2 e ANNÉE - N” 17
T TF TFfiVTFQ
ABONNEMENTS:
1 er Juillet 1929
LÜi rUYÜiK
Spécial : 100 frs. par an
Populaire: 2b frs. par an
Etranger : 50frs. paran
Rédaction et Administration
208bis. Rue Lafayette
PARIS (10 B )
MM AVA Mil
Organe des Arméniens Réfugiés en France
Le Numéro 1 Franc
Téléphone : NORD 57-82
Paraissant le 'I e ' 1 et le A 5 de chaque mois
Directeur: H. D. N. MASSIS
(en France, aux Colonies et
dans les pays sous mandat)
la BIBLIOTHEQUE ARMÉNIENNE de PARIS
L’inauguration de la Bibliothèque arménienne de Paris, fondée
par Boghos Nubar Pacha et gérée par l’Union Générale Armé
nienne de Bienfaisance, a eu lieu le 15 Juin, à 16 heures, en
présence d’un grand nombre d’Arméniens et de Français, parmi
lesquels nous citons avec plaisir Mr. le Sénateur Victor Bérard,
M. M. Ch. Diehl et Auguste Gauvain, de l’Institut, le Prof.
Macler, Mgr. Graffin, l’Abbé L. Maries, Mr. Bertrand Bareilles,
Mme. Delarue, et Mlle. P. Henri-Bordeaux qui prépare un
roman dont le sujet est tiré de la tragédie arménienne.
En l’absence de Mr. G. Noradounghian, retenu chez lui
par une indisposition, la séance a été présidée par Mr. T.
Gamsaragan, qui, après avoir souhaité en français la bienvenue
aux assistants, a lu une belle allocution en arménien dans laquelle
il a relevé les œuvres intellectuelles de Nubar Pacha, notamment
la fondation de la bibliothèque qu’on fêtait et la superbe donation
du pavillon des Etudiants arméniens à la Cité universitaire qu’on
fêtera bientôt. Mr. Gamsaragan a rapproché à ces fondations
l’ouverture du Collège des Mechiraristes à Sèvres. Cette allocu
tion a été vivement applaudie.
Le conservateur de la bibliothèque, Mr. G. Sinapian, a pris
ensuite la parole et a remercié les assistants de l’empressement
qu’ils ont montré en répondant à l’invitation qui leur avait été
adressée, empressement dû au prestige qu’exerce le nom de
Nubar Pacha. Il a rappelé que le grand bienfaiteur ne s’est pas
contenté de fonder des œuvres purement humanitaires, d’y
contribuer largement, mais qu’il a eu encore à cœur de fonder
des œuvres intellectuelles, et il a cité son œuvre des boursiers,
sa magnifique donation pour la Maison des Etudiants arméniens
et la fondation de cette biM: ^hèque. Pour cette derniere œuvre,
Nubar Pacha a d’abord acheté l’appartement de six pièces où
la bibliothèque a été installée, puis il a fait tous les frais
d’installation et a fait don des ouvrages composant la bibliothèque
de son père et de la sienne propre. Enfin, il a donné un fonds
de 120.000 frs. dont les revenus doivent servir à l’achat et
éventuellement à l’édition d’ouvrages intéressant l’Arménie et
le Proche-Orient.
L’orateur a ensuite cité les personnes qui ont fait des dons
à la bibliothèque. Au premier rang de celles-ci il faut nommer
Mme. Félix Passéga et Mlle. Holas, qui ont bien voulu faire
don à l’Union de la très importante bibliothèque que leur défunt
père, Mr. Vincent Holas, avait formée à Constantinople et qui
constitue le noyau principal du fonds de cette bibliothèque. En
second lieu, il y a lieu de nommer les héritiers de feu Mikael Pacha
Portugal, qui ont aussi fait donation de la presque totalité des
livres de leur père et époux. D’autres personnes font journelle
ment des dons de livres plus ou moins importants.
Une citation particulière est due au legs de feu M. R.
