Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-09
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 février 1908 09 février 1908
Description : 1908/02/09 (A2,N132). 1908/02/09 (A2,N132).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646516d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2e Anné e.- Në 132 (Quotidient
M0 ffnmër& ï W jrentfmeà ;
dimanche 9 Février 1908*
- ;
tous
Rédacteur en Chef : a. été PAWLOWSKt
atDACTION & ADMINISTRATION :
-
Bouieuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
--
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
87, Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
adresse Télégraphique : COMŒDlA.PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN é mois
Paris-et Départeinents 24 fr. 12 fr.
1 1 Ë4rmger à.. 40 » 20 »
CÓnte anglais
f 'A Charles Reydellet
L'homme n'a pas été créé pour vivre
seul ! non pas uniquement parce que la
solitude est mauvaise conseillère, comme
on dit dans les écoles, mais tout uni-
ment parce que l'isolé crève d'ennui.
C'est d'ailleurs pour ça que le Père
Eternel a subrepticement enlevé une côte
à notre aïeul, côte dont il s'est servi
pour constituer ce petit être charmant,
délicieux et insupportable qu'on appelle
Encore le jour, lorsqu'il est très oc-
cupé, l'homme n'a pas le temps de s'a-
percevoir de son isolement, mais le cré-
pusucle venu, les affaires expédiées,
rentré chez lui, la tristesse morne s'em-
pare de son être, et dame!.
Le célibataire, qui cherche une distrac-
tion pour tuer sa soirée, a le choix entre
plusieurs, inégalement morales: le vin,
I 'ejell tabac, le théâtre, la femme,
I. Oj. 112 tabac, le théâtre, la femme.
Or iYlac Farlane était la sobriété
m^me, au point qu'il ne passait jamais
sur le qUai de Bercy, afin de s'éviter
barriques et des futailles ;
l'eau filtrée était sa seule boisson.
Le ie *"?e sa vie, Mac n'avait touché
une carte , il ignorait le maniement de
la queue de billard, les échecs le ren-
daient rêveur, le bilboquet l'ahurissait
et le diabolo le trouvait froid.
Le tabac ? Si je ne craignais de faire
un facile calembour, fiente de l'esprit,
disait notre Hugo, j'affirmerais que le
tabac, ac ne le prisait pas — ni ne le
lumait.
Le th Il »,tre? Quand je vous aurai dit
que Farlane était pasteur protestant et
que, par conséquent, ce divertissement
profane l Ul était interdit, vous compren-
drez alors que je n'ai pas besoin d'in-
sister beaucoup pour vous donner la rai-
son de son indifférence devant cette su-
prême et ultime distraction: la femme.
Oui, alors? que faire, ce soir de
réveillon, se demandait le bon Mac, en
train de s'endormir sur L'Avenir du
II fa
Il faut vous dire que Mac Farlane, de
passage à Poitiers, avait élu domicile
pour ce jour et cette nuit-là à « l'Hôtel
~Auto». Bon vin, vieille renommée;
Après le dîner, pris à table d'hôte,
alors que les voyageurs de commerce,
clientèle presque exclusive de la mai-
son, commençaient à bourrer leur pipe,
s'apprêt aIent à prolonger longuement la
causerie, notre ami s'était retiré discrè-
tement, craignant d'être importun, de
gên 'Illêm es messieurs et. d'être gêné
lui-même par les propos égrillards qui
certaienement seraient tenus après boire.
Mais il était à peine huit heures et
demie, et la lecture de L'Avenir du Poi-
tou mangauait décidément d'intérêt.
De plus, les joyeux lurons poussaient
de tels écl ats de rire dans la salle à man"
ger, pré dénient située sous la chambre
de Mac, que celui-ci ne pouvait songt*
à dormir Pas plus qu'à se toucher les
oreilles ; aussi, après le petit geste du
monsieur qui se parle à lui-même, le bon
pasteur .Ppuya son index sur le bouton
de la sonnerie électrique, et, s'adressant
au garçon, ~- lentement venu :
— Mon ami, veuillez dire à ces mes-
sieurs que, q i e' si ma présence ne les gêne
pas, je * le 1 "r saurai un gré infini de me
permetttre d'assister à leurs conversa-
tions. Très peu de minutes après, Mac Far-
lane, en s'asseyant de nouveau à la place
qu'il avait occupée pendant le dîner, re-
mercia l'assistance en ces termes:
— Messieurs, je suis infiniment touché
de l' t~tlt eUr que vous me faites en m'ad-
mettant d3118 votre société. C'est aujour-
d'hui jou r de fête, et j'avais l'âme en-
deuillée %d me sentir seul, enclos en
une e l11a re d'hôtel. Soyez assurés de
~ma gratitude. Seulement, je vais
vous adresser une prière : promettez-moi
de conserver dans vos discours le même
ton joyeux et sans façon que tout àl'heu-
re. Vous êtes gens bien élevés, je puis
être tranquille, vous ne voudrez pas in-
timider u J1 Pauvre pasteur, tout à fait
amateur u reste de contes un peu pi-
quants.
Mis complètement à leur aise par cette
recommandation bonhomme, ces mes-
sieurs racontèrent délicatement et à tour
de rôle des histoires plus ou moins fo-
lichonnes, d'" Mais dont la forme et le fond
étaient d'irréprochable correction et in-
capables de , froisser la susceptibilité la
plus scrupueuse.
Cependant, PrÎt 1 Íttlt, avant que le dernier con-
~prît la Parole, Mac Farlane objecta :
— Messieurs, je viens de prendre plai-
sir extrême à l'audition de ces histoires
folâtres et SI bien racontées ; cependant,
vous volez me permettre de formuler
humublement êllez' une critique.
— Allez ! f*ormulez !
— Eh bien, donc, je trouve que tous
ces contes, quoique très intéressants, le
seraient diantrement davantage si l'on en
pouvait dégager une morale.
— Qu'à Cela ne tienne! fit un brave
~con, et, v PUisque aussi bien c'est à
mon tour, vous allez être satisfait.
Les la ronJ se rapprochèrent, on trin-
qua à la rond., et' ayant allumé sa bouf-
farda, C' ét. eUr Commença:
~était par une magnifique journée
l'hiver, la forêt entière semblait .en fili-
grane, les arbres étaient couverts de
neige, et de Outes les branches pendaient
de fragiles stalactites qui offraient le
spectacle le plus curieux du monde. Le
sol était d'immaculée blancheur. Tout
paraissait mort, et, comme a dit le poète,
on entendait le silence!
