Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-10-29
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 octobre 1907 29 octobre 1907
Description : 1907/10/29 (A1,N29). 1907/10/29 (A1,N29).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76453276
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
dernière Annêe. - NO 29 (Quotidien). Le Numéro : 5 centimes Mardi 29 Octobre 1907,
5 centimes 1 Mardi 29 Octobrè 1907-t
M' I; || VFCTIR LIA PÉ* 'IB B^^BI
J^Km H| g- 3 Bjsjy3B M&Sf BÈA^I UK ^jk
Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSK)
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
9?, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONÉ : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA=PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
~Hs et Départements 24 fr. 12 fr.
manger 40 » 20 »
: RÉDACTION & ADMINISTRATION :
.* 27. Bouieuard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMCEDI A-PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
«
0 - -
Paris et Départements 24 fr.. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
le Monsieur de la Dame
au grand chapeau
tnJ'aime arriver de bonne heure au
tn éâtre, et m'installer à ma place au mo-
ment où la salle est vide, de façon à
°jr venir les spectateurs un à un, et
.fîout pour ne pas manquer l'entrée
ua personnage entre tous sympathi-
h monsieur qui accompagne une
or inaire, il-la laisse entrer la pre-
'~e, de façon à assister le moins pos-
fJ;bie à l'effet de cette entrée, au moment
regard des spectateurs avoisinants
g ïève vers le monument de plumes.
~Qd le monsieur pénètre dans la salle,
:Ure pâle est d'un calme effrayant. Il
p 1 Sir de ne pas penser du tout à ce cha-
Waç énorme. Il est d'une grande poli-
es avec les gens qu'il dérange, mais
eSl 'UnIquement parce qu'il les dérange
uis, la dame installée, le monsieur
puîs, la dame installée, le monsieur
J&Seoit à côté d'elle, l'air plus digne et
calme que jamais. Il s'efforce de ne
prit bouger, de façon à ne pas gêner
spectateur qui se trouve derrière lui.
'f 1 peut être sûr que sa tenue, au spec-
aCle, sera des plus correctes, qu'il ap-
j^udira gentiment, sans exagération, et
3u'il écoutera la pièce avec une attention
fCrupuleuse. En attendant que le rideau
lève, il a ouvert son programme et
s'y plonge tout au fond. Pour rien au
rnoncle -il ne voudrait jeter un regard
prière lui, et voir ce cortège assis, mais
Plein de haine.
A un moment donné, la dame se pen-
- , n2 légèrement pour lui parler ; tout l'é-
: °rme écran parcourt un arc de cercle
^uiétant. Le monsieur avance l'o-
L~c; peut-être n'est-il pas fâché que
gens qui murmurent puissent le
gOire un peu sourd. La dame lui a par-
"- Donc ils ne sont pas fâches ; ce n'est
12 première sortie du grand chapeau.
monsieur est un résigné. Il a dit, au
Jettent du départ : « Tu mets ce cha-
;:' :.t-là? » — « Oui, hé bien? » —
^Hé bien, rien. » — « Est-ce que ça
jj Séné? » — « Non, non. » — « Si ça
ï ne, il faudrait le dire.4»
n JI n'a rien dit. Ou bien il s-, eSt rendu
.^ïïipte que ses protestations étaient inu-
.s, ou bien n'a-t-il pas su ce qu'il au-
i,alt fallu dire. Et même, s'il l'avait su,
} n'aurait peut-être rien dit, car c'eût
t.té long, on serait arrivé en retard au
Pectacle et on aurait dérangé tout un
ang j il n'eût plus manqué que cela.
Voici une anecdote absolument au-
.entique. C'était au début de cette an-
ee, à la première d'Anna Karénine. Ré-
égnant ma place à la fin d'un entr'acte,
îjMa vis occupée par une dame à grand
Jtepeau, qui s'était trompée d'un fau-
uil- Je lui fis remarquer son erreur.
j - Oui, dit à haute voix une autre
Q atne, placée à un rang derrière, ma-
batne n'est pas à sa place. Et c'est fort
Jjureux pour ma petite fille, qui n'aurait
j'Plument rien vu derrière ce chapeau ;
« ne comprends pas qu'on vienne au
eâtre avec des chapeaux pareils.
La dame au grand chapeau .jeta les
y I^x derrière elle, regarda un instant la
aQ hte fille, et trouva cette justification
arable :
Anna Karénine n'est pas une pièce
pour les enfants.
< vMoi, je pensai que cette dame était
"',s gentille de donner au moins cette
explication. Il est probable que si le
^pnsieur de la dame au grand chapeau
alt fait des observations à la compa-
lle de sa vie, elle ne lui aurait rien ré-
pondu du tout. La grande supériorité des
femmes sur les hommes, c'est que les
hommes ont beaucoup de choses à leur
dire, et qu'elles n'ont rien à leur ré-
Le monsieur se fût lancé dans des ar-
turnentations abondantes et pauvres.
est-ce que peut faire un misérable
être civilisé avec sa chétive raison hu-
jaine, contre une splendide princesse
age, qui se met des plumes sur la
t^^age, qui se met des plumes sur la
K. r3 'ner dix personnes, leur gâter un
^ai$ir auquel elles ont rêvé depuis plu-
tl*turs jours, voilà ce qu'un homme au
Joie cœur ne peut pas supporter. Mais
te e femme n'a pas à s'occuper de cela ;
qu'elle fait s'appellerait pour un
y^me de la goujaterie; pour elle, ce
nt « les droits de la beauté».
bo Il Y a des milliers d'années que les
nnIMes ont la responsabilité de leurs
ç es; la peur des coups qu'a raillée
Urteline, la bienfaisante « peur des
bie Ps » leur a appris à se soucier du
bien-être d'autrui. Que ce soit pour ce
ble tnotif ou pour des raisons plus no-
mes il est incontestable que les hom-
? sont mieux élevés que les femmes.
Au théâtre, ils ne prennent pas un
%iQ'Sir COMPlet s'ils sentent que ce plai-
hu n j est pas partagé par tout le monde.
1 s d'un anticlérical farouche est gêné,
lir? Une salle de spectacle, s'il entend
qi, du mal des curés. Il est gêné parce
Ça gêne les autres. Il n'est pas là
S„ discuter, mais pour s'amuser, et
Dr sentir qu'on s'amuse autour de lui.
V^ ns une loge, il est souvent moins
~E gréable d'être à la mauvaise place,
tout au fond, que d'être devant, et d'a-
voir derrière soi quelqu'un qui ne voit
pas bien. Mais les dames, elles, trônent
superbement et sans remords aux meil-
leures places. Et les messieurs des loges
supportent alors qu'elles aient de
grands chapeaux, puisqu'elles ne gê-
nent qu'eux.
Tels sont les propos que ce philosophe
de mes amis se tenait à lui-même, et
qu'il adressait, de loin et mentalement,
à cette dame au grand chapeau.
Il faut dire que ce philosophe, ce soir-
là, était venu tout seul au théâtre; aussi
faisait-il le malin.
Tristan BERNARD.
