Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-01-23
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 janvier 1908 23 janvier 1908
Description : 1908/01/23 (A2,N115). 1908/01/23 (A2,N115).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646499b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
20 Année. - No 115 (Quotidien}
he Numéro : S centimes
«seuâi 23 Janvier 1908*
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boufeuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Pa --
*ar*s et Départements 24 fr. 12 fr.
tranger 40 » 20 i
RÉDACTION & ADMINISTRATION ;
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA.PARtS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
- -
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
l: CONTES PROBABLES
-.
hans l'ascenseur
Depuis six mois, Elodie Pignoche et moi,
nous nous aimions. Depuis six mois, les
circonstances ne nous avaient point permis
de nni ,? donner l'un à l'autre.
en c Odle débite de la mercerie, la journée,
que CO!nPagnie de Pignoche, dans la bouti-
que Située au 17 de la rue du Général-
Foy. Elle ne saurait donc, de huit heures
du matin à huit heures du soir, échapper
à la
Le Soir elle se rend, seule, au Théâtre-
Réjane, - elle est ouvreuse. Elle pourrait
m'accorder un rendez-vous après le spec-
tacle. Hélas! je suis concierge! Essayez
donc aPPer à la surveillance de votre
femme tre huit heures du soir et huit
heures du matin, lorsque vous partagez
avec elle, dans la loge, un même lit! Si
j'avais la malencontreuse idée de décou-
cher, dix minutes après mon départ, un lo-
cataire indélicat, sans se soucier d'éveiller
POUr rec'amerait le cordon pour entrer ou
pour ^prtir. Et crac ! je serais pincé !
A dix Heures, hier matin, le « cinquième
étage», à l'instar du premier, du deuxième,
la CÔtlSleme et du quatrième, est parti pour
la Côte d'Azur. Pour la première fois, de-
puis dix ans que nous sommes préposés,
Marie ?t moi, à la garde de l'immeuble qui
porte le numéro 22 de la rue du Général-
Foy, nous nous trouvions n'avoir plus à
ga rder
garder que nous.
A nze heures, sous prétexte d'acheter
une p? Ine de fil, je me suis précipité chez
0che. Gustave Pignoche était oc-
Atrne dills l'arrière-boutique. J'ai déclaré à
Mme Pignoche:
- Je veux, Elodie, je veux que ce soir
même, Gus soyez enfin à moi!
'- lUI al exposé mes projets en détail:
NdaniCOutez~moi un instant, Elodie. Indé-
pendament de la loge, M. Durand, le pro-
priétaire, nous concède une petite chambre
r°nflerem6' A minuit, tandis que ma femme
rongera , je me relèverai sans bruit. Après
glissera- I5atement tiré le cordon, je me
Thp* hors de la loge. A votre retour
du Théâtre-Réjane, au lieu de rentrer di-
rectement au 1,1 de la rue du Général-
Foy, vous Pénétrerez chez nous, au 22.
Vous trouverez la porte-cochère entre-bâil-
lée. J e vous attendrai au pied du grand es-
calier. us nous précipiterons dans l'as-
ce ser" Et, deux minutes après, ce sera.
frand k'" 'le bonheur. le bonheur. le
• Ê]jfi n*\eur> Elodie. mon Elodie.
Elle avait gardé le silence pendant que
je parlais. D'une voix défaillante, elle mucr-'
maura
- SOit , ce soir. après le théâtre. je
viendrai. Comment vous résister, Jo-
Ah! Ces femmes de théâtre, on a bien
raison de dire qu'elles ne-eaont pas comme
les autres 1
J'étais assis, depuis quelques minutes,
dans gr obscurité, - sur la troisième marche
euerind escalier. J'entendis quelqu'un tra-
r a voûte sur la pointe des pieds.
- Elodie, ma Lolo, ma Didie, je t'aime,
je t'adore.Tu vois, mon plan a réussi à
Vite Ille. Marie dort à poings fermés.
Vite ne Perdons pas une minute.
- Tu as raison, mon Jojo, mon Seseph,
dépêchons-nous. Je rentre, en général, à
minuit et demie. Je ne puis rentrer après
jj Ur®« ce soir, Gustave me ferait une
^ètie de Jalousie.
Elo et moi, nous prîmes place dans le
Petit> d ans l'exquisement petit ascenseur.
petit, d'ins l'exquisement petit ascenseur.
Mon allégresse était extrême. Nous mon-
tions au Sixième étage. J'avais la sensation
de monter au septième ciel.
L'ascenseur s'élevait depuis un instant.
Il s'arrêta. Je m'aperçus que nous n'étions
pas en core parvenus au terme de notre pe-
fit e Yage. Nous nous trouvions immobili-
sés entre le premier et le second étage, à
égale distance des deux paliers.
n aurais pas tiré assez for tdsdért
die n'aurais pas tiré la corde assez fort
au départ, constatai-je. Je vais la remettre
en marche. Ce n'est rien!
J'avais dit : Pas~~ « Ce n'est rien 1 » Je ne tsr-
dai pas à percevoir la gravité de la si-
tuation. , Avions-nous négligé de fermer I&
h prte„D!^re au rez-de-chaussée? Je tiraif
la cord De de haut en bas; l'ascenseur ne dai-
gnait pas reprendre sa course vers les éta
jtes s rieurs* Je tirais la corde de bas en
haut, il ne daignait pas non plus redescen-
dre vers les étages inférieurs.
Si, lktUrtn SI, au moins, un locataire rentrait!
murmura iodie. Il nous porterait secours.
- Hélas ! 1 ma pauvre chérie, tous les
CRtaI' res sont en villégiature, ripostai-je
Oltrs! re. il ne rentrera personne avant huit
jours ! 1
Nous ne Pouvions demeurer une semaine
entière ~e pouvions demeurer une semaine
Il faIt. entre le premier et le second étage.
a tout prix, trouver un moyen de
nous échapper de notre souricière.
Elodj insinua que si j'étais un homme
de cœur, sans hésiter, je me laisserais im-
médiatement tomber sur le palier du pre-
mier. e ne demandais qu'à paraître un
homme de cceur à ses yeux. Malheureuse-
ment, dans ma chute, j'aurais pu me briser
les jambes.
Les minutes s'écoulaient. Je ne savais
quel parti Prendre. Je frottais machinale-
Sent h es allumettes. Subitement, ElocH^-
s'écria :
- Sommes-nous bêtes ! Approche ton al-
lumette par ici. Mais oui, nous sommes
S0tineri donc cette plaque, Joseph:
°nnetie * concierge! Nous n'avons qu'à
---1
- Tu to Il dis ?. Mais, ma pauvre chérie,
dans ton affolement. tu oublies que le con-
cierge c'est rnoi. Je ne peux matériellement
me trouxer , en ce m oment, dans la loge,
puisque je SUIS Ici! La seule personne qui
femme! à notre appel, ce serait ma
\: -\;(lJe h
heures sonnèrent i -..,-.:-Augustin.
°'lès On gré mal gré, l'i nre l'autre,
Ce s ce petIt, dans ce ridicu nt petit as-
ju^eni-
1. ~rassés de fatigue. El.:c murwara : j
': a°ord rnonsieur Lesc -d >e vous J
ai jamais aimé. Et puis, vous êtes un imbé-
cile. Quand on est concierge, que diable,
on pense à fermer une porte! » Sans amé-
nité, je lui répondis : « Oh! ie sais bien,
Madame Pignoche, vous n'êtes qu'ou-
vreuse, vous. Vous ne pouviez songer qu'à
l'ouvrir! »
Successivement, nous entendîmes son-
ner trois heures, quatre heures, cinq heu-
res. On n'apprécie vraiment, à leur valeur,
les plus simples satisfactions de l'existence,
que lorsque l'on en est privé. Nous aurions
donné une fortune pour pouvoir nous as-
seoir un instant, fût-ce sur un tas de cail-
loux pointus ! Nous aurions donné un
royaume, pour pouvoir marcher un peu,
fût-ce sous une pluie torrentielle!
