Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-01-29
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 janvier 1908 29 janvier 1908
Description : 1908/01/29 (A2,N121). 1908/01/29 (A2,N121).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646505m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2° Année. - N° 121 (QuotidienS
le Numéro : S centimes
Mercredi 29 Janvier 1908*
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®kb^JJÏ H IWfePljtli m KBLrj«jW m ^d Ki -^1 vr^H KH :9 v S^SI
K h wftlH ■* l sM ÊMhi , -iÊm 9 vl^L
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : C0MŒDIA-PAR1S
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UN AU 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
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27, Boulevard Poissonnière, PAR/8
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W UN AN « mon
- - 1
Pans et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
/- La collaboration
,;:: interrompue
j\
4 Tandis que commençait le deuxième
acte de sa pièce, Hector Carence, dans
les coulisses, aborda le critique Magu et
lUI dit brusquement:
- Croyez-vous que je tienne un suc-
cès ?
, Le critique, qui n'y pensait guère, eut
tIl petit sursaut. D'ordinaire, aux soirs
de premières, le vieil auteur, très sûr
e lui, marchait droit sur les gens, et
armait ainsi son talent; mais, ce jour-
Jj*» il paraissait si inquiet, que Magu,
dont c'était la carrière, flaira un cas de
: conscience à autopsier.
- Emu, mon cher maître? dit-il. Par-
bleu. C'est la première fois, depuis le
début de votre œuvre, que vous lâchez
\r°tre collaborateur fidèle et que la rai-
son sociale « Hector Carence et Ch.
"°urpoint » est morcelée. Vous avez
SIgné tout seul. la pièce de ce soir.
L'autre insista: *
r- Croyez-vous à un succès?
v Et le critique, doucement :
- Mais oui! Edmée Chantereine a
e rôle de la pièce 1
Carence, peu à peu, se rassura. L'au-
tre avait raison. Edmée Chantereine
était l'interprète idéale. Sa silhouette, en
SCène, suffisait à modifier une tendance
°stile. Elle avait un talent parisien, de-
PUIS que celui-ci avait été officiellement
reconnu, dans une interview, par S. M.
le Roi des Belges. D'autres minutes pas-
sent. Magu, qui le cherchait, apparut
a nouveau :
— Ne vous en allez pas, mon cher
maître, avant de m'avoir dit la cause de
votre rupture avec Pourpoint. Une
femmie, n'est-ce pas? Parbleu! Vous
étiez les deux amants de Chantereine qui
C créé tant de vos rôles, et dont le nom,
n ornme la personne, a suivi vos deux
noms pendant un sixième de siècle.
Tout Paris le savait. Et vous vous igno-
riez l'un l'autre. Alors, quand vous vous
l'êtes appris, vous avez rompu votre
cte d'amitié et vous vous êtes promis
de vous entretuer un de ces prochains
jours. C'est d'usage, mon cher maître.
Carence était furieux, Magu très con-
tent.
~t - J'en ferai, décidément, un papier
d rnaIn. L'acte est fini. Rentrons-nous
Ils la salle?
Ils rentrèrent dans la salle. Carence
avait un grand dégoût de la vie de ses
s oncltoyens, depuis que ses sentiments
eCrets n'étaient plus un secret pour
personne. Mais aussitôt, dans le cou-
loir, ce fut une bousculade. Tout le
monde parlait à la fois. Et l'on disait:
— Chantereine a été sifflée. — Sifflée,
Chantereine !. Sifflée. — C'est un
coup du collaborateur évincé. — Oui,
Pourpoint. — Consolez-vous. — Re-
vanche ! — Demain!.
Un peu plus loin, des gens qui se con-
naissaient depuis vingt ans, échangeaient
Ciers cartes: le scandale était donc offi-
ciel
à Déjà, Carence s'échappait, affolé peu
à peu à l'idée d'un désastre interrom-
Pau*Sa facile carrière. Il passa sur la
tra ne, grimpa l'escalier des loges, en-
tra en coup de vent dans celle de Chan-
tereine et s'arrêta net devant l'actrice
éffondrée sur une chaise, tandis que
Pourpoint, l'ennemi, dans un coin, se
lissait, d'un geste familier, les rares che-
veux qui lui restaient avec la paume de
la main.
Les t deux hommes se retrouvaient
ainsi face à face, très décidés l'un et
J'autr Ils se taisaient. La bataille était
proche. Et, véritablement, en vieux lut-
teurs heureux, ils se montraient encore
solides, corrects, très pâles, un peu ner-
v eux dans l'attente du choc.
Déjà, l'habilleuse, prudente, retirait à
la hâte les flacons et les fers à friser,
puis, discrète, faisait mine de dispa-
raître. Mais la lutte ne commençait tou-
jours pas. Un silence plana, seulement
interrompu par les sanglots de la com-
mune -In erprète. Et, tandis qu'ils s' é -
taient rapprochés l'un de l'autre, à por-
tée de gIfle, ils se sentirent enchevêtrés
dans Sune aventure véritablement déli-
cate. Sans le vouloir, leurs regards hé-
sitants tombèrent, d'accord, sur Chan-
I n e.
Pourpoint demanda doucement:
— Comment se sont-ils aperçus qu'elle
n'avait pas de talent?
Caren r e répondit, en baissant les
yeux :
— C' est. à n'y rien comprendre.
Elle 3!* relevé la tête. Et son fard
coulait e long de ses joues, en courts
ruisseaux vermillons. Elle cria:
— Vous êtes de vilains messieurs;
vou les U ez que je paie pour vous.
Les dpi auteurs, machinalement,
hochè rent la 'tête. Pourpoint, le pre-
mier, l'interrompit avec un grand geste :
— niann, , tna petite, très mauvais.
Cela Phras que de nature!. Tu as mal dit
ta Phrase i puis' c est laid. Il faut gar"
der un peu de tenUe. Le drame ne te va
pas du tout. C'est à recommencer. Re-
ven ons à ia c comédie.
— ou" c'est cela dit Carence, con-
ciliant. Revenons à la comédie.
Dans la gêne Qu'ils ressentaient tous
trois, une OPInIon commune les unissait
oUs comprenez, mes enfants, il
faut dire les choses comme elles sont :
nous sommes un tryptique. Si nous en
détachons une feuille, nous ne valons
plus rien. Le public des premières est
un octroi. Nous ne passerons jamais
sans nos papiers.
Maintenant, dans la hâte de cette fin
d'entr'acte, ils s'attribuaient à chacun
leur rôle:
— Toi, Edmée, le public à reprendre.
Toi, Carence, la salle. Moi, les couloirs;
j'annonce notre prochaine collaboration.
En scène pour le trois.
Les deux auteurs se retrouvèrent,
après la première, dans la loge de Chan-
tereine. Elle souriait. La représentation
avait fini, douce et calme.
— D'ailleurs, observa-t-elle, je puis
bien vous dire maintenant que, toujours,
je vous ai été fidèle à l'un et à l'autre.
Ils en éprouvèrent chacun un plaisir
discret et personnel. La collaboration
recommençait. Ensemble, ils descendi-
rent tous deux l'escalier, se retrouvèrent
dans la rue, marchant d'un pas égal, sa-
lués par les mêmes chapeaux, les bou-
tonnières également ornées d'une sem-
blable rosette cramoisie. Avant de se
quitter:
— A propos, dit Pourpoint, comment
va ta femme?
— Migraine. Et la tienne?
— Migraine aussi, naturellement.
— En somme, tout va bien.
Et ils se serrèrent la main.
Paul-Adrien SCHAYÉ.