» Seul, un pauvre petit oiseau, perché
sur la plus haute branche d'un immense
sapin, se recroquevillait dans un minus-
cule nid de glace et grelottait effroyable-
ment sous ses plumes humides. Ah ! qu'il
était malheureux, cet oisillon mourant
de faim, car, depuis longtemps, il ne
pouvait aller chercher le moindre grain
de mil. Epuisé, il allait exhaler son der-
nier souffle, lorsqu'il aperçut sur la
route, presque au pied de son arbre, une
carriole de paysan traînée par un cheval
robuste, dont l'haleine formait autour
de sa tête un nuage de vapeur.
« La voiture passée, le petit œil de
l'oiseau s'arrondit démesurément à l'ap-
parition de. quelque chose. qui était
simplement sa résurrection!.
« Le Père éternel, dont la bonté s'é-
tend sur toute la nature, avait vu, malgré
l'opacité du brouillard et l'épaisseur des
nuages, la situation désespérée du vola-
tile, et charitable comme, seul, il sait l'ê-
tre, avait pris en pitié sa petite âme d'oi-
seau. Se souvenant qu'il avait jadis se-
couru les Israélites affamés dans le dé-
sert, Dieu conçut d'envoyer à sa petite
créature emplumée une miraculeuse
nourriture sous la forme d'un crottin de
cheval.
« Oh! qu'elle était jolie, dorée, appé-
tissante, cette petite boule ronde, délica-
tement posée sur le tapis ouaté de la
route. Et chaude avec ça ! Madame, oui,
toute chaude, puisqu'elle sortait, à l'ins-
tant même, du four !
« Rassemblant ses forces défaillantes,
notre moineau piqua d'un seul vol sur
cette brioche chevaline, la happa et, en
moins de temps qu'il ne faut pour l'é-
crire, revint se blottir sur sa branche,
afin de jouir en paix de ce repas ines-
péré, providentiel!
« Mais comme ce passereau avait des
croyances religieuses, qu'il ne fréquen-
tait pas les meetings en prein air tenus
par ses congénères athées, il crut de son
devoir de dire son Benedicite,. et l'as-
sura de sa gratitude en lançant au ciel
ses notes les plus cristallines !
« Hélas! comme il fut mal récompen-
sé, le pauvre petit être! et comme c'est
vraiment à vous. dégoûter de la teepn-
naissance î A peine avait-il perle quel-
ques-uns de ses trilles, qu'un des plus
puissants, des plus terribles oiseaux de
proie, un aigle, puisqu'il faut l'appeler
par son nom, fondit sur lui et l'emporta
dans ses serres avec « désinvolture ».
Et comme chaque auditeur tournait la
tête du côté de l'anecdotier, semblant
dire : après? celui-ci conclua : C'est tout.
— Oui, dit Mac Farlane, ce conte est,
en vérité, des plus touchants, mais je
n'en vois pas la moralité!
- Elle est cependant visible : Ne man-
gez jamais de crottin ou n'allez pas le
gueuler sur les toits !
Félix GAL, IPAUX.
Nous publierons demain un article de
PIERRE SOUVESTRE
La petite lueur
Quoi qu'on en dise, je ne crois guère, 'à
notre époque, aux talents méconnus; sitôt
que la moindre lueur apparaît quelque part,
il se trouve tout aussitôt vingt personnes
pour la mettre sur un piédestal, popr l'en-
tourer et la décupler à la manière d'un
réflecteur de phare. Il y a même d'innom:
brable's gens pour qui ce rôle de réflec-
teur est un véritable sacerdoce et qui n'ont
d'autres joies que de supplanter la bonne
vieille « Renommée » et ses traditionnelles
trompettes; seulement, il faut bien le dire,
un léger point de départ est toujours néces-
saire pour cela, et l'on conçoit fort bien que
si les Tours d'Ivoire n'ont aucune fissure,
le talent même incontestable restera tou-
jours ignoré. Il est donc nécessaire, semble-
t-il, d'organiser de temps à autre des ma-
nifestations qui permettent de mettre en
valeur les talents inconnus et de déchaîner
sur eux la troupe toute prête des admira-
teurs.
C'est ce que nous avons tenté de taire
à Comœdia en organisant notre Comité de
Lecture.
Avons-nous pleinement réussi du premier
coup ? Je n'en suis pas très persuadé, et
voici pourquoi :
Tous les jeunes auteurs n'ont qu'une
idée: faire du premier coup un chef-d'œu-
vre définitif, et, tout naturellement, ils s'ins-
pirent pour cela des chefs-d' œuvre exts:'
tants. Ils ne font ainsi que des œuvres de
seconde main, des pseudo chefs-d'œuvre
sans originalité propre. Est-ce timidité de
leur part? Je le crois, car plusieurs d'entre
eux débordent de jeunesse et d'idées neu-
ves. chez eux, dans les conversations
qu'ils ont avec leurs amis.
A la scène tout disparaît, et le traditio-
nalisme étouffe les initiatives qu'ils pOlJT-
raient avoir.
Il y a là. je crois, une erreur de départ
sur laquelle il conviendrait de s'expliquer
une bonne fois. J'essaierai de le faire dans
un prochain article.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
p
i our les orphelins. 1
Une émouvante histoire vient de
nous être contée par un de nos confrères.
Un des nôtres, journaliste parisien, laissait
en mourant une fillette de sept ans absolu-
ment seule (pour toute fortune, 30 centimes
restaient à la maison) ! L'Orphelinat des
Artq, prévenu, lui ouvrait ses portes et, une
heure après, bain, costume, tout était prêt
et l'enfant partageait lé repas de ses nou-
velles petites sœurs.
Aujourd'hui, dans son uniforme nouveau,
elle suivra le convoi de son pauvre papa,
qui peut dormir tranquille son dernier som-
meil: l'enfant a retrouvé un foyer mater-
nel! Quelles réflexions faire devant cette
admirable charité qui appartient à tous les
artistes: C'est aujourd'hui la Presse qui en
bénéficie ; nous sommes heureux de remer-
cier hautement cette œuvre de bien !
c
hoses vues.
Quatre heures de l'après-midi son-
nent dans la loge du concierge d'un théâtre
subventionné !
Un jeune homme rachitique et chevelu
dépose un manuscrit volumineux, avec un
fort tremblement de ses mains squeletti-
ques, et part en saluant très bas.
Passe le garçon de bureau, suivi d'un
petit chien à toison frisée.
Le portier remet à cet employé le nou-
veau manuscrit. Mais le fonctionnaire, ju-
: géant sans doute ce fardeau par trop lourd,
le donne à porter au griffon; le cortège,
ainsi constitué, monte l'escalier de l'admi-
nistration.
— Azor, veux-tu bien rapporter, Azor 1
Azor, rends-moi ça, Azor!