Le jour commença à poindre. Ensemble,
nous déclarâmes:
— Je n'en peux plus. Il est évident que,
tôt ou tard, cette brave Marie nous déni-
chera ici.
Pourquoi, somme toute, ne sonnerions-
nous pas?
Nous avions déjà appuyé nos pouces,
énergiquement, à trois reprises, sur le bou-
ton d'appel. Nous commencions à éprouver
une appréhension. La sonnerie, par hasard,
la sonnerie était-elle cassée!. La lumière
électrique s'alluma dans l'escalier. J'enten-
dis ma femme pénétrer dans le vestibule.
— Quel est le polisson, grognait-elle, qui
s'amuse avec l'ascenseur à cette heure-
ci?. Si je savais seulement où est passé
mon animal de mari.
Elle ne savait pas où j'étais passé! Hé-
las! elle ne devait guère tarder à être ren-
seignée !
Nous avions beau crier en contrefaisant
nos voix: « Ne vous dérangez pas, ma-
dame la concierge, je vous prie. Ayez l'o-
bligeance de fermer simplement la porte-
palière du rez-de-chaussée! » Impitoyable,
inexorable, elle gravissait les étages: « Mi-
nute, minute!. J'arrive! » j
Elle arriva. Elle stopa. Elle leva la tête.
— Hein?. Hein!. Comment, toi, Jo-
seph. c'est toi, et avec Mme Pignoche!.
Toi!.. Elle!. Ah!. ah !. Ah ;! c'est comme
ça que c'te espèce de pas grand'chose te
détourne de tes devoirs! Vous êtes une jo-
lie paire de saligauds! Monsieur donne ses
rendez-vous dans l'ascenseur. Et madame
me sonne pour me montrer qu'elle m'a volé
monsieur!.
Elle s'installa sur la banquette de ve-
lours. Elle se mit à nous invectiver gros-
sièrement. Elle était confortablement assise
sur le palier du premier étage d'un im-
meuble situé au centre de Paris. Elle sem-
blait plutôt, cependant, faire une hâtive pro-
menade au Jardin d'Acclimatation, s'arrêter
devant les cages, et dire chaque fois, tout
haut, le nom de l'animal retenu derrière les
barreaux.
— Vous êtes un lâche, monsieur Le-
sourd ! me répétait sans cesse Elodie à mi-
voix. N'entendez-vous pas que cette femme
m'injurie? Empêchez-la de continuer.
— L'empêcher!. Vous êtes bonne,
vous! répondais-je sans cesse à mi-voix à
Elodie. Comment l'empêcher? Empêchez-
là, vous, si vous pouvez!
Je me décidai finalement à prendre, vis-
à-vis de ma femme, une attitude mena-
çante :
— Tu me paieras ça, Marie!. C'te tri-
potée que tu vas recevoir!..
Elle éclata de rire:
— Une tripotée? Monsieur plaisante!
Pour me donner une tripotée, faudrait d'a-
bord qu'il soit en liberté! C'te tripotée-là, je
ne là recevrai que quand je le voudrai bien.
Et, ma foi, j'y suis pas encore décidée!
Ma femme nous avait abandonnés.
Elodie et moi, nous devinions sans peine
où elle avait dû porter ses pas. Elle était,
évidemment, allée chercher le commissaire
de police. -
La perspective d'un divorce nous sem-
blait, certes, lamentable à tous deux. Les
douleurs morales, cependant, ne sont rien
par rapport aux douleurs physiques. Nous
nous consolions presque de savoir notre
avenir brisé, à la pensée que nous, qui
étions brisés aussi, nous allions, enfin, pou-
voir nous asseoir!
Marie était à peine partie depuis un quart
d'heure, nous l'entendîmes rentrer. Nos
,révisions se réalisaient. Elle ne revenait
'as seule.
— Mais non, ce n'est pas encore le com-
njissaire ! s'écria Elodie. La rosse! Je re-
connais la voix de mon mari. Elle a tenu à
prévenir d'abord Gustave!.
Ma femme et M. Pignoche montaient ra-
oidement l'escalier.
— Ce n'est pas possible! marmottait M.
Pignoche.
- C'est tellement possible que cela est;
rioostait ma femme.
Parvenue au palier du premier, Marie
étendit le bras dans notre direction. Elle
se tourna vers M. Pignoche:
— Eh bien! Eh bien!. Gustave. les
vois-tu, à présent? Non, mais regarde-les!
Dire que j'ai été assez bête, depuis six
mois que tu m'aimes, mon chéri, et que tu
me supplie chaque jour de devenir ta maî-
tresse, pour ne pas te céder!. Oui, em-
brasse-moi, mon amour.
IL L'embrassa. Ils s'embrassèrent.
— Et puis, tiens, mon Tatave, reprit ma
femme, je ne sais vraiment ce qui nous
retient, à présent!. Ce n'est pas eux,
n'est-ce pas, qui pourront courir chercher
le commissaire?. Allons, viens, descen-
dons tout de suite dans la loge.
Il n'était sans doute pas très digne, de
la part d'Elodie, de réclamer, en l'occur-
rence, un service de son mari. Il n'était cer-
tes pas très digne de ma part de solliciter
la moindre faveur de ma femme. Nous mur-
murâmes pourtant:
— De grâce, délivrez-nous !
Tendrement enlacés, ma femme et Pigno-
che commencèrent à descendre l'escalier.
Dédaigneusement, ils laissèrent tomber ces
mots *
— NonI on vous dit non!. Tout à
l'heure!
(Traductison réservée.)
Max et Alex FISCHER.
Nous publierons demain un article de
CÀJLIBAN 1
Déterminisme
dramatique
Les personnes qui ne peuvent s'imaginer
comment on pouvait jouer sans décors au
temps de Shakespeare n'ont, pour s'en faire
une idée, qu'à s'en aller voir les Siciliens.
Elles comprendront du même coup, en com-
parant leur théâtre primitif au nôtre, quelle
fut l'évolution de l'art dramatique pendant
ces derniers siècles et l'importance crois-
sante que l'on y donne aux problèmes gé-
néraux qui s'agitent au-dessus des simples
individualités.
Autrefois, l'expression personnelle était
tout et la vie entière se résumait dans les
passions de l'individu; aujourd'hui, c'est
plutôt par les objets matériels que se déter-
minent les situations individuelles, et l'on
aurait tort de voir là, comme on le fait sou-
vent, un simple signe de décadence. Si
l'ameublement, si le costume, si les décors,
en un mot, prennent au théâtre l'importance
qu'ils ont aujourd'hui, ce n'est point, com-
me on le dit, en vertu d'un appauvrisse-
ment des idées et d'une déchéance de l'art
dramatique. Ce n'est, au contraire, que par
reflet d'une civilisation très avancée, telle
qu'on en peut trouver seulement dans un
pays où l'histoire des morts détermine en
grande partie l'histoire des vivants, et où
les matérialisations d'idées réalisées par
l'art dominent les passions individuelles, les
dirigent et préparent des actes généraux
qui dépassent de beaucoup ceux de l'indi-
vidu.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
p
our les sourds.
