjà, un certain nombre de personnalités
appartenant au monde diplomatique et à
celui de la finance se sont fait inscrire. La
Société s'est assurée le concours des ar-
tistes de l'Opéra, de l'Opéra-Comique, du
Théâtre-Français, de l'Odéon et des prin-
cipaux théâtres de Paris.
D
Regner, 4,- rue des 'Capucines, paye
1 cher bijoux, diamants, perles, auto-
• 1 nr .]- T"** »
mobiles, reconnaissances au mont-ae-rieie,
100 %, les dégage sans frais, même chez
des tiers
«m
p
endant avril et mai, Paris devient
« Cosmôpolis ». Les étrangers de
marque se rencontrent un peu partout, mais
principalement chez Paillard, où ils savent
trouver une cuisine exquise exécutée d'a-
près les vieilles traditions françaises, et des
vins délicieux, échantillons uniques de tous
nos grands crus nationaux.
c
est à juste titre que les Etablissements
Bèrgougnan prétendent que leur nou-
veau ferré Gaulois tout caoutchouc est infi-
niment supérieur aux autres. Grâce à la
saillie des rivets, ce bandage est tout à fait
antidérapant, et le disoositif employé pour
fixer ceux-ci en garantit la solidité.
Le Masque de Verre.
A PROPOS DE "L'ALFBI"
Une Interview
de Jane Hading
Je suis allé voir Mme Jane TIading, un
de ces derniers jours où l'averse le dispu-
tait au soleil d'avril. J'ai bravement franchi
l'octroi et roulé vers les parcs de Neuilly.
Au milieu de l'un d'eux, égayé déjà par
les pousses des verdures naissantes, s'élè-
ve le pavillon blanc où habite Mme Ha-
ding — quand elle n'est pas à Cannes, à
Nice, à Londres, je - ne sais où encore. Im-
pressionné, je poussai une porte. Le gra-
vier craqua sous mes pieds. Une sonnerie
grave tinta. Je me trouvai dans un salon
clair, orné avec un goût exquis. Je regar-
dais le grésil tomber, lorsque Mme Hading
entra. Sa beauté somptueuse et classique de
Phocéenne aux lignes pures acheva de m'é-
blouir tout à fait. Tant bien que mal, je lui
exposai l'indiscret objet de ma visite. Un
radieux sourire m'avertit que celle-ci ne
serait pas vaine. Et je résume sténographi-
quement l'amical entretien qui suivit:
— Alors, madame, c'est bien vrai? Vous
aller jouer une pièce à l'Odéon. C'est la pre-
mière fois, n'est-ce pas? que vous créez un
rôle dans ce théâtre?
— Oui et non. C'est à l'Odéon — soi-disant
- que j'ai joué L'Enchantement, d'Henry Ba-
taille. Mais le second Théâtre-Français était
alors au Gymnase. C'est donc, en effet, la
première fois que je joue dans la salle ou
Luxembourg. Je ne l'avais pas vue depuis long-
temps, depuis qu'elle fut rajeunie par Antoine.
J'ai eu, je l'avoue, une bonne surprise. C'est
une des plus belles de Paris!
— Tout le monde est de cet avis. Vous
deviez primitivement y créer, je crois, Séra-
phine, du maître Victorien Sardou?
— Il en fut question un moment. Mais ce
projet, d'un commun accord, fut remis a la
saison prochaine. Je ne pensais plus a ! Odeon,
j'avais même un autre projet en tête.
.— Lequel?
- le ne le dirai pas. Je ne veux désobliger
personne. Enfin, je pensais à autre chose,
lorsque je reçus ce mot d'Antoi_ ne: « Ma chère
amie, je vais jouer une pièce ou il y a un
fort beau rôle de femme. Je vous envoie l'au-
teur Ecoutez-le. et vous m'en direz des nou-
velles A bientôt, j'espère, etc. » Le même
tour M. Gabriel Trarieux me téléphonait. Nous
prenions rendez-vous pour le lendemain. C'était
un dimanche, il y a trois semaines. Et voilà
tout. Rien de plus simple!
— Le rôle vous a beaucoup plu ? On affirme
que c'est un des plus beaux, à votre avis, que
vous avez créés?. *
— Ce. n'est plus à moi de le dire. Nous
sommes trop près de la générale. Il m'a séduite,
évidemment. C'est une conception très origi-
nale. Il v a là un mélange de passion et de
pureté, de vérité et de lyrisme. Enfin, vous
verrez. Laissons cela. Je ne me suis decicee,
.par exemple, qu'après audition du troisième
acte. Car je ne suis pas ciu premier. Je n'ai,
dans le second, qu'une scène, une grande
scène, très curieuse, mais énigmatique. Au troi-
sième acte j'ai pleuré — ple'uré tout bêtement,
— je l'avoue. Puissiez-vous en faire autant,
messieurs !
