Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-11-04
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 novembre 1907 04 novembre 1907
Description : 1907/11/04 (A1,N35). 1907/11/04 (A1,N35).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645333x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
Première Année. — N° 35 (Quotidien).
Il :~ ,
Le Numéro ÏM centimes
Lundi 4 Novembre 1907.
COMŒDIA
-- Rédacteur :O.",d~PÂWLOWSNI¡
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
.97,-- BoufelJafd Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288-07
Presse Télégraphique : COMŒDIA*PARIS
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UN AN 6 MOIS
Paris et départements 24 fr. 12 fr.
Etranger 40 » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDlA"PAIUS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 » 20 »
\.J n cri
d'alarme
Il est fortement question, dans le
monde des' théâtres, de rétablir un tas de
choses que l'on avait, in secula seculo-
rum, abattues à-grand'peine. Parmi cel-
les-ci, a Censure paraît inspirer au Bâ-
timent une tendresse toute particulière.
On oublie à plaisir les tragiques légen-
des qui obscurcissent son passé. J'en
veiixaujourd'hui rappeler une, une
seul lé fit grand bruit en son temps,
mais les nouvelles générations n'en sa-
vent pas le premier mot. Peut-être n'est-
il en rance que M. Duquesnel pour
s'en souvenir. -
Car elle est lointaine. Mon Dieu! mon
Dieu! qu'elle est lointaine ! C'était en-
core sous le règne de M. Roujon. L'an-
née avait été douce. Mais la Censura se
montrait sévère. On exigeait que le scé-
nario des œuvres dramatiques fût sou-
mis à son examen, avant même que fût
écrite la première ligne du dialogue.
C'est ainsi qu'un matin, certain jeune
poète symboliste — qui s'est fait depuis
une légitime célébrité dans le vaudevillle
- fut introduit, rue de Valois, devant
le méfiant aréopage. Il s'inclina, sortit
timidement son sujet de pièce d'une ser-
viette en peau dé chagrin. Et le dialogue
suivant s'engagea tout aussitôt:
PREMIER CENSEUR.— Vous allez donc,
mon jeune ami. nous raconter votre scé-
nario, et nous verrons les coupures qu'il
y a lieu d'y faire. S'il faut vous en
croire, ce scénario est déjà reçu dans un
grand théâtre du boulevard?
LE , - Il faut m'en
croire. Mon scénario est reçu par M.
Porel.
DEUXIÈME CENSEUR, avec un doux
sourire. - Enfant!
PREMIER CENSEUR. — Etes-vous bien
sûr que ceci doive vous attirer la bien-
veillance du tribunal? Dans Porel, il y
a « Por 1), et porc est synonyme de co-
chon. Nous voilà déjà en éveil.
LE JEUNE POÈTE. — S'il est permis de
raisonner aussi subtilement, je vous fe-
rai remarquer que votre chef direct est
M. Roujon, que Roujon ne rime pas
seulement avec goujon, et et demi; con-
séquent, à Pore! Roujon et demi; nous
sommes quittes.
l:UXIÈME CENSEUR. — Votre titre?
L E JEUNE POÈTE. — La Congréga-
tion des Amants, poème dramatique en
t actes et vingt et un tableaux.
TROISIÈME CENSEUR. — Vous voudrez
bien vous en tenir à L'Agrégation des
Amants. C'est plus académique. Et
dans un poème en tant de tableaux, un
peu d'obscurité ne saurait nuire. Pas-
l au premier acte.
LE JEUNE - La scène repré-
e Une prairie verdoyante. Au fond,
lune Montagne qui, rassurez-vous, n'ac-
a pas d'une souris devant les
*Pec* Urs A droite, une route. Cette
route est tout le symbole de mon œuvre.
C'est la route des Voluptés Eternelles.
PREMIER CENSEUR, froidement. — Je
coupe cette route.
LE ,UNE POÈTE. — Bien. Au sur-
plus, jamais un symbole n'a fait réussir
une pi 5?* A gauche, un cordon de peu-
pliers destiné, vers la fin de l'acte, à
masq aet a - fuite, lèvres à lèvres, de
deux rnoureu qu i
DEUXIÈME CENSEUR, très sec. — Je
coupe ce cordon.
LE JEUNE POÈTE. — Voire volonté
soit faite. Du reste, il est sans exemple
qu'un cordon de peupliers ait efficace-
ment .~-squé les ébats de deux amou-
reux. "autorisez-vous, au moins, à si-
tuer, côté cour, au premier plan, un
buisson de fleurs souriantes, rafraîchis-
sant le Public par l'aspect printanier de
leurs corolles épanouies, de leurs pistils
poudrés et de leurs mystérieux ovaires?
TROISIÈME CENSEUR, rêche. — Non
pas. Je coupe ces ovaires,
LE JiEUNE POÈTE. - Ainsi soit-il.
Aussi n' ces ovaires n'ont aucun rap-
port avec l'action. Ils sont là comme des
mots auteur. Je poursuis. Le rideau se
lève. Elle et Lui se rencontrent dans la
fraîcheur du soir. Tous deux, extasiés,
foulent l'herbe tentante sous leurs pieds
attendris.
PREMIER CENSEUR. — Oui? Eh bien,
vous leur couperez l'herbe sous les
LE JEUNE POÈTE. — J'y consens.
Continuons. Tandis qu'ils se promè-
nent, très émus, le son des cors retentit
au fond des bois, évoquant les hallalis
sanglants et le* fauves ruts.
DEUXIÈME CENSEUR, scandalisé. -
Vous pensez bien que je vous coupe ces
LE JEUNE POÈTE. — Cette fois, je le
regrette. Car c'était un effet sûr !
TROISIÈME CENSEUR, cynique.— Tant
pis, nous vous coupons votre effet.
LE P- POÈTE. - N'en parlons
plus. Bref, ils s'abordent. Ici, une cour-
te explication psychologique s'impose.
Elle est fille de l'amour. Elle a sucé le
lait d'une ascendance sensuelle.
PREMIER CENSEUR. — Vous couperez
ce lait, monsieur!
LE JEUNE POÈTE. - 16 francs d'amen-
de. Vous porterez le poids, monsieur,
de cette iniquité. IPgsXon§. Lui,. c'est le
mâle, le mâle ancestral, S mâk indemne
que n'am Indrit nulle censure. S'étant
regardes, ils s'aiment. S'aimant, ils s'en-
lacent. Et le rideau tombe.
DEUXIÈME CENSEUR, curieux. — Et
qu'est-ce qu'ils font -derrière Je rideau?
LE JEUNE POÈTE. - Des cocottes en
papier.
TROISIÈME CENSEUR. — Je ne coupe
pas dans cette explication.
LE JEUNE POÈTE. — C'est heureux.
Au « deux)), la scène représente une
chambre à coucher, en communication
avec un riche cabinet de toilette.
PREMIER CENSEUR. — Rapprochement
tendancieux. Je coupe la communica-
tion.
LE JEUNE PoÈTE. — De grâce, ren-
dez-la moi! Elle est éclairée, la scène,
par un lustre électrique. Je sollicite que
vous ne me coupiez pas l'électricité, afin
que le public puisse suivre mon drame.
Elle et Lui sont là, les regards tendre-
ment unis,. et dûment mariés. Une camé-
riste entre à pas de loup, portant des
objets de toilette.
DEUXIÈME CENSEUR. - Minute! Pour-
quoi cette entrée pleine de sous-enten-
dus?
LE JEUNE POÈTE. — Simple ficelle, in-
dispensable à l'intrigue.
TROISIÈME CENSEUR. — Que vous di-
tes!. Moi, je coupe cette ficelle.
LE JEUNE POÈTE, un peu impatienté.
— Je continue. Il faut vous dire que,
comme vous avez négligé de faire à
mon héroïne ce que vous avez fait à
mes fleurs, et ce que vous ne voudriez
pas qu'on vous dit, Elle est mère de
plusieurs enfants. Il ne l'en aime pas
moins. Tous deux semblent vivre une
vie patriarcale, entourés de leur progé-
niture, et de bêtes fidèles, chiens poilus
et chats pensifs.