Khérian, qui a laissé une quantité de livres arméniens dont
beaucoup de raretés. Ce legs n’a pas été fait à la Bibliothèque
qui n’existait pas à l’époque, mais M. G. Noradounghian,
mandataire des exécuteurs testamentaires, a déposé ces livres à
la Bibliothèque, en attendant qu’il puisse, comme on l’espère,
en faire la donation définitive.
En signe de reconnaissance on a donné les noms des
principaux donateurs, Boghos Nubar Pacha, Vincent Holas et
Mikael Pacha Portugal, aux trois principales salles de la Biblio
thèque. On a dû, bien entendu, entrer dans la voie de la
spécialisation et consacrer la Bibliothèque surtout aux matières
concernant l’Arménie, les Arméniens et les pays du Proche
Orient. Mr. Vincent Holas et Mikael Pacha Portugal sont décé
dés depuis de longues années, et naturellement leurs bibliothèques
n’étaient pas à jour. Il incombe à l’Union le devoir de complé
ter la Bibliothèque, devoir qu’elle tâchera sans doute de remplir
au mieux malgré les ressources forcément limitées qu’elle possède.
Le conservateur a dit combien nous étions heureux que la
Fondation de la Cité Universitaire et l’Oeuvre de la Bibliothèque
de notre cher Nubar Pacha soient réalisées en France, dans la
douce France où nos compatriotes trouvent une si large et si
généreuse hospitalité. Il a ensuite invité les travailleurs que les
choses arméniennes intéressent à venir souvent travailler à la
Bibliothèque où l’on sera très heureux de se mettre à leur
disposition. Dès à présent, en effet, la Bibliothèque offre des
possibilités de recherches intéressantes.
«j’ai voulu m’en rendre compte moi-même, a dit l’orateur, et j’ai pris
un sujet au hasard: Quel a été par rapport au Bosphore de Constantinople
ie rôle des Arméniens ? Je veux faire part à nos invités d’une très petite partie
des résultats que m ont données mes recherches. Le premier de nos com
patriotes qui s’en est occupé à ma connaissance est Yérémia (Jérémie) Tché-
lébi, qui a écrit un ouvrage très précieux. Yérémia avait aussi voyagé en
Arménie en 1686 et avait recueilli de précieux renseignements, à tel point
qu’à son retour l’Ambassadeur d’Autriche lui demanda de dresser une carte
cîe l'Arménie en y indiquant les villes anciennes et modernes. Ce précieux
document est malheureusement perdu. Yérémia Tchélébi est le frère du
martyr ai ménien Der Comidas dont le nom de inmille est Keumurdjian.
Comidas professait ie catholicisme et ce fut le prétexte de son supplice. A
cette époque les Arméniens catholiques passaient pour pactiser avec l’étran
ger.— Der Comidas eut la tète tranchée le 25 Octobre 1707. En dehors de
toute considération confessionnelle, on doit dire que Comidas fit preuve
d’un courage vraiment admirable. Quelques heures avant son supplice, au
Grand Vizir qui lui demandait pourquoi il professait le catholicisme, il
demanda ironiquement: ((Votre Altesse peut-elle me dire quelle est la vraie
religion arménienne, la catholique ou la non catholique 2» Le Grand Vizir
répondit avec colère que la seule vraie religion était l’islamisme et que
toutes les autres étaient des tissus d’erreurs. «Alors, rétorqua Comidas,
qu’importe à votre Altesse que je professe l'une ou l’autre de ces deux
religions également fausses?» Der Comidas vient d’etre béatifié en Cour de
Home et les solennités religieuses de la béatification se dérouleront dans la
Basilique de St. Pierre dans quelques jours, le Dimanche 23 Juin.