— je n'en doute pas, je n'en doute pas, Ma-
dame. Comment en serait-il autrement puisque
c'est vous qui nous en priez?. Passons aux
répétitions. Il n'y a pas eu d'incident notoire?
— Ma foi, non. J'étais très curieuse (et un
peu inquiète, peut-être) de ces fameuses ré-
pétitions. Il y a autour d'Antoine une telle lé-
gende. comment dirai-je?.
— De terroriste?
— De terroriste, c'est cela! Je le connaissais
comme acteur, depuis longtemps. Nous jouâmes
Thérèse Raquin, ensemble. Le directeur m était
inconnu. Il m'a d'abord déconcertée. Il vous
laisse marcher, marcher. Il fume une cigarette
dans l'ombre, en faisant le gros dos, dans son
coin. Il ne souffle mot. JI écoute. Et cela dure
longtemps, plusieurs jours, jusqu'à ce qu'on sa-
che le texte. On patauge alors, vous pensez 1 Je
me sentais un peu énervée.
— Et puis?.
— Et puis, voilà qu'un beau jour ce monsieur,
taciturne, s'éveille. Il s'éveille, alors, pour de
bon. Et il est merveilleux, je vous assure ! On
voit que rien ne lui a échappé. Il connaît la n'è-
ce en détail. Il a toute sa mise en scène dans
la tête, impeccablement arrêtée. 11 vous nlne
d'un bout à l'autre, comme par la ma;,;, vars
broncher, avec un bonheur dans les termes, une
Invention dans lè détail. Oui, cet homme Po l'n
peu de génie. Et il est gentil comme tout! Il
n'a même pas élevé la voix. Du reste,, Desin rd ins
et Calmettes jouent les principaux rôles ■?. 'hom-
mes. Ils savent travailler avec lui. A de tels ac-
teurs, il n'y a rien à dire. L'auteur, aussi. con-
naît bien Antoine. Ce sont des amis très intimas.
Ils s'entendent à demi-mot. Tout a donc marché
sur roulettes. Pourvu que cela continue !
- Je ne vois guère que la fâcheuse grippe
comme danger, par un temps pareil.
— Ne dites pas de mal de ce temps! C'est le
soleil, notre ennemi. Surtout à l'Odéon, vous
savez. il faut qu'il pleuve jusqu'en juin !
— Je n'ose pas vous contredire. Et je vous
remercie, madame.
- Il n'y a pas de quoi.
- Mais si. mais si.
Et je sortis du pavillon blanc. Le gravier
craqua sous mes pieds. La cloche tinta de
nouveau — pourquoi? La petite porte s'ou-
vrit. Je m'en fus, emportant la Msion à la
fois somptueuse et charmante. Je vais me
ruer à l'Odéon pour la revoir. Et vous
aussi.
-1
Vendredi 24 Avril 1903,
Rédacteur en Chef : G. dû PAWLOWSKi
RÉDACTION , ADMINISTRATION t
27, Souleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE 288-07
Adresse Télégraphique ,: COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 9 fflOIS
- -
Paris et Départements 24 fr. 12 Cr.
Etranger.
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE: 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA.PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
Fatis et Départements » 24 fr. 12 fr. *
Étranger 40 » 20 »
Sur le Théâtre
en vers
Pour Hugues Delorme.
Un jeune homme, récemment joué à
'l'Odéon, vient d'émettre une proposition
littéraire dont j'avoue que le simple
énoncé m'a plongé dans un gouffre de
stupeur.
A son avis, à ce jeune homme, le vers
de théâtre doit se dépouiller dé tout ly-
risme; même il doit repousser impitoya-
blement « les trouvailles de mots, les
épithètes rares qui sont les petites chan-
ces du travail! » Il faut qu'il ne vole
point et qu'on sente toujours qu'il a des
pieds!
D'où la nécessité, pour un poète de
cette école spéciale, de se choisir avec
soin les sujets les plus terre-à-terre, les
caractères les moins généreux, les situa-
tions les plus plates. Car, voyez la ma-
lice du Vers: il serait capable, le bigre!
si le moindre prétexte ou le plus infime
espace lui était laissé, de rebondir mal-
gré son scribe, et d'aller voir un petit
peu, là-haut, si les étoiles y sont!
Non, non et non ! Le Vers, surtout le
vers de théâtre, qui est fait pour être
dit, clamé, soupiré ou chanté, et non
pour être lu dans le silence, mérite qu'on
le pare de toutes les gloires du verbe et
de toute la musique des couleurs.
Et il est bien certain qu'il ne convient
guère dans la bouche d'un monsieur
en veston cintré causant du krach Ro-
chette avec une dame en jupe trotteuse.
Il lui faut les grands habits de jadis et le
recul du temps dans le décor.