PREMIER CENSEUR.— Qu'est-ce encore
que ces accessoires ! Vous allez me faire
le plaisir de tondre ces chiens et de cou-
per ces chats! -
LE JEUNE POÈTE, mélancolique.
Ainsi m'instruirai-je dans un métier plus
facile que celui d'auteur dramatique. Par
pitié ne me coupez plus le fil. Lui sort.
Elle reste seule. Pas longtemps. N'ou-
blions pas qu'elle a sucé le lait que vous
m'avez fait couper. A peine est-elle en
tête-à-tête avez ses pensées, qu'un hom-
me entre. C'est l'Amant. Elle a un
amant ! Coup de théâtre.. Le publie n'en
revient pas. Ça lui coupe, soyez heu-
reux, bras et jambes, à ce bon public!
Ça lui coupe, si j'ose dire, le sifflet.
L'Amant, toutefois, sourit. « Enfin,
toi! » s'écrie-t-elle en lui ouvrant les
bras. Et c'est la scène à faire. (Un si-
lence.) Eh bien! non, je ne la fais pas.
Car, telle que je la conçois, vous me
la couperiez. Donc, silencieux, après
un triste baiser, ils sortent. Le théâtre
reste vide. Angoisse, trémolos. Dehors,
il pleut. On entend un bruit d'eau.
DEUXIÈME CENSEUR, bondissant., Je
coupe l'eau!
LE JEUNE Poèrt, après un instant de
réflexion.. Ceci m'amène, à modifier
mon dénouement primitif. Nouvelle
version : quelques mois plus tard, le
mari se trouve être le père d'un enfant
adultérin.
TROISIÈME CENSEUR. - Inadmissible.
Absolument immoral.
LE JEUNE POÈTE. — Mais comment
faire?
PREMIER CENSEUR, avec décision. -
Envoyez-nous l'acteur qui joue l'amant.
Nous lui ferons faire une coupure qui
rendra son rôle tout à fait inoffensif.
On devine qu'ainsi mutilée, la pièce
fut accueillie avec défaveur. Irrités, les
riches parents du jeune poète lui cou-
pèrent à leur tour quelque chose : les
vivres. Il lui fallut, je l'ai dit, se réfu-
gier dans le vaudeville. Il y fit, du reste,
fortune. Mais ceci prouve à peine que la
vertu est toujours récompensée, au théâ-
tre. Et l'on reste en droit de se deman-
der s'il n'est pas pénible de voir une ins-
titution officielle fausser, par de très dis-
cutables exigences, des vocations nobles
en somme. Il y faut réfléchir, au mo-
ment où d'imprudentes voix réclament
le rétablissement de la Censure. Je
pousse le cri d'alarme.
Henry KISTEMAECKERS.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Le Voleur volé
Je reçois une lettre violente d'un lecteur
qui me prie de stigmatiser comme il con-
vient l'envoi que font certains directeurs de
théâtre de billets soi-disant de Presse et
dont les titres littéraires n'ont qu'un
but, c'est de faire payer cinquante centi-
mes ou un franc à leurs heureux titulaires.
J'avoue qu'avec la meilleure volonté du
monde, il m'est difficile- de m'intéresser
passionnément à cette pauvre victime et
j'aime mieux lui dire tout de suite, que
je me sens, à l'égard de' cet abus, dénué de
tout sens moral.
Voici, en effet, des braves gens, char-
bonniers, épiciers peut-être même, qui re-
çoivent une carte de Presse pour se rendre
à la quatre cent cinquantième ou millième
'représentation d'une pièce. Même en les
supposant nantis d'une grande confiance
personnelle - en leurs talents, ils doivent
tout, de même bien savoir qu'un compte
rendu écrit par eux n'est pas attendu avec
impatience pàr un. grand tournai parisien et
que., se*rait-iLJi .iitie^âe jùàttosÙâ&JL est
peu probable que le directeur de théâtre ait
pu deviner ce tait qu'eux-mêmes igno-
raient.
Somme toute, j'aime mieux leur dire
franchement et très carrément-.. ilsaccep-
tent froidement un titre' qui n'a jamais. été
le leur et s'en vont, la conscience tran-
quille, présenter au contrôle du théâtre
leur service de Presse sans en éprouver le
moindre remords.
Qu'à ce moment, ils se voient mués brus-
quement- en simples spectateurs payant
quart d'e placé, /e ne 'puis véritablement pas
penser qu'il y ait là un abus considérable.
Ou bien alors, si ce procédé leur paraît
particulièrement choquant, je crois pouvoir
leur indiquer un moyen d'éviter à tout
jamais d'en être victime : lorsqu'ils rece-
vront un billet de presse d'un théâtre quel-
conque, ils n'auront qu'aie remettre sous en-
veloppe avec un petit mot ainsi conçu :
cc Mpnsieur, vous devez faire erreur, je n'ai
jamais appartenu à la Presse et je vous
renvoie, en conséquence, le billet ci-joint.
Lorsque vous aurez établi des sèrvicés de
marchands de vin, je serai enchanté que.
vous vouliez bien m'en adresser un. Je
suis, - monsieur, pour la vie, votre Anatole
Durùnd.. » ; ;
A moins qu'ils ne préfèrent le donner,
histoire de rire, à un journaliste qui, Jui,
suivant l'usage^jmera tranquillement su
place sans jamais. oser s'en plaindre.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Cet après-midi, à une heure un quart, à
l'Opéra-Comique, répétition générale de
Le Chemineau, drame en quatre actes, de
Jean Richepin, musique de Xavier Leroux.
Cet après-midi, à deux heures, à l'Odéon,
représentation de Tartufe, offerte aux mem-
bres de la Critique et de la Presse.
Ce soir, a neuf heures, au théâtre des
Capucines, première représentation de:
Le Cri de Paris, revue en deux actes, de
Rip; Amoureux stratagème, comédie en---un
acte, de Jean Liane; Le Ghoung, comédie
en un acte, de Georges Docquois et Mont-
joyeux.
0
modestiet .,
En pàrcouêrMtt Ie NotHteàà- Laxoii. s„se
illustré,, nou~ ~m~s ar-
ticle « Critique musica et itoù§ lîsoris:
« Quoique les littérateurs, en grand nom-
bre, aient la prétention d'entretenir le pu-
blic de tous les événements qui se rappor-
tent à !a musique; quoique la plupart d'en-
tre eux même soiept musiciens, H en est
peu qui aient pu acquérir l'autorité néces-
saire pour exercer une véritable : influence,
et l'on ne voit guère à citer^que les noms
d'Ernest Reyer, Victorin joncières, Arthur
P&ugin, Camille BeUaigue, Adolphe Jul-
lien, etc. »
L'article est signé : Arthur Pougin..
Necker a dit: « Il faudrait se regarder à
distance et se juger sans amour, sans ai-
greurr comme une simple connaissance; »; ,
lûfandum, 'Pugihey jubés : rénovâte daÎQ'
rem!, - H, '-'
Q
u'est donc devenue cette querellé, qui,
, le soir de la répétition générale: du
Manteau du Roi, mettait aux prises, dans
les couloirs de la Porte-Saint-Martin, deux
acteurs? L'un, jeune et très emballé,, ne
semblait pas très tendre pour l'autre, très
connu par sa façon, dans les pièces de cape
et d'épée, de se draper dans son manteau,
d'un geste castillan.
On dit que le second, préférant à la ra-
pière, toujours dangereuse, un exploit, mais
un exploit d'huissier, traînerait son adver-
saire en police correctionnelle.
Tout arrive !
D
énouernents: -.
Une jeune et jolie comédienne, un
artiste sympatmque et répute, avaient en-
semble depuis de longues années. Etaient-
ils mariés? Ils le disaient et nous devons
les croire. Toujours est-il que leur union,
fugitive et passagère comme toutes les cho-
ses de ce monde, s'acheva'. Fût-ce par une
rupture, fût-ce vraiment par un divorce?