«Un autre écrivain de la même famille, Cosme Keumurdjian, qui avait
italianisé son nom et signait Cosimi di Cartignano et qui était drogman de
l’ambassade d’Espagne, a fait imprimer un ouvrage en italien sur Constan
tinople et le Bosphore qui contient des renseignements très précieux. Enfin
le savant Père L. Indjidjian, Méchitariste de Venise, a écrit tout un volume
sur les villégiatures du Bosphore contenant une introduction en prose et
une description en vers. Cet ouvrage qui nous donne les indications les plus
intéressantes sur les villages du Bosphore a été traduit en italien. En 1813
l’introduction seulement a été traduite en français par F. Martin qu’il ne
faut pas confondre avec le grand arménisant Saint - Martin. Cette traduction
est remplie d’erreurs, mais le traducteur dans sa préface fait l’éloge des
Arméniens; il dit notamment: «Sans les Arméniens, l’Angleterre n’eut
peut-être jamais régné dans l’Inde. En 16S7 des négociants de cette nation
demandèrent à Louis XIV la permission d’installer en France une Com
pagnie des Indes, mais la requête n’eut pas de suite». Martin dit plus loin:
«Le commerce est redevable aux Arméniens de l’utile invention de la
nouvelle tenue des livres. Us sont encore les seuls qui possèdent le secret
de blanchir les perles jaunies par le temps».
«Un grand nombre des édifices qu’ornent les deux rives du Bosphore
sont l’oeuvre d’architectes arméniens. Il faut rappeler que toute une dynas
tie d’architectes, les Balian, originaires du village Bali ou Belen, situé
entre Sis et Marache, ont été les architectes des Sultans ottomans. Ils ont
construit de très nombraux édifices, palais, mosquées, casernes, pavillons,
etc., notamment le palais de Dolma-Baghtché, oeuvre de Garabed Balian,
diversement apprécié: des voyageurs s’en sont montrés enthousiastes, notam
ment l’Italien De Amicis; d’autres, parmi lesquels l’éminent byzantinologue
et historien d’art Mr. Diehl, critiquent l’architecture trop chargée de ce
palais.
«Enfin il y a lieu de noter aussi la part prépondérante pris par les
Arméniens dans le développement de la navigation du Bosphore. Le pre
mier bateau à vapeur qui ait fait son apparition dans le Bosphore est le
«Swift», battant pavillon anglais, et qui arriva de Smyrne le 21 Mai 1828.
Quelques jours après Ivazaz Artin et quelques autres banquiers arméniens,
comprenant l’importance de la nouvelle invention, se cotisèrent, achetèrent
le bateau pour 350.000 piastres et en firent cadeau au Sultan. Quelque
vingt ans après se fondait la première Société anonyme turque, le Ghirketi
Haïrié, ayant pour objet l’exploitation de la navigation à vapeur dans le
Bosphore. Le capital avait été souscrit par le Sultan, les hauts fonctionnaires
turcs et douze capitalistes non musulmans; de ces douze un était israélite,
un était grec et les dix autres étaient arméniens! »
Après cette causerie pleine d’érudition et d’humour, qui
a été très prisée, Mr. Macler a donné lecture de quelques pages
qu’il avait bien voulu écrire sur le rôle et la portée des biblio
thèques, et a relevé l’importance du centre intellectuel arménien
fondé grâce à la générosiié de Nubar Pacha. Puis, Mr. A.
Khatissian, ancien président du conseil de la République d’Ar
ménie, s’est plu à rendre hommage, dans une improvisation
chaleureuse, à tout ce que Nubar Pacha a fait pour l’Arménie
et les Arméniens, et a fait remarquer que ses œuvres forment,
pour ainsi dire, un lien de réunion entre tous les Arméniens,
sans distinction de partis.
Ce fut vraiment une fête réconfortante. Elle fut une nouvelle
preuve de l’attachement que les Arméniens ont toujours eu
pour toutes les choses de la Pensée, malgré les vicissitudes
tragiques de leur destinée. Comme le disait si bien Mr.
Gamsaragan, ils ont toujours gardé vivant le flambeau sacré de
l’esprit, que les tempêtes les plus formidables ne sont pas par
venues à éteindre.
