Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-11-13
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 novembre 1907 13 novembre 1907
Description : 1907/11/13 (A1,N44). 1907/11/13 (A1,N44).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645342w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
¿ 7,- 4-
> _j^otièe. — 1'1° 44 (Quotidienl.
i Le Numéro : 5 centimes
Mercredi 13 Novembre 1907.
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKl
97 FACTION & ADMINISTRATION:
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
télépiioNE : 288-07
Adresse Géographique : COMŒDU-PARté
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b 3RIS ET epartcmcnts. 24 fr. Î2 fr.
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* r 40 » 20 »
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Paris et Départements 24 fr. 12 fr..
Étranger. 40 » 2.0 »
l El NES "DE THÉÂTRE
Carmélite
En passant à Lyon, nous allâmes aux
Carmélites, saluer sœur Augustine de
la rtcorde.
Nous mes introduits au parloir où
nous eûmes le bonheur et la surprise de
la voir à ViSage découvert, contrairement
aux règles de l'Ordre. Ainsi, il était
donc Vrai qu'elle avait obtenu ce privi-
lège, refusé naguère à des recluses de
sang royal Mais peut-être le Saint-Père,
en signant le bref qui le lui conférait,
avait-il pensé que Dieu ne veut pas que
ce qu' ~I a fait agréable à voir demeure
caché aux regards des hommes. Et vit-
on jamais rien de plus beau que le vi-
sage de Mlle qe e Gautier? Elle nous apparut
telle que nous l'avions connue à la Co-
médie-Française vingt ans auparavant,
tant il est vrai que l'austérité conserve,
et il y avait sur ses traits un je ne sars
quoi 3ineux, comme l'auréole du bon-
heur divin, qui les défendait à jamais
conte l' Irliure -du temps.
Sa taille, 'qui fut toujours grande, pa-
raissait Nus grande encore sous la robe.
aux longs plis. Son port était majes-
ses et tout en elle, comme aux temps
de ses triomphes, respirait la force.
Le Ciel me pardonne la comparai-
son profane, mais il nous sembla voir
apparaître une de ces antiques reines
guerrières qui. conduisaient leur char
d'une main aussi robuste que celle du
plus puissant héros, dont le grand cœur
affrontait la bataille avec la même joie
que l'amour, et qui, parfois, pour se
distraire de leurs rudes travaux, luttaient
lt ]a stade avec les meilleurs coureurs
et leur devaient le prix en se jouant.
La coupe surannée du costume ajou-
fait encore à l'illusion.
Elle nous fit le meilleur accueil, car
ne n'a rien perdu de sa gaieté. Nous
causâmes d'abord de mille choses, lui
donnant ces nouvelles de ceux qu'elle
avait connus et que sa piété ne la for-
d QD pqS d'oublier. Elle fut heureuse
en re que la reine était, pour lors,
'¡l:.e santé. On sait que cette excel-
lente princesse lui témoigne, depuis son
kij" en religion, une grande amitié, à
quoi elle doit sans doute le respect par-
~t' MMe jotrii- dans la confrérie.
Mais nous pensâmes que nous n'a-
I:\¡ P~s fait ce long détour pour nous
retenir avec une recluse comme avec
première petite maîtresse, et, la con-
versation étant venue à languir, nous
laissâmes tomber un mot: Fontenoy.
Le sourire de sœur Augustine devint
~e. Un peintre chrétien eût voulu,
•i5!o!'0rrient, la prendre pour modèle de
l)A"e figure céleste.
~Ui ~I; hésita un instant à parler de ce
%fWissait encore son cœur, et puis,
dût-elle encourir une pénitence à sa pro-
chaine confession, elle ne résista pas da-
vantage. *
- L'Invincibilité ! dit-elle.
Mon compagnon était à la bataille,
Maison du Roi, et. il fallut qu'il
lui dit tout le détail de ce qu'il avait vu:
la journée un instant compromise, le
Imé lui-même exposé, le retour
offensif, la charge de Richelieu, l'exter-
mination IOn de la colonne anglaise, et, par-
tout partout, animant chacun de son in-
comptable courage, le Maréchal, sur la
carriole d'osier où le clouaient les souf-
frances, semblant dire, par son exemple,
à chaque soldat: regardez-moi, que ne
peut-on vaincre !
- C'est un héros! s'écria Mlle Gau-
avec un éclat qui fit trembler les
UAtit , de l'obscur parloir.
Alors, nous parlâmes de Maurice de
Saxe. ucoup, Mlle Gautier eut vingt
n'2 légère rougeur était montée à
ses joues, chassant la pâleur conventine,
et elle § retrouvait ce qu'elle avait été
quand Paris lui apportait chaque jour
ses hom Images et qu'elle les déposait
vous aux pieds du futur maréchal.
La première fois qu'il vint au théâtre,
celle, A je jouais Chimène.
- Et vous devinâtes aussitôt votre
CI Ue? lança étourdiment mon com-
~SSi n q> paroles qu'à peine dites il aurait
en voulu rattraper, car il lui semblait
ce lieu avoir commis un sacrilège, et
l'oreillé une souffrance.
Mais, toute au passé, Mlle Gautier ne
parut pas la ressentir. Elle protesta seu-
lement ^P°ur rétablir l'exactitude du fait :
- Point dit-elle, je ne le remarquai
nullement. ttlt. Il n'était alors qu'un petit sei-
neur allemand, ambitieux sans doute,
nais inconnu, et qui serait passé inaper-
cu sans façon singulière dont il parlait
notre langue. -
Nous nous tûmes, car nous sentions
bien qu Il était inutile de l'interroger;
qu'au j®°ntrairè nos questions pour-
raient la rappeler à elle-même et l'ar-
rêter r la pente dangereuse des sou-
- Ce fut plusieurs semaines après
que nous devînmes amis, reprit-elle. Un
après-midi, IJdt, on donnait Athalie, suivie du
loueur. .enie n'étais pas de la comédie, na-
turellement, et, à l'entr'acte, je demeurai
au foyer r avec des camarades de la
troupe tragique, causant et buvant du
9& que nous offrit, je crois, l'un
a\n.t. La Cour et la ville s'entrete-
naient tirs de ses prouesses au jeu de
paume, q dts parties de lutte qu'il s'amu-
gager avec quiconque paraissait
fort, simple soldat ou portefaix; de la
façon dont il tordait une épée ou pliait
un écu de six livres. »
» — Tu as trouvé ton maître, me dit je
ne sais plus lequel de nos comédiens.
