Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-10-11
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 octobre 1907 11 octobre 1907
Description : 1907/10/11 (A1,N11). 1907/10/11 (A1,N11).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76453098
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
Première Année. — N° Il tQà'ôMîrett>. "o
-_
Le Numéro : 5 centimes
Vendredi 11 Octobre 1907.
~- •:■
COMŒDÏA
Rédacteur en Chef fi. de PA WLOWSKI
REDACTION & ADMINISTRATION :
Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA*PARIS
ABONNEMENTS :
UN AN 6 MOIS
^aris et Départements. 24 fr. 12 fr.
étranger. 40 p 20 »
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UN AN 8 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 4.0 $ 20 »
Enquête
sur la saison
théâtrale
Y
Un fout jeune homme, évidemment
blond, s'est présenté chez moi il y a
quelques semaines. A peine au sortir de
l'enfance, dix-neuf ans au plus il comp-
alto Il était à cet âge heureux où 1 on a
Encore une vocation. De toutes les forces
t e son âme, il aspirait à faire du repor-
age théâtral.
tJe e l'accueillis avec une grande aniabi-
te, due à ma bonté naturelle, et aussi
1 effroi qu'inspire toujours à un hom-
Itle de mon âge un très jeune inconnu.
— Je vous donnerai, lui déclarai-je,
Routes les recommandations que je pour-
al. Mais il ne suffit pas d'aller dire à
un directeur de journal: Je veux faire
eu reportage. Il faut, dès votre première
(Visite, lui apporter une idée. Avez-vous
line idée?
, Le jeune homme, en entendant parler
.idée, ouvrit tout grands ses yeux in-
génus. Il ne soupçonnait pas que ce mot
tàêe pot s'appliquer à quelque chose
n important.
il appartenait à une famille de négo-
ciants aisés, où il n'était jamais question
Q idées, et où les gens avaient des idées
fèans s'en apercevoir; s'ils s'en étaient
aperçus, leur mépris pour eux-mêmes
eût été trop fort.
Quand, dans cette famille et dans tant
"c autres, on voulait parler de quelque
chose de très petit, d'insignifiant, on em-
Ptoyait volontiers cette expression: une
JJtée. On disait, par exemple, à un cor-
11 onnler: « Faites-moi des chaussures
ne idée plus larges. »
De même, quand un grand orateur so-
cialiste prononce un discours, les gens
bien pensants disent: « C'est un dis-
cours vide », voulant exprimer par là
Sue, dans ce discours, « il n'y a que des
tes»
Le jeune homme en question me quitta
i ut rêveur. Il revint au bout de deux
»°Urs :
à - Je crois que j'ai enfin. ce que vous
ffz dit. Ça n'a pas été sans peine. Je
t en suis flanqué, un coton! Je me suis
S~sé la cervelle comme une gare de
Mais enfin l'ai trouvé. Je vais
Interviewer les directeurs Çlç théâtre 4.t
saison théâtrale.
J essayai de le détourner de son pro-
jet, parce que je me voyais dans l'obliga-
tion d'écrire quelques lettres de recom-
mandations nouvelles. Mais ce jeune pro-
tégé despotique se montra d'une ténacité
inlassable. Nanti de dix cartes de visite,
il commença sa tournée.
J'espérais bien ne plus le revoir. Mais
il boulait absolument me tenir au cou-
nt de ses démarches.
Sa première visite avait été pour un
directeur du boulevard, le Jupiter ton-
ant d'un théâtre de vaudeville (ou de
f! comédie gaie », comme disent les vau-
peVillistes honteux).
- D'abord, me dit le petit jeune
homme, j'ai pris quelque chose. Oui,
M. Micheau m'a dit que ma démarche
n' avait aucun intérêt, que mes questions
étaient oiseuses et absurdes, le tout avec
une telle véhémence que j'étais frémis-
sant de peur. Ce que voyant, il s'est
'b tendri brusquement, m'a saisi par le
J?s, en me faisant marcher au pas, et
"a entraîné jusque dans une cour, du
(J cour, où un mécano était en train
ue nettoyer une auto. Puis cet entretien
[ xtuel s'est engagé entre M. Micheau et
MOI — Votre programme est-il ar-
rêté Pour la saison?
LUI. — Oui, complètement arrêté.
Voilà une petite deux-cylindres avec la-
quelle j'ai fait 2.000 kilomètres. Nous
allions un peu doucement dans les côtes.
Mais, en palier, la vitesse était fort con-
~V en ble.
MOI. — Très bien, très bien. Vous
avez, m' a-t-on dit, fait de nouveaux en-
gagements ?
LUI. — Oui, oui, j'ai de très bonnes
recrues. Regardez-moi ces pneus. Nous
n'avons pas crevé une fois. Ne dirait-on
ta des enveloppes neuves? Pas cisail-
lées du tout. C'est l'avantage des voitu-
res légères.
Il me parla d'un appareil merveilleux
J" gonfler les pneus en trois minutes ;
il me vanta la puissance de ses phares.
Puis, tremblant d'émotion, il me décrivit
la nouvelle voiture qu'il avait comman-
dée. Il en parlait avec amour, dans des
tEe des hyperboliques, comme de la fian-
cée te l'Ecriture.
Puis, subitement, il s'interrompit pour
aller « empoigner » un garçon d'acces-
soir es- On entendait résonner sa terri-
bje v°ix. D'autres employés se serraient
lun contre l'autre, attendant leur tour,
avec beaucoup de crainte et un peu d'es-
poir Car ils vénèrent, jusque dans ses
colères le général Micheau.
Je me suis rendu, continua le jeune
enquêteur au Théâtre Antoine. J'entrai
par la Porte du faubourg Saint-Martin
et demandai à voir M. Gémier.
— Vous ne le verrez pas aujourd'hui,
me dit un artiste du théâtre. Il est ici,
mais On ne l'aborde pas facilement. Il
est trop fier !
— Tiens ! je me suis laissé dire, au
contraire, qu'il était très accueillant et
pas du tout tout « à l'esbrouffe ».
— J» Usqu'à présent. Mais on ne par-
lera pl Us ..à Gémier comme par le passé.
Il est - intenant tout bouffi d'orgueil.
Il vient d'obtenir son brevet de
chauffeur!