Nous publierons demain un article de 1
G. DE PAWLOWSKI
Esclaves bénévoles
Les anciens triomphateurs romains
avaient pour habitude de faire suivre
leur char par des captifs, des éléphants,
des tigres, des vases et des objets précieux
pour mieux rehausser l'éclat de leurs vic-
toires; ils ne faisaient point figurer dans
!eur triomphe des pendules parce qu'on
n'avait alors que des pendules à sable trop
lourdes pour qu'on pût les transporter,
mais sans cela ils n'eussent point manqué,
croyez-le bien, de le faire.
C'était très beau et l'effet auprès du pu-
blic était assuré.
n paraît que nos auteurs dramatiques ao
tuels tie dédaignent point de recourir aux
mêmes procédés, mais ils n'ont point à
leur disposition, saut lorsqu'ils s'agit d'une
féerie, des éléphants, des esclaves et des
vases sacrés, ils se contentent de recourir
au bon et excellent public qui, lui, se prête
gentiment à toutes leurs fantaisies.
Il suffit pour cela, les jours de première,
à la Comédie-Française, par exemple, de
réserver quarante petites places d'amphi-
théâtre pour le public payant et de le faire
savoir un peu partout, mais sans indiquer
naturellement le nombre de places dispo-
nibles; on est assuré tout aussitôt de voir
s'allonger autour du Théâtre-Français un
long serpent humain bien dégénéré depuis
le serpent primitif, puisqu'il n'apporte
même plus de pommes et que c'est lui
qu'on tente.
La queue commence, si je puis dire, aux
guichets du Théâtre-Français, passe par le
Palais-Royal, longe le Conseil d'Etat, irise
les appartements de M. Dujardin-Beaumetz
et s'étend jusqu'au Louvre.
Dès lors, le triomphe est parfait et, pla-
cidement, les excellents employés du
théâtre, sachant bien qu'ils ne ne pourront,
tout à l'heure, placer que quarante per-
sonnes se gardent bien de le faire savoir;
c'est inhumain, mais imposant.
Lorsqu'il s'agit du Métro, une affiche pré-
vient les voyageurs que deux cents per-
sonnes seulement — pas une de plus —
seront admises dans chaque voiture bon-
dée, et, à la foire de Neuilly, lorsque la
femme légitime du nommé Poisson
s'exhibe, un employé prévient les curieux
qu'il ne reste plus que quarante petites
olaces tout juste, et encore! aux places de
luxe à trois sous !
Au Français, il n'en saurait être de
même. noblesse oblige, et personne n'est
chargé, somme toute, officiellement, d'a-
vertir les gens qu'ils feraient mieux de s'en
aller; il faudrait pour cela créer un fonction-
naire spécial. La chose durera donc éternel-
lement,jusqu'au jour où la queue s'étendant
jusqu'aux portes d'un autre théâtre, à yau-
Zirard ou à Ivry, un brusque demi-tour
se produira vers huit heures et demie, qui
remplira la caisse d'un directeur étonné.
G. DE PAWLOWSKI.
Echos
Ce suir, à huit heures trois quarts, aux
Folies-Dramatiques, première représenta-
tion de Tourtelin s'amuse ! vaudeville en
trois actes de MM. Henry Kéroul et Albert
Barré.
(Les dames en chapeau ne seront admi-
ses ni à l'orchestre ni au balcon.)
Ce soir, à huit heures trois quarts, à
l'Athénée, répétition générale de Boute-en-
Train, comédie-vaudeville en trois actes, de
M. Alfred Athis.
Ce soir, à neuf heures, à l'Eldorado, pre-
mière représentation (à ce théâtre) de Le
Petit Babouin, pièce en un acte de M. An-
dré Mycho, et première représentation de
L'Amour, Mesdames! fantaisie en deux ta-
bleaux, de MM. Aristide Bruant et E. Joui-
lot.
L
a scène se passe à l'étranger.
Salle resplendissante de lumière et
de diamants. A la fin du « deux », une
dame de la Cour détache son bouquet de
corsage et le lance au ténor en signe d'ad-
miration.
L'usage du pays veut qu'en pareil cas
l'artiste s'incline jusqu'à terre et ramasse
le bouquet. Mais le ténor se contente de
saluer et se retire dans la coulisse.
Et comme ses camarades lui disent l'in-
dignité de sa conduite :
— J'aurais bien voulu ramasser le bou-
quet, répond le ténor — vous ai-je dit qu'il
était bedonnant? — mais voyez comme je
suis sanglé, j'aurais craqué de partout!
Et si vous voulez savoir son nom, cher-
chez un peu; il redébute ce soir à Paris.
LE QUATRAIN DU JOUR
LA BELLE ET LA PELLE
L'auto roule, un monsieur en tombe. A qui la
[faute?
C'est un crime! dit-il. Soyons plus indulgent:
Ce n'est qu'un financier qui saute,
Au cours d'une affaire Dargent!
L
'autre gloire. ,.
On a été un peu étonné de voir com-
bien M. Paul Bourget, illustrissime roman-
cier mondain, écrivain arrivé - arrivé jus-
qu'à l'Académie — s'était montré accueil-
lant pour son collaborateur d'hier, M. An-
dré Cury.
On a eu tort.
M. Paul Bourget - contrairement à
quelques-uns de ses confrères — a toujours
montré une grande bienveillance pour les
jeunes écrivains — à condition, toutefois,
qu'ils eussent du talent.
Et l'on n'a pas oublié, dans le monde des
lettres, avec quel dévouement il secourut
le grand poète Jules Lafargue, mort si pré-
maturément.
Il l'aida de toutes les manières. Il lui
procura une place de lecteur à la cour
d'Allemagne. Il fit démarches sur démar-
ches pour lui ouvrir la porte des grandes
revues littéraires et quand, malgré tous les
soins, l'auteur du Sanglot de la Terre et des
Fleurs de bonne volonté expira, à vingt-sept
ans, M. Paul Bourget s'occupa pieusement
du soin de sa mémoire.
Et pourtant, leurs œuvres étaient bien
différentes d'inspiration et de tendances.
Voilà une bonne action qui vaut bien un
beau livre.
D
édié à M. Le Bargy. ,.
Gabriele d'Annunzio, si l'on en croit
ce qu'on raconte en Italie, serait le dandy
le plus accompli de notre époque. Seul, les
milliardaires américains pourraient lui faire
concurrence pour le luxe de sa garde-robe.
En voici, d'ailleurs, un petit aperçu: ;20
chemises de grand luxe, 150 paires de bas
de soie de toutes couleurs, 250 mouchoirs,
172 cravates, 60 paires de gants de cou-
leurs, et 24 blancs, 10 robes de chambre
étincelantes, 8 parapluies de soie violette.
Quant aux chapeaux, ils sont légion, ainsi
que ses complets, redingotes, habits et par-
dessus. Neuf paires de pantoufles, enfin, se-
raient admises, à tour de rôle, à l'honneur
de chausser ses nobles pieds.
Comme ces renseignements nous font
mieux comprendre la psychologie du grand
poète, et surtout cette réponse qu'il fit der-
nièrement à un impresario qui lui offrait
deux cent mille lire pour une tournée en
Amérique :
— Deux cent mille lire!. C'est ce que
me coûtent par an mes cigarettes!.
Enfoncé, notre prince des élégances 1
L
es pièces célèbres.
A Saint-Valery-en-Caux, cet été, la
troupe du casino jouait L Artésienne.
Or, voici en quels termes un petit jour-
nal de la localité annonçait la représenta-
tion.
CE SOIR, AU CASINO
L'ALSACIENNE, de M. Léon DAUDET
Mieux qu'une perle, un collier!.
