Titre : La Vie au grand air : revue illustrée de tous les sports
Éditeur : P. Lafitte (Paris)
Date d'édition : 1907-10-19
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32888685g
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 1179 Nombre total de vues : 1179
Description : 19 octobre 1907 19 octobre 1907
Description : 1907/10/19 (A10,N474). 1907/10/19 (A10,N474).
Description : Collection numérique : Musée national du sport. Collection numérique : Musée national du sport.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97968471
Source : Musée Air France, 2013-54106
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/05/2018
La Vie au Grand Air
SUR LES TERRAINS : ALLAN HENRY MUHRc
Allan Henry Muhr, ex=capitaine de l'équipe de Rugby
du R. C. F., fut l'un des meilleurs joueurs de football
qui aient figuré dans des teams français 0 Quelques
anecdotes a 00 0 000000 00000
Allan Muhr
Ex-capitaine de
l'équipe de rugby du Ru-
cing-Club de France. Foot-
balleur, joueur de tennis, automobiliste,
il excelle dans tous les sports.
L'EXISTENCE chère à d'Allan Henry Muhr est une démonstration de cette idée,
chère à certains philosophes, que nous ne sommes jamais complètement
indépendants. Rien de plus libre, en apparence, que cet Américain de
Pensylvanie, transplanté dans notre civilisation tâtillonne; que ce
vigoureux garçon au profil de Sioux, que nous verrions assez bien avec des
anneaux dans le nez et des plumes en bataille dans la chevelure.
Il nous étonne et nous charme parce qu'il n'est l'esclave d'aucun chef de
bureau, d'aucun patron, d'aucun rédacteur en chef, pas même des dirigeants
de l'U. S. F. S. A. Il fait ce qui lui plaît, à l'heure qui lui plaît. Il est admi-
rable de sérénité malicieuse et de cynique tranquillité.
Or, ce calme épicurien, ce sage d'outre-Atlantique n'est point indépendant!
Voici qu'il nous apparaît esclave, lui aussi, non point de quelqu'un, mais de
quelque chose, ce qui est bien pis, parce que le mal est sans remède. Allan
Muhr est esclave de sa passion pour le football rugby! Ce n'est pas une
passion dégradante — du moins nous le pensons — et il faut en remercier les
dieux pour lui.
Car jamais démon ne s'empara d'une âme mortelle, comme celui du football
rugby de l'âme d'Allan Muhr. A cette frénésie, il a sacrifié toutes ses pensées,
tous ses instants, et jusqu'aux autres passions dont l'assouvissement occupe
l'humanité, s'il ne la satisfait point. Sous son empire, il se livre à mille occu-
pations qui nous paraissent baroques et qui sont simplement rituelles : confec
tion de calendriers, rédaction de procès-verbaux, envois de convocations, et
tant d'autres de ces opérations solennellement puériles qu'impose seule la
fatalité dé la passion.
Les autres amours terrestres lui paraissent négligeables : sa pipe, l'automo-
bile, le tennis, ne sont pour lui que des divertissements agréables, sans plus,
auxquels, du reste, il n'a guère le loisir de s'attarder.
L'attention qu'il donne au football et à ses œuvres l'a conduit à être inter-
national et capitaine du Racing Club de France. Il ne désirait pas autre chose,
et il pourra dire qu'ici bas il a rencontré le bonheur, si l'on pense, du
moins, nue la satisfaction des nlus vifs désirs est seule caDable de le donner.
C'est pourquoi l'histoire d'Allan Muhr n'a pas de péripéties. Ce n'est qu'un achemine-
ment, à la lumière d'une ambition douce, vers le poste d'honneur qu'il occupe à présent.
Pour les personnes inquiètes de réussir dans la vie, l'action régulière de cette volonté ferme
peut être donnée en exemple. Tout rapporter à l'objet de ses efforts est encore le meilleur
moyen qu'on connaisse de l'atteindre.
Il est probable qu'en naissant, Allan Muhr était désigné pour devenir un jour capitaine
du Racing Club. Quand il débarqua en France, les footballeurs comprirent qu'il leur
venait un maître d'outre-Atlantique.
A peine arrivé parmi nous, il fut quelque chose dans le grand club d'athlétisme. Pour
reconnaître cet accueil, il décida de faire de la propagande en faveur de son club d'adop-
tion. Il racola les scolaires, en vue de renforcer les équipes. Et pour y mieux parvenir, il
songea à s'installer dans la place. Il se décida à entrer au lycée Janson, pour avoir le droit
de jouer avec l'équipe de cet établissement.
Les mains dans ses poches, il alla trouver, un jour, le proviseur et lui dit :
— Monsieur, je m'appelle Allan Henry Muhr. Je suis Américain. Je désire entrer chez
vniiQ
— En quelle qualité?
— Comme élève.
— Très bien. Dans quelle classe avez-vous l'intention de débuter?
— Ça m'est égal, dit Allan, avec un calme impressionnant. Puis il ajouta : « Donnez-moi
votre catalogue ».