En effet, l'instant d'après, j'aperçus
Gémier conduisant dans une auto, en
plein boulevard, deux de ses pensionnai-
res un peu mignots.
Puis le petit jeune homme essaya en
vain de voir Alphonse Franck, qui par-
courait en limousine le Perche et le Co-
tentin. Le docteur Deval sillonnait les
trente-six provinces, écrasant des per-
sonnes de tout âge, qu'il guérissait
après. Jean Coquelin, dans un phaeton
de 40 chevaux, franchissait collines et
vallons. Richemond rêvait doucement
dans un landaulet. Lucien Guitry se pro-
menait dans le Morbihan, un appareil
photographique à la main, et collection-
nait des têtes admirablement belles et
expressives de paysans bretons.
Guitry est d'ailleurs un très ancien
amateur d'auto. Il y a quelques années,
il parcourut l'Espagne. Quand il arriva
tout au Sud, et qu'il eut bien visité Se-
ville, il décida de rentrer chez lui. Et,
comme son mécanicien lui demandait:
« Où allons-nous, monsieur? », il re-
pondit simplement, en s'installant dans
la voiture:
« 26, place Vendôme. >>
Que dire de cette invention diaboli-
que, de cette auto révolutionnaire qui
donne maintenant des mœurs de noma-
des à la gent casanière des directeurs?
Où est-il, cet ancien directeur de l'Am-
bigu, qui ne connaissait de la France et
du monde que le boulevard Saint-Martin,
et ne savait que Paris était traversé par
un fleuve que parce qu'on le disait dans
La Tour de Nesle et dans Le Bossu?
Grâce à l'auto, les directeurs retour-
nent à des mœurs plus anciennes en-
core; ils vont finir par haïr leurs bâtis-
ses, si odieusement au sol attachées. Les
voici qui vont reprendre les destins er-
rants des anciens chefs de troupes. Et le
chariot de Thespis reparaîtra sur nos
routes avec une carrosserie de haut luxe,
et muni d'antidérapants.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain une nouvelle de
JACQUES MAY
fc'sssaîîêf §$t âmtegigwr
Nous parlons volontiers de la barba-
rie des siècles passés et nous aimons à
vanter les raffinements de notre époque.
C'est ainsi qu'en matière de théâtre
nous sourions en pensant aux , scènes
d'autrefois, mal éclairées par quelques
chandelles, encombrées de spectateursi
assis en cercle autour des acteurs et
n'ayant pour tout décor què quelques
écriteaux indiquant l'emplacement d'un
palais ou d'une forêt.
Une parère conception du théâtre est
évidemment fort éloignée de la nôtre,
mais nous convient-il d'en tirer vanité?
Je ne le pense pas.
Ainsi dénué de toute aide factice, le
théâtre ancien ne valait que par sa seule
valeur littéraire; auteurs et spectateurs
jugeaient une œuvre comme on juge un
livre, en dehors de tout prestige maté-
riel.
Faut-il en déduire que noire-théâtre
s'éloigne toujours davantage de l'œuvre
littéraire pour se rapprocher du cirque?
Il y aurait là de l'exagération s'il ne s'a-
gissait que de décors.
Malheureusement, cette tendance au
factice gagne également la pièce elle-
même, et l'on voit certains auteurs ne
plus s'occuper aujourd'hui que de la re-
cherche d'un titre sonore et de cina ou
six effets de scène destinés à conquérir
la salle.
On s'étonne après cela que le specta-
teur ne soit point véritablement louché
par des oeuvres ainsi construites, et l'on
accuse la foule d'être insensible et fan-
tasque.
Il n'est pourtant pas d'être dont le
goût soit plus sûr, plus invariable que
celui du public. Seulement, une bonne
fois, il faudrait s'efforcer de ne vlus vou-
loir triompher par escalade, et, résolu-
ment, marche par marche, il serait temps
peut-être de reprendre le vieil escalier
intérieur qui, jadis, conduisait jusqu'à
l'âme.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
Palais-Royal, répétition générale de Pana-
chot Gendarme.
R
ien de plus scabreux, en certains cas,
que les devoirs du médecin de
théâtre, un a vu tel rhume ou telle entorse
faire rembourser des recettes de dix mille
francs. Un oui ou un non du praticien fait
tomber le poids du désastre sur telles ou
telles épaules.
Un ancien article du règlement de l'Opéra
privait de ses appointements la femme non
mariée retenue loin de son service par une
grossesse. Une sylphide justement célèbre
avait éveillé par d'inquiétants malaises les
soupçons directoriaux, bien qu'elle s'obsti-
nât à n'affirmer que des douleurs dans le
genou. Quatre, éminents praticiens délégués
par la direction prescrivirent quarante sang-
sues sur ia-jointure endolorie. La sylphide
exhiba le lendemain quarante tacher rosés
maïs d'un aloi qui parut douteux au médecin
chargé du rapport. Elles n'ont pas :>aigné,
dit ce praticien inflexible, nous allons re-
commencer: j'assisterai à l'application
G'en,^twt;troR,-viàiçli§fe Jpij4iJ larmes
et fit des-avôutf. Un ëtttrtéièn étftlleu, un
long entretien, à l'issue duquel l'homme de
l'art envoya au théâtre. sa démission.
Taglioni - c'était elle — gagnait quatre
mille francs par mois. Quatre fois neuf.
La partie en valait la peine.
L
eurs véritables débuts. -
Comme c'est curieux, et Que les gens
de théâtre publient vite! - -
Ainsi, voilà pour Mlle Provost, par exem-
ple. Elle vient de paraître pour la première
fois, à la Comédie-Française, dans l'Amour
veille, de MM. de Caillavet et Robert de
Fiers, et y a remporté un remarquable suc-
cès auprès de la triomphante Marie Leconte.
Et l'on s'est écrié : « Une grande coquette
nous est née! »
L'appréciation est absolument juste, -
mais était-ce bien la première fois que Mlle
Provost se montrait au public parisien?
Pas le moins du monde. L'année dernière,
à la Renaissance, lorsque Mlle Cheirel tom-
-ba malade, au cours des représentations de
Passagères, de M. Alfred Capus, il fallut la
remplacer presque au pied levé. Et l'on vit
arriver une jeune artiste, inconnue de tous,
discrète, modeste, fuyant le bruit, jolie
comme une rose, qui joua le rôle en excel-
lente comédienne, y fut goûtée sans réserve,
et tint le personnage pendant plus de cin-
quante représentations.
