Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-28
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 février 1908 28 février 1908
Description : 1908/02/28 (A2,N151). 1908/02/28 (A2,N151).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646535r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
Aanés. ». W" îsi CQua«iéien> - JU Numéro : s mmtim+f
Vendent 28 féfrier 1906.
COMŒDIA
Rédacteur en Chef : G, de PAWLOWSKi
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
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étranger40 » 20 »
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Étranger. 40 » 20 »
vox Spectatoris
tis Simple membre du Syndicat des Ar-
êtes dramatico-lyrico-comico-régraphi-
ques - quiconque déclame, rit, pleure,
le ante ou danse en peut faire partie —
qu Voudrais savoir où en est la fameuse
?0n des débuts. Où en est-elle?
AAh »! les débuts en province!
Celui qui a assisté à une de ces soi-
tees sensationnelles a dû en conser-
ver l'impérissable souvenir! L'échafaud,
que dis-je »' l'échafaud, la question, la
Vrt* irre, la roue, le plomb fondu injecté
dans les oreilles sont jeux d'enfant au-
prés des cruautés de cette moyennageuse
cérémonie.
ans beaucoup de villes, voici corn-
nent on opère. Le contrôleur en chef,
? habit pour la circonstance (ces mes-
Ilrs de la famille!) remet à chaque
tateur, en échange de son coupon de
place, une série de petits papiers multi-
colores, pointillés dans le milieu, et por-
tant, de chaque côté de la séparation, ces
deux mots imprimés en caractères gras :
OUI - NON.
Pour le ténor, le papier est bleu
comme les rêves qu'il doit susciter dans
la partie féminine de son auditoire ; pour
v Prima donna, rose, couleur qui sied
dames, et la basse doit se contenter
du rouge sang-de-critique.
Après le deuxième acte, moment de
la soirée où, généralement, les princi-
paux artistes ont eu le temps de « don-
ner », un employé passe dans les rangs
avec une manne, qui n'est pas toujours
Jeanne bienfaisante, et recueille les
bulletin de vote des spectateurs. Pendant
le troisième acte, la commission théâ-
trale, réunie au foyer, dépouille.
De la dépouille de nos voix,
pourraient, à ce moment, chanter les mal-
heureux qui, anxieux, angoissés, atten-
ellt> dans les coulisses, le résultat qui
b ra, pour eux, une question de vie ou
mort.
Enfin, le spectacle terminé, le rideau
se relève. Le régisseur se présente, cor-
rect, car il sait l'accueil qui lui serait ré-
servé si sa tenue n'était pas impeccable
(gants. gants. les gants!) et il an-
nce.
« M. Machin, ténor, tant de oui, tant
de non. Reçu ou résilié. »
Et Si le nombre des NON est à peine
supérieur à celui des OUI, il se fait un
joli chambard. Cannes, strapontins
ponctuent bruyamment les .hurlements,
les VOciférations assourdissants des spec-
late- ur- s *Tous lesnoms d'oiseaux s'entre-
tr lSent sous le lustre—et au-dessus—et
ll n' est pas rare de voir cette petite fête
se terminer par des rixes et pugilats
soignés entre spectateurs énergiques dé-
sireux de faire prévaloir leur avis. Mais
étail est insignifiant; au surplus, le
J petit local orné, sur sa porte, des mots :
« Commissariat de police ».
Ainsi donc, parce que le vétérinaire,
le ^ngueur, le sacristain, la sage-femme
et tous les gens qui composent, en gé-
néral, le public compétent d'une salle
de âtre, n'ont pas apprécié l'organe
de Mlle X. ou la méthode de M. Y.,
ces delx artistes vont, après avoir es-
uyé leurs larmes, refaire leurs malles et
recommencer ailleurs la petite cérémo-
nie, est monstrueux, inique, et. tout
natt'rel en nrovince.
Ce que j'ai vu de plus curieux, c'est à
Marseille. Oui, je sais bien, tout ce qui
ça, Passe à Marseille est curieux, mais
ça , par exemple, dépasse de beaucoup la
sardine qui bouchait l'entrée du port.
Au 'reste, comme des milliers et des
milliers de gens le connaissent ou l'ont
connu - car j'ignore si ce Héros invrai-
Çan a^e respire toujours l'air de la
Canebière — il est superflu que j'in-
siste sur son authenticité.
Si dans d'autres villes, la majorité du
public suffit à imposer sa volonté au di-
recteur, à Marseille, Auguste, Auguste
seul désigne son choix. Et son ordre est
péremptoire.
UgUste est, je crois, cocher, cocher
de place 1 tout bêtement, mais il adore le
théatre l'Opéra exclusivement. Il passe
iour ..ses soirées au Grand-Théâtre. Le
jour, 11 ?onduit les bourgeois ; le soir, il
reconduit les artistes. Sa fréquentation
quotidienne du théâtre, sa connaissance
du répertoire ancien et moderne, lui ont
acquis, t aVx yeux de ses compatriotes,
une autorité incontestable. Songez denc
qu'il y a au moins trente ans qu'il s'as-
sied a ,la même place, au milieu du pre-
mier rang du parterre pour voir s'agiter
les huguenots ou brûler les juives. Je
crois même qu'un de ces jours, il compte
faire appel aux bienfaits de Bernheim,
Auguste fera valoir ses trente ans de
Edtre1 comme spectateur.
Mais où il est beau, grandiose, magni-
fique, c'est un soir de débuts. Ah! là, il
est auréolé! il s'épanouit dans la pléni-
tude majestueuse de son pouvoir. De
ttteurs evee, 11 semble, au milieu des cla-
queuers, es soldats, le général en chef
dominant son état-major. Et malheur à
)i ru ent ui s'oublierait à manifester
son avant « personnelle, quelle qu'elle
soit, avant que notre Auguste l'y ait in-
cité, en découvrant la sienne. Un bravo
intempesitif équivaudrait à un renvoi.
