Titre : Comœdia illustré : journal artistique bi-mensuel / [directeur-gérant : M. de Brunoff]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-09-15
Contributeur : Brunhoff, Maurice de (1861-1937). Directeur de publication
Contributeur : Hébertot, Jacques (1886-1970). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745943n
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 15 septembre 1910 15 septembre 1910
Description : 1910/09/15 (A2,N24). 1910/09/15 (A2,N24).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k97043869
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, FOL-YF-183
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/07/2016
7.22 COMŒDIA ILLUSTRÉ
M. ALBERT VANDAL.
UN FAUTEUIL
POUR CAPUS
LORSQUE, sur le coup de ses
huit ans, Mgr le duc du
Maine s'avisa d'écrire une fable,
M. Jean Racine, l'un des qua-
rante, affirma que les acadé-
miciens se battaient à qui
mourrait le premier, à cette
fin d'avoir l'honneur de laisser
son fauteuil à l'Altesse.
Alfred Capus a un peu plus
de huit ans, n'en est pas à
une fable près et ne souhaite
aucun trépas. L'Académie
française ne s'est pas ruée à
sa rencontre et lui a même
préféré un autre homme de
théâtre. Mais il y a des gens
qui ont leur destin dans les
astres. Sitôt disparu le vicomte
de Vogüé qui devait servir de
parrain à M. Brieux, voici que
décède le comte Vandal qui
le suppléa dans cette tâche. Et toute émotion et tous
légitimes regrets mis à part, ce sont deux sièges à pour-
voir, deux sièges de plus.
Evidemment, Eugène-Melchior de Vogüé, en dépit
de son livre Spectacles contemporains, n'était pas auteur
dramatique et Albert Vandal se contentait d'être de toutes
les premières et de tous les ballets sans commettre le moin-
dre dialogue, la plus petite féerie ou le pire mélodrame
historique.
Mais on sait que c'est un jeu — et le jeu de la Coupole —
de remplacer un philosophe — s'il en reste — par un poli-
ticien, un historien par un parodiste, un vaudevilliste par
un statisticien : la comédie du discours de réception est mille
fois plus divertissante, à cause des obstacles, des difficultés
de tous les ponts aux ânes du billard vert. Il faut reconnaî-
tre, au reste, que le prosateur Barrès a divinement loué lè
poète José-Maria de Heredia et que Maurice Donnay a
fort dignement célébré un autre élève de l'Ecole des Chartes,
Albert Sorel.
Ne m'objectez pas, s'il vous plaît, que E.- M. de Vogüé
était vicomte, que Vandal était comte et que le parti des
ducs se fait bien maigre et bien pauvre : attendons les évé-
nements ; vous savez bien, d'ores et déjà, que Jules Lemaî-
tre et Paul Bourget seront princes; René Bazin, René
Doumic, Donnay et Faguet, barons; que Frédéric Masson
et Barrès seront vice-rois et que Capus, pour le moins, sera
marquis. Et la façon dont il a peint, en pied, le conseiller
d'Etat Le Hautois nous permet de voir, d'entendre d'ici
le passage où il relatera les impressions de l'auditeur Van-
dal, du secrétaire d'ambassade Vogué!
Il y a quelque chose de plus grave, quelque chose
de terrible : l'Académie a fait ou croit avoir fait son plein
d'auteurs dramatiques : elle en compte une demi-douzaine !
Eh bien ! Si nous remontons de quelque vingt-cinq années,
nous obtenons une proportion plus forte, au jugé : Alexandre
Dumas fils, Victorien Sardou, Emile Augier, Octave Feuil-
let, Labiche, Halévy, Coppée,
Leconte de Lisle, Pailleron —
et j'en passe ! Legouvé ! Ca-
mille Doucet, que sais-je ? Ils
sont là une brave dizaine, un
bon et franc quart des quarante
— et c'est stricte justice.