Peu noqs importe !
En tous' cas, sitôt qu'il eut recouvré sa
précieuse liberté, le comédien se hâta de
l'enchaîner à nouveau, et un mariage, un
vrai mariage à l'église et à la mairie, l'unis-
sait à une jeune et jolie cantatrice.
Quand elle sut que l'homme auprès du-
quel elle avait passé ses plus belles années
l'avait aussi vite oubliée, notre.jeune Ariane
en conçut un grand courroux; et, pour se
venger, elle annonça à tous ses amis qu'elle
avait trouvé en Russie, où elle joue en ce
moment, un grand seigneur, parent du tsar
et possesseur de plusieurs millions de rou-
bles. qui ambitionnait, l'honneur d'unir sa
destinée à la sienne.
Et ce petit drame psychologique va s'a-
chever, comme les anciens, vaudevilles, par
deux mariages.
D
ans un de nos théâtres, universelle-
ment connu pour ne jouer que des
vaudevilles très. PalaIs-Royal, se présente
un capitaine en retraite du train des équi-
pages. Introduit après deux heures d'anti-
chambre, il dépose sur, le .bureau directo-
rial un volumineux manuscrit: Vengeance,
drame patriotique en sept-actes et dix-sept
tableaux.
On lui objecte que ce n'est pas tout à fait
le genre de là maison.
II s'excuse; il vient d'arriver d'Atixonne
(Côte-d'Or) ; il ne connaît pas encore très
bien Paris. Mais qu'à cela ne tienne ! Si l'on
préfère des pièces gaies, il en a une toute
prête sur L'Arrivée des réservistes. 'Il va la
chercher à l'instant.
— Cela se trouve bien, lui est'il' ré-
pondu ; le Comité de lecture se réunit pré-
cisément à ,. fiaq heures, et il sera présidé
par M. È^jiurdijo-Beaumete. D.
.,.çr:::-: Vraiment! par M. Dujàrdih-Beau-
metz? - -, ;;,' ':
En personne !
- Je cours et je reviens.
A cinq heures. le prétendu Comité de
lecture est réuni, y compris M: Dujardin-
Beaûmetz.. Le capitaine en retraite, qui. à
arboré toutes, ses, décorations,, tM avec, émo-
tion; sans remarquer les fous rires qu'on
contient à peine, et quand il a fini;
— C'est très bieti, lui dit le sous-secré-
taire d'Etat, je vais parler de vous à mon
collègue Briand,-et votre beau drame pa-
triotique sera reçu à * la Comédie-française !
Le pauvre tringlot n'en dort plus depuis
trois jours.
Panachot est sans pitié !,
R
endons à César — ou plutôt à An-
toine. ! ; 7 -
Il est actuellement de bon. ton de procla-
mer injustement l'Odéon un théâtre démodé
et vieillot.
« On ne peut pas y aller, on y sent le
moisi! », disent les plus sévères; :et les
plus indulgents; le trouvent lointain^ Qn va
en - Odéonie comme en pays perdit.
Qu'on n'oublie pas que l'Odéon est un
théâtre d'avgnt-gârde, celui des tentatives
audacieuses et de-toutes les innovations.
C'est dans sa salle ..que se fit, en 1784,
l'essai 0e l'éclairage à l'huile par les lampes
à double courant d'air. L'inventeur en était
Quinquet, de fumeuse, mémoire. '-
C'est encore à l'Odéon qu'on appliqua,
pour la première fois, l'éclairage au gaz,
en 1822.
Ayons au moins -envers lui- la reconnais-
sance. des yeux.,
N
'ous y comptons.
A la suite de notre écho d'hïer, rap-
pelant les jolis vers qu'il consacrait jadis
au « Piston », M. Romain Coolus, dont le
Théâtre Antoine va donner bientôt Geor-
gette Hellouin, nous adresse ce gentil bil-
let:
Dimanche. v
Un grand merci, mon cirer Masquef; vous êtes
charmant de vous souvenir de ce poème fantas-
que. T'" ,-, -,
Imprudent ! Pour veus>punir de vos souhaits
esthétiques, au premierjour J j'écrirai' trois actes,
mais là vraiment poétiques. le,. vous les. dé-
dierai. - :;'
ROMAIN COOLUS.
3 novembre. 1907.
Convenu, mon cher* poète, nous-l'atten-
dons.
R
ien M -va plus*} déclarent, avec ,4^
'mmès. déconfites, las directeiH^r d'or-
dinnire les plus favorisés par la fortune. :
-Les- affaires théâtrales sontrelles vrai-
ment, comme d'aucuns l'affirment, dans le
marasme le plus complet?
Oyons un peu ce que disent les chiffres.
Ils disent, ces bonns chiffrés, qu'en 1905
lés: recettes brutes * dès théâtres de Paris
n'avaient pas été inférieures à 32 millions,
qu'en 1906 lesdités recettes se sont éle-
vées à 43,209,584 francs.
Alors —.c'est le cas, ou jamais, de le
demander :.-. qui trorhpe-t-on ?
w
agner était très préoccupé/ des ques-
tions d'habillement, mais .fil. avait
surtout le grand souci de posséder des ,'éD&
tutrtes .d^téri^r^itit^^j^eift, ^ignjésy
Il -avait à Vienne une habilleuse en renom,
Mlle Bertha, à qui il adressait les lettrés
les plus bizarres ; qu'on en-juge plutôt par
celle-ci ,' :' ,, ::'
, « Chère demoiselle.
« Dites-moi combien voijs me prendriez
pour me faire une robe de chambre dans
les, c'onditions. expliquées plus loin. La cou-
leur en doit être rosé. d'après l'un des
échantillons ci-inclus); indiquez-moi le prix
de l'un et de l'autre. Le n" 2 est un peu
raide ; il n'est pas d'excellente qualité, il
est sans doute de fabrication autrichienne;
mais la couleur me plaît.
u II me faut aussi dix-huit aunes du sa-
tin bleu dont l'échantillon est ci-inclus et
pour dix florins de blonde étroite pour gar-
niture de chemises. Pour le cas où L'argent
que vous avez à moi pour ces commandes
ne: suffirait pas, payez-vous sur.: les vingt-
cinq thalers ci-inclus. -
(t Donc; combien cette ro.be de chambré ?
« Salut cordial. ,'
; « Richard WAGNER. »
Cependant, il fut un temps où Wagner
ne s'habillait pas avec la recherche dont
noms parlons ci-dessus. >
Voici, en en'et, ; le signalement .- qui
fut lancé contre lui par la: police saxonne,
après qu'il eut incité le peuple à s'emparer
de l'arsenal de Dresde en 1848,.en sonnant
le tocsin. .:
« Wagner, 37 .à 38 .ans, stature moyenne,
cheveux bruns, front libre; ;,çpurçils bruns,
yeux gris-bleu, riez et bouche proportion-
nés, menton .rond, porte,:des lunettes. Pa-
role et gestes rapides. Vêtements : Redin-
gote de bouksin vert foncé, pantalon noir,
gilet' de velours, cravate de soie, chapeau
de. feutre et bottes ordinaires. »
R
encontre dans les couloirs de l'Odéon
pendant la répétipn générale de Son
Père, un de nos tragédiens les plus en vue,
dont la carrière s'est écoulée, en grande
partie, aux côtés, d'une tragédienne non
moins en vue, sinon la plus grande. Mal-
heureusement les relations sont rompues
depuis quelque temps déjà et comme un
indiscret èn demandait la raison, le tragé-
dien, d'une voix caverneuse autant que mé-
lodieuse, lui répondit simplement :
« Que veux-tu mon cher, j'en avais assez
de faire la pomme de terre autour du
bifteck ! i)
Il faut croire d'ailleurs, que la pomme
de terre était frite autant que le bifteck
était cuit!
N
e vendez pas vos bijoux, perles et pier-
res fines, ainsi que vos reconnaissan-
ces de bijoux, sans les, montrer-au Comptoir
International, 44. Chaussée-d'Antin, qui
paie très cher. Téléphone : 269-67.
