Dès les années 50, les femmes sont, comme les hommes, engagées dans l'aventure de la conquête des
8000 himalayens. En 1959, l'expédition internationale féminine au Cho Oyu (8153 m), dirigée par Claude
Kogan, illustre leur ténacité et leur courage.
par Cécile Ottogalli, historienne, CRIS, Université de Lyonl, comité scientifique de la FFCAM
En 1940, Claude Trouillet a 20 ans lorsqu'elle s'inscrit au club niçois Ski Montagne. Grimpeuse plus que mon- tagnarde, son intégration n'est pas immédiate. Mais Claude est douée, plus que certains hommes, et rapidement elle se distingue par sa volonté et sa capacité à grimper en tête de cordée, à une époque où l'ordre social souhaite les femmes davantage en second de cordée. Avec Georges Kogan - qu'elle épouse en 1945 - elle enchaîne les courses dont la plupart en réversi- ble. Ces mots de Georges Kogan à l'attention de Lucien Devies en 1949 en disent long sur l'ex- cellence alpine de cette femme : «Je profite de la présente pour vous envoyer notre liste de courses annuel- les. L'ordre de la cordée y est respecté, et j'attire votre attention sur le fait que presque toutes les courses ont été conduites par ma femme, qui non seulement a toujours été à la hauteur de-la situation, mais avait l'initiative entière dans la conduite des courses
et, dans les Dolomites, est arrivée à vaincre en toute sécurité des passages, (qu'à cette époque, tout au moins), j'étais réellement incapable de fran- chir en tête». A partir de 1950, le couple commence sa conquête des montagnes du monde avec la Cordillera B lança au Pérou où Claude réalise, avec Nicole Lei- ninger, une première ascension en cordée féminine au sommet du Guitaraju (6100m).
DOUZE FEMMES
Elle continue seule après le décès soudain de Georges en décembre 1951 : le Salcantay en 1952, le Nun Kun en 1953, puis c'est la première tentative de la conquête du Cho Oyu (8153 m), situé à la frontière tibéto-népalaise, avec le guide Raymond Lambert en 1954. Vain- cus par le vent, ils font demi-tour à 450m du sommet. A ce moment-là, Claude sait qu'elle reviendra. Elle enchaîne avec le Ganesh Himal en 1955, le Groenland en 1956, puis des ascensions au Pérou en 1957 et au Caucase en 1958, et devient «la femme la plus haute du monde», effectuant régulièrement des pas- sages en tête de cordée. Pourtant,
elle aspire à encore plus de liber- té. Claude Kogan, la pionnière, l'entrepreneuse, la femme de tous les défis, rêve de diriger une expédition exclusivement fémi- nine à la conquête d'un 8000, en l'occurrence, celui qu'elle connaît le mieux, le Cho Oyu. Cette fois, il s'agit de donner l'initiative aux femmes, rien qu'aux femmes, en regroupant les meilleures d'en- tre elles. En 1957, lors du jubilé du Ladies Alpine Club, elle fait l'annonce de son projet. Trois Anglaises, toutes alpinistes expé- rimentées, Dorothea Gravina, «le général... faisant preuve d'une acti- vité inlassable », Margarett Darwall et Eileen Healey «une fille solide qui monte sans souffler» manifes- tent leur intérêt. Côté français, Claude sollicite la compagnie de Jeanne Franco, l'amie de toujours, Claudine van der Straten Ponthoz du Club alpin belge, « la charming girl», avec qui elle a fait plus d'un sommet dans les Andes et Lou- lou Boulaz, la Suissesse, l'une des meilleures alpinistes de l'époque. Enfin, Colette Lebret, «une fille épatante, fair-play et active » sera te médecin de l'équipe et ►
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