- - -- - --- ------ ---- ------- --
Nous publierons demain une nouvelle de
NOZIÈRE
Rendons à Antoine.
je, reçois, au sujet de la mise en
scène de Tartufe, de nombreuses lettres
de gens qui n'hésitent point à me donner
les renseignements les plus détaillés sur
ce qu'en pensait Molière. En admettant, ce
dont je doute, que ces personnes soient d'un
âge suffisant pour le faire, elles me rap-
pellent singulièrement ces piétistes anglais
qui trouvent, dans l'Apocalypse de saint
Jean, des prédictions précises concernant
les travaux du Métropolitain.
Il me semble, en effet,, qu'en toute occa-
sion, il est imprudent de vouloir faire dire
à des grands hommes ce à quoi ils n'ont
jamais songé et la traduction de leurs
prétendues idées doit tourner le plus sou-
vent, suivant la formule italienne, à la tra-
hison.
Que le style soit l'homme même, rien de
plus exact, mais qu'il en soit ainsi pour
le génie, je ne le crois pas.
Le génie émane, lui, de l'humanité tout
entière et, lorsqu'il se manifeste dans un
homme spécialement adapté, il ne le tait,
tout d'abord, que d'une façon subcon-
sciente. Ce sont ensuite les critiques et les
commentateurs oui se chargent de trouver
des raisons déterminantes et d'expliquer au
Grand Homme-, qui n'en savait rien, quel
fut le plan suivi par lui dans la réalisation
de son chef-d'œuvre.
Il y a quelques années, avant l'ouver-
ture d'une exposition, que faisait de ses œu-
vres notre plus grand sculpteur contempo-
rain, un crtttqm .passant dàns ttt' sciïie~irî[fr~
rêta devant une remarquable maquette re-
présentant un vieillard accroupi les mains
vers la terre.
Cela n'était encore, à ce moment, qu'un
très beau morceau de sculpture, une belle
forme cherchée et réalisée.
— Votre Melchisédech retournant à la
terre est véritablement admirable, dit le
critique.
Le grand sculpteur, .souriant avec bon-
homie, doucement s'en fut dans le petit bu-
reau qui-lui était réservé et, docilement, sur
une fiche qu'il colla ensuite sur la ma-
quette, écrivit : Melchisédech.
Il en va de même pour Molière. A une
époque où la mise en scène n'existait pas,
où les décors étaient remplacés par des
spectateurs, il est peu probable que Mo-
lière ait prévu la couleur des ampoules
Edison qui éclaireraient les différentes scè-
nes de Tartufe.
Qu'un homme de grand talent comme
Antoine réalise aujourd'hui une véritable
création en représentant mieux, et d'une
façon plus plausible, les principales scènes
de ce chef-d'œuvre, nous ne saurions qu'y
applaudir. Mais vouloir faire régler les
moindres détails de cette mise en scène par
Molière lui-même, cela ne relève que du
domaine des tables tournantes, du marc de
café et du spiritisme, spéculations trop éle-
vées pour oue nous essayions un seul ins-
tant de les aborder.
G. DE PAWLOWSKI.
.db
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au Gym-
nase, première représentation de L'Even-
tail, comédie en quatre actes, de MM. Ro-
bert de Flers et G.-A. de Caillavet.
A
la fin du splendide banquet donné
avant-hier à l'Hôtel Métropole, quand
M. Coche, 1 aimable maire de Dieppe, eut
porté un toast à Mme Félia Litvinne, à
Mme Carruette, à M. Marqueste et à M.
Saint-Saëns, un des invités proposa un ban
pour Marqueste: « Au grand artiste, disait-
il, qui fit surtout des animaux merveilleux,
des. » Il n'eut pas le temps d'achever,
car une boutade de M. Saint-Saëns l'arrêta
net: « Alors c'est pour cela qu'il fit ma
statue! )) -
Hilarité générale, comme cela se conçoi.t.
L'auteur de ce toast. malencontreux de se
rattraper en répondant aussitôt que si Mar-
queste s'était plu à se spécialiser dans la
reproduction des animaux, il choisissait par-
mi eux les « aigles » !
p
anachot, gendarme, à l'Académie.
On connaît l'ingénieux moyen de pu-
blicité théâtrale dont M. Eugène Héros a
eu l'idée: pour propager dans les masses
le titre du vaudeville qui tient en ce mo-
ment l'affiche du Palais-Royal, il a fait tirer
des milliers de cartes de visite ainsi con-
çues :
PANACHOT
GENDARME
Théâtre du Palais-Royal.
Sous cette forme, Panachot, gendarme,
frère puiné de Tire-au-Flanc, fantassin, pé-
nètre partout, même à l'Académie. Oyez
plutôt cette véridique histoire:
Un des doyens de la Dresse parisienne
fréquente chaque jour l'Institut où il butine
de savoureux échos qui paraissent dans les
petites colonnes du plus grand journal du
matin. Or, donc, l'autre jour, notre sympa-
thique confrère, attendant le résultat d'une
séance longue à prendre fin, s'ennuyait.
Pour faire passer le temps, l'idée lui vint
d'une joyeuse galéjade: tirant d'une serviet-
te qui ne le quitte jamais un de ces bris-
tols au nom de Panachot, gendarme, il le
glissa subrepticement sur la table du gar-
çon de bureau de l'Institut, momentanément
absent.
Quand cet excellent fonctionnaire revint
à son poste, notre facétieux doyen lui mon-
tra le bristol, qui faisait une tache blanche
sur la table verte, et il dit :
— Voilà quelqu'un. qui voudrait parler au
secrétaire perpétuel.
Très digne, le garçon de bureau prit la
carte et, sans la lire, car il est discret, il
se dirigea vers' la salle des séances pour y
annoncer M. Panachot, gendarme.
Il allait ouvrir la porte quand un journa-
liste sérieux — il y en a — l'arrêta sur le
seuil et l'empêcha de troubler inutilement
d'austères débats.
D
ans notre courrier, ce petit billet d'un
de nos lecteurs:
« Mon cher Comœdia,
« En lisant l'autre jour le fac-simii& de
l'autographe de M. Dujardin-Beaumetz dans
Comœdia, j'ai pensé qu'il y aurait matière
à un petit écho pour le Masque de Verre.
« Je vous le livre pour ce qu'il vaut.
« Voici. L'en-tête porte:
« RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
« Ce qui est normal.
« Et au-dessous on lit:
« PALAIS-ROYAL1,
"« N'est-ce pas amusant? »
p
our Willy*
La mode fut jadis - aux sous-titres.
JNous avions Le Mariage de tigaro ou La
Folle journée, Le Barbier de Séville ou La
Précaution inutile.
Y reviendrait-on? A propos de la pièce
que M. Nozière tira du roman de Laclos
pour le faire jouer en la folie de M. Cler-
mont-Tonnerre et dont M. Porel va bientôt
organiser une série de représentations, on a
trouvé ce titre charmant et spirituel: Les
Liaisons dangereuses ou Le Plaisir de cor-
rompre. 1
Nous avions déjà Les 'Affaires sont les
affaires ou Le Petit Lechat est mort.
Il y aurait toute une nouvelle rubrique à
fonder dans les journaux de théâtre. Je suis
(YaVisqumfTaconfie à notre ami Willy.
L
a Censure est morte; mais.
Au cours du Drocès oui valait à M.
Garnier, l'éditeur bien connu, et à Mme
Camille Pert de comparaître hier en Cour
d'assises, un petit incident bien caractéris-
tique s'est produit, digne d'éveiller l'atten-
tion des directeurs et auteurs qui sacrifient
trop complaisamment, peut-être, au goût du
public pour le piment.
