Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-12-30
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 décembre 1907 30 décembre 1907
Description : 1907/12/30 (A1,N91). 1907/12/30 (A1,N91).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645388w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
JteAftftêe.- N° 91 (Quotidien)
Le Numéro : 5 centimes
Lundi 30 Décembre K -
Rédacteur en Chef : O. de PAWLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288-07
Adresse Télégraphique: ÇOMŒDIA..PARIS
ABONNEMENTS:
UN AN 6 MOI?
~!I": -,-
yfris et Départements 24 fr. 12 fr.
étranger. 40 » 20 D
RÉDACTION & ADMINISTRATION
27, Bôuleuard Poissonnière, !
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : C0MŒD1A-) a
ABONNEMENTS :
UN AN > m v
Paris et Départements. 24 fr. -0
Étranger. 40 » :.. ;,
UN SCANDALE A LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS
Un million de droits d'auteur détournés par an
Les places des agents généraux sont des charges féodales.
Les quinze commissaires aux ordres de leurs deux agents.
sJ.^est passé, vendredi dernier, à la
1 té des Auteurs, un incident plus
e Peut-être que celui du trust. Pour
ctjL çs raisons que nos lecteurs compren-
Ollt aisément, on a décidé de le tenir
PoUr é, mais il n'existe pas de secrets
nous.
h.- , -' , -
M.SARDOU
En voici le récit. Nous mettons qui
que ce soit au défi de nous démentir,
sauf, Peut-être, sur quelques points de
détail, car nous n'assistions pas à la
séance et nous n'écoutions pas aux
l'es.
"l)epuis de longues années, à voix basse
~r chacun tremble, à la Société des Au-
rjjr s, et craint on ne sait quel occulte pou-
- on parlait de la façon scandaleuse
lih} les droits d'auteur sont perçus en pro-
*
d'imprésario qui ne revînt de tour-
^sans. déclarer que les représentants de.
5 qciété en province, leur offraient eux-
hf^?s de déclarer des recettes fausses et
^r?eures vérité et tripotaient toute
,', "ée avec les directeurs sédentaires.
;¡Sr Nous perdons le quart de nos droits,
Sfi* certain commissaire ; la moitié, nous
~MR~ ~t récemment le plus illustre et le
l Important d'entre eux.
es dèux agents généraux, MM. Gangnat
eUerin, n'en disconvenaient d'ailleurs
ij sans paraître se douter un instant
!eUr fonction et leur raison d'être étaient
dément de surveiller la perception des
Jlin en province, - et ils soupiraient mélan-
,quement :
e voulez--vous!. Nous n'y pouvons
Gela a toujours été ainsi!. D'ail-
t ). on exagère!.
léJ, ls continuaient à se partager avec, pla-
les deux du trois cent mille francs que
entent leurs bénéfices personnels et
s, car on pourrait croire que la So-
';es Auteurs n'est créée que pour que
M. MASSENET
somptueusement ses deux agents gé-
messieurs n'ont rien négligé, à cet
t, en excellents commerçants, ils ont
--. l'ingéniosité jusqu'à payer leurs
s de province avec le* billets d'auteur
retiennent sans aucun droit. Ainsi,
Graves écrivains dramatiques se trou-
M. JEAN RICHEPIN
la poche de MM. Gangnat et Pellerin,
.moins, toutefois une fraction infime qui re-
tourne à la caisse sociale.
Mais arrivons au fait:
Vers le mois de juillet de cette année,
légèrement troublée par les clameurs gran-
dissantes des sociétaires et des' pension-
naires, la Commission des Auteurs drama-
tiques qui est, vous le savez, présidée par
M. Alfred Capus et composée de MM. Jean
Richepin, Paul Ferrier, Massenet, Decour-
celle, Henry Bernstein, G.-A. de Caillavet,
Pierre Wolff, Varney, Millet, Gavault, La-
vedan, Pierné, Ordonneau et Bisson, la
Commission résolut de « faire quelque
chose », et, après avoir obtenu préalable-
ment la permission des deux agents géné-'
raux, car on sait que les quinze élus de
la littérature dramatique française sont à
plat ventre devant leurs deux employés, le,
Comité de Salut Public de la rue Hippolyte-
Lebas décida de créer provisoirement un
inspecteur de province.
On choisit, après discussion, M. Des-
champs, ancien directeur - de théâtre,
croyons-nous, sans pouvoir l'affirmer,
fort au courant de la question et très pro-
tégé, au. surplus, par M. Victorien. Sardou.
Il se trouva que ce M. Deschamps est
un parfait honnête homme, un homme
d'une véritable intelligence et un homme
courageux.
Avant,de se mettre en route, il fut reçu
par une soùs-commission d'été que. présidait
M. Jean Richepin et que complétaient. MM.
Varney, Bernstein, Caillavet et Decour-
celle. En pantalon de flanelle blanche, en
chemise molle rayée, en veston d'alpaga,
M. ALFRED CAPUS
ces hommes éminents, d'une voix lasse et
d'une bouche altérée, lui donnèrent leurs
dernières instructions et il partit plein d'es-
poir.
Mais, bien vite, les déceptions commen-
cèrent. Les agents généraux qui étaient en-
trés cependant pour une part dans les frais
très minimes occasionnés par la création de
ce nouveau fonctionnaire, ne lui facilitèrent
pas sa tâche. Comme s'ils tenaient à dé-
montrer l'inutilité d'une pareille inspection,
le malheureux Deschamps fut envoyé dans
des villes dont les théâtres étaient fermés,
à la poursuite de tournées imaginaires, ou
encore il attendait en de lointaines sous-pré-
fectures, des jours durant, les instructions
et les renseignements que M. Vigneron, qui
remplit, à la Société, les fonctions mal dé-
finies de contrôleur général, devait lui en-
voyer — et qui n'arrivaient jamais.
