Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-12-23
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 décembre 1907 23 décembre 1907
Description : 1907/12/23 (A1,N84). 1907/12/23 (A1,N84).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76453810
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
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1re Aimée.— N° 84 (Quoticïfétir* ** ';S'5* *êt*&tkv» Êufct» 2$ Décembre i90/.
C~~ O~ MTL HT Œ~)f W DTf~ IV A~
f Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSKt
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Presse Télégraphique : COMŒDlA..PARIS
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UN AN 6 MOIS
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ïarîs et Départements. 24 fr. 12, fr.
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Adresse Télégraphique ; COMŒDlA"PARJS
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UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24t fr.. 12 fr.
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tes gros mots
Depuis quelques années, nos excel-
lents dramaturges abusent vraiment des
gros mots. Les journalistes ont commen-
: es auteurs continuent.
« Le mot propre est souvent gros
mot », a dit Taine. Je répondrai au re-
gretté Philosophe : le gros mot n'est pas
toujours propre.
Je Sais bien que les écrivains qui se
flatt ent de nous donner des « tranches de
vie » très saignantes, ne peuvent vrai-
ment faire parler tous leurs personnages
comme jadis s'exprimait M. de Coyllin,
et puisque, à la ville, beaucoup de
gens ne mâchent pas leurs gros mots, il
tq a*urel que, dans le livre ou sur la
itwVces mêmes gens parlent leur
« propre » langue.
Néanmoins, on dépasse la mesure et
le spectateur délicat est souvent choqué,
celui qui s'écria, dernièrement, à une
représentation des Fourberies, lorsque
Scapin parle des coups de pied au cul
l'attendent:
Décidément, aujourd'hui, les au-
ont trop loin !
Il suffit d'un mot pour illustrer un
mme, mais il vaut mieux qu'il soit
bon » plutôt que « gros ».
Un jour, Mesureur a dit : « Je m'en
! » Ça l'a fait connaître.
Beaucoup, avant et depuis lui, ont
employé cette expression, inutilement.
Ça ne leur a pas servi. Plaignons-les.
Tout dépend du moment. Si, un ma-
son valet de chambre qui lui prê-
entait deux paires de chaussettes, en lui
disant : « Laquelle mettrez-vous?» M.
Mesureur avait simplement répondu :
« Je m'en fous », cette réponse, en une
aussi vulgaire situation, n'aurait pas suf-
fi à illustrer notre homme. Malin, le di-
recteur de l'Assistance publique attendit
heure. Elle vint et sonna.
Quelle que soit la notoriété de notre
contemporain, elle est cependant pâlotte
après de celle du brave généràl Cam-
ro ne.
Encore un qui en a eu de la veine!
Il combat à Quiberon, on l'ignore; il
eraille en Allemagne, nul ne s'en
ute ; *• î caracole à Zurich, personne ne
sait; il commande à Iéna, aucune ru-
eur ; mais, arrive la bataille de Water-
o. Ah! ah! le voilà le moment!. Les
Anglais, impatients, lui crient : « Ren-
Q oUs, please! » Vous croyez qu'il
a, soulevant son bicorne empanaché,
répondre froidement:
— La Garde meurt, mais ne se rend
,,'tUe erreur! D'abord, à ce moment-
la canonnade, les boulets, le tapage
infernal, diabolique, fait à ses côtés
était tel — sans égaler toutefois celui
du qu atelet pendant les « changements »
que messieurs les Anglais n'eussent
ouïr la phrase en question, géniale-
remplacée par le mot savoureux
que vous savez
Cinq lettres, et Cambronne fut glo-
S ent, voilà! Ce mot, il ne suffit
d' en avoir plein la bouche, il faut,
on eprouve le besoin de le dire, se
retenir le Plus possible, prendre ses pré-
cautions pour ne le lâcher qu'au bon mo-
ment. Ve sont là des choses qu'on doit
ir. niaIS revenons au théâtre.
J'ai, en principe, horreur des gros
pourtant, je dois convenir que
ains s'imposent, indispensables.
Tenez, vous souvenez-vous de ce ra-
~crê > j vaudeville de Pierre Wolff : Sa-
Léonce!
Léonce, quoique de Cahors, est un
paysan du Danube ; il arrive à Paris
pour épouser Mlle Cécile Debienne. La
camille de la jeune fille l'attend avec
y, Un vieil ami. Il entre. Le mal-
reux, d'une laideur repoussante,
porte toute sa barbe, et quelle barbe!
OlisSé rbe rousse énorme, hirsute, ayant
é en tous sens, ses cheveux en
tjft couvrent le col de sa che-
de couleur. Il a du poil partout. Il
horrible.
A sa vue, Debienne se lève, ahuri :
— Oh ! la sale gueule! s'écrie-t-il.
— N Om de Dieu! jure Seuzy.
Eh bien! les deux répliques étaient
tellement vraies, tellement dans la situa-
on, tellement les seules possibles,
qu'elles furent saluées par les rires
14 dune salle en joie!
t.
jour, Frédérick-Lemaître, dans un
^e^vait à pousser un : « Ah !.,. »
devait donner la chair de poule. au
poulailler.
Aux répétitions, le génial acteur n' é-
ait pas entent de lui. Son «ah!» ne
satisfaisait point. Il ne sortait pas à
gré il
, il y a une chose que tous les co-
ens Savent : Lorsqu'une phrase est
trop courte — et celle-là ne pouvait
être davantage — afin de trouver Fin-
xion juste, il faut, en la disant, la
mplé Qui mentalement par quelques
est lin 1 la précèdent ou la suivent.
est un petit truc facile à suivre, même
tournée. ,
Frédérick, qui n'ignorait rien de son
hi^ue0/1? du moyen.
Chaque fois qu'il envoyait son « ah ! »,
ens t M' ( 1
— i ensuite : « M.! » (voir plus
Malheureusement - c'était fatal
un %cir distrait, il pensa « ah!» et
« m. -' ! »
, *Ppio emballé par ce mot de vé-
rité applaludit à tout rompre.
Et maintenant, la dernière! (parce
iqu'il faut que je vous quitte. je suis
pressé)
C'était à la foire de Bordeaux. On
donnait, dans une des plus belles bara-
ques de la fête, au pied du marmoréen
Montaigne, La Passion, pantomime en
une quantité innombrable de tableaux.
Spectateur assidu des représentations
de Deburau, passionné de pantomime, je
n'aurais eu garde de manquer ce spec-
tacle donné par des forains très ordi-
naires.
J'étais au Ciel, ou, pour préciser, au
Paradis. et n'aurais pas cédé ma place
pour dix sous. d'autant qu'elle m'en
avait coûté quinze.
La pantomime annoncée était ornée de
tableaux vivants. Quand les artistes ne
se sentaient pas capables d'exprimer
avec leur physionomie et leurs gestes
une situation, vite, un tableau vivant!
Et ces tableaux étaient présentés sur
un immense plateau tournant, afin que
tous les spectateurs pussent jouir des
moindres détails du « groupe artisti-
que ».
Vint le tableau : « Le Christ entre les
deux larrons ».
Je dois convenir que le pauvre bougre
qui figurait le Christ était possesseur
d'une hure à faire regretter ce sacré
Léonce.
Ce n'était vraiment pas gentil pour
Jésus de le représenter sous ces traits-là.
Derrière moi, se trouvaient deux ou-
vriers, dont l'un ne devait pas travailler
souvent, mais, en revanche, présentait
les dehors du pochard le plus invétéré.
Le dehors te fait peur, si tu voyais dedans!
A peine aperçut-il le Sauveur des
hommes qu'il rogomma entre deux ho-
quets vineux:
— Oh! le cha. meau., est-il. laid!