Me Henri Robert — suivant un procédé
classique — mettait en parallèle, dans sa
plaidoirie pour M. Garnier, le livre qui était
déféré au jury et tant d'œuvres qui n'ont
jamais été poursuivies et qui eussent si
bien mérité de l'être; et, en passant, il s'in-
dignait de la bienveillance des magistrats
du Parquet à l'égard de tels directeurs- de
music-halls, tels auteurs de revues, tels poè-
tes de cafés-concerts, qui portent chaque soir
d'audacieux défis à la pudeur du public.
A -quoi M. l'avocat général Rome, sans
interrompre, répondit par un geste qui si-
gnifiait, à ne s'y pas méprendre, que cha-
cun aurait son tour et que l'attention pudi-
que du Parquet était déjà attirée de ce
côté.
Gare, gare! La Censure est morte, mais
il reste la Cour d'assises.
D
ans la pièce jouée actuellement au Vau-
deville, Patachon, au deuxième acte,
If , t- - T"ï
Mite Marine negnier cite, je crois, quelques
mots du Pater noster. Elle le fait ainsi :
« Seigneur, pardonnez-nous nos offenses
comme nous les pardonnons à ceux qui
nous ont offensés. »
Ce les me paraît bizarre. Il est diffi-
cile de voir pardonner aux autres les of-
fenses qu'on a pu faire à Dieu!
i
L
'histoire est d'hier soir. C'était au Pa-
potage Saint-Germaiti, - au théâtre
Cluny, dans la loge d une charmante artiste,
Mlle Ariette — tant pis, je la nomme.
Un employé frappe et remet, à la jeune
femme une lettre et un petit paquet. Les
deux émanent d'un adorateur qui se meurt
d'amour dans la salle. Ariette lit le poulet,
s'esclaffe et me le passe.
Je le copie pour Comœdia:
« Mademoiselle,
« J'aurais voulu vous envoyer quelques
fleurs. Dans ce quartier sans ressources
(eh! eh! le noble faubourgL) j'en suis ré-
duit à cette misérable boîte de chocolat
que, j'espère, vous vous mettrez, sous la
dent sans trop faire la grimace. Vous me
feriez plaisir, si vous n'avez rien de mieux
à. faire, de venir, après la représentation,
prendre quelque réconfort en ma compa-
gnie. Si oui, mouchez-vous en scène et, à
la sortie, au Café du Théâtre.
« Signé : E. R. »
Je ne donne que les initiales, par charité.
Le plus drôle de l'aventure, c'est que
Mlle Ariette, enrhumée, n'osa pas se mou-
cher durant l'acte suivant.
L
es sobriquets.
1 Elle est déjà passée, la mode des
sobriquets qui sévit durant tout un récent
hiver. Nul ne sait plus à qui s'appliquaient
ces titres élogieux: La Tanagra double, Le
bluff à la mode, Guimauve le Conquérant,
Le suif errant, Mademoiselle Réclamier ou
Le Tour de Mamelles.
Pourtant, il en est un tout nouveau, il
vient de naître et vous en avez la primeur.
Depuis qu'il dirige le Palais-Royal, on n'ap-
pelle plus M. Eugène Héros que La Clef
du Gavault.
Pourquoi?
u
n bel exemple d'énergie.
L'administrateur général du Théâtre-
français est. on le saut un homme énergi-
que. L'autre jour, deux auteurs s'en furent
le trouver pour se plaindre que Mlle Sorel
refusait le rôle qu'ils lui avaient offert; ils
ajoutaient qu'ils tenaient beaucoup à l'avoir
comme interprète et ils priaient M. Jules
Claretie d'user, pour la décider, de toute
son autorité.
M. Jules Claretie, quand on fait appel à
son autorité, ne la refuse jamais, et il dit
aux auteurs:
- Vous avez tout à fait raison de vous
plaindre. Je vais de ce pas aller voir Mlle
Sorel, je la sommerai de jouer le rôle, je
lui dirai que je ne tolérerai pas qu'elle le
refuse, que j'exige qu'elle le joue et je
saurai bien l'y contraindre.
Puis, prenant un temps, M. Jules Claretie
ajouta: « Maintenant, voudra-t-elle?. »
E
n famille.
M. Antoine va donner à l'Odéon une
pièce nouvelle de MM. Guinon et Bouchi-
net. Le titre en est Son père. Nous avons
déjà eu Sa soeur, Leurs filles, Ma bru, Son
petit frère, Papa, Ma cousine, La grand'-
mère, Oncle et neveu, L'Aïeule, Mon en-
fant. Et nous ne parlons pas de L'Oncle
d'Amérique, de La Fille de Mme Angot et
du Gendre de M. Poirier.
De plus en plus, le théâtre se passe en
famille.
L
es joies de la popularité.
Dans un des plus vieux restaurants
de France — et de Bordeaux. Le patron,
qui fut l'ami de Gambetta, de Victor Hugo
et de M. Pierre Decourcelle, se pique d'a-
voir de belles relations, de connaître son
monde, d'être dans le mouvement parisien.
Et il faut voir avec quel empressement,
avec quelle politesse, avec quelle bonne
grâce avertie et renseignée il traite les
voyageurs de marque;.il les reçoit comme
de nobles convives qu'on est heureux d'ac-
cueillir, et s'il leur fait remettre en partant
leur addition nécessaire, c'est certainement
pour ne les point humilier.
Or, l'autre jour, un homme descendit
chez.notre hôtelier gentilhomme. C'était un
homme illustre, un académicien réputé: c'é-
tait M. Anatole France.
, c4 Raguenau fit appeler immédiatement
tout son personnel et lui recommanda de
servir cet hôte renommé avec le plus grand
soin et la plus respectueuse prévenance.
Et, l'avant nommé, il ordonna à chaque
garçon de bien marquer, en le servant, qu'il.
l'avait reconnu, et de ne pas paraître igno-
rer quel était l'hôte de qualité auquel ils of-
friraient le chapon fin du jour.
Et l'auteur du Mannequin d'osier s'était
à peine assis qu'avec un geste large et une
bouche arrondie le maître d'hôtel, obsé-
quieusement, lui demanda: « Qu'est-ce que
vous voulez manger ce soir, Monsieur Ana-
tole?. »
H
yménée.
Hier à midi a été célébré, à l'église
Saint-Vincent-de-Paul, le mariage de m.
Paul Clerget, directeur du Tréteau-Royal et
l'inoubliable créateur de L'homme à l'o-
reille coupée et de La Statue du Comman-
deur, avec Mlle Germaine Huber, une de
ses plus jolies pensionnaires.
< Les témoins de M. Paul Clerget étaient
MM. Louis Malard, son frère, et Pierre
Mortier; ceux de Mlle Huber MM. le doc-
teur Heiser. et Louis Huber.
La cérémonie fut émue et recueillie.
Pourtant, malgré la majesté du lieu, en en-
tendant le suisse qui guidait le cortège frap-
per trois fois * le sol avec sa hallebarde,
M. Paul Clerget, toujours gavroche, ne put
s'empêcher de murmurer à ses voisins:
« Et maintenant, au rideau!. »
Après la messe, on félicita les jeunes
époux et l'on se retrouva autour d'un cor-
dial déjeuner.