JLe Masque aMe Ë Verfe,
MÊDÉE
Drame en 3 actes en Vers de M. Catulle=Mendès
La Càmédie-Française a repris, hier,
Médée. Voici définitivement installée au
répertoire de la première scène dramatique
de ce pays, l'œuvre de l'homme qui ho-
nore le plus grandement les lettres, fran-
çaises.
Un succès pour Catulle Mendès, c'est
toujours un succès pour la littérature ; peu
d'écrivains, en effet, furent plus que lui et
même autant que lui, hommes. de lettres.
Homme de lettres! Il le fut dans toutes
les. manifestations de son génie; et ce n'est
pas une mince gloire, dans notre siècle de
spécialisation médiocre, d'avoir pu être à la
fois un des premiers poètes, un: des pre-
miers dramaturges, un des premiers ro-
CATULLE MENDÈS
j • Photo Henri Manuel.
y Mme SEGÔND-WEBEK Photo Henri Manuel.
mangers et- un des- premiers-critiques -de
ce temps..
Dans tous les genres qu'il a pUCà- son
esprit prodigue, - d'embrasser, .■il a excelle; en
tous, il fut supérieur et chacun lui valût as-
sez de triomphes pour satisfaire les plus
vastes ambitions. Poète d'Hespérus, roman-
cier de Pierre le Véridique, dramaturge des
Mères Ennemies, critique impartial, cour-
tois et .avisé de toutes lès pièces et de tous
les romans qui jurent joués ou publiés de-
piiis vingt ans, il est, .pour ses innombra-
ble^ iecteurs: et auditeurs, un des plus
beaux exemptes de ce que peuvent réaliser
le talent joint au labeur.
Il appartenait à Comœdia de profiter
d'une des étapes de la vie littéraire de cet
illustre écrivain pour lui adresser rhom-
mage respectueux de sa vibrante admira-
tion.
PIERRE MORTIER.
La soirée à la
Comédie-Française
Grande merveille ! s'écrie maître Jac-
ques en voyant Harpagon offrir un
dîner à la jolie Marianne. Grande mer-
veille! répéterai-je à mon tour: la Co-
médie-Française, un moment infidèle au
« boulevard », ose enfin un soir - un
dimanche soir — afficher un. poète !
-La Médée de M. Catulle Mendès fut
jouée d'original à la Renaissance en
1898. Mme Sarah Bernhardt incarnait
- I.a fille cTHéenle et la sœur de.Circé
Jason; c'était Albert Darmont.
L'oeuvre eut à cette époque vingt-qua-
tre représentations.
En 1903, 'Médée entrait au répertoire
de, -la Comédie-Française ; après avoir
fourni une série de dix-neuf représenta-
tions, suivies, d'une seule soirée en 1904,
elle disparaissait dfe l'affiche pour aller
rejoindre, dans les oubliettes de la Mai-
son, Britanîiicus, Athalie, Mithridate,
etc.
Avons-nous donc trop de poètes pour
les délaisser ainsi ?
Nôtre première scène ne devrait-
elle pas* accueillir avec le plus heureux
empressement les écrivains de haut style
qui, dédaigneux du « fait-divers » plus
ou moins parisien, ne redoutent pas de
s'atiaquer à de grandioses suffets?
Si l'on peut adresser un reproche à
M. Catulle Mendès, c'est un « excès de
poésie n. Par instant, les Corinthiennes
s'immobilisent en de longues périodes
que nous ne savons plus écouter aujour-
d'hui, avides avant tout de voir l'action
courir vers le dénouement. ,
Faut-il rappeler la fable?
Médée abandonnée, chassée par Jason,
que l'ambition et l'amour attirent vers
la couche de Créuse, essaie de repren-
dre l'infidèle. Désespérée de l'impuis-
sance de ses charmes, sans attraits dé-
sormais pour un amant rassasié, elle en-
voie à Créuse des présents mortels, mas-
sacre les enfants qu'elle avait conçus
dans les embrassements du perfide et
s'enfuit superbe, invincible, sur un char
traîné par deux chevaux vers 4a radieuse
Athènes.
Une scène se détache, admirable, do
l'œuvre. Au deuxième acte, Médée et
Jason sont en présence, et la magicienne
va tout mettre en œuvre pour rallumer
le désir dans le cœur et les sens de
l'homme si ardent autrefois! Jason lue
ayant dit:
Àh! de quels crimes donc, m'accuses-tu?
., — Des miens î
Ne trouvez-vous pas que cela vaut la
fameuse réplique : « Moi seule, et c'est
assez! » de la Médée cornélienne? Bien-
tôt, après les reproches, elle va évoquer
un délicieux tableau:
Puisqu'ils t'ont profité, c'est toi qui les a- faits
Et tu vas mettre au lit d'une autre (affront su-
[prême !}
Tout ce que tu leur dois, misérable! et toi.
[même :.
,An ! -je ,t , excuserais si les dieux incléments
Avaient nié des fils à nos embrassements;
Car l'homme avec raison veut qu'aux jours dit
[vieil àga
En des êtres chéris vive sa jeune image.
Mais deux enfants nous ont charmés par leur
[doux cri
De naître, et leur premier sourire t'a souri ;
Tu les a vus plus grands en de jolis vacarmes;
Le matin, près du lit, jouer avec tes armes.
Et les voici, joyeux, parmi tant de douleurs.
Petits héros déjà hardis et querelleurs,
Où je crois voir, à l'ancien rêve obéissante.
Ta fierté sans traîtrise et ta grâce innocente.
Eh bien! il y a quelque chose d'aussi
beau que cette scène — qui suffirait à
justifier le succès de Médée — c'est la
façon magistrale dont elle est interpré-
tée.
Mme S. Weber est aujourd'hui dans;
le parfait épanouissement de son ta-
lent et de sa beauté. Superbe d'attitu-
des, elle exprime tous les sentiments du
personnage : le désir, la haine, la jalou-
sie, le désespoir, l'horreur avec une am-
pleur. une vérité et une force tragique
étonnantes. Lambert- fils est le Jason
idéal ; comme il rend cette assurance du ,
mâle sûr de lui, charmé de se voir ca-
resser, mais songeant sans cesse à la
vierge dont il est épris !
Mme S. Weber et Lambert fils for-
ment un couple merveilleux. Une pa-
reille scène ainsi jouée, pensée, sentie,
vécue, nous transporte dans les hautes
régions du grand art:
L'ensemble - où se détache Mlle Ma-
deleine Roch, dans la vieille nourrice '-
est fort convenable.
Au résumé, belle soirée pour la Co-
médie qui ne doit jamais être une bou-
tique, rarement un boudoir, assez sou-
vent un salon et, quelquefois, un
Temple.
EMILE MAS.
Lettre de VOuVreuse
Oui, ladies and gentlemen, comme je
l'expliquais tout à l'heure à M. Albert Mon-
tel, ;un. confrère qui me veut du bien, je
vieris de Londres pour rendre compte des
concerts parisiens, « j'arrive en trois ba-
teaux exprès pour vous parler. » Quand
je .dis trois, j'exagère de deux: je n'en ai
pris 'qu'un seul, de Folkestone à Boulogne,
I 'Ônward; • mais il roulait comme trois, l'ani-
mal, en traversant ce Pas-de-Calais qui, de-
pUis qti'ilia la veine de me porter chaque
semainl.r pfeût- être qualifié : « Lè plus heu-
reux détroit! » vo- y >
Salle Gaveau, on nous sert la Peti: te-
Suite de Debussy, mise en partition par
rsusser. C'est toujours un étonnement de
voiT un compositeur vivant se décharger sur
un confrère du soin d'orchestrer ses œu-
vres. L'étonnement devient plus vif encore
lorsque ce compositeur est Debussv. Faut-il
voir là un indulgent détachement de révolu-
tionnaire « arrivé » à l'égard d'un pé:.;hé de
jeunesse suspect de traditionnalisme ? Est-
ce le geste qui permet une exhumation,
mais qui décline toute responsabilité - Par
sa froideur, le public de Chevillard semble
lavoir .interprété. wn§i cette première ««di^
tion, et je ne vous cache pas que cet excès
Il :~ ,
Le Numéro ÏM centimes
Lundi 4 Novembre 1907.