L'autorité d'Auguste est telle que le
maire le manda un Jour en son cabinet
pour l'adjurer en ces termes:
- c mon ami, vous avez fait
tomber cette saison, neuf ténors, six
falcons, cinq barytons, treize contraltos
ou contralti, huit mezzos ou mezzi, sept
basses. Vous mettez le directeur, la
Ville, le Conseil municipal dans le plus
grand embarras. Si ça continue, c'est
la fermeture du théâtre, c'est-à-dire la
ruine d'un tas de braves gens. De grâce,
soyez un peu indulgent. Voyons, ce soir,
nous avons Miss Tinkett, qui débute
dans Carmen, elle y est très bien, pa-
raît-il; le ténor, ce sera Duclou, qui a
tenu l'emploi pendant huit ans à l'Opé-
ra-Comique et qui est un excellent Don
José. Il a un trac fou de vous et vous
m'avouerez que c'est bien compréhen-
sible. Allons, un bon mouvement! lais-
sez terminer la soirée. ça nous chan-
gera. Je vais voir, tout à l'heure, le di-
recteur; je lui dirai, n'est-ce pas? qu'il
peut compter sur la clémence d'Auguste.
Après avoir regardé pitoyablement
M. le maire, Auguste fronça son sourcil
olympien et se retira, disant :
— Nous verronnsss !
Le soir, le spectacle marcha bien, en
dépit de la frousse très visible des ar-
tistes, mais comme au rappel du deux,
Duclou eut l'imprudence de venir saluer
avec sa camarade, Auguste se leva et,
s'adressant à Don José :
— Ah! non, monsieur Duclou, nous
ne vous sifflons pas, mais ne venez pas
saluer!
Ce qu'il y a d'admirable chez Au-
guste, c'est qu'il n'est pas plus gêné
dans le théâtre comble qu'au milieu de
la rue déserte. Eprouve-t-il le besoin de
faire une remarque à un artiste, il ar-
rête, de la voix, l'orchestre, qui obéit
aussitôt à son injonction et parle au
chanteur comme si tous deux se trou-
vaient sur le trottoir. Auguste ne se sou-
cie pas plus de son entourage, de ses
voisins, de la salle pleine qu'un député
de ses promesses.
Je l'ai entendu, un soir, interrompre
la représentation du Prophète pour com-
plimenter ainsi un chanteur qui avait
couaqué:
— Dis donc, le frère, est-ce que tu te
fous de nous? Tu n'es pas dans une
bourgade, ici!
Et quand, par extraordinaire, oh ! tout
à fait par extraordinaire, il est content,
il exulte de même façon. Un soir qu'Es-
calaïs chantait Guillaume superbement,
Auguste se leva et, lui envoyant des bai-
sers avec la main, cria comme un fou :
— Tiens! tiens! tiens, Scalaïs. (au
public) et on dit qu'il n'y a plus de té-
nors! (A Escalais) Tiens! tiens! tiens!.
J'espère être assez heureux pour vous
avoir donné une idée du bonhomme,
mais je ne veux pas vous lâcher sans
vous raconter celle-ci, que je considère
comme sa plus belle !
Un soir, un ténor chantait dans je ne
sais plus quelle pièce. Le malheureux,
fou de trac à l'idée de savoir Auguste
dans la salle, perd tous ses moyens vo-
caux et, complètement aphone, n'arrive
à donner que de temps en temps un
peu de son.
Les amateurs de chahut reluquaient
Auguste, pensant : « Ça va être gai, tout
à l'heure! »
Mais par quel miracle la figure de
l'automédon dilettante est-elle souriante !
Quel phénomène se passe-t-il? Lui, si
sévère à son ordinaire, parfois si cruel-
lement injuste, sourit, hoche la tête avec
satisfaction et, alors que toute la salle
commence à murmurer et va « cueillir»
le chanteur, lui, Auguste, se montre sa-
tisfait! Eh quoi? il applaudit mainte-
nant! Ce n'est pas possible! Auguste de-
vient fou! Mais, tout à coup, notre
homme se dresse, debout, au milieu de
sa cour ahurie et, battant des mains, ne
cesse de hurler:
— Bravo! bravo! bravo!. C'est ad-
mirable !. Messieurs, j'applaudis le
mime !
Félix GALIPAUX.
Nous publierons demain un article de
PIERRE SOUVESTRE
L'amoralité de l'art
Napoléon, qui n'y allait pas par quatre
chemins, déclara, lorsqu'il était à Sainte-
Hélène, Que si Corneille eût vécu de son
temps, il n'eût point manqué de le faire
prince.
Son opinion était, en effet, que le spec-
tacle de la tragédie élève l'âme et crée des
héros. En conséquence, il ne pouvait en ré-
sulter que de sérieux avantages pour la
qualité du recrutement et, volontiers, il eût
entrevu un bureau d'engagement aux côtés
de celui de location, les soirs où ron jouait
le grand auteur tragique dans son Théâtre-
Français.
Nous n'aurions garde de combattre une
telle opinion. Elle prouve, en effet, qu'il est
toujours des accommodements avec l'armée
et ou'en présentant les choses sous un jour
particulier, on peut faire admettre l'utilité
des lettres même par un grand conquérant.
On ne pourrait, cependant, pousser trop
loin cette opinion sans risoues, et je crois
que l'on ferait fausse route en exigeant des
œuvres d'art une action immédiate et di-
recte sur notre vie courante. Une pareille
opinion nous conduirait, en effet, à ne met-
tre au Louvre que des tableaux démontrant
les dangers de l'alcoolisme ou de la tuber-
culose et à n'envisager la Vénus de Milo
que comme cariatide possible pour suppor-
ter unI balcon au-dessus d'une porte-co-
chère.
Au surplus, si l'on s'en tient au pied de
la lettre, on peut se demander ce qu'il ad-
viendrait si les enfants que l'on mène voir
du classique s'inspiraient directement des
exemples que leur donnent nos grands mi»
teurs. Rentrés chez eux, ils joueraient en
famille aux Horace, et leur mère devrait se
tenir pour bien heureuse qu'ils ne jouent
point avec elle à Jézabel en excitant les
chiens de la maison.
Mieux vaut donc pénser, semble-t-il,
comme on le fait, du reste, à l'ordinaire,
que les œuvres d'art n'ont qu'une portée
très indirecte et qu'elles doivent agir sur
l'âme, non par les exemples qu'elles don-
nent, mais par le sens artistique qu'elles
développent en nous.
Ce sont là, peut-être, des constatations
puériles, mais qu'il ne paraît pas inutile de
rappeler à une époque où foisonnent les
pièces à thèse et où l'on n'admire plus une
œuvre que si elle est à clé et comporte un
enseignement social soi-disant pour le peuple.
G. DE PAWLOWSKI.
Echos
Ce soir, à huit heures, à l'Odéon, répéti-
tion générale de Ramuntcho, pièce en cinq
actes et onze tableaux, de M. Pierre Loti,
musique de scène de M. Gabriel Pierné.