Hier soir, les deux nouveaux mariés
jouaient la comédie et leur voyage de noces
se borna à parcourir, devant le public, les
différentes stations de Panthéon-Courcelles.
s
ur une gigantesque affiche de théâtre,
à Londres, on lit ce titre: Le Français
tel qu'on le parle, et, comme nom d'auteur,
M. Gaston Mayer.
Quant à Tristan Bernard, il n'est pas fait
mention de lui. Sic vos non vobis.
L
e « Limerick ».
Ce nouveau jeu qui passionne les
Anglais, et qui, demain. nous passionnera,
est un « sport intellectuel » intéressant tous
les âges Certains « limerickers » d'outre-
Manche y gagnent d'un seul coup des cen-
taines de mille francs, et personne n'y ris-
que rien. v
Souhaitons pareils succès aux concur-
rents du « Limerick », organisé par l'Union
artistique anglo-française, dont nous parlons
plus loin!
L
e Comptoir International, 44, Chaussée-
d'Antin, achète le plus cher de tout
Paris les beaux DIJOUX miibt que les bijoux
démodés, et paie les reconnaissances 100
pour 100 et plus. Ne vendez aucun bijou
sans le lui soumettre.
NOUVELLE A LA. MAIN
R
encontré hier notre ami X., le secré-
taire de théâtre. 11 se dirigeait vers
le cimetière Montmartre ou il allait faire
son offrande de la Toussaint. Son bras por-
tait une couronne d immortelles avec ces
simples mots :
simples mots MILLE REGRETS!
Le Masque de Verre.
A L'OPÉRA ;
Reprise de PATRIE
Opéra en cinq actes de MM. V. Sardou et L. Gallet
Musique de M. Paladilhe
La première représentation de Patrie
date de décembre 1886. La partition est
un peu comme les spectateurs de cette
époque qui se retrouvaient, hier, à l'O-
péra; elle -, n'a pas rajeuni. Coupée à
l'ancienne mode, remplie de cantilènes,
de duos, de chœurs reliés par des récita-
tifs à découvert rappelant le parlante ita-
lien, l'œuvre musicale paralyse l'action
de ce drame si vivant et si beau par sa
structure et sa conception. Si la musi-
Mlle MARTYL
(RAPHAELE)
M. MURATORE
(KARLOO)
» Photos Henri Manuel. Mlle SANDRINI
que, par son éloquence immatérielle, est
le langage le plus expressif des senti-
ments humains, il lui faut plus de temps
que la parole pour faire vibrer en nous
ce que l'âme contient de joie, passion ou
douleur.
Pour ce drame intensif et haletant,
dont les scènes se précipitent jusqu'au
dénouement sans défaillance ni lon-
gueurs, il eût été plus logique de suivre
le texte dialogué sans ornements inu-
tiles.
L'ancienne forme de l'opéra, véritable
contresens scénique, dont s'est servi le
compositeur, ne soutient pas la cause du
dramaturge. Autrefois, le trou du souf-
fleur servait de tremplin aux chanteurs
pour arriver jusqu'au public. Les yeux
au ciel, les bras en rond, le ténor soupi-
rait quelque romance sentimentale et
cherchait à faire valoir ses qualités vo-
cales ou plastiques. Pendant cette pose
insolite, la pièce restait sur place, et l'ac-
tion en souffrait d'autant plus qu'elle
avait plus de mal à se remettre en mou-
vement. Si, en vers ou en prose, les
trop longues tirades sont dangereuses,
dans Je drame lyrique ce qui n'est pas
partie essentielle de l'ensemble est ne-
faste.
Pairie, sous la forme « opéra »,
nous montre plus d'un exemple sur
ce point. En citer un vaudra mieux que
tous les commentaires. Dans l'acte des
conjurés, à l'Hôtel de Ville, la situation
devient angoissante par l'entrée sou-
daine du duc d'Albe. Dolorès, pour sau-
ver celui qu'elle aime, dévoile au tyran
le complot ourdi contre' lui. C'est à ce
moment que la scène du sonneur prend
toute son intensité par le signal qu'il doit
donner à Guillaume d'Orange du haut
de son clocher. Sonnera-t-il le glas pour
avertir le prince que la conjuration, dé-
couverte, -tourne contre lui; fera-t-il en-
tendre, au contraire, le carillon libéra-
teur? Le duc d'Albe n'ignore rien de
ces conventions et exige du sonneur le
signal qui doit prendre Guillaume d'O-
range au piège.
Mais, contre toute attente, c'est le glas
funèbre qui retentit et le malheureux
paie de sa vie son dévouement à la pa-
trie. Le voici, étendu sur une civière, le
visage pâli par la mort; à cette minute
suprême, le comte de Rysoor s'avance
et chante les louanges de cet humble hé-
ros, sur un air qui fit le tour des salons,
la joie des barytons grands et petits et
le bonheur de l'éditeur Chpudens, par
une vente qui ne se ralentit pas depuis
vingt et un ans.
Le duc d'Albe écoute, au milieu de
l'assistance, et, aussitôt après le bis ré-
glementaire, prononce cette phrase que
- lui inspire la situation: « Qu'on en fi-
Mme GRANDJEAN
nisse! Allez!. » Et la pièce continua
Dans cette scène poignante, le farouche
conquérant ne devrait songer qu'à li-
vrer les conjurés aux soldats espagnols,.:
sans permettre au chef de ces conjurés
de faire devant lui l'apologie du « pau]
vre martyr obscur >.>. 1
On pourrait, de la première à la qua-
tre cent trente-troisième page de la par-
tition piano et chant, multiplier les
exemples. A chaque instant, l'action tré-
buche dans un arosio. Pour se départir
de ces formules chères à Meyerbeer, à
Rossini et à beaucoup d'autres, il aurait
fallu un musicien plus attentif aux pro-
grès réels du drame lyrique. En 1886, la'
route était déjà tracée et tout composi-
teur était à même d'étudier Wagner et
de le comprendre.
Il ne faut, toutefois, pas faire un
crime à M. Paladilhe de l'avoir ignoré.
Wagner a pu ne pas répondre à son es-
thétique; c'est son droit. Disciple du
Conservatoire à une époque où l'auteur
des Huguenots régnait en maître absolu
au théâtre, il pouvait le prendre pour
modèle et se borner à suivre ses pré-
ceptes.
Et puis, n'y a-t-il pas, sur cette ques-
tion, une affaire de mode? N'est-il pas
permis de méconnaître et de ne pas pré-
voir 1 avenir lorsqu'on tient le présent,
et ne faut-il pas laisser chacun suivre
ses goûts artistiques?
Malgré ces critiques qui, au fond, ne
Sont qu'un procès de tendance, il est
juste de reconnaître que l'œuvre n'est
pas sans mérite.
La musique, par endroits, sait se plier
aux exigences de la scène, et le finale
du premier acte, par exemple, est d'un
effet saisissant par le decrescendo de la
retraite accompagnant l'ordre donné au
loin: « Tendez les chaînes. » Et lors-
qu'à ce moment, le comte de Rysoor de-
vine l'infidélité de Dolorès, son déses-
poir éclate en un cri vraiment humain :
« Elle ne finit pas, la peine : elle com-
mence! » Le texte est serré de près,
sans se perdre dans un lamento inutile,
et l'effet est obtenu.