M. Deschamps ne se découragea point.
Il refit à sa façon des itinéraires, il déjoua
tous les plans, montra une grande initiative
et parvint à contrôler une soixantaine de
villes. A la vérité, une dernière ruse avait
rendu son travail plus difficile encore. Parti
avec de pleins pouvoirs, avec mission de
dresser des procès-verbaux, M. Deschamps
fut informé, dès la première étape, que son
travail devait se réduire tout uniment à re-
garder, à constater. A la rigueur, les
agents de province et les directeurs eus-
sent fort bien pu refuser tous renseigne-
ments au pauvre inspecteur; mais celui-ci,
à force d'autorité et d'adresse, parvint ce-
pendant à mener à bien une sérieuse en-
quête.
Eh bien! sociétaires et stagiaires de la
belle, de la grande, de l'unique Société des
Auteurs, sur soixante théâtres de province
inspectés, savez-vous combien sont en rè-
ttle, combien payent les droits d'auteur
~'ils doivent payer, combien sont surveil-
dlé e par les subordonnés de vos agents -
de vos chers agents?
CINQ!
Vous entendez: CINQ !
Gloire soit rendue à Dijon et aux repré-
sentants des Auteurs dans cette ville ; c'est,
avec quatre cités de plu» petite importance,
sur soixante inspectées, la seule où M. Des-
champs ait trouvé une Perception parfaite.
Partout ailleurs, c'est écurie ou le vol
organisé-. C'est le représentant dès Au-
teurs toujours absent ou qui. fait sa manille
avec le contrôleur du - théâtre!. c'est en-
core le représentant des Auteurs à qui l'on
a triplé son nombre de billets dits d'au-
de faveur ou des billets à tarif réduit omet
d'inscrire les deux tiers de sa recette.
C'est le directeur qui fait entrer les spec-
tateurs payants par des entrées dérobées et
« incontrôlables ». C'est la « cassette », la
fameuse « cassette », en d'autres termes,
toute la « petite recette » qui passe direc-
M. PELLERIN
tement dans la poche du directeur, sans
qu'aucun prélèvement soit opéré.
La liste serait fastidieuse des trucs, des
tours employés pour frustrer les écrivains
du fruit de leur travail. Mais, encore une
fois, la plupart des directeurs n'ont même
pas besoin de se mettre en frais d'imagi-
nation. Le représentant des auteurs, trop
mal payé pour se bien consacrer à la tâche
qu'on lui a confiée, est presque toujours un
oersonnage invisible, souvent un complice et
la surveillance n'existe pas.
NULLE PART, sauf dans les cinq villes
que nous venons de signaler, M. Des-
champs n'a trouve une feuille de contrôla
correspondant au contenu aela^ille. Par-
.tout, en dépit du nombre énorme des fa-
veurs, il demeurait une importante fraction
de spectateurs - souvent, la majorité! —
dont le contrôleur ne pouvait expliquer
honnêtement la présence dans la salle et
l'absence sur sa feuille.
Le Vol!. Le VOL!. Le VOL!.
Ajoutons, cependant, qu'il se trouve bon
nombre de braves gens parmi les représen-
tants des Auteurs. Beaucoup à qui M. Des-
champs reprocha de mal remplir leurs fonc-
tions — si honteusement payées - tombè-
rent des nues.
— Vérifier une feuille de contrôle!. Ar-
rêter une recette!. Compter les places
vendues!. Surveiller les opérations du bu-
reau!. etc., etc. !.
Mais, ils ignoraient totalement toutes ces
opérations. Si on leur avait donné des ins-
tructions, ils les eussent remplies, ils se
fussent mis au courant ; ils se déclaraient
pleins de bonne volonté. Mais, MM. Gan-
gnat et Pellerin, qui s'inquiètent peu d'ac-
croître leurs bénéfices et se contentent de
coucher sur les belles positions acquises,
avaient purement et simplement OUBLIÉ
M. PIERRE DECOURCELLE
d'expliquer à leurs agents de province en
quoi consistaient leurs fonctions.
Nanti d'un dossier formidable, M. Des-
champs revint à Paris. L'été n'était plus,
ni la sous-commission. L'inspecteur fut,
cette fois, reçu par une autre sous-commis-
sion, celle des droits de province. Sa com-
position, d'ailleurs, ne différait pas beau-
coup. C'étaient toujours MM. Pierre De-
courcelle, Henry Bernstein et G.-A. de
Caillavet, auxquels s'était adjoint le perspi-
cace M. Paul Gavault.
Sous l'œil méfiant des agents, généraux,
M. Deschamps détalla son paquet, ouvrit
ses dossiers, lut son rapport. Les quatre
commissaires parurent tout d'abord un peu
interloqués; mais le rude Pellerin et l'har-
monieux Gangnat étaient là pour répondre,
Une discussion s'éleva, et bientôt les figu-
res des quatre élus respirèrent une totale
indifférence..
Lorsque M. Deschamps fut à bout de
souffle—et.à bout d'horreurs-— le prési-
dent balbutia quelques vagues mots de re-
merciements et pria M. Deschamps de s'oc-
cuper pour un temps des théâtres de Paris,
en lui indiquant qu'il serait entendu de
nouveau, à une date indéterminée, par la
grrrrande Commission, réunie sous la pré-
sidence de l'énergique M. Alfred Capus.
la puérilité de ce fonctionnaire, .de l'inuti-
lité de payer aussi cher (300 francs par
mois) un homme qui « se frappait » à ce
point, et les commissaires s'inclinèrent une
fois de plus.
Notons que ce désintéressement coupa
ble est d'autant plus incompréhensible que
la commission se compose d'auteurs con-
sidérables qui tirent du théâtre d'impor-
tants revenus, dont le répertoire est cons-
tamment joué en province et qui sont donc
les premiers à pâtir. Mais, leurs revenue
sont tels qu'ils ne souffrent guère de cette
diminution de droits qui frappe bien plub
durement et les auteurs moins heureux e.
la caisse sociale.
Ici, l'histoire devient tout de bon amu-
sante!
Ce Deschamps est décidément un drôle
de pistolet! Lui, simple petit employé, ré
solut d'avoir raison de toutes les haines, de
toutes les apathies. Il y avait en lui de l'il
luminé et de l'apôtre. Sa tournée lui avait
révélé que la Société des Auteurs perdait,
bon an mal an, plusieurs centaines de mille
francs.de droits en province, et ces droits,
il était certain qu'une inspection bien com-
prise les ferait rentrer désormais.