» J'étais alors très vaine de ma force.
Née robuste, une propension naturelle
m'avait poussée à faire ma principale
distraction de tous les exercices du corps
et, comme j'y réussissais, je prenais
d'autant plus de plaisir à m'y consacrer.
Je m'étais mesurée à plus d'un homme
qui passait pour puissant et n'avais ja-
mais été terrassée. J'ignore ce qu'a pu
être la Maupin, mais je crois que si je
l'avais rencontrée, je l'aurais vaincue.
» L'attaque de mon camarade me mit
le feu au visage :
» — Il faudrait voir! lançai-je comme
un défi..
» C'est à ce moment que Maurice en-
tra. On le mit au courant. Il sourit avec
une telle ironie à l'idée qu'une femme
pourrait lutter avec lui que je ne connus
plus de retenue :
» — Monsieur le comte, lui dis-je, on
prétend que vous seriez mon maître.
Vous plaît-il d'essayer?
» Il jargonna d'abord une plaisan-
terie: « Mais, vus purrez être mon maî-
tresse quand vus vudrez!. » Je le priai
d'être sérieux, et, sur ce qu'on lui ra-
conta de ma force et de mes victoires,
il ne crut point déroger en acceptant
mon défi.
» La comédie finissait. Le théâtre était
libre et l'affaire y pouvait être vidée sur-
le-champ. Nous nous y rendîmes avec
toute la troupe et les habitués des cou-
lisses. Ils firent le cercle. Le comte mit
habit bas; je ne craignis pas d'ôter mon
corps de baleine et de livrer mon buste
demi-nu à son étreinte. Elle fut d'abord
presque douce, tant il pensait triompher
aisément de moi ; mais, bientôt, il sentit
qu'il n'avait pas affaire à l'adversaire
qu'il croyait, il donna un peu plus d'ef-
fort. Pour moi, fouettée par son dédain,
je tendais tous mes muscles et je mettais
en œuvre toutes les. habiletés que j'avais
apprises de mes maîtres. Bientôt, je vis
à ses traits contractés qu'il déployait tou-
tes ses forces, je redoublai mes efforts,
et, soudain, je sentis que j'avais partie
gagnée. Oui, le héros faiblissait, sa
gorge haletait, quelque colère se mêlant
à sa surprise diminuait ses moyens au
lieu de les augmenter, un orgueil im-
mense s'empara 4e moi, il était a ma
iflèrCiT. Déjà, , des murmures laudatifs
et des applaudissements s'élevaient dans
l'assistance. Mais, alors, je vis passer
en ses yeux un tel désespoir, il m'appa-
rut si clairement que j'allais infliger, à
cet homme, né pour vaincre, une humi-
liation que rien ne pourrait effacer, je
le devinai si bien prêt à toutes les folies
que mon cœur tressaillit.
» Fût-ce de mon plein .gré, fût-ce mal-
gré moi que je laissai un peu s'amollir
mes bras, je ne saurais le dire, mais j'en
fis assez pour lui rendre l'avantage et,
sans doute, Dieu, pour punir mon or-
gueil, m'avait-il donné une vision de
l'avenir, car je fus à l'instant vaincue,
renversée, étouffée sous son poids.
Mais jamais défaite ne me fut aussi
douce ; je connus à ce moment qu'il était
mon vainqueur en toutes façons, et ja-
mais, plus tard, quand nous ne nous dé-
fiions plus qu'à d'autres luttes, je n'eus
le cœur de lui avouer que j'aurais pu le
renverser sous mes genoux et que je
ne l'avais point voulu. Non, même pas
quand il me quitta pour la Lecouvreur.
» N'ai-je pas mieux fait? Le vain-
queur de Fontenoy devrait-il porter la
honte d'avoir été vaincu par une
femme?. »
Elle semblait revivre toute une vie
lointaine, et savourer à nouveau ce dont
la perte l'avait conduite au couvent.
Nous laissâmes, sang plus rien dire,
l'amie de Marie Leczinska.
Paul DOLLFUS.
Nous publierons demain un article de
JACQUES MAY
Idées noires
Un homme d'esprit, à qui l'on demandait
dernièrement s'il était partisan de la couleur
pour l'habit, répondait:
— Oui, j'ai du reste déjà clwisi la
mienne : noire.
Cette opinion découragée est aujourd'hui
celle de la plupart d'entre nous. Un habit
noir est une façon extérieure et commode
de porter la neurasthénie. Il est une armure,
moyennant quoi on a le droit d'être chez
soi, à l'intérieur, et de n'être dérangé par
personne. Un habit voyant exige au con-
traire une attitude physique peu compatible
avec nos physiques modernes et l'on peut
craindre que l'habit de couleur — s'il était
remis en honneur, comme le veut notre
ami Pierre Mortier — nous conduise non
pas à la reconstitution de là Cour de Na-
poléon 1er, mais bien, entre deux représen-
tations, à celle du Cirque Corvi.
Ce n'est pas tant, en effet, la forme de
l'habit qui importe, que la façon dont il est
porté. Les costumes les plus extravagants
ont pu être mis sous la Révolution et sous
l'Empire, parce qu'on était en Révolution
ou en temps de guerre, et que cette situa-
tion exorbitante balayait toutes les hésita-
tions et rendait possibles les choses les plus
invraisemblables.
Aujourd'hui, il n'en est plus de même et,
faute d'étoffe suffisante, nos jeunes hom-
mes auraient l'air, en vêtements d'autrefois,
de convoyer le carrosse d'un marchand de
savons ou d'appartenir à la figuration du
Châtelet.
A moins — et c'est là une solution que je
proposerais volontiers -.:. à moins, que l'on
ne consente, avec la couleur, à modifier éga-
lement la coupe de l'habit, en fermant com-
plètement le gilet, en arrondissant l'habit,
en l'allongeant par devant et en en suppri-
mant les basques.
Peut-être pourrions-nous ainsi obtenir un
vêtement de couleur : le veston, par exemple,
plus compatible avec les usages d'un monde
qui marche chaque jour davantage en pei-
gnoir et en pantoufles. Sinon, comme le
nègre, je continuerai à vivre dans le noir
et à porter un habit Qui, étant donné l'arc-
en-ciel de nos convictions modernes, a l'im-
mense avantage de nous faire croire cer-
tains jours que nous sommes tous de la
même opinion.
DE PAWLOWSKI..
Échos 1
L
e bruit court, léger comme un zéphyr,
que MM. - les directeurs de théâtre de
raris trouveraient un tantinet eieves les
tarifs des affiches dont s'adornent les co-
lonnes de nos boulevards.