Ce qu'il faut aussi louer sans réserva
dans cet ouvrage, dest la partie choré-
graphique. Au deuxième acte, le débuf
du second tableau, où la fête au palais
5 centimes 1 Mardi 29 Octobrè 1907-t
M' I; || VFCTIR LIA PÉ* 'IB B^^BI
J^Km H| g- 3 Bjsjy3B M&Sf BÈA^I UK ^jk
Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSK)
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
9?, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONÉ : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA=PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
~Hs et Départements 24 fr. 12 fr.
manger 40 » 20 »
: RÉDACTION & ADMINISTRATION :
.* 27. Bouieuard Poissonnière, PARIS
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UN AN 6 MOIS
«
0 - -
Paris et Départements 24 fr.. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
le Monsieur de la Dame
au grand chapeau
tnJ'aime arriver de bonne heure au
tn éâtre, et m'installer à ma place au mo-
ment où la salle est vide, de façon à
°jr venir les spectateurs un à un, et
.fîout pour ne pas manquer l'entrée
ua personnage entre tous sympathi-
h monsieur qui accompagne une
or inaire, il-la laisse entrer la pre-
'~e, de façon à assister le moins pos-
fJ;bie à l'effet de cette entrée, au moment
regard des spectateurs avoisinants
g ïève vers le monument de plumes.
~Qd le monsieur pénètre dans la salle,
:Ure pâle est d'un calme effrayant. Il
p 1 Sir de ne pas penser du tout à ce cha-
Waç énorme. Il est d'une grande poli-
es avec les gens qu'il dérange, mais
eSl 'UnIquement parce qu'il les dérange
uis, la dame installée, le monsieur
puîs, la dame installée, le monsieur
J&Seoit à côté d'elle, l'air plus digne et
calme que jamais. Il s'efforce de ne
prit bouger, de façon à ne pas gêner
spectateur qui se trouve derrière lui.
'f 1 peut être sûr que sa tenue, au spec-
aCle, sera des plus correctes, qu'il ap-
j^udira gentiment, sans exagération, et
3u'il écoutera la pièce avec une attention
fCrupuleuse. En attendant que le rideau
lève, il a ouvert son programme et
s'y plonge tout au fond. Pour rien au
rnoncle -il ne voudrait jeter un regard
prière lui, et voir ce cortège assis, mais
Plein de haine.
A un moment donné, la dame se pen-
- , n2 légèrement pour lui parler ; tout l'é-
: °rme écran parcourt un arc de cercle
^uiétant. Le monsieur avance l'o-
L~c; peut-être n'est-il pas fâché que
gens qui murmurent puissent le
gOire un peu sourd. La dame lui a par-
"- Donc ils ne sont pas fâches ; ce n'est
12 première sortie du grand chapeau.
monsieur est un résigné. Il a dit, au
Jettent du départ : « Tu mets ce cha-
;:' :.t-là? » — « Oui, hé bien? » —
^Hé bien, rien. » — « Est-ce que ça
jj Séné? » — « Non, non. » — « Si ça
ï ne, il faudrait le dire.4»
n JI n'a rien dit. Ou bien il s-, eSt rendu
.^ïïipte que ses protestations étaient inu-
.s, ou bien n'a-t-il pas su ce qu'il au-
i,alt fallu dire. Et même, s'il l'avait su,
} n'aurait peut-être rien dit, car c'eût
t.té long, on serait arrivé en retard au
Pectacle et on aurait dérangé tout un
ang j il n'eût plus manqué que cela.
Voici une anecdote absolument au-
.entique. C'était au début de cette an-
ee, à la première d'Anna Karénine. Ré-
égnant ma place à la fin d'un entr'acte,
îjMa vis occupée par une dame à grand
Jtepeau, qui s'était trompée d'un fau-
uil- Je lui fis remarquer son erreur.
j - Oui, dit à haute voix une autre
Q atne, placée à un rang derrière, ma-
batne n'est pas à sa place. Et c'est fort
Jjureux pour ma petite fille, qui n'aurait
j'Plument rien vu derrière ce chapeau ;
« ne comprends pas qu'on vienne au
eâtre avec des chapeaux pareils.
La dame au grand chapeau .jeta les
y I^x derrière elle, regarda un instant la
aQ hte fille, et trouva cette justification
arable :
Anna Karénine n'est pas une pièce
pour les enfants.
< vMoi, je pensai que cette dame était
"',s gentille de donner au moins cette
explication. Il est probable que si le
^pnsieur de la dame au grand chapeau
alt fait des observations à la compa-
lle de sa vie, elle ne lui aurait rien ré-
pondu du tout. La grande supériorité des
femmes sur les hommes, c'est que les
hommes ont beaucoup de choses à leur
dire, et qu'elles n'ont rien à leur ré-
Le monsieur se fût lancé dans des ar-
turnentations abondantes et pauvres.
est-ce que peut faire un misérable
être civilisé avec sa chétive raison hu-
jaine, contre une splendide princesse
age, qui se met des plumes sur la
t^^age, qui se met des plumes sur la
K. r3 'ner dix personnes, leur gâter un
^ai$ir auquel elles ont rêvé depuis plu-
tl*turs jours, voilà ce qu'un homme au
Joie cœur ne peut pas supporter. Mais
te e femme n'a pas à s'occuper de cela ;
qu'elle fait s'appellerait pour un
y^me de la goujaterie; pour elle, ce
nt « les droits de la beauté».
bo Il Y a des milliers d'années que les
nnIMes ont la responsabilité de leurs
ç es; la peur des coups qu'a raillée
Urteline, la bienfaisante « peur des
bie Ps » leur a appris à se soucier du
bien-être d'autrui. Que ce soit pour ce
ble tnotif ou pour des raisons plus no-
mes il est incontestable que les hom-
? sont mieux élevés que les femmes.
Au théâtre, ils ne prennent pas un
%iQ'Sir COMPlet s'ils sentent que ce plai-
hu n j est pas partagé par tout le monde.
1 s d'un anticlérical farouche est gêné,
lir? Une salle de spectacle, s'il entend
qi, du mal des curés. Il est gêné parce
Ça gêne les autres. Il n'est pas là
S„ discuter, mais pour s'amuser, et
Dr sentir qu'on s'amuse autour de lui.
V^ ns une loge, il est souvent moins
~E gréable d'être à la mauvaise place,
tout au fond, que d'être devant, et d'a-
voir derrière soi quelqu'un qui ne voit
pas bien. Mais les dames, elles, trônent
superbement et sans remords aux meil-
leures places. Et les messieurs des loges
supportent alors qu'elles aient de
grands chapeaux, puisqu'elles ne gê-
nent qu'eux.
Tels sont les propos que ce philosophe
de mes amis se tenait à lui-même, et
qu'il adressait, de loin et mentalement,
à cette dame au grand chapeau.
Il faut dire que ce philosophe, ce soir-
là, était venu tout seul au théâtre; aussi
faisait-il le malin.
Tristan BERNARD.
- - -- - --- ------ ---- ------- --
Nous publierons demain une nouvelle de
NOZIÈRE
Rendons à Antoine.
je, reçois, au sujet de la mise en
scène de Tartufe, de nombreuses lettres
de gens qui n'hésitent point à me donner
les renseignements les plus détaillés sur
ce qu'en pensait Molière. En admettant, ce
dont je doute, que ces personnes soient d'un
âge suffisant pour le faire, elles me rap-
pellent singulièrement ces piétistes anglais
qui trouvent, dans l'Apocalypse de saint
Jean, des prédictions précises concernant
les travaux du Métropolitain.