Car les vers ne sont propres qu'à ex-
primer des sentiments ou des sensations
invariables éternellement: la Haine, l'A-
mour, la Peur, la Bravoure, en somme
tout ce qui, dans l'être humain —lequel
ne change point en ses profondeurs —
est demeuré et demeurera immuable,
depuis le premier homme qui vécut jus-
qu'à celui qui mourra le dernier.
Le vers de théâtre n a pas pour rôle
de « situer » ou de « dater» les événe-
ments ou les passions qu'il conte ou
qu'il célèbre. Il n'est ni un Guide-Conty
ni une Chronologie d'école primaire. Il n'a
rien de commun avec le moment qui
passe, et c'est à cette condition qu'il ne
passe pas.
Si nous n'avions que les tragiques ou
même les comiques grecs ou latins pour
nous donner une idée de ce qu'étaient
l'actualité et les conditions contemporai-
nes de la vie, en leurs époques, nous ne
posséderions là-dessus que de bien piè-
tres documents. Je ne crois pas que Mo-
lière ou Regnard nous renseignent beau-
- coup plus nettement sur la manière dont
on traversait Paris, de leurs jours.
Pourquoi?
Parce que, si familiers qu'ils pussent
être, tous ces poètes se sont gardés as-
sez poètes pour généraliser leur pensée
et ne la point restreindre aux particula-
rités du bref quart d'heure d'existence
qui leur fut dévolu sur la terre. Ceux-là.
pourtant, ont pu encore mettre en scène
des protagonistes un peu moins vilaine-
ment vêtus que les funèbres personna-
ges de ce vingtième siècle où tous les
panaches sont tombés.
Mais nous! nous autres! De quel
front irions-nous, si nous écrivons en
vers — c'est-à-dire si nous généralisons
notre pensée ! — chercher, pour person-
nifier nos héros, la dame en jupe trot-
teuse et le monsieur en veston cintré?
La tentative, au reste, n'est pas nou-
velle. Sous la Restauration et sous
Louis-Philippe, voire sous le second
Empire, la « comédie' bourgeoise en
vers » fleurit à la façon de la moisissure
sur les vins éventés. Camille Doucet,
Casimir Delavigne, Emile Augier (oh!
Gabriellel), d'autres encore que la Ba-
rathre a engloutis. Quelques vers — de
toute cette production — ont même sur-
nagé dans nos mémoires:
Léon! je te défends de brosser mon chapeau!
Considération ! Considération !
Ma seule ambition ! Ma seule ambition !
Que dis-tu maintenant de mon petit système?
- 0 père de famille ! o poète! je t'aime!!!
De même que M. Scribe, - à ce
qu'affirma Banville — avait le don de
ne pas rimer, il est des versifie, te>' "rs
qui ont le don de ne pas être poètes.
Rien de mieux! Chacun son hareng!
comme dit Yvette Guilbert; mais pour-
quoi vouloir communiquer ce don aux
autres par la voie de l'apostolat? Pour-
quoi ériger en théorie dogmatique ad
usum urbis et orbis, ce qui n'est qu'une
hérésie personnelle?
La prose occupe au théâtre un domai-
ne assez vaste assez beau et assez riche
pour qu'elle ne vienne pas empiéter sur
les maigres terres de la poésie. Tout ce
qui est observation, critique de mœurs,
études de caractères, tout ce qui se
prend sur le vif de l'instant qui fuit et
étude de caractères, tout ce qui se
exactitude, raisonnement, thèse, plai-
doyer, conseil, tout cela a pour truche-
ment cette admirable prose souple, dé-
liée, légère, tendre, cruelle, qui est celle
de nos dramaturges et vaudevillistes mo-
dernes à qui rien de ce qui est la vi<
présente n'est étranger.
Mais, de grâce, ne mêlons pas les su-
jets et que les genres restent chacun
chez soi ! Si vous avez, dans votre pièce,
à parler d'auto-taxis, de télégraphie sans
fil, du diamant Lemoine ou des méhal-
las de Moulaï-Hafid, ne dérangez pas
la Fée des Consonnes d'Appui, laissez
Pégase à l'écurie, et le grelot de la
Rime à son collier pendu au mur. Le
français tel qu'on le parle vous suffira
amplement.
Non! non! ô jeune homme joué ré-
cemment à l'Odéon, arrêtez-vous sur ce
chemin périlleux et sans beauté. Foin de
la prose poétique et de la poésie pro-
saïque! Car si l'endosmose préconisée
par vous se produit de nouveau — j'ai
cité des exemples; — entre les deux
langages, ce sera, de rechef, l'énerve-
ment de la prose et l'avilissement de la
poésie. Personne ne saura plus dans
quelle partie il travaille, et Monsieur Jour-
dain lui-même, quand il dira: « Ma
femme, passe-moi mes pantoufles! »
croira qu'il fait des vers.