Et, montrant son soulier à son copain :
— Quand. il s'ra. en face. j' lui.
foutrai ça. su. la trogne!
— Reste tranquille.
Mais le poivrot n'a qu'une parole et,
au moment précis où le Christ, les bras
en croix, la tête renversée en arrière, se
présentait devant nous, ping!. il reçut
en pleine figure le ribouis annoncé :
- Nom de Dieu!. hurla Jésus.
Félix G ALI P AUX.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Musique d'Adam
Il est bien entendu que-nous ferons tout
notre possible, à Comœdia, pour déltvrer
les spectateurs, serait-ce par la force, de
ces. cloches sous lesquelles ils étouffent au
théâtre, comme ils le feraient dans les ser-
res d'un maraîcher; mais, entre nous, je
puis bien vous l'avouer, depuis l'affaire
bien connue du Paradis Terrestre, je n'ai
aucune confiance dans l'efficacité de cette
campagne, tout simplement parce que Mes-
dames ces dames s'y trouvent mêlées.
Supposons que demain les chapeaux
soient partout supprimés à l'orchestre : il
se produira tce qui se passe actuellement
aux Français, par exemple; nous verrons
apparaître non plus des chapeaux, mais
d'admirables plumeaux habilement reliés
aux cheveux et s'élevant gracieusement,
comme les grandes eaux de Versailles
dans le parterre, jusqu'à hauteur des fau-
teuils de balcon. Il ne manquera plus qu'un
œuf au haut du jet, comme dans les tirs
forains.
Je sais bien que ce jour-là on recommen-
cera pendant dix ans une autre campagne
contre les aigrettes, et peut-être arrivera-
t-on à obtenir leur suppression. Nous ver-
rons alors paraître la mode des plumes
dans le nez et des cailloux incrustés dans
les oreilles, comme en Nouvelle-Zélande,
pour les distendre de chaque côté de la fi-
gure à vingt ou quarante centimètres.
Le jour béni où l'on supprimera les plu-
mes dans le nez et les galets dans les
oreilles, ce seront, comme par hasard, les
manches qui se mettront à monter comme
dans une féerie du Châteletf ou les traises
empesées qui feront leur réapparition.
Il est bien simple de comprendre, en ef-
fet, que ce qu'il s'agit d'obtenir pour ces
dames, ce n'est point de conserver sur la
tête un chapeau ou une coiffure dont elles
n'ont pas besoin, mais bien d'ennuyer les
messieurs pour attirer l'attention sur elles.
Je sais bien qu'elles disposent pour cela
d'autres moyens innombrables, mais rien
ne vaut, vis-à-vis d'un inconnu, l'usage du
chapeau ou de la coitture de théâtre.
Le seul remède radical serait, dit-on, de
créer, dans les fauteuils d'orchestre, une
cage à poules, spécialement réservée aux
autruches, aux dindons, aux oies et autres
volailles qui s'interposent entre nous et la
scène. Ce n'est, en somme, qu'une nou-
velle naïveté, car il suffit d'y réfléchir un
instant pour comprendre que le jour même
de la réforme, tous les spectateurs deman-
deraient des places pour la cage à poules,
et que nous en reviendrions à l'état actuel.
Depuis l'affaire des pommes, ie vous le
répète, nous n'avons plus, au théâtre,
qu'une seule consolation Possible, celle de
pouvoir les faire cuire.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au Théd-
tre Sarah-Bernhardt, répétition générale de
La Belle au Bois dormant, féerie lyrique
en un prologue et quatorze tableaux, de
Jean Richepin err Henry Cain, musique de
Francis Thomé.
Ce soir, à huit heures et demie, au Théâ-
tre de l'Œuvre (salle Femina), première re-
présentaJloo de Mendès est dans la salle,
comédie en un acte et, deux, tableaux, de
Léo Marchés et Clément Vautel:
Le spectacle sera complété par Maison
de Poupée, d'Ibsen, avec Mme Suzanne
Desprès.
Cet après-midi, à une heure et demie,
aux Folies-Bergère, répétition générale - de
La Revue des Folies-Bergère, dix-sept, ta-
bleaux de P.-L. Flers, musique nouvelle et
arrangée de Patusset.
Ce soir; à huit heures trois quarts, pre-
mière représentation.
Ce soir,-à neuf heures au Moulin-Rouge,
répétition £é né raie de L'as-tu revue, revue
en deux actes et neuf tableaux, de Lucien
Boyer et Henri Bataille.
L
es pierres qui meurent.
On démolit, place Louvois, en face
de la Bibliothèque Nationale, un vieil im-
(Photo Branaer)
meuble qui,' sans doute, ne vous paraîtrait
pas sensationnel. Vous n'y verriez qu'un
banal hôtel de-voyageurs, qui menaçait
ruine et qu'on veut reconstruire.
,. Il rappelle cependant. de. bien anciens,
souvenirs. Il fut élevé sur remplacement
du Théâtre de la Loi, qui devint ensuite
l'Opéra. ,'" V
C'est là que Bonaparte échappa par mi-
racle à la bombe d'Arena et que, plus tard,
Louvel assassina le duc de Berry.
Comme tout passe! .-
N
ous manquons d'hommes.
Si l'agriculture manque de bras,
l'Opéra manque' de jambes ; précisons : de
jambes masculines, car les autres abon-
dent.
Il paraît, en effet, que si la mère de
danseuse n'est pas en voie de disparition,
la mère de danseur - fonction sociale
moins importante, il est vrai — se raréfie
fâcheusement. L'école de danse de l'Opéra
compte trop de fillettes et pas assez de
jeunes garçons. Elle n'en a même qu'un.
Pour l'avenir de l'art chorégraphique fran-
çais, il faut espérer que cet enfant ne sera
pas réduit à faire cavalier seul, et que bien-
tôt de nombreux petits compagnons vien-
dront le rejoindre. -
Avis aux familles. i
L
e ruban rouge: 1
f La comtesse Mathieu de Noailles va,
dit-on - et cette nouvelle réjouira tous les
admirateurs du grand poète — être décorée
au 1er janvier prochain.
Voilà une nouvelle scène de revue, pour
M. Rin
P
lusieurs millions à la disposition de
l'expert Dusausoy, 4, boulevard des
Italiens, qui acheté de suite, à premiere
vue et à leur réelle valeur, bijoux, diamants
et pierres fines. Grand choix d'occasions
pour le Jour de l'An.
NOS ARTISTES 1
(Photo Manuel)
Mme SUZANNE DESPRES
qui joue ce soir Maison de Poupée -au/Théâtre
1 de l'Œuvre.
v
oici un mot authentique entendu hier
dans les coulisses du Théâtre dès
Arts. 11 compense la cruauté ou la rosserie
de ceux, trop fréquents, dont on a coutume,
dans le monde du théâtre, de s'assassiner
galamment:
— Pourquoi, demandait-on à la charman-
te Berthe Bady, avez-vous renoncé à ce
rôle du Grand Soir, qui vous eût valu un
si beau succès ?
I Pouràuoi?. Pour Dermettre à-Sèrgine
d'y déployer son admirable talent que je
vous défie tous de contester ce soir!
Voilà, n'est-ce pas, un joli mot de cama-
rade généreuse.