Il me semble, en effet,, qu'en toute occa-
sion, il est imprudent de vouloir faire dire
à des grands hommes ce à quoi ils n'ont
jamais songé et la traduction de leurs
prétendues idées doit tourner le plus sou-
vent, suivant la formule italienne, à la tra-
hison.
Que le style soit l'homme même, rien de
plus exact, mais qu'il en soit ainsi pour
le génie, je ne le crois pas.
Le génie émane, lui, de l'humanité tout
entière et, lorsqu'il se manifeste dans un
homme spécialement adapté, il ne le tait,
tout d'abord, que d'une façon subcon-
sciente. Ce sont ensuite les critiques et les
commentateurs oui se chargent de trouver
des raisons déterminantes et d'expliquer au
Grand Homme-, qui n'en savait rien, quel
fut le plan suivi par lui dans la réalisation
de son chef-d'œuvre.
Il y a quelques années, avant l'ouver-
ture d'une exposition, que faisait de ses œu-
vres notre plus grand sculpteur contempo-
rain, un crtttqm .passant dàns ttt' sciïie~irî[fr~
rêta devant une remarquable maquette re-
présentant un vieillard accroupi les mains
vers la terre.
Cela n'était encore, à ce moment, qu'un
très beau morceau de sculpture, une belle
forme cherchée et réalisée.
— Votre Melchisédech retournant à la
terre est véritablement admirable, dit le
critique.
Le grand sculpteur, .souriant avec bon-
homie, doucement s'en fut dans le petit bu-
reau qui-lui était réservé et, docilement, sur
une fiche qu'il colla ensuite sur la ma-
quette, écrivit : Melchisédech.
Il en va de même pour Molière. A une
époque où la mise en scène n'existait pas,
où les décors étaient remplacés par des
spectateurs, il est peu probable que Mo-
lière ait prévu la couleur des ampoules
Edison qui éclaireraient les différentes scè-
nes de Tartufe.
Qu'un homme de grand talent comme
Antoine réalise aujourd'hui une véritable
création en représentant mieux, et d'une
façon plus plausible, les principales scènes
de ce chef-d'œuvre, nous ne saurions qu'y
applaudir. Mais vouloir faire régler les
moindres détails de cette mise en scène par
Molière lui-même, cela ne relève que du
domaine des tables tournantes, du marc de
café et du spiritisme, spéculations trop éle-
vées pour oue nous essayions un seul ins-
tant de les aborder.
G. DE PAWLOWSKI.
.db
Échos
Ce soir, à huit heures et demie, au Gym-
nase, première représentation de L'Even-
tail, comédie en quatre actes, de MM. Ro-
bert de Flers et G.-A. de Caillavet.
A
la fin du splendide banquet donné
avant-hier à l'Hôtel Métropole, quand
M. Coche, 1 aimable maire de Dieppe, eut
porté un toast à Mme Félia Litvinne, à
Mme Carruette, à M. Marqueste et à M.
Saint-Saëns, un des invités proposa un ban
pour Marqueste: « Au grand artiste, disait-
il, qui fit surtout des animaux merveilleux,
des. » Il n'eut pas le temps d'achever,
car une boutade de M. Saint-Saëns l'arrêta
net: « Alors c'est pour cela qu'il fit ma
statue! )) -
Hilarité générale, comme cela se conçoi.t.
L'auteur de ce toast. malencontreux de se
rattraper en répondant aussitôt que si Mar-
queste s'était plu à se spécialiser dans la
reproduction des animaux, il choisissait par-
mi eux les « aigles » !
p
anachot, gendarme, à l'Académie.
On connaît l'ingénieux moyen de pu-
blicité théâtrale dont M. Eugène Héros a
eu l'idée: pour propager dans les masses
le titre du vaudeville qui tient en ce mo-
ment l'affiche du Palais-Royal, il a fait tirer
des milliers de cartes de visite ainsi con-
çues :
PANACHOT
GENDARME
Théâtre du Palais-Royal.
Sous cette forme, Panachot, gendarme,
frère puiné de Tire-au-Flanc, fantassin, pé-
nètre partout, même à l'Académie. Oyez
plutôt cette véridique histoire:
Un des doyens de la Dresse parisienne
fréquente chaque jour l'Institut où il butine
de savoureux échos qui paraissent dans les
petites colonnes du plus grand journal du
matin. Or, donc, l'autre jour, notre sympa-
thique confrère, attendant le résultat d'une
séance longue à prendre fin, s'ennuyait.
Pour faire passer le temps, l'idée lui vint
d'une joyeuse galéjade: tirant d'une serviet-
te qui ne le quitte jamais un de ces bris-
tols au nom de Panachot, gendarme, il le
glissa subrepticement sur la table du gar-
çon de bureau de l'Institut, momentanément
absent.
Quand cet excellent fonctionnaire revint
à son poste, notre facétieux doyen lui mon-
tra le bristol, qui faisait une tache blanche
sur la table verte, et il dit :
— Voilà quelqu'un. qui voudrait parler au
secrétaire perpétuel.
Très digne, le garçon de bureau prit la
carte et, sans la lire, car il est discret, il
se dirigea vers' la salle des séances pour y
annoncer M. Panachot, gendarme.
Il allait ouvrir la porte quand un journa-
liste sérieux — il y en a — l'arrêta sur le
seuil et l'empêcha de troubler inutilement
d'austères débats.
D
ans notre courrier, ce petit billet d'un
de nos lecteurs:
« Mon cher Comœdia,
« En lisant l'autre jour le fac-simii& de
l'autographe de M. Dujardin-Beaumetz dans
Comœdia, j'ai pensé qu'il y aurait matière
à un petit écho pour le Masque de Verre.
« Je vous le livre pour ce qu'il vaut.
« Voici. L'en-tête porte:
« RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
« Ce qui est normal.
« Et au-dessous on lit:
« PALAIS-ROYAL1,
"« N'est-ce pas amusant? »
p
our Willy*
La mode fut jadis - aux sous-titres.
JNous avions Le Mariage de tigaro ou La
Folle journée, Le Barbier de Séville ou La
Précaution inutile.
Y reviendrait-on? A propos de la pièce
que M. Nozière tira du roman de Laclos
pour le faire jouer en la folie de M. Cler-
mont-Tonnerre et dont M. Porel va bientôt
organiser une série de représentations, on a
trouvé ce titre charmant et spirituel: Les
Liaisons dangereuses ou Le Plaisir de cor-
rompre. 1
Nous avions déjà Les 'Affaires sont les
affaires ou Le Petit Lechat est mort.
Il y aurait toute une nouvelle rubrique à
fonder dans les journaux de théâtre. Je suis
(YaVisqumfTaconfie à notre ami Willy.
L
a Censure est morte; mais.
Au cours du Drocès oui valait à M.
Garnier, l'éditeur bien connu, et à Mme
Camille Pert de comparaître hier en Cour
d'assises, un petit incident bien caractéris-
tique s'est produit, digne d'éveiller l'atten-
tion des directeurs et auteurs qui sacrifient
trop complaisamment, peut-être, au goût du
public pour le piment.