Et Deschamps était aussi un père de fa-
mille prévoyant et sage. On lui avait pro-
mis de l'augmentation. On lui avait oromis
une prime par chaque fraude constatée :
Deschamps voulait gagner glorieusement
sa vie. -
Il commença par tenter de rendre à tous
les commissaires des visites individuelles.
Il s'en fut chez M. Paul Hervieu. Mais,
porte close, M. Paul Hervieu « planait »
M. BERNSTEIN
en ville. Il s'en fut chez M. Henry Berns-
tein. M. Henry Bernstein « planait » aussi,
mais at home. Seulement, M. Henry Berns-
tein est un jeune et déjà illustre (voir les
communiqués des courriers de théâtres!),
et il fut répondu à M. Deschamps par un
secrétaire impassible et par un valet gour-
mé que M. Henry Bernstein ne recevait
que sur rendez-vous pris huit jours d'avan-
ce (sic).:.
M. Deschamps s'en fut encore — paulo
minora — vainement chez M. Pierre Wolff
qui essayait des habits de couleur,, chez
M. de Caillavet qui dormait à deux heures
de l'après-midi, chez M. Paul Gavault qui
faisait répéter au Palais-Royal, chez M.
Pierre Decourcelle qui voyageait à son
tour en province, mais pour y découvrir
de fructueuses antiquités.
Las, très las, il se rendit enfin chez son
vieux et très grand protecteur, chez M.
Victorien Sardou. Celui-ci,-étant le plus
glorieux, le reçut aussitôt et l'écouta avec
la meilleure grâce du monde. Quand M.
Deschamps eût terminé sa lamentable his-
toire, M. Sardou, dans. un état de fureur
indescriptible, bondit sur une feuille de pa-
pier, y: inscrivit quelques lignes tracées
d'une main impérieuse et fiévreuse, plia et
glissa la feuille dans une enveloppe, sur la-
quelle il inscrivit le nom de M. Henry
Bernstein..
— Allez chez ce grand-là, clama-t-il avec
son inimitable accent, c'est encore le moins
engourdi! :-
- Mais, maître, balbutia M. Deschamps,
M. VARNEY M. ORDONNEAD
M. LAVEDAN M. GAVAULT
n'a pas
- Je vous dis d'y aller, interrompit
brusquement M. Sardou l
Deschamps s'enfuit.
Le voici derechef chez M. Henry Bern-
stein, et le miracle commence de s'accom-
plir.
stein, L'histoire ne dit point si l'auteur de
Samson reçut à genoux et baisa le pli au-
guste. mais toujours est-il que le valet de
chambre cérémonieux introduisit sur la
minute l'inspecteur et que celui-ci fut ac-
cueilli à merveille.
Même, depuis qu'il a renoncé à toute
fonction active, M. Victorien Sardou, qui
n'est plus que le président d'honneur de
la Société, a conservé sur tous ses con-
frères, jeunes ou vieux, un mystérieux, un
irrésistible, un extraordinaire ascendant.,
C'est le PATRON/
Et M. Deschamps le vit bien.
M. Henry Bernstein, lâchant toutes au-
tres occupations, s'abîma pendant de lon-
gues heures dans l'étude du dossier, et le
lendemain, qui était VENDREDI DERNIER,
ses collègues — dûment prévenus par lui
— se trouvèrent pour une fois presque au
^rand complet dans la salle des délibéra-
tions de la rue Hippolyte-Lebas.
La séance eut des allures historiques.
M. Henry Bernstein, porteur du souverain
nessage, vint prendre sa place à la grande
able, dans un silence , impressionnant. Il
annonça qu'il avait étudié à fond le rap-
port de l'inspecteur, que les faits rapportés
constituaient un véritable scandale, que,
si ces choses se prolongeaient, il lui serait
impossible, quant à lui, de conserver ses
fonctions de commissaire, et qu'il en ap-
pellerait à l'assemblée générale. Il donna
'ecture d'une liste sommaire des fraudes
inouïes qui avaient été constatées dans
cinquante-cinq villes. Il exposa encore que,
durant tout son voyage, le pauvre M. Des-
champs avait eu à lutter contre une abo-
minable mauvaise volonté des « bureaux »
de la rue Hippolyte-Lebas. Enfin, M.
Bernstein donna lecture de la lettre terri-
blement énergique par laquelle M. Victo-
rien Sardou le saisissait de l'affaire et dans
laquelle il n'épargnait guère les deux
agents et le contrôleur général.
Interloqué, M. Gangnat fit une déclara-
tion embarrassée et un peu confuse et qui
se résumait à ceci: qu'ils avaient acheté
leur charge fort cher, qu'ils avaient des
frais considérables, qu'ils entendaient réa-
liser des bénéfices, et qu'une perception
autrement établie, c'était pour M. Pellerin
et pour lui une trflp lourde dépense.
Des rumeurs s'élevèrent.
— Mais votre charge comporte aussi des
devoirs! cria M. Pierre Decourcelle.
, - Et M. Henry,Bernstein, tçè&.aec et vive-
ment appuyé par M. Pierre Wolff — qui se
montra très énergique — et par M. de
Caillavet, demanda à M. Paul Ferrier, qui
présidait, que la séance fût secrète.
: C'était, en d'autres termes, prier les
deux agents et M. Vigneron de se retirer
de la salle des délibérations. Ce fut un
coup de tonnerre. Le président acquiesça;
les trois féodaux se levèrent et sortirent.
Et alors commença, en effet, une séance
vraiment secrète. Les membres présents
donnèrent leur parole de ne rien divulguer,
et des décisions furent envisagées dont
chacune aurait un retentissement énorme.
Et l'on se sépara, en prenant rendez-
vous pour entendre vendredi prochain le
rapport définitif de M. Pierre Decourcelle.
Mais, d'ici là, les esprits ne seront-ils
pas calmés, les bons visages ne seront-ils
pas redevenus indifférents, et nos com-
missaires bons enfants, qui ne peuvent
plus maintenant plaider l'ignorance, qui
sont pleinement, brutalement éclairés sur
ce qui se passe en province, accepteront-
ils la lourde responsabilité de conserver
leurs fonctions, alors qhe leurs confrè-
res, leurs électeurs, sont tranquillement
dépouillés?