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre Montparnasse, première représentation
de Yoritomo, drame en deux actes, de MM-.
Bonis-Charancle et Romain, et de Passion
perverse (L'Invertie), pièce d'avant-garde
en quatre actes, de M. Bonis-Charancle.
Un clou chasse l'autre.
L~â. Entre deux conversations sur le
triomphe de La Femme nue, l'admirable
pièce de M. Henry Bataille, les gens « bien
informés » parlaient avec force détails de
la brouille survenue entre M. Lucien Guitry
et M. Henry Bernstein. Malgré les succès
remportés en commun, le directeur de la
Renaissance et l'auteur de Samson sont fâ-
chés. Après avoir promis une pièce nou-
velle pour la rentrée, après avoir fait faire
d'importants engagements, tel que celui de
Mme Simone, M. Henry Bernstein aurait
prétexté que, devant donner une pièce au
Théâtre-Français, il lui était impossible d'é-
crire deux ouvrages dans la même saison,
et il aurait repris la parole qu'il avait don-
née. M. Lucien Guitry, trouvant ce procédé
un peu trop cavalier, aurait écrit à M.
Henry Bernstein un lettre assez vive. Les
choses en sont là.
Par contre, M. Paul Mussay, le sympathi-
que administrateur de la Renaissance, au-
rait, dit-on. réconcilié M. Lucien Guitry
avec M. Alfred Capus. C'est là une nou-
velle qui réjouira tous ceux qui ont aimy
La Veine-, L'Adversaire, Monsieur PiêgoiS,
La Châtelaine et Les Passagères.
Espérons que si nous n'applaudissons.
plus M. Henry Bernstein sur la scène de la
Renaissance, nous applaudirons M. Alfred
Capus.
SI
on nom, sa naissance.
Sait-on d'où vient le pseudonyme de
M. Loti, qui va triompher demain soir a
l'Odéon?
Quoique d'un caractère énergique, le
jeune officier de marine Julien Viaud était,
au commencement de sa carrière, d'une ex-
trême timidité. Et c'est au rebâtir d'une de
ses campagnes au Japon et au Sénégal que
plusieurs camarades l'ont surnommé Loti,
du nom d'une jolie petite fleur de l'Inde de
la même famille que le lotus et qui est com-
parable à notre sensitive.
u
ne visite s impose aux magasins de
Lerov. 22. rue Réaumur. Tous. élé-
gants et élégantes, y - trouveront mille petits
objets d'un goût sûr et d'une forme exquise,
d'un prix abordable et d'une variété infinie.
c
omment ils lisent les pièces et com-
ment ils les reçoivent:
M. Jules Claretie, qui a remplacé à lui
seul tout le Comité de lecture, reçoit des
deux lecteurs officiels attachés au Théâtre-
Français un rapport sur les pièces présen-
tées, d'après lequel il retient des manus-
crits. Pourtant, il lui arrive de recevoir une
pièce sans l'avoir lue, et c'est ainsi qu'il a
accordé des tours de faveur à MM. Paul
Hervieu, Maurice Donnay, Henry Berns-
tein, pour des œuvres pas encore écrites.
M. Antoine, contrairement à l'habitude de
la plupart des directeurs, aime assez qu'on
lui lise des pièces. C'est certainement lui
qui accueillit et révéla le plus de talents
inconnus. C'est généralement dans un cabi-
net particulier d'un grand restaurant proche
du boulevard de Strasbourg qu'ont lieu les
lectures des œuvres qu'il représente.
Mme Réjane, MM. Gémier, Samuel,
Franck, Deval, veulent lire eux-mêmes. M.
Gémier et Mme Réjane rapidement, M. Sa-
muel et M. Micheau quand ils connaissent
les auteurs, et M. Deval quand il s'agit
d'une pièce élégante.
M. Lucien Guitry, lui, parle d'un projet
de pièce avec un auteur, et, quand l'ou-
vrage est açhevé, il invite l'écrivain à venir
le lui lire, place Vendôme, dans un excel-
lent et intime déjeuner, Et M. Lucien Gui-
try a tant d'esprit que le repas est toujours
gai, même quand la pièce est triste.
Mme Sarah Bernhardt, comme M. Gui-
try, invite à déjeuner les auteurs dramati-
ques qui lui ont exposé un sujet intéressant.
Mais elle ne les fait pas venir place Ven-
dôme, elle les fait venir à Belle-Isle. Ils
peuvent y voir la tragique mer bretonne,
de beaux rochers, une grande tragédienne
et cela les console d'un voyage un peu long
et généralement vain, car les pièces reçues
ainsi ne sont jamais représentées.
M. Huguenet
à la Comédie=Fran.çaise
Tout arrive.
C'est maintenant une chose définitive.
M. Huguenet, l'admirable créateur de La
Robe Rouge et du Secret de Polichinelle,
entre à la Comédie-Française.
Il a vu hier M. Claretie et il fera partie
de la Maison à partir du 1er janvier 1909.
Un accord est intervenu quant aux con-
ditions de cet engagement.
Nous croyons savoir que l'éminent co-
médien ne réclame plus une part entière,
mais dix douzièmes et qu'il acceptera -
avec joie — de faire ses débuts dans le
-'««sinue.
THÉÂTRE DE LA RENAISSANCE
LA FEMME NUE
Pièce en quatre actes- de M. Henry Bataille
SOMMAIRE
ACTE I. — Parmi les artistes attendant au
buffet du salon qu'on proclame la médaille d'hon-
neur, se trouve le peintre Bernier, auteur du
tableau intitulé la Femme nue, qu'il a peint
d'après Louise Cassagne, dite Loulou, sa maî-
tresse et son modèle. C'est lui qui obtint la mé-
daille. Félicitations! Joie! Les années de collage
et de misères communes auront pour fleur le
mariage du peintre avec son modèle.
ACTE II. — Depuis cinq ans..qu'ils sont mariés,
la fortune a souri à Bernier, devenu le peintre
du pape et des grandes mondaines. Dans son
hôtel modern-style, il reçoit ses anciens copains
éblouis. Vient aussi la belle princesse de Cha-
bran, dont il fait en ce moment le portrait. C'est
une juive allemande, colossalement riche, qui
s'est payé le vieux prince ruiné. Elle est la maî-
tresse du jeune maître illustre, qu'elle décrasse.