Ils en ont parlé longuement entre eux,
ils en ont même parlé à qui de droit, mais
qui de droit — n'est-ce pas son droit? —
se fait un peu, beaucoup tirer l'oreille, jus-
qu'au jour où une bonne entente des imé&
ressés lui fera saisir bien nettement qu'il est
des cordes sur lesquelles il est mauvais de
trop tirer.
O
n enterrera aujourd'hui le petit nain
Auguste, oui fut. dans des revues de
Fallot, Marinier ou Lemercier, soit un grand
d'Espagne, soit une femme cochère, ou bien
un Kouropatkine amusant. -,
Il cohabitait avec son ami Delphin - au-
tre nain — dans un intérieur coquet où
s'entassait une foule de souvenirs, dons de
quantité d'amis célèbres au pays montmar-
trois.
Il avait commencé comme gérant de bras-
serie, mais le théâtre le hantait. Il débuta
peu après aux « Quat'z Arts », puis il se
fit remarquer dans presque tous les cabarets
où le genre des chansonniers en vogue était
goûté.
Ce petit homme (il avait 1 mètre 05)
était le grand ami de tout le monde sur la
butte sacrée, et les regrets de Xavier Pri-
vas, Montoya, Marcel Legay et autres le
suivront tantôt à sa dernière demeure. Il
avait trente-cinq ans.
O
uatre heures de l'après-midi, à l'Eldo-
rado. La rénétition de la revue de Lé-
mon et Arnoux égrène ses scènes^Les cou-
plets succèdent aux couplets. Tout va bien.
comme dit la chanson.
Soudain un brouhaha, dans le fond de la
salle mi-obscure, interrompt le travail. Quel-
qu'un vient d'entrer vers qui Dranem, notre
doux, notre souriant comique national s'est
précipité. Un rapide colloque, quelques mots
sévères de Dranem à l'adresse de l'intrus,
et Dranem clot ce rapide entretien par deux
soufflets sonores appliqués sur les joues de
son interlocuteur. Celui-ci fait un pas en
arrière, tire un revolver de sa poche et af-
firme, froidement: cc Je vais vous brûler! »
Dèllys, fort à propos, se jette sur le per-
sonnage, l'enserre dans ses bras et le met
hors d'état d'exécuter son homicide projet.
L'homme, quelques secondes plus tard,
quitte l'établissement - plus rapidement
qu'il n'y est entré — non sans avoir « en-
caissé » des horions de première grandeur.
D
usausoy, joaillier expert, 4, boulevard
• des Italiens, achète toujours como-..
tant: bijoux,, diamants, perles et pierres
fines. Il donne presque toujours une plus-
value sur le prix offert par n'importe quelle
maison.
L
es malheureux employés du Salon de
1 l'Automobile se plaignent: ils ne ces-
sent, en effet, d indiquer aux visiteurs le
Stand 4 de la Salle A, où sont exposés les
bandages Vulcan, si appréciés des automobi-
listes.
D
ans la grande nef du Saton de l'Auto-
mobile, la circulation est - interrompue
par le flot des visiteurs arrêtes devant le
stand des Bayard-Clément, et c'est la même
affluence de connaisseurs aux salons de
vente du 10, boulevard de la Madeleine.
E
xiste-t-il seulement, le restaurant pro-
> che des boulevards, où l'on peut - dé-
guster les meilleurs plats à des prix abor-
dables, et où un excellent orchestre et de
gracieuses artistes constituent les plus agréa-
bles des intermèdes? — Mais oui, il existe,
cet établissement idéal, et c'est le restau-
rant Lapré, plus apprécié que jamais depuis
que l'habile Maurice, le roi des maîtres
d'hôtel, en assume la direction.:
NOUVELLE A LA MAIN
s
ardou dixit.
On parlait, devant l'auteur de Patrie,
des différents moyens a en terminer avec
l'existence:
— Moi, 'dit Sardou, je suis un ennemi
irréductible de la crémation. En qualité
d'auteur dramatique, il me répugnerait ab-
solument de finit par un four!.
Le Masque de Verre*
COMŒDIA
Demain, SIX pages
La Valeur n'attend pas.
Les rois n'épousent plus les bergères?
En tous cas, on trouve encore des prin-
ces charmants pour s'éprendre de petites
filles en jupes courtes. Oyez plutôt la très
véridique histoire de la belle au bois dor-
mant, alias Mlle Andrée Pascal.
C'était une enfant toute sage et toute
naïve, que ses parents, excellentes gens de
la bonne bourgeoisie, destinaient à un hon-
nête autant que lointain mariage.
Or, la petite Andrée, ayant, pour s'amu-
Mlle ANDRÉE PASCAL
ser, suivi quelques cours de déclamation,
se mit à réciter. Le Vase brisé dans les
salons amis; et, ma foi, tout de suite, elle
y mit un accent qui laissait deviner un ta-
lent naturel.
Le professeur, puis Mme Madeleine Le-
maire, M. Isnardon lui-même, encouragè-
rent le jeune espoir et finirent par décider
les parents à présenter leur fille au Conser-
vatoire.
Pendant les trois années d'études, l'en-
fant, pensaient-ils aurait bien le temps de
réfléchir, et, qui sait? peut-être de renon-
cer à cette carrière qui les effrayait un
peu.
Et voici qu'en un quart d'heure le Prince
Charmant jette son sort sur la petite An-
drée et décide de toute sa vie.
— Vous savez comment cela s'est fait?
me dit, toute rougissante, la jeune artiste.
Je me présentais pour entrer dans la classe
de Mme Sarah Bernhardt. Je récite Le Pas-
sant et, tout de suite, la grande tragédienne
me prie de venir à son théâtre le réciter à
nouveau devant MM. Jean Richepin et Henri
Cain. Le soir même, j'étais engagée pour
créer La Belle au bois dormant.
Mlle Andrée Pascal, qui va faire revivre
La Belle au bois dormant avec toute la fraî-
cheur et la naïve tendresse de ses quinze
ans à peine sonnés, a devant elle le plus bel
avenir artistique. à condition que, pour le
moment, on ne le lui dise pas..
PAULINO.
LA "BANQUE" MUSICALE
L'Art au Faubourg
Quotidiennement, les cours de nos maisons sont fréquentées par dei
artistes Véritables, dont le talent ne fut point consacré'
par l'estampille officielle,
Taratata!!. Taratata! - -
A cet appel, j'ai bondi hors de la cou-
che où je me repose de mon incessant
et rude labeur.