Nous verrons bien!
Mais si tel était le cas, nos élus de-
vraient cette fois s'attendre à une sérieuse
résistance. Nous sommes quelques-uns qui
en avons assez de voir quinze confrères
briguer ardemment des fonctions dont ils
s'acquittent si légèrement, et défendre
aussi pauvrement les deniers de leurs
mandants.
Nous verrons bien!
UN SOCIETAIRE.
DERNIÈRE HEURE. — Nous apprenons
de source certaine que M. Jacques Riche-
pin, poète et fils de poète, auteur et fils
de commissaire de la Société, a constaté
pendant la tournée de La Marjolaine, dans
laquelle il accompagnait Mme Cora La-
parcerie, sa femme, toutes les fraudes,
toutes les incuries, tous les scandales dont
nous avons parlé — et d'autres encore.
Il en a dressé une liste complète. Il est
prêt à témoigner devant la commission, et
nous le connaissons assez pour être sûr
qu'il ne craindra pas de dire enfin des
NOMS.
Bienséances
On m'envoie les mesures très exactes
de différents fauteuils prises aux troisièmes
galeries de l'un de nos meilleurs théâtres
subventionnés.
Le fauteuil n° 74 a quarante-neuf cen-
timètres, le 80 n'en a que quarante et un,
le 78 descend à trente-neuf et le 76, pour
enfant, n'en mesure que trente-cinq.
Je crois qu'il y a là un défaut de dia-
gnostic qu'il conviendrait de rectifier sans
tarder.
Evidemment, dans la construction du
théâtre, les architectes, peu au courant des
lois physiologiques, se sont imaginés que
moins le public était fortuné, moins il lui
fallait de place pour- s'asseoir. C'est là
une - erreur grossière que peut commettre
un architecte, mais qui étonnerait un mé-
decin.
On sait, en effet, que l'obésité ne ré-
sulte pas nécessairement d'un excès de
nourriture, mais d'un défaut de nutrition,
et que le diabète, par exemple, peut ame-
ner un engorgement des tissus considé-
rable. Il en va de même pour la goutte,
qui peut être également causée par des
excès ou des insuffisances de table.
Je sais bien que l'architecte s'est peut-
être proposé plutôt de favoriser r *
breuses familles et de réserver dt t.
aux tout petits enfants, mais ce Â.
de ces choses que ne comprend ri
public, et, tout le monde n'étant
Badin, trente-cinq centimètres n'en tu
rent pas moins parfaitement ins:fi',\
même pour des citoyens modestes a
sentant peu de surface.
G. DE PAWLOU SK
Nous publierons demain un arti 'c c
TRISTAN BERNARD
A PROPOS D' « IPHIGENr;? *
Une lettre
de M. Vincent d'ïns
M. Vincent d'Indy a adressé au dî^e; ;.;
l'Opéra-Comique la lettre suivante :
Mon cher Monsieur Carré,
Croyez que je vous suis et V':
très reconnaissant des soins eue
ayez apportés à monter Ferva > •?
dix ans, à la suite des repréi n- i
du Théâtre de La Monnaie, de F ';
et précisément, cela ne m'a .:Ui.
donné lieu de m'étonner de : J r
vraiment incompréhensible d'w,- ,,'
nie en Aulide a été montée à l'Oser ? •
mi que.
La défense des chefs-d'œtiv. e c>
la dégradation voulue ou inco- ::f
m'a toujours semblé être l'un ô<:::¡
impérieux devoirs de l'artiste ! .-r
il fallait bien que quelqu'un ! OJL
à dire enfin tout haut ce que te r!;.::
pensent tout bas.
Quant à la petite histoire c'~
voulez bien me conter au suje. (>.: 1
dre et Hippolyte — histoire c tk
toutes pièces de votre imagination -
ai pris un plaisir extrême. Ay* ;
un an déjà, loyalement rendu V, !
Bois la libre disposition de :;',;; c
drame que je me trouvais dan^ ..;:n.
sibilité de traduire musicalem .dL le
vois pas très bien comment l2 i'ic
de l'Opéra ou celle de l'O, : a
mique pourraient revendiquer u :
priété d'une œuvre qui n'cxi; c c-<
- de mon fait, au moins — evî:
jamais?.
'-r:a:ou 11 n ,. 9 fn.m, le p!U§'p "0' ( :;
recteur lui-même perd ses dro
Veuillez agréer, mon cher A' n -
Carré, l'expression de mes m ; -
souvenirs.
Vincent c? NO Y
Echos
M
M. Deval et Richemond ne
adressé, hier, la lettre su;>v:;e
Mon cher Masque de Verre
On a annoncé de plusieurs côtéz ?
avions cédé les théâtres de l'Athca^e
Folies-Dramatiques.
Nous vous serions obligés ae • ir
démentir ces bruits.
Agréez, mon cher Masque de ,' ;.
pression de nos sentiments les nui *•..
DEVAL et RI j :'. ':..)
B
1 ulletin.
) L'état de santé de M. C( ii'
det ne s améliore pas, et on r 0;'
ne pouvoir applaudir avant -; >,, *
l'amusant et sympathique artiste
u
n de nos chauffeurs, gran.
de longues randonnées, es
puis hier d'un gros garçon.
- Les premiers mots que ;
prendrai à prononcer, disait-il ce r.
seront Pneu Samson, en reconnais
des services inestimables que le c.
pneumatique m'a rendus au cours d-
voyages. "---
p
our les cadeaux de Noël et du Je
l'An, nous conseillons - vivemen-
visite à de Bluze, 38, boulevard de
liens, dont les célèbres diamants t
perles reconstituées garantis - inaltér.
sont connus du monde entier.
A la suite d'une entente avec le c.
joaillier, Comœdia a obtenu, « mais
trois jours seulement », une remi-.