H
ier, en matinée, dans la salle des fê-
tes de la mairie de Levallois-Perret,
a eu lieu un grand arbre de Noël pour les
membres de l'Association des Alsaciens-
Lorrains. Dans une partie musicale fort
goûtée du public, Mme Jules Dietz-Monin
a aimablement apporté lé concours de son
grand talent. La belle cantatrice mondaine
s'est fait applaudir dans Fleur du Vallon,
de Benjamin Godard; Mai, de Raynaldo
Hahn, et dans le duo de Samson et Dalila,
où son succès a été partagé par M. Paulet,
du Conservatoire, un jeuhe ténor plein d'a-
venir, que nous souhaitons entendre bien-
tôt à l'Opéra. Au piano d'accompagnement,
Mme Léa Verneuil, premier prix du Con-
servatoire.
p
our les étrennes, abonnez vos amis,
leurs enfants et les vôtres à La Musi-
que de Théâtre et de Salon, la nouvelle pu-
blication qui révolutionne le commerce mu-
sical. L'abonnement, de 12 francs, est com-
plètement remboursé par 14 francs de vo-
tumes offerts gratuitement. La collection
de l'année représentera 160 francs de mu-
sique et donnera les chefs-d'œuvre les plus
connus de l'Opéra, de l'Opérette, du Chant
et de la Danse.
Le premier numéro, partout : 25 centi-
mes.
L
e maître orfèvre Leroy, 22, rue Réau-
- mur, met en vente, pendant toute la
semaine, à des prix dérisoires de bon mar-
ché, ces ravissants petits bibelots dont le
choix s'impose pour cadeaux de Jour de
l'An.
p
our les cadeaux de Noël et du Jour de
l'An. nous conseillons une visite à
de Bluze, 38, boulevard des Italiens, dont
les célèbres diamants et perles reconstitués,
garantis inaltérables, sont connus du monde
entier.
A la suite d'une entente avec le célèbre
joaillier, Comœdia a obtenu, « mais pour
huit, jours seulement », une remise de
10 en faveur de ses lecteurs, qui se pré-
senteront munis du bon imprimé en der-
nière page. r.-'
NOUVELLE A t,A MAIN
A
l'avant-scène, l'auteur donne les -der-
nibres ineimo - il isrerrè à part un
vieux comédien et. lui explique avec soin
ce qu'il doit faire, comment il doit parler,
comment il doit s'habiller.
L'autre écoute avec attention la leçon et,
d'un air décoùragé, répond:
— Demandez-moi tout de suite d'avoir
du talent!.
Le Masque de Verrez
Appel au Peuple
Eh bien, ça marche! Notre idée fait son
petit bonhomme de chemin, et, pour peu
que cela continue, il n'y aura bientôt plus
de « question des chapeaux ».
Mais1 procédons par ordre, et rendons
compte succinctement des incidents surve-
nus hier dans: différents théâtres.
Chez Antoine, en matinée, violent « cha-
hut » — qu'on veuille bien nous permettre
la trivialité de l'expression - dès le lever
du rideau.
- Chapeau!
— Peau!
— Oh!
La direction du théâtre dut intervenir,
et très gentiment les dames, causes pre-
mières du tumulte, enlevèrent les mons-
truosités qui les chapeautaient.
Au Palais-Royal, un monsieur avait son
rayon visuel intercepté par un magnifique
spécimen d'éléphantiasis du couvre-chef.
Il se leva et refusa de se rasseoir, malgré
toutes les objurgations des speptateurs pla-
cés derrière lui. Alors, très digne, la dame
enleva une épingle, puis deux, puis trois.
et le monument s'écroula sans bruit sur ses
genoux. Le monsieur daigna alors récu-
pérer son fauteuil. Disons entre nous
que ce monsieur n'avait vraiment pas eu
de chance: quatre dames seulement avaient
des chapeaux à l'orchestre:.. Et encore, sur
les quatre, il en était une qui avait remis
le sien parce qu'elle avait vu les trois au-
tres!.
Nous avons reçu hier encore un grand
nombre de lettres. Voici l'une d'elles:
Bravo! pour la campagne contre les chapeaux
au théâtre. Je suis artiste, je n'ai donc pas le
temps d'aller souvent au théâtre en dehors de
celui où je joue, mais chaque fois que mes loi-
sirs me le permettent, je m'empresse d'aller
voir telle ou telle pièce. Eh bien! je n'ai
jamais eu la chance de voir entièrement la
scène, toujours caché que j'étais derrière un
de ces énormes - galurins. J'ai donc imaginé
un soir le petit truc que je viens vous sou-
mettre et que vous pouvez recommander à
vos lecteurs qui voudront provoquer un scan-
dale drôle et être ainsi débarrassés d'un de ces
cache-scène, Cauchemar du moment.
Voici: Vous prenez une ficelle d'environ
0 m. 50 de longueur aux deux extrémités de
laquelle vous attachez une épingle recourbée;
vous en piquez une dans le bord du chapeau de
la dame et l'autre à son fauteuil, et vous restez
impassible. A chaque mouvement ou tour de
tête de la dame, son chapeau se dérange et si
ëllfî se lève, le chapeau tombe tout seul. Alors,
on peut rire à gorge déployée; c'est peu galant
peut-être, mais c'est inoffensif, et je puis vous
assurer que la dame ne remettra pas son cha-
peau et lorsque ce petit truc sera connu, les
dames n'hésiteront pas à venir au théâtre sans
leur bouclier garni de plumes ou d'oiseaux.
Bravo ! Comœdia ! Bravo! pour la campagne
contre les chapeaux.
UN DE VOS LECTEURS ASSIDUS.
Et ce n'est pas fini! comme disait ce
pauvre Plessis que nous avons enterré ré-
cemment !.
Une poésie inédite
de Sully=Prudhomme
Le maître, Vers la fin de sa Vie, dédia d l'artiste Emile Albert de*
Poésies inédites que celui-ci communique à Comoedla.
- Allez donc voir, m'avait-on insinué,
Emile Albert, oui fut à l'Odéon et qui de-
puis — sans avoir abandonné pour cela le
théâtre - dit des vers, de beaux vers,
dans les salons parisiens.
Il fut l'ami de Sully-Prudhomme, l'in-
terprète qu'il affectionnait le plus. Si Emile
Albert vous ouvre ses cartons, vous y trou-
verez un poème inédit du maître, certaine-
ment.
J'ai suivi le conseil. Je suis allé voir
Emile Albert. Je l'avais souvent applaudi.
L'artiste a été charmant et m'a donné pour
Comœdia, dans les vingt pièces inédites de
vers an 'en iuin dernier le grand poète lui
- M. Emile ALBliRt:
de l'Odéon.
.; ■ •: -:• ±.~
offrit avec dédier, une poêslë que je
veux, en hâte, publier.
La voici:
L'INDULGENCE
A Emile Albert.
L'Indulgence est tendre, elle est femme,.
Ceux qu'un faux pas, mêmévexpié, „
Dans le monde à jamais diffame
Lavent leurs fronts dans sa pitié.
Humble sœur aux longues paupières,
Poud l'homme, fût-il criminel,
Tandis qu'on lui jette des pierres,
Elle garde un pleur paternel.
S'approchant du cœur plein, de fange,
De scorie épaisse et de fiel, ,
Pour l'assainir elle y mélange ..,
Cette larme, aumône du ciel,
Et loin d'y remuer la honte,
Comme les injures le font,
Elle attend. que,l'amour reraontç
Et que la haine tombe au fond.
.C'est alors que de.sa main ,dîQKC«-, ,!
Elevant le cœur épuré,
Elle l'incline sans secousse
Et lui pardonne, il a pleuré.
Sully-Prudhommi-
2 mai 1907.
— Le poète, me dit Emile Albert, rr;
crivit un jour et m'invita à daller voir
Chatenay. Il m'avait entendu, un soir, da -
un salon, et j'avais eu le grand bonhe •
d'arrêter son attention. Du reste, ajou
l'artiste en sortant pieusement d'un cotiV-
un papier à l'écriture pâle et quelque pt
tremblée, voici sa lettre :
Mon cher enfant,
Je serais heureux si vous nouviez venir i.,, :
voir vendredi. Je suis encore sous le charme g..
belles poésies que vous m'avez dites de Vy. •
voix douce et pénétrante; c'est une joie;;--: -
moi de vous entendre, vous êtqs j)ien -l'Inten.- -1-
rêvé des poètes, ils doivent êtr^e .fiers de se
interpréter pas votre beau talent si simpi
si plein d'âme.
C'est donc de grand cœur que je - vous d,
ces quelques poésies inédites. •
Affectueusement à vous de cœur. :
Sully-PruqhoMme. ,
Je me rendis à Chatenay. Le poète se
tit d'un tiroir une vingtaine de-poési e
me les donna. Je le revis depuis bipri ,
vent, jusqu'à l'heure. fÊfàfle ou la bjjU
qu'il vir-'Yjawfir Mvec ~erm$~~ Ja- ,,",
mais ses yeux si biènvelHàhts, qu'iUum*
naient de si reposantes clartés.
E. ROUZIER-DORCIERËS,
1 - n
Lettre de. l'OuVreuse
Vu Châtelet, les auditeurs de SouVenirs goûtent d'Indycibli
joies. - Saint-Saëns ballerine.. Encore Iphigênie. » Le
'Barbier rase. «« Allemands et Français. » Broutilles.
Passons rapidement sur le concert de
jeudi dernier, salle Gaveau, au cours du-
quel M. Siegmund von Hauseggér fit valoir
les amples sonorités avec lesquelles Ri-
chard Strauss entreprit de traduire la versa-
tilité de Doit Juan, homme aussi inconstant
que le niveau dans un carburateur.
Aujourd'hui, c'est au Châtelet que la tur-
ba se ruait (ou se ruaient), une turba de
choix, d'ailleurs, où je reconnais des flopées
de scholistes, de franckistes, d'indystes,
etc. Le délicieux Hallays arrive, en flânant;
Henry Maugis, sans bords plats, gagne son
fauteuil d'un pas lourd ; voici Kœchlin, dit
« Triplesec » aux temps héroïques de la
Nationale; Kunkelmann, qui ne se dérange
que dans les grandes occasions (viendra-t-il
seulement à mes obsèques?), beaucoup de
gens du monde, depuis ceux qui aiment la
musique, comme le marquts Jacques du
Tillet, jusqu'à ceux qui font semblant d'y
connaître quelque chose, comme M. de
Mon. Brisons là!
L'annonce d'une œuvre nouvelle, « ex-
pressive », de Vincent d'Indy a remué les
couches profondes (oh! quelles couches!)
des mélomanes. On ruine leurs jugements
tout faits, on chambarde leurs formules ;
Schweitzer et Pirro sont en train de nous
révéler un Bach « pathétique », ce prodi-
gieux Bach trop longtemps regardé comme
un impassible édificateur d'architectures so-
nores; et voici que, demain, les routiniers
seront contraints de confesser, après avoir
entendu Souvenirs joués par l'orchestre Co-
lonne, que d'Indy avait quelque chose là
- comme André Chénier et Abélard, avant
le couperet.
Qu'il aura fallu de temps pour arriver à
déboucher ces oreilles et ces intellects! Si
l'on a été si long à rendre justice au maître
qui écrivit Wallemstein, Istar, Le Poème
des montagnes et les deux Quatuors; si des
auditeurs aussi consciencieux que Stoullig,
l'annaliste du Théâtre et de la Musique, le
traitaient, hier encore, de maître d'école,
ejest pour des raisons multiples que je n'ai
pas le temps d'aligner. Disons vite, d'a-
bord, que ses amis étaient parfois aussi in-
supportables que ses ennemis; ajoutons que
d'Indy a toujours méprisé les truculences
orchestrales qui attirent à un Richard
Strauss tant de sympathies littéraires, age-
nouillant les critiques devant la frénésie
chahutante de cette musique « pauvre
d'idées », mais que Camille Mauclaiir avoue
admirer, à l'instar de M. de Miomandre, qui
loue l'auteur de Also sprach Zarathustra et
de Salomé d'avoir, «sur l'Océan de la mu-
sique wagnérienne, isolé un tourbillon ».
Une dernière raison : Vincent d'Indy n'a
jamais extériorisé ses émotions; alors que
tant de gendelettres semblent avoir pris la
devise de mon incorrigible ami le subjec-
tiviste Henry Maugis:
Nous, des plus petits jusques aux plus grands
Montrons notre cœur à tous les passants!.
.Alors que tant d'artistes ouvrent les
fenêtres de leur rez-de-chaussée et de leur
âme pour inviter le public à regarder ce qui
s'y passe, lui a toujours mis les volets, d<
volets aux lames très rapprochées sur le
quelles il trie ses amis.
Comment l'enthousiasme des foules a
rait-il bondi vers ce révolutionnaire muf
cal qui répugne aux déclamations violent
et dit « ni trop, ni trop peu », alors que d
flambards -explosifs braillent « nitro-gly(
rine », comme le héros du nihiliste Grc
Soir, importé de Russie aux Batignoli
c'est de l'Est aujourd'hui que nous vient ic
d'Humières.
En tous cas, sur le merveilleux poème ,
pour orchestre, Souvenirs, l'entente des -
musiciens fut unanime. Applaudi par ses
amis et ses élèves lorsqu'il parut au pupitre
que lui cédait Colonne, notre collaborateur
fut acclamé, après le dernier la mineur de
son œuvre, par tous les auditeurs, sans dis-
tinction d'école, et les pires ennemis de la
« Sonate pour violon » ont manifesté
bruyamment leur enthousiasme. C'est que
là, tout n'est qu'ordre et beauté, tout n'est
que musique et volupté d'oreille. Ceux qui
veulent voir dans chaque partition nouvelle
de l'admirable éducateur un parti pris di-
dactique, peuvent, cette fois, rengainer
leurs métaphores empoisonnées. Sans avoir
renoncé à ses préoccupations habituelles de
belle architecture sonore et d'harmonieuse
logique, le compositeur laisse déborder son
émotion intense avec une effusion toute
franckiste.
Quant à la technique orchestrale et à
l'écriture polyphonique, elles rallieront tous
les suffrages de ceux que ce prodigieux
« métier » n'avait pas encore entièrement
conquis. Jamais instrumentation ne fut plus.
fluide et homogène et jamais ne fut poussé
aussi loin le souci des caresses sonores
chez cet austère fils de Bach. Les debus-
systes les plus étroitement spécialisés dans
leur culte, béeront à ce début savoureux ou
— foin du contrepoint! — dans l'enlace-
ment des quintes et des quartes de tous les
bois divisés superposant de claires harmo-
nies (verticales, ô Louis de Serres!), les
violoncelles amorcent l'exquise JlPpaggia-
ture d'un fragment du Thème de la Bien-
Aimée, qui se précisera quelques mesurés
plus loin et pleurera délicieusement au cor
anglais au-dessus d'un quatuor expressif.
Les amateurs de « fini » orchestral s'éba-
hiront des délicatesses avec lesquelles sont
ménagés les « passages » d'un timbre à un
autre; ils goûteront les curieux unissons du
basson et du cor anglais, du cor anglais èt
du hautbois, de l'alto-solô-sourdine avec la
petite trompette en ré bouchée, ils cligne-
ront de l'œil, la tête .penchée, en entendant
les frémissantes « secondes » des cors « de-
mi-bouchés )>, puis « tout bouchés »; ils s'é-
merveilleront de la prévoyance subtile de
l'auteur qui, pour obtenir de beaux sons
harmoniques répétés sur la même note de
harpe, écrit astucieusement la bémol, sol
dièse, la bémol, sol dièse, et ils ne se tien-
dront plus de joie en suivant la partie de
timbales traitées « mélodiquement », assu-
mant avec tranquillité la responsabilité de
faire entendre à découvert des dessins pre-
1re Aimée.— N° 84 (Quoticïfétir* ** ';S'5* *êt*&tkv» Êufct» 2$ Décembre i90/.
C~~ O~ MTL HT Œ~)f W DTf~ IV A~
f Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSKt
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
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Presse Télégraphique : COMŒDlA..PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
P -
ïarîs et Départements. 24 fr. 12, fr.
Ë tranger 40 » 20 »
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Adresse Télégraphique ; COMŒDlA"PARJS
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UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24t fr.. 12 fr.
Étranger 40 » 20 »
tes gros mots
Depuis quelques années, nos excel-
lents dramaturges abusent vraiment des
gros mots. Les journalistes ont commen-
: es auteurs continuent.
« Le mot propre est souvent gros
mot », a dit Taine. Je répondrai au re-
gretté Philosophe : le gros mot n'est pas
toujours propre.
Je Sais bien que les écrivains qui se
flatt ent de nous donner des « tranches de
vie » très saignantes, ne peuvent vrai-
ment faire parler tous leurs personnages
comme jadis s'exprimait M. de Coyllin,
et puisque, à la ville, beaucoup de
gens ne mâchent pas leurs gros mots, il
tq a*urel que, dans le livre ou sur la
itwVces mêmes gens parlent leur
« propre » langue.
Néanmoins, on dépasse la mesure et
le spectateur délicat est souvent choqué,
celui qui s'écria, dernièrement, à une
représentation des Fourberies, lorsque
Scapin parle des coups de pied au cul
l'attendent:
Décidément, aujourd'hui, les au-
ont trop loin !
Il suffit d'un mot pour illustrer un
mme, mais il vaut mieux qu'il soit
bon » plutôt que « gros ».
Un jour, Mesureur a dit : « Je m'en
! » Ça l'a fait connaître.
Beaucoup, avant et depuis lui, ont
employé cette expression, inutilement.
Ça ne leur a pas servi. Plaignons-les.
Tout dépend du moment. Si, un ma-
son valet de chambre qui lui prê-
entait deux paires de chaussettes, en lui
disant : « Laquelle mettrez-vous?» M.
Mesureur avait simplement répondu :
« Je m'en fous », cette réponse, en une
aussi vulgaire situation, n'aurait pas suf-
fi à illustrer notre homme. Malin, le di-
recteur de l'Assistance publique attendit
heure. Elle vint et sonna.
Quelle que soit la notoriété de notre
contemporain, elle est cependant pâlotte
après de celle du brave généràl Cam-
ro ne.
Encore un qui en a eu de la veine!
Il combat à Quiberon, on l'ignore; il
eraille en Allemagne, nul ne s'en
ute ; *• î caracole à Zurich, personne ne
sait; il commande à Iéna, aucune ru-
eur ; mais, arrive la bataille de Water-
o. Ah! ah! le voilà le moment!. Les
Anglais, impatients, lui crient : « Ren-
Q oUs, please! » Vous croyez qu'il
a, soulevant son bicorne empanaché,
répondre froidement:
— La Garde meurt, mais ne se rend
,,'tUe erreur! D'abord, à ce moment-
la canonnade, les boulets, le tapage
infernal, diabolique, fait à ses côtés
était tel — sans égaler toutefois celui
du qu atelet pendant les « changements »
que messieurs les Anglais n'eussent
ouïr la phrase en question, géniale-
remplacée par le mot savoureux
que vous savez
Cinq lettres, et Cambronne fut glo-
S ent, voilà! Ce mot, il ne suffit
d' en avoir plein la bouche, il faut,
on eprouve le besoin de le dire, se
retenir le Plus possible, prendre ses pré-
cautions pour ne le lâcher qu'au bon mo-
ment. Ve sont là des choses qu'on doit
ir. niaIS revenons au théâtre.
J'ai, en principe, horreur des gros
pourtant, je dois convenir que
ains s'imposent, indispensables.
Tenez, vous souvenez-vous de ce ra-
~crê > j vaudeville de Pierre Wolff : Sa-
Léonce!
Léonce, quoique de Cahors, est un
paysan du Danube ; il arrive à Paris
pour épouser Mlle Cécile Debienne. La
camille de la jeune fille l'attend avec
y, Un vieil ami. Il entre. Le mal-
reux, d'une laideur repoussante,
porte toute sa barbe, et quelle barbe!
OlisSé rbe rousse énorme, hirsute, ayant
é en tous sens, ses cheveux en
tjft couvrent le col de sa che-
de couleur. Il a du poil partout. Il
horrible.
A sa vue, Debienne se lève, ahuri :
— Oh ! la sale gueule! s'écrie-t-il.
— N Om de Dieu! jure Seuzy.
Eh bien! les deux répliques étaient
tellement vraies, tellement dans la situa-
on, tellement les seules possibles,
qu'elles furent saluées par les rires
14 dune salle en joie!
t.
jour, Frédérick-Lemaître, dans un
^e^vait à pousser un : « Ah !.,. »
devait donner la chair de poule. au
poulailler.
Aux répétitions, le génial acteur n' é-
ait pas entent de lui. Son «ah!» ne
satisfaisait point. Il ne sortait pas à
gré il
, il y a une chose que tous les co-
ens Savent : Lorsqu'une phrase est
trop courte — et celle-là ne pouvait
être davantage — afin de trouver Fin-
xion juste, il faut, en la disant, la
mplé Qui mentalement par quelques
est lin 1 la précèdent ou la suivent.
est un petit truc facile à suivre, même
tournée. ,
Frédérick, qui n'ignorait rien de son
hi^ue0/1? du moyen.
Chaque fois qu'il envoyait son « ah ! »,
ens t M' ( 1
— i ensuite : « M.! » (voir plus
Malheureusement - c'était fatal
un %cir distrait, il pensa « ah!» et
« m. -' ! »
, *Ppio emballé par ce mot de vé-
rité applaludit à tout rompre.
Et maintenant, la dernière! (parce
iqu'il faut que je vous quitte. je suis
pressé)
C'était à la foire de Bordeaux. On
donnait, dans une des plus belles bara-
ques de la fête, au pied du marmoréen
Montaigne, La Passion, pantomime en
une quantité innombrable de tableaux.
Spectateur assidu des représentations
de Deburau, passionné de pantomime, je
n'aurais eu garde de manquer ce spec-
tacle donné par des forains très ordi-
naires.
J'étais au Ciel, ou, pour préciser, au
Paradis. et n'aurais pas cédé ma place
pour dix sous. d'autant qu'elle m'en
avait coûté quinze.
La pantomime annoncée était ornée de
tableaux vivants. Quand les artistes ne
se sentaient pas capables d'exprimer
avec leur physionomie et leurs gestes
une situation, vite, un tableau vivant!
Et ces tableaux étaient présentés sur
un immense plateau tournant, afin que
tous les spectateurs pussent jouir des
moindres détails du « groupe artisti-
que ».
Vint le tableau : « Le Christ entre les
deux larrons ».
Je dois convenir que le pauvre bougre
qui figurait le Christ était possesseur
d'une hure à faire regretter ce sacré
Léonce.
Ce n'était vraiment pas gentil pour
Jésus de le représenter sous ces traits-là.
Derrière moi, se trouvaient deux ou-
vriers, dont l'un ne devait pas travailler
souvent, mais, en revanche, présentait
les dehors du pochard le plus invétéré.
Le dehors te fait peur, si tu voyais dedans!
A peine aperçut-il le Sauveur des
hommes qu'il rogomma entre deux ho-
quets vineux:
— Oh! le cha. meau., est-il. laid!
Et, montrant son soulier à son copain :
— Quand. il s'ra. en face. j' lui.
foutrai ça. su. la trogne!