Me Henri Robert — suivant un procédé
classique — mettait en parallèle, dans sa
plaidoirie pour M. Garnier, le livre qui était
déféré au jury et tant d'œuvres qui n'ont
jamais été poursuivies et qui eussent si
bien mérité de l'être; et, en passant, il s'in-
dignait de la bienveillance des magistrats
du Parquet à l'égard de tels directeurs- de
music-halls, tels auteurs de revues, tels poè-
tes de cafés-concerts, qui portent chaque soir
d'audacieux défis à la pudeur du public.
A -quoi M. l'avocat général Rome, sans
interrompre, répondit par un geste qui si-
gnifiait, à ne s'y pas méprendre, que cha-
cun aurait son tour et que l'attention pudi-
que du Parquet était déjà attirée de ce
côté.
Gare, gare! La Censure est morte, mais
il reste la Cour d'assises.
D
ans la pièce jouée actuellement au Vau-
deville, Patachon, au deuxième acte,
If , t- - T"ï
Mite Marine negnier cite, je crois, quelques
mots du Pater noster. Elle le fait ainsi :
« Seigneur, pardonnez-nous nos offenses
comme nous les pardonnons à ceux qui
nous ont offensés. »
Ce les me paraît bizarre. Il est diffi-
cile de voir pardonner aux autres les of-
fenses qu'on a pu faire à Dieu!
i
L
'histoire est d'hier soir. C'était au Pa-
potage Saint-Germaiti, - au théâtre
Cluny, dans la loge d une charmante artiste,
Mlle Ariette — tant pis, je la nomme.
Un employé frappe et remet, à la jeune
femme une lettre et un petit paquet. Les
deux émanent d'un adorateur qui se meurt
d'amour dans la salle. Ariette lit le poulet,
s'esclaffe et me le passe.
Je le copie pour Comœdia:
« Mademoiselle,
« J'aurais voulu vous envoyer quelques
fleurs. Dans ce quartier sans ressources
(eh! eh! le noble faubourgL) j'en suis ré-
duit à cette misérable boîte de chocolat
que, j'espère, vous vous mettrez, sous la
dent sans trop faire la grimace. Vous me
feriez plaisir, si vous n'avez rien de mieux
à. faire, de venir, après la représentation,
prendre quelque réconfort en ma compa-
gnie. Si oui, mouchez-vous en scène et, à
la sortie, au Café du Théâtre.
« Signé : E. R. »
Je ne donne que les initiales, par charité.
Le plus drôle de l'aventure, c'est que
Mlle Ariette, enrhumée, n'osa pas se mou-
cher durant l'acte suivant.
L
es sobriquets.
1 Elle est déjà passée, la mode des
sobriquets qui sévit durant tout un récent
hiver. Nul ne sait plus à qui s'appliquaient
ces titres élogieux: La Tanagra double, Le
bluff à la mode, Guimauve le Conquérant,
Le suif errant, Mademoiselle Réclamier ou
Le Tour de Mamelles.
Pourtant, il en est un tout nouveau, il
vient de naître et vous en avez la primeur.
Depuis qu'il dirige le Palais-Royal, on n'ap-
pelle plus M. Eugène Héros que La Clef
du Gavault.
Pourquoi?
u
n bel exemple d'énergie.
L'administrateur général du Théâtre-
français est. on le saut un homme énergi-
que. L'autre jour, deux auteurs s'en furent
le trouver pour se plaindre que Mlle Sorel
refusait le rôle qu'ils lui avaient offert; ils
ajoutaient qu'ils tenaient beaucoup à l'avoir
comme interprète et ils priaient M. Jules
Claretie d'user, pour la décider, de toute
son autorité.
M. Jules Claretie, quand on fait appel à
son autorité, ne la refuse jamais, et il dit
aux auteurs:
- Vous avez tout à fait raison de vous
plaindre. Je vais de ce pas aller voir Mlle
Sorel, je la sommerai de jouer le rôle, je
lui dirai que je ne tolérerai pas qu'elle le
refuse, que j'exige qu'elle le joue et je
saurai bien l'y contraindre.
Puis, prenant un temps, M. Jules Claretie
ajouta: « Maintenant, voudra-t-elle?. »
E
n famille.
M. Antoine va donner à l'Odéon une
pièce nouvelle de MM. Guinon et Bouchi-
net. Le titre en est Son père. Nous avons
déjà eu Sa soeur, Leurs filles, Ma bru, Son
petit frère, Papa, Ma cousine, La grand'-
mère, Oncle et neveu, L'Aïeule, Mon en-
fant. Et nous ne parlons pas de L'Oncle
d'Amérique, de La Fille de Mme Angot et
du Gendre de M. Poirier.
De plus en plus, le théâtre se passe en
famille.
L
es joies de la popularité.
Dans un des plus vieux restaurants
de France — et de Bordeaux. Le patron,
qui fut l'ami de Gambetta, de Victor Hugo
et de M. Pierre Decourcelle, se pique d'a-
voir de belles relations, de connaître son
monde, d'être dans le mouvement parisien.
Et il faut voir avec quel empressement,
avec quelle politesse, avec quelle bonne
grâce avertie et renseignée il traite les
voyageurs de marque;.il les reçoit comme
de nobles convives qu'on est heureux d'ac-
cueillir, et s'il leur fait remettre en partant
leur addition nécessaire, c'est certainement
pour ne les point humilier.
Or, l'autre jour, un homme descendit
chez.notre hôtelier gentilhomme. C'était un
homme illustre, un académicien réputé: c'é-
tait M. Anatole France.
, c4 Raguenau fit appeler immédiatement
tout son personnel et lui recommanda de
servir cet hôte renommé avec le plus grand
soin et la plus respectueuse prévenance.
Et, l'avant nommé, il ordonna à chaque
garçon de bien marquer, en le servant, qu'il.
l'avait reconnu, et de ne pas paraître igno-
rer quel était l'hôte de qualité auquel ils of-
friraient le chapon fin du jour.
Et l'auteur du Mannequin d'osier s'était
à peine assis qu'avec un geste large et une
bouche arrondie le maître d'hôtel, obsé-
quieusement, lui demanda: « Qu'est-ce que
vous voulez manger ce soir, Monsieur Ana-
tole?. »
H
yménée.
Hier à midi a été célébré, à l'église
Saint-Vincent-de-Paul, le mariage de m.
Paul Clerget, directeur du Tréteau-Royal et
l'inoubliable créateur de L'homme à l'o-
reille coupée et de La Statue du Comman-
deur, avec Mlle Germaine Huber, une de
ses plus jolies pensionnaires.
< Les témoins de M. Paul Clerget étaient
MM. Louis Malard, son frère, et Pierre
Mortier; ceux de Mlle Huber MM. le doc-
teur Heiser. et Louis Huber.
La cérémonie fut émue et recueillie.
Pourtant, malgré la majesté du lieu, en en-
tendant le suisse qui guidait le cortège frap-
per trois fois * le sol avec sa hallebarde,
M. Paul Clerget, toujours gavroche, ne put
s'empêcher de murmurer à ses voisins:
« Et maintenant, au rideau!. »
Après la messe, on félicita les jeunes
époux et l'on se retrouva autour d'un cor-
dial déjeuner.