10 à ses lecteurs se présentant u
du bon imprimé en dernière page.
u
ne brillante assistance se pressait
chez Leroy, 22, rue Réaumur^
y taire emplette de ces mute oujets
sants, de ces délicieuses créations dt
tre orfèvre, qui constituent les être
les plus agréables qu'on puisse re ;
ou donner. -
p
(our les étrennes, abonnez vos -..
leurs enfants et les vôtres, à La ;1
que de Théâtre et de Salon, la neuve
blication qui révolutionne le commère
sical. L'abonnement, de 12 francs, es
plètement remboursé par 14 francs 'L
lûmes offerts gratuitement. La col
de l'année représentera 160 francs <
sique et donnera les chefs-d'œuvre II
connus de l'Opéra, de l'Opérette, du
et de la Danse.
Le premier numéro, partout: 25 ;
mes.
- NOUVELLE A LA MAIN
A
u premier rang de balcon.
1 PREMIÈRE AMIE. — C-St éto;
ce que cette artiste a fait df3 progre:
puis l'an dernier!
DEUXIÈME AMIE. — iMme ! Elle e
laHa Plie a tout le tptnps de travail
Le Masque de Verre
Le Numéro : 5 centimes
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e Peut-être que celui du trust. Pour
ctjL çs raisons que nos lecteurs compren-
Ollt aisément, on a décidé de le tenir
PoUr é, mais il n'existe pas de secrets
nous.
h.- , -' , -
M.SARDOU
En voici le récit. Nous mettons qui
que ce soit au défi de nous démentir,
sauf, Peut-être, sur quelques points de
détail, car nous n'assistions pas à la
séance et nous n'écoutions pas aux
l'es.
"l)epuis de longues années, à voix basse
~r chacun tremble, à la Société des Au-
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- on parlait de la façon scandaleuse
lih} les droits d'auteur sont perçus en pro-
*
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^sans. déclarer que les représentants de.
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Gela a toujours été ainsi!. D'ail-
t ). on exagère!.
léJ, ls continuaient à se partager avec, pla-
les deux du trois cent mille francs que
entent leurs bénéfices personnels et
s, car on pourrait croire que la So-
';es Auteurs n'est créée que pour que
M. MASSENET
somptueusement ses deux agents gé-
messieurs n'ont rien négligé, à cet
t, en excellents commerçants, ils ont
--. l'ingéniosité jusqu'à payer leurs
s de province avec le* billets d'auteur
retiennent sans aucun droit. Ainsi,
Graves écrivains dramatiques se trou-
M. JEAN RICHEPIN
la poche de MM. Gangnat et Pellerin,
.moins, toutefois une fraction infime qui re-
tourne à la caisse sociale.
Mais arrivons au fait:
Vers le mois de juillet de cette année,
légèrement troublée par les clameurs gran-
dissantes des sociétaires et des' pension-
naires, la Commission des Auteurs drama-
tiques qui est, vous le savez, présidée par
M. Alfred Capus et composée de MM. Jean
Richepin, Paul Ferrier, Massenet, Decour-
celle, Henry Bernstein, G.-A. de Caillavet,
Pierre Wolff, Varney, Millet, Gavault, La-
vedan, Pierné, Ordonneau et Bisson, la
Commission résolut de « faire quelque
chose », et, après avoir obtenu préalable-
ment la permission des deux agents géné-'
raux, car on sait que les quinze élus de
la littérature dramatique française sont à
plat ventre devant leurs deux employés, le,
Comité de Salut Public de la rue Hippolyte-
Lebas décida de créer provisoirement un
inspecteur de province.
On choisit, après discussion, M. Des-
champs, ancien directeur - de théâtre,
croyons-nous, sans pouvoir l'affirmer,
fort au courant de la question et très pro-
tégé, au. surplus, par M. Victorien. Sardou.
Il se trouva que ce M. Deschamps est
un parfait honnête homme, un homme
d'une véritable intelligence et un homme
courageux.
Avant,de se mettre en route, il fut reçu
par une soùs-commission d'été que. présidait
M. Jean Richepin et que complétaient. MM.
Varney, Bernstein, Caillavet et Decour-
celle. En pantalon de flanelle blanche, en
chemise molle rayée, en veston d'alpaga,
M. ALFRED CAPUS
ces hommes éminents, d'une voix lasse et
d'une bouche altérée, lui donnèrent leurs
dernières instructions et il partit plein d'es-
poir.
Mais, bien vite, les déceptions commen-
cèrent. Les agents généraux qui étaient en-
trés cependant pour une part dans les frais
très minimes occasionnés par la création de
ce nouveau fonctionnaire, ne lui facilitèrent
pas sa tâche. Comme s'ils tenaient à dé-
montrer l'inutilité d'une pareille inspection,
le malheureux Deschamps fut envoyé dans
des villes dont les théâtres étaient fermés,
à la poursuite de tournées imaginaires, ou
encore il attendait en de lointaines sous-pré-
fectures, des jours durant, les instructions
et les renseignements que M. Vigneron, qui
remplit, à la Société, les fonctions mal dé-
finies de contrôleur général, devait lui en-
voyer — et qui n'arrivaient jamais.
M. Deschamps ne se découragea point.
Il refit à sa façon des itinéraires, il déjoua
tous les plans, montra une grande initiative
et parvint à contrôler une soixantaine de
villes. A la vérité, une dernière ruse avait
rendu son travail plus difficile encore. Parti
avec de pleins pouvoirs, avec mission de
dresser des procès-verbaux, M. Deschamps
fut informé, dès la première étape, que son
travail devait se réduire tout uniment à re-
garder, à constater. A la rigueur, les
agents de province et les directeurs eus-
sent fort bien pu refuser tous renseigne-
ments au pauvre inspecteur; mais celui-ci,
à force d'autorité et d'adresse, parvint ce-
pendant à mener à bien une sérieuse en-
quête.
Eh bien! sociétaires et stagiaires de la
belle, de la grande, de l'unique Société des
Auteurs, sur soixante théâtres de province
inspectés, savez-vous combien sont en rè-
ttle, combien payent les droits d'auteur
~'ils doivent payer, combien sont surveil-
dlé e par les subordonnés de vos agents -
de vos chers agents?
CINQ!
Vous entendez: CINQ !