L
e duel et la grammaire.
La question des « deux balles » n'est
pas nouvelle. Guy de Maupassant l'a-
gita plaisamment dans Bel Ami (1855):
« Quand le procès verbal fut rédigé, on le
présenta à Duroy, qui devait l'insérer dans
les échos. Il s'étonna dè voir qu'il avait
échangé deux balles avec M. Louis Langre-
mont, et, un peu inquiet, il interrogea Ri-
val: « Mais nous n'avons tiré qu'une balle!»
L'autre sourit: « Oui, une balle. une balle
chacun. ça fait deux balles. »
« Et Duroy, trouvant l'explication suffi-
sante, n'insista pas. ».
Cet exemple « littéraire » fut toujours
suivi jusqu'ici.
v
ive la Pologne !
L'illustre pianiste Paderewski venait
de jouer, à Saint-Pétersbourg, devant un
auditoire composé des plus hautes person-
nalités de la cour; l'enthousiasme était im-
mense.
A l'issue du concert, le tsar fit mander
dans sa loge le virtuose, désirant le félici-
ter lui-même: « Monsieur, lui dit-il, vous
êtes un admirable artiste, et la Russie s'ho-
nore de vous compter au nombre de ses
enfants! »
Paderewski se redressa et, regardant
dans les yeux l'empereur de toutes les
Russies : « Pardon, sire, dit-il, je ne suis
pas Russe, je suis Polonais! »
Le lendemain Paderewski était reconduit
à la frontière allemande.
s
implicite.
Il est de plus en plus sérieusement
question, dans les milieux littéraires, de
l'élection de M. Georges Courteline à l'A-
cadémie française.
L'admirable auteur de Boubouroche mé-
rite certes aussi bien que personne de re-
vêtir l'habit à palmes vertes et de ceindre
l'épée à pommeau de nacre et à « rigole
pour l'écoulement du sang » dont se parent
nos Immortels.
Cependant, sa simplicité s'accommoderait
I ! sans doute assez mal de pareils honneurs.
i M. Courteline n'affecte pas, dans la vie,
le maintien auguste ou l'air distant trop ha-
bituels aux auteurs dramatiques. Il n'écrase
pas de son arrogance les directeurs. Il est
familier avec ses interprètes et il ne mé-
prise pas les machinistes.
Il y a quelques années, il faisait jouer
Les Gaietés de l'Escadron, dans un théâtre
de quartier.
Il avait, à son ordinaire, surveillé lui-
même les répétitions et il suivait en per-
sonne chacune des représentations.
C'était pendant l'hiver. L'acteur chargé
de représenter cette « crapule » d'adjudant
Flick s'était enroué et ne parvenait à parler
qu'avec beaucoup de peine.
M. Georges Courteline, malgré son aver-
sion pour l'impitoyable adjudant, s'intéres-
sait beaucoup à la santé du comédien. Cha-
que jour, il lui apportait des boîtes de dra-
gées, pastilles et pilules, et comme leur
effet n'était pas suffisant, M. Georges
Courteline, plein de sollicitude paternelle,
présidait tous les soirs, dans la loge du
concierge, à la confection d'une tisane qu'il
montait lui-même dans un bol jusque dans
la loge de l'artiste.
L'écrivain de La Paix chez soi faisait cela
tout naturellement, sans pose ni sans gêne,
et cela ne l'empêchait pas d'être un des
plus glorieux dramaturges de ce temps.
T
rout ce que l'on peut rêver de merveil-
leux, comme bibelots d'orfèvrerie, se
trouve chez Leroy. à des prix très aborda-
bles. Tous les objets exposés dans ses ma-
gasins, 22, rue Réaumur, sont ravissants,
d'un goût nouveau et d'une joliesse exquise.
A
ux abords de l'Opéra, le soir de la
réouverture, de nombreuses voitures
excitaient, par le luxe de leur carrosserie
et la simplicité de leurs châssis, l'admira-
tion des connaisseurs. Elles sortaient —
faut-il le dire? — de chez Bayard-Clé-
ment.
NOUVELLE A LA MAIN
u
n ancien directeur qui dirigea beau-
coup de théâtres, les uns après les
autres, et dont la fête — o ironie ! — tombe
un jour d'échéance, ne possède qu'une éru-
dition tout à fait primaire.
C'est lui qui disait à son chef d'orches-
tre: « Ne me mettez pas sous la coupole
de vos musiciens! »
C'est lui qui annonçait pour la pièce sui-
vante : « Une vraie consternation d'é-
toiles! »
Et il en disait bien d'autres!.
Le Masque de VerM*
Dernière heure
Littéraire
M. Paul Gavault, l'auteur dramatique bien
connu, vient d'envoyer la sommation suivante à
notre confrère Le Matin:
L'an mil neuf cent huit, le vingt-huit jan-
vier, à la requête de M. Paul Gavault, au-
teur dramatique, chevalier de la Légion
d'honneur, j'ai F. 'Lacour, huissier près le
Tribunal civil de la Seine, dit et déclaré à:
1° M. Stéphane Lauzanne, rédacteur en
chef du journal Le Matin, au bureau dudit
journal, 6, boulevard Poissonnière, à Paris,
où étant et parlant à;
2° A M. Fernand Weyl, dit Guy Launay,
critique dramatique du journal Le Matin,
au bureau dudit journal, 6, boulevard Pois-
sonnière, à Paris, où étant et parlant à ;
Que, depuis un certain temps, le journal
Le Matin et M. Fernand Weyl, dit Guy
Launay, critique dramatique dudit journal,
ont innové un système de comptes rendus
et critiques des pièces de théâtre représen-
tées à Paris consistant à rendre compte de
l'oeuvre au lendemain de la répétition géné-
rale et non de la première représentation,
contrairement à l'usage constant dans la
.presse de ne donner l'analyse d'une pièce
et l'appréciation de son interprétation qu'a-
près la première représentation ; que ce sys-
tème, indépendamment d'une réprobation
paraissant générale, a éveillé certaines sus-
ceptibilités et provoqué les réclamations
d'auteurs et des procès actuellement en
cours d'instance, malgré lesquels le journal
Le Matin et M. Fernand Weyl, dit Guy
Launay, ne paraissent pas disposés à ren-
trer dans la façon de procéder qui constitue
en quelque sorte le droit commun et l'usage
établi, et continuent à rendre compte des
pièces de théâtre le* lendemain de la répé-
tition générale, sans attendre la première
représentation ;
Que le requérant va incessamment faire
représenter, au théâtre du Gymnase, une
pièce intitulé : Le Bonheur de Jacque-
line.;
- M. Paul Gavault, requérant, fait par
les présentes défense expresse et ab-
solue, tant au journal Le Matin qu'à son
critique dramatique M. Fernand Weyl, dit
Guy. Launay, de faire paraître, dans les con-
ditions ci-dessus dénoncées et critiquées, le
compte rendu ou l'analyse du Bonheur de
Jacqueline;
Que le requérant entend, en effet, se ré-
server absolument le droit de faire, entre
la répétition générale et la première repré-
sentation, toutes modifications, suppres-
sions, additions, changement de distribu-
tion, etc., qu'il jugerait convenable d'effec-
tuer après la première impression donnée
par la répétition générale, et ce sans que le
public puisse en avoir en aucune façon, con-
naissance;
Déclarant en outre, au nom du requé-
rant, qu'au cas où il serait passé ou-
tre, M. Paul Gavault se pourvoira im-
médiatement, par les voies judiciaires,
tant contre le journal Le Matin que s'il y
échet contre son rédacteur M. Fernand
Weyl, dit Guy Launay, afin d'obtenir con-
damnation à un franc de dommages et inté-
rêts par chaque exemplaire du journal paru
contenant un article en contravention avec
la présente défense.