COMŒDIA
-- Rédacteur :O.",d~PÂWLOWSNI¡
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
.97,-- BoufelJafd Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE ; 288-07
Presse Télégraphique : COMŒDIA*PARIS
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UN AN 6 MOIS
Paris et départements 24 fr. 12 fr.
Etranger 40 » 20 »
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Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger 40 » 20 »
\.J n cri
d'alarme
Il est fortement question, dans le
monde des' théâtres, de rétablir un tas de
choses que l'on avait, in secula seculo-
rum, abattues à-grand'peine. Parmi cel-
les-ci, a Censure paraît inspirer au Bâ-
timent une tendresse toute particulière.
On oublie à plaisir les tragiques légen-
des qui obscurcissent son passé. J'en
veiixaujourd'hui rappeler une, une
seul lé fit grand bruit en son temps,
mais les nouvelles générations n'en sa-
vent pas le premier mot. Peut-être n'est-
il en rance que M. Duquesnel pour
s'en souvenir. -
Car elle est lointaine. Mon Dieu! mon
Dieu! qu'elle est lointaine ! C'était en-
core sous le règne de M. Roujon. L'an-
née avait été douce. Mais la Censura se
montrait sévère. On exigeait que le scé-
nario des œuvres dramatiques fût sou-
mis à son examen, avant même que fût
écrite la première ligne du dialogue.
C'est ainsi qu'un matin, certain jeune
poète symboliste — qui s'est fait depuis
une légitime célébrité dans le vaudevillle
- fut introduit, rue de Valois, devant
le méfiant aréopage. Il s'inclina, sortit
timidement son sujet de pièce d'une ser-
viette en peau dé chagrin. Et le dialogue
suivant s'engagea tout aussitôt:
PREMIER CENSEUR.— Vous allez donc,
mon jeune ami. nous raconter votre scé-
nario, et nous verrons les coupures qu'il
y a lieu d'y faire. S'il faut vous en
croire, ce scénario est déjà reçu dans un
grand théâtre du boulevard?
LE , - Il faut m'en
croire. Mon scénario est reçu par M.
Porel.
DEUXIÈME CENSEUR, avec un doux
sourire. - Enfant!
PREMIER CENSEUR. — Etes-vous bien
sûr que ceci doive vous attirer la bien-
veillance du tribunal? Dans Porel, il y
a « Por 1), et porc est synonyme de co-
chon. Nous voilà déjà en éveil.
LE JEUNE POÈTE. — S'il est permis de
raisonner aussi subtilement, je vous fe-
rai remarquer que votre chef direct est
M. Roujon, que Roujon ne rime pas
seulement avec goujon, et et demi; con-
séquent, à Pore! Roujon et demi; nous
sommes quittes.
l:UXIÈME CENSEUR. — Votre titre?
L E JEUNE POÈTE. — La Congréga-
tion des Amants, poème dramatique en
t actes et vingt et un tableaux.
TROISIÈME CENSEUR. — Vous voudrez
bien vous en tenir à L'Agrégation des
Amants. C'est plus académique. Et
dans un poème en tant de tableaux, un
peu d'obscurité ne saurait nuire. Pas-
l au premier acte.
LE JEUNE - La scène repré-
e Une prairie verdoyante. Au fond,
lune Montagne qui, rassurez-vous, n'ac-
a pas d'une souris devant les
*Pec* Urs A droite, une route. Cette
route est tout le symbole de mon œuvre.
C'est la route des Voluptés Eternelles.
PREMIER CENSEUR, froidement. — Je
coupe cette route.
LE ,UNE POÈTE. — Bien. Au sur-
plus, jamais un symbole n'a fait réussir
une pi 5?* A gauche, un cordon de peu-
pliers destiné, vers la fin de l'acte, à
masq aet a - fuite, lèvres à lèvres, de
deux rnoureu qu i
DEUXIÈME CENSEUR, très sec. — Je
coupe ce cordon.
LE JEUNE POÈTE. — Voire volonté
soit faite. Du reste, il est sans exemple
qu'un cordon de peupliers ait efficace-
ment .~-squé les ébats de deux amou-
reux. "autorisez-vous, au moins, à si-
tuer, côté cour, au premier plan, un
buisson de fleurs souriantes, rafraîchis-
sant le Public par l'aspect printanier de
leurs corolles épanouies, de leurs pistils
poudrés et de leurs mystérieux ovaires?
TROISIÈME CENSEUR, rêche. — Non
pas. Je coupe ces ovaires,
LE JiEUNE POÈTE. - Ainsi soit-il.
Aussi n' ces ovaires n'ont aucun rap-
port avec l'action. Ils sont là comme des
mots auteur. Je poursuis. Le rideau se
lève. Elle et Lui se rencontrent dans la
fraîcheur du soir. Tous deux, extasiés,
foulent l'herbe tentante sous leurs pieds
attendris.
PREMIER CENSEUR. — Oui? Eh bien,
vous leur couperez l'herbe sous les
LE JEUNE POÈTE. — J'y consens.
Continuons. Tandis qu'ils se promè-
nent, très émus, le son des cors retentit
au fond des bois, évoquant les hallalis
sanglants et le* fauves ruts.
DEUXIÈME CENSEUR, scandalisé. -
Vous pensez bien que je vous coupe ces
LE JEUNE POÈTE. — Cette fois, je le
regrette. Car c'était un effet sûr !
TROISIÈME CENSEUR, cynique.— Tant
pis, nous vous coupons votre effet.
LE P- POÈTE. - N'en parlons
plus. Bref, ils s'abordent. Ici, une cour-
te explication psychologique s'impose.
Elle est fille de l'amour. Elle a sucé le
lait d'une ascendance sensuelle.
PREMIER CENSEUR. — Vous couperez
ce lait, monsieur!
LE JEUNE POÈTE. - 16 francs d'amen-
de. Vous porterez le poids, monsieur,
de cette iniquité. IPgsXon§. Lui,. c'est le
mâle, le mâle ancestral, S mâk indemne
que n'am Indrit nulle censure. S'étant
regardes, ils s'aiment. S'aimant, ils s'en-
lacent. Et le rideau tombe.
DEUXIÈME CENSEUR, curieux. — Et
qu'est-ce qu'ils font -derrière Je rideau?
LE JEUNE POÈTE. - Des cocottes en
papier.
TROISIÈME CENSEUR. — Je ne coupe
pas dans cette explication.
LE JEUNE POÈTE. — C'est heureux.
Au « deux)), la scène représente une
chambre à coucher, en communication
avec un riche cabinet de toilette.
PREMIER CENSEUR. — Rapprochement
tendancieux. Je coupe la communica-
tion.
LE JEUNE PoÈTE. — De grâce, ren-
dez-la moi! Elle est éclairée, la scène,
par un lustre électrique. Je sollicite que
vous ne me coupiez pas l'électricité, afin
que le public puisse suivre mon drame.
Elle et Lui sont là, les regards tendre-
ment unis,. et dûment mariés. Une camé-
riste entre à pas de loup, portant des
objets de toilette.
DEUXIÈME CENSEUR. - Minute! Pour-
quoi cette entrée pleine de sous-enten-
dus?
LE JEUNE POÈTE. — Simple ficelle, in-
dispensable à l'intrigue.
TROISIÈME CENSEUR. — Que vous di-
tes!. Moi, je coupe cette ficelle.
LE JEUNE POÈTE, un peu impatienté.
— Je continue. Il faut vous dire que,
comme vous avez négligé de faire à
mon héroïne ce que vous avez fait à
mes fleurs, et ce que vous ne voudriez
pas qu'on vous dit, Elle est mère de
plusieurs enfants. Il ne l'en aime pas
moins. Tous deux semblent vivre une
vie patriarcale, entourés de leur progé-
niture, et de bêtes fidèles, chiens poilus
et chats pensifs.