Louis MARSOLLEAU.
Nous publierons demain un article de
ANDRÉ DE LORDE
, Sortie
Il est en France un usage séculaire qui
veut que l'on prenne toutes les précautions
nécessaires pour éviter une catastrophe le
lendemain du jour où elle se produit.
Lorsqu'un homme se suicide en plein
champ dans un lieu désert, on construit le
lendemain, en cet endroit, un poste de se-
cours avec une boîte de pharmacie permet-
tant de venir en aide, au besoin, à l'homme
qui s'est tué là la veille. C'est une satisfac-
tion purement intellectuelle et qui n'est, en
.résumé, qu'une façon nouvelle de satisfaire
à la manie Que nous avons d'élever partout
des monuments commémoratifs et d'impé-
rissables hommes de bronze.
S'il en était autrement on peut penser,
en effet, que ce n'est point à l'endroit même
où l'accident vient de se produire que l'on
doit prendre les mesures nécessaires, mais
bien aux endroits plus menacés où de nou-
veaux accidents sont à craindre; mais, je
le répète tel n'est point l'usage expiatoire.
Au lendemain de la catastrophe du Métro-
politain, ce fut à là station ~-t~e
mesures nécessaires pour indiquer suffisam-
ment la sortie de la station et les moyens
de combattre l'incendie, et ce ne fut que
plus tard que l'on étendit les mêmes pré-
cautions aux autres stations.
Il en va de même, est-il besoin de le dire,
pour nos grandes scènes parisiennes. Il est
indispensable qu'un théâtre ait brûlé-pour
que l'on prenne les mesures de sécurité né-
cessaires, et ceux-là seuls qui turent éprou-
vés par le jeu sont aujourd'hui à peu près
convenablement conçus. Dans les autres,
c'est, toujours la même imprévoyance, la
même insuffisance d'indications en atten-
dant la catastrophe qui remettra tout en
place.
Sans aller plus loin, il est évident qu'à
l'imitation de ce qui s'est fait dans U Métro-
politain il serait nécessaire d'indiquer en
lettres lumineuses, éclairées par un circuit
indépendant, les principales sorties du théâ-
tre. Théoriquement, il devrait en être ainsi;
pratiquement, tout le monde sait qu'il n'en
est rien et que les quelques rares lanternes
posées sur les portes sans issue ne seraient
d'aucun secours dans l'affolement d'un in-
cendie.
Quant aux autres indications, on peut pen-
ser qu'elles seraient insuffisantes ou triste-
ment macabres, et que ce serait une mince
consolation, au moment de mourir étouffé,
que de lire sur les murs: « Limonade, 50
centimes », ou « Orangeade, 75 centimes ».
G. DE PAWLOWSKI.
Echos
Cet après-midi, à deux heures, à l'Odéon,
répétition générale de L'Alibi, pièce en
trois actes, de M. Trarieux, et de Une
vieille contait., un acte en vers, de MM.
Gumpel et Delaquys.
Ce soir, à huit heures trois quarts, aux
Variétés, première représentation de Le
Roi, comédie en trois actes et quatre ta-
bleaux, de MM. G.-A. de Caillavet, Robert
de Flers et Emmanuel Arène.
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
Théâtre de l'Œuvre (salle Femina), répéti-
tion générale de La Loi, pièce en trois ac-
tes, de M. Daniel Jourda.
Ce soir vendredi, à huit heures trois
quarts, à Parisiana, répétition générale de
Yoritomo, un drame au Japon, en deux ac-
tes, de MM. Bonis-Charancle et Romain,
et de La Comtesse Léa, pièce d'avant-gar-
de en quatre actes, de M. Bonis-Charancle.
u
n engagement sensationnel.
Donc, nous avons été les premiers à
l'annoncer, M. Guitry va jouer une opérette
antique de MM. Jules Lemaître et Maurice
Donnay, pour le poème, et dont M. Claude;
Terrasse écrira la musique. Les Aventures
de Télémaque, c'est le titre de cette œuvre
nouvelle, seront offertes au public avec une
de ces interprétations dont on dit QU elies
sont di primo cartello.
Parmi les artistes que nous applaudirons,
citons d'abord M. Lucien Guitry, qui jouers
vraisemblablement le rôle du vieil Homère,
et M. Polin. Nous savons aussi qu'un rôle
important est réservé à Mlle Jeanne Des-
clos une jeune et charmante actrice oui a
fait, dans La Femme nue, un début fort re-
marqué.
Mais un engagement tout à fait sensa-
tionnel serait sur le point d'être signé. Et
il serait question, pour chanter le principal
rôle de l'opérette, d'une cantatrice fort con-
nue qui est la femme du directeur d'une
de nos premières scènes lyriques subven-
tionnées, scène lyrique dont elle est, par
surcroît, l'étoile.