Signé; F. LACOUR,
- THÉÂTRE DU VAUDEVILLE
UN DIVORCE
Comédie en trois actes
de MM. Paul Bourget
et André Cury
SOMMAIRE
ACTE I.— Autour et à propos de Madame Dar-
ras mère, convalescente et très fervente catholi-
que, nous sont présentés les cinq protagonistes
d'un drame d'idées, qui aura de tragiques péri-
péties passionnelles découlant de ce fait unique,
dans des conditions spéciales: un divorce.
Darras est un libre penseur, honnête et pur,
en qui vivent les croyances modernes au' pro-
grès, a la justice, à la possibilité d'un état social
fondé sur la seule philosophie humaine et ne de-
mandant aucune aide à la religion.
Sa femme, Gabrielle, a reçu une éducation ca-
tholique; mais, mal mariée à un gentilhomme
sans aucune valeur intellectuelle ni morale, elle
en a divorcée pour épouser Darras, dont les no-
bles pensées lui ont fait oublier sa foi de jadis.
Mlle MARTHE BRANDES (Reutlinger, phot.)
La fille qu'elle a eue de ce nouveau mariage
est sur le point de faire sa première communion;
et la foi, de jadis, en cette occurrence, remonte
au cœur, de la mère..
Lucien est le fils que Gabrielle a eu de son
premier mariage. Il a été élevé par Darras, avec
une tendresse très paternelle, et, d'ailleurs, dans
les opinions mêmes du libre penseur. Car
Darras, - dont la tolérance a permis l'éducation
religieuse donnée par Gabrielle à sa fille, ,s'est
fait un devoir de rendre Lucien un homme
absolument moderne, et de lui inculquer toutes
les.audaces de sa philosophie libertaire. Lucien,
au reste, est aussi un être pur et droit.
Berthe, la garde-malade de Madame Darras est
une jeune étudiante en médecine, élève du .doc-
teur Louvet, et appelée au plus bel avenir scien-
tifique. C'est tout à fait le type de la nouvelle
femme émancipée, , à .l'intelligence virile, au-ca-
ractère, énergique, affirmant la doctrine de l éga-
lité des sexes par une haute valeur intellectuelle
et morale qui en fait précisément une personna-
lité digne d'être enviée par n'importe quel hom-
(Photo Paul Boyer.)
! Mlle JEANNE HELLER
me supérieur. Cela, d'ailleurs, n'empêche pas,
sur ce fond de raison grave, les dehors les plus
aimables d'une féminilité toute en grâce char-
mante.
Enfin, discret porte-parole des auteurs, nous
est montré, jusqu'au plus intime de sa conscien-
ce catholique, le père Euvrard, ancien polytech-
nicien, défroqué de la science, si l'on peut dire,
qui fut le camarade de Darras à la fameuse Eco-
le, et qui est aujourd'hui oratorien, un prêtre
entièrement orthodoxe et sévère, mais ayant,
semble-t-il, conquis, par la largeur même de son
ancienne culture scientifique, le droit d'en rê*
venir aux plus étroites lisières de la règle que
croit devoir imposer la religion. -
Ces divers personnages, nettement et adroi.
tement posés et connus, l'action s'engage dès
l'exposition, à la façon dont une combinaison
chimique s'opère, une fois les éléments donnés
mis en présence.
Lucien est pris pour Berthe d'une affection
très vive, qu'il croit être un désir de camara-
derie. Mais Darras, paternel, flaire la vérité, va
aux renseignements, apprend que Berthe a ea
avec un étudiant une liaison dont un fils est né..
Pour arracher .Lucien à cet amour, qu'il juge
indigne, il veut l'emmener faire un long voyage.
Il en profitera pour emmener aussi Gabrielle.,
afin de couper court à ses récurrences catholi-'
ques.
» Consulté par Gabrielle, le père Euvrard lai
a formellement déclaré qu'elle ne pouvait re-
prendre place à la Sainte Table le jour où la
fillette ferait • sa première communion. A-a re-
gard de l'Eglise, en effet, affirme Voratorien ri-i
gide, Gabrielle n'est point la femme légitime de
Darras, ce mariage n'étant que civil, et lf fem-
me divorcée remariée est Mors.du catholicisme4
en état de continuel péché mortel.
Lucien,. à qui Darras a dû communiquer sea
fâcheux renseignements sur Berthe, se révolte
contre ce qu'il prétend être d'infâmes calomnies.
Ainsi, comme l'a prédit l'oratorien, le divorce
a porte ses premiers mauvais fruits, en détrui.
sant la paix, l'autorité, le bonheur, dans la
ménage de Darras, que n'a point béni l'Eglise.
ACTE U. - Grande explication, d'abord., entré
Berthe et Lucien. Elle ne nie rien, ne cherche
même pas les banales excuses de la séduction,
de l'innocence trompée; elle avoue hautement, la
hautaine fille émancipée, qu'elle a pratiqué
l'union libre, puisque tels étaient ses principes
sur cette question des sexes. Elle a commis une
erreur en choisissant mal. Elle n'a aucune 40nta
à en eprouver..
Autre exPlication entre Lucien et Darras. Lui
aussi, Lucien est partisan de l'union libre, théo-
riquement. Darras ne lui a-t-il pas enseigné que
vers cet idéal -évoluait la justice moderne; En at-
tendant cet idéal, Lucien, pouvant le faire, épou..
serait civilement Berthe, si Berthe y consentait.
Darras la croit une intrigante, une aventurière.
Lucien essaie en vain de la défendre. Dans la
chaleur de la discussion, il va jusqu'à dire qUI
son cas est le mêmè que celui d'un homme
épousant une femme divorcée.
Devant cette affirmation, que Darras juge ulla
insulte à Gabrielle, sa femme, la mère de La.
cien, il veut que Gabrielle elle-même parle à ce
fils ingrat et irrespectueux. Cassimilation outra-
geante est répétée. Gabrielle s'évanouit. Darras
chasse, Lucien. Gahrielle> revenue à elle, tout
à fait reprise par ses anciens sentiments reli-
gieux, trouve qnae LTvSien a eu raison de penser
ce qu il pense, que Darras est illogique, que le
divorce est un lâche compromis, mly a
point de mariage valable hors de l'Eglise.
ACTE III. - Berthe vient eXpliquer sa con-
duite à madame Darras mère, à Gabrielle aussi,'-
et ramène a cette mère éplorée son fils absent.
Mais, avant, elle a déclaré qu'elle et Lucien de-
meureraient un an sans contracter l'union libre
qui est le seul aboutissement logique de leur
histoire.
Lucien vient demander à sa mère le pardon,
Pour son père, dont il a recueilli le dernier
soupir repentant. Il dit adieu à Darras, après
avoir laissé déborder de son CÇBur toute l'amer-
tume des souffrances qu'il a endurées dans sa
situation d'enfant jaloux, élevé par un étranger,
si bon qu'il fût. Il ne fait aucun reproche à sc
mère, qu'il adore; mais il lui a prouve qu'il ni
pouvait plus, ayant revu son vrai père, vivre au.
près de Darras, en le traitant comme son père.