Un de nos confrères parlait ces jours
derniers de l'adaptation, a quelques rangs
des fauteuils d'orchestre d'un théâtre amé-
ricain, de systèmes acoustiques destinés à
apporter toutes les paroles des acteurs aux
spectateurs atteints de surdité. L'informa-
tion est exacte. De plus, elle nous arrive en
même temps qu'une autre, très intéressan-
te, de Berlin.
Les directeurs de l'Opéra de la capitale
prussienne, pour faciliter la compréhen-
sion de leurs pièces aux personnes qui ont
la vue courte et l'ouïe dure, ont imaginé ce
qui suit:
Au moyen d'un appareil à projection, les
mots de la pièce que l'on chante sont re-
produits, en lettres distinctes, au-dessus dç
la scène. Le texte apparaît ligne par ligne,
au fur et à mesure qu'on le chante, et cela
se produit de la façon la plus simple. Le
souffleur, qui lit la partition placée sur des
rouleaux, n'a qu'à presser un bouton pour
faire avancer, sur le tableau du haut, les
lignes d'une autre partition identique, mais
écrite en très gros caractères.
L'invention est, dit-on, peu coûteuse, fa-
cile à manier, et rend les plus grands ser-
vices pour les représentations en langues
étrangères.
Dédié à MM. Messager et Broussan.
c
onfrère.
Nous disions - hier que notre excel-
lent confrère Emile Max, qui succéda, com-
me critique dramatique au Radical, à MM.
Biguet et Henry Bernstein, était le frère de
M. Maujan. Mais ce n'est pas seulement
cette parenté qui lui fit attribuer la critique
théâtrale.
M. Emile Max s'est, de tout temps, beau-
coup occupé de théâtre. Il fut aux Nations,
à la Renaissance, à l'Eden-Théâtre et à
l'Opéra-Comique, un avisé secrétaire géné-
ral. Il fut critique théâtral à la Revue cri-
tique, à L'Action, au Patriote, à La Paix
et à La France Libre. Et, enfin, il signa
plusieurs ouvrages dramatiques, entre au-
tres Les Cambrioleurs et La Carmagnole.
On voit que M. Emile Max était particu-
lièrement désigné pour juger les choses de
théâtre, qu'il discute avec une compétence
et une impartialité très remarquées.
c
eux qui s'en vont.
On a enterré hier une femme de
lettres qui eut son heure de célébrité. Mère
de M. Pierre Berton, l'auteur applaudi de
Zaza, fille de Samson, de la Comédie-Fran-
çaise, Mme Caroline Berton était la femme
de Francis Berton, le créateur du Gendre
de M. Poirier, du Demi-Monde et du Mar-
quis de Villemer.
Romancière et auteur dramatique, elle fit
représenter avec succès Les Philosophes
de vingt ans à la Comédie-Française. Elle
a publié plusieurs romans dont Rosette,
Le Bonheur impossible et Les Lettres de
Claude.
L
eurs superstitions.
Puisque de nombreux artistes vi-
vants, et bien vivants, viennent de répon-
dre à Comœdia pour nous indiquer leurs
superstitions, leurs particularités, leurs
tracs, on ne sera peut-être pas fâché de
trouver ici aujourd'hui quelques souvenirs
de l'illustre Mme Ristori et du non moins
illustre Talma.
Les jours de grande première, Mme Ris-
tori ne pouvait s'empêcher d'aller promener
dans les cimetières son émotion angoissée.
Elle lisait lentement les inscriptions funé-
raires et « se sentait émue jusqu'aux lar-
mes de ces témoignages de la douleur hu-
maine ».
Talma, lui, était moins rêveur. Il fallait
qu'il se surexcitât. Et son malheureux ha-
billeur, habitué aux « torgnoles » des gran-
des représentations, recevait du célèbre co-
médien toutes les injures possibles. et
même pas mal de coups.
Et l'on put dire que Talma battait ainsi
le rappel, chaque rudesse de l'artiste fa-
meux lui valant, à la fin de l'acte, un rappel
des spectateurs enthousiasmés.
erlaine collaborateur dramatique de
Coppée.
Verlaine. dont notre ami Charles Morieft
nous a si délicieusement rappelé le souve-
nir Itfer, à* l'Odéon, avait été l'intime ami
de Coppée. Les deux poètes s'étaient fré-
quentés, ils avaient même rimé côte à côte.
Le Reliquaire et les Poèmes saturniens pa-
rurent le même jour et obtinrent semblable
succès. De plus, ce fut Coppée qui présenta
Verlaine à Poulet-Malassis et obtint de lui
l'édition des Amies.
Un jour, la fantaisie leur vint d'écrire
une revue poétique en collaboration.
Cela s'intitulait Tout Paris à Bobino.
Bobino —: les vieux Parisiens le, savent —
était un théâtre célèbre sur la rive gauche.
C'est sur cette scène que ladite revue fut
représentée, et avec un certain succès.
Tout Paris à Bobino fut joué en 1869 et
imprimé cette même année dans le journal
de Le Guillois, Les Hannetons.
Comme tout cela est loin déjà!.
LE QUATRAIN DU JOUR
HABILLEZ-VOUS RICHEMENT.
Des gants noirs, une vogue où nous nous som-
Un âpre talent'de divette, [mes plu,
Vous trouverez tout ça — puisqu'elle n'en veut
Au Vestiaire d'Yvette. [plus! -
L
e monde des théâtres et celui de l'au-
tomobile ont toujours entretenu les
meilleures relations, En voici une preuve
de plus.
Sous ce titre: « Tout Paris dans les Voi-
tures Unic », M. Georges Richard expose
en ce moment, au foyer des Nouveautés et
dans la vitrine, 15, boulevard des Italiens,
un double phaéton en bois découpé dans
lequel défileront tour à tour les personnali-
tés les plus parisiennes, très spirituellement
caricaturées par de Losques, le dessinateur
attitré des théâtres. On y pouvait voir hier
MM. de Fiers et Caillavet, conduisant à la
centième leurs interprètes de. L'Amour
veille. Aujourd'hui c'est le café-concert
avec Dranem, Claudius, Polin, Jeanne
Bloch. Dans quelques jours.»mais chut!.
Vous saurez que bientôt on n'appartien-
dra plus au Tout-Paris si le crayon de
de Losques ne vous a pas assis dans cette
petite voiture Unie.
L
es chauffeurs de la Compagnie géné-
rale des Voitures automobiles sont en
grève. Avec rappiication au repos neDGO-
madaire, on assure que l'une de leurs prin-
cipales revendications est née du désir de
voir leurs voitures munies de l'antidéra-
pant Francia, qui évite les accidents si gra-
ves dûs au dérapage. En vente: 3, rue de la
Bienfaisance.
c
hez Champeaux, au dîner des Théâ-
tres - où Tout-Paris chaque soir se
donne rendez-vous, un sociétaire ae ia
Comédie-Française racontait qu'un acteur,
il y a quelques jours, en province, manqua
subitement de mémoire en jouant le rôle
de don César de Bazan dans Ruy Blas. Et,
dans la fameuse apostrophe à don Salluste:
« Je vous laisse. etc. », ayant à dire:
a Je vis avec les loups, non avec les ser-
pents! », se mit à hurler, dans sa détresse
de mémoire :
Vous êtes un vieux loup et je suis un serpent!
On juge de l'ahurissement de l'auditoire.
NOUVELLE A LA MAIN
hez l'imprésario :
— Je vous recommande tout parti-
culièrement ce comique. U est un nomme
sérieux!.
Le Masque de Verre.