Un coup de téléphone chez l'ami
Branger pour lui dire que je l'attends
immédiatement — lui ou l'un de ses re-
présentants. - Un demi-brin de toilet-
te hypo-sommaire, et, vingt minutes
après, nous sommes, l'excellent opéra-
teur Hamelin et votre serviteur, dans la
cour voisine de la mienne, au n° 25 du
Faubourg Montmartre, où des musiciens
ambulants ont accoutumé de donner un
concert, deux fois par semaine.
Depuis plus d un an, en effet, mon
« arrière-sommeil» est, non pas inter-
rompu, mais bercé bi-hebdomadairement
par les flons flons d'un orchestre en ré-
duction — appelons-le « quatuor » si
vous le voulez — puisque, somme toute,
il ne comporte que deux fois deux exé-
cutants. Ces artistes que je ne vois pas,
que je ne connais pas, et que j'entends
sont pour moi l'énigme cruelle qui me
permet cependant de déjeuner tranquil-
lement, mais que je veux fixer dès ce
En plein ïravaill
jour, de façon très formelle, au risque
d'en avoir le regret par la suite.
Un groupe de mélomanes obstrue la
porte très étroite de la maison où « tra-
vaillent» ceux qui m'intéressent. Triom-
phant non sans peine de résistances
passives — ce qui peut paraître étrange
— nous nous installons d'emblée au pre-
mier rang des auditeurs ; tout ceci ne va
pas sans quelques protestations cepen-
dant, mais, comme la musique adoucit
les mœurs, tout s'arrange.
Il fleure, dans ce groupe compact, une
bonne odeur de parfums à bon marché,
de vêtements humides encore des aver-
ses récentes, et de tabac honteux qui fut
trituré non loin de la rue Lagrange.
Les musiciens jouaient l'air célèbre
des Dragons de Villars. Aux fenêtres,
des théories de femmes gentilles mêlent
dans le clair-obscur des pièces indécises
l'or ou la nuit de leurs cheveux. Un
silence religieux plane sur toute la « cou-
rette ». Il semble que les habitants du
a0 25 du Faubourg Montmartre commu-
nient en l'art -la parcelle d'art - que
leur apportent à domicile des passants
qui vivent de la musique - et qui la
comprennent.
Rose cèdera-t-elle ou non aux suppli-
cations du Monsieur qui lui demande de
ne pas parler? Je ne veux point le savoir
et, respectueux presque - ça se gagne
— je me présente au premier piston qui
m'a tout l'air d'être le chef de la troupe.
— Comœdia. Oui. Vous avez
l' « Ouvreuse » chez vous maintenant.
Allons, tant mieux, je suis en pays de
connaissance et c'est à Willy que je de-
vrai ça.
- Encore un morceau et je suis à
vous !
Et durant quelques minutes je partage
l'émotion des spectateurs qui écoutent,
bouche bée, la Berceuse d-e Jocelyn.
Un quart d'heure plus tard — il a
fallu ramasser les derniers décimes, re-
mercier la concierge et « habiller » les
instruments — nous sommes tous assis
chez un vieux camarade, le bon poète
Astor, débitant de vins de son métier.
Autour des bocks de l'amitié nous
échangeons d'abord quelques phrases
banales, puis les langues se délient, et,
bientôt, je connais ces braves gens com-
me si j'avais vécu avec eux un peu de
leur vie aventureuse.
M. Georges Durand, le chef d'orches--
tre, est, si j'ose ainsi m'exprimer, un
« enfant de la balle ». Son père était mu-
sicien, et, sous l'envol de son geste 'can
dencé, les groupes tourbillonnaienf a
l'Ile de la Grande-Jatte, où il dirigeait
les bals et concerts.
— Pour sûr qu'on en est du métier et
qu'on l'connaît son répertoire, et toutes
les embouchures.
— Mais avec vos dispositions et les
facilités que vous aviez, comment n'êtes-
vous pas entré au Conservatoire?
— Si, j'y ai été au Conservatoire,. el,
j'y ai joué. mais c'était dans la cour, à
la suite d'un pari. On m'a du reste.
fichu à la porte.
— Mais n'avez-vous jamais travaillé,
dans un théâtre quelconque?
— Oui. à Moncey. J'y suis reste
deux mois, il y a huit ou neuf ans.
Je jouais du violon à cette- époque. Ort
m'a « vidé » parce qu'on a appris que jet
« boulonnais» dans les cours!.
- Vous préférez ça?
— Ah! oui, par exemple, la liberté f.
la «banque» il n'y a que ça de vrai.
- Etes-vousr content de votre sort?
- Certes, me répond le second piston,
M. Léon Gérard, nous sommes libres.
nous gagnons bien notre vie. Le matin
nous donnons notre répertoire dans les
cours, quotidiennement — sauf le lundi,
bien entendu, et, le soir, nous travail-
lons tous les quatre au cinématographe
ambulant Poinçon, qui fait les foires de.
la banlieue. Le matin on gagne sa pièce;
de 5 francs l'un dans l'autre et le soir
on a ses 6 francs de fixe. Avec ça on
s'en tire et on peut prendre un verre de
temps en temps avec les « poteaux.».
Les deux autres musiciens se taisaient,
comme gênés. Je les interroge et j'ap-
prend que ce sont deux Italiens, MM.
Palazzi, le contrebassiste, et M. Ch.
Ghiglia, le trombone. Le premier est en
France depuis dix-huit ans et a toujours
suivi les cirques forains ; il était, en der-
nier lieu, chez Pierantoni. Le second
resta quelque temps dans les concerts,
mais, lui aussi, il préfère le travail en
plein air.
— Et puis, ajoute le second pistr-n, on
fait parfois de bonnes journées; 14-
Juillet. la Mi-Carême.. le Mardî-Gras..
Au 14-Juillet on a vu ramasser ses 100
francs en trois jours avec les bals et les
sérénades à la terrasse des cafés. Nous
sommes connus en outre, on nous laisse
très tranquilles, nous ne demandons
qu'à igagner notre vie. Nous avons
notre carnet « d'artiste musicien ambu-
lant ». Avec ça « pas de pétard de la Pré-
fecture ». Dans les cours, nous n'avons
qu'à demander l'autorisation aux con-
cierges; c'est curieux, hommes ou fem-
mes, femmes et hommes, ils sont tous
mélomanes. Ça les distrait ces pauvres
gens qui sont toujours dans leurs loges
ou dans les escaliers. Nous leur appor-
tons des gazouillis de petits oiseaux, un
peu de la chanson du ruisseau dans les
pierres, un tas de belles chose? de la
campagne qu'ils ne connaissent pas où
qu'ils ont oubliées. Pendant qu' on joue
les chats viennent nous ronronner dans
les jambes, les cabots nous rendent
> _j^otièe. — 1'1° 44 (Quotidienl.