C'était Mlle Provost.
v
oici qui 'fera la joie des directeurs de
théâtre. < -
11 y a quelques jours, un commerçant très
aisé de Munich reçut par la poste trois bil-
lets de faveur. Comme l'envoi n'était ac-
compagné d'aucune lettre, le commerçant
s'imagina qu'un ami de la famille lui avait
fait cette surprise, et se rendit au théâtre
avec sa femme et sa fille.
Ils s'amusèrent délicieusement, mais
cherchèrent en vain dans la salle l'ami
de la famille qui leur avait fait la surprise.
C'est seulement en rentrant qu'ils connu-
rent le mot de l'énigme. Des cambrioleurs
avaient dévalisé leur appartement de fond
en comble.
Méfiez-vous des billets de faveur 1
L
e théâtre mène à tout, même au ma-
- riage.
Pourquoi donc seriez-vous étonné que
la blonde enfant - premier prix de chant
— créatrice, la saison dernière, d'une pièce
à l'Opéra — soit fiancée à un homme pos-
sédant quinze millions!
Elle est si charmante!
Ne vendez pas vos bijoux, perles et
pierres fines, ainsi que vos reconnaissan-
ces de bijoux, sans les montrer au Comptoir
International, 44, Chausée - d'Antin, qui
paie très cher. Téléphone 269-67.
NOUVELLE A LA MAIN
u
n affreux gredin, ancien machiniste de
théâtre+ est accusé d'avoir jeté sa
femme du haut du pont des Arts.
— Votre profession? demande le juge
d'instruction.
— Metteur en scène 1
Le Masque de Verre.
Une lettpé dèw. Camille Saint-Sains
, Béziers, 9 octobre 1907.
Cher Monùeur,.
.Voulez-vans, me permettre, non pas de
.répondre à Qauthier-Villars, mais de si-
imièf â'vos lecteurs et à lui-même les pe-
tites erreurs dont il a été victime? Votre
critique musical me fait trop d'honneur
quand il paHp^e mon ironie, quand il m'at-
tribue lèiJaWitflité d'assertions qu'il déclare
invraisemblables. Ces assertions, je les ai
lues, et c'est ce qui a motivé mon article
du Ménestrel ; sans le vouloir, M. Gauthier-
Villars les a jugées.
Il se trompe encore quand il raconte, de
très bonne foi d'ailleurs, que Bruxelles a
connu avant Paris Samson et Dalila. Bruxel-
les a mis, au contraire, la plus grande ré-
sistance à représenter mon ouvrage, et ne
s'y est décidée que tort tard, sous la pres-
sion de l'opinion publique.
Agréez, etc.
C. SAINT-SAËNS.
COMCEDIA
1. Demain, SIX pages
M. DE CROISSES M. A. EDWARDS
Une Rencontre bien pariôieî111^
r,1 f 't1 ri.: -'* \, -*, ; : s -- ..:~—''-~- '":.
La mise en scène
de Tartufe
Après une lecture plus attentive du texte de Molière, on sait que la
mise en scène de Tartufe doit être bouleversée de fond en
comble à l'Odéon. -. Comœdia étudie en détail les
modifications déjà proposées.
André Antoine, de l'Odéon, va remettre
en scène Tartufe. Sans connaître ses projets,
ni savoir s'il a commandé ses décors, je vou-
drais qu'il n'ignorât point une très minu-
tieuse et judicieuse étude qu'a faite là-dessus
M. Jacques Arnavon. Cette étude — 109
pages compactes - l'auteur l'avait adressée
à « celui qui écrit ces lignes », pour être
publiée par la Revue d'art dramatique. Cent
neuf pages ne se placent pas facilement.
L'étude ne put être imprimée. Il serait dom-
mage cependant qu'elle demeurât ignorée.
M. Arnavon ne m'en voudra pas, j'espère,
de la résumer ici.
Comme Henri Beaulieu, et comme tous
les esprits un peu avertis des choses de
théâtre, M. Jacques Arnavon estime qu'il est
parfaitement ridicule de conserver, sous pré-
texte de tradition, la manière dont les co-
médiens du début du dix-neuvième siècle
jouaient le classique du dix-septième. Il
estime, d'autre part, qu'il n'y a nul sacri-
lège à faire bénéficier les chefs-d'œuvre
classiques des progrès de la mise en scène
moderne. Il suffit de le faire intelligem-
ment, de ne pas faire de la mise en scène
pour elle-même, mais pour commenter, com-
pléter, vivifier le texte, en s'inspirant d'ail-
leurs des indications qu'il fournit. Elles sont
nombreuses dans Tartufe. Et M. Jacques Ar-
navon, qui les relève et les groupe d'une
façon fort saisissante, montre qu'elles sont
trop souvent négligées, voire contredites par
l'interprétation traditionnelle.
Rappelant fort à propos que Molière s'em-
barrassait peu des règles, « hormis celle de
plaire », M. Jacques Arnavon supprime
pour Tartufe l'unité de lieu, et ceUe de
temps. Il joue Tartufe en trois décors et
trois journées. Il établit ainsi ses trois jour-
nées : « Au premier acte, Orgon rentre chez
lui après une absence de deux jours. Tout
porte à croire que cette arrivée a lieu le
soir. En effet, au dix-septième siècle, on
voyagait lentement, et il n'est pas vraisem-
blable que notre personnage ait quitté son
point de départ de grand matin. Il est donc
arrivé le soir. Mais alors, la comédie; s'il
faut la resserrer dans les. vingt-quatre heu-
res, va se jouer ~a nuit. Remettons donc les
actes suivants au lendemain.
Reste le dénouement. Celui-ci ne saurait
intervenir le même jour que le quatrième
acte. Il est impossible, matériellement,
d'imaginer que tous les faits supposés au
cinquième acte (appel de l'huissier, dénon-
ciation au roi, remise de la cassette, etc.,
etc.) se sont passés en une heure ou deux.