Un Concours
de Ténors
organisé par Comœdia
et Musica
Les premiers résultats
Nous avons dit l'invraisemblable succès
remporté à Toulouse et à Bordeaux par no-
tre Concours de ténors.
A Toulouse, notre excellent confrère La
Dépêche n'a pas recueilli moins de cent cin-
quante concurrents.
A Bordeaux, La France du Sud-Ouest en
a réuni plus de cent. -
La liste des qualifiés pour la grande
finale, qui aura lieu en avril, s'établit en ce
moment comme suit:
PARIS
- MM. Paul Frans, Baëtens, Albino, R.
Lassalle, Emile Bousqué, Ancelin, Barrel-
lier, Lorphelin, Guérin.
A cette liste viendront s'ajouter les lau-
réats d'une seconde éliminatoire dont nous
dirons bientôt la date.
TOULOUSE
MM. Fallandry, Loubressart, Villeneuye,
Dominique.
BORDEAUX
MM. Cazenave, Iriarte, Georges Foix,
Roger Pêle.
NICE
M. Ichino (liste à compléter).
DIJON
M. Accard (liste à compléter).
On peut s'inscrire pour ta deuxième
éliminatoire de Taris
Nous publierons d'ici quelques jours le
règlement du Concours de ténors, règle-
ment qui servira aussi bien pour la seconde
éliminatoire de Paris que pour la finale.
Dès maintenant, les inscriptions sont ou-
vertes pour la deuxième éliminatoire et
nous publierons au jour le jour les noms de
tous les candidats.
Les inscriptions sont reçues en nos bu-
reaux, 27, boulevard Poissonnière, à Paris.
COMŒDIA.
A LA SOCIÉTÉ DES CONFÉRENCES
La première Conférence
de M. Jules Lemaître
sur Racine
La série de conférences sur Racine,
commencée hier, par M. Jules Lemaître,
dans l'étroite salle obscure de la Société
de géographie, peut être regardée comm».
l'événement littéraire et mondain le plus
considérable de la saison.
Déjà, l'an dernier, la suite d'études de
l'éminent critique sur Jean-Jacques Rous-
seau àvait obtenu un retentissant succès.
Chaque semaine, une foule qui, pour être
compacte, n.'en était pas moins élégante, se
bousculait dans le vestibule du faubourg
Saint-Germain. Racine ne soulèvera pas
une curiosité moindre.
Cette séance d'inauguration avait attiré
une quantité de Parisiens et, surtout, de
Parisiennes.
Il est impossible de citer tout le monde,
car les rangs serrés de chaises étaient oc-
cupés par des dames évidemment pleines
M. IULES LEMAITRI! (Henri Manuel, SPftotï
M. JULES LEMAITRE
de grâce, mais dont les plumets immodé-
rés et les aigrettes impitoyables dissimu-
laient tout horizon.
J'ai cependant pu constater la présence
de Mmes Jeanne de Rothschild orincesse
d'Elchingen, comtesse Murât, Pierson, vi-
comtesse de Jumilhac, comtesse de Gram-
mont d'Oster, vicomtesse de Maupou, Mme
Negropontès, comtesse de Vogüé, Mme de
Saint-Marc Girardin, Mme Roland-Gosselin,
Marie Leconte, Simone, baronne de Cotan-
çon, princesse de Nélidoff, Mme de
Noailles.
MM. Thureau-Dangin, Gazier, Ed. Rod,
général Bonnal, Paul Déroulède, René Ba-
zin, Alb. Vandal, Henry Houssaye, Pierre
Mortier, André Beaunier, G. Deschamps,
R. Doumic, Willy Blumenthal, comte de
Germiny, Gallimard, Calmann-Lévy, vi-
comte de la Redorte, Jules Bois, Léon Dau-
det, comte Daru, Adrien Mithouard, comte
de Kergorlay, Alexandre Debray, etc., etc.
Vous pensez bien qu'un pareil public se
garda des manifestations d'enthousiasme
intempestives, mais chacun des traits, cha-
cune des périodes du discours de M. Le-
RACINE
maître, furent salués d'applaudissements et
sourires discrètement approbateurs.
On connaît la' séduisante diction, la voix
sympathique, claire et musicale de l'auteur
du Pardon.
Hier encore, il a su. pendant une heure
et demie, tenir son auditoire sous Id
charme.
Très simplement et sans affectation, lai
tête inclinée et le visage comme empreint
d'on ne sait quelle mélancolie, il a parlé
avec abondance et précision. Il n'a pas
émaillé d'ironie son langage. Il a dit en
phrases toujours naturelles et vives son
admiration pour -Racine et les raisons de
l'admirer, et il nous a décrit très délicate.
ment l'enfance du grand poète.
C'est en entendant un pareil causeur
qu'on goûte dans toute sa saveur notre
« doux parler » de France.
Et cependant, son sujet ne le servait
guère. Cette première conférence, consa-
crée à l'enfance de Racine et à l'influence
qu'exerça Port-Royal sur sa formation, ne
prêtait pas à 'des considérations très
neuves.
Sainte-Beuve a laissé, sur cette matière,
un monument définitif et M. Jules Lemaître
s'est contenté, dans la plus grande partie
de sa causerie, de nous résumer en quel-
ques traits d'une netteté habilement rac-
courcie, les intéressantes physionomies du
discret Nicolle, de l'humble Lancelot, du
brillant Antoine Lemaître et de l'original
Hamon, les quatre maîtres du jeune Ra-
cine.
Il a recherché aveo subtilité quel pouvaii
être la part de chacun dans la formation
du génie de l'auteur d'Andromaque, et il
s'est d'abord appliqué à une forte mais un
peu aride analyse du caractère janséniste.
Il nous a montrée la lutte intérieure de ces
consciences si profondément religieuses et,
en même temps, si passionnées, et il nous
a fait voir là une particularité qui comp-
tera pour beaucoup plus tard dans l'origi-
nalité d'une tragédie comme Phèdre.
M. Jules Lemaître disposa sans pédan-
tisme ces bases assez peu nouvelles mais
indispensable à la suite de son étude, et il
trouva des mots finement exoressifs pour
nous dépeindre l'enfance délicieuse dl.
jeune Racine, dans les allées boisées de
Port-Royal. Il nous le fit accompagner dam.
ses promenades rêveuses autour de l'étanz
Il nous fit assister au développement in-
time de sa sensibilité. Il nous lut ses pre-
miers vers, si joliment puérils. Il nous con-
ta l'ardeur clandestine du jeune disciple de
Port-Royal pour la lecture des romans
grecs.
Bien que M. Jules Lemaître ne se sr
pas piqué de nous révéler là des faits
^connus — et comment pourrait-on le fai
— cette partie de sa conférence, la s
conde, fut la plus attachante et la mie
réussie.
Et ce n'était pas seulement la netteté des
vues et l'excellence des termes que l'on
aimait dans ses paroles: on y sentait — et
c était leur plus grand mérite — une ten-
dresse profonde, éclairée, sincère pour l'a-
dolescent de génie qu'elles étudiaient. Car
M. Jules Lemaître n'est pas seulement un
des plus intelligents dçunos contemporains.
Il n'est pas seulement doué des plus rares
et des plus aiguës facultés d'analyse, il
possède encore le don précieux de sympa-
thie.
Sa prédilection évidente pour Racine par-
fumait — si l'on peut dire — ses propos
d'une sorte d'émotion pénétrante et douce,
charmante et communicative.
Certes, il pourrait émettre, sur d'autres
sujets des idées plus imprévues et oui frap-
peraient davantage; mais il est bien peu
probable qu'il puisse, mieux qu'en parlant
de Racine, satisfaire aux exigences de sa
sensibilité fine, sobre et si française.