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Carmélite
En passant à Lyon, nous allâmes aux
Carmélites, saluer sœur Augustine de
la rtcorde.
Nous mes introduits au parloir où
nous eûmes le bonheur et la surprise de
la voir à ViSage découvert, contrairement
aux règles de l'Ordre. Ainsi, il était
donc Vrai qu'elle avait obtenu ce privi-
lège, refusé naguère à des recluses de
sang royal Mais peut-être le Saint-Père,
en signant le bref qui le lui conférait,
avait-il pensé que Dieu ne veut pas que
ce qu' ~I a fait agréable à voir demeure
caché aux regards des hommes. Et vit-
on jamais rien de plus beau que le vi-
sage de Mlle qe e Gautier? Elle nous apparut
telle que nous l'avions connue à la Co-
médie-Française vingt ans auparavant,
tant il est vrai que l'austérité conserve,
et il y avait sur ses traits un je ne sars
quoi 3ineux, comme l'auréole du bon-
heur divin, qui les défendait à jamais
conte l' Irliure -du temps.
Sa taille, 'qui fut toujours grande, pa-
raissait Nus grande encore sous la robe.
aux longs plis. Son port était majes-
ses et tout en elle, comme aux temps
de ses triomphes, respirait la force.
Le Ciel me pardonne la comparai-
son profane, mais il nous sembla voir
apparaître une de ces antiques reines
guerrières qui. conduisaient leur char
d'une main aussi robuste que celle du
plus puissant héros, dont le grand cœur
affrontait la bataille avec la même joie
que l'amour, et qui, parfois, pour se
distraire de leurs rudes travaux, luttaient
lt ]a stade avec les meilleurs coureurs
et leur devaient le prix en se jouant.
La coupe surannée du costume ajou-
fait encore à l'illusion.
Elle nous fit le meilleur accueil, car
ne n'a rien perdu de sa gaieté. Nous
causâmes d'abord de mille choses, lui
donnant ces nouvelles de ceux qu'elle
avait connus et que sa piété ne la for-
d QD pqS d'oublier. Elle fut heureuse
en re que la reine était, pour lors,
'¡l:.e santé. On sait que cette excel-
lente princesse lui témoigne, depuis son
kij" en religion, une grande amitié, à
quoi elle doit sans doute le respect par-
~t' MMe jotrii- dans la confrérie.
Mais nous pensâmes que nous n'a-
I:\¡ P~s fait ce long détour pour nous
retenir avec une recluse comme avec
première petite maîtresse, et, la con-
versation étant venue à languir, nous
laissâmes tomber un mot: Fontenoy.
Le sourire de sœur Augustine devint
~e. Un peintre chrétien eût voulu,
•i5!o!'0rrient, la prendre pour modèle de
l)A"e figure céleste.
~Ui ~I; hésita un instant à parler de ce
%fWissait encore son cœur, et puis,
dût-elle encourir une pénitence à sa pro-
chaine confession, elle ne résista pas da-
vantage. *
- L'Invincibilité ! dit-elle.
Mon compagnon était à la bataille,
Maison du Roi, et. il fallut qu'il
lui dit tout le détail de ce qu'il avait vu:
la journée un instant compromise, le
Imé lui-même exposé, le retour
offensif, la charge de Richelieu, l'exter-
mination IOn de la colonne anglaise, et, par-
tout partout, animant chacun de son in-
comptable courage, le Maréchal, sur la
carriole d'osier où le clouaient les souf-
frances, semblant dire, par son exemple,
à chaque soldat: regardez-moi, que ne
peut-on vaincre !
- C'est un héros! s'écria Mlle Gau-
avec un éclat qui fit trembler les
UAtit , de l'obscur parloir.
Alors, nous parlâmes de Maurice de
Saxe. ucoup, Mlle Gautier eut vingt
n'2 légère rougeur était montée à
ses joues, chassant la pâleur conventine,
et elle § retrouvait ce qu'elle avait été
quand Paris lui apportait chaque jour
ses hom Images et qu'elle les déposait
vous aux pieds du futur maréchal.
La première fois qu'il vint au théâtre,
celle, A je jouais Chimène.
- Et vous devinâtes aussitôt votre
CI Ue? lança étourdiment mon com-
~SSi n q> paroles qu'à peine dites il aurait
en voulu rattraper, car il lui semblait
ce lieu avoir commis un sacrilège, et
l'oreillé une souffrance.
Mais, toute au passé, Mlle Gautier ne
parut pas la ressentir. Elle protesta seu-
lement ^P°ur rétablir l'exactitude du fait :
- Point dit-elle, je ne le remarquai
nullement. ttlt. Il n'était alors qu'un petit sei-
neur allemand, ambitieux sans doute,
nais inconnu, et qui serait passé inaper-
cu sans façon singulière dont il parlait
notre langue. -
Nous nous tûmes, car nous sentions
bien qu Il était inutile de l'interroger;
qu'au j®°ntrairè nos questions pour-
raient la rappeler à elle-même et l'ar-
rêter r la pente dangereuse des sou-
- Ce fut plusieurs semaines après
que nous devînmes amis, reprit-elle. Un
après-midi, IJdt, on donnait Athalie, suivie du
loueur. .enie n'étais pas de la comédie, na-
turellement, et, à l'entr'acte, je demeurai
au foyer r avec des camarades de la
troupe tragique, causant et buvant du
9& que nous offrit, je crois, l'un
a\n.t. La Cour et la ville s'entrete-
naient tirs de ses prouesses au jeu de
paume, q dts parties de lutte qu'il s'amu-
gager avec quiconque paraissait
fort, simple soldat ou portefaix; de la
façon dont il tordait une épée ou pliait
un écu de six livres. »
» — Tu as trouvé ton maître, me dit je
ne sais plus lequel de nos comédiens.
» J'étais alors très vaine de ma force.
Née robuste, une propension naturelle
m'avait poussée à faire ma principale
distraction de tous les exercices du corps
et, comme j'y réussissais, je prenais
d'autant plus de plaisir à m'y consacrer.