Eh bien ! est-ce que le
théâtre a perdu à ce point
de son importance depuis,
pour qu'on restreigne, sous
la coupole, son nombre à quel-
ques unités éminentes ? Est-
ce que le théâtre fut jamais
plus puissant, plus envahis-
sant, plus tyrannique qu'au-
jourd'hui ? Il n'est pas entré
dans les moeurs ; il les domine,
les submerge, les'rénove ; dans
les cours et tribunaux, au
Parlement, il corrige l'appli-
cation, le texte même des
lois; il est partout, il est tout. N'a-t-il pas même, au sein de
l'illustre compagnie, débauché jusque à ceux-là' des mortels
qui semblaient le moins faits pour ses trétaux, MM. France,
Bourget et Loti ?
Je sais bien que, au fond de soi, l'Académie française
n'aime pas l'art dramatique : elle l'admet parce qu'il
faut s'amuser quelque part et que, parfois, il faut vivre,
mais elle préféra toujours le moindre marquis de Vogüé
au plus grand des Porto-Riche ! Ces gens de spectacles
ne sont pas nés et ça gagne de l'argent! Ferait-on pas mieux
de se donner un peu plus à l'histoire et à la philosophie
qui manquent de bras qu'à la comédie qui n'a que trop de
corps ! Heureusement la noblesse de robe et d'épée lâche
les bouquins d'amateur pour l'auto et l'aéroplane : tant
que l'Académie des sports n'aura pas été annexée à l'Aca-
démie, tout court, on pourra respirer. Et voilà pourquoi
Alfred Capus doit être élu, doit être présenté aux suffra-
ges des successeurs de Marivaux, de Musset et de Renan. C est
l'instant, c'est le moment. Ce n'est pas très facile. L'auteur
de la Bourse ou la vie a été ulcéré de son unique échec. Peu
au courant des coquetteries, des jeux de bascule, des demi-
sourires, des fausses cruautés de la compagnie, de ses péni-
tences à court terme et de ses mortelles gentillesses, le pauvre
s'est cru ajourné sine die et, d'un pas ferme, est revenu au
désert, à un désert assez peuplé : le boulevard. Il faudra
lui faire signe.
Pourquoi tarder ? La reprise de fortune des Deux Ecoles
qui a renouvelé, en le soulignant, le triomphe d'il y a huit
ans, l'apparition de ce mélancolique et vivant Robinson qui
est un moderne Gil Blas et un enfant du siècle entré dans
les machines agricoles, le succès certain, demain, de l'Aven-
turier, voilà des galons récents, des étoiles adventices. Une
vingtaine de pièces victorieuses tassées en huit volumes,
c'est un bagage mieux que princier. Et tant d'articles, de
formules, de mots, de sourires, tant de philosophie précise,
assise, ailée, un don de prophétie tranquille, de la lumière
M. ALBERT VANDAL.
UN FAUTEUIL
POUR CAPUS
LORSQUE, sur le coup de ses
huit ans, Mgr le duc du
Maine s'avisa d'écrire une fable,
M. Jean Racine, l'un des qua-
rante, affirma que les acadé-
miciens se battaient à qui
mourrait le premier, à cette
fin d'avoir l'honneur de laisser
son fauteuil à l'Altesse.
Alfred Capus a un peu plus
de huit ans, n'en est pas à
une fable près et ne souhaite
aucun trépas. L'Académie
française ne s'est pas ruée à
sa rencontre et lui a même
préféré un autre homme de
théâtre. Mais il y a des gens
qui ont leur destin dans les
astres. Sitôt disparu le vicomte
de Vogüé qui devait servir de
parrain à M. Brieux, voici que
décède le comte Vandal qui
le suppléa dans cette tâche. Et toute émotion et tous
légitimes regrets mis à part, ce sont deux sièges à pour-
voir, deux sièges de plus.
Evidemment, Eugène-Melchior de Vogüé, en dépit
de son livre Spectacles contemporains, n'était pas auteur
dramatique et Albert Vandal se contentait d'être de toutes
les premières et de tous les ballets sans commettre le moin-
dre dialogue, la plus petite féerie ou le pire mélodrame
historique.
Mais on sait que c'est un jeu — et le jeu de la Coupole —
de remplacer un philosophe — s'il en reste — par un poli-
ticien, un historien par un parodiste, un vaudevilliste par
un statisticien : la comédie du discours de réception est mille
fois plus divertissante, à cause des obstacles, des difficultés
de tous les ponts aux ânes du billard vert. Il faut reconnaî-
tre, au reste, que le prosateur Barrès a divinement loué lè
poète José-Maria de Heredia et que Maurice Donnay a
fort dignement célébré un autre élève de l'Ecole des Chartes,
Albert Sorel.