Exaltée dans son catholicisme jusqu'à l'exas-
pération, Gabrielle constate que le divorce. le
mariage civil, sont les causes de toutes lesca-
tastrophes fondant sur elle. Son premier mari
étant mort, elle pense que Darras doit èonsentir
maintenant au mariage religieux, seul capable de
rendre la paix au ménaee.
le Numéro : S centimes
Mercredi 29 Janvier 1908*
Ë^sM ^VfiÈhS k^JMI mê K : A
®kb^JJÏ H IWfePljtli m KBLrj«jW m ^d Ki -^1 vr^H KH :9 v S^SI
K h wftlH ■* l sM ÊMhi , -iÊm 9 vl^L
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : C0MŒDIA-PAR1S
ABONNEMENTS:
UN AU 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 a 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PAR/8
TÉLÊPHOWB : É9F$«$£9 *
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ABONNEMENTS.:
W UN AN « mon
- - 1
Pans et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
/- La collaboration
,;:: interrompue
j\
4 Tandis que commençait le deuxième
acte de sa pièce, Hector Carence, dans
les coulisses, aborda le critique Magu et
lUI dit brusquement:
- Croyez-vous que je tienne un suc-
cès ?
, Le critique, qui n'y pensait guère, eut
tIl petit sursaut. D'ordinaire, aux soirs
de premières, le vieil auteur, très sûr
e lui, marchait droit sur les gens, et
armait ainsi son talent; mais, ce jour-
Jj*» il paraissait si inquiet, que Magu,
dont c'était la carrière, flaira un cas de
: conscience à autopsier.
- Emu, mon cher maître? dit-il. Par-
bleu. C'est la première fois, depuis le
début de votre œuvre, que vous lâchez
\r°tre collaborateur fidèle et que la rai-
son sociale « Hector Carence et Ch.
"°urpoint » est morcelée. Vous avez
SIgné tout seul. la pièce de ce soir.
L'autre insista: *
r- Croyez-vous à un succès?
v Et le critique, doucement :
- Mais oui! Edmée Chantereine a
e rôle de la pièce 1
Carence, peu à peu, se rassura. L'au-
tre avait raison. Edmée Chantereine
était l'interprète idéale. Sa silhouette, en
SCène, suffisait à modifier une tendance
°stile. Elle avait un talent parisien, de-
PUIS que celui-ci avait été officiellement
reconnu, dans une interview, par S. M.
le Roi des Belges. D'autres minutes pas-
sent. Magu, qui le cherchait, apparut
a nouveau :
— Ne vous en allez pas, mon cher
maître, avant de m'avoir dit la cause de
votre rupture avec Pourpoint. Une
femmie, n'est-ce pas? Parbleu! Vous
étiez les deux amants de Chantereine qui
C créé tant de vos rôles, et dont le nom,
n ornme la personne, a suivi vos deux
noms pendant un sixième de siècle.
Tout Paris le savait. Et vous vous igno-
riez l'un l'autre. Alors, quand vous vous
l'êtes appris, vous avez rompu votre
cte d'amitié et vous vous êtes promis
de vous entretuer un de ces prochains
jours. C'est d'usage, mon cher maître.
Carence était furieux, Magu très con-
tent.
~t - J'en ferai, décidément, un papier
d rnaIn. L'acte est fini. Rentrons-nous
Ils la salle?
Ils rentrèrent dans la salle. Carence
avait un grand dégoût de la vie de ses
s oncltoyens, depuis que ses sentiments
eCrets n'étaient plus un secret pour
personne. Mais aussitôt, dans le cou-
loir, ce fut une bousculade. Tout le
monde parlait à la fois. Et l'on disait:
— Chantereine a été sifflée. — Sifflée,
Chantereine !. Sifflée. — C'est un
coup du collaborateur évincé. — Oui,
Pourpoint. — Consolez-vous. — Re-
vanche ! — Demain!.
Un peu plus loin, des gens qui se con-
naissaient depuis vingt ans, échangeaient
Ciers cartes: le scandale était donc offi-
ciel
à Déjà, Carence s'échappait, affolé peu
à peu à l'idée d'un désastre interrom-
Pau*Sa facile carrière. Il passa sur la
tra ne, grimpa l'escalier des loges, en-
tra en coup de vent dans celle de Chan-
tereine et s'arrêta net devant l'actrice
éffondrée sur une chaise, tandis que
Pourpoint, l'ennemi, dans un coin, se
lissait, d'un geste familier, les rares che-
veux qui lui restaient avec la paume de
la main.
Les t deux hommes se retrouvaient
ainsi face à face, très décidés l'un et
J'autr Ils se taisaient. La bataille était
proche. Et, véritablement, en vieux lut-
teurs heureux, ils se montraient encore
solides, corrects, très pâles, un peu ner-
v eux dans l'attente du choc.
Déjà, l'habilleuse, prudente, retirait à
la hâte les flacons et les fers à friser,
puis, discrète, faisait mine de dispa-
raître. Mais la lutte ne commençait tou-
jours pas. Un silence plana, seulement
interrompu par les sanglots de la com-
mune -In erprète. Et, tandis qu'ils s' é -
taient rapprochés l'un de l'autre, à por-
tée de gIfle, ils se sentirent enchevêtrés
dans Sune aventure véritablement déli-
cate. Sans le vouloir, leurs regards hé-
sitants tombèrent, d'accord, sur Chan-
I n e.
Pourpoint demanda doucement:
— Comment se sont-ils aperçus qu'elle
n'avait pas de talent?
Caren r e répondit, en baissant les
yeux :
— C' est. à n'y rien comprendre.
Elle 3!* relevé la tête. Et son fard
coulait e long de ses joues, en courts
ruisseaux vermillons. Elle cria:
— Vous êtes de vilains messieurs;
vou les U ez que je paie pour vous.
Les dpi auteurs, machinalement,
hochè rent la 'tête. Pourpoint, le pre-
mier, l'interrompit avec un grand geste :
— niann, , tna petite, très mauvais.
Cela Phras que de nature!. Tu as mal dit
ta Phrase i puis' c est laid. Il faut gar"
der un peu de tenUe. Le drame ne te va
pas du tout. C'est à recommencer. Re-
ven ons à ia c comédie.
— ou" c'est cela dit Carence, con-
ciliant. Revenons à la comédie.
Dans la gêne Qu'ils ressentaient tous
trois, une OPInIon commune les unissait
oUs comprenez, mes enfants, il
faut dire les choses comme elles sont :
nous sommes un tryptique. Si nous en
détachons une feuille, nous ne valons
plus rien. Le public des premières est
un octroi. Nous ne passerons jamais
sans nos papiers.
Maintenant, dans la hâte de cette fin
d'entr'acte, ils s'attribuaient à chacun
leur rôle:
— Toi, Edmée, le public à reprendre.
Toi, Carence, la salle. Moi, les couloirs;
j'annonce notre prochaine collaboration.
En scène pour le trois.
Les deux auteurs se retrouvèrent,
après la première, dans la loge de Chan-
tereine. Elle souriait. La représentation
avait fini, douce et calme.
— D'ailleurs, observa-t-elle, je puis
bien vous dire maintenant que, toujours,
je vous ai été fidèle à l'un et à l'autre.
Ils en éprouvèrent chacun un plaisir
discret et personnel. La collaboration
recommençait. Ensemble, ils descendi-
rent tous deux l'escalier, se retrouvèrent
dans la rue, marchant d'un pas égal, sa-
lués par les mêmes chapeaux, les bou-
tonnières également ornées d'une sem-
blable rosette cramoisie. Avant de se
quitter:
— A propos, dit Pourpoint, comment
va ta femme?
— Migraine. Et la tienne?
— Migraine aussi, naturellement.
— En somme, tout va bien.
Et ils se serrèrent la main.
Paul-Adrien SCHAYÉ.