UN SAINT ARMENIEN
Le 23 Juin a eu lieu en
grande pompe, à Saint-Pierre
de Rome, la béatification du
prêtre arménien Ter Komitas
Keumurdjian qui, le 25 Oc
tobre 1707, à Constantinople,
eut la tête tranchée d’un coup
de cimeterre par le bourreau
turc, pour avoir embrassé le
catholicisme, «la religion des
Francs». C’est le pape Pie XI
qui a élevé sur les autels le
nouveau bienheureux, dont le
T TF TFfiVTFQ
ABONNEMENTS:
1 er Juillet 1929
LÜi rUYÜiK
Spécial : 100 frs. par an
Populaire: 2b frs. par an
Etranger : 50frs. paran
Rédaction et Administration
208bis. Rue Lafayette
PARIS (10 B )
MM AVA Mil
Organe des Arméniens Réfugiés en France
Le Numéro 1 Franc
Téléphone : NORD 57-82
Paraissant le 'I e ' 1 et le A 5 de chaque mois
Directeur: H. D. N. MASSIS
(en France, aux Colonies et
dans les pays sous mandat)
la BIBLIOTHEQUE ARMÉNIENNE de PARIS
L’inauguration de la Bibliothèque arménienne de Paris, fondée
par Boghos Nubar Pacha et gérée par l’Union Générale Armé
nienne de Bienfaisance, a eu lieu le 15 Juin, à 16 heures, en
présence d’un grand nombre d’Arméniens et de Français, parmi
lesquels nous citons avec plaisir Mr. le Sénateur Victor Bérard,
M. M. Ch. Diehl et Auguste Gauvain, de l’Institut, le Prof.
Macler, Mgr. Graffin, l’Abbé L. Maries, Mr. Bertrand Bareilles,
Mme. Delarue, et Mlle. P. Henri-Bordeaux qui prépare un
roman dont le sujet est tiré de la tragédie arménienne.
En l’absence de Mr. G. Noradounghian, retenu chez lui
par une indisposition, la séance a été présidée par Mr. T.
Gamsaragan, qui, après avoir souhaité en français la bienvenue
aux assistants, a lu une belle allocution en arménien dans laquelle
il a relevé les œuvres intellectuelles de Nubar Pacha, notamment
la fondation de la bibliothèque qu’on fêtait et la superbe donation
du pavillon des Etudiants arméniens à la Cité universitaire qu’on
fêtera bientôt. Mr. Gamsaragan a rapproché à ces fondations
l’ouverture du Collège des Mechiraristes à Sèvres. Cette allocu
tion a été vivement applaudie.
Le conservateur de la bibliothèque, Mr. G. Sinapian, a pris
ensuite la parole et a remercié les assistants de l’empressement
qu’ils ont montré en répondant à l’invitation qui leur avait été
adressée, empressement dû au prestige qu’exerce le nom de
Nubar Pacha. Il a rappelé que le grand bienfaiteur ne s’est pas
contenté de fonder des œuvres purement humanitaires, d’y
contribuer largement, mais qu’il a eu encore à cœur de fonder
des œuvres intellectuelles, et il a cité son œuvre des boursiers,
sa magnifique donation pour la Maison des Etudiants arméniens
et la fondation de cette biM: ^hèque. Pour cette derniere œuvre,
Nubar Pacha a d’abord acheté l’appartement de six pièces où
la bibliothèque a été installée, puis il a fait tous les frais
d’installation et a fait don des ouvrages composant la bibliothèque
de son père et de la sienne propre. Enfin, il a donné un fonds
de 120.000 frs. dont les revenus doivent servir à l’achat et
éventuellement à l’édition d’ouvrages intéressant l’Arménie et
le Proche-Orient.
L’orateur a ensuite cité les personnes qui ont fait des dons
à la bibliothèque. Au premier rang de celles-ci il faut nommer
Mme. Félix Passéga et Mlle. Holas, qui ont bien voulu faire
don à l’Union de la très importante bibliothèque que leur défunt
père, Mr. Vincent Holas, avait formée à Constantinople et qui
constitue le noyau principal du fonds de cette bibliothèque. En
second lieu, il y a lieu de nommer les héritiers de feu Mikael Pacha
Portugal, qui ont aussi fait donation de la presque totalité des
livres de leur père et époux. D’autres personnes font journelle
ment des dons de livres plus ou moins importants.
Une citation particulière est due au legs de feu M. R.