La pauvre Loulou commet gaffe sur gaffe. Lili
jeune maître en est gêné. Les deux amants nou.
veaux sont surpris en flagrant délit de conversa-
tion à rendez-vous, par Loulou, qui s'effondre de
désespoir.
ACTE III. — La princesse veut divorcer pour
épouser son artiste rru'elle adore et qui l'adore.
Loulou veut les en empêcher. Scène de Loulou
avec le prince, nuis avec les deux amants, qu'elle
essaie d'intimider, de convaincre, d'attendrir en
vain. Leur amour est plus fort que la pitié même
de Bernier. Loulou, que le peintre sacrifie à la
princesse, signe sa demande en divorce, et sort
pour aller se tuer. a
ACTE IV. — Elle a une balle dans le poumon,
mais est résignée. Dans la maison de santé où
on la soigne depuis trois semaines, viennent la
princesse, vuis Bernier. Loulou pardonne à sa
rivale, qu'elle sent amoureuse et aimée. Elle
pardonne aussi à Bernier, qui lui apporte tout
son dévouement, mais lui explique qu'il-n'a plus
pour elle d'amour, et qu'à la fatalité des choses
il faut se soumettre. Elle s'y soumet, s'en va,
emmenée par un amant d'autrefois, toujours ten-
dre. Le r,eintre apprend cette conclusion et ,dit,
avec une mélancolique et naturelle férocité:
« Pauvre Loulou! »
Et sur ce canevas, que le sommaire fait
paraître si gris, si vulgairement pauvre, M.
Henry Bataille a brodé, en fleurs tantôt
poétiques, tantôt vivantes, une belle, forte,
émouvante et admirable pièce dont le grand
succès enchantera tous les artistes.
Car elle est, avant tout, et essentielle-
ment, d'un artiste, d'un de ces êtres spé-
ciaux, exquis, monstrueux, qui ont la no-
ble folie de vouloir, même au théâtre, se
contenter d'abord, et aller jusqu'au bout
de leur rêve, sans s'inquiéter de savoir si
le public les y suivra.
Je me hâte de noter que cette folie-là
n'est point une tare, à mon sens, et qu'elle
constitue, au contraire, la qualité maîtresse
chez un poète.
Et il convient de remarquer aussi que le
poète, le lyrique, peut fort bien, à l'occa-
sion, se doubler d'un dramaturge ingé-
nieux, hardi, bon carcassier (comme di-
saient les critiques de jadis) et sachant
faire la scène à faire (comme disait le
prince de ces critiques-là).
II se trouve précisément que M. Henry
Bataille est de ces poètes doués de façon
particulière pour le théâtre, et ayant à la
fois du métier et son métier. Mais de cela,
je ne le louerai point ici, ayant pris ma plus
grande joie à voir dans son triomphe le
triomphe du lyrique.
Entendons-nous, toutefois! Le poète que
j'aime, dans cette Femme nue, n'est pas ce-
lui qui, de temps à autre, parle par la
bouche de certains personnages (tels Ber-
nier et Loulou au « un », et Carzin au
« deux », et la princesse en plusieurs en-
droits).
Là, en effet, les personnages cessent, un
moment, de vivre. Ils écoutent l'auteur qui
les souffle, et ils répètent ce qu'il leur dit,
et c'est de la fort jolie littérature toujours;
mais, hélas! c'en est, de la littérature!
(Dessin de SEM,)
M. GUITRY M. Henry BATAILLE
Et si je souligne brutalement cette cri-
tique, c'est que j'ai admiré, savouré, à
plein cœur, l'œuvre, si belle partout où ne
se montrait point cette littérature de litté-
rateur. En vérité, j'en souffrais, aux pas-
sages gâtés par cette intruse, passages as-
sez rares, heureusement.
Mais le pur lyrisme, la poésie réelle, on
les avait partout ailleurs, dans telle expres-
sion en raccourci, telle phrase en profon-
deur, où excelle particulièrement M. Henry
Bataille, et qui vous transverbèrent parfois
jusqu'aux moelles. Lyrisme et poésie, alors,
qui ne sont pas du plaqué, du vain amuse-
ment, de l'enjolivement superfétatoire,
mais qui jaillissent du drame lui-même,
de son tréfonds, qui en sont les fleurs de
lave, qui l'illuminent, qui vous brûlent, qui
vous font sangloter d'émotion et de jouis-
sance artistique, confondues en un seul
spasme de beauté.
***
Dusse-je me faire mal noter comme cri-
tique de sens peu rassis, trop enclin à
l'emballement, j'avoue que les spasmes de
ce genre m'ôtent tout sang-froid pour ana-
lyser méthodiquement l'œuvre qui me trou-
bla de la sorte. Il m'a fallu un effort réel
de conscience, tout à l'heure, et me f'!.~
à une sévérité qui me semblait ii r Ace
par ma fonction. Mais c'est tout ce que i ac-
corderai à cette nécessité professionnelle.
A plusieurs reprises, dans la soirée, j'ai
touché le tuf même de la joie que donne
une belle œuvre. Si, par-ci par-là, quelques
touches de littérature inutile et maniérée
m'ont fait grincer des dents, c'est parce
qu'elles dissonaient avec l'harmonie géné-
rale, intense, humaine, en nappe jde poésit.
et de lyrisme que soulevaient comme de.
lames de fond d'émotion. Et mon agace
ment même était le témoignage de ma sÏll:
cère admiration. -
Cette admiration, il m'est d'autant plus
doux de la proclamer, pour conclure, que.
souvent, chez M. Henry Bataille, le théori-
cien et le polémiste m'ont violemment aga-
cé, eux aussi.
Mais au diable les théories, et les polémi
ques, et la critique! Il n'y a que les œu.
vres qui soient et qui comptent. Et j'oublit
tout, et je suis heureux, et je le crie, pute
que voilà une œuvre.
JEAN RICHEPIN.
Comment ils ont joué t
L'interprétation de La Femme nue réunit,
avec les vedettes, un nombre important d'ar-
tistes de valeur qui sont forcés de se con-
tenter de rôles de quasi figuration. Et le
tout est fondu en un ensemble dont le plus
petit élément semble en place, où rien ne
choque, où tout donne une impression com-
me de photographie de la vie.
Guitry (Pierre Bernier) a cette fois en-
core créé de toutes pièces un personnage.
Il a campé un peintre ultra-moderne, un de
ces rêveurs pratiques dont l'âme est avide
de sensations, de banknotes et d'honneurs.