Nous publierons demain un article de 1
G. DE PAWLOWSKI
Esclaves bénévoles
Les anciens triomphateurs romains
avaient pour habitude de faire suivre
leur char par des captifs, des éléphants,
des tigres, des vases et des objets précieux
pour mieux rehausser l'éclat de leurs vic-
toires; ils ne faisaient point figurer dans
!eur triomphe des pendules parce qu'on
n'avait alors que des pendules à sable trop
lourdes pour qu'on pût les transporter,
mais sans cela ils n'eussent point manqué,
croyez-le bien, de le faire.
C'était très beau et l'effet auprès du pu-
blic était assuré.
n paraît que nos auteurs dramatiques ao
tuels tie dédaignent point de recourir aux
mêmes procédés, mais ils n'ont point à
leur disposition, saut lorsqu'ils s'agit d'une
féerie, des éléphants, des esclaves et des
vases sacrés, ils se contentent de recourir
au bon et excellent public qui, lui, se prête
gentiment à toutes leurs fantaisies.
Il suffit pour cela, les jours de première,
à la Comédie-Française, par exemple, de
réserver quarante petites places d'amphi-
théâtre pour le public payant et de le faire
savoir un peu partout, mais sans indiquer
naturellement le nombre de places dispo-
nibles; on est assuré tout aussitôt de voir
s'allonger autour du Théâtre-Français un
long serpent humain bien dégénéré depuis
le serpent primitif, puisqu'il n'apporte
même plus de pommes et que c'est lui
qu'on tente.
La queue commence, si je puis dire, aux
guichets du Théâtre-Français, passe par le
Palais-Royal, longe le Conseil d'Etat, irise
les appartements de M. Dujardin-Beaumetz
et s'étend jusqu'au Louvre.
Dès lors, le triomphe est parfait et, pla-
cidement, les excellents employés du
théâtre, sachant bien qu'ils ne ne pourront,
tout à l'heure, placer que quarante per-
sonnes se gardent bien de le faire savoir;
c'est inhumain, mais imposant.
Lorsqu'il s'agit du Métro, une affiche pré-
vient les voyageurs que deux cents per-
sonnes seulement — pas une de plus —
seront admises dans chaque voiture bon-
dée, et, à la foire de Neuilly, lorsque la
femme légitime du nommé Poisson
s'exhibe, un employé prévient les curieux
qu'il ne reste plus que quarante petites
olaces tout juste, et encore! aux places de
luxe à trois sous !
Au Français, il n'en saurait être de
même. noblesse oblige, et personne n'est
chargé, somme toute, officiellement, d'a-
vertir les gens qu'ils feraient mieux de s'en
aller; il faudrait pour cela créer un fonction-
naire spécial. La chose durera donc éternel-
lement,jusqu'au jour où la queue s'étendant
jusqu'aux portes d'un autre théâtre, à yau-
Zirard ou à Ivry, un brusque demi-tour
se produira vers huit heures et demie, qui
remplira la caisse d'un directeur étonné.
G. DE PAWLOWSKI.
Echos
Ce suir, à huit heures trois quarts, aux
Folies-Dramatiques, première représenta-
tion de Tourtelin s'amuse ! vaudeville en
trois actes de MM. Henry Kéroul et Albert
Barré.
(Les dames en chapeau ne seront admi-
ses ni à l'orchestre ni au balcon.)
Ce soir, à huit heures trois quarts, à
l'Athénée, répétition générale de Boute-en-
Train, comédie-vaudeville en trois actes, de
M. Alfred Athis.
Ce soir, à neuf heures, à l'Eldorado, pre-
mière représentation (à ce théâtre) de Le
Petit Babouin, pièce en un acte de M. An-
dré Mycho, et première représentation de
L'Amour, Mesdames! fantaisie en deux ta-
bleaux, de MM. Aristide Bruant et E. Joui-
lot.
L
a scène se passe à l'étranger.
Salle resplendissante de lumière et
de diamants. A la fin du « deux », une
dame de la Cour détache son bouquet de
corsage et le lance au ténor en signe d'ad-
miration.
L'usage du pays veut qu'en pareil cas
l'artiste s'incline jusqu'à terre et ramasse
le bouquet. Mais le ténor se contente de
saluer et se retire dans la coulisse.
Et comme ses camarades lui disent l'in-
dignité de sa conduite :
— J'aurais bien voulu ramasser le bou-
quet, répond le ténor — vous ai-je dit qu'il
était bedonnant? — mais voyez comme je
suis sanglé, j'aurais craqué de partout!
Et si vous voulez savoir son nom, cher-
chez un peu; il redébute ce soir à Paris.
LE QUATRAIN DU JOUR
LA BELLE ET LA PELLE
L'auto roule, un monsieur en tombe. A qui la
[faute?
C'est un crime! dit-il. Soyons plus indulgent:
Ce n'est qu'un financier qui saute,
Au cours d'une affaire Dargent!
L
'autre gloire. ,.
On a été un peu étonné de voir com-
bien M. Paul Bourget, illustrissime roman-
cier mondain, écrivain arrivé - arrivé jus-
qu'à l'Académie — s'était montré accueil-
lant pour son collaborateur d'hier, M. An-
dré Cury.
On a eu tort.
M. Paul Bourget - contrairement à
quelques-uns de ses confrères — a toujours
montré une grande bienveillance pour les
jeunes écrivains — à condition, toutefois,
qu'ils eussent du talent.
Et l'on n'a pas oublié, dans le monde des
lettres, avec quel dévouement il secourut
le grand poète Jules Lafargue, mort si pré-
maturément.
Il l'aida de toutes les manières. Il lui
procura une place de lecteur à la cour
d'Allemagne. Il fit démarches sur démar-
ches pour lui ouvrir la porte des grandes
revues littéraires et quand, malgré tous les
soins, l'auteur du Sanglot de la Terre et des
Fleurs de bonne volonté expira, à vingt-sept
ans, M. Paul Bourget s'occupa pieusement
du soin de sa mémoire.
Et pourtant, leurs œuvres étaient bien
différentes d'inspiration et de tendances.
Voilà une bonne action qui vaut bien un
beau livre.
D
édié à M. Le Bargy. ,.
Gabriele d'Annunzio, si l'on en croit
ce qu'on raconte en Italie, serait le dandy
le plus accompli de notre époque. Seul, les
milliardaires américains pourraient lui faire
concurrence pour le luxe de sa garde-robe.
En voici, d'ailleurs, un petit aperçu: ;20
chemises de grand luxe, 150 paires de bas
de soie de toutes couleurs, 250 mouchoirs,
172 cravates, 60 paires de gants de cou-
leurs, et 24 blancs, 10 robes de chambre
étincelantes, 8 parapluies de soie violette.
Quant aux chapeaux, ils sont légion, ainsi
que ses complets, redingotes, habits et par-
dessus. Neuf paires de pantoufles, enfin, se-
raient admises, à tour de rôle, à l'honneur
de chausser ses nobles pieds.
Comme ces renseignements nous font
mieux comprendre la psychologie du grand
poète, et surtout cette réponse qu'il fit der-
nièrement à un impresario qui lui offrait
deux cent mille lire pour une tournée en
Amérique :
— Deux cent mille lire!. C'est ce que
me coûtent par an mes cigarettes!.
Enfoncé, notre prince des élégances 1
L
es pièces célèbres.
A Saint-Valery-en-Caux, cet été, la
troupe du casino jouait L Artésienne.
Or, voici en quels termes un petit jour-
nal de la localité annonçait la représenta-
tion.
CE SOIR, AU CASINO
L'ALSACIENNE, de M. Léon DAUDET
Mieux qu'une perle, un collier!.