Gloire soit rendue à Dijon et aux repré-
sentants des Auteurs dans cette ville ; c'est,
avec quatre cités de plu» petite importance,
sur soixante inspectées, la seule où M. Des-
champs ait trouvé une Perception parfaite.
Partout ailleurs, c'est écurie ou le vol
organisé-. C'est le représentant dès Au-
teurs toujours absent ou qui. fait sa manille
avec le contrôleur du - théâtre!. c'est en-
core le représentant des Auteurs à qui l'on
a triplé son nombre de billets dits d'au-
de faveur ou des billets à tarif réduit omet
d'inscrire les deux tiers de sa recette.
C'est le directeur qui fait entrer les spec-
tateurs payants par des entrées dérobées et
« incontrôlables ». C'est la « cassette », la
fameuse « cassette », en d'autres termes,
toute la « petite recette » qui passe direc-
M. PELLERIN
tement dans la poche du directeur, sans
qu'aucun prélèvement soit opéré.
La liste serait fastidieuse des trucs, des
tours employés pour frustrer les écrivains
du fruit de leur travail. Mais, encore une
fois, la plupart des directeurs n'ont même
pas besoin de se mettre en frais d'imagi-
nation. Le représentant des auteurs, trop
mal payé pour se bien consacrer à la tâche
qu'on lui a confiée, est presque toujours un
oersonnage invisible, souvent un complice et
la surveillance n'existe pas.
NULLE PART, sauf dans les cinq villes
que nous venons de signaler, M. Des-
champs n'a trouve une feuille de contrôla
correspondant au contenu aela^ille. Par-
.tout, en dépit du nombre énorme des fa-
veurs, il demeurait une importante fraction
de spectateurs - souvent, la majorité! —
dont le contrôleur ne pouvait expliquer
honnêtement la présence dans la salle et
l'absence sur sa feuille.
Le Vol!. Le VOL!. Le VOL!.
Ajoutons, cependant, qu'il se trouve bon
nombre de braves gens parmi les représen-
tants des Auteurs. Beaucoup à qui M. Des-
champs reprocha de mal remplir leurs fonc-
tions — si honteusement payées - tombè-
rent des nues.
— Vérifier une feuille de contrôle!. Ar-
rêter une recette!. Compter les places
vendues!. Surveiller les opérations du bu-
reau!. etc., etc. !.
Mais, ils ignoraient totalement toutes ces
opérations. Si on leur avait donné des ins-
tructions, ils les eussent remplies, ils se
fussent mis au courant ; ils se déclaraient
pleins de bonne volonté. Mais, MM. Gan-
gnat et Pellerin, qui s'inquiètent peu d'ac-
croître leurs bénéfices et se contentent de
coucher sur les belles positions acquises,
avaient purement et simplement OUBLIÉ
M. PIERRE DECOURCELLE
d'expliquer à leurs agents de province en
quoi consistaient leurs fonctions.
Nanti d'un dossier formidable, M. Des-
champs revint à Paris. L'été n'était plus,
ni la sous-commission. L'inspecteur fut,
cette fois, reçu par une autre sous-commis-
sion, celle des droits de province. Sa com-
position, d'ailleurs, ne différait pas beau-
coup. C'étaient toujours MM. Pierre De-
courcelle, Henry Bernstein et G.-A. de
Caillavet, auxquels s'était adjoint le perspi-
cace M. Paul Gavault.
Sous l'œil méfiant des agents, généraux,
M. Deschamps détalla son paquet, ouvrit
ses dossiers, lut son rapport. Les quatre
commissaires parurent tout d'abord un peu
interloqués; mais le rude Pellerin et l'har-
monieux Gangnat étaient là pour répondre,
Une discussion s'éleva, et bientôt les figu-
res des quatre élus respirèrent une totale
indifférence..
Lorsque M. Deschamps fut à bout de
souffle—et.à bout d'horreurs-— le prési-
dent balbutia quelques vagues mots de re-
merciements et pria M. Deschamps de s'oc-
cuper pour un temps des théâtres de Paris,
en lui indiquant qu'il serait entendu de
nouveau, à une date indéterminée, par la
grrrrande Commission, réunie sous la pré-
sidence de l'énergique M. Alfred Capus.
la puérilité de ce fonctionnaire, .de l'inuti-
lité de payer aussi cher (300 francs par
mois) un homme qui « se frappait » à ce
point, et les commissaires s'inclinèrent une
fois de plus.
Notons que ce désintéressement coupa
ble est d'autant plus incompréhensible que
la commission se compose d'auteurs con-
sidérables qui tirent du théâtre d'impor-
tants revenus, dont le répertoire est cons-
tamment joué en province et qui sont donc
les premiers à pâtir. Mais, leurs revenue
sont tels qu'ils ne souffrent guère de cette
diminution de droits qui frappe bien plub
durement et les auteurs moins heureux e.
la caisse sociale.
Ici, l'histoire devient tout de bon amu-
sante!
Ce Deschamps est décidément un drôle
de pistolet! Lui, simple petit employé, ré
solut d'avoir raison de toutes les haines, de
toutes les apathies. Il y avait en lui de l'il
luminé et de l'apôtre. Sa tournée lui avait
révélé que la Société des Auteurs perdait,
bon an mal an, plusieurs centaines de mille
francs.de droits en province, et ces droits,
il était certain qu'une inspection bien com-
prise les ferait rentrer désormais.
Et Deschamps était aussi un père de fa-
mille prévoyant et sage. On lui avait pro-
mis de l'augmentation. On lui avait oromis
une prime par chaque fraude constatée :
Deschamps voulait gagner glorieusement
sa vie. -
Il commença par tenter de rendre à tous
les commissaires des visites individuelles.
Il s'en fut chez M. Paul Hervieu. Mais,
porte close, M. Paul Hervieu « planait »
M. BERNSTEIN
en ville. Il s'en fut chez M. Henry Berns-
tein. M. Henry Bernstein « planait » aussi,
mais at home. Seulement, M. Henry Berns-
tein est un jeune et déjà illustre (voir les
communiqués des courriers de théâtres!),
et il fut répondu à M. Deschamps par un
secrétaire impassible et par un valet gour-
mé que M. Henry Bernstein ne recevait
que sur rendez-vous pris huit jours d'avan-
ce (sic).:.
M. Deschamps s'en fut encore — paulo
minora — vainement chez M. Pierre Wolff
qui essayait des habits de couleur,, chez
M. de Caillavet qui dormait à deux heures
de l'après-midi, chez M. Paul Gavault qui
faisait répéter au Palais-Royal, chez M.
Pierre Decourcelle qui voyageait à son
tour en province, mais pour y découvrir
de fructueuses antiquités.
Las, très las, il se rendit enfin chez son
vieux et très grand protecteur, chez M.
Victorien Sardou. Celui-ci,-étant le plus
glorieux, le reçut aussitôt et l'écouta avec
la meilleure grâce du monde. Quand M.
Deschamps eût terminé sa lamentable his-
toire, M. Sardou, dans. un état de fureur
indescriptible, bondit sur une feuille de pa-
pier, y: inscrivit quelques lignes tracées
d'une main impérieuse et fiévreuse, plia et
glissa la feuille dans une enveloppe, sur la-
quelle il inscrivit le nom de M. Henry
Bernstein..
— Allez chez ce grand-là, clama-t-il avec
son inimitable accent, c'est encore le moins
engourdi! :-
- Mais, maître, balbutia M. Deschamps,
M. VARNEY M. ORDONNEAD
M. LAVEDAN M. GAVAULT
n'a pas
- Je vous dis d'y aller, interrompit
brusquement M. Sardou l
Deschamps s'enfuit.
Le voici derechef chez M. Henry Bern-
stein, et le miracle commence de s'accom-
plir.
stein, L'histoire ne dit point si l'auteur de
Samson reçut à genoux et baisa le pli au-
guste. mais toujours est-il que le valet de
chambre cérémonieux introduisit sur la
minute l'inspecteur et que celui-ci fut ac-
cueilli à merveille.
Même, depuis qu'il a renoncé à toute
fonction active, M. Victorien Sardou, qui
n'est plus que le président d'honneur de
la Société, a conservé sur tous ses con-
frères, jeunes ou vieux, un mystérieux, un
irrésistible, un extraordinaire ascendant.,
C'est le PATRON/
Et M. Deschamps le vit bien.
M. Henry Bernstein, lâchant toutes au-
tres occupations, s'abîma pendant de lon-
gues heures dans l'étude du dossier, et le
lendemain, qui était VENDREDI DERNIER,
ses collègues — dûment prévenus par lui
— se trouvèrent pour une fois presque au
^rand complet dans la salle des délibéra-
tions de la rue Hippolyte-Lebas.
La séance eut des allures historiques.
M. Henry Bernstein, porteur du souverain
nessage, vint prendre sa place à la grande
able, dans un silence , impressionnant. Il
annonça qu'il avait étudié à fond le rap-
port de l'inspecteur, que les faits rapportés
constituaient un véritable scandale, que,
si ces choses se prolongeaient, il lui serait
impossible, quant à lui, de conserver ses
fonctions de commissaire, et qu'il en ap-
pellerait à l'assemblée générale. Il donna
'ecture d'une liste sommaire des fraudes
inouïes qui avaient été constatées dans
cinquante-cinq villes. Il exposa encore que,
durant tout son voyage, le pauvre M. Des-
champs avait eu à lutter contre une abo-
minable mauvaise volonté des « bureaux »
de la rue Hippolyte-Lebas. Enfin, M.
Bernstein donna lecture de la lettre terri-
blement énergique par laquelle M. Victo-
rien Sardou le saisissait de l'affaire et dans
laquelle il n'épargnait guère les deux
agents et le contrôleur général.
Interloqué, M. Gangnat fit une déclara-
tion embarrassée et un peu confuse et qui
se résumait à ceci: qu'ils avaient acheté
leur charge fort cher, qu'ils avaient des
frais considérables, qu'ils entendaient réa-
liser des bénéfices, et qu'une perception
autrement établie, c'était pour M. Pellerin
et pour lui une trflp lourde dépense.
Des rumeurs s'élevèrent.
— Mais votre charge comporte aussi des
devoirs! cria M. Pierre Decourcelle.
, - Et M. Henry,Bernstein, tçè&.aec et vive-
ment appuyé par M. Pierre Wolff — qui se
montra très énergique — et par M. de
Caillavet, demanda à M. Paul Ferrier, qui
présidait, que la séance fût secrète.
: C'était, en d'autres termes, prier les
deux agents et M. Vigneron de se retirer
de la salle des délibérations. Ce fut un
coup de tonnerre. Le président acquiesça;
les trois féodaux se levèrent et sortirent.
Et alors commença, en effet, une séance
vraiment secrète. Les membres présents
donnèrent leur parole de ne rien divulguer,
et des décisions furent envisagées dont
chacune aurait un retentissement énorme.
Et l'on se sépara, en prenant rendez-
vous pour entendre vendredi prochain le
rapport définitif de M. Pierre Decourcelle.
Mais, d'ici là, les esprits ne seront-ils
pas calmés, les bons visages ne seront-ils
pas redevenus indifférents, et nos com-
missaires bons enfants, qui ne peuvent
plus maintenant plaider l'ignorance, qui
sont pleinement, brutalement éclairés sur
ce qui se passe en province, accepteront-
ils la lourde responsabilité de conserver
leurs fonctions, alors qhe leurs confrè-
res, leurs électeurs, sont tranquillement
dépouillés?
Nous verrons bien!
Mais si tel était le cas, nos élus de-
vraient cette fois s'attendre à une sérieuse
résistance. Nous sommes quelques-uns qui
en avons assez de voir quinze confrères
briguer ardemment des fonctions dont ils
s'acquittent si légèrement, et défendre
aussi pauvrement les deniers de leurs
mandants.
Nous verrons bien!
UN SOCIETAIRE.
DERNIÈRE HEURE. — Nous apprenons
de source certaine que M. Jacques Riche-
pin, poète et fils de poète, auteur et fils
de commissaire de la Société, a constaté
pendant la tournée de La Marjolaine, dans
laquelle il accompagnait Mme Cora La-
parcerie, sa femme, toutes les fraudes,
toutes les incuries, tous les scandales dont
nous avons parlé — et d'autres encore.