Donnons à Tartufe le temps d'exécuter ses
plans; et, quand nous lui aurons assigné, à
cet effet, du soir cinq heures au lendemain
deux heures, nous ne lui aurons pas encore
laissé grande latitude. Le dénouement oc-
cupera ainsi une troisième journée. »
De même pour le décor. « On joue Tar-
tufe, au Français, dans une sorte d'im-
mense salon, et le texte qualifie paisible-
ment cet appartement géant de salle basse »
Pas de meubles. Deux ou trois fauteuils et
une table, qu'on apporte au quatrième acte,
pour cacher Orgon. « Ce sont de véritables
hérésies ». De deux choses l'une. Ou bien
on restituera la véritable scèfie, avec ses
marquis et la véritable salie, avec ses bancs,
qui furent le premier cadre de T artu/e; et
ce sera d'une arch éologie puérile — ou bien
on mettra la pièce en scène avec toute la
vérité, tout le réalisme qu'elle comporte :
mieux, qu'elle exige. Qu'on ne s'y ttompe
pas, en effet. Pour Molière lui-même, la
mise en scène proprement dite n'existait
pas, ne pouvait pas exister. Le plateau était
alors un espace de quatre ou cinq mètres à
grand'peine fe-fp ei?du contre l'envahissement
de spectateurs privilégiés. Mais ce que nous
savons de Molière comédien, de son jeu,
qu'il s'appliquait à faire, contrairement aux
ronronnements à la mode, le plus naturel et
le plus vrai possible, nous le montre bien
comme un « réaliste ». Molière comédien
fut, en son temps, une manière d'Antoine.
NNYuil i doute que, dans la mise en scène, s'il
en eut pu faire, il eût apporté le même
souci d'exactitude qu'il mettait dans son dé-
bit. Ce n'est donc pas trahir sa pensée, mais.
la servir, et la réaliser mieux que lui-même
a pu le faire, que de la vêtir aujourd'hui
des ressources plus riches de la technique
moderne. « Est-ce trahir Beethoven que de
jouer sur un Erard perfectionné telle sonate
composée peut-être sur un mauvais clave-
cin? »
Donc, trois décors. — A l'acte premier.
le théâtre représentera un grand jardin, très
profond, précédant l'hôtel d'Orgon. Cette
demeure borde une rue des faubourgs de Pa-
ris, comme on en voit sur les vieux plans
de l'époque, faubourg Saint-Denis, quartier
Saint-Germain-des-Prés. Orgon, riche com-
merçant, possède, ailleurs, dans Paris un
négoce quelconque. Sa demeure, somp-
tueuse, tient à la fois de la villégiature et
de la résidence de ville.
Au milieu, un vieil arbre, aux rameaux
touffus et élevés, abritera un large banc de
pierre, placé non contre le tronc, mais- sur
le cote. A droite, un perron de dix ou douze
marches conduira du jardin dans la maison.
Dans le fond, un mur couvert de glycines
et de plantes grimpantes, assez bas.', Par-
dessus, dépassent les branches du jardin voi-
sin.
Au fond, à gauche, de trois quarts. la
grille d entrée. Beau fer forgé Louis X; V.
On apercevra une partie de la rue, de ma-
nière que les passants puissent être vus du
spectateur quelque temps avant d'arriver à
la grille, puis disparaissent avant de l'at-
teindre. A gauche, des bosquets cachant le
mur de la rue. Fontaine murale avec vas-
que. Feuilles mortes touchant le sol et la
fontaine.
Plates-bandes et ornements à la française,
très soignés. Fleurs et buis taillés au bas
du perron. La maison, qu'on aperçoit au
haut des marches, est de grand style
Louis XIV très pur, avec trois grandes fe-
nêtres-baies vitrées. On entre par celle du:
milieu. Belle lumière d'automne, de trois
a quatre heures de l'après-midi
Madame Pernelle est venue chez ses en-
fants : elle y a |fUt"etre déjeuné. Après le
repas, on a caust. L'entretien a porté sur
Tartufe, et s'est Vite envenimé. La vieille:
dame, dont l'humeur est irritable, a mal pris
la chose. Elle préfend sortir de la maison.
On entend donc, au lever du rideau, uni
grand bruit de voix, dans la coulisse. La
porte s'ouvre. * Paraît Madame Pernelle,'
rouge, l'air fâché, nullement placide et in-
différente, comme on nous la montre au
Théâtre-Français. Suivent Elmire, puis la
famille cherchant à retenir et à calmer la"
coléreuse aïeule.
Toute cette première partie de l'acte, mi
Madame Pernelle donne à chacun son pa-
quet, se trouve ainsi extrêmement animée.
« enlevée dans un mouvement de « faus-
se-sortie ». Un temps d'arrêt après sa ré-
plique à Cléante. Elle s'assied sur le banc.'
De ente. et groupement des personnages. -
Puis, après l'algarade avec Dorine, elle s,
dirige à nouveau vers la grille, scène musette
au fnnd ?rf-S mimée, avec Elmire, Damîs
et Marianne, pendant le dialogue, au bas
du perion, de Cléante et de Dorine. (CE".
sont : « les discours qu'à la porte elle nous
a tenus. ») Le jour baisse- Tons roux d'au-
tomne. Orgon, dont Elmire a vu la chaise
quelque temps auparavant, survient, pressé.
Il croise Cléante qui sortait. Surprise :
« Ah! mon frère, bonjour!. » A la fin de
leur conversation, qui termine l'acte par les
pressantes questions devant lesquelles s'en-
fuit Orgon, la nuit est venue. Des lumières
s'allument dans, la maison et dans la rue.
La lune illumine ce coin paisible du vieux
Paris..«
« L'acte deuxième qui, après l'exposition,
nous fait entrer dans le corps de la pièce,
devra s'encadrer dans la demeure même de
la famille où le drame se joue. Un exa-
men soigneux du texte. une étude des des-
sins représentant les intérieurs du temps
nous permettront de constituer de toute
pièce, et avec une fidélité absolue, le cadre,
et le seul cadre où Puissent se dérouler les
épisodes de Tartufe. - '——'-
Le : « Le décor représentera la
pièce commune de la maison d'Orgon. Celle-
ci, qui donne sur le jardin, par le perron du
premier acte, comprend le rez-de-chaussée
et un étage; le rez-de-chaussée, exhausse
sur le jardin, avec lés appartements de ré-
ception; le Premier, avec les chambres de
tous les personnages.
demeure d'un Parisien du dix-sep-
tlème siècle, appartenant à la riche bour-
geoisie, comprenait, comme on sait, outre la
luxueuse pièce d'apparat, aux murs lambris-
sés et dorés, diverses chambres d'un usage
plus journalier, que le langage du temps dé-
nommait communément cabinets, malgré
leurs dimensions souvent spacieuses. On
distinguait ainsi le grand cabinet réservé
-_
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Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 4.0 $ 20 »
Enquête
sur la saison
théâtrale
Y
Un fout jeune homme, évidemment
blond, s'est présenté chez moi il y a
quelques semaines. A peine au sortir de
l'enfance, dix-neuf ans au plus il comp-
alto Il était à cet âge heureux où 1 on a
Encore une vocation. De toutes les forces
t e son âme, il aspirait à faire du repor-
age théâtral.
tJe e l'accueillis avec une grande aniabi-
te, due à ma bonté naturelle, et aussi
1 effroi qu'inspire toujours à un hom-
Itle de mon âge un très jeune inconnu.