Cherchez. Elles ne sont *as si nom-
breuses.
Nous en reparlerons.
E
n Belgique.
C'est demain samedi que notre col-
laborateur et ami Rouzier-Dorcières, tout
comme un sociétaire du Théâtre-Français,
affrontera le public bruxellois.
Il doit y faire, dans les « jardins » de
l'Alcazar, une conférence sur le duel, en-
trecoupée de très intéressantes auditions
d'une quinzaine d'artistes appartenant aux
théâtres du Parc, de la Monnaie, ou pro-
fessant au Conservatoire de Bruxelles.
Une autre attraction inédite est due à
l'ingéniosité de Rouzier-Dorcières. Ses
spectateurs assisteront à des reconstitutions
fort curieuses de combats anciens, tels que
le duel à la dague, le duel à la lanterne
ou le duel à la rapière.
La-seule annonce d'un duel à la lanterne
ne suffît-elle pas à évoquer d'admirables
visions romantiques?
N
- ec mergitur.
C'était en 1905.
.., « /> - if jî- r»-. •
En ce temps-là, îa ^omcuie-rrançaise
était heureuse! Les parts de sociétaire, ex-
ceptionnellement abondantes, mettaient un
sourire sur toutes les lèvres, et la paix ré-
gnait au foyer.
Aussi, quand fut révolue la vingtième an-
née d'administration de M. Jules Claretie,
organisa-t-on une fête jubilaire.
Presque tous les sociétaires, oublieux des
discordes anciennes — M. Mounet-Sully,
cependant, avait refusé de s'associer à cette
manifestation — vinrent présenter leurs
vœux à leur cher administrateur. Ils lui of-
frirent l'édition originale de Molière, due à
Lagrange et connue sous le nom d'édition
de 1682. Et, pour donner plus d'éclat à
cette solennité, M. Silvain - qui, depuis!.
— vint lire un sonnet de sa main, car M.
Silvain, dans ses loisirs, alterne les plaisirs
de la pêche à la ligne et les jeux de la poé-
sie. -
Ce sonnet, le voici fidèlement transcrit:
SONNET ,
Pour Jules l'octa-
sion de sa vingtième année
n'aadministrateur de la <5K
médie-Française.
Son œuvre a la clarté d'une vive fontaine.
S'il a la plume au doigt, il a la barre au poing!
Et, lorsque la nuit tombe et lorsque le jour point,
Sa lunette, en éveil, suit la brume lointaine.
Voilà vingt ans passés que, sur l'onde incertaine,
Debout au banc de quart, il guette et fait le point,
Et que, roseau d'acier qui plie et ne rompt point,
Il est, quand vient l'orage, un rude capitaine.
Et, gardien souriant d'un trésor surhumain,
Louvoyant, esquivant les écueils du chemin,
Versant par les hublots sa verve journalière,
Il conduit, sur le flot maintenant azuré,
Toutes voiles dehors, la Maison de Molière,
Nef qui flotte toujours et n'a jamais sombré !.
Le flot autrefois azuré s'est assombri et
courroucé; M. Jules Claretie est toujours
là, la barre au poing.
Y resterait-il encore longtemps? L'orage
paraît s'apaiser, mais tant de nuages mena-
cent encore le pilote !..r
L
a paix chez soi.
La notoriété est enviable, certes, et
elle présente des avantages, mais elle ex-
pose aussi ceux qui la surent conquérir
aux indiscrétions quotidiennes de bien re-
doutables « raseurs ».
Tout dernièrement, M. Leitner, l'excel-
lent sociétaire du Théâtre-Français, rece-
vait, à une heure très matinale, la visite de
deux messieurs que toute l'énergie de la
femme de chambre n'avait pu réussir à
éconduire.
Et savez-vous quel important objet les
amenait chez lui?
Ils avaient parié., paraît-il, que, dans le
rôle de Filippo, du Luthier de Crémone,
qu'il interprète admirablement, il jouait
vraiment en scène du violon.
Ils avaient d'ailleurs perdu. M. Leitner
mime le jeu d'un violoniste, mais son ins-
trument reste muet et c'est, en coulisse,
un musicien professionnel qui manie réel.
lement l'archet.
N'importe, c'est gai d'être connu!
L
eurs violons d'Ingres.
» Nous avons dit, l'autre jour, eue Mlle
Odette Dulac, exquise creatrice ae tant
d'opérettes célèbres, préparait un roman e*
avait exposé au Salon deux ravissantes sta-
tuettes en cire.
D'autres artistes utilisent Teurs Içisirs
dans des occupations différentes de celles
d'i théâtre. Mme Yvette Guilbert a écrit un
roman: La Vedette; Mlle Annie T,errev a
publié un charmant livre de vers: Voici
mon cœur; Mlle Jeanne Dortzal, l'auteur
des beaux poèmes contenus dans Vers Vin-
fini, vient de faire paraître un nouveau re-
cueil de poésie: Le Jardin des dieux.