EDOUARD HELSEY.
he Numéro : S centimes
«seuâi 23 Janvier 1908*
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boufeuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Pa --
*ar*s et Départements 24 fr. 12 fr.
tranger 40 » 20 i
RÉDACTION & ADMINISTRATION ;
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA.PARtS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOIS
- -
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
l: CONTES PROBABLES
-.
hans l'ascenseur
Depuis six mois, Elodie Pignoche et moi,
nous nous aimions. Depuis six mois, les
circonstances ne nous avaient point permis
de nni ,? donner l'un à l'autre.
en c Odle débite de la mercerie, la journée,
que CO!nPagnie de Pignoche, dans la bouti-
que Située au 17 de la rue du Général-
Foy. Elle ne saurait donc, de huit heures
du matin à huit heures du soir, échapper
à la
Le Soir elle se rend, seule, au Théâtre-
Réjane, - elle est ouvreuse. Elle pourrait
m'accorder un rendez-vous après le spec-
tacle. Hélas! je suis concierge! Essayez
donc aPPer à la surveillance de votre
femme tre huit heures du soir et huit
heures du matin, lorsque vous partagez
avec elle, dans la loge, un même lit! Si
j'avais la malencontreuse idée de décou-
cher, dix minutes après mon départ, un lo-
cataire indélicat, sans se soucier d'éveiller
POUr rec'amerait le cordon pour entrer ou
pour ^prtir. Et crac ! je serais pincé !
A dix Heures, hier matin, le « cinquième
étage», à l'instar du premier, du deuxième,
la CÔtlSleme et du quatrième, est parti pour
la Côte d'Azur. Pour la première fois, de-
puis dix ans que nous sommes préposés,
Marie ?t moi, à la garde de l'immeuble qui
porte le numéro 22 de la rue du Général-
Foy, nous nous trouvions n'avoir plus à
ga rder
garder que nous.
A nze heures, sous prétexte d'acheter
une p? Ine de fil, je me suis précipité chez
0che. Gustave Pignoche était oc-
Atrne dills l'arrière-boutique. J'ai déclaré à
Mme Pignoche:
- Je veux, Elodie, je veux que ce soir
même, Gus soyez enfin à moi!
'- lUI al exposé mes projets en détail:
NdaniCOutez~moi un instant, Elodie. Indé-
pendament de la loge, M. Durand, le pro-
priétaire, nous concède une petite chambre
r°nflerem6' A minuit, tandis que ma femme
rongera , je me relèverai sans bruit. Après
glissera- I5atement tiré le cordon, je me
Thp* hors de la loge. A votre retour
du Théâtre-Réjane, au lieu de rentrer di-
rectement au 1,1 de la rue du Général-
Foy, vous Pénétrerez chez nous, au 22.
Vous trouverez la porte-cochère entre-bâil-
lée. J e vous attendrai au pied du grand es-
calier. us nous précipiterons dans l'as-
ce ser" Et, deux minutes après, ce sera.
frand k'" 'le bonheur. le bonheur. le
• Ê]jfi n*\eur> Elodie. mon Elodie.
Elle avait gardé le silence pendant que
je parlais. D'une voix défaillante, elle mucr-'
maura
- SOit , ce soir. après le théâtre. je
viendrai. Comment vous résister, Jo-
Ah! Ces femmes de théâtre, on a bien
raison de dire qu'elles ne-eaont pas comme
les autres 1
J'étais assis, depuis quelques minutes,
dans gr obscurité, - sur la troisième marche
euerind escalier. J'entendis quelqu'un tra-
r a voûte sur la pointe des pieds.
- Elodie, ma Lolo, ma Didie, je t'aime,
je t'adore.Tu vois, mon plan a réussi à
Vite Ille. Marie dort à poings fermés.
Vite ne Perdons pas une minute.
- Tu as raison, mon Jojo, mon Seseph,
dépêchons-nous. Je rentre, en général, à
minuit et demie. Je ne puis rentrer après
jj Ur®« ce soir, Gustave me ferait une
^ètie de Jalousie.
Elo et moi, nous prîmes place dans le
Petit> d ans l'exquisement petit ascenseur.
petit, d'ins l'exquisement petit ascenseur.
Mon allégresse était extrême. Nous mon-
tions au Sixième étage. J'avais la sensation
de monter au septième ciel.
L'ascenseur s'élevait depuis un instant.
Il s'arrêta. Je m'aperçus que nous n'étions
pas en core parvenus au terme de notre pe-
fit e Yage. Nous nous trouvions immobili-
sés entre le premier et le second étage, à
égale distance des deux paliers.
n aurais pas tiré assez for tdsdért
die n'aurais pas tiré la corde assez fort
au départ, constatai-je. Je vais la remettre
en marche. Ce n'est rien!
J'avais dit : Pas~~ « Ce n'est rien 1 » Je ne tsr-
dai pas à percevoir la gravité de la si-
tuation. , Avions-nous négligé de fermer I&
h prte„D!^re au rez-de-chaussée? Je tiraif
la cord De de haut en bas; l'ascenseur ne dai-
gnait pas reprendre sa course vers les éta
jtes s rieurs* Je tirais la corde de bas en
haut, il ne daignait pas non plus redescen-
dre vers les étages inférieurs.
Si, lktUrtn SI, au moins, un locataire rentrait!
murmura iodie. Il nous porterait secours.
- Hélas ! 1 ma pauvre chérie, tous les
CRtaI' res sont en villégiature, ripostai-je
Oltrs! re. il ne rentrera personne avant huit
jours ! 1
Nous ne Pouvions demeurer une semaine
entière ~e pouvions demeurer une semaine
Il faIt. entre le premier et le second étage.
a tout prix, trouver un moyen de
nous échapper de notre souricière.
Elodj insinua que si j'étais un homme
de cœur, sans hésiter, je me laisserais im-
médiatement tomber sur le palier du pre-
mier. e ne demandais qu'à paraître un
homme de cceur à ses yeux. Malheureuse-
ment, dans ma chute, j'aurais pu me briser
les jambes.
Les minutes s'écoulaient. Je ne savais
quel parti Prendre. Je frottais machinale-
Sent h es allumettes. Subitement, ElocH^-
s'écria :
- Sommes-nous bêtes ! Approche ton al-
lumette par ici. Mais oui, nous sommes
S0tineri donc cette plaque, Joseph:
°nnetie * concierge! Nous n'avons qu'à
---1
- Tu to Il dis ?. Mais, ma pauvre chérie,
dans ton affolement. tu oublies que le con-
cierge c'est rnoi. Je ne peux matériellement
me trouxer , en ce m oment, dans la loge,
puisque je SUIS Ici! La seule personne qui
femme! à notre appel, ce serait ma
\: -\;(lJe h
heures sonnèrent i -..,-.:-Augustin.
°'lès On gré mal gré, l'i nre l'autre,
Ce s ce petIt, dans ce ridicu nt petit as-
ju^eni-
1. ~rassés de fatigue. El.:c murwara : j
': a°ord rnonsieur Lesc -d >e vous J
ai jamais aimé. Et puis, vous êtes un imbé-
cile. Quand on est concierge, que diable,
on pense à fermer une porte! » Sans amé-
nité, je lui répondis : « Oh! ie sais bien,
Madame Pignoche, vous n'êtes qu'ou-
vreuse, vous. Vous ne pouviez songer qu'à
l'ouvrir! »
Successivement, nous entendîmes son-
ner trois heures, quatre heures, cinq heu-
res. On n'apprécie vraiment, à leur valeur,
les plus simples satisfactions de l'existence,
que lorsque l'on en est privé. Nous aurions
donné une fortune pour pouvoir nous as-
seoir un instant, fût-ce sur un tas de cail-
loux pointus ! Nous aurions donné un
royaume, pour pouvoir marcher un peu,
fût-ce sous une pluie torrentielle!