— Je vous donnerai, lui déclarai-je,
Routes les recommandations que je pour-
al. Mais il ne suffit pas d'aller dire à
un directeur de journal: Je veux faire
eu reportage. Il faut, dès votre première
(Visite, lui apporter une idée. Avez-vous
line idée?
, Le jeune homme, en entendant parler
.idée, ouvrit tout grands ses yeux in-
génus. Il ne soupçonnait pas que ce mot
tàêe pot s'appliquer à quelque chose
n important.
il appartenait à une famille de négo-
ciants aisés, où il n'était jamais question
Q idées, et où les gens avaient des idées
fèans s'en apercevoir; s'ils s'en étaient
aperçus, leur mépris pour eux-mêmes
eût été trop fort.
Quand, dans cette famille et dans tant
"c autres, on voulait parler de quelque
chose de très petit, d'insignifiant, on em-
Ptoyait volontiers cette expression: une
JJtée. On disait, par exemple, à un cor-
11 onnler: « Faites-moi des chaussures
ne idée plus larges. »
De même, quand un grand orateur so-
cialiste prononce un discours, les gens
bien pensants disent: « C'est un dis-
cours vide », voulant exprimer par là
Sue, dans ce discours, « il n'y a que des
tes»
Le jeune homme en question me quitta
i ut rêveur. Il revint au bout de deux
»°Urs :
à - Je crois que j'ai enfin. ce que vous
ffz dit. Ça n'a pas été sans peine. Je
t en suis flanqué, un coton! Je me suis
S~sé la cervelle comme une gare de
Mais enfin l'ai trouvé. Je vais
Interviewer les directeurs Çlç théâtre 4.t
saison théâtrale.
J essayai de le détourner de son pro-
jet, parce que je me voyais dans l'obliga-
tion d'écrire quelques lettres de recom-
mandations nouvelles. Mais ce jeune pro-
tégé despotique se montra d'une ténacité
inlassable. Nanti de dix cartes de visite,
il commença sa tournée.
J'espérais bien ne plus le revoir. Mais
il boulait absolument me tenir au cou-
nt de ses démarches.
Sa première visite avait été pour un
directeur du boulevard, le Jupiter ton-
ant d'un théâtre de vaudeville (ou de
f! comédie gaie », comme disent les vau-
peVillistes honteux).
- D'abord, me dit le petit jeune
homme, j'ai pris quelque chose. Oui,
M. Micheau m'a dit que ma démarche
n' avait aucun intérêt, que mes questions
étaient oiseuses et absurdes, le tout avec
une telle véhémence que j'étais frémis-
sant de peur. Ce que voyant, il s'est
'b tendri brusquement, m'a saisi par le
J?s, en me faisant marcher au pas, et
"a entraîné jusque dans une cour, du
(J cour, où un mécano était en train
ue nettoyer une auto. Puis cet entretien
[ xtuel s'est engagé entre M. Micheau et
MOI — Votre programme est-il ar-
rêté Pour la saison?
LUI. — Oui, complètement arrêté.
Voilà une petite deux-cylindres avec la-
quelle j'ai fait 2.000 kilomètres. Nous
allions un peu doucement dans les côtes.
Mais, en palier, la vitesse était fort con-
~V en ble.
MOI. — Très bien, très bien. Vous
avez, m' a-t-on dit, fait de nouveaux en-
gagements ?
LUI. — Oui, oui, j'ai de très bonnes
recrues. Regardez-moi ces pneus. Nous
n'avons pas crevé une fois. Ne dirait-on
ta des enveloppes neuves? Pas cisail-
lées du tout. C'est l'avantage des voitu-
res légères.
Il me parla d'un appareil merveilleux
J" gonfler les pneus en trois minutes ;
il me vanta la puissance de ses phares.
Puis, tremblant d'émotion, il me décrivit
la nouvelle voiture qu'il avait comman-
dée. Il en parlait avec amour, dans des
tEe des hyperboliques, comme de la fian-
cée te l'Ecriture.
Puis, subitement, il s'interrompit pour
aller « empoigner » un garçon d'acces-
soir es- On entendait résonner sa terri-
bje v°ix. D'autres employés se serraient
lun contre l'autre, attendant leur tour,
avec beaucoup de crainte et un peu d'es-
poir Car ils vénèrent, jusque dans ses
colères le général Micheau.
Je me suis rendu, continua le jeune
enquêteur au Théâtre Antoine. J'entrai
par la Porte du faubourg Saint-Martin
et demandai à voir M. Gémier.
— Vous ne le verrez pas aujourd'hui,
me dit un artiste du théâtre. Il est ici,
mais On ne l'aborde pas facilement. Il
est trop fier !
— Tiens ! je me suis laissé dire, au
contraire, qu'il était très accueillant et
pas du tout tout « à l'esbrouffe ».
— J» Usqu'à présent. Mais on ne par-
lera pl Us ..à Gémier comme par le passé.
Il est - intenant tout bouffi d'orgueil.
Il vient d'obtenir son brevet de
chauffeur!
En effet, l'instant d'après, j'aperçus
Gémier conduisant dans une auto, en
plein boulevard, deux de ses pensionnai-
res un peu mignots.