Le proviseur sourit et lui donna le prospectus de l'établissement. Muhr le parcourut et
lut ces mots : « Classes élémentaires. Premiers exercices de langue française ».
— Je pourrais entrer là, dit-il, en désignant du doigt le programme de la classe de
huitième.
— Mais c'est une classe pour les enfants.
— Ça ne fait rien, dit Muhr. Je ne viendrai pas. Où faut-il payer le trimestre?
C'est ainsi qu'Allan Muhr entra au lycée Janson, dans l'unique intention de jouer au
football comme scolaire. Mais le destin fut cruel : au premier match, le brave cowboy se
démit l'épaulâi Il en fut pour ses frais d'enseignement.
Un jour qu'il s'ennuyait, il songea à prendre une occupation accessoire. Il vint chez le
directeur d'une grosse maison de commission et d'exportation et, brusquement, il lui dit :
— Je désire m'occuper. Voulez-vous me prendre chez vous ? Ça ne vous coûtera rien, car
Je ne veux pas être payé.
— Nous ne faisons cas travailler les sens pour rien, dit le directeur. Je veux bien
vous prendre, mais vous recevrez cent cinquante francs par mois.
— Si vous y tenez... dit Muhr avec un sourire indéfinissable. Seulement je
désire être libre le jeudi après-midi, pour jouer au football.
Tant bien que mal l'affaire se conclut. Mais l'entente ne dura pas longtemps.
Vn jour, le directeur, impatienté, pria son employé de choisir entre le lootball
ou les affaires.
— Je choisis le football, dit Muhr; et il s'en alla de son pas paisible.
Hélas! voici que ce footballeur éminent va sans doute prendre définitivement
sa retraite. Une blessure reçue au genou, l'an dernier, semble lui interdire,
désormais, de fleurer sur les terrains de rUllbv. Il lui reste l'automobil<\
consolation dont il use avec quelque discrétion. Mais il suit toutes les grandes épreuves.
— Il faut bien que je m'occupe, dit-il avec son bon sourire.
Charmant camarade, avant de rugby puissant, adroit et astucieux, Allan Henry Muhr est devenu
par surcroît une sorte de sous-pontife à l'U. S. F. S. A. Mais c'est pour y faire les affaires de son
équipe, n'en doutez pas. C'est aussi pou y préparer le tournoi de lawn-tennis d'Etretat, qui est
proprement son occupation d'été et qu'il mène à bien depuis plusieurs années. Il fait tout ceja
avec ce flair subtil et cette logique écrasante qui lui valent un renom mérité d'administrateur de
premier ordre. Et peut-être qu'ayant pris goût au métier, Allan terminera ses jours sur un rond
de cuir entre des cartons verts. Chez nous les plus éclatants sportsmen n'ont souvent pas d'autre fin.
FERNAND BIDAULT.
214
SUR LES TERRAINS : ALLAN HENRY MUHRc
Allan Henry Muhr, ex=capitaine de l'équipe de Rugby
du R. C. F., fut l'un des meilleurs joueurs de football
qui aient figuré dans des teams français 0 Quelques
anecdotes a 00 0 000000 00000
Allan Muhr
Ex-capitaine de
l'équipe de rugby du Ru-
cing-Club de France. Foot-
balleur, joueur de tennis, automobiliste,
il excelle dans tous les sports.
L'EXISTENCE chère à d'Allan Henry Muhr est une démonstration de cette idée,
chère à certains philosophes, que nous ne sommes jamais complètement
indépendants. Rien de plus libre, en apparence, que cet Américain de
Pensylvanie, transplanté dans notre civilisation tâtillonne; que ce
vigoureux garçon au profil de Sioux, que nous verrions assez bien avec des
anneaux dans le nez et des plumes en bataille dans la chevelure.
Il nous étonne et nous charme parce qu'il n'est l'esclave d'aucun chef de
bureau, d'aucun patron, d'aucun rédacteur en chef, pas même des dirigeants
de l'U. S. F. S. A. Il fait ce qui lui plaît, à l'heure qui lui plaît. Il est admi-
rable de sérénité malicieuse et de cynique tranquillité.
Or, ce calme épicurien, ce sage d'outre-Atlantique n'est point indépendant!
Voici qu'il nous apparaît esclave, lui aussi, non point de quelqu'un, mais de
quelque chose, ce qui est bien pis, parce que le mal est sans remède. Allan
Muhr est esclave de sa passion pour le football rugby! Ce n'est pas une
passion dégradante — du moins nous le pensons — et il faut en remercier les
dieux pour lui.
Car jamais démon ne s'empara d'une âme mortelle, comme celui du football
rugby de l'âme d'Allan Muhr. A cette frénésie, il a sacrifié toutes ses pensées,
tous ses instants, et jusqu'aux autres passions dont l'assouvissement occupe
l'humanité, s'il ne la satisfait point. Sous son empire, il se livre à mille occu-
pations qui nous paraissent baroques et qui sont simplement rituelles : confec
tion de calendriers, rédaction de procès-verbaux, envois de convocations, et
tant d'autres de ces opérations solennellement puériles qu'impose seule la
fatalité dé la passion.
Les autres amours terrestres lui paraissent négligeables : sa pipe, l'automo-
bile, le tennis, ne sont pour lui que des divertissements agréables, sans plus,
auxquels, du reste, il n'a guère le loisir de s'attarder.
L'attention qu'il donne au football et à ses œuvres l'a conduit à être inter-
national et capitaine du Racing Club de France. Il ne désirait pas autre chose,
et il pourra dire qu'ici bas il a rencontré le bonheur, si l'on pense, du
moins, nue la satisfaction des nlus vifs désirs est seule caDable de le donner.
C'est pourquoi l'histoire d'Allan Muhr n'a pas de péripéties. Ce n'est qu'un achemine-
ment, à la lumière d'une ambition douce, vers le poste d'honneur qu'il occupe à présent.
Pour les personnes inquiètes de réussir dans la vie, l'action régulière de cette volonté ferme
peut être donnée en exemple. Tout rapporter à l'objet de ses efforts est encore le meilleur
moyen qu'on connaisse de l'atteindre.
Il est probable qu'en naissant, Allan Muhr était désigné pour devenir un jour capitaine
du Racing Club. Quand il débarqua en France, les footballeurs comprirent qu'il leur
venait un maître d'outre-Atlantique.
A peine arrivé parmi nous, il fut quelque chose dans le grand club d'athlétisme. Pour
reconnaître cet accueil, il décida de faire de la propagande en faveur de son club d'adop-
tion. Il racola les scolaires, en vue de renforcer les équipes. Et pour y mieux parvenir, il
songea à s'installer dans la place. Il se décida à entrer au lycée Janson, pour avoir le droit
de jouer avec l'équipe de cet établissement.
Les mains dans ses poches, il alla trouver, un jour, le proviseur et lui dit :
— Monsieur, je m'appelle Allan Henry Muhr. Je suis Américain. Je désire entrer chez
vniiQ
— En quelle qualité?
— Comme élève.
— Très bien. Dans quelle classe avez-vous l'intention de débuter?
— Ça m'est égal, dit Allan, avec un calme impressionnant. Puis il ajouta : « Donnez-moi
votre catalogue ».
Le proviseur sourit et lui donna le prospectus de l'établissement. Muhr le parcourut et
lut ces mots : « Classes élémentaires. Premiers exercices de langue française ».
— Je pourrais entrer là, dit-il, en désignant du doigt le programme de la classe de
huitième.
— Mais c'est une classe pour les enfants.
— Ça ne fait rien, dit Muhr. Je ne viendrai pas. Où faut-il payer le trimestre?
C'est ainsi qu'Allan Muhr entra au lycée Janson, dans l'unique intention de jouer au
football comme scolaire. Mais le destin fut cruel : au premier match, le brave cowboy se
démit l'épaulâi Il en fut pour ses frais d'enseignement.
Un jour qu'il s'ennuyait, il songea à prendre une occupation accessoire. Il vint chez le
directeur d'une grosse maison de commission et d'exportation et, brusquement, il lui dit :
— Je désire m'occuper. Voulez-vous me prendre chez vous ? Ça ne vous coûtera rien, car
Je ne veux pas être payé.
— Nous ne faisons cas travailler les sens pour rien, dit le directeur. Je veux bien
vous prendre, mais vous recevrez cent cinquante francs par mois.
— Si vous y tenez... dit Muhr avec un sourire indéfinissable. Seulement je
désire être libre le jeudi après-midi, pour jouer au football.
Tant bien que mal l'affaire se conclut. Mais l'entente ne dura pas longtemps.
Vn jour, le directeur, impatienté, pria son employé de choisir entre le lootball
ou les affaires.
— Je choisis le football, dit Muhr; et il s'en alla de son pas paisible.
Hélas! voici que ce footballeur éminent va sans doute prendre définitivement
sa retraite. Une blessure reçue au genou, l'an dernier, semble lui interdire,
désormais, de fleurer sur les terrains de rUllbv. Il lui reste l'automobil<\
consolation dont il use avec quelque discrétion. Mais il suit toutes les grandes épreuves.
— Il faut bien que je m'occupe, dit-il avec son bon sourire.
Charmant camarade, avant de rugby puissant, adroit et astucieux, Allan Henry Muhr est devenu
par surcroît une sorte de sous-pontife à l'U. S. F. S. A. Mais c'est pour y faire les affaires de son
équipe, n'en doutez pas. C'est aussi pou y préparer le tournoi de lawn-tennis d'Etretat, qui est
proprement son occupation d'été et qu'il mène à bien depuis plusieurs années. Il fait tout ceja
avec ce flair subtil et cette logique écrasante qui lui valent un renom mérité d'administrateur de
premier ordre. Et peut-être qu'ayant pris goût au métier, Allan terminera ses jours sur un rond
de cuir entre des cartons verts. Chez nous les plus éclatants sportsmen n'ont souvent pas d'autre fin.
FERNAND BIDAULT.
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