Le jour commença à poindre. Ensemble,
nous déclarâmes:
— Je n'en peux plus. Il est évident que,
tôt ou tard, cette brave Marie nous déni-
chera ici.
Pourquoi, somme toute, ne sonnerions-
nous pas?
Nous avions déjà appuyé nos pouces,
énergiquement, à trois reprises, sur le bou-
ton d'appel. Nous commencions à éprouver
une appréhension. La sonnerie, par hasard,
la sonnerie était-elle cassée!. La lumière
électrique s'alluma dans l'escalier. J'enten-
dis ma femme pénétrer dans le vestibule.
— Quel est le polisson, grognait-elle, qui
s'amuse avec l'ascenseur à cette heure-
ci?. Si je savais seulement où est passé
mon animal de mari.
Elle ne savait pas où j'étais passé! Hé-
las! elle ne devait guère tarder à être ren-
seignée !
Nous avions beau crier en contrefaisant
nos voix: « Ne vous dérangez pas, ma-
dame la concierge, je vous prie. Ayez l'o-
bligeance de fermer simplement la porte-
palière du rez-de-chaussée! » Impitoyable,
inexorable, elle gravissait les étages: « Mi-
nute, minute!. J'arrive! » j
Elle arriva. Elle stopa. Elle leva la tête.
— Hein?. Hein!. Comment, toi, Jo-
seph. c'est toi, et avec Mme Pignoche!.
Toi!.. Elle!. Ah!. ah !. Ah ;! c'est comme
ça que c'te espèce de pas grand'chose te
détourne de tes devoirs! Vous êtes une jo-
lie paire de saligauds! Monsieur donne ses
rendez-vous dans l'ascenseur. Et madame
me sonne pour me montrer qu'elle m'a volé
monsieur!.
Elle s'installa sur la banquette de ve-
lours. Elle se mit à nous invectiver gros-
sièrement. Elle était confortablement assise
sur le palier du premier étage d'un im-
meuble situé au centre de Paris. Elle sem-
blait plutôt, cependant, faire une hâtive pro-
menade au Jardin d'Acclimatation, s'arrêter
devant les cages, et dire chaque fois, tout
haut, le nom de l'animal retenu derrière les
barreaux.
— Vous êtes un lâche, monsieur Le-
sourd ! me répétait sans cesse Elodie à mi-
voix. N'entendez-vous pas que cette femme
m'injurie? Empêchez-la de continuer.
— L'empêcher!. Vous êtes bonne,
vous! répondais-je sans cesse à mi-voix à
Elodie. Comment l'empêcher? Empêchez-
là, vous, si vous pouvez!
Je me décidai finalement à prendre, vis-
à-vis de ma femme, une attitude mena-
çante :
— Tu me paieras ça, Marie!. C'te tri-
potée que tu vas recevoir!..
Elle éclata de rire:
— Une tripotée? Monsieur plaisante!
Pour me donner une tripotée, faudrait d'a-
bord qu'il soit en liberté! C'te tripotée-là, je
ne là recevrai que quand je le voudrai bien.
Et, ma foi, j'y suis pas encore décidée!
Ma femme nous avait abandonnés.
Elodie et moi, nous devinions sans peine
où elle avait dû porter ses pas. Elle était,
évidemment, allée chercher le commissaire
de police. -
La perspective d'un divorce nous sem-
blait, certes, lamentable à tous deux. Les
douleurs morales, cependant, ne sont rien
par rapport aux douleurs physiques. Nous
nous consolions presque de savoir notre
avenir brisé, à la pensée que nous, qui
étions brisés aussi, nous allions, enfin, pou-
voir nous asseoir!
Marie était à peine partie depuis un quart
d'heure, nous l'entendîmes rentrer. Nos
,révisions se réalisaient. Elle ne revenait
'as seule.
— Mais non, ce n'est pas encore le com-
njissaire ! s'écria Elodie. La rosse! Je re-
connais la voix de mon mari. Elle a tenu à
prévenir d'abord Gustave!.
Ma femme et M. Pignoche montaient ra-
oidement l'escalier.
— Ce n'est pas possible! marmottait M.
Pignoche.
- C'est tellement possible que cela est;
rioostait ma femme.
Parvenue au palier du premier, Marie
étendit le bras dans notre direction. Elle
se tourna vers M. Pignoche:
— Eh bien! Eh bien!. Gustave. les
vois-tu, à présent? Non, mais regarde-les!
Dire que j'ai été assez bête, depuis six
mois que tu m'aimes, mon chéri, et que tu
me supplie chaque jour de devenir ta maî-
tresse, pour ne pas te céder!. Oui, em-
brasse-moi, mon amour.
IL L'embrassa. Ils s'embrassèrent.
— Et puis, tiens, mon Tatave, reprit ma
femme, je ne sais vraiment ce qui nous
retient, à présent!. Ce n'est pas eux,
n'est-ce pas, qui pourront courir chercher
le commissaire?. Allons, viens, descen-
dons tout de suite dans la loge.
Il n'était sans doute pas très digne, de
la part d'Elodie, de réclamer, en l'occur-
rence, un service de son mari. Il n'était cer-
tes pas très digne de ma part de solliciter
la moindre faveur de ma femme. Nous mur-
murâmes pourtant:
— De grâce, délivrez-nous !
Tendrement enlacés, ma femme et Pigno-
che commencèrent à descendre l'escalier.
Dédaigneusement, ils laissèrent tomber ces
mots *
— NonI on vous dit non!. Tout à
l'heure!
(Traductison réservée.)
Max et Alex FISCHER.
Nous publierons demain un article de
CÀJLIBAN 1
Déterminisme
dramatique
Les personnes qui ne peuvent s'imaginer
comment on pouvait jouer sans décors au
temps de Shakespeare n'ont, pour s'en faire
une idée, qu'à s'en aller voir les Siciliens.
Elles comprendront du même coup, en com-
parant leur théâtre primitif au nôtre, quelle
fut l'évolution de l'art dramatique pendant
ces derniers siècles et l'importance crois-
sante que l'on y donne aux problèmes gé-
néraux qui s'agitent au-dessus des simples
individualités.
Autrefois, l'expression personnelle était
tout et la vie entière se résumait dans les
passions de l'individu; aujourd'hui, c'est
plutôt par les objets matériels que se déter-
minent les situations individuelles, et l'on
aurait tort de voir là, comme on le fait sou-
vent, un simple signe de décadence. Si
l'ameublement, si le costume, si les décors,
en un mot, prennent au théâtre l'importance
qu'ils ont aujourd'hui, ce n'est point, com-
me on le dit, en vertu d'un appauvrisse-
ment des idées et d'une déchéance de l'art
dramatique. Ce n'est, au contraire, que par
reflet d'une civilisation très avancée, telle
qu'on en peut trouver seulement dans un
pays où l'histoire des morts détermine en
grande partie l'histoire des vivants, et où
les matérialisations d'idées réalisées par
l'art dominent les passions individuelles, les
dirigent et préparent des actes généraux
qui dépassent de beaucoup ceux de l'indi-
vidu.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
p
our les sourds.