Sous un masque sobre qui laisse pourtant
deviner les combats intérieurs, il a VfJdi.,
gieusement fait ressortir — avec une ex-
pression d'autant plus intense qu'elle était
moins extérieure — la douleur où le plonge
la fatalité de l'amour ressenti pour ut-". <"1-
tre que celle qui y a droii. Il est pr ~.c
impossible de réaliser une pareille r -
Vendent 28 féfrier 1906.
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le ante ou danse en peut faire partie —
qu Voudrais savoir où en est la fameuse
?0n des débuts. Où en est-elle?
AAh »! les débuts en province!
Celui qui a assisté à une de ces soi-
tees sensationnelles a dû en conser-
ver l'impérissable souvenir! L'échafaud,
que dis-je »' l'échafaud, la question, la
Vrt* irre, la roue, le plomb fondu injecté
dans les oreilles sont jeux d'enfant au-
prés des cruautés de cette moyennageuse
cérémonie.
ans beaucoup de villes, voici corn-
nent on opère. Le contrôleur en chef,
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Ilrs de la famille!) remet à chaque
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tant, de chaque côté de la séparation, ces
deux mots imprimés en caractères gras :
OUI - NON.
Pour le ténor, le papier est bleu
comme les rêves qu'il doit susciter dans
la partie féminine de son auditoire ; pour
v Prima donna, rose, couleur qui sied
dames, et la basse doit se contenter
du rouge sang-de-critique.
Après le deuxième acte, moment de
la soirée où, généralement, les princi-
paux artistes ont eu le temps de « don-
ner », un employé passe dans les rangs
avec une manne, qui n'est pas toujours
Jeanne bienfaisante, et recueille les
bulletin de vote des spectateurs. Pendant
le troisième acte, la commission théâ-
trale, réunie au foyer, dépouille.
De la dépouille de nos voix,
pourraient, à ce moment, chanter les mal-
heureux qui, anxieux, angoissés, atten-
ellt> dans les coulisses, le résultat qui
b ra, pour eux, une question de vie ou
mort.
Enfin, le spectacle terminé, le rideau
se relève. Le régisseur se présente, cor-
rect, car il sait l'accueil qui lui serait ré-
servé si sa tenue n'était pas impeccable
(gants. gants. les gants!) et il an-
nce.
« M. Machin, ténor, tant de oui, tant
de non. Reçu ou résilié. »
Et Si le nombre des NON est à peine
supérieur à celui des OUI, il se fait un
joli chambard. Cannes, strapontins
ponctuent bruyamment les .hurlements,
les VOciférations assourdissants des spec-
late- ur- s *Tous lesnoms d'oiseaux s'entre-
tr lSent sous le lustre—et au-dessus—et
ll n' est pas rare de voir cette petite fête
se terminer par des rixes et pugilats
soignés entre spectateurs énergiques dé-
sireux de faire prévaloir leur avis. Mais
étail est insignifiant; au surplus, le
J
« Commissariat de police ».
Ainsi donc, parce que le vétérinaire,
le ^ngueur, le sacristain, la sage-femme
et tous les gens qui composent, en gé-
néral, le public compétent d'une salle
de âtre, n'ont pas apprécié l'organe
de Mlle X. ou la méthode de M. Y.,
ces delx artistes vont, après avoir es-
uyé leurs larmes, refaire leurs malles et
recommencer ailleurs la petite cérémo-
nie, est monstrueux, inique, et. tout
natt'rel en nrovince.
Ce que j'ai vu de plus curieux, c'est à
Marseille. Oui, je sais bien, tout ce qui
ça, Passe à Marseille est curieux, mais
ça , par exemple, dépasse de beaucoup la
sardine qui bouchait l'entrée du port.
Au 'reste, comme des milliers et des
milliers de gens le connaissent ou l'ont
connu - car j'ignore si ce Héros invrai-
Çan a^e respire toujours l'air de la
Canebière — il est superflu que j'in-
siste sur son authenticité.
Si dans d'autres villes, la majorité du
public suffit à imposer sa volonté au di-
recteur, à Marseille, Auguste, Auguste
seul désigne son choix. Et son ordre est
péremptoire.
UgUste est, je crois, cocher, cocher
de place 1 tout bêtement, mais il adore le
théatre l'Opéra exclusivement. Il passe
iour ..ses soirées au Grand-Théâtre. Le
jour, 11 ?onduit les bourgeois ; le soir, il
reconduit les artistes. Sa fréquentation
quotidienne du théâtre, sa connaissance
du répertoire ancien et moderne, lui ont
acquis, t aVx yeux de ses compatriotes,
une autorité incontestable. Songez denc
qu'il y a au moins trente ans qu'il s'as-
sied a ,la même place, au milieu du pre-
mier rang du parterre pour voir s'agiter
les huguenots ou brûler les juives. Je
crois même qu'un de ces jours, il compte
faire appel aux bienfaits de Bernheim,
Auguste fera valoir ses trente ans de
Edtre1 comme spectateur.
Mais où il est beau, grandiose, magni-
fique, c'est un soir de débuts. Ah! là, il
est auréolé! il s'épanouit dans la pléni-
tude majestueuse de son pouvoir. De
ttteurs evee, 11 semble, au milieu des cla-
queuers, es soldats, le général en chef
dominant son état-major. Et malheur à
)i ru ent ui s'oublierait à manifester
son avant « personnelle, quelle qu'elle
soit, avant que notre Auguste l'y ait in-
cité, en découvrant la sienne. Un bravo
intempesitif équivaudrait à un renvoi.
L'autorité d'Auguste est telle que le
maire le manda un Jour en son cabinet
pour l'adjurer en ces termes:
- c mon ami, vous avez fait
tomber cette saison, neuf ténors, six
falcons, cinq barytons, treize contraltos
ou contralti, huit mezzos ou mezzi, sept
basses. Vous mettez le directeur, la
Ville, le Conseil municipal dans le plus
grand embarras. Si ça continue, c'est
la fermeture du théâtre, c'est-à-dire la
ruine d'un tas de braves gens. De grâce,
soyez un peu indulgent. Voyons, ce soir,
nous avons Miss Tinkett, qui débute
dans Carmen, elle y est très bien, pa-
raît-il; le ténor, ce sera Duclou, qui a
tenu l'emploi pendant huit ans à l'Opé-
ra-Comique et qui est un excellent Don
José. Il a un trac fou de vous et vous
m'avouerez que c'est bien compréhen-
sible. Allons, un bon mouvement! lais-
sez terminer la soirée. ça nous chan-
gera. Je vais voir, tout à l'heure, le di-
recteur; je lui dirai, n'est-ce pas? qu'il
peut compter sur la clémence d'Auguste.
Après avoir regardé pitoyablement
M. le maire, Auguste fronça son sourcil
olympien et se retira, disant :
— Nous verronnsss !
Le soir, le spectacle marcha bien, en
dépit de la frousse très visible des ar-
tistes, mais comme au rappel du deux,
Duclou eut l'imprudence de venir saluer
avec sa camarade, Auguste se leva et,
s'adressant à Don José :
— Ah! non, monsieur Duclou, nous
ne vous sifflons pas, mais ne venez pas
saluer!
Ce qu'il y a d'admirable chez Au-
guste, c'est qu'il n'est pas plus gêné
dans le théâtre comble qu'au milieu de
la rue déserte. Eprouve-t-il le besoin de
faire une remarque à un artiste, il ar-
rête, de la voix, l'orchestre, qui obéit
aussitôt à son injonction et parle au
chanteur comme si tous deux se trou-
vaient sur le trottoir. Auguste ne se sou-
cie pas plus de son entourage, de ses
voisins, de la salle pleine qu'un député
de ses promesses.
Je l'ai entendu, un soir, interrompre
la représentation du Prophète pour com-
plimenter ainsi un chanteur qui avait
couaqué:
— Dis donc, le frère, est-ce que tu te
fous de nous? Tu n'es pas dans une
bourgade, ici!
Et quand, par extraordinaire, oh ! tout
à fait par extraordinaire, il est content,
il exulte de même façon. Un soir qu'Es-
calaïs chantait Guillaume superbement,
Auguste se leva et, lui envoyant des bai-
sers avec la main, cria comme un fou :
— Tiens! tiens! tiens, Scalaïs. (au
public) et on dit qu'il n'y a plus de té-
nors! (A Escalais) Tiens! tiens! tiens!.
J'espère être assez heureux pour vous
avoir donné une idée du bonhomme,
mais je ne veux pas vous lâcher sans
vous raconter celle-ci, que je considère
comme sa plus belle !
Un soir, un ténor chantait dans je ne
sais plus quelle pièce. Le malheureux,
fou de trac à l'idée de savoir Auguste
dans la salle, perd tous ses moyens vo-
caux et, complètement aphone, n'arrive
à donner que de temps en temps un
peu de son.
Les amateurs de chahut reluquaient
Auguste, pensant : « Ça va être gai, tout
à l'heure! »
Mais par quel miracle la figure de
l'automédon dilettante est-elle souriante !
Quel phénomène se passe-t-il? Lui, si
sévère à son ordinaire, parfois si cruel-
lement injuste, sourit, hoche la tête avec
satisfaction et, alors que toute la salle
commence à murmurer et va « cueillir»
le chanteur, lui, Auguste, se montre sa-
tisfait! Eh quoi? il applaudit mainte-
nant! Ce n'est pas possible! Auguste de-
vient fou! Mais, tout à coup, notre
homme se dresse, debout, au milieu de
sa cour ahurie et, battant des mains, ne
cesse de hurler:
— Bravo! bravo! bravo!. C'est ad-
mirable !. Messieurs, j'applaudis le
mime !
Félix GALIPAUX.
Nous publierons demain un article de
PIERRE SOUVESTRE
L'amoralité de l'art
Napoléon, qui n'y allait pas par quatre
chemins, déclara, lorsqu'il était à Sainte-
Hélène, Que si Corneille eût vécu de son
temps, il n'eût point manqué de le faire
prince.
Son opinion était, en effet, que le spec-
tacle de la tragédie élève l'âme et crée des
héros. En conséquence, il ne pouvait en ré-
sulter que de sérieux avantages pour la
qualité du recrutement et, volontiers, il eût
entrevu un bureau d'engagement aux côtés
de celui de location, les soirs où ron jouait
le grand auteur tragique dans son Théâtre-
Français.
Nous n'aurions garde de combattre une
telle opinion. Elle prouve, en effet, qu'il est
toujours des accommodements avec l'armée
et ou'en présentant les choses sous un jour
particulier, on peut faire admettre l'utilité
des lettres même par un grand conquérant.
On ne pourrait, cependant, pousser trop
loin cette opinion sans risoues, et je crois
que l'on ferait fausse route en exigeant des
œuvres d'art une action immédiate et di-
recte sur notre vie courante. Une pareille
opinion nous conduirait, en effet, à ne met-
tre au Louvre que des tableaux démontrant
les dangers de l'alcoolisme ou de la tuber-
culose et à n'envisager la Vénus de Milo
que comme cariatide possible pour suppor-
ter unI balcon au-dessus d'une porte-co-
chère.
Au surplus, si l'on s'en tient au pied de
la lettre, on peut se demander ce qu'il ad-
viendrait si les enfants que l'on mène voir
du classique s'inspiraient directement des
exemples que leur donnent nos grands mi»
teurs. Rentrés chez eux, ils joueraient en
famille aux Horace, et leur mère devrait se
tenir pour bien heureuse qu'ils ne jouent
point avec elle à Jézabel en excitant les
chiens de la maison.
Mieux vaut donc pénser, semble-t-il,
comme on le fait, du reste, à l'ordinaire,
que les œuvres d'art n'ont qu'une portée
très indirecte et qu'elles doivent agir sur
l'âme, non par les exemples qu'elles don-
nent, mais par le sens artistique qu'elles
développent en nous.
Ce sont là, peut-être, des constatations
puériles, mais qu'il ne paraît pas inutile de
rappeler à une époque où foisonnent les
pièces à thèse et où l'on n'admire plus une
œuvre que si elle est à clé et comporte un
enseignement social soi-disant pour le peuple.
G. DE PAWLOWSKI.
Echos
Ce soir, à huit heures, à l'Odéon, répéti-
tion générale de Ramuntcho, pièce en cinq
actes et onze tableaux, de M. Pierre Loti,
musique de scène de M. Gabriel Pierné.
Ce soir, à huit heures et demie, au théâ-
tre Montparnasse, première représentation
de Yoritomo, drame en deux actes, de MM-.
Bonis-Charancle et Romain, et de Passion
perverse (L'Invertie), pièce d'avant-garde
en quatre actes, de M. Bonis-Charancle.
Un clou chasse l'autre.
L~â. Entre deux conversations sur le
triomphe de La Femme nue, l'admirable
pièce de M. Henry Bataille, les gens « bien
informés » parlaient avec force détails de
la brouille survenue entre M. Lucien Guitry
et M. Henry Bernstein. Malgré les succès
remportés en commun, le directeur de la
Renaissance et l'auteur de Samson sont fâ-
chés. Après avoir promis une pièce nou-
velle pour la rentrée, après avoir fait faire
d'importants engagements, tel que celui de
Mme Simone, M. Henry Bernstein aurait
prétexté que, devant donner une pièce au
Théâtre-Français, il lui était impossible d'é-
crire deux ouvrages dans la même saison,
et il aurait repris la parole qu'il avait don-
née. M. Lucien Guitry, trouvant ce procédé
un peu trop cavalier, aurait écrit à M.
Henry Bernstein un lettre assez vive. Les
choses en sont là.
Par contre, M. Paul Mussay, le sympathi-
que administrateur de la Renaissance, au-
rait, dit-on. réconcilié M. Lucien Guitry
avec M. Alfred Capus. C'est là une nou-
velle qui réjouira tous ceux qui ont aimy
La Veine-, L'Adversaire, Monsieur PiêgoiS,
La Châtelaine et Les Passagères.
Espérons que si nous n'applaudissons.
plus M. Henry Bernstein sur la scène de la
Renaissance, nous applaudirons M. Alfred
Capus.
SI
on nom, sa naissance.
Sait-on d'où vient le pseudonyme de
M. Loti, qui va triompher demain soir a
l'Odéon?
Quoique d'un caractère énergique, le
jeune officier de marine Julien Viaud était,
au commencement de sa carrière, d'une ex-
trême timidité. Et c'est au rebâtir d'une de
ses campagnes au Japon et au Sénégal que
plusieurs camarades l'ont surnommé Loti,
du nom d'une jolie petite fleur de l'Inde de
la même famille que le lotus et qui est com-
parable à notre sensitive.
u
ne visite s impose aux magasins de
Lerov. 22. rue Réaumur. Tous. élé-
gants et élégantes, y - trouveront mille petits
objets d'un goût sûr et d'une forme exquise,
d'un prix abordable et d'une variété infinie.
c
omment ils lisent les pièces et com-
ment ils les reçoivent:
M. Jules Claretie, qui a remplacé à lui
seul tout le Comité de lecture, reçoit des
deux lecteurs officiels attachés au Théâtre-
Français un rapport sur les pièces présen-
tées, d'après lequel il retient des manus-
crits. Pourtant, il lui arrive de recevoir une
pièce sans l'avoir lue, et c'est ainsi qu'il a
accordé des tours de faveur à MM. Paul
Hervieu, Maurice Donnay, Henry Berns-
tein, pour des œuvres pas encore écrites.
M. Antoine, contrairement à l'habitude de
la plupart des directeurs, aime assez qu'on
lui lise des pièces. C'est certainement lui
qui accueillit et révéla le plus de talents
inconnus. C'est généralement dans un cabi-
net particulier d'un grand restaurant proche
du boulevard de Strasbourg qu'ont lieu les
lectures des œuvres qu'il représente.
Mme Réjane, MM. Gémier, Samuel,
Franck, Deval, veulent lire eux-mêmes. M.
Gémier et Mme Réjane rapidement, M. Sa-
muel et M. Micheau quand ils connaissent
les auteurs, et M. Deval quand il s'agit
d'une pièce élégante.
M. Lucien Guitry, lui, parle d'un projet
de pièce avec un auteur, et, quand l'ou-
vrage est açhevé, il invite l'écrivain à venir
le lui lire, place Vendôme, dans un excel-
lent et intime déjeuner, Et M. Lucien Gui-
try a tant d'esprit que le repas est toujours
gai, même quand la pièce est triste.
Mme Sarah Bernhardt, comme M. Gui-
try, invite à déjeuner les auteurs dramati-
ques qui lui ont exposé un sujet intéressant.
Mais elle ne les fait pas venir place Ven-
dôme, elle les fait venir à Belle-Isle. Ils
peuvent y voir la tragique mer bretonne,
de beaux rochers, une grande tragédienne
et cela les console d'un voyage un peu long
et généralement vain, car les pièces reçues
ainsi ne sont jamais représentées.
M. Huguenet
à la Comédie=Fran.çaise
Tout arrive.
C'est maintenant une chose définitive.
M. Huguenet, l'admirable créateur de La
Robe Rouge et du Secret de Polichinelle,
entre à la Comédie-Française.
Il a vu hier M. Claretie et il fera partie
de la Maison à partir du 1er janvier 1909.
Un accord est intervenu quant aux con-
ditions de cet engagement.
Nous croyons savoir que l'éminent co-
médien ne réclame plus une part entière,
mais dix douzièmes et qu'il acceptera -
avec joie — de faire ses débuts dans le
-'««sinue.
THÉÂTRE DE LA RENAISSANCE
LA FEMME NUE
Pièce en quatre actes- de M. Henry Bataille
SOMMAIRE
ACTE I. — Parmi les artistes attendant au
buffet du salon qu'on proclame la médaille d'hon-
neur, se trouve le peintre Bernier, auteur du
tableau intitulé la Femme nue, qu'il a peint
d'après Louise Cassagne, dite Loulou, sa maî-
tresse et son modèle. C'est lui qui obtint la mé-
daille. Félicitations! Joie! Les années de collage
et de misères communes auront pour fleur le
mariage du peintre avec son modèle.
ACTE II. — Depuis cinq ans..qu'ils sont mariés,
la fortune a souri à Bernier, devenu le peintre
du pape et des grandes mondaines. Dans son
hôtel modern-style, il reçoit ses anciens copains
éblouis. Vient aussi la belle princesse de Cha-
bran, dont il fait en ce moment le portrait. C'est
une juive allemande, colossalement riche, qui
s'est payé le vieux prince ruiné. Elle est la maî-
tresse du jeune maître illustre, qu'elle décrasse.
La pauvre Loulou commet gaffe sur gaffe. Lili
jeune maître en est gêné. Les deux amants nou.
veaux sont surpris en flagrant délit de conversa-
tion à rendez-vous, par Loulou, qui s'effondre de
désespoir.
ACTE III. — La princesse veut divorcer pour
épouser son artiste rru'elle adore et qui l'adore.
Loulou veut les en empêcher. Scène de Loulou
avec le prince, nuis avec les deux amants, qu'elle
essaie d'intimider, de convaincre, d'attendrir en
vain. Leur amour est plus fort que la pitié même
de Bernier. Loulou, que le peintre sacrifie à la
princesse, signe sa demande en divorce, et sort
pour aller se tuer. a
ACTE IV. — Elle a une balle dans le poumon,
mais est résignée. Dans la maison de santé où
on la soigne depuis trois semaines, viennent la
princesse, vuis Bernier. Loulou pardonne à sa
rivale, qu'elle sent amoureuse et aimée. Elle
pardonne aussi à Bernier, qui lui apporte tout
son dévouement, mais lui explique qu'il-n'a plus
pour elle d'amour, et qu'à la fatalité des choses
il faut se soumettre. Elle s'y soumet, s'en va,
emmenée par un amant d'autrefois, toujours ten-
dre. Le r,eintre apprend cette conclusion et ,dit,
avec une mélancolique et naturelle férocité:
« Pauvre Loulou! »
Et sur ce canevas, que le sommaire fait
paraître si gris, si vulgairement pauvre, M.
Henry Bataille a brodé, en fleurs tantôt
poétiques, tantôt vivantes, une belle, forte,
émouvante et admirable pièce dont le grand
succès enchantera tous les artistes.
Car elle est, avant tout, et essentielle-
ment, d'un artiste, d'un de ces êtres spé-
ciaux, exquis, monstrueux, qui ont la no-
ble folie de vouloir, même au théâtre, se
contenter d'abord, et aller jusqu'au bout
de leur rêve, sans s'inquiéter de savoir si
le public les y suivra.
Je me hâte de noter que cette folie-là
n'est point une tare, à mon sens, et qu'elle
constitue, au contraire, la qualité maîtresse
chez un poète.
Et il convient de remarquer aussi que le
poète, le lyrique, peut fort bien, à l'occa-
sion, se doubler d'un dramaturge ingé-
nieux, hardi, bon carcassier (comme di-
saient les critiques de jadis) et sachant
faire la scène à faire (comme disait le
prince de ces critiques-là).
II se trouve précisément que M. Henry
Bataille est de ces poètes doués de façon
particulière pour le théâtre, et ayant à la
fois du métier et son métier. Mais de cela,
je ne le louerai point ici, ayant pris ma plus
grande joie à voir dans son triomphe le
triomphe du lyrique.
Entendons-nous, toutefois! Le poète que
j'aime, dans cette Femme nue, n'est pas ce-
lui qui, de temps à autre, parle par la
bouche de certains personnages (tels Ber-
nier et Loulou au « un », et Carzin au
« deux », et la princesse en plusieurs en-
droits).
Là, en effet, les personnages cessent, un
moment, de vivre. Ils écoutent l'auteur qui
les souffle, et ils répètent ce qu'il leur dit,
et c'est de la fort jolie littérature toujours;
mais, hélas! c'en est, de la littérature!
(Dessin de SEM,)
M. GUITRY M. Henry BATAILLE
Et si je souligne brutalement cette cri-
tique, c'est que j'ai admiré, savouré, à
plein cœur, l'œuvre, si belle partout où ne
se montrait point cette littérature de litté-
rateur. En vérité, j'en souffrais, aux pas-
sages gâtés par cette intruse, passages as-
sez rares, heureusement.
Mais le pur lyrisme, la poésie réelle, on
les avait partout ailleurs, dans telle expres-
sion en raccourci, telle phrase en profon-
deur, où excelle particulièrement M. Henry
Bataille, et qui vous transverbèrent parfois
jusqu'aux moelles. Lyrisme et poésie, alors,
qui ne sont pas du plaqué, du vain amuse-
ment, de l'enjolivement superfétatoire,
mais qui jaillissent du drame lui-même,
de son tréfonds, qui en sont les fleurs de
lave, qui l'illuminent, qui vous brûlent, qui
vous font sangloter d'émotion et de jouis-
sance artistique, confondues en un seul
spasme de beauté.
***
Dusse-je me faire mal noter comme cri-
tique de sens peu rassis, trop enclin à
l'emballement, j'avoue que les spasmes de
ce genre m'ôtent tout sang-froid pour ana-
lyser méthodiquement l'œuvre qui me trou-
bla de la sorte. Il m'a fallu un effort réel
de conscience, tout à l'heure, et me f'!.~
à une sévérité qui me semblait ii r Ace
par ma fonction. Mais c'est tout ce que i ac-
corderai à cette nécessité professionnelle.
A plusieurs reprises, dans la soirée, j'ai
touché le tuf même de la joie que donne
une belle œuvre. Si, par-ci par-là, quelques
touches de littérature inutile et maniérée
m'ont fait grincer des dents, c'est parce
qu'elles dissonaient avec l'harmonie géné-
rale, intense, humaine, en nappe jde poésit.
et de lyrisme que soulevaient comme de.
lames de fond d'émotion. Et mon agace
ment même était le témoignage de ma sÏll:
cère admiration. -
Cette admiration, il m'est d'autant plus
doux de la proclamer, pour conclure, que.
souvent, chez M. Henry Bataille, le théori-
cien et le polémiste m'ont violemment aga-
cé, eux aussi.
Mais au diable les théories, et les polémi
ques, et la critique! Il n'y a que les œu.
vres qui soient et qui comptent. Et j'oublit
tout, et je suis heureux, et je le crie, pute
que voilà une œuvre.
JEAN RICHEPIN.
Comment ils ont joué t
L'interprétation de La Femme nue réunit,
avec les vedettes, un nombre important d'ar-
tistes de valeur qui sont forcés de se con-
tenter de rôles de quasi figuration. Et le
tout est fondu en un ensemble dont le plus
petit élément semble en place, où rien ne
choque, où tout donne une impression com-
me de photographie de la vie.
Guitry (Pierre Bernier) a cette fois en-
core créé de toutes pièces un personnage.
Il a campé un peintre ultra-moderne, un de
ces rêveurs pratiques dont l'âme est avide
de sensations, de banknotes et d'honneurs.
Sous un masque sobre qui laisse pourtant
deviner les combats intérieurs, il a VfJdi.,
gieusement fait ressortir — avec une ex-
pression d'autant plus intense qu'elle était
moins extérieure — la douleur où le plonge
la fatalité de l'amour ressenti pour ut-". <"1-
tre que celle qui y a droii. Il est pr ~.c
impossible de réaliser une pareille r -
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