PREMIER CENSEUR.— Qu'est-ce encore
que ces accessoires ! Vous allez me faire
le plaisir de tondre ces chiens et de cou-
per ces chats! -
LE JEUNE POÈTE, mélancolique.
Ainsi m'instruirai-je dans un métier plus
facile que celui d'auteur dramatique. Par
pitié ne me coupez plus le fil. Lui sort.
Elle reste seule. Pas longtemps. N'ou-
blions pas qu'elle a sucé le lait que vous
m'avez fait couper. A peine est-elle en
tête-à-tête avez ses pensées, qu'un hom-
me entre. C'est l'Amant. Elle a un
amant ! Coup de théâtre.. Le publie n'en
revient pas. Ça lui coupe, soyez heu-
reux, bras et jambes, à ce bon public!
Ça lui coupe, si j'ose dire, le sifflet.
L'Amant, toutefois, sourit. « Enfin,
toi! » s'écrie-t-elle en lui ouvrant les
bras. Et c'est la scène à faire. (Un si-
lence.) Eh bien! non, je ne la fais pas.
Car, telle que je la conçois, vous me
la couperiez. Donc, silencieux, après
un triste baiser, ils sortent. Le théâtre
reste vide. Angoisse, trémolos. Dehors,
il pleut. On entend un bruit d'eau.
DEUXIÈME CENSEUR, bondissant., Je
coupe l'eau!
LE JEUNE Poèrt, après un instant de
réflexion.. Ceci m'amène, à modifier
mon dénouement primitif. Nouvelle
version : quelques mois plus tard, le
mari se trouve être le père d'un enfant
adultérin.
TROISIÈME CENSEUR. - Inadmissible.
Absolument immoral.
LE JEUNE POÈTE. — Mais comment
faire?
PREMIER CENSEUR, avec décision. -
Envoyez-nous l'acteur qui joue l'amant.
Nous lui ferons faire une coupure qui
rendra son rôle tout à fait inoffensif.
On devine qu'ainsi mutilée, la pièce
fut accueillie avec défaveur. Irrités, les
riches parents du jeune poète lui cou-
pèrent à leur tour quelque chose : les
vivres. Il lui fallut, je l'ai dit, se réfu-
gier dans le vaudeville. Il y fit, du reste,
fortune. Mais ceci prouve à peine que la
vertu est toujours récompensée, au théâ-
tre. Et l'on reste en droit de se deman-
der s'il n'est pas pénible de voir une ins-
titution officielle fausser, par de très dis-
cutables exigences, des vocations nobles
en somme. Il y faut réfléchir, au mo-
ment où d'imprudentes voix réclament
le rétablissement de la Censure. Je
pousse le cri d'alarme.
Henry KISTEMAECKERS.
Nous publierons demain un article de
TRISTAN BERNARD
Le Voleur volé
Je reçois une lettre violente d'un lecteur
qui me prie de stigmatiser comme il con-
vient l'envoi que font certains directeurs de
théâtre de billets soi-disant de Presse et
dont les titres littéraires n'ont qu'un
but, c'est de faire payer cinquante centi-
mes ou un franc à leurs heureux titulaires.
J'avoue qu'avec la meilleure volonté du
monde, il m'est difficile- de m'intéresser
passionnément à cette pauvre victime et
j'aime mieux lui dire tout de suite, que
je me sens, à l'égard de' cet abus, dénué de
tout sens moral.
Voici, en effet, des braves gens, char-
bonniers, épiciers peut-être même, qui re-
çoivent une carte de Presse pour se rendre
à la quatre cent cinquantième ou millième
'représentation d'une pièce. Même en les
supposant nantis d'une grande confiance
personnelle - en leurs talents, ils doivent
tout, de même bien savoir qu'un compte
rendu écrit par eux n'est pas attendu avec
impatience pàr un. grand tournai parisien et
que., se*rait-iLJi .iitie^âe jùàttosÙâ&JL est
peu probable que le directeur de théâtre ait
pu deviner ce tait qu'eux-mêmes igno-
raient.
Somme toute, j'aime mieux leur dire
franchement et très carrément-.. ilsaccep-
tent froidement un titre' qui n'a jamais. été
le leur et s'en vont, la conscience tran-
quille, présenter au contrôle du théâtre
leur service de Presse sans en éprouver le
moindre remords.
Qu'à ce moment, ils se voient mués brus-
quement- en simples spectateurs payant
quart d'e placé, /e ne 'puis véritablement pas
penser qu'il y ait là un abus considérable.
Ou bien alors, si ce procédé leur paraît
particulièrement choquant, je crois pouvoir
leur indiquer un moyen d'éviter à tout
jamais d'en être victime : lorsqu'ils rece-
vront un billet de presse d'un théâtre quel-
conque, ils n'auront qu'aie remettre sous en-
veloppe avec un petit mot ainsi conçu :
cc Mpnsieur, vous devez faire erreur, je n'ai
jamais appartenu à la Presse et je vous
renvoie, en conséquence, le billet ci-joint.
Lorsque vous aurez établi des sèrvicés de
marchands de vin, je serai enchanté que.
vous vouliez bien m'en adresser un. Je
suis, - monsieur, pour la vie, votre Anatole
Durùnd.. » ; ;
A moins qu'ils ne préfèrent le donner,
histoire de rire, à un journaliste qui, Jui,
suivant l'usage^jmera tranquillement su
place sans jamais. oser s'en plaindre.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Cet après-midi, à une heure un quart, à
l'Opéra-Comique, répétition générale de
Le Chemineau, drame en quatre actes, de
Jean Richepin, musique de Xavier Leroux.
Cet après-midi, à deux heures, à l'Odéon,
représentation de Tartufe, offerte aux mem-
bres de la Critique et de la Presse.
Ce soir, a neuf heures, au théâtre des
Capucines, première représentation de:
Le Cri de Paris, revue en deux actes, de
Rip; Amoureux stratagème, comédie en---un
acte, de Jean Liane; Le Ghoung, comédie
en un acte, de Georges Docquois et Mont-
joyeux.
0
modestiet .,
En pàrcouêrMtt Ie NotHteàà- Laxoii. s„se
illustré,, nou~ ~m~s ar-
ticle « Critique musica et itoù§ lîsoris:
« Quoique les littérateurs, en grand nom-
bre, aient la prétention d'entretenir le pu-
blic de tous les événements qui se rappor-
tent à !a musique; quoique la plupart d'en-
tre eux même soiept musiciens, H en est
peu qui aient pu acquérir l'autorité néces-
saire pour exercer une véritable : influence,
et l'on ne voit guère à citer^que les noms
d'Ernest Reyer, Victorin joncières, Arthur
P&ugin, Camille BeUaigue, Adolphe Jul-
lien, etc. »
L'article est signé : Arthur Pougin..
Necker a dit: « Il faudrait se regarder à
distance et se juger sans amour, sans ai-
greurr comme une simple connaissance; »; ,
lûfandum, 'Pugihey jubés : rénovâte daÎQ'
rem!, - H, '-'
Q
u'est donc devenue cette querellé, qui,
, le soir de la répétition générale: du
Manteau du Roi, mettait aux prises, dans
les couloirs de la Porte-Saint-Martin, deux
acteurs? L'un, jeune et très emballé,, ne
semblait pas très tendre pour l'autre, très
connu par sa façon, dans les pièces de cape
et d'épée, de se draper dans son manteau,
d'un geste castillan.
On dit que le second, préférant à la ra-
pière, toujours dangereuse, un exploit, mais
un exploit d'huissier, traînerait son adver-
saire en police correctionnelle.
Tout arrive !
D
énouernents: -.
Une jeune et jolie comédienne, un
artiste sympatmque et répute, avaient en-
semble depuis de longues années. Etaient-
ils mariés? Ils le disaient et nous devons
les croire. Toujours est-il que leur union,
fugitive et passagère comme toutes les cho-
ses de ce monde, s'acheva'. Fût-ce par une
rupture, fût-ce vraiment par un divorce?