Dans d'autres branches, nous savons que
MM. Louis Gauthier, Max Linder, Pozen-
berg, Le Bargy et Paul Clerget sont de re-
doutables escrimeurs-
M. Galipaux est premier prix de voîon;
M. Joliet est un ioueur d'échecs renommé.
M. André Dubosc fait de la sculpture. MM-
Tarride, Dumény, Huguenet ont Ces sito-
mobiles farouches. M. Max Dearly possède
une écurie de courses. M. Gardel a t n ma-
gasin d'antiquités; M. Petit, un magasin de
lit rairie ; MM. Leitner et Léon Noël zont
des graveurs distingués; M. Grand'il est
caricaturiste; M. Wilfrid, le doyen des ar-
tistes dramatiques, vend des dictionnaires ;
M. de Féraudy rime des chansons et
Mlle Cécile Sorel est journaliste.
Et nous ne parlons pas de ceux qui,
comme MM. Numès, Georges Berr, Paul
Ardot. Laroche, Galipaux, etc., sont au. 1
teurs dramatiques. Ajoutons à cette liste,
forcément incomplète, les artistes qui sont
directeurs, tels que MM. Albert "Carré, An-
toine, Porel, Micheau, Guitry, Broussan
les frères Isola, Gémier, Samuel, Franck,
Coquelin aîné et Jean Coquelin, Deval,
Roll, Duplay, Berthez, Clot et Dublay, et
Mmes Sarah Bernhardt, Réjane — c'est-
à-dire presque tous les directeurs.
Ajoutons que presque tous les sociétai-
res de la Comédie-Française cumulent cette
fonction glorieuse avec celle, moins hono-
rifique, de chemineaux.
u
n mot de situation.
C'était avant-hier, à l'Odéon. Le ri-
deau venait de se lever pour le deuxième
acte des Revenant-s, lorsqu'un tumulte d'une
violence inouïe se déchaîna dans la salle
arrêtant les premières répliques des ac-
teurs.
L'exagération des clameurs devint telle
qu'elle exclut vite l'hypothèse, aussitôt
conçue, d'un incendie. On comprit qu'il s'a-
gissait d'un chapeau.
Bientôt, une dame quittait l'orchestre, et
la salle, peu à peu rendue au calme, per-
cevait la voix de l'acteur Mosnier qui, sous
les traits du Pasteur, disait à Mme Grum-
brach ',.-" Madame Alving: « Pensez-vous
Que nous puissions jamais espérer qu'ils
nous écouteront? »
Qui donc affirmait qu'Ibsen dédaignait
les mots de situation?
INSTANTANES
DIRECTEUR!
C'est le printemps. Les terrasses de café s'a-
niment d'une vie plus grouillante. Nos comé-
diens, de quatre à sept, goûtent les douceurs du
farniente devant l'inévitable apéritif. Ceux de
province encombrent une terrasse du boulevard
Saint-Martin, ceux de banlieue rôdent dans les
environs de la porte Saint-Denis, ceux de Pa-
ris — ceux des théâtres du boulevard — promè-
nent leur gloire dans le plus luxueux établisse-
ments.
Parmi les mille silhouettes curieuses qui
égayent ces mornes five o clock, il en est
une que chaque fin de saison ramène, c'est
celle du « Monsieur qui doit prendre un théâtre
en septembre prochain ». Ce Monsieur est
glabre, solennel et sombre, il a l'allure impres-
sionnante de Sherlock Holmes et son sérieux
en impose à tous, et même à lui-même.
- Du boulevard Saint-Martin à la place de
l'Opéra, il connaît tout le. monde et salue les
passants. Partout, il est « de la maison », il
parle avec précision de ses projets qui, depuis
la veille, reposent sur des bases solides, il ex-
pose sa « combinaison » dont chacun veut être.
Vers fin juin, il aura engagé, sur parole, soixan-
te artistes, douze régisseurs et quatre-vingts mu-
iku 4'affaire
en est ainsi depuis des années et pendant des
années encore il en sera de même; ce Monsieur
sera éternellement à la veille de prendre un
théâtre. C'est un malhonnête homme, pensez-
vous "eut-être ? Non pas. C'est un fou ? Moins
encore. Alors? Alors, c'est un spécialiste!
Il se donne un genre, tout simplement, pour
se distraire et acquérir à ses propres yeux un
peu d'importance. Et puis, à lui comme à tant
d'autres, il sera beaucoup pardonné, non parce
qu'il aura beaucoup aimé, mais parce qu'il aura
beaucoup payé.