Un de nos confrères parlait ces jours
derniers de l'adaptation, a quelques rangs
des fauteuils d'orchestre d'un théâtre amé-
ricain, de systèmes acoustiques destinés à
apporter toutes les paroles des acteurs aux
spectateurs atteints de surdité. L'informa-
tion est exacte. De plus, elle nous arrive en
même temps qu'une autre, très intéressan-
te, de Berlin.
Les directeurs de l'Opéra de la capitale
prussienne, pour faciliter la compréhen-
sion de leurs pièces aux personnes qui ont
la vue courte et l'ouïe dure, ont imaginé ce
qui suit:
Au moyen d'un appareil à projection, les
mots de la pièce que l'on chante sont re-
produits, en lettres distinctes, au-dessus dç
la scène. Le texte apparaît ligne par ligne,
au fur et à mesure qu'on le chante, et cela
se produit de la façon la plus simple. Le
souffleur, qui lit la partition placée sur des
rouleaux, n'a qu'à presser un bouton pour
faire avancer, sur le tableau du haut, les
lignes d'une autre partition identique, mais
écrite en très gros caractères.
L'invention est, dit-on, peu coûteuse, fa-
cile à manier, et rend les plus grands ser-
vices pour les représentations en langues
étrangères.
Dédié à MM. Messager et Broussan.
c
onfrère.
Nous disions - hier que notre excel-
lent confrère Emile Max, qui succéda, com-
me critique dramatique au Radical, à MM.
Biguet et Henry Bernstein, était le frère de
M. Maujan. Mais ce n'est pas seulement
cette parenté qui lui fit attribuer la critique
théâtrale.
M. Emile Max s'est, de tout temps, beau-
coup occupé de théâtre. Il fut aux Nations,
à la Renaissance, à l'Eden-Théâtre et à
l'Opéra-Comique, un avisé secrétaire géné-
ral. Il fut critique théâtral à la Revue cri-
tique, à L'Action, au Patriote, à La Paix
et à La France Libre. Et, enfin, il signa
plusieurs ouvrages dramatiques, entre au-
tres Les Cambrioleurs et La Carmagnole.
On voit que M. Emile Max était particu-
lièrement désigné pour juger les choses de
théâtre, qu'il discute avec une compétence
et une impartialité très remarquées.
c
eux qui s'en vont.
On a enterré hier une femme de
lettres qui eut son heure de célébrité. Mère
de M. Pierre Berton, l'auteur applaudi de
Zaza, fille de Samson, de la Comédie-Fran-
çaise, Mme Caroline Berton était la femme
de Francis Berton, le créateur du Gendre
de M. Poirier, du Demi-Monde et du Mar-
quis de Villemer.
Romancière et auteur dramatique, elle fit
représenter avec succès Les Philosophes
de vingt ans à la Comédie-Française. Elle
a publié plusieurs romans dont Rosette,
Le Bonheur impossible et Les Lettres de
Claude.
L
eurs superstitions.
Puisque de nombreux artistes vi-
vants, et bien vivants, viennent de répon-
dre à Comœdia pour nous indiquer leurs
superstitions, leurs particularités, leurs
tracs, on ne sera peut-être pas fâché de
trouver ici aujourd'hui quelques souvenirs
de l'illustre Mme Ristori et du non moins
illustre Talma.
Les jours de grande première, Mme Ris-
tori ne pouvait s'empêcher d'aller promener
dans les cimetières son émotion angoissée.
Elle lisait lentement les inscriptions funé-
raires et « se sentait émue jusqu'aux lar-
mes de ces témoignages de la douleur hu-
maine ».
Talma, lui, était moins rêveur. Il fallait
qu'il se surexcitât. Et son malheureux ha-
billeur, habitué aux « torgnoles » des gran-
des représentations, recevait du célèbre co-
médien toutes les injures possibles. et
même pas mal de coups.
Et l'on put dire que Talma battait ainsi
le rappel, chaque rudesse de l'artiste fa-
meux lui valant, à la fin de l'acte, un rappel
des spectateurs enthousiasmés.
erlaine collaborateur dramatique de
Coppée.
Verlaine. dont notre ami Charles Morieft
nous a si délicieusement rappelé le souve-
nir Itfer, à* l'Odéon, avait été l'intime ami
de Coppée. Les deux poètes s'étaient fré-
quentés, ils avaient même rimé côte à côte.
Le Reliquaire et les Poèmes saturniens pa-
rurent le même jour et obtinrent semblable
succès. De plus, ce fut Coppée qui présenta
Verlaine à Poulet-Malassis et obtint de lui
l'édition des Amies.
Un jour, la fantaisie leur vint d'écrire
une revue poétique en collaboration.
Cela s'intitulait Tout Paris à Bobino.
Bobino —: les vieux Parisiens le, savent —
était un théâtre célèbre sur la rive gauche.
C'est sur cette scène que ladite revue fut
représentée, et avec un certain succès.
Tout Paris à Bobino fut joué en 1869 et
imprimé cette même année dans le journal
de Le Guillois, Les Hannetons.
Comme tout cela est loin déjà!.
LE QUATRAIN DU JOUR
HABILLEZ-VOUS RICHEMENT.
Des gants noirs, une vogue où nous nous som-
Un âpre talent'de divette, [mes plu,
Vous trouverez tout ça — puisqu'elle n'en veut
Au Vestiaire d'Yvette. [plus! -
L
e monde des théâtres et celui de l'au-
tomobile ont toujours entretenu les
meilleures relations, En voici une preuve
de plus.
Sous ce titre: « Tout Paris dans les Voi-
tures Unic », M. Georges Richard expose
en ce moment, au foyer des Nouveautés et
dans la vitrine, 15, boulevard des Italiens,
un double phaéton en bois découpé dans
lequel défileront tour à tour les personnali-
tés les plus parisiennes, très spirituellement
caricaturées par de Losques, le dessinateur
attitré des théâtres. On y pouvait voir hier
MM. de Fiers et Caillavet, conduisant à la
centième leurs interprètes de. L'Amour
veille. Aujourd'hui c'est le café-concert
avec Dranem, Claudius, Polin, Jeanne
Bloch. Dans quelques jours.»mais chut!.
Vous saurez que bientôt on n'appartien-
dra plus au Tout-Paris si le crayon de
de Losques ne vous a pas assis dans cette
petite voiture Unie.
L
es chauffeurs de la Compagnie géné-
rale des Voitures automobiles sont en
grève. Avec rappiication au repos neDGO-
madaire, on assure que l'une de leurs prin-
cipales revendications est née du désir de
voir leurs voitures munies de l'antidéra-
pant Francia, qui évite les accidents si gra-
ves dûs au dérapage. En vente: 3, rue de la
Bienfaisance.
c
hez Champeaux, au dîner des Théâ-
tres - où Tout-Paris chaque soir se
donne rendez-vous, un sociétaire ae ia
Comédie-Française racontait qu'un acteur,
il y a quelques jours, en province, manqua
subitement de mémoire en jouant le rôle
de don César de Bazan dans Ruy Blas. Et,
dans la fameuse apostrophe à don Salluste:
« Je vous laisse. etc. », ayant à dire:
a Je vis avec les loups, non avec les ser-
pents! », se mit à hurler, dans sa détresse
de mémoire :
Vous êtes un vieux loup et je suis un serpent!
On juge de l'ahurissement de l'auditoire.
NOUVELLE A LA MAIN
hez l'imprésario :
— Je vous recommande tout parti-
culièrement ce comique. U est un nomme
sérieux!.
Le Masque de Verre.
Un Concours
de Ténors
organisé par Comœdia
et Musica
Les premiers résultats
Nous avons dit l'invraisemblable succès
remporté à Toulouse et à Bordeaux par no-
tre Concours de ténors.