Peu noqs importe !
En tous' cas, sitôt qu'il eut recouvré sa
précieuse liberté, le comédien se hâta de
l'enchaîner à nouveau, et un mariage, un
vrai mariage à l'église et à la mairie, l'unis-
sait à une jeune et jolie cantatrice.
Quand elle sut que l'homme auprès du-
quel elle avait passé ses plus belles années
l'avait aussi vite oubliée, notre.jeune Ariane
en conçut un grand courroux; et, pour se
venger, elle annonça à tous ses amis qu'elle
avait trouvé en Russie, où elle joue en ce
moment, un grand seigneur, parent du tsar
et possesseur de plusieurs millions de rou-
bles. qui ambitionnait, l'honneur d'unir sa
destinée à la sienne.
Et ce petit drame psychologique va s'a-
chever, comme les anciens, vaudevilles, par
deux mariages.
D
ans un de nos théâtres, universelle-
ment connu pour ne jouer que des
vaudevilles très. PalaIs-Royal, se présente
un capitaine en retraite du train des équi-
pages. Introduit après deux heures d'anti-
chambre, il dépose sur, le .bureau directo-
rial un volumineux manuscrit: Vengeance,
drame patriotique en sept-actes et dix-sept
tableaux.
On lui objecte que ce n'est pas tout à fait
le genre de là maison.
II s'excuse; il vient d'arriver d'Atixonne
(Côte-d'Or) ; il ne connaît pas encore très
bien Paris. Mais qu'à cela ne tienne ! Si l'on
préfère des pièces gaies, il en a une toute
prête sur L'Arrivée des réservistes. 'Il va la
chercher à l'instant.
— Cela se trouve bien, lui est'il' ré-
pondu ; le Comité de lecture se réunit pré-
cisément à ,. fiaq heures, et il sera présidé
par M. È^jiurdijo-Beaumete. D.
.,.çr:::-: Vraiment! par M. Dujàrdih-Beau-
metz? - -, ;;,' ':
En personne !
- Je cours et je reviens.
A cinq heures. le prétendu Comité de
lecture est réuni, y compris M: Dujardin-
Beaûmetz.. Le capitaine en retraite, qui. à
arboré toutes, ses, décorations,, tM avec, émo-
tion; sans remarquer les fous rires qu'on
contient à peine, et quand il a fini;
— C'est très bieti, lui dit le sous-secré-
taire d'Etat, je vais parler de vous à mon
collègue Briand,-et votre beau drame pa-
triotique sera reçu à * la Comédie-française !
Le pauvre tringlot n'en dort plus depuis
trois jours.
Panachot est sans pitié !,
R
endons à César — ou plutôt à An-
toine. ! ; 7 -
Il est actuellement de bon. ton de procla-
mer injustement l'Odéon un théâtre démodé
et vieillot.
« On ne peut pas y aller, on y sent le
moisi! », disent les plus sévères; :et les
plus indulgents; le trouvent lointain^ Qn va
en - Odéonie comme en pays perdit.
Qu'on n'oublie pas que l'Odéon est un
théâtre d'avgnt-gârde, celui des tentatives
audacieuses et de-toutes les innovations.
C'est dans sa salle ..que se fit, en 1784,
l'essai 0e l'éclairage à l'huile par les lampes
à double courant d'air. L'inventeur en était
Quinquet, de fumeuse, mémoire. '-
C'est encore à l'Odéon qu'on appliqua,
pour la première fois, l'éclairage au gaz,
en 1822.
Ayons au moins -envers lui- la reconnais-
sance. des yeux.,
N
'ous y comptons.
A la suite de notre écho d'hïer, rap-
pelant les jolis vers qu'il consacrait jadis
au « Piston », M. Romain Coolus, dont le
Théâtre Antoine va donner bientôt Geor-
gette Hellouin, nous adresse ce gentil bil-
let:
Dimanche. v
Un grand merci, mon cirer Masquef; vous êtes
charmant de vous souvenir de ce poème fantas-
que. T'" ,-, -,
Imprudent ! Pour veus>punir de vos souhaits
esthétiques, au premierjour J j'écrirai' trois actes,
mais là vraiment poétiques. le,. vous les. dé-
dierai. - :;'
ROMAIN COOLUS.
3 novembre. 1907.
Convenu, mon cher* poète, nous-l'atten-
dons.
R
ien M -va plus*} déclarent, avec ,4^
'mmès. déconfites, las directeiH^r d'or-
dinnire les plus favorisés par la fortune. :
-Les- affaires théâtrales sontrelles vrai-
ment, comme d'aucuns l'affirment, dans le
marasme le plus complet?
Oyons un peu ce que disent les chiffres.
Ils disent, ces bonns chiffrés, qu'en 1905
lés: recettes brutes * dès théâtres de Paris
n'avaient pas été inférieures à 32 millions,
qu'en 1906 lesdités recettes se sont éle-
vées à 43,209,584 francs.
Alors —.c'est le cas, ou jamais, de le
demander :.-. qui trorhpe-t-on ?
w
agner était très préoccupé/ des ques-
tions d'habillement, mais .fil. avait
surtout le grand souci de posséder des ,'éD&
tutrtes .d^téri^r^itit^^j^eift, ^ignjésy
Il -avait à Vienne une habilleuse en renom,
Mlle Bertha, à qui il adressait les lettrés
les plus bizarres ; qu'on en-juge plutôt par
celle-ci ,' :' ,, ::'
, « Chère demoiselle.
« Dites-moi combien voijs me prendriez
pour me faire une robe de chambre dans
les, c'onditions. expliquées plus loin. La cou-
leur en doit être rosé. d'après l'un des
échantillons ci-inclus); indiquez-moi le prix
de l'un et de l'autre. Le n" 2 est un peu
raide ; il n'est pas d'excellente qualité, il
est sans doute de fabrication autrichienne;
mais la couleur me plaît.
u II me faut aussi dix-huit aunes du sa-
tin bleu dont l'échantillon est ci-inclus et
pour dix florins de blonde étroite pour gar-
niture de chemises. Pour le cas où L'argent
que vous avez à moi pour ces commandes
ne: suffirait pas, payez-vous sur.: les vingt-
cinq thalers ci-inclus. -
(t Donc; combien cette ro.be de chambré ?
« Salut cordial. ,'
; « Richard WAGNER. »
Cependant, il fut un temps où Wagner
ne s'habillait pas avec la recherche dont
noms parlons ci-dessus. >
Voici, en en'et, ; le signalement .- qui
fut lancé contre lui par la: police saxonne,
après qu'il eut incité le peuple à s'emparer
de l'arsenal de Dresde en 1848,.en sonnant
le tocsin. .:
« Wagner, 37 .à 38 .ans, stature moyenne,
cheveux bruns, front libre; ;,çpurçils bruns,
yeux gris-bleu, riez et bouche proportion-
nés, menton .rond, porte,:des lunettes. Pa-
role et gestes rapides. Vêtements : Redin-
gote de bouksin vert foncé, pantalon noir,
gilet' de velours, cravate de soie, chapeau
de. feutre et bottes ordinaires. »
R
encontre dans les couloirs de l'Odéon
pendant la répétipn générale de Son
Père, un de nos tragédiens les plus en vue,
dont la carrière s'est écoulée, en grande
partie, aux côtés, d'une tragédienne non
moins en vue, sinon la plus grande. Mal-
heureusement les relations sont rompues
depuis quelque temps déjà et comme un
indiscret èn demandait la raison, le tragé-
dien, d'une voix caverneuse autant que mé-
lodieuse, lui répondit simplement :
« Que veux-tu mon cher, j'en avais assez
de faire la pomme de terre autour du
bifteck ! i)
Il faut croire d'ailleurs, que la pomme
de terre était frite autant que le bifteck
était cuit!