Car il paie le vermouth à l'un, l'absinthe à
l'autre, cela est utile à sa manie. Les femmes
de-théâtre le traitent comme, un bon camarade,
les hommes en excellent copain, et personne ne
le considère comme un directeur éventuel, car il
se laisse parfois taper.
- SOMBREUIL.
u
n beau mariage.
Un jeune et pâle acteur d'un très
petit théâtre ayant épousé récemment une
de ses jeunes camarades, et désireux d'é-
blouir un peu sa famille par l'éclat de ses
relations, avait simplement convié à sa noce
les personnages suivants:
MM. Coquelin aîné, glacier, place de
Passy; Prudhon, entrepreneur de camion-
nages, passage Degrais; Silvain, liquoriste,
rue de Malte; Le Bargy, déménageur, bou-
levard Voltaire; Truffier, sculpteur orne-
maniste, boulevard Richard-Lenoir; Albert
Lambert, fabricant de coussins, rue- de
Saintonge; Leloir, brosseur, rue de Com-
mines; Berr, marchand de peaux, rue Jean-
Jacques-Rousseau; Mlle Sorel, épicière, rue
Saussure ; M. Mas, nourrisseur, rue des Go-
belins; MM. Molière, épicier, avenue Gam-
betta; Racine, tripier, rue Gustave-Cour-
bet, et Hugo, fabricant d'articles de mé-
nage, rue d'Angoulême.
Quand on n'a pas de relations, il faut
bien, n'est-ce pas, s'en créer?
L
a représentation de charité dont nous
avons entretenu nos lecteurs, s'an-
nonce non seulement comme une des plus
brillantes de la saison, mais encore comme
dévant donner des résultats qui permet-
tront à la Société des amis des Lettres, des
Arts et des Sciences de venir en aide aux
infortunes qu'elle a mission de soulager.
Déjà, un certain nombre de personnalités
appartenant au monde diplomatique et à
celui de la finance se sont fait inscrire. La
Société s'est assurée le concours des ar-
tistes de l'Opéra, de l'Opéra-Comique, du
Théâtre-Français, de l'Odéon et des prin-
cipaux théâtres de Paris.
D
Regner, 4,- rue des 'Capucines, paye
1 cher bijoux, diamants, perles, auto-
• 1 nr .]- T"** »
mobiles, reconnaissances au mont-ae-rieie,
100 %, les dégage sans frais, même chez
des tiers
«m
p
endant avril et mai, Paris devient
« Cosmôpolis ». Les étrangers de
marque se rencontrent un peu partout, mais
principalement chez Paillard, où ils savent
trouver une cuisine exquise exécutée d'a-
près les vieilles traditions françaises, et des
vins délicieux, échantillons uniques de tous
nos grands crus nationaux.
c
est à juste titre que les Etablissements
Bèrgougnan prétendent que leur nou-
veau ferré Gaulois tout caoutchouc est infi-
niment supérieur aux autres. Grâce à la
saillie des rivets, ce bandage est tout à fait
antidérapant, et le disoositif employé pour
fixer ceux-ci en garantit la solidité.
Le Masque de Verre.
A PROPOS DE "L'ALFBI"
Une Interview
de Jane Hading
Je suis allé voir Mme Jane TIading, un
de ces derniers jours où l'averse le dispu-
tait au soleil d'avril. J'ai bravement franchi
l'octroi et roulé vers les parcs de Neuilly.
Au milieu de l'un d'eux, égayé déjà par
les pousses des verdures naissantes, s'élè-
ve le pavillon blanc où habite Mme Ha-
ding — quand elle n'est pas à Cannes, à
Nice, à Londres, je - ne sais où encore. Im-
pressionné, je poussai une porte. Le gra-
vier craqua sous mes pieds. Une sonnerie
grave tinta. Je me trouvai dans un salon
clair, orné avec un goût exquis. Je regar-
dais le grésil tomber, lorsque Mme Hading
entra. Sa beauté somptueuse et classique de
Phocéenne aux lignes pures acheva de m'é-
blouir tout à fait. Tant bien que mal, je lui
exposai l'indiscret objet de ma visite. Un
radieux sourire m'avertit que celle-ci ne
serait pas vaine. Et je résume sténographi-
quement l'amical entretien qui suivit:
— Alors, madame, c'est bien vrai? Vous
aller jouer une pièce à l'Odéon. C'est la pre-
mière fois, n'est-ce pas? que vous créez un
rôle dans ce théâtre?
— Oui et non. C'est à l'Odéon — soi-disant
- que j'ai joué L'Enchantement, d'Henry Ba-
taille. Mais le second Théâtre-Français était
alors au Gymnase. C'est donc, en effet, la
première fois que je joue dans la salle ou
Luxembourg. Je ne l'avais pas vue depuis long-
temps, depuis qu'elle fut rajeunie par Antoine.
J'ai eu, je l'avoue, une bonne surprise. C'est
une des plus belles de Paris!