Le garçon de bureau a beau s'égosiller,
le caniche s'obstine à garder le petit paquet
entre ses dents.
Une lutte s'engage entre ces deux ad-
versaires, et le manuscrit est enfin retiré
des crocs d'Azor. mais à moitié déchiré:
— Comme cela, au moins, l'auteur verra
qu'on s'est occupé de sa pièce, s'écrie en
riant le secrétaire général qui a assisté à la
scène. *
N
otre collaborateur judiciaire nous con-
tait vendredi cette joyeuse aventure
d un baryton hongrois dont l'éducation mu-
sicale, entreprise par Lassalle, l'avait été
grâce à un subside de 2.500 francs fourni
par feu le baron de Rothschild.
La vérité est qu'il y eut emcette affaire,
après la disparition du baryton, non pas un,
mais bien deux Mécènes: l'un le baron de
Rothschild, et l'autre l'éminent professeur à
qui il restait dû une somme rondelette qu'il
attend encore et qu'il attendra probablement
toujours.
L'enseignement de l'art a parfois de bien
doux moments.
D
usausoy, joaillier expert, 4, boulevard
des Italiens, achète toujours comp-
tant: bijoux, diamants, perles et pierres
fines. Il donne presque toujours une plus-
value sur le prix offert par n'importequello
maison.
c
hez les auteurs.
La Commission de - la Société des
Auteurs dramatiques s'est occupée avant-
hier de l'importante question des billets à
droit.
Les directeurs des théâtres où ces billets
à prix réduits ne sont pas en usage protes-
tent contre le développement de ce mode de
publicité, de nature, prétendent-ils, à nuire
considérablement à l'art dramatique.
Et ils citent des faits qui paraissent très
concluants:
— Si vous voulez, disent-Ils, abaissez le
prix de vos places, mais n'habituez pas le
public à ne payer que demi-tarif, cé qui est
tout à fait désastreux.
Et il paraît que la séance fut agitée.
s
on gardien. -
Les fonctionnaires des Beaux-Arts
sont des personnages redoutables, nous le
savions déjà. En voici une preuve nouvelle.
Présentez-vous me de Vatlois et dteruair*-
dez M. d'Estournelles de Constant. Aussi-
tôt, "un huissier vous répondra cette simple
phrase -
- Oui, Monsieur, son gardien va venir!
Son gardien ! bigre ! Comme on se sent
tout de suite, rassuré!
p
our les peintres-décorateurs.,
Voici une bonne nouvelle pour ces
messieurs. Nous sommes, en effet, en. me-
sure d'annoncer que le ministère des Beaux-
Arts, d'accord avec la direction de l'Opéra,
va ouvrir prochainement un concours de
maquettes de décors..
Apprêtez vos pinceaux, Messieurs!
0
n sait que Victor Hugo composa - ses
plus célèbres poèmes sur l'impériale
de 1 omnibus. Plus modernes, nos auteurs
cherchent l'inspiration devant une table bien
mise chez Champeaux.
Le Masque de Verre.
1 - - 4 1 - ;. ': , : .;
i
- '> 1 1
(JRUINEa DU .THÉATIÎJB.AÎJXWU^B TAORMINfi] ! V ,. - - i
Une belle Œuvre
LASSALLE, L'ÉMINENT PROFESSEUR AU CON-
SERVATOIRE, VOUDRAIT AMÉLIORER LE
SORT DES ÉLÈVES DU CONSERVA-
TOIRE NATIONAL DE MUSIQUE
ET DE DÉCLAMATION
Nous avons reçu, hier, la visite de Las-
salle: le grand artiste était tout ému des
difficultés d'existence au milieu desquelles
se débattent beaucoup trop d'élèves du
Conservatoire, et il a conçu le très beau
projet-de leur venir en aide.
- Comment, nous disait-il, comment
voulez-vous que tous ces jeunes gens, tou-
tes ces jeunes, filles venues de leur pro-
vince avec, pour tout potage, la maigre
bourse à eux donnée par leur municipalité,
comment voulez-vous qu'ils vivent et qu'ils
vivent convenablement? Les hommes tâ-
chent, de s'en sortir par des cachets faits
,à une époque de leur instruction où ils sont
incapables de chanter ; quant aux femmes,
c'est au choix: ou la misère ou l'inconduite,
deux conditions qui ne sont pas faites pour
améliorer la voix.
» Il semble, en France, dès qu'il s'agit
d'une carrière- artistique, que la seule-fan-
taisie doit la diriger et que les habitudes
d'ordre et de travail sont seules réservées
aux carrières administratives. C'est une er-
reur dans laquelle les étrangers ne sont
point tombés.
» Je veux donc essayer de venir en aide
aux futurs artistes.
» Pour cela, nous dit encore Lassalle,
réunissons quelques bonnes volontés, don-
nons deux, trois ou quatre fois par an des
spectacles irrédits des œuvres nouvelles en-
tièrement interprétées par les : élèves au
Conservatoire. Et tenez, j'ai justement, en
ce moment, un opéra en deux actes que je
compte mettre au programme de la pre-
mière de ces représentations : on y ajoute-
rait une comédie en un acte et quelques
intermèdes, et je suis , certain qu'avec ce
programme, nous ferions courir ce « Tout-
Paris » si accessible aux idées généreuses.
» Puis-je compter que vous m'aiderez
pour cette « première », que je voudrais en
mai prochain? »
— Comptez sur nous, mon cher maître,
pour vous aider dans la réussite de cette
œuvre à la fois artistique et généreuse :
notre concours vous est entièrement ac-
quis.
Les Arts réunis
« COMOEDIA » ORGANISERA CETTE ANNÉE LB
PREMIER SALON DES ARTS RÉUNIS, OU
, SERONT EXPOSÉES LES ŒUVRES
, DES ARTISTES DRAMATIQUES
ET LYRIQUES.
De tous côtés les amis de Comœdia noua
ont demandé pourquoi nous n'organisions
pas un Salon réservé aux œuvres artisti-
ques réalisées, à leurs moments perdus, par.
les artistes dramatiques et lyriques.
Après nous être assuré les concours in-
dispensables pour mener à bien une pareille
tâche, nous sommes heureux d'annoncer ?
tous que, dès cette année, nous organise
rons le « premier Salon des Arts réunis »
réservé exclusivement aux productions de
artistes appartenant au monde des théâtres
Personne n'ignore, en effet, que si If
violon d'Ingres fut célèbre, certains ouvra
ges de peinture, de sculpture, de gravure
dus à nos meilleurs artistes, mériteraient
de l'être à plus juste titre.