Puis le petit jeune homme essaya en
vain de voir Alphonse Franck, qui par-
courait en limousine le Perche et le Co-
tentin. Le docteur Deval sillonnait les
trente-six provinces, écrasant des per-
sonnes de tout âge, qu'il guérissait
après. Jean Coquelin, dans un phaeton
de 40 chevaux, franchissait collines et
vallons. Richemond rêvait doucement
dans un landaulet. Lucien Guitry se pro-
menait dans le Morbihan, un appareil
photographique à la main, et collection-
nait des têtes admirablement belles et
expressives de paysans bretons.
Guitry est d'ailleurs un très ancien
amateur d'auto. Il y a quelques années,
il parcourut l'Espagne. Quand il arriva
tout au Sud, et qu'il eut bien visité Se-
ville, il décida de rentrer chez lui. Et,
comme son mécanicien lui demandait:
« Où allons-nous, monsieur? », il re-
pondit simplement, en s'installant dans
la voiture:
« 26, place Vendôme. >>
Que dire de cette invention diaboli-
que, de cette auto révolutionnaire qui
donne maintenant des mœurs de noma-
des à la gent casanière des directeurs?
Où est-il, cet ancien directeur de l'Am-
bigu, qui ne connaissait de la France et
du monde que le boulevard Saint-Martin,
et ne savait que Paris était traversé par
un fleuve que parce qu'on le disait dans
La Tour de Nesle et dans Le Bossu?
Grâce à l'auto, les directeurs retour-
nent à des mœurs plus anciennes en-
core; ils vont finir par haïr leurs bâtis-
ses, si odieusement au sol attachées. Les
voici qui vont reprendre les destins er-
rants des anciens chefs de troupes. Et le
chariot de Thespis reparaîtra sur nos
routes avec une carrosserie de haut luxe,
et muni d'antidérapants.
Tristan BERNARD.
Nous publierons demain une nouvelle de
JACQUES MAY
fc'sssaîîêf §$t âmtegigwr
Nous parlons volontiers de la barba-
rie des siècles passés et nous aimons à
vanter les raffinements de notre époque.
C'est ainsi qu'en matière de théâtre
nous sourions en pensant aux , scènes
d'autrefois, mal éclairées par quelques
chandelles, encombrées de spectateursi
assis en cercle autour des acteurs et
n'ayant pour tout décor què quelques
écriteaux indiquant l'emplacement d'un
palais ou d'une forêt.
Une parère conception du théâtre est
évidemment fort éloignée de la nôtre,
mais nous convient-il d'en tirer vanité?
Je ne le pense pas.
Ainsi dénué de toute aide factice, le
théâtre ancien ne valait que par sa seule
valeur littéraire; auteurs et spectateurs
jugeaient une œuvre comme on juge un
livre, en dehors de tout prestige maté-
riel.
Faut-il en déduire que noire-théâtre
s'éloigne toujours davantage de l'œuvre
littéraire pour se rapprocher du cirque?
Il y aurait là de l'exagération s'il ne s'a-
gissait que de décors.
Malheureusement, cette tendance au
factice gagne également la pièce elle-
même, et l'on voit certains auteurs ne
plus s'occuper aujourd'hui que de la re-
cherche d'un titre sonore et de cina ou
six effets de scène destinés à conquérir
la salle.
On s'étonne après cela que le specta-
teur ne soit point véritablement louché
par des oeuvres ainsi construites, et l'on
accuse la foule d'être insensible et fan-
tasque.
Il n'est pourtant pas d'être dont le
goût soit plus sûr, plus invariable que
celui du public. Seulement, une bonne
fois, il faudrait s'efforcer de ne vlus vou-
loir triompher par escalade, et, résolu-
ment, marche par marche, il serait temps
peut-être de reprendre le vieil escalier
intérieur qui, jadis, conduisait jusqu'à
l'âme.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
Palais-Royal, répétition générale de Pana-
chot Gendarme.
R
ien de plus scabreux, en certains cas,
que les devoirs du médecin de
théâtre, un a vu tel rhume ou telle entorse
faire rembourser des recettes de dix mille
francs. Un oui ou un non du praticien fait
tomber le poids du désastre sur telles ou
telles épaules.
Un ancien article du règlement de l'Opéra
privait de ses appointements la femme non
mariée retenue loin de son service par une
grossesse. Une sylphide justement célèbre
avait éveillé par d'inquiétants malaises les
soupçons directoriaux, bien qu'elle s'obsti-
nât à n'affirmer que des douleurs dans le
genou. Quatre, éminents praticiens délégués
par la direction prescrivirent quarante sang-
sues sur ia-jointure endolorie. La sylphide
exhiba le lendemain quarante tacher rosés
maïs d'un aloi qui parut douteux au médecin
chargé du rapport. Elles n'ont pas :>aigné,
dit ce praticien inflexible, nous allons re-
commencer: j'assisterai à l'application
G'en,^twt;troR,-viàiçli§fe Jpij4iJ larmes
et fit des-avôutf. Un ëtttrtéièn étftlleu, un
long entretien, à l'issue duquel l'homme de
l'art envoya au théâtre. sa démission.
Taglioni - c'était elle — gagnait quatre
mille francs par mois. Quatre fois neuf.
La partie en valait la peine.
L
eurs véritables débuts. -
Comme c'est curieux, et Que les gens
de théâtre publient vite! - -
Ainsi, voilà pour Mlle Provost, par exem-
ple. Elle vient de paraître pour la première
fois, à la Comédie-Française, dans l'Amour
veille, de MM. de Caillavet et Robert de
Fiers, et y a remporté un remarquable suc-
cès auprès de la triomphante Marie Leconte.
Et l'on s'est écrié : « Une grande coquette
nous est née! »
L'appréciation est absolument juste, -
mais était-ce bien la première fois que Mlle
Provost se montrait au public parisien?
Pas le moins du monde. L'année dernière,
à la Renaissance, lorsque Mlle Cheirel tom-
-ba malade, au cours des représentations de
Passagères, de M. Alfred Capus, il fallut la
remplacer presque au pied levé. Et l'on vit
arriver une jeune artiste, inconnue de tous,
discrète, modeste, fuyant le bruit, jolie
comme une rose, qui joua le rôle en excel-
lente comédienne, y fut goûtée sans réserve,
et tint le personnage pendant plus de cin-
quante représentations.