N
e vendez pas vos bijoux, perles et pier-
res fines, ainsi que vos reconnaissan-
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MÊDÉE
Drame en 3 actes en Vers de M. Catulle=Mendès
La Càmédie-Française a repris, hier,
Médée. Voici définitivement installée au
répertoire de la première scène dramatique
de ce pays, l'œuvre de l'homme qui ho-
nore le plus grandement les lettres, fran-
çaises.
Un succès pour Catulle Mendès, c'est
toujours un succès pour la littérature ; peu
d'écrivains, en effet, furent plus que lui et
même autant que lui, hommes. de lettres.
Homme de lettres! Il le fut dans toutes
les. manifestations de son génie; et ce n'est
pas une mince gloire, dans notre siècle de
spécialisation médiocre, d'avoir pu être à la
fois un des premiers poètes, un: des pre-
miers dramaturges, un des premiers ro-
CATULLE MENDÈS
j • Photo Henri Manuel.
y Mme SEGÔND-WEBEK Photo Henri Manuel.
mangers et- un des- premiers-critiques -de
ce temps..
Dans tous les genres qu'il a pUCà- son
esprit prodigue, - d'embrasser, .■il a excelle; en
tous, il fut supérieur et chacun lui valût as-
sez de triomphes pour satisfaire les plus
vastes ambitions. Poète d'Hespérus, roman-
cier de Pierre le Véridique, dramaturge des
Mères Ennemies, critique impartial, cour-
tois et .avisé de toutes lès pièces et de tous
les romans qui jurent joués ou publiés de-
piiis vingt ans, il est, .pour ses innombra-
ble^ iecteurs: et auditeurs, un des plus
beaux exemptes de ce que peuvent réaliser
le talent joint au labeur.
Il appartenait à Comœdia de profiter
d'une des étapes de la vie littéraire de cet
illustre écrivain pour lui adresser rhom-
mage respectueux de sa vibrante admira-
tion.
PIERRE MORTIER.
La soirée à la
Comédie-Française
Grande merveille ! s'écrie maître Jac-
ques en voyant Harpagon offrir un
dîner à la jolie Marianne. Grande mer-
veille! répéterai-je à mon tour: la Co-
médie-Française, un moment infidèle au
« boulevard », ose enfin un soir - un
dimanche soir — afficher un. poète !
-La Médée de M. Catulle Mendès fut
jouée d'original à la Renaissance en
1898. Mme Sarah Bernhardt incarnait
- I.a fille cTHéenle et la sœur de.Circé
Jason; c'était Albert Darmont.
L'oeuvre eut à cette époque vingt-qua-
tre représentations.
En 1903, 'Médée entrait au répertoire
de, -la Comédie-Française ; après avoir
fourni une série de dix-neuf représenta-
tions, suivies, d'une seule soirée en 1904,
elle disparaissait dfe l'affiche pour aller
rejoindre, dans les oubliettes de la Mai-
son, Britanîiicus, Athalie, Mithridate,
etc.
Avons-nous donc trop de poètes pour
les délaisser ainsi ?
Nôtre première scène ne devrait-
elle pas* accueillir avec le plus heureux
empressement les écrivains de haut style
qui, dédaigneux du « fait-divers » plus
ou moins parisien, ne redoutent pas de
s'atiaquer à de grandioses suffets?
Si l'on peut adresser un reproche à
M. Catulle Mendès, c'est un « excès de
poésie n. Par instant, les Corinthiennes
s'immobilisent en de longues périodes
que nous ne savons plus écouter aujour-
d'hui, avides avant tout de voir l'action
courir vers le dénouement. ,
Faut-il rappeler la fable?
Médée abandonnée, chassée par Jason,
que l'ambition et l'amour attirent vers
la couche de Créuse, essaie de repren-
dre l'infidèle. Désespérée de l'impuis-
sance de ses charmes, sans attraits dé-
sormais pour un amant rassasié, elle en-
voie à Créuse des présents mortels, mas-
sacre les enfants qu'elle avait conçus
dans les embrassements du perfide et
s'enfuit superbe, invincible, sur un char
traîné par deux chevaux vers 4a radieuse
Athènes.
Une scène se détache, admirable, do
l'œuvre. Au deuxième acte, Médée et
Jason sont en présence, et la magicienne
va tout mettre en œuvre pour rallumer
le désir dans le cœur et les sens de
l'homme si ardent autrefois! Jason lue
ayant dit:
Àh! de quels crimes donc, m'accuses-tu?
., — Des miens î
Ne trouvez-vous pas que cela vaut la
fameuse réplique : « Moi seule, et c'est
assez! » de la Médée cornélienne? Bien-
tôt, après les reproches, elle va évoquer
un délicieux tableau:
Puisqu'ils t'ont profité, c'est toi qui les a- faits
Et tu vas mettre au lit d'une autre (affront su-
[prême !}
Tout ce que tu leur dois, misérable! et toi.
[même :.
,An ! -je ,t , excuserais si les dieux incléments
Avaient nié des fils à nos embrassements;
Car l'homme avec raison veut qu'aux jours dit
[vieil àga
En des êtres chéris vive sa jeune image.
Mais deux enfants nous ont charmés par leur
[doux cri
De naître, et leur premier sourire t'a souri ;
Tu les a vus plus grands en de jolis vacarmes;
Le matin, près du lit, jouer avec tes armes.
Et les voici, joyeux, parmi tant de douleurs.
Petits héros déjà hardis et querelleurs,
Où je crois voir, à l'ancien rêve obéissante.
Ta fierté sans traîtrise et ta grâce innocente.
Eh bien! il y a quelque chose d'aussi
beau que cette scène — qui suffirait à
justifier le succès de Médée — c'est la
façon magistrale dont elle est interpré-
tée.
Mme S. Weber est aujourd'hui dans;
le parfait épanouissement de son ta-
lent et de sa beauté. Superbe d'attitu-
des, elle exprime tous les sentiments du
personnage : le désir, la haine, la jalou-
sie, le désespoir, l'horreur avec une am-
pleur. une vérité et une force tragique
étonnantes. Lambert- fils est le Jason
idéal ; comme il rend cette assurance du ,
mâle sûr de lui, charmé de se voir ca-
resser, mais songeant sans cesse à la
vierge dont il est épris !
Mme S. Weber et Lambert fils for-
ment un couple merveilleux. Une pa-
reille scène ainsi jouée, pensée, sentie,
vécue, nous transporte dans les hautes
régions du grand art:
L'ensemble - où se détache Mlle Ma-
deleine Roch, dans la vieille nourrice '-
est fort convenable.
Au résumé, belle soirée pour la Co-
médie qui ne doit jamais être une bou-
tique, rarement un boudoir, assez sou-
vent un salon et, quelquefois, un
Temple.
EMILE MAS.
Lettre de VOuVreuse
Oui, ladies and gentlemen, comme je
l'expliquais tout à l'heure à M. Albert Mon-
tel, ;un. confrère qui me veut du bien, je
vieris de Londres pour rendre compte des
concerts parisiens, « j'arrive en trois ba-
teaux exprès pour vous parler. » Quand
je .dis trois, j'exagère de deux: je n'en ai
pris 'qu'un seul, de Folkestone à Boulogne,
I 'Ônward; • mais il roulait comme trois, l'ani-
mal, en traversant ce Pas-de-Calais qui, de-
pUis qti'ilia la veine de me porter chaque
semainl.r pfeût- être qualifié : « Lè plus heu-
reux détroit! » vo- y >
Salle Gaveau, on nous sert la Peti: te-
Suite de Debussy, mise en partition par
rsusser. C'est toujours un étonnement de
voiT un compositeur vivant se décharger sur
un confrère du soin d'orchestrer ses œu-
vres. L'étonnement devient plus vif encore
lorsque ce compositeur est Debussv. Faut-il
voir là un indulgent détachement de révolu-
tionnaire « arrivé » à l'égard d'un pé:.;hé de
jeunesse suspect de traditionnalisme ? Est-
ce le geste qui permet une exhumation,
mais qui décline toute responsabilité - Par
sa froideur, le public de Chevillard semble
lavoir .interprété. wn§i cette première ««di^
tion, et je ne vous cache pas que cet excès
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