Au hasard de nos souvenirs, nous cite-
rons Dorival, qui est un très remarquable
peintre sur porcelaine; Leitner, qui est un
habile graveur; Capellani, qui est un adroit
sculpteur; Signoret et Noblet, qui sont de
très savants peintres décorateurs; sans ou-
blier Grandval, dont nos lecteurs ont appré-
cié ici même, le talent si fin, si spirituel ;
non plus que Mme Sarah Bernhardt, qui
peint, sculpte, grave, avec une virtuosité
point inférieure à celle qu'elle montre dans
se#inoubliables créations.
Leurs productions, disons-le tout de suite,
ne sont pas, pour la plupart, de simples œu-
vres d'amateurs, comme on serait tenté de
le croire.
Ce n'est point en vain que nos meilleurs
artistes passent, en effet, leur vie tout en-
tière. à étudier le Beau en mouvement et-
leur jugement, en matière d'Art, est sou-
vent infiniment mieux documenté que celui
des peintres ou des sculpteurs de métier.
Le « Salon des Arts réunis » sera infini-'
ment varié, comme le sont elles-mêmes les
productions de nos artistes. Peintures,
sculptures, gravures, émaux, miniatures
arts décoratifs, tous les genres s'y trouve-
ront réunis.
Ce sera pour tous, nous en sommes per-
suadés, une véritable révélation. Comœàj,'
sera heureux et fier de l'avoir, pour la pre-
mière fois. suscitée.
Les Ancêtres
-—De fout temps la Sicile a apporté à l'art
grec ou à la raison latine un tribut original.
Tandis que les Athéniens ébauchaient à
peine la grande forme tragique, un Syra-
cusain, Epicharme, composait déjà dè vé-
ritables comédies. Il habillait les dieux de
tous les - grotesques et de tous les vices, et
daubait sur l'Olympe avec infiniment moins
de respect que n'en montrèrent, un peu plus
tard, Meilhac et Halévy. Mais aussi
il dessinait des meilleurs traits comi-
ques des types contemporains de pay-
sans, de cuisiniers, de parasites. Bien avant
le vérisme, les muses de Sicile dictaient à
leurs fidèles des dialogues satiriques et fa-
miliers, et les deux grandes ombres d'Hé-
rondas et de Théocrite me pardonneront ce
parallèle paradoxal comme ils sont tous,
mais j'imagine que leurs, contemporains
éprouvaient à ces petites imitations de la
vie quotidienne, à ces mimes, le plaisir que
nous goûtons à l'exactitude ironique des dia-
logues d'Henri Lavedan ou: de Maurice
Donnay.
Voilà donc un pays où, dès les origines,
l'-art est.vérwte, si FpTTVdîf, Bat^d'un vé-
risme léger, exquis, presque attique. Les
mimes furent d'abord représentés dans U-c
palais de Syracuse ou d'Alexandrie. Ce son.
les ancêtres de la comédie de salon. Mai..:
ils furent donnés aussi sur ces immenses
et merveilleux théâtres de Taormine, de Sy-
racuse ou de Tyndaris, dont les ruines nues
nous émeuvent plus qu'aucune mise en
scène.
Je sais bien que la délicieuse tradition
hellénique- ne prévaut pas indéfiniment en
Sicile. Après avoir été le grenier de l'Italie
et le proconsulat le plus rémunérateur pour
les concussionnaires romains, cette île en-
viée devient tour à tour punique, byzantine,
arabe, normande, espagnole, napoléonienne,
garibaldienne. La vie y est tourmentée,
les mœurs y sont violentes et de nos jour3
encore il n'y a pas de pays plus beau et
plus lamentable. Longtemps, il ne connaît
que la loi de VOmerta, ce code des gens de.
coeur,, dont l'article essentiel est le sui-
vant: A qui t'ôte le pain, toi, ôte la vie!
Aussi, quand naîtra, au dix-neuvième '3iè'
ele, le réalisme italien, si sombre, si dur, ce
n'est pas en Sicile qu'il trouvera le moins i\
decho.
Ce qui nous prend, au théâtre, c'est le]
spectacle de ce que nous redoutons le 1
plus. L esprit, l'analyse ou la poésie em-i
pruntent parfois la scène. Mais faites-nous
rire ou pleurer avec nos travers, nos dé-
fauts, nos vices et les mésaventures ou les'
malheurs qui s'en suivent — voilà tout le
théâtre.
Or, nulle part la vie ne fut plus agitée
et plus douce à la fois qu'en Sicile. Ce nom,
seul, évoque une beauté souvent gracieuse
et parfois farouche, les latomies etAréthuse,
le volcan et la conque d'or, le farniente,
sous le climat le plus doux de l'Europe mé-
ridionale, et l'existence ouvrière la plus -
pénible, la plus malsaine et la plus pauvre.
Et ces gens aiment leur vie de toute leur
nonchalance passionnée. La psychologie
l'exige, ils seront la proie de brusques dé-
sirs, de jalousies sournoises, puis brutales,
et ce dont ils peuvent souffrir le plus, la
rage de ne pas posséder la femme désirée,
les conduira à la mQrt, à la plus grande
terreur qu'ils ressentent et infligent.
De là ces drames dont l'action lente
laisse percer graduellement l'inquiétude, la
menace, puis une lourde appréhension qui
se résout en un soudain et meurtrier corps
à corps.
Mais rappelez-vous tant de pièces ita-
liennes jouées à Paris, même par des
Français. Elles m'ont laissé — et cette im-
pression s'est confirmée en Italie .!- dé-
primé, entouré d'une atmosphère de tris-
tesse vulgaire et lourde. L'angoisse phy-
sique de nos petites pièces de terreur grand-
guignolesque est tout de même plus !é-. ,
gère que ce réalisme italien pesant et pour
ainsi malpropre. L'art latin fut ainsi, bien
souvent, terre à terre, naturaliste par na-
ture, faute d'ailes.
La troupe sicilienne de Mimi Aguglia et
de Giovanni Grasso a quitté Marigny. Sans
doute, il est trop tard pour parler encore
d elle ; cependant, son souvenir demeure
agréable. Elle ne nous a pas donné la sour-
de et noire impression que j'ai essayé de
définir. Qu'on ait considéré ces curieux ar-
tistes comme des mimes spontanés doués
d'une verve de primitifs, ou comme des co-
médiens très habiles pliés à une discipline
ingénieuse, il est certain qu'ils nous ont
apporté, un exemple de leur tradition locale,
une bouffée de leur air natal. Certain sa-
vant que j'ai consulté — mais dont j'ai soi-
gneusement oublié le nom — prétend que,
dans deux ou trois bourgs de Sicile, Catane,
M0 ffnmër& ï W jrentfmeà ;
dimanche 9 Février 1908*
- ;
tous
Rédacteur en Chef : a. été PAWLOWSKt
atDACTION & ADMINISTRATION :
-
Bouieuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
--
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
87, Bouleuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
adresse Télégraphique : COMŒDlA.PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN é mois
Paris-et Départeinents 24 fr. 12 fr.