C'était Mlle Provost.
v
oici qui 'fera la joie des directeurs de
théâtre. < -
11 y a quelques jours, un commerçant très
aisé de Munich reçut par la poste trois bil-
lets de faveur. Comme l'envoi n'était ac-
compagné d'aucune lettre, le commerçant
s'imagina qu'un ami de la famille lui avait
fait cette surprise, et se rendit au théâtre
avec sa femme et sa fille.
Ils s'amusèrent délicieusement, mais
cherchèrent en vain dans la salle l'ami
de la famille qui leur avait fait la surprise.
C'est seulement en rentrant qu'ils connu-
rent le mot de l'énigme. Des cambrioleurs
avaient dévalisé leur appartement de fond
en comble.
Méfiez-vous des billets de faveur 1
L
e théâtre mène à tout, même au ma-
- riage.
Pourquoi donc seriez-vous étonné que
la blonde enfant - premier prix de chant
— créatrice, la saison dernière, d'une pièce
à l'Opéra — soit fiancée à un homme pos-
sédant quinze millions!
Elle est si charmante!
Ne vendez pas vos bijoux, perles et
pierres fines, ainsi que vos reconnaissan-
ces de bijoux, sans les montrer au Comptoir
International, 44, Chausée - d'Antin, qui
paie très cher. Téléphone 269-67.
NOUVELLE A LA MAIN
u
n affreux gredin, ancien machiniste de
théâtre+ est accusé d'avoir jeté sa
femme du haut du pont des Arts.
— Votre profession? demande le juge
d'instruction.
— Metteur en scène 1
Le Masque de Verre.
Une lettpé dèw. Camille Saint-Sains
, Béziers, 9 octobre 1907.
Cher Monùeur,.
.Voulez-vans, me permettre, non pas de
.répondre à Qauthier-Villars, mais de si-
imièf â'vos lecteurs et à lui-même les pe-
tites erreurs dont il a été victime? Votre
critique musical me fait trop d'honneur
quand il paHp^e mon ironie, quand il m'at-
tribue lèiJaWitflité d'assertions qu'il déclare
invraisemblables. Ces assertions, je les ai
lues, et c'est ce qui a motivé mon article
du Ménestrel ; sans le vouloir, M. Gauthier-
Villars les a jugées.
Il se trompe encore quand il raconte, de
très bonne foi d'ailleurs, que Bruxelles a
connu avant Paris Samson et Dalila. Bruxel-
les a mis, au contraire, la plus grande ré-
sistance à représenter mon ouvrage, et ne
s'y est décidée que tort tard, sous la pres-
sion de l'opinion publique.
Agréez, etc.
C. SAINT-SAËNS.
COMCEDIA
1. Demain, SIX pages
M. DE CROISSES M. A. EDWARDS
Une Rencontre bien pariôieî111^
r,1 f 't1 ri.: -'* \, -*, ; : s -- ..:~—''-~- '":.
La mise en scène
de Tartufe
Après une lecture plus attentive du texte de Molière, on sait que la
mise en scène de Tartufe doit être bouleversée de fond en
comble à l'Odéon. -. Comœdia étudie en détail les
modifications déjà proposées.
André Antoine, de l'Odéon, va remettre
en scène Tartufe. Sans connaître ses projets,
ni savoir s'il a commandé ses décors, je vou-
drais qu'il n'ignorât point une très minu-
tieuse et judicieuse étude qu'a faite là-dessus
M. Jacques Arnavon. Cette étude — 109
pages compactes - l'auteur l'avait adressée
à « celui qui écrit ces lignes », pour être
publiée par la Revue d'art dramatique. Cent
neuf pages ne se placent pas facilement.
L'étude ne put être imprimée. Il serait dom-
mage cependant qu'elle demeurât ignorée.
M. Arnavon ne m'en voudra pas, j'espère,
de la résumer ici.
Comme Henri Beaulieu, et comme tous
les esprits un peu avertis des choses de
théâtre, M. Jacques Arnavon estime qu'il est
parfaitement ridicule de conserver, sous pré-
texte de tradition, la manière dont les co-
médiens du début du dix-neuvième siècle
jouaient le classique du dix-septième. Il
estime, d'autre part, qu'il n'y a nul sacri-
lège à faire bénéficier les chefs-d'œuvre
classiques des progrès de la mise en scène
moderne. Il suffit de le faire intelligem-
ment, de ne pas faire de la mise en scène
pour elle-même, mais pour commenter, com-
pléter, vivifier le texte, en s'inspirant d'ail-
leurs des indications qu'il fournit. Elles sont
nombreuses dans Tartufe. Et M. Jacques Ar-
navon, qui les relève et les groupe d'une
façon fort saisissante, montre qu'elles sont
trop souvent négligées, voire contredites par
l'interprétation traditionnelle.
Rappelant fort à propos que Molière s'em-
barrassait peu des règles, « hormis celle de
plaire », M. Jacques Arnavon supprime
pour Tartufe l'unité de lieu, et ceUe de
temps. Il joue Tartufe en trois décors et
trois journées. Il établit ainsi ses trois jour-
nées : « Au premier acte, Orgon rentre chez
lui après une absence de deux jours. Tout
porte à croire que cette arrivée a lieu le
soir. En effet, au dix-septième siècle, on
voyagait lentement, et il n'est pas vraisem-
blable que notre personnage ait quitté son
point de départ de grand matin. Il est donc
arrivé le soir. Mais alors, la comédie; s'il
faut la resserrer dans les. vingt-quatre heu-
res, va se jouer ~a nuit. Remettons donc les
actes suivants au lendemain.
Reste le dénouement. Celui-ci ne saurait
intervenir le même jour que le quatrième
acte. Il est impossible, matériellement,
d'imaginer que tous les faits supposés au
cinquième acte (appel de l'huissier, dénon-
ciation au roi, remise de la cassette, etc.,
etc.) se sont passés en une heure ou deux.