A Toulouse, notre excellent confrère La
Dépêche n'a pas recueilli moins de cent cin-
quante concurrents.
A Bordeaux, La France du Sud-Ouest en
a réuni plus de cent. -
La liste des qualifiés pour la grande
finale, qui aura lieu en avril, s'établit en ce
moment comme suit:
PARIS
- MM. Paul Frans, Baëtens, Albino, R.
Lassalle, Emile Bousqué, Ancelin, Barrel-
lier, Lorphelin, Guérin.
A cette liste viendront s'ajouter les lau-
réats d'une seconde éliminatoire dont nous
dirons bientôt la date.
TOULOUSE
MM. Fallandry, Loubressart, Villeneuye,
Dominique.
BORDEAUX
MM. Cazenave, Iriarte, Georges Foix,
Roger Pêle.
NICE
M. Ichino (liste à compléter).
DIJON
M. Accard (liste à compléter).
On peut s'inscrire pour ta deuxième
éliminatoire de Taris
Nous publierons d'ici quelques jours le
règlement du Concours de ténors, règle-
ment qui servira aussi bien pour la seconde
éliminatoire de Paris que pour la finale.
Dès maintenant, les inscriptions sont ou-
vertes pour la deuxième éliminatoire et
nous publierons au jour le jour les noms de
tous les candidats.
Les inscriptions sont reçues en nos bu-
reaux, 27, boulevard Poissonnière, à Paris.
COMŒDIA.
A LA SOCIÉTÉ DES CONFÉRENCES
La première Conférence
de M. Jules Lemaître
sur Racine
La série de conférences sur Racine,
commencée hier, par M. Jules Lemaître,
dans l'étroite salle obscure de la Société
de géographie, peut être regardée comm».
l'événement littéraire et mondain le plus
considérable de la saison.
Déjà, l'an dernier, la suite d'études de
l'éminent critique sur Jean-Jacques Rous-
seau àvait obtenu un retentissant succès.
Chaque semaine, une foule qui, pour être
compacte, n.'en était pas moins élégante, se
bousculait dans le vestibule du faubourg
Saint-Germain. Racine ne soulèvera pas
une curiosité moindre.
Cette séance d'inauguration avait attiré
une quantité de Parisiens et, surtout, de
Parisiennes.
Il est impossible de citer tout le monde,
car les rangs serrés de chaises étaient oc-
cupés par des dames évidemment pleines
M. IULES LEMAITRI! (Henri Manuel, SPftotï
M. JULES LEMAITRE
de grâce, mais dont les plumets immodé-
rés et les aigrettes impitoyables dissimu-
laient tout horizon.
J'ai cependant pu constater la présence
de Mmes Jeanne de Rothschild orincesse
d'Elchingen, comtesse Murât, Pierson, vi-
comtesse de Jumilhac, comtesse de Gram-
mont d'Oster, vicomtesse de Maupou, Mme
Negropontès, comtesse de Vogüé, Mme de
Saint-Marc Girardin, Mme Roland-Gosselin,
Marie Leconte, Simone, baronne de Cotan-
çon, princesse de Nélidoff, Mme de
Noailles.
MM. Thureau-Dangin, Gazier, Ed. Rod,
général Bonnal, Paul Déroulède, René Ba-
zin, Alb. Vandal, Henry Houssaye, Pierre
Mortier, André Beaunier, G. Deschamps,
R. Doumic, Willy Blumenthal, comte de
Germiny, Gallimard, Calmann-Lévy, vi-
comte de la Redorte, Jules Bois, Léon Dau-
det, comte Daru, Adrien Mithouard, comte
de Kergorlay, Alexandre Debray, etc., etc.
Vous pensez bien qu'un pareil public se
garda des manifestations d'enthousiasme
intempestives, mais chacun des traits, cha-
cune des périodes du discours de M. Le-
RACINE
maître, furent salués d'applaudissements et
sourires discrètement approbateurs.
On connaît la' séduisante diction, la voix
sympathique, claire et musicale de l'auteur
du Pardon.
Hier encore, il a su. pendant une heure
et demie, tenir son auditoire sous Id
charme.
Très simplement et sans affectation, lai
tête inclinée et le visage comme empreint
d'on ne sait quelle mélancolie, il a parlé
avec abondance et précision. Il n'a pas
émaillé d'ironie son langage. Il a dit en
phrases toujours naturelles et vives son
admiration pour -Racine et les raisons de
l'admirer, et il nous a décrit très délicate.
ment l'enfance du grand poète.
C'est en entendant un pareil causeur
qu'on goûte dans toute sa saveur notre
« doux parler » de France.
Et cependant, son sujet ne le servait
guère. Cette première conférence, consa-
crée à l'enfance de Racine et à l'influence
qu'exerça Port-Royal sur sa formation, ne
prêtait pas à 'des considérations très
neuves.
Sainte-Beuve a laissé, sur cette matière,
un monument définitif et M. Jules Lemaître
s'est contenté, dans la plus grande partie
de sa causerie, de nous résumer en quel-
ques traits d'une netteté habilement rac-
courcie, les intéressantes physionomies du
discret Nicolle, de l'humble Lancelot, du
brillant Antoine Lemaître et de l'original
Hamon, les quatre maîtres du jeune Ra-
cine.
Il a recherché aveo subtilité quel pouvaii
être la part de chacun dans la formation
du génie de l'auteur d'Andromaque, et il
s'est d'abord appliqué à une forte mais un
peu aride analyse du caractère janséniste.
Il nous a montrée la lutte intérieure de ces
consciences si profondément religieuses et,
en même temps, si passionnées, et il nous
a fait voir là une particularité qui comp-
tera pour beaucoup plus tard dans l'origi-
nalité d'une tragédie comme Phèdre.
M. Jules Lemaître disposa sans pédan-
tisme ces bases assez peu nouvelles mais
indispensable à la suite de son étude, et il
trouva des mots finement exoressifs pour
nous dépeindre l'enfance délicieuse dl.
jeune Racine, dans les allées boisées de
Port-Royal. Il nous le fit accompagner dam.
ses promenades rêveuses autour de l'étanz
Il nous fit assister au développement in-
time de sa sensibilité. Il nous lut ses pre-
miers vers, si joliment puérils. Il nous con-
ta l'ardeur clandestine du jeune disciple de
Port-Royal pour la lecture des romans
grecs.
Bien que M. Jules Lemaître ne se sr
pas piqué de nous révéler là des faits
^connus — et comment pourrait-on le fai
— cette partie de sa conférence, la s
conde, fut la plus attachante et la mie
réussie.
Et ce n'était pas seulement la netteté des
vues et l'excellence des termes que l'on
aimait dans ses paroles: on y sentait — et
c était leur plus grand mérite — une ten-
dresse profonde, éclairée, sincère pour l'a-
dolescent de génie qu'elles étudiaient. Car
M. Jules Lemaître n'est pas seulement un
des plus intelligents dçunos contemporains.
Il n'est pas seulement doué des plus rares
et des plus aiguës facultés d'analyse, il
possède encore le don précieux de sympa-
thie.
Sa prédilection évidente pour Racine par-
fumait — si l'on peut dire — ses propos
d'une sorte d'émotion pénétrante et douce,
charmante et communicative.
Certes, il pourrait émettre, sur d'autres
sujets des idées plus imprévues et oui frap-
peraient davantage; mais il est bien peu
probable qu'il puisse, mieux qu'en parlant
de Racine, satisfaire aux exigences de sa
sensibilité fine, sobre et si française.
EDOUARD HELSEY.
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