Je m'étais mesurée à plus d'un homme
qui passait pour puissant et n'avais ja-
mais été terrassée. J'ignore ce qu'a pu
être la Maupin, mais je crois que si je
l'avais rencontrée, je l'aurais vaincue.
» L'attaque de mon camarade me mit
le feu au visage :
» — Il faudrait voir! lançai-je comme
un défi..
» C'est à ce moment que Maurice en-
tra. On le mit au courant. Il sourit avec
une telle ironie à l'idée qu'une femme
pourrait lutter avec lui que je ne connus
plus de retenue :
» — Monsieur le comte, lui dis-je, on
prétend que vous seriez mon maître.
Vous plaît-il d'essayer?
» Il jargonna d'abord une plaisan-
terie: « Mais, vus purrez être mon maî-
tresse quand vus vudrez!. » Je le priai
d'être sérieux, et, sur ce qu'on lui ra-
conta de ma force et de mes victoires,
il ne crut point déroger en acceptant
mon défi.
» La comédie finissait. Le théâtre était
libre et l'affaire y pouvait être vidée sur-
le-champ. Nous nous y rendîmes avec
toute la troupe et les habitués des cou-
lisses. Ils firent le cercle. Le comte mit
habit bas; je ne craignis pas d'ôter mon
corps de baleine et de livrer mon buste
demi-nu à son étreinte. Elle fut d'abord
presque douce, tant il pensait triompher
aisément de moi ; mais, bientôt, il sentit
qu'il n'avait pas affaire à l'adversaire
qu'il croyait, il donna un peu plus d'ef-
fort. Pour moi, fouettée par son dédain,
je tendais tous mes muscles et je mettais
en œuvre toutes les. habiletés que j'avais
apprises de mes maîtres. Bientôt, je vis
à ses traits contractés qu'il déployait tou-
tes ses forces, je redoublai mes efforts,
et, soudain, je sentis que j'avais partie
gagnée. Oui, le héros faiblissait, sa
gorge haletait, quelque colère se mêlant
à sa surprise diminuait ses moyens au
lieu de les augmenter, un orgueil im-
mense s'empara 4e moi, il était a ma
iflèrCiT. Déjà, , des murmures laudatifs
et des applaudissements s'élevaient dans
l'assistance. Mais, alors, je vis passer
en ses yeux un tel désespoir, il m'appa-
rut si clairement que j'allais infliger, à
cet homme, né pour vaincre, une humi-
liation que rien ne pourrait effacer, je
le devinai si bien prêt à toutes les folies
que mon cœur tressaillit.
» Fût-ce de mon plein .gré, fût-ce mal-
gré moi que je laissai un peu s'amollir
mes bras, je ne saurais le dire, mais j'en
fis assez pour lui rendre l'avantage et,
sans doute, Dieu, pour punir mon or-
gueil, m'avait-il donné une vision de
l'avenir, car je fus à l'instant vaincue,
renversée, étouffée sous son poids.
Mais jamais défaite ne me fut aussi
douce ; je connus à ce moment qu'il était
mon vainqueur en toutes façons, et ja-
mais, plus tard, quand nous ne nous dé-
fiions plus qu'à d'autres luttes, je n'eus
le cœur de lui avouer que j'aurais pu le
renverser sous mes genoux et que je
ne l'avais point voulu. Non, même pas
quand il me quitta pour la Lecouvreur.
» N'ai-je pas mieux fait? Le vain-
queur de Fontenoy devrait-il porter la
honte d'avoir été vaincu par une
femme?. »
Elle semblait revivre toute une vie
lointaine, et savourer à nouveau ce dont
la perte l'avait conduite au couvent.
Nous laissâmes, sang plus rien dire,
l'amie de Marie Leczinska.
Paul DOLLFUS.
Nous publierons demain un article de
JACQUES MAY
Idées noires
Un homme d'esprit, à qui l'on demandait
dernièrement s'il était partisan de la couleur
pour l'habit, répondait:
— Oui, j'ai du reste déjà clwisi la
mienne : noire.
Cette opinion découragée est aujourd'hui
celle de la plupart d'entre nous. Un habit
noir est une façon extérieure et commode
de porter la neurasthénie. Il est une armure,
moyennant quoi on a le droit d'être chez
soi, à l'intérieur, et de n'être dérangé par
personne. Un habit voyant exige au con-
traire une attitude physique peu compatible
avec nos physiques modernes et l'on peut
craindre que l'habit de couleur — s'il était
remis en honneur, comme le veut notre
ami Pierre Mortier — nous conduise non
pas à la reconstitution de là Cour de Na-
poléon 1er, mais bien, entre deux représen-
tations, à celle du Cirque Corvi.
Ce n'est pas tant, en effet, la forme de
l'habit qui importe, que la façon dont il est
porté. Les costumes les plus extravagants
ont pu être mis sous la Révolution et sous
l'Empire, parce qu'on était en Révolution
ou en temps de guerre, et que cette situa-
tion exorbitante balayait toutes les hésita-
tions et rendait possibles les choses les plus
invraisemblables.
Aujourd'hui, il n'en est plus de même et,
faute d'étoffe suffisante, nos jeunes hom-
mes auraient l'air, en vêtements d'autrefois,
de convoyer le carrosse d'un marchand de
savons ou d'appartenir à la figuration du
Châtelet.
A moins — et c'est là une solution que je
proposerais volontiers -.:. à moins, que l'on
ne consente, avec la couleur, à modifier éga-
lement la coupe de l'habit, en fermant com-
plètement le gilet, en arrondissant l'habit,
en l'allongeant par devant et en en suppri-
mant les basques.
Peut-être pourrions-nous ainsi obtenir un
vêtement de couleur : le veston, par exemple,
plus compatible avec les usages d'un monde
qui marche chaque jour davantage en pei-
gnoir et en pantoufles. Sinon, comme le
nègre, je continuerai à vivre dans le noir
et à porter un habit Qui, étant donné l'arc-
en-ciel de nos convictions modernes, a l'im-
mense avantage de nous faire croire cer-
tains jours que nous sommes tous de la
même opinion.
DE PAWLOWSKI..
Échos 1
L
e bruit court, léger comme un zéphyr,
que MM. - les directeurs de théâtre de
raris trouveraient un tantinet eieves les
tarifs des affiches dont s'adornent les co-
lonnes de nos boulevards.
Ils en ont parlé longuement entre eux,
ils en ont même parlé à qui de droit, mais
qui de droit — n'est-ce pas son droit? —
se fait un peu, beaucoup tirer l'oreille, jus-
qu'au jour où une bonne entente des imé&
ressés lui fera saisir bien nettement qu'il est
des cordes sur lesquelles il est mauvais de
trop tirer.