Donnons à Tartufe le temps d'exécuter ses
plans; et, quand nous lui aurons assigné, à
cet effet, du soir cinq heures au lendemain
deux heures, nous ne lui aurons pas encore
laissé grande latitude. Le dénouement oc-
cupera ainsi une troisième journée. »
De même pour le décor. « On joue Tar-
tufe, au Français, dans une sorte d'im-
mense salon, et le texte qualifie paisible-
ment cet appartement géant de salle basse »
Pas de meubles. Deux ou trois fauteuils et
une table, qu'on apporte au quatrième acte,
pour cacher Orgon. « Ce sont de véritables
hérésies ». De deux choses l'une. Ou bien
on restituera la véritable scèfie, avec ses
marquis et la véritable salie, avec ses bancs,
qui furent le premier cadre de T artu/e; et
ce sera d'une arch éologie puérile — ou bien
on mettra la pièce en scène avec toute la
vérité, tout le réalisme qu'elle comporte :
mieux, qu'elle exige. Qu'on ne s'y ttompe
pas, en effet. Pour Molière lui-même, la
mise en scène proprement dite n'existait
pas, ne pouvait pas exister. Le plateau était
alors un espace de quatre ou cinq mètres à
grand'peine fe-fp ei?du contre l'envahissement
de spectateurs privilégiés. Mais ce que nous
savons de Molière comédien, de son jeu,
qu'il s'appliquait à faire, contrairement aux
ronronnements à la mode, le plus naturel et
le plus vrai possible, nous le montre bien
comme un « réaliste ». Molière comédien
fut, en son temps, une manière d'Antoine.
NNYuil i doute que, dans la mise en scène, s'il
en eut pu faire, il eût apporté le même
souci d'exactitude qu'il mettait dans son dé-
bit. Ce n'est donc pas trahir sa pensée, mais.
la servir, et la réaliser mieux que lui-même
a pu le faire, que de la vêtir aujourd'hui
des ressources plus riches de la technique
moderne. « Est-ce trahir Beethoven que de
jouer sur un Erard perfectionné telle sonate
composée peut-être sur un mauvais clave-
cin? »
Donc, trois décors. — A l'acte premier.
le théâtre représentera un grand jardin, très
profond, précédant l'hôtel d'Orgon. Cette
demeure borde une rue des faubourgs de Pa-
ris, comme on en voit sur les vieux plans
de l'époque, faubourg Saint-Denis, quartier
Saint-Germain-des-Prés. Orgon, riche com-
merçant, possède, ailleurs, dans Paris un
négoce quelconque. Sa demeure, somp-
tueuse, tient à la fois de la villégiature et
de la résidence de ville.
Au milieu, un vieil arbre, aux rameaux
touffus et élevés, abritera un large banc de
pierre, placé non contre le tronc, mais- sur
le cote. A droite, un perron de dix ou douze
marches conduira du jardin dans la maison.
Dans le fond, un mur couvert de glycines
et de plantes grimpantes, assez bas.', Par-
dessus, dépassent les branches du jardin voi-
sin.
Au fond, à gauche, de trois quarts. la
grille d entrée. Beau fer forgé Louis X; V.
On apercevra une partie de la rue, de ma-
nière que les passants puissent être vus du
spectateur quelque temps avant d'arriver à
la grille, puis disparaissent avant de l'at-
teindre. A gauche, des bosquets cachant le
mur de la rue. Fontaine murale avec vas-
que. Feuilles mortes touchant le sol et la
fontaine.
Plates-bandes et ornements à la française,
très soignés. Fleurs et buis taillés au bas
du perron. La maison, qu'on aperçoit au
haut des marches, est de grand style
Louis XIV très pur, avec trois grandes fe-
nêtres-baies vitrées. On entre par celle du:
milieu. Belle lumière d'automne, de trois
a quatre heures de l'après-midi
Madame Pernelle est venue chez ses en-
fants : elle y a |fUt"etre déjeuné. Après le
repas, on a caust. L'entretien a porté sur
Tartufe, et s'est Vite envenimé. La vieille:
dame, dont l'humeur est irritable, a mal pris
la chose. Elle préfend sortir de la maison.
On entend donc, au lever du rideau, uni
grand bruit de voix, dans la coulisse. La
porte s'ouvre. * Paraît Madame Pernelle,'
rouge, l'air fâché, nullement placide et in-
différente, comme on nous la montre au
Théâtre-Français. Suivent Elmire, puis la
famille cherchant à retenir et à calmer la"
coléreuse aïeule.
Toute cette première partie de l'acte, mi
Madame Pernelle donne à chacun son pa-
quet, se trouve ainsi extrêmement animée.
« enlevée dans un mouvement de « faus-
se-sortie ». Un temps d'arrêt après sa ré-
plique à Cléante. Elle s'assied sur le banc.'
De ente. et groupement des personnages. -
Puis, après l'algarade avec Dorine, elle s,
dirige à nouveau vers la grille, scène musette
au fnnd ?rf-S mimée, avec Elmire, Damîs
et Marianne, pendant le dialogue, au bas
du perion, de Cléante et de Dorine. (CE".
sont : « les discours qu'à la porte elle nous
a tenus. ») Le jour baisse- Tons roux d'au-
tomne. Orgon, dont Elmire a vu la chaise
quelque temps auparavant, survient, pressé.
Il croise Cléante qui sortait. Surprise :
« Ah! mon frère, bonjour!. » A la fin de
leur conversation, qui termine l'acte par les
pressantes questions devant lesquelles s'en-
fuit Orgon, la nuit est venue. Des lumières
s'allument dans, la maison et dans la rue.
La lune illumine ce coin paisible du vieux
Paris..«
« L'acte deuxième qui, après l'exposition,
nous fait entrer dans le corps de la pièce,
devra s'encadrer dans la demeure même de
la famille où le drame se joue. Un exa-
men soigneux du texte. une étude des des-
sins représentant les intérieurs du temps
nous permettront de constituer de toute
pièce, et avec une fidélité absolue, le cadre,
et le seul cadre où Puissent se dérouler les
épisodes de Tartufe. - '——'-
Le : « Le décor représentera la
pièce commune de la maison d'Orgon. Celle-
ci, qui donne sur le jardin, par le perron du
premier acte, comprend le rez-de-chaussée
et un étage; le rez-de-chaussée, exhausse
sur le jardin, avec lés appartements de ré-
ception; le Premier, avec les chambres de
tous les personnages.
demeure d'un Parisien du dix-sep-
tlème siècle, appartenant à la riche bour-
geoisie, comprenait, comme on sait, outre la
luxueuse pièce d'apparat, aux murs lambris-
sés et dorés, diverses chambres d'un usage
plus journalier, que le langage du temps dé-
nommait communément cabinets, malgré
leurs dimensions souvent spacieuses. On
distinguait ainsi le grand cabinet réservé
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