Hier soir, les deux nouveaux mariés
jouaient la comédie et leur voyage de noces
se borna à parcourir, devant le public, les
différentes stations de Panthéon-Courcelles.
s
ur une gigantesque affiche de théâtre,
à Londres, on lit ce titre: Le Français
tel qu'on le parle, et, comme nom d'auteur,
M. Gaston Mayer.
Quant à Tristan Bernard, il n'est pas fait
mention de lui. Sic vos non vobis.
L
e « Limerick ».
Ce nouveau jeu qui passionne les
Anglais, et qui, demain. nous passionnera,
est un « sport intellectuel » intéressant tous
les âges Certains « limerickers » d'outre-
Manche y gagnent d'un seul coup des cen-
taines de mille francs, et personne n'y ris-
que rien. v
Souhaitons pareils succès aux concur-
rents du « Limerick », organisé par l'Union
artistique anglo-française, dont nous parlons
plus loin!
L
e Comptoir International, 44, Chaussée-
d'Antin, achète le plus cher de tout
Paris les beaux DIJOUX miibt que les bijoux
démodés, et paie les reconnaissances 100
pour 100 et plus. Ne vendez aucun bijou
sans le lui soumettre.
NOUVELLE A LA. MAIN
R
encontré hier notre ami X., le secré-
taire de théâtre. 11 se dirigeait vers
le cimetière Montmartre ou il allait faire
son offrande de la Toussaint. Son bras por-
tait une couronne d immortelles avec ces
simples mots :
simples mots MILLE REGRETS!
Le Masque de Verre.
A L'OPÉRA ;
Reprise de PATRIE
Opéra en cinq actes de MM. V. Sardou et L. Gallet
Musique de M. Paladilhe
La première représentation de Patrie
date de décembre 1886. La partition est
un peu comme les spectateurs de cette
époque qui se retrouvaient, hier, à l'O-
péra; elle -, n'a pas rajeuni. Coupée à
l'ancienne mode, remplie de cantilènes,
de duos, de chœurs reliés par des récita-
tifs à découvert rappelant le parlante ita-
lien, l'œuvre musicale paralyse l'action
de ce drame si vivant et si beau par sa
structure et sa conception. Si la musi-
Mlle MARTYL
(RAPHAELE)
M. MURATORE
(KARLOO)
» Photos Henri Manuel. Mlle SANDRINI
que, par son éloquence immatérielle, est
le langage le plus expressif des senti-
ments humains, il lui faut plus de temps
que la parole pour faire vibrer en nous
ce que l'âme contient de joie, passion ou
douleur.
Pour ce drame intensif et haletant,
dont les scènes se précipitent jusqu'au
dénouement sans défaillance ni lon-
gueurs, il eût été plus logique de suivre
le texte dialogué sans ornements inu-
tiles.
L'ancienne forme de l'opéra, véritable
contresens scénique, dont s'est servi le
compositeur, ne soutient pas la cause du
dramaturge. Autrefois, le trou du souf-
fleur servait de tremplin aux chanteurs
pour arriver jusqu'au public. Les yeux
au ciel, les bras en rond, le ténor soupi-
rait quelque romance sentimentale et
cherchait à faire valoir ses qualités vo-
cales ou plastiques. Pendant cette pose
insolite, la pièce restait sur place, et l'ac-
tion en souffrait d'autant plus qu'elle
avait plus de mal à se remettre en mou-
vement. Si, en vers ou en prose, les
trop longues tirades sont dangereuses,
dans Je drame lyrique ce qui n'est pas
partie essentielle de l'ensemble est ne-
faste.
Pairie, sous la forme « opéra »,
nous montre plus d'un exemple sur
ce point. En citer un vaudra mieux que
tous les commentaires. Dans l'acte des
conjurés, à l'Hôtel de Ville, la situation
devient angoissante par l'entrée sou-
daine du duc d'Albe. Dolorès, pour sau-
ver celui qu'elle aime, dévoile au tyran
le complot ourdi contre' lui. C'est à ce
moment que la scène du sonneur prend
toute son intensité par le signal qu'il doit
donner à Guillaume d'Orange du haut
de son clocher. Sonnera-t-il le glas pour
avertir le prince que la conjuration, dé-
couverte, -tourne contre lui; fera-t-il en-
tendre, au contraire, le carillon libéra-
teur? Le duc d'Albe n'ignore rien de
ces conventions et exige du sonneur le
signal qui doit prendre Guillaume d'O-
range au piège.
Mais, contre toute attente, c'est le glas
funèbre qui retentit et le malheureux
paie de sa vie son dévouement à la pa-
trie. Le voici, étendu sur une civière, le
visage pâli par la mort; à cette minute
suprême, le comte de Rysoor s'avance
et chante les louanges de cet humble hé-
ros, sur un air qui fit le tour des salons,
la joie des barytons grands et petits et
le bonheur de l'éditeur Chpudens, par
une vente qui ne se ralentit pas depuis
vingt et un ans.
Le duc d'Albe écoute, au milieu de
l'assistance, et, aussitôt après le bis ré-
glementaire, prononce cette phrase que
- lui inspire la situation: « Qu'on en fi-
Mme GRANDJEAN
nisse! Allez!. » Et la pièce continua
Dans cette scène poignante, le farouche
conquérant ne devrait songer qu'à li-
vrer les conjurés aux soldats espagnols,.:
sans permettre au chef de ces conjurés
de faire devant lui l'apologie du « pau]
vre martyr obscur >.>. 1
On pourrait, de la première à la qua-
tre cent trente-troisième page de la par-
tition piano et chant, multiplier les
exemples. A chaque instant, l'action tré-
buche dans un arosio. Pour se départir
de ces formules chères à Meyerbeer, à
Rossini et à beaucoup d'autres, il aurait
fallu un musicien plus attentif aux pro-
grès réels du drame lyrique. En 1886, la'
route était déjà tracée et tout composi-
teur était à même d'étudier Wagner et
de le comprendre.
Il ne faut, toutefois, pas faire un
crime à M. Paladilhe de l'avoir ignoré.
Wagner a pu ne pas répondre à son es-
thétique; c'est son droit. Disciple du
Conservatoire à une époque où l'auteur
des Huguenots régnait en maître absolu
au théâtre, il pouvait le prendre pour
modèle et se borner à suivre ses pré-
ceptes.
Et puis, n'y a-t-il pas, sur cette ques-
tion, une affaire de mode? N'est-il pas
permis de méconnaître et de ne pas pré-
voir 1 avenir lorsqu'on tient le présent,
et ne faut-il pas laisser chacun suivre
ses goûts artistiques?
Malgré ces critiques qui, au fond, ne
Sont qu'un procès de tendance, il est
juste de reconnaître que l'œuvre n'est
pas sans mérite.
La musique, par endroits, sait se plier
aux exigences de la scène, et le finale
du premier acte, par exemple, est d'un
effet saisissant par le decrescendo de la
retraite accompagnant l'ordre donné au
loin: « Tendez les chaînes. » Et lors-
qu'à ce moment, le comte de Rysoor de-
vine l'infidélité de Dolorès, son déses-
poir éclate en un cri vraiment humain :
« Elle ne finit pas, la peine : elle com-
mence! » Le texte est serré de près,
sans se perdre dans un lamento inutile,
et l'effet est obtenu.
Ce qu'il faut aussi louer sans réserva
dans cet ouvrage, dest la partie choré-
graphique. Au deuxième acte, le débuf
du second tableau, où la fête au palais
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