Khérian, qui a laissé une quantité de livres arméniens dont
beaucoup de raretés. Ce legs n’a pas été fait à la Bibliothèque
qui n’existait pas à l’époque, mais M. G. Noradounghian,
mandataire des exécuteurs testamentaires, a déposé ces livres à
la Bibliothèque, en attendant qu’il puisse, comme on l’espère,
en faire la donation définitive.
En signe de reconnaissance on a donné les noms des
principaux donateurs, Boghos Nubar Pacha, Vincent Holas et
Mikael Pacha Portugal, aux trois principales salles de la Biblio
thèque. On a dû, bien entendu, entrer dans la voie de la
spécialisation et consacrer la Bibliothèque surtout aux matières
concernant l’Arménie, les Arméniens et les pays du Proche
Orient. Mr. Vincent Holas et Mikael Pacha Portugal sont décé
dés depuis de longues années, et naturellement leurs bibliothèques
n’étaient pas à jour. Il incombe à l’Union le devoir de complé
ter la Bibliothèque, devoir qu’elle tâchera sans doute de remplir
au mieux malgré les ressources forcément limitées qu’elle possède.
Le conservateur a dit combien nous étions heureux que la
Fondation de la Cité Universitaire et l’Oeuvre de la Bibliothèque
de notre cher Nubar Pacha soient réalisées en France, dans la
douce France où nos compatriotes trouvent une si large et si
généreuse hospitalité. Il a ensuite invité les travailleurs que les
choses arméniennes intéressent à venir souvent travailler à la
Bibliothèque où l’on sera très heureux de se mettre à leur
disposition. Dès à présent, en effet, la Bibliothèque offre des
possibilités de recherches intéressantes.
«j’ai voulu m’en rendre compte moi-même, a dit l’orateur, et j’ai pris
un sujet au hasard: Quel a été par rapport au Bosphore de Constantinople
ie rôle des Arméniens ? Je veux faire part à nos invités d’une très petite partie
des résultats que m ont données mes recherches. Le premier de nos com
patriotes qui s’en est occupé à ma connaissance est Yérémia (Jérémie) Tché-
lébi, qui a écrit un ouvrage très précieux. Yérémia avait aussi voyagé en
Arménie en 1686 et avait recueilli de précieux renseignements, à tel point
qu’à son retour l’Ambassadeur d’Autriche lui demanda de dresser une carte
cîe l'Arménie en y indiquant les villes anciennes et modernes. Ce précieux
document est malheureusement perdu. Yérémia Tchélébi est le frère du
martyr ai ménien Der Comidas dont le nom de inmille est Keumurdjian.
Comidas professait ie catholicisme et ce fut le prétexte de son supplice. A
cette époque les Arméniens catholiques passaient pour pactiser avec l’étran
ger.— Der Comidas eut la tète tranchée le 25 Octobre 1707. En dehors de
toute considération confessionnelle, on doit dire que Comidas fit preuve
d’un courage vraiment admirable. Quelques heures avant son supplice, au
Grand Vizir qui lui demandait pourquoi il professait le catholicisme, il
demanda ironiquement: ((Votre Altesse peut-elle me dire quelle est la vraie
religion arménienne, la catholique ou la non catholique 2» Le Grand Vizir
répondit avec colère que la seule vraie religion était l’islamisme et que
toutes les autres étaient des tissus d’erreurs. «Alors, rétorqua Comidas,
qu’importe à votre Altesse que je professe l'une ou l’autre de ces deux
religions également fausses?» Der Comidas vient d’etre béatifié en Cour de
Home et les solennités religieuses de la béatification se dérouleront dans la
Basilique de St. Pierre dans quelques jours, le Dimanche 23 Juin.