Il en a dressé une liste complète. Il est
prêt à témoigner devant la commission, et
nous le connaissons assez pour être sûr
qu'il ne craindra pas de dire enfin des
NOMS.
Bienséances
On m'envoie les mesures très exactes
de différents fauteuils prises aux troisièmes
galeries de l'un de nos meilleurs théâtres
subventionnés.
Le fauteuil n° 74 a quarante-neuf cen-
timètres, le 80 n'en a que quarante et un,
le 78 descend à trente-neuf et le 76, pour
enfant, n'en mesure que trente-cinq.
Je crois qu'il y a là un défaut de dia-
gnostic qu'il conviendrait de rectifier sans
tarder.
Evidemment, dans la construction du
théâtre, les architectes, peu au courant des
lois physiologiques, se sont imaginés que
moins le public était fortuné, moins il lui
fallait de place pour- s'asseoir. C'est là
une - erreur grossière que peut commettre
un architecte, mais qui étonnerait un mé-
decin.
On sait, en effet, que l'obésité ne ré-
sulte pas nécessairement d'un excès de
nourriture, mais d'un défaut de nutrition,
et que le diabète, par exemple, peut ame-
ner un engorgement des tissus considé-
rable. Il en va de même pour la goutte,
qui peut être également causée par des
excès ou des insuffisances de table.
Je sais bien que l'architecte s'est peut-
être proposé plutôt de favoriser r *
breuses familles et de réserver dt t.
aux tout petits enfants, mais ce Â.
de ces choses que ne comprend ri
public, et, tout le monde n'étant
Badin, trente-cinq centimètres n'en tu
rent pas moins parfaitement ins:fi',\
même pour des citoyens modestes a
sentant peu de surface.
G. DE PAWLOU SK
Nous publierons demain un arti 'c c
TRISTAN BERNARD
A PROPOS D' « IPHIGENr;? *
Une lettre
de M. Vincent d'ïns
M. Vincent d'Indy a adressé au dî^e; ;.;
l'Opéra-Comique la lettre suivante :
Mon cher Monsieur Carré,
Croyez que je vous suis et V':
très reconnaissant des soins eue
ayez apportés à monter Ferva > •?
dix ans, à la suite des repréi n- i
du Théâtre de La Monnaie, de F ';
et précisément, cela ne m'a .:Ui.
donné lieu de m'étonner de : J r
vraiment incompréhensible d'w,- ,,'
nie en Aulide a été montée à l'Oser ? •
mi que.
La défense des chefs-d'œtiv. e c>
la dégradation voulue ou inco- ::f
m'a toujours semblé être l'un ô<:::¡
impérieux devoirs de l'artiste ! .-r
il fallait bien que quelqu'un ! OJL
à dire enfin tout haut ce que te r!;.::
pensent tout bas.
Quant à la petite histoire c'~
voulez bien me conter au suje. (>.: 1
dre et Hippolyte — histoire c tk
toutes pièces de votre imagination -
ai pris un plaisir extrême. Ay* ;
un an déjà, loyalement rendu V, !
Bois la libre disposition de :;',;; c
drame que je me trouvais dan^ ..;:n.
sibilité de traduire musicalem .dL le
vois pas très bien comment l2 i'ic
de l'Opéra ou celle de l'O, : a
mique pourraient revendiquer u :
priété d'une œuvre qui n'cxi; c c-<
- de mon fait, au moins — evî:
jamais?.
'-r:a:ou 11 n ,. 9 fn.m, le p!U§'p "0' ( :;
recteur lui-même perd ses dro
Veuillez agréer, mon cher A' n -
Carré, l'expression de mes m ; -
souvenirs.
Vincent c? NO Y
Echos
M
M. Deval et Richemond ne
adressé, hier, la lettre su;>v:;e
Mon cher Masque de Verre
On a annoncé de plusieurs côtéz ?
avions cédé les théâtres de l'Athca^e
Folies-Dramatiques.
Nous vous serions obligés ae • ir
démentir ces bruits.
Agréez, mon cher Masque de ,' ;.
pression de nos sentiments les nui *•..
DEVAL et RI j :'. ':..)
B
1 ulletin.
) L'état de santé de M. C( ii'
det ne s améliore pas, et on r 0;'
ne pouvoir applaudir avant -; >,, *
l'amusant et sympathique artiste
u
n de nos chauffeurs, gran.
de longues randonnées, es
puis hier d'un gros garçon.
- Les premiers mots que ;
prendrai à prononcer, disait-il ce r.
seront Pneu Samson, en reconnais
des services inestimables que le c.
pneumatique m'a rendus au cours d-
voyages. "---
p
our les cadeaux de Noël et du Je
l'An, nous conseillons - vivemen-
visite à de Bluze, 38, boulevard de
liens, dont les célèbres diamants t
perles reconstituées garantis - inaltér.
sont connus du monde entier.
A la suite d'une entente avec le c.
joaillier, Comœdia a obtenu, « mais
trois jours seulement », une remi-.
10 à ses lecteurs se présentant u
du bon imprimé en dernière page.
u
ne brillante assistance se pressait
chez Leroy, 22, rue Réaumur^
y taire emplette de ces mute oujets
sants, de ces délicieuses créations dt
tre orfèvre, qui constituent les être
les plus agréables qu'on puisse re ;
ou donner. -
p
(our les étrennes, abonnez vos -..
leurs enfants et les vôtres, à La ;1
que de Théâtre et de Salon, la neuve
blication qui révolutionne le commère
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plètement remboursé par 14 francs 'L
lûmes offerts gratuitement. La col
de l'année représentera 160 francs <
sique et donnera les chefs-d'œuvre II
connus de l'Opéra, de l'Opérette, du
et de la Danse.
Le premier numéro, partout: 25 ;
mes.
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1 PREMIÈRE AMIE. — C-St éto;
ce que cette artiste a fait df3 progre:
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DEUXIÈME AMIE. — iMme ! Elle e
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