L
e duel et la grammaire.
La question des « deux balles » n'est
pas nouvelle. Guy de Maupassant l'a-
gita plaisamment dans Bel Ami (1855):
« Quand le procès verbal fut rédigé, on le
présenta à Duroy, qui devait l'insérer dans
les échos. Il s'étonna dè voir qu'il avait
échangé deux balles avec M. Louis Langre-
mont, et, un peu inquiet, il interrogea Ri-
val: « Mais nous n'avons tiré qu'une balle!»
L'autre sourit: « Oui, une balle. une balle
chacun. ça fait deux balles. »
« Et Duroy, trouvant l'explication suffi-
sante, n'insista pas. ».
Cet exemple « littéraire » fut toujours
suivi jusqu'ici.
v
ive la Pologne !
L'illustre pianiste Paderewski venait
de jouer, à Saint-Pétersbourg, devant un
auditoire composé des plus hautes person-
nalités de la cour; l'enthousiasme était im-
mense.
A l'issue du concert, le tsar fit mander
dans sa loge le virtuose, désirant le félici-
ter lui-même: « Monsieur, lui dit-il, vous
êtes un admirable artiste, et la Russie s'ho-
nore de vous compter au nombre de ses
enfants! »
Paderewski se redressa et, regardant
dans les yeux l'empereur de toutes les
Russies : « Pardon, sire, dit-il, je ne suis
pas Russe, je suis Polonais! »
Le lendemain Paderewski était reconduit
à la frontière allemande.
s
implicite.
Il est de plus en plus sérieusement
question, dans les milieux littéraires, de
l'élection de M. Georges Courteline à l'A-
cadémie française.
L'admirable auteur de Boubouroche mé-
rite certes aussi bien que personne de re-
vêtir l'habit à palmes vertes et de ceindre
l'épée à pommeau de nacre et à « rigole
pour l'écoulement du sang » dont se parent
nos Immortels.
Cependant, sa simplicité s'accommoderait
I ! sans doute assez mal de pareils honneurs.
i M. Courteline n'affecte pas, dans la vie,
le maintien auguste ou l'air distant trop ha-
bituels aux auteurs dramatiques. Il n'écrase
pas de son arrogance les directeurs. Il est
familier avec ses interprètes et il ne mé-
prise pas les machinistes.
Il y a quelques années, il faisait jouer
Les Gaietés de l'Escadron, dans un théâtre
de quartier.
Il avait, à son ordinaire, surveillé lui-
même les répétitions et il suivait en per-
sonne chacune des représentations.
C'était pendant l'hiver. L'acteur chargé
de représenter cette « crapule » d'adjudant
Flick s'était enroué et ne parvenait à parler
qu'avec beaucoup de peine.
M. Georges Courteline, malgré son aver-
sion pour l'impitoyable adjudant, s'intéres-
sait beaucoup à la santé du comédien. Cha-
que jour, il lui apportait des boîtes de dra-
gées, pastilles et pilules, et comme leur
effet n'était pas suffisant, M. Georges
Courteline, plein de sollicitude paternelle,
présidait tous les soirs, dans la loge du
concierge, à la confection d'une tisane qu'il
montait lui-même dans un bol jusque dans
la loge de l'artiste.
L'écrivain de La Paix chez soi faisait cela
tout naturellement, sans pose ni sans gêne,
et cela ne l'empêchait pas d'être un des
plus glorieux dramaturges de ce temps.
T
rout ce que l'on peut rêver de merveil-
leux, comme bibelots d'orfèvrerie, se
trouve chez Leroy. à des prix très aborda-
bles. Tous les objets exposés dans ses ma-
gasins, 22, rue Réaumur, sont ravissants,
d'un goût nouveau et d'une joliesse exquise.
A
ux abords de l'Opéra, le soir de la
réouverture, de nombreuses voitures
excitaient, par le luxe de leur carrosserie
et la simplicité de leurs châssis, l'admira-
tion des connaisseurs. Elles sortaient —
faut-il le dire? — de chez Bayard-Clé-
ment.
NOUVELLE A LA MAIN
u
n ancien directeur qui dirigea beau-
coup de théâtres, les uns après les
autres, et dont la fête — o ironie ! — tombe
un jour d'échéance, ne possède qu'une éru-
dition tout à fait primaire.
C'est lui qui disait à son chef d'orches-
tre: « Ne me mettez pas sous la coupole
de vos musiciens! »
C'est lui qui annonçait pour la pièce sui-
vante : « Une vraie consternation d'é-
toiles! »
Et il en disait bien d'autres!.
Le Masque de VerM*
Dernière heure
Littéraire
M. Paul Gavault, l'auteur dramatique bien
connu, vient d'envoyer la sommation suivante à
notre confrère Le Matin:
L'an mil neuf cent huit, le vingt-huit jan-
vier, à la requête de M. Paul Gavault, au-
teur dramatique, chevalier de la Légion
d'honneur, j'ai F. 'Lacour, huissier près le
Tribunal civil de la Seine, dit et déclaré à:
1° M. Stéphane Lauzanne, rédacteur en
chef du journal Le Matin, au bureau dudit
journal, 6, boulevard Poissonnière, à Paris,
où étant et parlant à;
2° A M. Fernand Weyl, dit Guy Launay,
critique dramatique du journal Le Matin,
au bureau dudit journal, 6, boulevard Pois-
sonnière, à Paris, où étant et parlant à ;
Que, depuis un certain temps, le journal
Le Matin et M. Fernand Weyl, dit Guy
Launay, critique dramatique dudit journal,
ont innové un système de comptes rendus
et critiques des pièces de théâtre représen-
tées à Paris consistant à rendre compte de
l'oeuvre au lendemain de la répétition géné-
rale et non de la première représentation,
contrairement à l'usage constant dans la
.presse de ne donner l'analyse d'une pièce
et l'appréciation de son interprétation qu'a-
près la première représentation ; que ce sys-
tème, indépendamment d'une réprobation
paraissant générale, a éveillé certaines sus-
ceptibilités et provoqué les réclamations
d'auteurs et des procès actuellement en
cours d'instance, malgré lesquels le journal
Le Matin et M. Fernand Weyl, dit Guy
Launay, ne paraissent pas disposés à ren-
trer dans la façon de procéder qui constitue
en quelque sorte le droit commun et l'usage
établi, et continuent à rendre compte des
pièces de théâtre le* lendemain de la répé-
tition générale, sans attendre la première
représentation ;
Que le requérant va incessamment faire
représenter, au théâtre du Gymnase, une
pièce intitulé : Le Bonheur de Jacque-
line.;
- M. Paul Gavault, requérant, fait par
les présentes défense expresse et ab-
solue, tant au journal Le Matin qu'à son
critique dramatique M. Fernand Weyl, dit
Guy. Launay, de faire paraître, dans les con-
ditions ci-dessus dénoncées et critiquées, le
compte rendu ou l'analyse du Bonheur de
Jacqueline;
Que le requérant entend, en effet, se ré-
server absolument le droit de faire, entre
la répétition générale et la première repré-
sentation, toutes modifications, suppres-
sions, additions, changement de distribu-
tion, etc., qu'il jugerait convenable d'effec-
tuer après la première impression donnée
par la répétition générale, et ce sans que le
public puisse en avoir en aucune façon, con-
naissance;
Déclarant en outre, au nom du requé-
rant, qu'au cas où il serait passé ou-
tre, M. Paul Gavault se pourvoira im-
médiatement, par les voies judiciaires,
tant contre le journal Le Matin que s'il y
échet contre son rédacteur M. Fernand
Weyl, dit Guy Launay, afin d'obtenir con-
damnation à un franc de dommages et inté-
rêts par chaque exemplaire du journal paru
contenant un article en contravention avec
la présente défense.