1 1 Ë4rmger à.. 40 » 20 »
CÓnte anglais
f 'A Charles Reydellet
L'homme n'a pas été créé pour vivre
seul ! non pas uniquement parce que la
solitude est mauvaise conseillère, comme
on dit dans les écoles, mais tout uni-
ment parce que l'isolé crève d'ennui.
C'est d'ailleurs pour ça que le Père
Eternel a subrepticement enlevé une côte
à notre aïeul, côte dont il s'est servi
pour constituer ce petit être charmant,
délicieux et insupportable qu'on appelle
Encore le jour, lorsqu'il est très oc-
cupé, l'homme n'a pas le temps de s'a-
percevoir de son isolement, mais le cré-
pusucle venu, les affaires expédiées,
rentré chez lui, la tristesse morne s'em-
pare de son être, et dame!.
Le célibataire, qui cherche une distrac-
tion pour tuer sa soirée, a le choix entre
plusieurs, inégalement morales: le vin,
I 'ejell tabac, le théâtre, la femme,
I. Oj. 112 tabac, le théâtre, la femme.
Or iYlac Farlane était la sobriété
m^me, au point qu'il ne passait jamais
sur le qUai de Bercy, afin de s'éviter
barriques et des futailles ;
l'eau filtrée était sa seule boisson.
Le ie *"?e sa vie, Mac n'avait touché
une carte , il ignorait le maniement de
la queue de billard, les échecs le ren-
daient rêveur, le bilboquet l'ahurissait
et le diabolo le trouvait froid.
Le tabac ? Si je ne craignais de faire
un facile calembour, fiente de l'esprit,
disait notre Hugo, j'affirmerais que le
tabac, ac ne le prisait pas — ni ne le
lumait.
Le th Il »,tre? Quand je vous aurai dit
que Farlane était pasteur protestant et
que, par conséquent, ce divertissement
profane l Ul était interdit, vous compren-
drez alors que je n'ai pas besoin d'in-
sister beaucoup pour vous donner la rai-
son de son indifférence devant cette su-
prême et ultime distraction: la femme.
Oui, alors? que faire, ce soir de
réveillon, se demandait le bon Mac, en
train de s'endormir sur L'Avenir du
II fa
Il faut vous dire que Mac Farlane, de
passage à Poitiers, avait élu domicile
pour ce jour et cette nuit-là à « l'Hôtel
~Auto». Bon vin, vieille renommée;
Après le dîner, pris à table d'hôte,
alors que les voyageurs de commerce,
clientèle presque exclusive de la mai-
son, commençaient à bourrer leur pipe,
s'apprêt aIent à prolonger longuement la
causerie, notre ami s'était retiré discrè-
tement, craignant d'être importun, de
gên 'Illêm es messieurs et. d'être gêné
lui-même par les propos égrillards qui
certaienement seraient tenus après boire.
Mais il était à peine huit heures et
demie, et la lecture de L'Avenir du Poi-
tou mangauait décidément d'intérêt.
De plus, les joyeux lurons poussaient
de tels écl ats de rire dans la salle à man"
ger, pré dénient située sous la chambre
de Mac, que celui-ci ne pouvait songt*
à dormir Pas plus qu'à se toucher les
oreilles ; aussi, après le petit geste du
monsieur qui se parle à lui-même, le bon
pasteur .Ppuya son index sur le bouton
de la sonnerie électrique, et, s'adressant
au garçon, ~- lentement venu :
— Mon ami, veuillez dire à ces mes-
sieurs que, q i e' si ma présence ne les gêne
pas, je * le 1 "r saurai un gré infini de me
permetttre d'assister à leurs conversa-
tions. Très peu de minutes après, Mac Far-
lane, en s'asseyant de nouveau à la place
qu'il avait occupée pendant le dîner, re-
mercia l'assistance en ces termes:
— Messieurs, je suis infiniment touché
de l' t~tlt eUr que vous me faites en m'ad-
mettant d3118 votre société. C'est aujour-
d'hui jou r de fête, et j'avais l'âme en-
deuillée %d me sentir seul, enclos en
une e l11a re d'hôtel. Soyez assurés de
~ma gratitude. Seulement, je vais
vous adresser une prière : promettez-moi
de conserver dans vos discours le même
ton joyeux et sans façon que tout àl'heu-
re. Vous êtes gens bien élevés, je puis
être tranquille, vous ne voudrez pas in-
timider u J1 Pauvre pasteur, tout à fait
amateur u reste de contes un peu pi-
quants.
Mis complètement à leur aise par cette
recommandation bonhomme, ces mes-
sieurs racontèrent délicatement et à tour
de rôle des histoires plus ou moins fo-
lichonnes, d'" Mais dont la forme et le fond
étaient d'irréprochable correction et in-
capables de , froisser la susceptibilité la
plus scrupueuse.
Cependant, PrÎt 1 Íttlt, avant que le dernier con-
~prît la Parole, Mac Farlane objecta :
— Messieurs, je viens de prendre plai-
sir extrême à l'audition de ces histoires
folâtres et SI bien racontées ; cependant,
vous volez me permettre de formuler
humublement êllez' une critique.
— Allez ! f*ormulez !
— Eh bien, donc, je trouve que tous
ces contes, quoique très intéressants, le
seraient diantrement davantage si l'on en
pouvait dégager une morale.
— Qu'à Cela ne tienne! fit un brave
~con, et, v PUisque aussi bien c'est à
mon tour, vous allez être satisfait.
Les la ronJ se rapprochèrent, on trin-
qua à la rond., et' ayant allumé sa bouf-
farda, C' ét. eUr Commença:
~était par une magnifique journée
l'hiver, la forêt entière semblait .en fili-
grane, les arbres étaient couverts de
neige, et de Outes les branches pendaient
de fragiles stalactites qui offraient le
spectacle le plus curieux du monde. Le
sol était d'immaculée blancheur. Tout
paraissait mort, et, comme a dit le poète,
on entendait le silence!
» Seul, un pauvre petit oiseau, perché
sur la plus haute branche d'un immense
sapin, se recroquevillait dans un minus-
cule nid de glace et grelottait effroyable-
ment sous ses plumes humides. Ah ! qu'il
était malheureux, cet oisillon mourant
de faim, car, depuis longtemps, il ne
pouvait aller chercher le moindre grain
de mil. Epuisé, il allait exhaler son der-
nier souffle, lorsqu'il aperçut sur la
route, presque au pied de son arbre, une
carriole de paysan traînée par un cheval
robuste, dont l'haleine formait autour
de sa tête un nuage de vapeur.
« La voiture passée, le petit œil de
l'oiseau s'arrondit démesurément à l'ap-
parition de. quelque chose. qui était
simplement sa résurrection!.
« Le Père éternel, dont la bonté s'é-
tend sur toute la nature, avait vu, malgré
l'opacité du brouillard et l'épaisseur des
nuages, la situation désespérée du vola-
tile, et charitable comme, seul, il sait l'ê-
tre, avait pris en pitié sa petite âme d'oi-
seau. Se souvenant qu'il avait jadis se-
couru les Israélites affamés dans le dé-
sert, Dieu conçut d'envoyer à sa petite
créature emplumée une miraculeuse
nourriture sous la forme d'un crottin de
cheval.
« Oh! qu'elle était jolie, dorée, appé-
tissante, cette petite boule ronde, délica-
tement posée sur le tapis ouaté de la
route. Et chaude avec ça ! Madame, oui,
toute chaude, puisqu'elle sortait, à l'ins-
tant même, du four !
« Rassemblant ses forces défaillantes,
notre moineau piqua d'un seul vol sur
cette brioche chevaline, la happa et, en
moins de temps qu'il ne faut pour l'é-
crire, revint se blottir sur sa branche,
afin de jouir en paix de ce repas ines-
péré, providentiel!
« Mais comme ce passereau avait des
croyances religieuses, qu'il ne fréquen-
tait pas les meetings en prein air tenus
par ses congénères athées, il crut de son
devoir de dire son Benedicite,. et l'as-
sura de sa gratitude en lançant au ciel
ses notes les plus cristallines !
« Hélas! comme il fut mal récompen-
sé, le pauvre petit être! et comme c'est
vraiment à vous. dégoûter de la teepn-
naissance î A peine avait-il perle quel-
ques-uns de ses trilles, qu'un des plus
puissants, des plus terribles oiseaux de
proie, un aigle, puisqu'il faut l'appeler
par son nom, fondit sur lui et l'emporta
dans ses serres avec « désinvolture ».
Et comme chaque auditeur tournait la
tête du côté de l'anecdotier, semblant
dire : après? celui-ci conclua : C'est tout.
— Oui, dit Mac Farlane, ce conte est,
en vérité, des plus touchants, mais je
n'en vois pas la moralité!
- Elle est cependant visible : Ne man-
gez jamais de crottin ou n'allez pas le
gueuler sur les toits !
Félix GAL, IPAUX.
Nous publierons demain un article de
PIERRE SOUVESTRE
La petite lueur
Quoi qu'on en dise, je ne crois guère, 'à
notre époque, aux talents méconnus; sitôt
que la moindre lueur apparaît quelque part,
il se trouve tout aussitôt vingt personnes
pour la mettre sur un piédestal, popr l'en-
tourer et la décupler à la manière d'un
réflecteur de phare. Il y a même d'innom:
brable's gens pour qui ce rôle de réflec-
teur est un véritable sacerdoce et qui n'ont
d'autres joies que de supplanter la bonne
vieille « Renommée » et ses traditionnelles
trompettes; seulement, il faut bien le dire,
un léger point de départ est toujours néces-
saire pour cela, et l'on conçoit fort bien que
si les Tours d'Ivoire n'ont aucune fissure,
le talent même incontestable restera tou-
jours ignoré. Il est donc nécessaire, semble-
t-il, d'organiser de temps à autre des ma-
nifestations qui permettent de mettre en
valeur les talents inconnus et de déchaîner
sur eux la troupe toute prête des admira-
teurs.
C'est ce que nous avons tenté de taire
à Comœdia en organisant notre Comité de
Lecture.
Avons-nous pleinement réussi du premier
coup ? Je n'en suis pas très persuadé, et
voici pourquoi :
Tous les jeunes auteurs n'ont qu'une
idée: faire du premier coup un chef-d'œu-
vre définitif, et, tout naturellement, ils s'ins-
pirent pour cela des chefs-d' œuvre exts:'
tants. Ils ne font ainsi que des œuvres de
seconde main, des pseudo chefs-d'œuvre
sans originalité propre. Est-ce timidité de
leur part? Je le crois, car plusieurs d'entre
eux débordent de jeunesse et d'idées neu-
ves. chez eux, dans les conversations
qu'ils ont avec leurs amis.
A la scène tout disparaît, et le traditio-
nalisme étouffe les initiatives qu'ils pOlJT-
raient avoir.
Il y a là. je crois, une erreur de départ
sur laquelle il conviendrait de s'expliquer
une bonne fois. J'essaierai de le faire dans
un prochain article.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
p
i our les orphelins. 1
Une émouvante histoire vient de
nous être contée par un de nos confrères.
Un des nôtres, journaliste parisien, laissait
en mourant une fillette de sept ans absolu-
ment seule (pour toute fortune, 30 centimes
restaient à la maison) ! L'Orphelinat des
Artq, prévenu, lui ouvrait ses portes et, une
heure après, bain, costume, tout était prêt
et l'enfant partageait lé repas de ses nou-
velles petites sœurs.
Aujourd'hui, dans son uniforme nouveau,
elle suivra le convoi de son pauvre papa,
qui peut dormir tranquille son dernier som-
meil: l'enfant a retrouvé un foyer mater-
nel! Quelles réflexions faire devant cette
admirable charité qui appartient à tous les
artistes: C'est aujourd'hui la Presse qui en
bénéficie ; nous sommes heureux de remer-
cier hautement cette œuvre de bien !
c
hoses vues.
Quatre heures de l'après-midi son-
nent dans la loge du concierge d'un théâtre
subventionné !
Un jeune homme rachitique et chevelu
dépose un manuscrit volumineux, avec un
fort tremblement de ses mains squeletti-
ques, et part en saluant très bas.
Passe le garçon de bureau, suivi d'un
petit chien à toison frisée.
Le portier remet à cet employé le nou-
veau manuscrit. Mais le fonctionnaire, ju-
: géant sans doute ce fardeau par trop lourd,
le donne à porter au griffon; le cortège,
ainsi constitué, monte l'escalier de l'admi-
nistration.
— Azor, veux-tu bien rapporter, Azor 1
Azor, rends-moi ça, Azor!
Le garçon de bureau a beau s'égosiller,
le caniche s'obstine à garder le petit paquet
entre ses dents.
Une lutte s'engage entre ces deux ad-
versaires, et le manuscrit est enfin retiré
des crocs d'Azor. mais à moitié déchiré:
— Comme cela, au moins, l'auteur verra
qu'on s'est occupé de sa pièce, s'écrie en
riant le secrétaire général qui a assisté à la
scène. *
N
otre collaborateur judiciaire nous con-
tait vendredi cette joyeuse aventure
d un baryton hongrois dont l'éducation mu-
sicale, entreprise par Lassalle, l'avait été
grâce à un subside de 2.500 francs fourni
par feu le baron de Rothschild.
La vérité est qu'il y eut emcette affaire,
après la disparition du baryton, non pas un,
mais bien deux Mécènes: l'un le baron de
Rothschild, et l'autre l'éminent professeur à
qui il restait dû une somme rondelette qu'il
attend encore et qu'il attendra probablement
toujours.
L'enseignement de l'art a parfois de bien
doux moments.
D
usausoy, joaillier expert, 4, boulevard
des Italiens, achète toujours comp-
tant: bijoux, diamants, perles et pierres
fines. Il donne presque toujours une plus-
value sur le prix offert par n'importequello
maison.
c
hez les auteurs.
La Commission de - la Société des
Auteurs dramatiques s'est occupée avant-
hier de l'importante question des billets à
droit.
Les directeurs des théâtres où ces billets
à prix réduits ne sont pas en usage protes-
tent contre le développement de ce mode de
publicité, de nature, prétendent-ils, à nuire
considérablement à l'art dramatique.
Et ils citent des faits qui paraissent très
concluants:
— Si vous voulez, disent-Ils, abaissez le
prix de vos places, mais n'habituez pas le
public à ne payer que demi-tarif, cé qui est
tout à fait désastreux.
Et il paraît que la séance fut agitée.
s
on gardien. -
Les fonctionnaires des Beaux-Arts
sont des personnages redoutables, nous le
savions déjà. En voici une preuve nouvelle.
Présentez-vous me de Vatlois et dteruair*-
dez M. d'Estournelles de Constant. Aussi-
tôt, "un huissier vous répondra cette simple
phrase -
- Oui, Monsieur, son gardien va venir!
Son gardien ! bigre ! Comme on se sent
tout de suite, rassuré!
p
our les peintres-décorateurs.,
Voici une bonne nouvelle pour ces
messieurs. Nous sommes, en effet, en. me-
sure d'annoncer que le ministère des Beaux-
Arts, d'accord avec la direction de l'Opéra,
va ouvrir prochainement un concours de
maquettes de décors..
Apprêtez vos pinceaux, Messieurs!
0
n sait que Victor Hugo composa - ses
plus célèbres poèmes sur l'impériale
de 1 omnibus. Plus modernes, nos auteurs
cherchent l'inspiration devant une table bien
mise chez Champeaux.
Le Masque de Verre.
1 - - 4 1 - ;. ': , : .;
i
- '> 1 1
(JRUINEa DU .THÉATIÎJB.AÎJXWU^B TAORMINfi] ! V ,. - - i
Une belle Œuvre
LASSALLE, L'ÉMINENT PROFESSEUR AU CON-
SERVATOIRE, VOUDRAIT AMÉLIORER LE
SORT DES ÉLÈVES DU CONSERVA-
TOIRE NATIONAL DE MUSIQUE
ET DE DÉCLAMATION
Nous avons reçu, hier, la visite de Las-
salle: le grand artiste était tout ému des
difficultés d'existence au milieu desquelles
se débattent beaucoup trop d'élèves du
Conservatoire, et il a conçu le très beau
projet-de leur venir en aide.
- Comment, nous disait-il, comment
voulez-vous que tous ces jeunes gens, tou-
tes ces jeunes, filles venues de leur pro-
vince avec, pour tout potage, la maigre
bourse à eux donnée par leur municipalité,
comment voulez-vous qu'ils vivent et qu'ils
vivent convenablement? Les hommes tâ-
chent, de s'en sortir par des cachets faits
,à une époque de leur instruction où ils sont
incapables de chanter ; quant aux femmes,
c'est au choix: ou la misère ou l'inconduite,
deux conditions qui ne sont pas faites pour
améliorer la voix.
» Il semble, en France, dès qu'il s'agit
d'une carrière- artistique, que la seule-fan-
taisie doit la diriger et que les habitudes
d'ordre et de travail sont seules réservées
aux carrières administratives. C'est une er-
reur dans laquelle les étrangers ne sont
point tombés.
» Je veux donc essayer de venir en aide
aux futurs artistes.
» Pour cela, nous dit encore Lassalle,
réunissons quelques bonnes volontés, don-
nons deux, trois ou quatre fois par an des
spectacles irrédits des œuvres nouvelles en-
tièrement interprétées par les : élèves au
Conservatoire. Et tenez, j'ai justement, en
ce moment, un opéra en deux actes que je
compte mettre au programme de la pre-
mière de ces représentations : on y ajoute-
rait une comédie en un acte et quelques
intermèdes, et je suis , certain qu'avec ce
programme, nous ferions courir ce « Tout-
Paris » si accessible aux idées généreuses.
» Puis-je compter que vous m'aiderez
pour cette « première », que je voudrais en
mai prochain? »
— Comptez sur nous, mon cher maître,
pour vous aider dans la réussite de cette
œuvre à la fois artistique et généreuse :
notre concours vous est entièrement ac-
quis.
Les Arts réunis
« COMOEDIA » ORGANISERA CETTE ANNÉE LB
PREMIER SALON DES ARTS RÉUNIS, OU
, SERONT EXPOSÉES LES ŒUVRES
, DES ARTISTES DRAMATIQUES
ET LYRIQUES.
De tous côtés les amis de Comœdia noua
ont demandé pourquoi nous n'organisions
pas un Salon réservé aux œuvres artisti-
ques réalisées, à leurs moments perdus, par.
les artistes dramatiques et lyriques.
Après nous être assuré les concours in-
dispensables pour mener à bien une pareille
tâche, nous sommes heureux d'annoncer ?
tous que, dès cette année, nous organise
rons le « premier Salon des Arts réunis »
réservé exclusivement aux productions de
artistes appartenant au monde des théâtres
Personne n'ignore, en effet, que si If
violon d'Ingres fut célèbre, certains ouvra
ges de peinture, de sculpture, de gravure
dus à nos meilleurs artistes, mériteraient
de l'être à plus juste titre.
Au hasard de nos souvenirs, nous cite-
rons Dorival, qui est un très remarquable
peintre sur porcelaine; Leitner, qui est un
habile graveur; Capellani, qui est un adroit
sculpteur; Signoret et Noblet, qui sont de
très savants peintres décorateurs; sans ou-
blier Grandval, dont nos lecteurs ont appré-
cié ici même, le talent si fin, si spirituel ;
non plus que Mme Sarah Bernhardt, qui
peint, sculpte, grave, avec une virtuosité
point inférieure à celle qu'elle montre dans
se#inoubliables créations.