— Tout le monde est de cet avis. Vous
deviez primitivement y créer, je crois, Séra-
phine, du maître Victorien Sardou?
— Il en fut question un moment. Mais ce
projet, d'un commun accord, fut remis a la
saison prochaine. Je ne pensais plus a ! Odeon,
j'avais même un autre projet en tête.
.— Lequel?
- le ne le dirai pas. Je ne veux désobliger
personne. Enfin, je pensais à autre chose,
lorsque je reçus ce mot d'Antoi_ ne: « Ma chère
amie, je vais jouer une pièce ou il y a un
fort beau rôle de femme. Je vous envoie l'au-
teur Ecoutez-le. et vous m'en direz des nou-
velles A bientôt, j'espère, etc. » Le même
tour M. Gabriel Trarieux me téléphonait. Nous
prenions rendez-vous pour le lendemain. C'était
un dimanche, il y a trois semaines. Et voilà
tout. Rien de plus simple!
— Le rôle vous a beaucoup plu ? On affirme
que c'est un des plus beaux, à votre avis, que
vous avez créés?. *
— Ce. n'est plus à moi de le dire. Nous
sommes trop près de la générale. Il m'a séduite,
évidemment. C'est une conception très origi-
nale. Il v a là un mélange de passion et de
pureté, de vérité et de lyrisme. Enfin, vous
verrez. Laissons cela. Je ne me suis decicee,
.par exemple, qu'après audition du troisième
acte. Car je ne suis pas ciu premier. Je n'ai,
dans le second, qu'une scène, une grande
scène, très curieuse, mais énigmatique. Au troi-
sième acte j'ai pleuré — ple'uré tout bêtement,
— je l'avoue. Puissiez-vous en faire autant,
messieurs !
— je n'en doute pas, je n'en doute pas, Ma-
dame. Comment en serait-il autrement puisque
c'est vous qui nous en priez?. Passons aux
répétitions. Il n'y a pas eu d'incident notoire?
— Ma foi, non. J'étais très curieuse (et un
peu inquiète, peut-être) de ces fameuses ré-
pétitions. Il y a autour d'Antoine une telle lé-
gende. comment dirai-je?.
— De terroriste?
— De terroriste, c'est cela! Je le connaissais
comme acteur, depuis longtemps. Nous jouâmes
Thérèse Raquin, ensemble. Le directeur m était
inconnu. Il m'a d'abord déconcertée. Il vous
laisse marcher, marcher. Il fume une cigarette
dans l'ombre, en faisant le gros dos, dans son
coin. Il ne souffle mot. JI écoute. Et cela dure
longtemps, plusieurs jours, jusqu'à ce qu'on sa-
che le texte. On patauge alors, vous pensez 1 Je
me sentais un peu énervée.
— Et puis?.
— Et puis, voilà qu'un beau jour ce monsieur,
taciturne, s'éveille. Il s'éveille, alors, pour de
bon. Et il est merveilleux, je vous assure ! On
voit que rien ne lui a échappé. Il connaît la n'è-
ce en détail. Il a toute sa mise en scène dans
la tête, impeccablement arrêtée. 11 vous nlne
d'un bout à l'autre, comme par la ma;,;, vars
broncher, avec un bonheur dans les termes, une
Invention dans lè détail. Oui, cet homme Po l'n
peu de génie. Et il est gentil comme tout! Il
n'a même pas élevé la voix. Du reste,, Desin rd ins
et Calmettes jouent les principaux rôles ■?. 'hom-
mes. Ils savent travailler avec lui. A de tels ac-
teurs, il n'y a rien à dire. L'auteur, aussi. con-
naît bien Antoine. Ce sont des amis très intimas.
Ils s'entendent à demi-mot. Tout a donc marché
sur roulettes. Pourvu que cela continue !
- Je ne vois guère que la fâcheuse grippe
comme danger, par un temps pareil.
— Ne dites pas de mal de ce temps! C'est le
soleil, notre ennemi. Surtout à l'Odéon, vous
savez. il faut qu'il pleuve jusqu'en juin !
— Je n'ose pas vous contredire. Et je vous
remercie, madame.
- Il n'y a pas de quoi.
- Mais si. mais si.
Et je sortis du pavillon blanc. Le gravier
craqua sous mes pieds. La cloche tinta de
nouveau — pourquoi? La petite porte s'ou-
vrit. Je m'en fus, emportant la Msion à la
fois somptueuse et charmante. Je vais me
ruer à l'Odéon pour la revoir. Et vous
aussi.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.93%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.93%.
- Auteurs similaires Collections de l’École nationale des ponts et chaussées Collections de l’École nationale des ponts et chaussées /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "EnPC000"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/6
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7646591c/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7646591c/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7646591c/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7646591c/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7646591c
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7646591c
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7646591c/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest