Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-12
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 février 1908 12 février 1908
Description : 1908/02/12 (A2,N135). 1908/02/12 (A2,N135).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646519n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
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,-- Z' Année.- N« 135 (Quotfdlen1 -- $* Nttmên : 5 centimes 0 Mercredi 12 Février 1908
N Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKi
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
r-
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
, UN AN - 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 D 20 9
RÉDACTION & ADMINISTRATION ;
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-FARIS
ABONNEMENTS:
UN AN E MOU
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 *
Le vieil acteur
A cette époque, nous avions comme
voisin un .vieil acteur. C'était un sexagé-
naire au visage rond, qui persévérait à
ne porter ni barbe ni moustaches, avec
Un nez à la Coquelin, une bouche à la
pot et une correction à la Frédéric
ebvre. Au demeurant, le plus brave
homme du monde, quoique vaniteux,
farci d'anecdotes malicieuses et forte-
ment enclin à l'hyperbole. Il cultivait son
jardin je veux dire qu'il en surveillait
la culture, et se voulait sans rival pour
certaines poires beurrées et pour une
sorte de doyenné-duchesse dont il van-
tait les mérites avec l'emphase de Mon-
sieur Perrichon. Aussi bien, le ministre
de l'Agriculture, adroitement cerné, lui
avait-il fait tenir le Mérite agricole, dont
il portait le ruban sous des espèces
énormes.
Notre jardin faisait pauvre figure avec
ses arbres barbares, ses mauvais soleils,
ses glaïeuls anémiques, ses iris dégéné-
es, ses mélancoliques passeroses et ses
r?seilliers étouffés par des liserons ma-
gnifiques mais parasitaires. L'acteur y
jetait un regard de compassion. Ce fut
pourtant ce galeux qui favorisa les pre-
miers échanges de propos avec le vieil
artiste Ces propos furent, de sa part,
Sur eues et bonhommes, avec une pointe
d'emphase et un filet d'ironie. Nous lui
plûmes, surtout notre mère et nous, car
v fit vraisemblablement quelques réser-
ves SUr notre père quil avait une allure
chagrine et tenait des propos pessimis-
tes. Lui, voguait sur un océan d'opti-
- La bonne humeur et la confiance
sont mes filles bien-aimées! déclarait-il.
Elles me mèneront jusqu'à l'âge du petit
Père Legouvé. Le peuple est sage lors-
qu'il compare la tristesse à un poison !
nous ouvrit sa porte et franchit fa-
millièrement notre seuil. Nous goûtions
les Illustres beurrées et les glorieuses
doyenné-duchesse. Il nous invita à de
petits déjeuners suaves, où l'on servait
souvent quelque plat de sa façon, car il
cuisinait comme Rossini ou Monsieur de
Saint-Arroman- Par surcroît, il apportait
des jouets, racontait cent mille histoires,
récitait des fragments de ses rôles, nar-
rait de fantastiques aventures, et deve-
nait, enfin, la foie des grands et des pe- :«
tits. Mon père même le trouvait fort5 ai-'
mable ; mais il corrigeait ses éloges en
concluan t :
- Tout cela, c'est encore des plan-'
ches Les acteurs n'ont aucun senti-
ment naturel, leur amitié est à coulisses.
Sans doute, celui-ci est un brave homme,
mais 11 verrait mourir son meilleur ami
avec autant d'indifférence qu'une portée
de chats, quitte à réciter des vers sur
Quoique le père nous eût ruinés et
qu'il subvînt imparfaitement à nos be-
s°ins 0us le considérions comme le dieu
même de la sagesse. Aussi, malgré notre
prédilection pour Frédéric Pasquier (né
Paquet), nous écoutions en silence ces
propos désobligeants.
Un n matin, au premier déjeuner, il vint
agita grosse lettre carrée dont la lecture
agita Prodigieusement mon'père et fit pâ~
agita prodigieusement mon père et fit pâ-
lir ma mère. Dans cette lettre, qui ré-
pondait à de nombreuses démarches, il
était queStion d'une place de caissier
e forte banque de la ville. Mais
il fallait Un cautionnement de six mille
francs, en titres solides, déposé à la
Caisse deS dépôts et consignations. à la
- J1' s'écria douloureusement mon
père, Six mille francs et nous sommes
sauvés. six mille francs et c'est la fin
la Liseré !
Il courut toute la journée, il visita tous
ses d rnlS, tous ceux qui lui avaient mon-
tré de u sympathie jadis, lorsqu'il était
ricrhe. ersonne ne voulut exposer six
mille francs. Ceux-là mêmes qui
croy aient en sa parfaite honnêteté
se méfiaient de quelque erreur de
compte Ou de quelque sottise. Il revint
harassé, hagard, désespéré. Or, à ce
moment, Frédéric Pasquier nous fit une
petite VISlte. Il vit mon' père affalé, ma
mère en larmes, il posa quelques ques-
tion avec beaucoup de tact et d'adresse.
Dans leur accablement, mes parents se
laissère ~t aller à la confidence.
Le vieil acteur haussa doucement les
épaules, cligna de I'oeil à ma sœur Thé-
clara.
rèse qui était sa petite préférée, et dé-
- éna!? c^er voisin, vous auriez pu
vous suYfirgner tant de démarches. Il au-
rait S de frapper chez votre cama-
rade Frédéric Pasquier!
- Quoi! s'écria mon père, avec un
tremblement d'espérance, vous auriez
- Et je consens encore, s'il n'est pas
trop tard 1 répondit le brave homme.
Ah! ce "t une soirée heureuse, une
des ^eii fut une soirée heureuse, une
des meilleures de notre vie! Et mon
père ne médit pas du naturel des acteurs.
Mais il était trop foncièrement misan-
thrope pour ne Pas revenir à ses mou-
tons. Il fillit Par trouver toute simple
l'action du voisin; il renouvela, par
suit, quoique avec moins de force, ses
appréciations sur les sentiments artifi-
des cifn °yens qui paraissent sur les
ciels des citoyens qui paraissent sur les
ciels des P"toYens qui paraissent sur les
Deux "ns SP- passèrent. Nos relations
avec le comédien étaient de plus en plus
et n °us autres, les petits, n'é-
tions pas loin de l'aimer autant que nos
parents. C'est justement ce qui choquait
un peu le père et l'incitait à réitérer des
aphorismes teintés d'amertume.
Un après-midi, ma mère nous mena
promener hors de la ville, au bord de la
rivière. C'était au printemps, un mois
après l'équinoxe, un jour exquis et fou,
où le vent du sud soufflait, plein de par-
fums neufs et d'électricité aventureuse.
Nous rencontrâmes deux autres familles,
et tandis que les mères causaient, dans
l'ombre argentée des saules, nous nous
livrions à des courses éperdues. Ce qui
se passa exactement, personne n'a ja-
mais pu le savoir positivement, mais tout
à coup ma sœur Thérèse se trouva dans
le courant, tandis que nous poussions
des cris et des plai-ntes - sauvages. Ma
mère voulut se jeter à l'eau ; les autres
dames la saisirent à bras-le-corps et la
continrent. Cependant, la petite avait
disparu au tournant d'un îlot, on ne la
voyait plus, on rie l'entendait plus, et
ma mère, d'un effort terrible, se déga-
gea, bondit follement vers la rivière. Elle
n'aurait pas hésité une seconde à s'y
précipiter, mais encore fallait-il savoir où
se trouvait l'enfant.
Tandis que nous vivions le drame, une
voix s'éleva de l'îlot, et nous vîmes no-
tre- ami Frédéric Pasquier en manches
de chemise, ruisselant d'eau, qui élevait
Thérèse dans ses bras : nous sûmes qu'il
l'avait bel et bien sauvée, au péril de ses
jours, après plusieurs plongées. Quant à
sa présence dans l'îlot, elle n'avait rien
d'énigmatique : il y passait souvent des
heures entières, par les beaux jours, à
l'ombre, avec les Géorgiques, dont il
prétendait donner une traduction impec-
cable.
Quand mon père rentra le soir, quand
il vit notre petite, Thérèse encore pâle,
étendue dans le grand Voltaire, quand il
connut l'accident et le sauvetage, il fut
bouleversé jusqu'au fond de l'âme. Il se
précipita chez le voisin, les larmes aux
yeux, pour lui faire amende honorable,
il le remercia avec frénésie, il avoua qu'il
ne lui avait jamais complètement rendu
justice, qu'il avait, bien à tort, attribué
la plupart de ses actes à des sentiments
artificiels.
■ Le vieux comédien l'écouta avec sa
bonhomie coutumière; puis, lui mettant
la main sur l'épaule:
— Mais vous n'aviez pas tort, mon
cher Aw.i, dit-il bien ,doucement,- mes
sentiments sont, en effet, très artificiels,
et combien je m'en honore ! Tout ce qu'a
fait de bon et de grand l'homme social
est artificiel. La poésie, la musique, les
sciences, l'héroïsme, le dévouement, la
bonté sont des artifices. la sauvage
nature ne les connaît point! C'est le
triomphe de l'homme.
J.=H. ROSNY.
Nous publierons demain un article de
G. DE PAWLOWSKI
Chefs=d'œuvre
"populaires"
Une jeune fille « adorant la musique et
qui ne signe pas pour que sa mère ne soit
pas mécontente », me demande pourquoi on
supprime; dans certains théâtres populaires,
les deux dernières scènes de Mignon.
J'avoue que, n'ayant pas eu le temps de
faire une enquête à ce sujet, il m'est diffi-
cile de transmettre à cette timide jeune fille
les raisons officielles qu'elle souhaiterait. Au
surplus, je dois le dire tout de suite, pa-
reille enquête serait parfaitement inutile, les
raisons de cette importante suppression
s'imposant d'elles-mêmes. Tout le monde
sait, en effet, que l'on paie les places infi-
niment moins cher dans les théâtres popu-
laires que partout ailleurs, et l'on ne peut
véritablement pas y réclamer le même nom-
bre de scènes que dans un grand théâtre
subventionné.
D'ailleurs, le procédé n'est point nou-
veau. Chaque fois qu'il s'est agi de créer
un théâtre populaire, on s'est efforcé de n'y
donner que des œuvres populaires, et l'on
doit s'étonner que, jusqu'à ce jour, Mignon,
Mireille ou Manon n'aient pas été transfor-
més dans ce but. Je verrais tort bien, pour
moi, Manon rencontrant Des Grieux gare
Saint-Lazare et se taisant arrêter dans un
bal de la rive gauche. Quant à Mireille, le
décor du viaduc du Point-du-Jour ferait très
bien, au premier acte, et la Crau serait
avantageusement remplacée par la plaine
Saint-Denis.
Il faudra des années, en effet, pour que
l'on comprenne que les gens dont la vie
quotidienne est laide, ont besoin, plus que
les autres, d'idéal,' de poésie et de chefs-
d'oeuvre parfaits pour se refaire de temps à
autre,' et que c'est un non-sens absurde
que de resservir au peuple, qui va au théâtre
pour se changer les idées, des scènes, d'as-
sommoir ou d'assassinat dans une man-
sarde.
Les théâtres populaires n'ont jamais tait
autre chose jusqu'à ce jour. S'ils se mettent
à saboter nos chefs-d'œuvre lYTiques les
plus purs, il est difficile de savoir oà les
choses s'arrêteront, et je ne vois point l'a-
venir en rose pour les petites filles qui
« adorent la-musique et qui ne signent pas
pour que leur mère ne soit pas mécon-
tente »,
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à neuf heures, à la Comédie-
Royale, première représentation de: Le
Dernier jour de Taupin, comédie en un acte
d'Alfred Delilia; Propos d'hiver, revue de
Paul Ardot et Laroche; Pour être heureux,
comédie en deux actes, de Charles Desfon-
taines et P. Aroza; Les Rendez-vous stras-
bourgeois, opéra bouffe de Romain Coolus,
musique de Cuvillier.
L
î fruit de ses veilles.
Croisé hier soir, sur le boulevard,
l'ami intime de Jules Claretie:
— Vous semblez vous étonner, mon cher
Masque — nous dit-il - de la formidable
puissance de travail de Claretie; vous par,
lez de ses chroniques et vous oubliez les
1.258 préfaces qu'il a écrites —• il termi-
nait hier la 1.259c! Vous oubliez aussi les
longues séances académiques (il n'en man-
que pas une) et surtout ses présidences
dans les banquets, dans tous les banquets
littéraires où partout il lit un long discours.
Or, ces longs discours, c'est lui-même qui
les écrit,, tous, tous! -
» Où prend-il le temps, allez-vous me de-
mander, de si abondamment produire et
d'être partout à la fois? 1 :'
» Vous croyez sans doute, mon cher-Mas-
que, que Jules Claretie, victime de "son
abus du café, en est arrivé à la privation to-
tale de sommeil. Ih ne dort plus et : ne sait
comment tuer ses longues nuits, surtout en
hiver. Alors, il erre de banquet en banquet,
où toujours, d'ailleurs, il est le bienvenu.
Vers minuit, il rentre chez lui, et il écrit,
il écrit, jusqu'à l'aube. A l'aube, il recom-
mence, et voilà tout le secret, tout.le mys-
tère. Jules Claretie, pourrait-on dire, a la
« maladie de l'éveil »! - -
M. Claretie est un type dans le genre de
Macbeth! -- *
*
LE QUATRAIN DU JOUR , ,
TRIUMVIR?. , 1
Ce Bargy connut ses classiques, quoi qu'on die :
Si son plan de triumvirat peut aboutir,
Il dira vite à ce pauvre Orgon-Claretie :
« La Maison est à moi : c'est à vous d'en sortir ! »
T
'hespis chez Thémis.
Polin. le joyeux Polin, vient d'avoir
des démêlés avec la justice de son pays.
Ou, du moins, s'il ne fut pas personnelle-
ment mis en cause, l'administrateur de la
tournée qu'il entreprit récemment vient de
comparaître devant lè Tribunal correction-
nel de Bourges.
Sur l'ordre de Polin, l'administrateur
avait lait quitter le théâtre à un inspecteur,
du travail.. Celui-ci, en effet, non content
de circuler sur la scène et dans la salle,
commue il en avait le droit, avait prétendu
s'installer dans un excellent fauteuil.
Me Georges Bureau a obtenu pour l'in-
culpé l'acquittement, qui s'imposait.
« RAMUNTCHO » A L'ODEON
M. PIERRE LOTI
Qui vient à Paris surveiller les répétitions
de son œrivre
R
ien de nouveau!.
- Sans doute, il est bien tard pour par-
1er encore délie.
Depuis qu'elle n'est plus. décorée, un
mois a passé.
Sait-on que le beau geste de Mme Mar-
celle Tinayre a eu un illustre précédent?
En 1873, Jules Simon voulut décorer Geor-
ge Sand: « N'en faites rien, lui écrivit iro-
niquement celle-ci. Vous me rendriez ridi-
cule avec un ruban rouge sur l'estomac!
J'aurais l'air d'une vieille cantinière! .» Et
George Sand ne fut pas décorée. Il est vrai
que notre grande romancière s'en soucia
peu et n'ambitionna pas ensuite ce qu'elle
avait paru dédaigner.
L
es trois R. F.
Nous recevons la lettre suivante:
Mon cher Masque de verre,
A propos des R. F., %ulez-vous me fournir
un renseignement, s'il vous plaît?
J'ai lu une Lorenza de René Frogé, et j'y ai
salué des vers tout à fait délicieux. J'ai eu
l'honneur d'avoir dernièrement, dans le numéro
de Noël du Monde Illustré, un modeste poème
publié à côté de ceux de poètes déjà très re-
nommés, parmi lesquels René Fraudet, dont les
Pierres de Lune sont admirables. Je voudrais
bien maintenant connaître les. vers publies par
le troisième R. F., René Fauchois. A part la
petite romance donnée, il y a quelque temps,
par Comœdia,\ je n'ai pu rien lire de lui.
Renscignez-îooi, je vous en: prie; où peut-on
trouver les r sans doute fort beaux poèmes de
ce poète ?
Henry JACQUES.
9 février 1908.
Outre un assez grand nombre de poèmes
détachés, M. René Fauchois, dont l'Odéon
va jouer prochainement un Beethoven, a
*
publié un grand" drame en vers intitulé
Louis XVIII.'
Et il a fait représenter une pièce — mais
en prose celle-là — au Nouveau-Théâtre:
Z/Exode.
M
éfiez-vous du programme!
L'autre soir, au Théâtre Argentina
de Home. on donnait La Femme idéale, de
Marco Praga: trois actes. Mais le program-
me en annonçait quatre. Donc, le rideau
baissé après le «trois », le public campe
sur ses positions et attend le « quatre ».
On lui dépêche des émissaires dans la salle
pour lui faire savoir qu'il n'y a pas de
« quatre ». Point d'affaire! Il réclame le
« quatre n J On lui coupe l'électricité: cha-
rivari dans les ténèbres: « Le quatre! Le
quatre! n On la rallume et l'acteur Cesare
Dondini vient déclarer à l'avant-scène « que
M, Praga n'a pas encore eu le temps d'ima-
giner son quatrième acte ». Alors que l'on
joue autre chose! une farce! n'importe
quoi! Force doit rester autogramme ! Et
l'acteur Dondini de s'exécuter en récitant
une poésie de Carducci.
Un conseil aux auteurs français: Qu'ils
surveillent leurs programmes quand on leur
jouera des pièces en Italie, ou ils se ver-
ront exposés à de bien imprévus épilo-
gues.
s
tendhal et Capus, ou Les Deux Hom-
mes.
L auteur de Rouge et Noir et celui de
La Veine n'ont pas dû avoir beaucoup d'i-
dées communes. Ils en ont eu une, cepen-
dant.
Stendhal, lui aussi, avait pensé à écrire
une comédie qui se serait appelée Les Deux
Hommes. Une comédie en vers. II la desti-
nait au Théâtre-Français, et Mlle Duches-
nois en eût créé le principal rôle.
Puis, ce titre lui déplut. Les Deux-Hom-
mes devinrent Letellier, après avoir été
quelque temps: Quelle horreur ou L'Ami
du despotisme pervertisseur de l'opinion pu-
blique (sic).
Puis la comédie elle-même cessa de l'in-
téresser. Il n'y avait travaillé qu'une se-
maine, quand il s'arrêta. Il écrivit au bas
d'une page: « Après six jours, les vers
m'ennuient. » Et, le septième jour, il se
reposa.
C'est vrai, d'ailleurs. Ses vers étaient
ennuyeux.
Mais M. François de Nion, stendhalien
notoire, ignorait-il cela? Il n'en a rien dit,
le lendemain des Deux Hommes, des vrais,
ceux de Capus.
M
assenet, l'homme et le musicien.
Sous ce titre si complexe et si at-
tirant dans son extrême brièveté, notre ami
Lptyis ^dinei^er a publié çh«e£ J'é^eur^
Carteret Tanciènne maison Cbnquet, 5, rue
Drouot) un volume qui résume la vie du
maître et qui analyse ensuite chaque parti-
tion.
Tout cela est conté sous une forme at-
trayante et piquante. M. Louis Schneider a
ajouté à l'intérêt de ce volume une série
d'illustrations inédites qui le rendent des
plus intéressants à feuilleter.
Ce volume sur Massenet a sa place mar-
quée sur la table du salon comme dans la
bibliothèque des amateurs de musique.
u
n de nos artistes les plus réputés,
connu de tous les gourmets pour son
goût délicat, nous amrmait hier qui! con-
sommait tous les ans quatre pièces de l'ex-
cellent vin naturel que lui fournit la maison
Truchon et Leclerc, 39, rue des Nuits,
Paris-Bercy.
NOUVELLE A LA MAIN
u
n de nos clubmen les plus répandus
est, depuis de longs mois, follement
épris de la très gracieuse et très applaudie
Mlle S., aussi ingénue à la ville qu'au
théâtre.
Protestations, cadeaux, promesses, rien
n'a pu fléchir la rigueur de sa résistance.
Mais "elle a avoué à son amoureux, très
franchement, qu'elle voulait se faire une
position honorable et qu'elle ne lui céde-
rait qu'après avoir passé par la mairie.
Les bans vont être publiés ces jours-ci.
Un bon lien vaut mieux que deux tu
l'auras!
Le Masque de Verre.
Notre Concours
de Chansons
L'annonce de notre'grande matinée aux
Folies-Bergère, le 12 mars prochain, a fait
grand bruit dans les milieux artistiques et
réveillé les espoirs des concurrents qui as-
pirent à voir, ce jour-là, leur œuvre primée
par le jury,- choix que le public sera ap-
pelé à ratifier, ainsi que Comœdia l'a an-
noncé.
On s'enquiert déjà des places à louer et
nous pouvons annoncer que, dans la seule
journée d'hier, quelques lecteurs se sont
présentés aux Folies-Bergère pour retenir
leurs places. Déjà ! dira-t-on. Ce fait prouve,
mieux que n'importe quel exemple, le suc-
cès auquel est appelé notre gala artistique.
A propos des prix qui seront attribués par
Çomœdia aux chansons retenues dans les
quatre catégories, ils nous faut rectifier une
erreur qui s'était glissée dans une de nos
informations précédentes. Ce n'est pas des
prix de 100, 50 et 25 francs, mais bien des
prix de cent cinquante, de cent et de
soixante-quinze francs qui seront dévolus
aux trois lauréats de chaque classe.
A la liste véritablement fastueuse des
artistes notoires qui, ce jour-là, prêteront à
Comœdia leur concours gracieux, il nous
faut ajouter des inscriptions nouvelles : cel-
les de M. Nuibo (de l'Opéra), de Mlle Cé-
cile Dàulnay (de l'Opéra), de Mlle Gabrielle
Dehaye, du chansonnier Pierre Trimouillat.
Ces noms, qui viennent s'ajouter à ceux
que Cornai publiait avant-hier, compo-
seront un programme vraiment artistique
qu'on ne reverra nulle part ailleurs, dans
le courant de la saison théâtrale.
COMŒDIA.
A L'OPÉRA=COMIQUE
4
Reprise d' "Aphrodite"
Aphrodite a infligé un bien amusant dé-
menti, lors de son apparition, aux prédic-
tions des Compétences.
Les partisans attardés du flonflon déflo-
raient la « science » de Camille Erlanger,
les uns avec de courtoises mélancolies qui
regrettaient le beau temps d'Adolphe Adam,
les autres, aigris par l'impuissance, avec
de séniles invectives.
* Zleutlinatr, phot,
Mlle RÉGIRA BADET *
C'est à propos d'une œuvre d'Erlanger
que M. Arthur Pougin stigmatisa la « dé-
bauché musicale que le public a la sottise
de ne pas siffler .» et « la polissonnerie ar-
tistique'», et bien d'autres choses encore!
De leur côté, les « avancés » de l'ex-
trême gauche musicale reprochaient à
Aphrodite de n'être point amorphe, et lui
tenaient rigueur pour la solidité de ses as-
sises. - -
Prise entre ces deux feux, la' partition
d'Erlanger n'en poursuivit pas moins sa
marche victorieuse. Interrompue en plein
succès par le' départ de Miss Mary Gardén,
la voici repartie de plus belle. Et c'est
justice.
Il faut l'orchestre de l'Opéra-Comique
pour détailler sans défaillance cette musi-
que difficile et prenante à laquelle l'emploi
fréquent des modes orientaux donne un ca-
ractère si personnel. La rencontre de Chry-
sis avec Démétrius - a été rendue exquise-
ment, scène étrange et charmante, riche en
curieux effets de pédales aux basses, que
ponctue la grosse caisse pianissimo,. , voca-
trice des nuits d'Orient « chaudes et lan-
goureuses » comme les strophes volup-
tueuses de Pierre Louys.
Je n'ai pas le temps de signaler les équi-
voques et savoureux frottements de secon-
des majeure et mineure aux flûtes; pendant
le duo de Rhodis et Myrto (les deux jolies
petites musiciennes qui doivent inscrire à
leur répertoire les plus tendres chansons de
Bilitis) cependant que la souple Théano-Ba-
det danse, fascinatrice.
L'acte du « Phare », qu'on avait suppri-
mé jadis, contient des pages superbes em-
plies du tumulte des foules, et que domine,
tonnant aux cuivres, le thème élargi dè la
déesse. Et surtout l'acte de la prison, celui
que j'ai toujours préféré, l'acte grave, d'une
splendeur nue, l'acte de l'expiation où le
cor anglais et la harpe en sons harmoniques
redisent le motif en augmentation de Chry-
sis, pour finir sur la phrase biblique: « Re-
tourne à la poussière dont elle vient. »
Mlle Chenal est si belle que les hommes
lui pardonneraient de chanter médiocre-
ment. Elle chante si bien que les femmes
lui pardonneront d'être belle.
Sa voix, d'une homogénéité parfaite,
semble faite pour l'exultante insolence du
chant de victoire qu'elle entonne pendant
l'horrible crucifixion de Corinna-Rachel
Launay, qui ne peut être qu'excellente dans
ce personnage, c'est le cas de le dire,
« sactifi'é ». J'ajoute que Mlle Vix, à la-
quelle on avait songé d'abord, n'eût certes
pas été indifférente, surtout dans les pages
passionnées du rôle, notamment dans cettf
ardente scène de l'atelier où les « ah ! an ! »
succèdent aux paroles bientôt insuffisantes à
exprimer l'amour, jusqu'au moment où la
gradation du désir s'exalte à l'orchestre
seul quand les voix se sont tues.
L (Tous les enfants bien élevés savent
qu'on ne doit pas parler la bouche pleine.)"
D'ailleurs, je devine que des gens rai-
sonnables, électeurs, éligibles, vaccinés,
dont les mains n'ont cessé d'applaudir la
belle Chenal, auront senti cependant leur
cœur, leur faible cœur, se gonfler de regret
au souvenir de la fantaisiste Chrysis qui
traînait sur la jetée d'Alexandrie ses voiles
indolents, en vantant avec son rocailleux
I accent d'Ecosse « les pairrles de sa bou4
ou-che et l'orr de sa toason ».
H. GAUTHIER-VILLARS.
La critique que l'on 'vient de lire a êtéi
écrite, avant son départ pour Monte-Carlo,
par M. Henry Gauthier-Villars, à l'issue
d'une répétition à laquelle il avait e14 fa*
bonne fortune - d'assister.
La soirée d'hier a pleinement confirmA
les appréciations de notre éminent collabo-
râleuret nous dispense de tout nouveau
cômmentaire.
La soirée
p était hier la reprise d'Aphrodite et ri
6«7 - représentation à l'Opéra-Comique, pour
les débuts de Mlle Chenal qui fit, à l'Opéra,
une excellente carrière et promet de la
poursuivre d'une façon fort brillante salle
Favart. L'intérêt de la soirée s'augmentait
de la restitution d'un tableau, celui du
Phare, qui fut supprimé quelques jours-
avant la première. Il ne m'appartient pas
de juger l'œuvre: le succès l'a consacrée.
Mais ce qui m'appartient très certaine-
ment, c'est le droit de dire le ravissement
que j'ai éprouvé à l'évocation merveil-
leuse qui nous fut offerte d'Alexandrie
!5f'-p,.8XPte par lemagicien très artiste et très
délicat qu ,est M. Albert Carré. Je puis
le dire avec une autorité d'autant plus
grande que le public a partagé mon im-
pression. Peut-être Mlle Garden, qui tuf
délicate et gracieuse, et si, aiment amou-
reuse, manquait-elle à la fête. Mai** A" le
Chenal fut une: si belle et fastueuse Chry-
sis qu'on ne s'en aperçut guère.
A regarder l'évocation merveilleuse
a Alexandrie sous la reine Béatrice IV. fille
de Ptolémée le flûtiste et sœur aînée de
Cléopâtre, j'avoue que j'éprouverais un in-
dicible plaisir à me trouver plus vieux de
quelque vingt siècles! Les. deux petites
joueuses de flûte, Myrto et Rhodis, si jo-
liment personnifiées, par Mlles Maggie
Teyte et Mathieu-Lutz, auraient le don de
me séduire s'il m'advenait jamais de me
promener sur l'Hepstatade, à la nuit tom-
oante. Chimairis, qui emprunte, avec la
silhouette, la voix sonore et pure do Mlle
Brohly, ne lirait dans ma destinée que des
heures d'amour et de joie, car je m'aban-
donnerais sans aucune restriction aux ca-
resses de la Chrysis somptueusement belle
que nous présente Mlle Chenal, dussé-je.
pour goûter la volupté de ses étreintes, as-
sassiner un grand-prêtre et dépouiller la ita-
tue sacrée de l'Aphrodite..
,-- Z' Année.- N« 135 (Quotfdlen1 -- $* Nttmên : 5 centimes 0 Mercredi 12 Février 1908
N Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKi
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
r-
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
, UN AN - 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 D 20 9
RÉDACTION & ADMINISTRATION ;
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-FARIS
ABONNEMENTS:
UN AN E MOU
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 *
Le vieil acteur
A cette époque, nous avions comme
voisin un .vieil acteur. C'était un sexagé-
naire au visage rond, qui persévérait à
ne porter ni barbe ni moustaches, avec
Un nez à la Coquelin, une bouche à la
pot et une correction à la Frédéric
ebvre. Au demeurant, le plus brave
homme du monde, quoique vaniteux,
farci d'anecdotes malicieuses et forte-
ment enclin à l'hyperbole. Il cultivait son
jardin je veux dire qu'il en surveillait
la culture, et se voulait sans rival pour
certaines poires beurrées et pour une
sorte de doyenné-duchesse dont il van-
tait les mérites avec l'emphase de Mon-
sieur Perrichon. Aussi bien, le ministre
de l'Agriculture, adroitement cerné, lui
avait-il fait tenir le Mérite agricole, dont
il portait le ruban sous des espèces
énormes.
Notre jardin faisait pauvre figure avec
ses arbres barbares, ses mauvais soleils,
ses glaïeuls anémiques, ses iris dégéné-
es, ses mélancoliques passeroses et ses
r?seilliers étouffés par des liserons ma-
gnifiques mais parasitaires. L'acteur y
jetait un regard de compassion. Ce fut
pourtant ce galeux qui favorisa les pre-
miers échanges de propos avec le vieil
artiste Ces propos furent, de sa part,
Sur eues et bonhommes, avec une pointe
d'emphase et un filet d'ironie. Nous lui
plûmes, surtout notre mère et nous, car
v fit vraisemblablement quelques réser-
ves SUr notre père quil avait une allure
chagrine et tenait des propos pessimis-
tes. Lui, voguait sur un océan d'opti-
- La bonne humeur et la confiance
sont mes filles bien-aimées! déclarait-il.
Elles me mèneront jusqu'à l'âge du petit
Père Legouvé. Le peuple est sage lors-
qu'il compare la tristesse à un poison !
nous ouvrit sa porte et franchit fa-
millièrement notre seuil. Nous goûtions
les Illustres beurrées et les glorieuses
doyenné-duchesse. Il nous invita à de
petits déjeuners suaves, où l'on servait
souvent quelque plat de sa façon, car il
cuisinait comme Rossini ou Monsieur de
Saint-Arroman- Par surcroît, il apportait
des jouets, racontait cent mille histoires,
récitait des fragments de ses rôles, nar-
rait de fantastiques aventures, et deve-
nait, enfin, la foie des grands et des pe- :«
tits. Mon père même le trouvait fort5 ai-'
mable ; mais il corrigeait ses éloges en
concluan t :
- Tout cela, c'est encore des plan-'
ches Les acteurs n'ont aucun senti-
ment naturel, leur amitié est à coulisses.
Sans doute, celui-ci est un brave homme,
mais 11 verrait mourir son meilleur ami
avec autant d'indifférence qu'une portée
de chats, quitte à réciter des vers sur
Quoique le père nous eût ruinés et
qu'il subvînt imparfaitement à nos be-
s°ins 0us le considérions comme le dieu
même de la sagesse. Aussi, malgré notre
prédilection pour Frédéric Pasquier (né
Paquet), nous écoutions en silence ces
propos désobligeants.
Un n matin, au premier déjeuner, il vint
agita grosse lettre carrée dont la lecture
agita Prodigieusement mon'père et fit pâ~
agita prodigieusement mon père et fit pâ-
lir ma mère. Dans cette lettre, qui ré-
pondait à de nombreuses démarches, il
était queStion d'une place de caissier
e forte banque de la ville. Mais
il fallait Un cautionnement de six mille
francs, en titres solides, déposé à la
Caisse deS dépôts et consignations. à la
- J1' s'écria douloureusement mon
père, Six mille francs et nous sommes
sauvés. six mille francs et c'est la fin
la Liseré !
Il courut toute la journée, il visita tous
ses d rnlS, tous ceux qui lui avaient mon-
tré de u sympathie jadis, lorsqu'il était
ricrhe. ersonne ne voulut exposer six
mille francs. Ceux-là mêmes qui
croy aient en sa parfaite honnêteté
se méfiaient de quelque erreur de
compte Ou de quelque sottise. Il revint
harassé, hagard, désespéré. Or, à ce
moment, Frédéric Pasquier nous fit une
petite VISlte. Il vit mon' père affalé, ma
mère en larmes, il posa quelques ques-
tion avec beaucoup de tact et d'adresse.
Dans leur accablement, mes parents se
laissère ~t aller à la confidence.
Le vieil acteur haussa doucement les
épaules, cligna de I'oeil à ma sœur Thé-
clara.
rèse qui était sa petite préférée, et dé-
- éna!? c^er voisin, vous auriez pu
vous suYfirgner tant de démarches. Il au-
rait S de frapper chez votre cama-
rade Frédéric Pasquier!
- Quoi! s'écria mon père, avec un
tremblement d'espérance, vous auriez
- Et je consens encore, s'il n'est pas
trop tard 1 répondit le brave homme.
Ah! ce "t une soirée heureuse, une
des ^eii fut une soirée heureuse, une
des meilleures de notre vie! Et mon
père ne médit pas du naturel des acteurs.
Mais il était trop foncièrement misan-
thrope pour ne Pas revenir à ses mou-
tons. Il fillit Par trouver toute simple
l'action du voisin; il renouvela, par
suit, quoique avec moins de force, ses
appréciations sur les sentiments artifi-
des cifn °yens qui paraissent sur les
ciels des citoyens qui paraissent sur les
ciels des P"toYens qui paraissent sur les
Deux "ns SP- passèrent. Nos relations
avec le comédien étaient de plus en plus
et n °us autres, les petits, n'é-
tions pas loin de l'aimer autant que nos
parents. C'est justement ce qui choquait
un peu le père et l'incitait à réitérer des
aphorismes teintés d'amertume.
Un après-midi, ma mère nous mena
promener hors de la ville, au bord de la
rivière. C'était au printemps, un mois
après l'équinoxe, un jour exquis et fou,
où le vent du sud soufflait, plein de par-
fums neufs et d'électricité aventureuse.
Nous rencontrâmes deux autres familles,
et tandis que les mères causaient, dans
l'ombre argentée des saules, nous nous
livrions à des courses éperdues. Ce qui
se passa exactement, personne n'a ja-
mais pu le savoir positivement, mais tout
à coup ma sœur Thérèse se trouva dans
le courant, tandis que nous poussions
des cris et des plai-ntes - sauvages. Ma
mère voulut se jeter à l'eau ; les autres
dames la saisirent à bras-le-corps et la
continrent. Cependant, la petite avait
disparu au tournant d'un îlot, on ne la
voyait plus, on rie l'entendait plus, et
ma mère, d'un effort terrible, se déga-
gea, bondit follement vers la rivière. Elle
n'aurait pas hésité une seconde à s'y
précipiter, mais encore fallait-il savoir où
se trouvait l'enfant.
Tandis que nous vivions le drame, une
voix s'éleva de l'îlot, et nous vîmes no-
tre- ami Frédéric Pasquier en manches
de chemise, ruisselant d'eau, qui élevait
Thérèse dans ses bras : nous sûmes qu'il
l'avait bel et bien sauvée, au péril de ses
jours, après plusieurs plongées. Quant à
sa présence dans l'îlot, elle n'avait rien
d'énigmatique : il y passait souvent des
heures entières, par les beaux jours, à
l'ombre, avec les Géorgiques, dont il
prétendait donner une traduction impec-
cable.
Quand mon père rentra le soir, quand
il vit notre petite, Thérèse encore pâle,
étendue dans le grand Voltaire, quand il
connut l'accident et le sauvetage, il fut
bouleversé jusqu'au fond de l'âme. Il se
précipita chez le voisin, les larmes aux
yeux, pour lui faire amende honorable,
il le remercia avec frénésie, il avoua qu'il
ne lui avait jamais complètement rendu
justice, qu'il avait, bien à tort, attribué
la plupart de ses actes à des sentiments
artificiels.
■ Le vieux comédien l'écouta avec sa
bonhomie coutumière; puis, lui mettant
la main sur l'épaule:
— Mais vous n'aviez pas tort, mon
cher Aw.i, dit-il bien ,doucement,- mes
sentiments sont, en effet, très artificiels,
et combien je m'en honore ! Tout ce qu'a
fait de bon et de grand l'homme social
est artificiel. La poésie, la musique, les
sciences, l'héroïsme, le dévouement, la
bonté sont des artifices. la sauvage
nature ne les connaît point! C'est le
triomphe de l'homme.
J.=H. ROSNY.
Nous publierons demain un article de
G. DE PAWLOWSKI
Chefs=d'œuvre
"populaires"
Une jeune fille « adorant la musique et
qui ne signe pas pour que sa mère ne soit
pas mécontente », me demande pourquoi on
supprime; dans certains théâtres populaires,
les deux dernières scènes de Mignon.
J'avoue que, n'ayant pas eu le temps de
faire une enquête à ce sujet, il m'est diffi-
cile de transmettre à cette timide jeune fille
les raisons officielles qu'elle souhaiterait. Au
surplus, je dois le dire tout de suite, pa-
reille enquête serait parfaitement inutile, les
raisons de cette importante suppression
s'imposant d'elles-mêmes. Tout le monde
sait, en effet, que l'on paie les places infi-
niment moins cher dans les théâtres popu-
laires que partout ailleurs, et l'on ne peut
véritablement pas y réclamer le même nom-
bre de scènes que dans un grand théâtre
subventionné.
D'ailleurs, le procédé n'est point nou-
veau. Chaque fois qu'il s'est agi de créer
un théâtre populaire, on s'est efforcé de n'y
donner que des œuvres populaires, et l'on
doit s'étonner que, jusqu'à ce jour, Mignon,
Mireille ou Manon n'aient pas été transfor-
més dans ce but. Je verrais tort bien, pour
moi, Manon rencontrant Des Grieux gare
Saint-Lazare et se taisant arrêter dans un
bal de la rive gauche. Quant à Mireille, le
décor du viaduc du Point-du-Jour ferait très
bien, au premier acte, et la Crau serait
avantageusement remplacée par la plaine
Saint-Denis.
Il faudra des années, en effet, pour que
l'on comprenne que les gens dont la vie
quotidienne est laide, ont besoin, plus que
les autres, d'idéal,' de poésie et de chefs-
d'oeuvre parfaits pour se refaire de temps à
autre,' et que c'est un non-sens absurde
que de resservir au peuple, qui va au théâtre
pour se changer les idées, des scènes, d'as-
sommoir ou d'assassinat dans une man-
sarde.
Les théâtres populaires n'ont jamais tait
autre chose jusqu'à ce jour. S'ils se mettent
à saboter nos chefs-d'œuvre lYTiques les
plus purs, il est difficile de savoir oà les
choses s'arrêteront, et je ne vois point l'a-
venir en rose pour les petites filles qui
« adorent la-musique et qui ne signent pas
pour que leur mère ne soit pas mécon-
tente »,
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à neuf heures, à la Comédie-
Royale, première représentation de: Le
Dernier jour de Taupin, comédie en un acte
d'Alfred Delilia; Propos d'hiver, revue de
Paul Ardot et Laroche; Pour être heureux,
comédie en deux actes, de Charles Desfon-
taines et P. Aroza; Les Rendez-vous stras-
bourgeois, opéra bouffe de Romain Coolus,
musique de Cuvillier.
L
î fruit de ses veilles.
Croisé hier soir, sur le boulevard,
l'ami intime de Jules Claretie:
— Vous semblez vous étonner, mon cher
Masque — nous dit-il - de la formidable
puissance de travail de Claretie; vous par,
lez de ses chroniques et vous oubliez les
1.258 préfaces qu'il a écrites —• il termi-
nait hier la 1.259c! Vous oubliez aussi les
longues séances académiques (il n'en man-
que pas une) et surtout ses présidences
dans les banquets, dans tous les banquets
littéraires où partout il lit un long discours.
Or, ces longs discours, c'est lui-même qui
les écrit,, tous, tous! -
» Où prend-il le temps, allez-vous me de-
mander, de si abondamment produire et
d'être partout à la fois? 1 :'
» Vous croyez sans doute, mon cher-Mas-
que, que Jules Claretie, victime de "son
abus du café, en est arrivé à la privation to-
tale de sommeil. Ih ne dort plus et : ne sait
comment tuer ses longues nuits, surtout en
hiver. Alors, il erre de banquet en banquet,
où toujours, d'ailleurs, il est le bienvenu.
Vers minuit, il rentre chez lui, et il écrit,
il écrit, jusqu'à l'aube. A l'aube, il recom-
mence, et voilà tout le secret, tout.le mys-
tère. Jules Claretie, pourrait-on dire, a la
« maladie de l'éveil »! - -
M. Claretie est un type dans le genre de
Macbeth! -- *
*
LE QUATRAIN DU JOUR , ,
TRIUMVIR?. , 1
Ce Bargy connut ses classiques, quoi qu'on die :
Si son plan de triumvirat peut aboutir,
Il dira vite à ce pauvre Orgon-Claretie :
« La Maison est à moi : c'est à vous d'en sortir ! »
T
'hespis chez Thémis.
Polin. le joyeux Polin, vient d'avoir
des démêlés avec la justice de son pays.
Ou, du moins, s'il ne fut pas personnelle-
ment mis en cause, l'administrateur de la
tournée qu'il entreprit récemment vient de
comparaître devant lè Tribunal correction-
nel de Bourges.
Sur l'ordre de Polin, l'administrateur
avait lait quitter le théâtre à un inspecteur,
du travail.. Celui-ci, en effet, non content
de circuler sur la scène et dans la salle,
commue il en avait le droit, avait prétendu
s'installer dans un excellent fauteuil.
Me Georges Bureau a obtenu pour l'in-
culpé l'acquittement, qui s'imposait.
« RAMUNTCHO » A L'ODEON
M. PIERRE LOTI
Qui vient à Paris surveiller les répétitions
de son œrivre
R
ien de nouveau!.
- Sans doute, il est bien tard pour par-
1er encore délie.
Depuis qu'elle n'est plus. décorée, un
mois a passé.
Sait-on que le beau geste de Mme Mar-
celle Tinayre a eu un illustre précédent?
En 1873, Jules Simon voulut décorer Geor-
ge Sand: « N'en faites rien, lui écrivit iro-
niquement celle-ci. Vous me rendriez ridi-
cule avec un ruban rouge sur l'estomac!
J'aurais l'air d'une vieille cantinière! .» Et
George Sand ne fut pas décorée. Il est vrai
que notre grande romancière s'en soucia
peu et n'ambitionna pas ensuite ce qu'elle
avait paru dédaigner.
L
es trois R. F.
Nous recevons la lettre suivante:
Mon cher Masque de verre,
A propos des R. F., %ulez-vous me fournir
un renseignement, s'il vous plaît?
J'ai lu une Lorenza de René Frogé, et j'y ai
salué des vers tout à fait délicieux. J'ai eu
l'honneur d'avoir dernièrement, dans le numéro
de Noël du Monde Illustré, un modeste poème
publié à côté de ceux de poètes déjà très re-
nommés, parmi lesquels René Fraudet, dont les
Pierres de Lune sont admirables. Je voudrais
bien maintenant connaître les. vers publies par
le troisième R. F., René Fauchois. A part la
petite romance donnée, il y a quelque temps,
par Comœdia,\ je n'ai pu rien lire de lui.
Renscignez-îooi, je vous en: prie; où peut-on
trouver les r sans doute fort beaux poèmes de
ce poète ?
Henry JACQUES.
9 février 1908.
Outre un assez grand nombre de poèmes
détachés, M. René Fauchois, dont l'Odéon
va jouer prochainement un Beethoven, a
*
publié un grand" drame en vers intitulé
Louis XVIII.'
Et il a fait représenter une pièce — mais
en prose celle-là — au Nouveau-Théâtre:
Z/Exode.
M
éfiez-vous du programme!
L'autre soir, au Théâtre Argentina
de Home. on donnait La Femme idéale, de
Marco Praga: trois actes. Mais le program-
me en annonçait quatre. Donc, le rideau
baissé après le «trois », le public campe
sur ses positions et attend le « quatre ».
On lui dépêche des émissaires dans la salle
pour lui faire savoir qu'il n'y a pas de
« quatre ». Point d'affaire! Il réclame le
« quatre n J On lui coupe l'électricité: cha-
rivari dans les ténèbres: « Le quatre! Le
quatre! n On la rallume et l'acteur Cesare
Dondini vient déclarer à l'avant-scène « que
M, Praga n'a pas encore eu le temps d'ima-
giner son quatrième acte ». Alors que l'on
joue autre chose! une farce! n'importe
quoi! Force doit rester autogramme ! Et
l'acteur Dondini de s'exécuter en récitant
une poésie de Carducci.
Un conseil aux auteurs français: Qu'ils
surveillent leurs programmes quand on leur
jouera des pièces en Italie, ou ils se ver-
ront exposés à de bien imprévus épilo-
gues.
s
tendhal et Capus, ou Les Deux Hom-
mes.
L auteur de Rouge et Noir et celui de
La Veine n'ont pas dû avoir beaucoup d'i-
dées communes. Ils en ont eu une, cepen-
dant.
Stendhal, lui aussi, avait pensé à écrire
une comédie qui se serait appelée Les Deux
Hommes. Une comédie en vers. II la desti-
nait au Théâtre-Français, et Mlle Duches-
nois en eût créé le principal rôle.
Puis, ce titre lui déplut. Les Deux-Hom-
mes devinrent Letellier, après avoir été
quelque temps: Quelle horreur ou L'Ami
du despotisme pervertisseur de l'opinion pu-
blique (sic).
Puis la comédie elle-même cessa de l'in-
téresser. Il n'y avait travaillé qu'une se-
maine, quand il s'arrêta. Il écrivit au bas
d'une page: « Après six jours, les vers
m'ennuient. » Et, le septième jour, il se
reposa.
C'est vrai, d'ailleurs. Ses vers étaient
ennuyeux.
Mais M. François de Nion, stendhalien
notoire, ignorait-il cela? Il n'en a rien dit,
le lendemain des Deux Hommes, des vrais,
ceux de Capus.
M
assenet, l'homme et le musicien.
Sous ce titre si complexe et si at-
tirant dans son extrême brièveté, notre ami
Lptyis ^dinei^er a publié çh«e£ J'é^eur^
Carteret Tanciènne maison Cbnquet, 5, rue
Drouot) un volume qui résume la vie du
maître et qui analyse ensuite chaque parti-
tion.
Tout cela est conté sous une forme at-
trayante et piquante. M. Louis Schneider a
ajouté à l'intérêt de ce volume une série
d'illustrations inédites qui le rendent des
plus intéressants à feuilleter.
Ce volume sur Massenet a sa place mar-
quée sur la table du salon comme dans la
bibliothèque des amateurs de musique.
u
n de nos artistes les plus réputés,
connu de tous les gourmets pour son
goût délicat, nous amrmait hier qui! con-
sommait tous les ans quatre pièces de l'ex-
cellent vin naturel que lui fournit la maison
Truchon et Leclerc, 39, rue des Nuits,
Paris-Bercy.
NOUVELLE A LA MAIN
u
n de nos clubmen les plus répandus
est, depuis de longs mois, follement
épris de la très gracieuse et très applaudie
Mlle S., aussi ingénue à la ville qu'au
théâtre.
Protestations, cadeaux, promesses, rien
n'a pu fléchir la rigueur de sa résistance.
Mais "elle a avoué à son amoureux, très
franchement, qu'elle voulait se faire une
position honorable et qu'elle ne lui céde-
rait qu'après avoir passé par la mairie.
Les bans vont être publiés ces jours-ci.
Un bon lien vaut mieux que deux tu
l'auras!
Le Masque de Verre.
Notre Concours
de Chansons
L'annonce de notre'grande matinée aux
Folies-Bergère, le 12 mars prochain, a fait
grand bruit dans les milieux artistiques et
réveillé les espoirs des concurrents qui as-
pirent à voir, ce jour-là, leur œuvre primée
par le jury,- choix que le public sera ap-
pelé à ratifier, ainsi que Comœdia l'a an-
noncé.
On s'enquiert déjà des places à louer et
nous pouvons annoncer que, dans la seule
journée d'hier, quelques lecteurs se sont
présentés aux Folies-Bergère pour retenir
leurs places. Déjà ! dira-t-on. Ce fait prouve,
mieux que n'importe quel exemple, le suc-
cès auquel est appelé notre gala artistique.
A propos des prix qui seront attribués par
Çomœdia aux chansons retenues dans les
quatre catégories, ils nous faut rectifier une
erreur qui s'était glissée dans une de nos
informations précédentes. Ce n'est pas des
prix de 100, 50 et 25 francs, mais bien des
prix de cent cinquante, de cent et de
soixante-quinze francs qui seront dévolus
aux trois lauréats de chaque classe.
A la liste véritablement fastueuse des
artistes notoires qui, ce jour-là, prêteront à
Comœdia leur concours gracieux, il nous
faut ajouter des inscriptions nouvelles : cel-
les de M. Nuibo (de l'Opéra), de Mlle Cé-
cile Dàulnay (de l'Opéra), de Mlle Gabrielle
Dehaye, du chansonnier Pierre Trimouillat.
Ces noms, qui viennent s'ajouter à ceux
que Cornai publiait avant-hier, compo-
seront un programme vraiment artistique
qu'on ne reverra nulle part ailleurs, dans
le courant de la saison théâtrale.
COMŒDIA.
A L'OPÉRA=COMIQUE
4
Reprise d' "Aphrodite"
Aphrodite a infligé un bien amusant dé-
menti, lors de son apparition, aux prédic-
tions des Compétences.
Les partisans attardés du flonflon déflo-
raient la « science » de Camille Erlanger,
les uns avec de courtoises mélancolies qui
regrettaient le beau temps d'Adolphe Adam,
les autres, aigris par l'impuissance, avec
de séniles invectives.
* Zleutlinatr, phot,
Mlle RÉGIRA BADET *
C'est à propos d'une œuvre d'Erlanger
que M. Arthur Pougin stigmatisa la « dé-
bauché musicale que le public a la sottise
de ne pas siffler .» et « la polissonnerie ar-
tistique'», et bien d'autres choses encore!
De leur côté, les « avancés » de l'ex-
trême gauche musicale reprochaient à
Aphrodite de n'être point amorphe, et lui
tenaient rigueur pour la solidité de ses as-
sises. - -
Prise entre ces deux feux, la' partition
d'Erlanger n'en poursuivit pas moins sa
marche victorieuse. Interrompue en plein
succès par le' départ de Miss Mary Gardén,
la voici repartie de plus belle. Et c'est
justice.
Il faut l'orchestre de l'Opéra-Comique
pour détailler sans défaillance cette musi-
que difficile et prenante à laquelle l'emploi
fréquent des modes orientaux donne un ca-
ractère si personnel. La rencontre de Chry-
sis avec Démétrius - a été rendue exquise-
ment, scène étrange et charmante, riche en
curieux effets de pédales aux basses, que
ponctue la grosse caisse pianissimo,. , voca-
trice des nuits d'Orient « chaudes et lan-
goureuses » comme les strophes volup-
tueuses de Pierre Louys.
Je n'ai pas le temps de signaler les équi-
voques et savoureux frottements de secon-
des majeure et mineure aux flûtes; pendant
le duo de Rhodis et Myrto (les deux jolies
petites musiciennes qui doivent inscrire à
leur répertoire les plus tendres chansons de
Bilitis) cependant que la souple Théano-Ba-
det danse, fascinatrice.
L'acte du « Phare », qu'on avait suppri-
mé jadis, contient des pages superbes em-
plies du tumulte des foules, et que domine,
tonnant aux cuivres, le thème élargi dè la
déesse. Et surtout l'acte de la prison, celui
que j'ai toujours préféré, l'acte grave, d'une
splendeur nue, l'acte de l'expiation où le
cor anglais et la harpe en sons harmoniques
redisent le motif en augmentation de Chry-
sis, pour finir sur la phrase biblique: « Re-
tourne à la poussière dont elle vient. »
Mlle Chenal est si belle que les hommes
lui pardonneraient de chanter médiocre-
ment. Elle chante si bien que les femmes
lui pardonneront d'être belle.
Sa voix, d'une homogénéité parfaite,
semble faite pour l'exultante insolence du
chant de victoire qu'elle entonne pendant
l'horrible crucifixion de Corinna-Rachel
Launay, qui ne peut être qu'excellente dans
ce personnage, c'est le cas de le dire,
« sactifi'é ». J'ajoute que Mlle Vix, à la-
quelle on avait songé d'abord, n'eût certes
pas été indifférente, surtout dans les pages
passionnées du rôle, notamment dans cettf
ardente scène de l'atelier où les « ah ! an ! »
succèdent aux paroles bientôt insuffisantes à
exprimer l'amour, jusqu'au moment où la
gradation du désir s'exalte à l'orchestre
seul quand les voix se sont tues.
L (Tous les enfants bien élevés savent
qu'on ne doit pas parler la bouche pleine.)"
D'ailleurs, je devine que des gens rai-
sonnables, électeurs, éligibles, vaccinés,
dont les mains n'ont cessé d'applaudir la
belle Chenal, auront senti cependant leur
cœur, leur faible cœur, se gonfler de regret
au souvenir de la fantaisiste Chrysis qui
traînait sur la jetée d'Alexandrie ses voiles
indolents, en vantant avec son rocailleux
I accent d'Ecosse « les pairrles de sa bou4
ou-che et l'orr de sa toason ».
H. GAUTHIER-VILLARS.
La critique que l'on 'vient de lire a êtéi
écrite, avant son départ pour Monte-Carlo,
par M. Henry Gauthier-Villars, à l'issue
d'une répétition à laquelle il avait e14 fa*
bonne fortune - d'assister.
La soirée d'hier a pleinement confirmA
les appréciations de notre éminent collabo-
râleuret nous dispense de tout nouveau
cômmentaire.
La soirée
p était hier la reprise d'Aphrodite et ri
6«7 - représentation à l'Opéra-Comique, pour
les débuts de Mlle Chenal qui fit, à l'Opéra,
une excellente carrière et promet de la
poursuivre d'une façon fort brillante salle
Favart. L'intérêt de la soirée s'augmentait
de la restitution d'un tableau, celui du
Phare, qui fut supprimé quelques jours-
avant la première. Il ne m'appartient pas
de juger l'œuvre: le succès l'a consacrée.
Mais ce qui m'appartient très certaine-
ment, c'est le droit de dire le ravissement
que j'ai éprouvé à l'évocation merveil-
leuse qui nous fut offerte d'Alexandrie
!5f'-p,.8XPte par lemagicien très artiste et très
délicat qu ,est M. Albert Carré. Je puis
le dire avec une autorité d'autant plus
grande que le public a partagé mon im-
pression. Peut-être Mlle Garden, qui tuf
délicate et gracieuse, et si, aiment amou-
reuse, manquait-elle à la fête. Mai** A" le
Chenal fut une: si belle et fastueuse Chry-
sis qu'on ne s'en aperçut guère.
A regarder l'évocation merveilleuse
a Alexandrie sous la reine Béatrice IV. fille
de Ptolémée le flûtiste et sœur aînée de
Cléopâtre, j'avoue que j'éprouverais un in-
dicible plaisir à me trouver plus vieux de
quelque vingt siècles! Les. deux petites
joueuses de flûte, Myrto et Rhodis, si jo-
liment personnifiées, par Mlles Maggie
Teyte et Mathieu-Lutz, auraient le don de
me séduire s'il m'advenait jamais de me
promener sur l'Hepstatade, à la nuit tom-
oante. Chimairis, qui emprunte, avec la
silhouette, la voix sonore et pure do Mlle
Brohly, ne lirait dans ma destinée que des
heures d'amour et de joie, car je m'aban-
donnerais sans aucune restriction aux ca-
resses de la Chrysis somptueusement belle
que nous présente Mlle Chenal, dussé-je.
pour goûter la volupté de ses étreintes, as-
sassiner un grand-prêtre et dépouiller la ita-
tue sacrée de l'Aphrodite..
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