«Un autre écrivain de la même famille, Cosme Keumurdjian, qui avait
italianisé son nom et signait Cosimi di Cartignano et qui était drogman de
l’ambassade d’Espagne, a fait imprimer un ouvrage en italien sur Constan
tinople et le Bosphore qui contient des renseignements très précieux. Enfin
le savant Père L. Indjidjian, Méchitariste de Venise, a écrit tout un volume
sur les villégiatures du Bosphore contenant une introduction en prose et
une description en vers. Cet ouvrage qui nous donne les indications les plus
intéressantes sur les villages du Bosphore a été traduit en italien. En 1813
l’introduction seulement a été traduite en français par F. Martin qu’il ne
faut pas confondre avec le grand arménisant Saint - Martin. Cette traduction
est remplie d’erreurs, mais le traducteur dans sa préface fait l’éloge des
Arméniens; il dit notamment: «Sans les Arméniens, l’Angleterre n’eut
peut-être jamais régné dans l’Inde. En 16S7 des négociants de cette nation
demandèrent à Louis XIV la permission d’installer en France une Com
pagnie des Indes, mais la requête n’eut pas de suite». Martin dit plus loin:
«Le commerce est redevable aux Arméniens de l’utile invention de la
nouvelle tenue des livres. Us sont encore les seuls qui possèdent le secret
de blanchir les perles jaunies par le temps».
«Un grand nombre des édifices qu’ornent les deux rives du Bosphore
sont l’oeuvre d’architectes arméniens. Il faut rappeler que toute une dynas
tie d’architectes, les Balian, originaires du village Bali ou Belen, situé
entre Sis et Marache, ont été les architectes des Sultans ottomans. Ils ont
construit de très nombraux édifices, palais, mosquées, casernes, pavillons,
etc., notamment le palais de Dolma-Baghtché, oeuvre de Garabed Balian,
diversement apprécié: des voyageurs s’en sont montrés enthousiastes, notam
ment l’Italien De Amicis; d’autres, parmi lesquels l’éminent byzantinologue
et historien d’art Mr. Diehl, critiquent l’architecture trop chargée de ce
palais.
«Enfin il y a lieu de noter aussi la part prépondérante pris par les
Arméniens dans le développement de la navigation du Bosphore. Le pre
mier bateau à vapeur qui ait fait son apparition dans le Bosphore est le
«Swift», battant pavillon anglais, et qui arriva de Smyrne le 21 Mai 1828.
Quelques jours après Ivazaz Artin et quelques autres banquiers arméniens,
comprenant l’importance de la nouvelle invention, se cotisèrent, achetèrent
le bateau pour 350.000 piastres et en firent cadeau au Sultan. Quelque
vingt ans après se fondait la première Société anonyme turque, le Ghirketi
Haïrié, ayant pour objet l’exploitation de la navigation à vapeur dans le
Bosphore. Le capital avait été souscrit par le Sultan, les hauts fonctionnaires
turcs et douze capitalistes non musulmans; de ces douze un était israélite,
un était grec et les dix autres étaient arméniens! »
Après cette causerie pleine d’érudition et d’humour, qui
a été très prisée, Mr. Macler a donné lecture de quelques pages
qu’il avait bien voulu écrire sur le rôle et la portée des biblio
thèques, et a relevé l’importance du centre intellectuel arménien
fondé grâce à la générosiié de Nubar Pacha. Puis, Mr. A.
Khatissian, ancien président du conseil de la République d’Ar
ménie, s’est plu à rendre hommage, dans une improvisation
chaleureuse, à tout ce que Nubar Pacha a fait pour l’Arménie
et les Arméniens, et a fait remarquer que ses œuvres forment,
pour ainsi dire, un lien de réunion entre tous les Arméniens,
sans distinction de partis.
Ce fut vraiment une fête réconfortante. Elle fut une nouvelle
preuve de l’attachement que les Arméniens ont toujours eu
pour toutes les choses de la Pensée, malgré les vicissitudes
tragiques de leur destinée. Comme le disait si bien Mr.
Gamsaragan, ils ont toujours gardé vivant le flambeau sacré de
l’esprit, que les tempêtes les plus formidables ne sont pas par
venues à éteindre.
UN SAINT ARMENIEN
Le 23 Juin a eu lieu en
grande pompe, à Saint-Pierre
de Rome, la béatification du
prêtre arménien Ter Komitas
Keumurdjian qui, le 25 Oc
tobre 1707, à Constantinople,
eut la tête tranchée d’un coup
de cimeterre par le bourreau
turc, pour avoir embrassé le
catholicisme, «la religion des
Francs». C’est le pape Pie XI
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