Signé; F. LACOUR,
- THÉÂTRE DU VAUDEVILLE
UN DIVORCE
Comédie en trois actes
de MM. Paul Bourget
et André Cury
SOMMAIRE
ACTE I.— Autour et à propos de Madame Dar-
ras mère, convalescente et très fervente catholi-
que, nous sont présentés les cinq protagonistes
d'un drame d'idées, qui aura de tragiques péri-
péties passionnelles découlant de ce fait unique,
dans des conditions spéciales: un divorce.
Darras est un libre penseur, honnête et pur,
en qui vivent les croyances modernes au' pro-
grès, a la justice, à la possibilité d'un état social
fondé sur la seule philosophie humaine et ne de-
mandant aucune aide à la religion.
Sa femme, Gabrielle, a reçu une éducation ca-
tholique; mais, mal mariée à un gentilhomme
sans aucune valeur intellectuelle ni morale, elle
en a divorcée pour épouser Darras, dont les no-
bles pensées lui ont fait oublier sa foi de jadis.
Mlle MARTHE BRANDES (Reutlinger, phot.)
La fille qu'elle a eue de ce nouveau mariage
est sur le point de faire sa première communion;
et la foi, de jadis, en cette occurrence, remonte
au cœur, de la mère..
Lucien est le fils que Gabrielle a eu de son
premier mariage. Il a été élevé par Darras, avec
une tendresse très paternelle, et, d'ailleurs, dans
les opinions mêmes du libre penseur. Car
Darras, - dont la tolérance a permis l'éducation
religieuse donnée par Gabrielle à sa fille, ,s'est
fait un devoir de rendre Lucien un homme
absolument moderne, et de lui inculquer toutes
les.audaces de sa philosophie libertaire. Lucien,
au reste, est aussi un être pur et droit.
Berthe, la garde-malade de Madame Darras est
une jeune étudiante en médecine, élève du .doc-
teur Louvet, et appelée au plus bel avenir scien-
tifique. C'est tout à fait le type de la nouvelle
femme émancipée, , à .l'intelligence virile, au-ca-
ractère, énergique, affirmant la doctrine de l éga-
lité des sexes par une haute valeur intellectuelle
et morale qui en fait précisément une personna-
lité digne d'être enviée par n'importe quel hom-
(Photo Paul Boyer.)
! Mlle JEANNE HELLER
me supérieur. Cela, d'ailleurs, n'empêche pas,
sur ce fond de raison grave, les dehors les plus
aimables d'une féminilité toute en grâce char-
mante.
Enfin, discret porte-parole des auteurs, nous
est montré, jusqu'au plus intime de sa conscien-
ce catholique, le père Euvrard, ancien polytech-
nicien, défroqué de la science, si l'on peut dire,
qui fut le camarade de Darras à la fameuse Eco-
le, et qui est aujourd'hui oratorien, un prêtre
entièrement orthodoxe et sévère, mais ayant,
semble-t-il, conquis, par la largeur même de son
ancienne culture scientifique, le droit d'en rê*
venir aux plus étroites lisières de la règle que
croit devoir imposer la religion. -
Ces divers personnages, nettement et adroi.
tement posés et connus, l'action s'engage dès
l'exposition, à la façon dont une combinaison
chimique s'opère, une fois les éléments donnés
mis en présence.
Lucien est pris pour Berthe d'une affection
très vive, qu'il croit être un désir de camara-
derie. Mais Darras, paternel, flaire la vérité, va
aux renseignements, apprend que Berthe a ea
avec un étudiant une liaison dont un fils est né..
Pour arracher .Lucien à cet amour, qu'il juge
indigne, il veut l'emmener faire un long voyage.
Il en profitera pour emmener aussi Gabrielle.,
afin de couper court à ses récurrences catholi-'
ques.
» Consulté par Gabrielle, le père Euvrard lai
a formellement déclaré qu'elle ne pouvait re-
prendre place à la Sainte Table le jour où la
fillette ferait • sa première communion. A-a re-
gard de l'Eglise, en effet, affirme Voratorien ri-i
gide, Gabrielle n'est point la femme légitime de
Darras, ce mariage n'étant que civil, et lf fem-
me divorcée remariée est Mors.du catholicisme4
en état de continuel péché mortel.
Lucien,. à qui Darras a dû communiquer sea
fâcheux renseignements sur Berthe, se révolte
contre ce qu'il prétend être d'infâmes calomnies.
Ainsi, comme l'a prédit l'oratorien, le divorce
a porte ses premiers mauvais fruits, en détrui.
sant la paix, l'autorité, le bonheur, dans la
ménage de Darras, que n'a point béni l'Eglise.
ACTE U. - Grande explication, d'abord., entré
Berthe et Lucien. Elle ne nie rien, ne cherche
même pas les banales excuses de la séduction,
de l'innocence trompée; elle avoue hautement, la
hautaine fille émancipée, qu'elle a pratiqué
l'union libre, puisque tels étaient ses principes
sur cette question des sexes. Elle a commis une
erreur en choisissant mal. Elle n'a aucune 40nta
à en eprouver..
Autre exPlication entre Lucien et Darras. Lui
aussi, Lucien est partisan de l'union libre, théo-
riquement. Darras ne lui a-t-il pas enseigné que
vers cet idéal -évoluait la justice moderne; En at-
tendant cet idéal, Lucien, pouvant le faire, épou..
serait civilement Berthe, si Berthe y consentait.
Darras la croit une intrigante, une aventurière.
Lucien essaie en vain de la défendre. Dans la
chaleur de la discussion, il va jusqu'à dire qUI
son cas est le mêmè que celui d'un homme
épousant une femme divorcée.
Devant cette affirmation, que Darras juge ulla
insulte à Gabrielle, sa femme, la mère de La.
cien, il veut que Gabrielle elle-même parle à ce
fils ingrat et irrespectueux. Cassimilation outra-
geante est répétée. Gabrielle s'évanouit. Darras
chasse, Lucien. Gahrielle> revenue à elle, tout
à fait reprise par ses anciens sentiments reli-
gieux, trouve qnae LTvSien a eu raison de penser
ce qu il pense, que Darras est illogique, que le
divorce est un lâche compromis, mly a
point de mariage valable hors de l'Eglise.
ACTE III. - Berthe vient eXpliquer sa con-
duite à madame Darras mère, à Gabrielle aussi,'-
et ramène a cette mère éplorée son fils absent.
Mais, avant, elle a déclaré qu'elle et Lucien de-
meureraient un an sans contracter l'union libre
qui est le seul aboutissement logique de leur
histoire.
Lucien vient demander à sa mère le pardon,
Pour son père, dont il a recueilli le dernier
soupir repentant. Il dit adieu à Darras, après
avoir laissé déborder de son CÇBur toute l'amer-
tume des souffrances qu'il a endurées dans sa
situation d'enfant jaloux, élevé par un étranger,
si bon qu'il fût. Il ne fait aucun reproche à sc
mère, qu'il adore; mais il lui a prouve qu'il ni
pouvait plus, ayant revu son vrai père, vivre au.
près de Darras, en le traitant comme son père.
Exaltée dans son catholicisme jusqu'à l'exas-
pération, Gabrielle constate que le divorce. le
mariage civil, sont les causes de toutes lesca-
tastrophes fondant sur elle. Son premier mari
étant mort, elle pense que Darras doit èonsentir
maintenant au mariage religieux, seul capable de
rendre la paix au ménaee.
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