O
n enterrera aujourd'hui le petit nain
Auguste, oui fut. dans des revues de
Fallot, Marinier ou Lemercier, soit un grand
d'Espagne, soit une femme cochère, ou bien
un Kouropatkine amusant. -,
Il cohabitait avec son ami Delphin - au-
tre nain — dans un intérieur coquet où
s'entassait une foule de souvenirs, dons de
quantité d'amis célèbres au pays montmar-
trois.
Il avait commencé comme gérant de bras-
serie, mais le théâtre le hantait. Il débuta
peu après aux « Quat'z Arts », puis il se
fit remarquer dans presque tous les cabarets
où le genre des chansonniers en vogue était
goûté.
Ce petit homme (il avait 1 mètre 05)
était le grand ami de tout le monde sur la
butte sacrée, et les regrets de Xavier Pri-
vas, Montoya, Marcel Legay et autres le
suivront tantôt à sa dernière demeure. Il
avait trente-cinq ans.
O
uatre heures de l'après-midi, à l'Eldo-
rado. La rénétition de la revue de Lé-
mon et Arnoux égrène ses scènes^Les cou-
plets succèdent aux couplets. Tout va bien.
comme dit la chanson.
Soudain un brouhaha, dans le fond de la
salle mi-obscure, interrompt le travail. Quel-
qu'un vient d'entrer vers qui Dranem, notre
doux, notre souriant comique national s'est
précipité. Un rapide colloque, quelques mots
sévères de Dranem à l'adresse de l'intrus,
et Dranem clot ce rapide entretien par deux
soufflets sonores appliqués sur les joues de
son interlocuteur. Celui-ci fait un pas en
arrière, tire un revolver de sa poche et af-
firme, froidement: cc Je vais vous brûler! »
Dèllys, fort à propos, se jette sur le per-
sonnage, l'enserre dans ses bras et le met
hors d'état d'exécuter son homicide projet.
L'homme, quelques secondes plus tard,
quitte l'établissement - plus rapidement
qu'il n'y est entré — non sans avoir « en-
caissé » des horions de première grandeur.
D
usausoy, joaillier expert, 4, boulevard
• des Italiens, achète toujours como-..
tant: bijoux,, diamants, perles et pierres
fines. Il donne presque toujours une plus-
value sur le prix offert par n'importe quelle
maison.
L
es malheureux employés du Salon de
1 l'Automobile se plaignent: ils ne ces-
sent, en effet, d indiquer aux visiteurs le
Stand 4 de la Salle A, où sont exposés les
bandages Vulcan, si appréciés des automobi-
listes.
D
ans la grande nef du Saton de l'Auto-
mobile, la circulation est - interrompue
par le flot des visiteurs arrêtes devant le
stand des Bayard-Clément, et c'est la même
affluence de connaisseurs aux salons de
vente du 10, boulevard de la Madeleine.
E
xiste-t-il seulement, le restaurant pro-
> che des boulevards, où l'on peut - dé-
guster les meilleurs plats à des prix abor-
dables, et où un excellent orchestre et de
gracieuses artistes constituent les plus agréa-
bles des intermèdes? — Mais oui, il existe,
cet établissement idéal, et c'est le restau-
rant Lapré, plus apprécié que jamais depuis
que l'habile Maurice, le roi des maîtres
d'hôtel, en assume la direction.:
NOUVELLE A LA MAIN
s
ardou dixit.
On parlait, devant l'auteur de Patrie,
des différents moyens a en terminer avec
l'existence:
— Moi, 'dit Sardou, je suis un ennemi
irréductible de la crémation. En qualité
d'auteur dramatique, il me répugnerait ab-
solument de finit par un four!.
Le Masque de Verre*
COMŒDIA
Demain, SIX pages
La Valeur n'attend pas.
Les rois n'épousent plus les bergères?
En tous cas, on trouve encore des prin-
ces charmants pour s'éprendre de petites
filles en jupes courtes. Oyez plutôt la très
véridique histoire de la belle au bois dor-
mant, alias Mlle Andrée Pascal.
C'était une enfant toute sage et toute
naïve, que ses parents, excellentes gens de
la bonne bourgeoisie, destinaient à un hon-
nête autant que lointain mariage.
Or, la petite Andrée, ayant, pour s'amu-
Mlle ANDRÉE PASCAL
ser, suivi quelques cours de déclamation,
se mit à réciter. Le Vase brisé dans les
salons amis; et, ma foi, tout de suite, elle
y mit un accent qui laissait deviner un ta-
lent naturel.
Le professeur, puis Mme Madeleine Le-
maire, M. Isnardon lui-même, encouragè-
rent le jeune espoir et finirent par décider
les parents à présenter leur fille au Conser-
vatoire.
Pendant les trois années d'études, l'en-
fant, pensaient-ils aurait bien le temps de
réfléchir, et, qui sait? peut-être de renon-
cer à cette carrière qui les effrayait un
peu.
Et voici qu'en un quart d'heure le Prince
Charmant jette son sort sur la petite An-
drée et décide de toute sa vie.
— Vous savez comment cela s'est fait?
me dit, toute rougissante, la jeune artiste.
Je me présentais pour entrer dans la classe
de Mme Sarah Bernhardt. Je récite Le Pas-
sant et, tout de suite, la grande tragédienne
me prie de venir à son théâtre le réciter à
nouveau devant MM. Jean Richepin et Henri
Cain. Le soir même, j'étais engagée pour
créer La Belle au bois dormant.
Mlle Andrée Pascal, qui va faire revivre
La Belle au bois dormant avec toute la fraî-
cheur et la naïve tendresse de ses quinze
ans à peine sonnés, a devant elle le plus bel
avenir artistique. à condition que, pour le
moment, on ne le lui dise pas..
PAULINO.
LA "BANQUE" MUSICALE
L'Art au Faubourg
Quotidiennement, les cours de nos maisons sont fréquentées par dei
artistes Véritables, dont le talent ne fut point consacré'
par l'estampille officielle,
Taratata!!. Taratata! - -
A cet appel, j'ai bondi hors de la cou-
che où je me repose de mon incessant
et rude labeur.
Un coup de téléphone chez l'ami
Branger pour lui dire que je l'attends
immédiatement — lui ou l'un de ses re-
présentants. - Un demi-brin de toilet-
te hypo-sommaire, et, vingt minutes
après, nous sommes, l'excellent opéra-
teur Hamelin et votre serviteur, dans la
cour voisine de la mienne, au n° 25 du
Faubourg Montmartre, où des musiciens
ambulants ont accoutumé de donner un
concert, deux fois par semaine.