— Reste tranquille.
Mais le poivrot n'a qu'une parole et,
au moment précis où le Christ, les bras
en croix, la tête renversée en arrière, se
présentait devant nous, ping!. il reçut
en pleine figure le ribouis annoncé :
- Nom de Dieu!. hurla Jésus.
Félix G ALI P AUX.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Musique d'Adam
Il est bien entendu que-nous ferons tout
notre possible, à Comœdia, pour déltvrer
les spectateurs, serait-ce par la force, de
ces. cloches sous lesquelles ils étouffent au
théâtre, comme ils le feraient dans les ser-
res d'un maraîcher; mais, entre nous, je
puis bien vous l'avouer, depuis l'affaire
bien connue du Paradis Terrestre, je n'ai
aucune confiance dans l'efficacité de cette
campagne, tout simplement parce que Mes-
dames ces dames s'y trouvent mêlées.
Supposons que demain les chapeaux
soient partout supprimés à l'orchestre : il
se produira tce qui se passe actuellement
aux Français, par exemple; nous verrons
apparaître non plus des chapeaux, mais
d'admirables plumeaux habilement reliés
aux cheveux et s'élevant gracieusement,
comme les grandes eaux de Versailles
dans le parterre, jusqu'à hauteur des fau-
teuils de balcon. Il ne manquera plus qu'un
œuf au haut du jet, comme dans les tirs
forains.
Je sais bien que ce jour-là on recommen-
cera pendant dix ans une autre campagne
contre les aigrettes, et peut-être arrivera-
t-on à obtenir leur suppression. Nous ver-
rons alors paraître la mode des plumes
dans le nez et des cailloux incrustés dans
les oreilles, comme en Nouvelle-Zélande,
pour les distendre de chaque côté de la fi-
gure à vingt ou quarante centimètres.
Le jour béni où l'on supprimera les plu-
mes dans le nez et les galets dans les
oreilles, ce seront, comme par hasard, les
manches qui se mettront à monter comme
dans une féerie du Châteletf ou les traises
empesées qui feront leur réapparition.
Il est bien simple de comprendre, en ef-
fet, que ce qu'il s'agit d'obtenir pour ces
dames, ce n'est point de conserver sur la
tête un chapeau ou une coiffure dont elles
n'ont pas besoin, mais bien d'ennuyer les
messieurs pour attirer l'attention sur elles.
Je sais bien qu'elles disposent pour cela
d'autres moyens innombrables, mais rien
ne vaut, vis-à-vis d'un inconnu, l'usage du
chapeau ou de la coitture de théâtre.
Le seul remède radical serait, dit-on, de
créer, dans les fauteuils d'orchestre, une
cage à poules, spécialement réservée aux
autruches, aux dindons, aux oies et autres
volailles qui s'interposent entre nous et la
scène. Ce n'est, en somme, qu'une nou-
velle naïveté, car il suffit d'y réfléchir un
instant pour comprendre que le jour même
de la réforme, tous les spectateurs deman-
deraient des places pour la cage à poules,
et que nous en reviendrions à l'état actuel.
Depuis l'affaire des pommes, ie vous le
répète, nous n'avons plus, au théâtre,
qu'une seule consolation Possible, celle de
pouvoir les faire cuire.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au Théd-
tre Sarah-Bernhardt, répétition générale de
La Belle au Bois dormant, féerie lyrique
en un prologue et quatorze tableaux, de
Jean Richepin err Henry Cain, musique de
Francis Thomé.
Ce soir, à huit heures et demie, au Théâ-
tre de l'Œuvre (salle Femina), première re-
présentaJloo de Mendès est dans la salle,
comédie en un acte et, deux, tableaux, de
Léo Marchés et Clément Vautel:
Le spectacle sera complété par Maison
de Poupée, d'Ibsen, avec Mme Suzanne
Desprès.
Cet après-midi, à une heure et demie,
aux Folies-Bergère, répétition générale - de
La Revue des Folies-Bergère, dix-sept, ta-
bleaux de P.-L. Flers, musique nouvelle et
arrangée de Patusset.
Ce soir; à huit heures trois quarts, pre-
mière représentation.
Ce soir,-à neuf heures au Moulin-Rouge,
répétition £é né raie de L'as-tu revue, revue
en deux actes et neuf tableaux, de Lucien
Boyer et Henri Bataille.
L
es pierres qui meurent.
On démolit, place Louvois, en face
de la Bibliothèque Nationale, un vieil im-
(Photo Branaer)
meuble qui,' sans doute, ne vous paraîtrait
pas sensationnel. Vous n'y verriez qu'un
banal hôtel de-voyageurs, qui menaçait
ruine et qu'on veut reconstruire.
,. Il rappelle cependant. de. bien anciens,
souvenirs. Il fut élevé sur remplacement
du Théâtre de la Loi, qui devint ensuite
l'Opéra. ,'" V
C'est là que Bonaparte échappa par mi-
racle à la bombe d'Arena et que, plus tard,
Louvel assassina le duc de Berry.
Comme tout passe! .-
N
ous manquons d'hommes.
Si l'agriculture manque de bras,
l'Opéra manque' de jambes ; précisons : de
jambes masculines, car les autres abon-
dent.
Il paraît, en effet, que si la mère de
danseuse n'est pas en voie de disparition,
la mère de danseur - fonction sociale
moins importante, il est vrai — se raréfie
fâcheusement. L'école de danse de l'Opéra
compte trop de fillettes et pas assez de
jeunes garçons. Elle n'en a même qu'un.
Pour l'avenir de l'art chorégraphique fran-
çais, il faut espérer que cet enfant ne sera
pas réduit à faire cavalier seul, et que bien-
tôt de nombreux petits compagnons vien-
dront le rejoindre. -
Avis aux familles. i
L
e ruban rouge: 1
f La comtesse Mathieu de Noailles va,
dit-on - et cette nouvelle réjouira tous les
admirateurs du grand poète — être décorée
au 1er janvier prochain.
Voilà une nouvelle scène de revue, pour
M. Rin
P
lusieurs millions à la disposition de
l'expert Dusausoy, 4, boulevard des
Italiens, qui acheté de suite, à premiere
vue et à leur réelle valeur, bijoux, diamants
et pierres fines. Grand choix d'occasions
pour le Jour de l'An.
NOS ARTISTES 1
(Photo Manuel)
Mme SUZANNE DESPRES
qui joue ce soir Maison de Poupée -au/Théâtre
1 de l'Œuvre.
v
oici un mot authentique entendu hier
dans les coulisses du Théâtre dès
Arts. 11 compense la cruauté ou la rosserie
de ceux, trop fréquents, dont on a coutume,
dans le monde du théâtre, de s'assassiner
galamment:
— Pourquoi, demandait-on à la charman-
te Berthe Bady, avez-vous renoncé à ce
rôle du Grand Soir, qui vous eût valu un
si beau succès ?
I Pouràuoi?. Pour Dermettre à-Sèrgine
d'y déployer son admirable talent que je
vous défie tous de contester ce soir!
Voilà, n'est-ce pas, un joli mot de cama-
rade généreuse.
H
ier, en matinée, dans la salle des fê-
tes de la mairie de Levallois-Perret,
a eu lieu un grand arbre de Noël pour les
membres de l'Association des Alsaciens-
Lorrains. Dans une partie musicale fort
goûtée du public, Mme Jules Dietz-Monin
a aimablement apporté lé concours de son
grand talent. La belle cantatrice mondaine
s'est fait applaudir dans Fleur du Vallon,
de Benjamin Godard; Mai, de Raynaldo
Hahn, et dans le duo de Samson et Dalila,
où son succès a été partagé par M. Paulet,
du Conservatoire, un jeuhe ténor plein d'a-
venir, que nous souhaitons entendre bien-
tôt à l'Opéra. Au piano d'accompagnement,
Mme Léa Verneuil, premier prix du Con-
servatoire.
p
our les étrennes, abonnez vos amis,
leurs enfants et les vôtres à La Musi-
que de Théâtre et de Salon, la nouvelle pu-
blication qui révolutionne le commerce mu-
sical. L'abonnement, de 12 francs, est com-
plètement remboursé par 14 francs de vo-
tumes offerts gratuitement. La collection
de l'année représentera 160 francs de mu-
sique et donnera les chefs-d'œuvre les plus
connus de l'Opéra, de l'Opérette, du Chant
et de la Danse.
Le premier numéro, partout : 25 centi-
mes.
L
e maître orfèvre Leroy, 22, rue Réau-
- mur, met en vente, pendant toute la
semaine, à des prix dérisoires de bon mar-
ché, ces ravissants petits bibelots dont le
choix s'impose pour cadeaux de Jour de
l'An.
p
our les cadeaux de Noël et du Jour de
l'An. nous conseillons une visite à
de Bluze, 38, boulevard des Italiens, dont
les célèbres diamants et perles reconstitués,
garantis inaltérables, sont connus du monde
entier.
A la suite d'une entente avec le célèbre
joaillier, Comœdia a obtenu, « mais pour
huit, jours seulement », une remise de
10 en faveur de ses lecteurs, qui se pré-
senteront munis du bon imprimé en der-
nière page. r.-'
NOUVELLE A t,A MAIN
A
l'avant-scène, l'auteur donne les -der-
nibres ineimo - il isrerrè à part un
vieux comédien et. lui explique avec soin
ce qu'il doit faire, comment il doit parler,
comment il doit s'habiller.
L'autre écoute avec attention la leçon et,
d'un air décoùragé, répond:
— Demandez-moi tout de suite d'avoir
du talent!.
Le Masque de Verrez
Appel au Peuple
Eh bien, ça marche! Notre idée fait son
petit bonhomme de chemin, et, pour peu
que cela continue, il n'y aura bientôt plus
de « question des chapeaux ».
Mais1 procédons par ordre, et rendons
compte succinctement des incidents surve-
nus hier dans: différents théâtres.
Chez Antoine, en matinée, violent « cha-
hut » — qu'on veuille bien nous permettre
la trivialité de l'expression - dès le lever
du rideau.
- Chapeau!
— Peau!
— Oh!
La direction du théâtre dut intervenir,
et très gentiment les dames, causes pre-
mières du tumulte, enlevèrent les mons-
truosités qui les chapeautaient.
Au Palais-Royal, un monsieur avait son
rayon visuel intercepté par un magnifique
spécimen d'éléphantiasis du couvre-chef.
Il se leva et refusa de se rasseoir, malgré
toutes les objurgations des speptateurs pla-
cés derrière lui. Alors, très digne, la dame
enleva une épingle, puis deux, puis trois.
et le monument s'écroula sans bruit sur ses
genoux. Le monsieur daigna alors récu-
pérer son fauteuil. Disons entre nous
que ce monsieur n'avait vraiment pas eu
de chance: quatre dames seulement avaient
des chapeaux à l'orchestre:.. Et encore, sur
les quatre, il en était une qui avait remis
le sien parce qu'elle avait vu les trois au-
tres!.
Nous avons reçu hier encore un grand
nombre de lettres. Voici l'une d'elles:
Bravo! pour la campagne contre les chapeaux
au théâtre. Je suis artiste, je n'ai donc pas le
temps d'aller souvent au théâtre en dehors de
celui où je joue, mais chaque fois que mes loi-
sirs me le permettent, je m'empresse d'aller
voir telle ou telle pièce. Eh bien! je n'ai
jamais eu la chance de voir entièrement la
scène, toujours caché que j'étais derrière un
de ces énormes - galurins. J'ai donc imaginé
un soir le petit truc que je viens vous sou-
mettre et que vous pouvez recommander à
vos lecteurs qui voudront provoquer un scan-
dale drôle et être ainsi débarrassés d'un de ces
cache-scène, Cauchemar du moment.
Voici: Vous prenez une ficelle d'environ
0 m. 50 de longueur aux deux extrémités de
laquelle vous attachez une épingle recourbée;
vous en piquez une dans le bord du chapeau de
la dame et l'autre à son fauteuil, et vous restez
impassible. A chaque mouvement ou tour de
tête de la dame, son chapeau se dérange et si
ëllfî se lève, le chapeau tombe tout seul. Alors,
on peut rire à gorge déployée; c'est peu galant
peut-être, mais c'est inoffensif, et je puis vous
assurer que la dame ne remettra pas son cha-
peau et lorsque ce petit truc sera connu, les
dames n'hésiteront pas à venir au théâtre sans
leur bouclier garni de plumes ou d'oiseaux.
Bravo ! Comœdia ! Bravo! pour la campagne
contre les chapeaux.
UN DE VOS LECTEURS ASSIDUS.
Et ce n'est pas fini! comme disait ce
pauvre Plessis que nous avons enterré ré-
cemment !.
Une poésie inédite
de Sully=Prudhomme
Le maître, Vers la fin de sa Vie, dédia d l'artiste Emile Albert de*
Poésies inédites que celui-ci communique à Comoedla.
- Allez donc voir, m'avait-on insinué,
Emile Albert, oui fut à l'Odéon et qui de-
puis — sans avoir abandonné pour cela le
théâtre - dit des vers, de beaux vers,
dans les salons parisiens.
Il fut l'ami de Sully-Prudhomme, l'in-
terprète qu'il affectionnait le plus. Si Emile
Albert vous ouvre ses cartons, vous y trou-
verez un poème inédit du maître, certaine-
ment.
J'ai suivi le conseil. Je suis allé voir
Emile Albert. Je l'avais souvent applaudi.
L'artiste a été charmant et m'a donné pour
Comœdia, dans les vingt pièces inédites de
vers an 'en iuin dernier le grand poète lui
- M. Emile ALBliRt:
de l'Odéon.
.; ■ •: -:• ±.~
offrit avec dédier, une poêslë que je
veux, en hâte, publier.
La voici:
L'INDULGENCE
A Emile Albert.
L'Indulgence est tendre, elle est femme,.
Ceux qu'un faux pas, mêmévexpié, „
Dans le monde à jamais diffame
Lavent leurs fronts dans sa pitié.
Humble sœur aux longues paupières,
Poud l'homme, fût-il criminel,
Tandis qu'on lui jette des pierres,
Elle garde un pleur paternel.
S'approchant du cœur plein, de fange,
De scorie épaisse et de fiel, ,
Pour l'assainir elle y mélange ..,
Cette larme, aumône du ciel,
Et loin d'y remuer la honte,
Comme les injures le font,
Elle attend. que,l'amour reraontç
Et que la haine tombe au fond.
.C'est alors que de.sa main ,dîQKC«-, ,!
Elevant le cœur épuré,
Elle l'incline sans secousse
Et lui pardonne, il a pleuré.
Sully-Prudhommi-
2 mai 1907.
— Le poète, me dit Emile Albert, rr;
crivit un jour et m'invita à daller voir
Chatenay. Il m'avait entendu, un soir, da -
un salon, et j'avais eu le grand bonhe •
d'arrêter son attention. Du reste, ajou
l'artiste en sortant pieusement d'un cotiV-
un papier à l'écriture pâle et quelque pt
tremblée, voici sa lettre :
Mon cher enfant,
Je serais heureux si vous nouviez venir i.,, :
voir vendredi. Je suis encore sous le charme g..
belles poésies que vous m'avez dites de Vy. •
voix douce et pénétrante; c'est une joie;;--: -
moi de vous entendre, vous êtqs j)ien -l'Inten.- -1-
rêvé des poètes, ils doivent êtr^e .fiers de se
interpréter pas votre beau talent si simpi
si plein d'âme.
C'est donc de grand cœur que je - vous d,
ces quelques poésies inédites. •
Affectueusement à vous de cœur. :
Sully-PruqhoMme. ,
Je me rendis à Chatenay. Le poète se
tit d'un tiroir une vingtaine de-poési e
me les donna. Je le revis depuis bipri ,
vent, jusqu'à l'heure. fÊfàfle ou la bjjU
qu'il vir-'Yjawfir Mvec ~erm$~~ Ja- ,,",
mais ses yeux si biènvelHàhts, qu'iUum*
naient de si reposantes clartés.
E. ROUZIER-DORCIERËS,
1 - n
Lettre de. l'OuVreuse
Vu Châtelet, les auditeurs de SouVenirs goûtent d'Indycibli
joies. - Saint-Saëns ballerine.. Encore Iphigênie. » Le
'Barbier rase. «« Allemands et Français. » Broutilles.
Passons rapidement sur le concert de
jeudi dernier, salle Gaveau, au cours du-
quel M. Siegmund von Hauseggér fit valoir
les amples sonorités avec lesquelles Ri-
chard Strauss entreprit de traduire la versa-
tilité de Doit Juan, homme aussi inconstant
que le niveau dans un carburateur.
Aujourd'hui, c'est au Châtelet que la tur-
ba se ruait (ou se ruaient), une turba de
choix, d'ailleurs, où je reconnais des flopées
de scholistes, de franckistes, d'indystes,
etc. Le délicieux Hallays arrive, en flânant;
Henry Maugis, sans bords plats, gagne son
fauteuil d'un pas lourd ; voici Kœchlin, dit
« Triplesec » aux temps héroïques de la
Nationale; Kunkelmann, qui ne se dérange
que dans les grandes occasions (viendra-t-il
seulement à mes obsèques?), beaucoup de
gens du monde, depuis ceux qui aiment la
musique, comme le marquts Jacques du
Tillet, jusqu'à ceux qui font semblant d'y
connaître quelque chose, comme M. de
Mon. Brisons là!
L'annonce d'une œuvre nouvelle, « ex-
pressive », de Vincent d'Indy a remué les
couches profondes (oh! quelles couches!)
des mélomanes. On ruine leurs jugements
tout faits, on chambarde leurs formules ;
Schweitzer et Pirro sont en train de nous
révéler un Bach « pathétique », ce prodi-
gieux Bach trop longtemps regardé comme
un impassible édificateur d'architectures so-
nores; et voici que, demain, les routiniers
seront contraints de confesser, après avoir
entendu Souvenirs joués par l'orchestre Co-
lonne, que d'Indy avait quelque chose là
- comme André Chénier et Abélard, avant
le couperet.
Qu'il aura fallu de temps pour arriver à
déboucher ces oreilles et ces intellects! Si
l'on a été si long à rendre justice au maître
qui écrivit Wallemstein, Istar, Le Poème
des montagnes et les deux Quatuors; si des
auditeurs aussi consciencieux que Stoullig,
l'annaliste du Théâtre et de la Musique, le
traitaient, hier encore, de maître d'école,
ejest pour des raisons multiples que je n'ai
pas le temps d'aligner. Disons vite, d'a-
bord, que ses amis étaient parfois aussi in-
supportables que ses ennemis; ajoutons que
d'Indy a toujours méprisé les truculences
orchestrales qui attirent à un Richard
Strauss tant de sympathies littéraires, age-
nouillant les critiques devant la frénésie
chahutante de cette musique « pauvre
d'idées », mais que Camille Mauclaiir avoue
admirer, à l'instar de M. de Miomandre, qui
loue l'auteur de Also sprach Zarathustra et
de Salomé d'avoir, «sur l'Océan de la mu-
sique wagnérienne, isolé un tourbillon ».
Une dernière raison : Vincent d'Indy n'a
jamais extériorisé ses émotions; alors que
tant de gendelettres semblent avoir pris la
devise de mon incorrigible ami le subjec-
tiviste Henry Maugis:
Nous, des plus petits jusques aux plus grands
Montrons notre cœur à tous les passants!.
.Alors que tant d'artistes ouvrent les
fenêtres de leur rez-de-chaussée et de leur
âme pour inviter le public à regarder ce qui
s'y passe, lui a toujours mis les volets, d<
volets aux lames très rapprochées sur le
quelles il trie ses amis.
Comment l'enthousiasme des foules a
rait-il bondi vers ce révolutionnaire muf
cal qui répugne aux déclamations violent
et dit « ni trop, ni trop peu », alors que d
flambards -explosifs braillent « nitro-gly(
rine », comme le héros du nihiliste Grc
Soir, importé de Russie aux Batignoli
c'est de l'Est aujourd'hui que nous vient ic
d'Humières.
En tous cas, sur le merveilleux poème ,
pour orchestre, Souvenirs, l'entente des -
musiciens fut unanime. Applaudi par ses
amis et ses élèves lorsqu'il parut au pupitre
que lui cédait Colonne, notre collaborateur
fut acclamé, après le dernier la mineur de
son œuvre, par tous les auditeurs, sans dis-
tinction d'école, et les pires ennemis de la
« Sonate pour violon » ont manifesté
bruyamment leur enthousiasme. C'est que
là, tout n'est qu'ordre et beauté, tout n'est
que musique et volupté d'oreille. Ceux qui
veulent voir dans chaque partition nouvelle
de l'admirable éducateur un parti pris di-
dactique, peuvent, cette fois, rengainer
leurs métaphores empoisonnées. Sans avoir
renoncé à ses préoccupations habituelles de
belle architecture sonore et d'harmonieuse
logique, le compositeur laisse déborder son
émotion intense avec une effusion toute
franckiste.
Quant à la technique orchestrale et à
l'écriture polyphonique, elles rallieront tous
les suffrages de ceux que ce prodigieux
« métier » n'avait pas encore entièrement
conquis. Jamais instrumentation ne fut plus.
fluide et homogène et jamais ne fut poussé
aussi loin le souci des caresses sonores
chez cet austère fils de Bach. Les debus-
systes les plus étroitement spécialisés dans
leur culte, béeront à ce début savoureux ou
— foin du contrepoint! — dans l'enlace-
ment des quintes et des quartes de tous les
bois divisés superposant de claires harmo-
nies (verticales, ô Louis de Serres!), les
violoncelles amorcent l'exquise JlPpaggia-
ture d'un fragment du Thème de la Bien-
Aimée, qui se précisera quelques mesurés
plus loin et pleurera délicieusement au cor
anglais au-dessus d'un quatuor expressif.
Les amateurs de « fini » orchestral s'éba-
hiront des délicatesses avec lesquelles sont
ménagés les « passages » d'un timbre à un
autre; ils goûteront les curieux unissons du
basson et du cor anglais, du cor anglais èt
du hautbois, de l'alto-solô-sourdine avec la
petite trompette en ré bouchée, ils cligne-
ront de l'œil, la tête .penchée, en entendant
les frémissantes « secondes » des cors « de-
mi-bouchés )>, puis « tout bouchés »; ils s'é-
merveilleront de la prévoyance subtile de
l'auteur qui, pour obtenir de beaux sons
harmoniques répétés sur la même note de
harpe, écrit astucieusement la bémol, sol
dièse, la bémol, sol dièse, et ils ne se tien-
dront plus de joie en suivant la partie de
timbales traitées « mélodiquement », assu-
mant avec tranquillité la responsabilité de
faire entendre à découvert des dessins pre-
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