Ne m'objectez pas, s'il vous plaît, que E.- M. de Vogüé
était vicomte, que Vandal était comte et que le parti des
ducs se fait bien maigre et bien pauvre : attendons les évé-
nements ; vous savez bien, d'ores et déjà, que Jules Lemaî-
tre et Paul Bourget seront princes; René Bazin, René
Doumic, Donnay et Faguet, barons; que Frédéric Masson
et Barrès seront vice-rois et que Capus, pour le moins, sera
marquis. Et la façon dont il a peint, en pied, le conseiller
d'Etat Le Hautois nous permet de voir, d'entendre d'ici
le passage où il relatera les impressions de l'auditeur Van-
dal, du secrétaire d'ambassade Vogué!
Il y a quelque chose de plus grave, quelque chose
de terrible : l'Académie a fait ou croit avoir fait son plein
d'auteurs dramatiques : elle en compte une demi-douzaine !
Eh bien ! Si nous remontons de quelque vingt-cinq années,
nous obtenons une proportion plus forte, au jugé : Alexandre
Dumas fils, Victorien Sardou, Emile Augier, Octave Feuil-
let, Labiche, Halévy, Coppée,
Leconte de Lisle, Pailleron —
et j'en passe ! Legouvé ! Ca-
mille Doucet, que sais-je ? Ils
sont là une brave dizaine, un
bon et franc quart des quarante
— et c'est stricte justice.
Eh bien ! est-ce que le
théâtre a perdu à ce point
de son importance depuis,
pour qu'on restreigne, sous
la coupole, son nombre à quel-
ques unités éminentes ? Est-
ce que le théâtre fut jamais
plus puissant, plus envahis-
sant, plus tyrannique qu'au-
jourd'hui ? Il n'est pas entré
dans les moeurs ; il les domine,
les submerge, les'rénove ; dans
les cours et tribunaux, au
Parlement, il corrige l'appli-
cation, le texte même des
lois; il est partout, il est tout. N'a-t-il pas même, au sein de
l'illustre compagnie, débauché jusque à ceux-là' des mortels
qui semblaient le moins faits pour ses trétaux, MM. France,
Bourget et Loti ?
Je sais bien que, au fond de soi, l'Académie française
n'aime pas l'art dramatique : elle l'admet parce qu'il
faut s'amuser quelque part et que, parfois, il faut vivre,
mais elle préféra toujours le moindre marquis de Vogüé
au plus grand des Porto-Riche ! Ces gens de spectacles
ne sont pas nés et ça gagne de l'argent! Ferait-on pas mieux
de se donner un peu plus à l'histoire et à la philosophie
qui manquent de bras qu'à la comédie qui n'a que trop de
corps ! Heureusement la noblesse de robe et d'épée lâche
les bouquins d'amateur pour l'auto et l'aéroplane : tant
que l'Académie des sports n'aura pas été annexée à l'Aca-
démie, tout court, on pourra respirer. Et voilà pourquoi
Alfred Capus doit être élu, doit être présenté aux suffra-
ges des successeurs de Marivaux, de Musset et de Renan. C est
l'instant, c'est le moment. Ce n'est pas très facile. L'auteur
de la Bourse ou la vie a été ulcéré de son unique échec. Peu
au courant des coquetteries, des jeux de bascule, des demi-
sourires, des fausses cruautés de la compagnie, de ses péni-
tences à court terme et de ses mortelles gentillesses, le pauvre
s'est cru ajourné sine die et, d'un pas ferme, est revenu au
désert, à un désert assez peuplé : le boulevard. Il faudra
lui faire signe.
Pourquoi tarder ? La reprise de fortune des Deux Ecoles
qui a renouvelé, en le soulignant, le triomphe d'il y a huit
ans, l'apparition de ce mélancolique et vivant Robinson qui
est un moderne Gil Blas et un enfant du siècle entré dans
les machines agricoles, le succès certain, demain, de l'Aven-
turier, voilà des galons récents, des étoiles adventices. Une
vingtaine de pièces victorieuses tassées en huit volumes,
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