Depuis plus d un an, en effet, mon
« arrière-sommeil» est, non pas inter-
rompu, mais bercé bi-hebdomadairement
par les flons flons d'un orchestre en ré-
duction — appelons-le « quatuor » si
vous le voulez — puisque, somme toute,
il ne comporte que deux fois deux exé-
cutants. Ces artistes que je ne vois pas,
que je ne connais pas, et que j'entends
sont pour moi l'énigme cruelle qui me
permet cependant de déjeuner tranquil-
lement, mais que je veux fixer dès ce
En plein ïravaill
jour, de façon très formelle, au risque
d'en avoir le regret par la suite.
Un groupe de mélomanes obstrue la
porte très étroite de la maison où « tra-
vaillent» ceux qui m'intéressent. Triom-
phant non sans peine de résistances
passives — ce qui peut paraître étrange
— nous nous installons d'emblée au pre-
mier rang des auditeurs ; tout ceci ne va
pas sans quelques protestations cepen-
dant, mais, comme la musique adoucit
les mœurs, tout s'arrange.
Il fleure, dans ce groupe compact, une
bonne odeur de parfums à bon marché,
de vêtements humides encore des aver-
ses récentes, et de tabac honteux qui fut
trituré non loin de la rue Lagrange.
Les musiciens jouaient l'air célèbre
des Dragons de Villars. Aux fenêtres,
des théories de femmes gentilles mêlent
dans le clair-obscur des pièces indécises
l'or ou la nuit de leurs cheveux. Un
silence religieux plane sur toute la « cou-
rette ». Il semble que les habitants du
a0 25 du Faubourg Montmartre commu-
nient en l'art -la parcelle d'art - que
leur apportent à domicile des passants
qui vivent de la musique - et qui la
comprennent.
Rose cèdera-t-elle ou non aux suppli-
cations du Monsieur qui lui demande de
ne pas parler? Je ne veux point le savoir
et, respectueux presque - ça se gagne
— je me présente au premier piston qui
m'a tout l'air d'être le chef de la troupe.
— Comœdia. Oui. Vous avez
l' « Ouvreuse » chez vous maintenant.
Allons, tant mieux, je suis en pays de
connaissance et c'est à Willy que je de-
vrai ça.
- Encore un morceau et je suis à
vous !
Et durant quelques minutes je partage
l'émotion des spectateurs qui écoutent,
bouche bée, la Berceuse d-e Jocelyn.
Un quart d'heure plus tard — il a
fallu ramasser les derniers décimes, re-
mercier la concierge et « habiller » les
instruments — nous sommes tous assis
chez un vieux camarade, le bon poète
Astor, débitant de vins de son métier.
Autour des bocks de l'amitié nous
échangeons d'abord quelques phrases
banales, puis les langues se délient, et,
bientôt, je connais ces braves gens com-
me si j'avais vécu avec eux un peu de
leur vie aventureuse.
M. Georges Durand, le chef d'orches--
tre, est, si j'ose ainsi m'exprimer, un
« enfant de la balle ». Son père était mu-
sicien, et, sous l'envol de son geste 'can
dencé, les groupes tourbillonnaienf a
l'Ile de la Grande-Jatte, où il dirigeait
les bals et concerts.
— Pour sûr qu'on en est du métier et
qu'on l'connaît son répertoire, et toutes
les embouchures.
— Mais avec vos dispositions et les
facilités que vous aviez, comment n'êtes-
vous pas entré au Conservatoire?
— Si, j'y ai été au Conservatoire,. el,
j'y ai joué. mais c'était dans la cour, à
la suite d'un pari. On m'a du reste.
fichu à la porte.
— Mais n'avez-vous jamais travaillé,
dans un théâtre quelconque?
— Oui. à Moncey. J'y suis reste
deux mois, il y a huit ou neuf ans.
Je jouais du violon à cette- époque. Ort
m'a « vidé » parce qu'on a appris que jet
« boulonnais» dans les cours!.
- Vous préférez ça?
— Ah! oui, par exemple, la liberté f.
la «banque» il n'y a que ça de vrai.
- Etes-vousr content de votre sort?
- Certes, me répond le second piston,
M. Léon Gérard, nous sommes libres.
nous gagnons bien notre vie. Le matin
nous donnons notre répertoire dans les
cours, quotidiennement — sauf le lundi,
bien entendu, et, le soir, nous travail-
lons tous les quatre au cinématographe
ambulant Poinçon, qui fait les foires de.
la banlieue. Le matin on gagne sa pièce;
de 5 francs l'un dans l'autre et le soir
on a ses 6 francs de fixe. Avec ça on
s'en tire et on peut prendre un verre de
temps en temps avec les « poteaux.».
Les deux autres musiciens se taisaient,
comme gênés. Je les interroge et j'ap-
prend que ce sont deux Italiens, MM.
Palazzi, le contrebassiste, et M. Ch.
Ghiglia, le trombone. Le premier est en
France depuis dix-huit ans et a toujours
suivi les cirques forains ; il était, en der-
nier lieu, chez Pierantoni. Le second
resta quelque temps dans les concerts,
mais, lui aussi, il préfère le travail en
plein air.
— Et puis, ajoute le second pistr-n, on
fait parfois de bonnes journées; 14-
Juillet. la Mi-Carême.. le Mardî-Gras..
Au 14-Juillet on a vu ramasser ses 100
francs en trois jours avec les bals et les
sérénades à la terrasse des cafés. Nous
sommes connus en outre, on nous laisse
très tranquilles, nous ne demandons
qu'à igagner notre vie. Nous avons
notre carnet « d'artiste musicien ambu-
lant ». Avec ça « pas de pétard de la Pré-
fecture ». Dans les cours, nous n'avons
qu'à demander l'autorisation aux con-
cierges; c'est curieux, hommes ou fem-
mes, femmes et hommes, ils sont tous
mélomanes. Ça les distrait ces pauvres
gens qui sont toujours dans leurs loges
ou dans les escaliers. Nous leur appor-
tons des gazouillis de petits oiseaux, un
peu de la chanson du ruisseau dans les
pierres, un tas de belles chose? de la
campagne qu'ils ne connaissent pas où
qu'ils ont oubliées. Pendant qu' on joue
les chats viennent nous ronronner dans
les jambes, les cabots nous rendent
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