Leurs productions, disons-le tout de suite,
ne sont pas, pour la plupart, de simples œu-
vres d'amateurs, comme on serait tenté de
le croire.
Ce n'est point en vain que nos meilleurs
artistes passent, en effet, leur vie tout en-
tière. à étudier le Beau en mouvement et-
leur jugement, en matière d'Art, est sou-
vent infiniment mieux documenté que celui
des peintres ou des sculpteurs de métier.
Le « Salon des Arts réunis » sera infini-'
ment varié, comme le sont elles-mêmes les
productions de nos artistes. Peintures,
sculptures, gravures, émaux, miniatures
arts décoratifs, tous les genres s'y trouve-
ront réunis.
Ce sera pour tous, nous en sommes per-
suadés, une véritable révélation. Comœàj,'
sera heureux et fier de l'avoir, pour la pre-
mière fois. suscitée.
Les Ancêtres
-—De fout temps la Sicile a apporté à l'art
grec ou à la raison latine un tribut original.
Tandis que les Athéniens ébauchaient à
peine la grande forme tragique, un Syra-
cusain, Epicharme, composait déjà dè vé-
ritables comédies. Il habillait les dieux de
tous les - grotesques et de tous les vices, et
daubait sur l'Olympe avec infiniment moins
de respect que n'en montrèrent, un peu plus
tard, Meilhac et Halévy. Mais aussi
il dessinait des meilleurs traits comi-
ques des types contemporains de pay-
sans, de cuisiniers, de parasites. Bien avant
le vérisme, les muses de Sicile dictaient à
leurs fidèles des dialogues satiriques et fa-
miliers, et les deux grandes ombres d'Hé-
rondas et de Théocrite me pardonneront ce
parallèle paradoxal comme ils sont tous,
mais j'imagine que leurs, contemporains
éprouvaient à ces petites imitations de la
vie quotidienne, à ces mimes, le plaisir que
nous goûtons à l'exactitude ironique des dia-
logues d'Henri Lavedan ou: de Maurice
Donnay.
Voilà donc un pays où, dès les origines,
l'-art est.vérwte, si FpTTVdîf, Bat^d'un vé-
risme léger, exquis, presque attique. Les
mimes furent d'abord représentés dans U-c
palais de Syracuse ou d'Alexandrie. Ce son.
les ancêtres de la comédie de salon. Mai..:
ils furent donnés aussi sur ces immenses
et merveilleux théâtres de Taormine, de Sy-
racuse ou de Tyndaris, dont les ruines nues
nous émeuvent plus qu'aucune mise en
scène.
Je sais bien que la délicieuse tradition
hellénique- ne prévaut pas indéfiniment en
Sicile. Après avoir été le grenier de l'Italie
et le proconsulat le plus rémunérateur pour
les concussionnaires romains, cette île en-
viée devient tour à tour punique, byzantine,
arabe, normande, espagnole, napoléonienne,
garibaldienne. La vie y est tourmentée,
les mœurs y sont violentes et de nos jour3
encore il n'y a pas de pays plus beau et
plus lamentable. Longtemps, il ne connaît
que la loi de VOmerta, ce code des gens de.
coeur,, dont l'article essentiel est le sui-
vant: A qui t'ôte le pain, toi, ôte la vie!
Aussi, quand naîtra, au dix-neuvième '3iè'
ele, le réalisme italien, si sombre, si dur, ce
n'est pas en Sicile qu'il trouvera le moins i\
decho.
Ce qui nous prend, au théâtre, c'est le]
spectacle de ce que nous redoutons le 1
plus. L esprit, l'analyse ou la poésie em-i
pruntent parfois la scène. Mais faites-nous
rire ou pleurer avec nos travers, nos dé-
fauts, nos vices et les mésaventures ou les'
malheurs qui s'en suivent — voilà tout le
théâtre.
Or, nulle part la vie ne fut plus agitée
et plus douce à la fois qu'en Sicile. Ce nom,
seul, évoque une beauté souvent gracieuse
et parfois farouche, les latomies etAréthuse,
le volcan et la conque d'or, le farniente,
sous le climat le plus doux de l'Europe mé-
ridionale, et l'existence ouvrière la plus -
pénible, la plus malsaine et la plus pauvre.
Et ces gens aiment leur vie de toute leur
nonchalance passionnée. La psychologie
l'exige, ils seront la proie de brusques dé-
sirs, de jalousies sournoises, puis brutales,
et ce dont ils peuvent souffrir le plus, la
rage de ne pas posséder la femme désirée,
les conduira à la mQrt, à la plus grande
terreur qu'ils ressentent et infligent.
De là ces drames dont l'action lente
laisse percer graduellement l'inquiétude, la
menace, puis une lourde appréhension qui
se résout en un soudain et meurtrier corps
à corps.
Mais rappelez-vous tant de pièces ita-
liennes jouées à Paris, même par des
Français. Elles m'ont laissé — et cette im-
pression s'est confirmée en Italie .!- dé-
primé, entouré d'une atmosphère de tris-
tesse vulgaire et lourde. L'angoisse phy-
sique de nos petites pièces de terreur grand-
guignolesque est tout de même plus !é-. ,
gère que ce réalisme italien pesant et pour
ainsi malpropre. L'art latin fut ainsi, bien
souvent, terre à terre, naturaliste par na-
ture, faute d'ailes.
La troupe sicilienne de Mimi Aguglia et
de Giovanni Grasso a quitté Marigny. Sans
doute, il est trop tard pour parler encore
d elle ; cependant, son souvenir demeure
agréable. Elle ne nous a pas donné la sour-
de et noire impression que j'ai essayé de
définir. Qu'on ait considéré ces curieux ar-
tistes comme des mimes spontanés doués
d'une verve de primitifs, ou comme des co-
médiens très habiles pliés à une discipline
ingénieuse, il est certain qu'ils nous ont
apporté, un exemple de leur tradition locale,
une bouffée de leur air natal. Certain sa-
vant que j'ai consulté — mais dont j'ai soi-
gneusement oublié le nom — prétend que,
dans deux ou trois bourgs de Sicile, Catane,
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.69%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.69%.
- Auteurs similaires Pawlowski Gaston de Pawlowski Gaston de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Pawlowski Gaston de" or dc.contributor adj "Pawlowski Gaston de")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/6
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7646516d/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7646516d/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7646516d/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7646516d/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7646516d
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7646516d
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7646516d/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest