Titre : Qui ? : le magazine de l'énigme et de l'aventure
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1950-10-02
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34428971z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 octobre 1950 02 octobre 1950
Description : 1950/10/02 (N222). 1950/10/02 (N222).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k966480x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, FOL-JO-3923
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/01/2021
AU CENTRAL DES P. T. T. DE VAUGIRARD,
TOUS LES
POSTIERS
II, n’est aucun des cinq mille agents des
* P. T. T. du Central des chèques postaux
de la rue d’Alleray qui n’ait eu, un jour ou
1 ’autre, recours aux soins de J eanine Lemaire,
la gentille infirmière.
Dès l’arrivée de la jeune femme, cela
commence :
— J eanine, descends vite au sous-sol !
Un électricien vient de s’écraser un doigt.
— Mademoiselle Lemaire, M me Durand
s’est encore trouvée mal !
Et Jeanine fonce, sa boîte à pharmacie
sous le bras, dans l'immense dédale de la
fourmilière. Sa main ne tremble pas sur
les pansements et son sourire réconforte
le malade ou le blessé.
Sa rude journée terminée, J eanine regagne
la petite chambre qu’elle occupe dans l’ap
partement de sa mère, avenue de la Grande-
Armée.
Au mur, au-dessus de son divan, elle ne
manque jamais de regarder une photogra
phie représentant un beau cavalier en conver
sation avec le roi d’Espagne : son père,
à l’issue d’un concours hippique brillam
ment remporté par lui devant les meilleures
cravaches d’Europe.
Papa Lemaire ? Elle se le rappelle, sévère
mais souriant, heureux et fier de ses trois
filles, Annette, Brigitte et Jeanine, qu’il
emmenait dans sa voiture pour de longues
randonnées.
Les souvenirs montent au cœur de Jea
nine. Son père, dépositaire général, à Lille,
des huiles Desmarets, a été tué à Dunkerque,
sur cette même plage où, enfant, elle allait
jouer avec ses sœurs.
Elle revoit son père, pour l’anniversaire
de ses 6 ans, le 25 octobre 1926, entrer à
la maison, une petite bicyclette à la main.
—• Mais je ne sais pas monter à vélo !
— Justement. Ça te permettra d’ap
prendre.
Une chaleur au cœur, des images précises
comme des photographies : une automo
bile qui s'engage sur un passage à niveau ;
sa mère qui, soudain, crie ; « Attention !
le train arrive ! » ; trois petites filles qui se
mettent à trembler ; une rapide marche
arrière ; des wagons qui passent dans un
hurlement infernal, à quelquês mètres
du capot...
Les années défilent dans sa mémoire,
comme un film. Elle a 15 ans, elle joue
encore à la poupée ; sa mère est appelée
à Paris comme fondée de pouvoirs d’un cabi
net de produits pharmaceutiqnes. Toute
la famille s’installe dans la capitale.
Jeanine poursuit ses études à Saint-Joseph-
de-Cluny, puis aux Bernardines, jusqu’au
brevet élémentaire. Elle veut être infir
mière, vocation traditionnelle dans la famille
Lemaire. A l’Ecole de la Salpêtrière, elle
obtient le diplôme de spécialiste, après
deux ans d’études. Cela ne suffit pas à son
ambition : pendant six mois, elle est infir
mière de l’Air.
épreuves tant sur piste que sur route, et
s’en adjuge dix-huit. Elle n’est battue que
de peu pour le championnat de France
de la Fédération travailliste ; mais, le I er oc
tobre 1948, à Saint-Denis, elle bat le record
du monde de l’heure. Elyane Bonneau le
lui reprend l’année suivante. Jeanine se
remet en piste le 31 juillet 1949, à Tou
louse, et reconquiert son bien. On Je lui
conteste, car elle n’appartient pas à la
Fédération officielle.
Qu’à cela ne tienne ! Elle endosse le
maillot jaune cerclé bleu et rouge du Vélo
Club du XII e , avec la ferme intention
d’être officiellement, cette fois, recordwoman
du monde. Les vacances approchent. Jea
nine, qui a pris une licence d’indépendante,
réserve les prix gagnés dans les courses
routières ou sur les vélodromes pour aller
à Toulouse tenter le record. Le 9 septembre,
enfin, elle se met en piste à 18 h. 30 ; bien
assise sur sa selle haute, elle roule en sou
plesse. En trente minutes, elle couvre
19 km. 471. Quand elle se relève, après une
heure de durs efforts, elle a gagné : elle a
parcouru 38 km. 600 !
Depuis ce jour, au Central Alleray, Jea
nine Lemaire et sa collègue, M me Car
bonnier, se demandent, en souriant, si tous
ceux qui viennent chercher à l’infirmerie
un cachet d’aspirine 11e leur rendent pas
plutôt visite dans le but inavoué d’inter
viewer la recordwoman du monde.
— Alors, Jeanine, vous avez encore
gagné, dimanche ? Et ce record, toujours
debout ? J’espère que vous allez « nous »
le conserver longtemps !...
Mais Jeanine pense à autre chose. Cette
jeune femme, aimable et discrète, dont la
photo a paru dans tous les journaux sportifs,
ne veut pas être un phénomène. Son désir ?
Se marier et avoir des enfants.
— Je suis une femme comme les autres.
Gourmande, elle prépare des petits plats
pour sa mère et aussi pour elle ; élégante,
elle préfère la ligne classique à certaines
extravagances. Elle dit d’elle-même :
— Je suis une bonne fille qui aime ce
qui plaît à tout le monde.
Et, son travail terminé, elle monte sur
son vélo pour rentrer à toute allure chez elle
Jeanine Lemaire,
avant d’être record
woman du monde,
est infirmière ; cha
que jour, elle se
dépêche de retirer
sa blouse blanche
pour remettre, tou
jours avec un gra
cieux sourire, ses
vêtements de ville.
des
romans - fleuves
où elle aime à lire
étrangers.
Mais, femme avant tout, ne voulant pas
qu'on la confonde avec ces super-athlètes
de son sexe pour qui le sport ne tend qu’à
être la manifestation d’on ne sait quelle
vaine supériorité physique sur l’homme
moyen, elle répond à ceux qui lui demandent
quel est son métier :
— Moi ? Mais je suis infirmière !
Raymond VANKER.
(Reportage photo. J.-G. Séruzier,
DÉTECTIVE.)
Elle obtient enfin son emploi aux P. T. T.
Là, un jour, elle rencontre Emile Georger,
le gardien du garage des vélos. Pour tous
les agents postiers, il est Mimile, depuis
23 ans qu’il s’occupe des bicyclettes de ses
collègues.
Et, depuis ce jour-là, la vie de Jeanine
est transformée.
Mimile, ancien coureur cycliste amateur
du Clamart Sportif Club, est devenu, après
la guerre de 1939, un .des dirigeants du
Vélo Club du XIII e . Il a vite repéré l’allure
de Jeanine, qui, chaque matin, arrive en
trombe au garage.
— Dis donc! t’as une drôle de cadence.
Tu devrais nous accompagner dans nos
randonnées dans la vallée de Chevreuse.
Jeanine, pour qui la bicyclette n’était
qu’un moyen de transport plus agréable
que le métro ou l’autobus, part, un di
manche, avec Mimile et quelques-uns de
Le sportif Emile Georger sut deviner
en Jeanine la future championne.
ses camarades du club. Après cinquante
kilomètres de route, elle se trouve en tête
de la petite troupe. Mimile la regarde
curieusement :
— Dommage que tu ne sois pas un
garçon !
— Pas besoin d’être un garçon pour
faire du vélo. Regarde Elyane Bonneau :
38 kilomètres dans l’heure. Si je voulais,
je pourrais en faire autant !
Elyane Bonneau, une jeune manucure,
huit jours auparavant, avait battu ce record
féminin, détenu depuis 1911 par l’Ita
lienne Lina Strada.
Jeanine avait lancé la gageure comme un
défi. Mimile le releva : il inscrivit lui-même
J eanine à la Pédale Féminine Parisienne et,
le jour de Pâques 1948, sur la piste muni
cipale de Vincennes, qu’elle affrontait pour
la première fois, J eanine disputa un omnium :
poursuite et individuelle. Elle le gagna.
Dès lors, Jeanine participe à vingt-deux
savent que JEANINE LEMAIRE
LA GENTILLE
INFIRMIERE
N’EST AUTRE QUE LA
RECORDWOMAN DU
MONDE DE L’HEURE
A BICYCLETTE
Jeanine et sa première poupée,
dans le jardin familial lillois.
Avec sa mère, ses sœurs Brigitte et Annette (à
droite)et sa première bicyclette, offerte par son père.
Après sa première communion à
Lille, Jeanine devint Parisienne.
En dehors de la piste, Jeanine (à gauche) sait aussi
être une charmante et élégante jeune femme.
LE SCANDALE D’ARRAS
touche à sa tin, car le
rapport du professeur
SANNiÉ apporte enfin la
preuve matérielle
que le revolver de
DAPVRIL servit à tuer le
percepteur de Beaurains
ARRAS (de nos envoyés spéciaux).
E nfin, la preuve est faite ! Cette preuve qui
manquait encore pour étayer le faisceau de
lourdes présomptions qui, seules, jusqu’à
présent, pesaient sur Demesse et Dapvril, inculpés
de l’assassinat du percepteur Vaast. Cette preuve
dont l’absence avait jusqu’à présent rendu pra
tiquement vain tout interrogatoire de l’ancien
policier, réfugié dans un système de défense facile,
avait pratiquement stoppé la marche de l’instruc
tion. La preuve matérielle, indiscutable, est faite,
et tous ceux qui, à Arras, souliaitaientcyoir enfin
confondus ‘ les meurtriers du percepteur Vaast,
malgré leurs démentis, ont poussé un .soupir de
soulagement.
A Arras, notre collaborateur Lemay (à dr.) ob
tient une interview de M. le juge d’instruction.
— L’affaire est pratiquement terminée ! nous
a déclaré le juge d’instruction Goddard.
La preuve irréfutable qui lui manquait encore,
il ne pouvait plus guère l’attendre, nous l’avions
écrit ici-même, que des expertises scientifiques en
cours : analyses de sang, de cheveux, d’identifi
cation des armes saisies. Par chance, c’est l’exper
tise la plus probante, celle des armes, qui a abouti
la première. Les techniciens de l’Identité judi-
ciaire à Paris sont formels : l’arme saisie sur Dap
vril lors de son arrestation par la gendarmerie est
celle qui a tué le malheureux percepteur. Les cor
respondances de stries et de rayures entre la douille
trouvée sur les lieux du meurtre et celle d’une
« balle-témoin » tirée par le pistolet de Dapvril
ne laissent place à aucun doute.
C’est ce qu’a appris au juge d’instruction God
dard, avant même que le rapport officiel lui soit
parvenu, une lettre du professeur Sannié.
Cependant, Georges Dapvril — toujours sur
le qui-vive — n’avait pas attendu ce résultat pour
demander à être entendu par le juge sur cette ques
tion de l’arme. Dès qu’il avait su qu’une expertise
avait été ordonnée, son attitude avait été celle
d’un homme effondré. Ce policier n’ignorait sans
doute pas quel en serait le résultat.
— Ce pistolet qu’on a trouvé sur moi, tente-t-il
d’expliquer, Demesse m’avait demandé de le
lui prêter, trois jours avant le meurtre, en prétex
tant qu’il devait faire une livraison d’huile à
Caen. Il me l’a rendu le 2 août, dans la rue...
Il est bien évident, maintenant, que l’affaire
entre dans une phase décisive. La confrontation des
deux inculpés promet d’être sensationnelle. Cette
confrontation n’a pas encore eu lieu, à l’heure
où nous écrivons ces lignes. Elle a été reculée de
deux jours par M. Goddard qui attend, outre le
rapport officiel du professeur Sannié, le témoi
gnage d’un couple qui, en corroborant celui de
M Ue Guilbert, établira encore plus formellement
la culpabilité des inculpés.
Mais, d’ores et déjà, les deux hommes, jusqu’à
présent unis par leur silence ou leurs dénégations,
s’opposent et s’accusent mutuellement.
— Il est curieux de constater que toutes les
charges que l’on peut rassembler s’accumulent
sur la tête de Dapvril, et non sur celle de mon
Le professeur Sannié (de face) s’entretient avec
le chef de la police scientifique de Stockholm.
client, fait remarquer M e Vaquette, défenseur de
Demesse, qui croit pouvoir faire établir par des
témoins que celui-ci n’a pas rendu d’arme à Dap
vril au moment indiqué par lui.
Pour l’avocat, Dapvril a pu commettre le
meùrtre avec un autre complice que Demesse.
Pour M e Lefrane, au contraire, l’attitude de
Dapvril plaide en faveur de son innocence. Il
compte sur les mêmes témoins pour établir que
son client a dit la vérité. Et il estime que Demesse
a pu commettre le meurtre avec un autre complice
que Dapvril !
Tout cela n’a, pour les honnêtes gens, aucune
importance. Trop confiants dans le fait que Dap
vril était insoupçonnable, les meurtriers ont, une
fois de plus, commis la faute qui permet de les
confondre. La parole sera bientôt à l’avocat géné
ral de la Cour d’assises qui en terminera, une fois
pour toutes, avec un scandale qui n’a que trop'duré.
Maurice LEMAY.
(Reportage photo. DÉTECTIVE.;
Après le rapport écrasant de l’Identité judiciaire,
le sourire habituel de Demesse s’est plutôt figé.
19
TOUS LES
POSTIERS
II, n’est aucun des cinq mille agents des
* P. T. T. du Central des chèques postaux
de la rue d’Alleray qui n’ait eu, un jour ou
1 ’autre, recours aux soins de J eanine Lemaire,
la gentille infirmière.
Dès l’arrivée de la jeune femme, cela
commence :
— J eanine, descends vite au sous-sol !
Un électricien vient de s’écraser un doigt.
— Mademoiselle Lemaire, M me Durand
s’est encore trouvée mal !
Et Jeanine fonce, sa boîte à pharmacie
sous le bras, dans l'immense dédale de la
fourmilière. Sa main ne tremble pas sur
les pansements et son sourire réconforte
le malade ou le blessé.
Sa rude journée terminée, J eanine regagne
la petite chambre qu’elle occupe dans l’ap
partement de sa mère, avenue de la Grande-
Armée.
Au mur, au-dessus de son divan, elle ne
manque jamais de regarder une photogra
phie représentant un beau cavalier en conver
sation avec le roi d’Espagne : son père,
à l’issue d’un concours hippique brillam
ment remporté par lui devant les meilleures
cravaches d’Europe.
Papa Lemaire ? Elle se le rappelle, sévère
mais souriant, heureux et fier de ses trois
filles, Annette, Brigitte et Jeanine, qu’il
emmenait dans sa voiture pour de longues
randonnées.
Les souvenirs montent au cœur de Jea
nine. Son père, dépositaire général, à Lille,
des huiles Desmarets, a été tué à Dunkerque,
sur cette même plage où, enfant, elle allait
jouer avec ses sœurs.
Elle revoit son père, pour l’anniversaire
de ses 6 ans, le 25 octobre 1926, entrer à
la maison, une petite bicyclette à la main.
—• Mais je ne sais pas monter à vélo !
— Justement. Ça te permettra d’ap
prendre.
Une chaleur au cœur, des images précises
comme des photographies : une automo
bile qui s'engage sur un passage à niveau ;
sa mère qui, soudain, crie ; « Attention !
le train arrive ! » ; trois petites filles qui se
mettent à trembler ; une rapide marche
arrière ; des wagons qui passent dans un
hurlement infernal, à quelquês mètres
du capot...
Les années défilent dans sa mémoire,
comme un film. Elle a 15 ans, elle joue
encore à la poupée ; sa mère est appelée
à Paris comme fondée de pouvoirs d’un cabi
net de produits pharmaceutiqnes. Toute
la famille s’installe dans la capitale.
Jeanine poursuit ses études à Saint-Joseph-
de-Cluny, puis aux Bernardines, jusqu’au
brevet élémentaire. Elle veut être infir
mière, vocation traditionnelle dans la famille
Lemaire. A l’Ecole de la Salpêtrière, elle
obtient le diplôme de spécialiste, après
deux ans d’études. Cela ne suffit pas à son
ambition : pendant six mois, elle est infir
mière de l’Air.
épreuves tant sur piste que sur route, et
s’en adjuge dix-huit. Elle n’est battue que
de peu pour le championnat de France
de la Fédération travailliste ; mais, le I er oc
tobre 1948, à Saint-Denis, elle bat le record
du monde de l’heure. Elyane Bonneau le
lui reprend l’année suivante. Jeanine se
remet en piste le 31 juillet 1949, à Tou
louse, et reconquiert son bien. On Je lui
conteste, car elle n’appartient pas à la
Fédération officielle.
Qu’à cela ne tienne ! Elle endosse le
maillot jaune cerclé bleu et rouge du Vélo
Club du XII e , avec la ferme intention
d’être officiellement, cette fois, recordwoman
du monde. Les vacances approchent. Jea
nine, qui a pris une licence d’indépendante,
réserve les prix gagnés dans les courses
routières ou sur les vélodromes pour aller
à Toulouse tenter le record. Le 9 septembre,
enfin, elle se met en piste à 18 h. 30 ; bien
assise sur sa selle haute, elle roule en sou
plesse. En trente minutes, elle couvre
19 km. 471. Quand elle se relève, après une
heure de durs efforts, elle a gagné : elle a
parcouru 38 km. 600 !
Depuis ce jour, au Central Alleray, Jea
nine Lemaire et sa collègue, M me Car
bonnier, se demandent, en souriant, si tous
ceux qui viennent chercher à l’infirmerie
un cachet d’aspirine 11e leur rendent pas
plutôt visite dans le but inavoué d’inter
viewer la recordwoman du monde.
— Alors, Jeanine, vous avez encore
gagné, dimanche ? Et ce record, toujours
debout ? J’espère que vous allez « nous »
le conserver longtemps !...
Mais Jeanine pense à autre chose. Cette
jeune femme, aimable et discrète, dont la
photo a paru dans tous les journaux sportifs,
ne veut pas être un phénomène. Son désir ?
Se marier et avoir des enfants.
— Je suis une femme comme les autres.
Gourmande, elle prépare des petits plats
pour sa mère et aussi pour elle ; élégante,
elle préfère la ligne classique à certaines
extravagances. Elle dit d’elle-même :
— Je suis une bonne fille qui aime ce
qui plaît à tout le monde.
Et, son travail terminé, elle monte sur
son vélo pour rentrer à toute allure chez elle
Jeanine Lemaire,
avant d’être record
woman du monde,
est infirmière ; cha
que jour, elle se
dépêche de retirer
sa blouse blanche
pour remettre, tou
jours avec un gra
cieux sourire, ses
vêtements de ville.
des
romans - fleuves
où elle aime à lire
étrangers.
Mais, femme avant tout, ne voulant pas
qu'on la confonde avec ces super-athlètes
de son sexe pour qui le sport ne tend qu’à
être la manifestation d’on ne sait quelle
vaine supériorité physique sur l’homme
moyen, elle répond à ceux qui lui demandent
quel est son métier :
— Moi ? Mais je suis infirmière !
Raymond VANKER.
(Reportage photo. J.-G. Séruzier,
DÉTECTIVE.)
Elle obtient enfin son emploi aux P. T. T.
Là, un jour, elle rencontre Emile Georger,
le gardien du garage des vélos. Pour tous
les agents postiers, il est Mimile, depuis
23 ans qu’il s’occupe des bicyclettes de ses
collègues.
Et, depuis ce jour-là, la vie de Jeanine
est transformée.
Mimile, ancien coureur cycliste amateur
du Clamart Sportif Club, est devenu, après
la guerre de 1939, un .des dirigeants du
Vélo Club du XIII e . Il a vite repéré l’allure
de Jeanine, qui, chaque matin, arrive en
trombe au garage.
— Dis donc! t’as une drôle de cadence.
Tu devrais nous accompagner dans nos
randonnées dans la vallée de Chevreuse.
Jeanine, pour qui la bicyclette n’était
qu’un moyen de transport plus agréable
que le métro ou l’autobus, part, un di
manche, avec Mimile et quelques-uns de
Le sportif Emile Georger sut deviner
en Jeanine la future championne.
ses camarades du club. Après cinquante
kilomètres de route, elle se trouve en tête
de la petite troupe. Mimile la regarde
curieusement :
— Dommage que tu ne sois pas un
garçon !
— Pas besoin d’être un garçon pour
faire du vélo. Regarde Elyane Bonneau :
38 kilomètres dans l’heure. Si je voulais,
je pourrais en faire autant !
Elyane Bonneau, une jeune manucure,
huit jours auparavant, avait battu ce record
féminin, détenu depuis 1911 par l’Ita
lienne Lina Strada.
Jeanine avait lancé la gageure comme un
défi. Mimile le releva : il inscrivit lui-même
J eanine à la Pédale Féminine Parisienne et,
le jour de Pâques 1948, sur la piste muni
cipale de Vincennes, qu’elle affrontait pour
la première fois, J eanine disputa un omnium :
poursuite et individuelle. Elle le gagna.
Dès lors, Jeanine participe à vingt-deux
savent que JEANINE LEMAIRE
LA GENTILLE
INFIRMIERE
N’EST AUTRE QUE LA
RECORDWOMAN DU
MONDE DE L’HEURE
A BICYCLETTE
Jeanine et sa première poupée,
dans le jardin familial lillois.
Avec sa mère, ses sœurs Brigitte et Annette (à
droite)et sa première bicyclette, offerte par son père.
Après sa première communion à
Lille, Jeanine devint Parisienne.
En dehors de la piste, Jeanine (à gauche) sait aussi
être une charmante et élégante jeune femme.
LE SCANDALE D’ARRAS
touche à sa tin, car le
rapport du professeur
SANNiÉ apporte enfin la
preuve matérielle
que le revolver de
DAPVRIL servit à tuer le
percepteur de Beaurains
ARRAS (de nos envoyés spéciaux).
E nfin, la preuve est faite ! Cette preuve qui
manquait encore pour étayer le faisceau de
lourdes présomptions qui, seules, jusqu’à
présent, pesaient sur Demesse et Dapvril, inculpés
de l’assassinat du percepteur Vaast. Cette preuve
dont l’absence avait jusqu’à présent rendu pra
tiquement vain tout interrogatoire de l’ancien
policier, réfugié dans un système de défense facile,
avait pratiquement stoppé la marche de l’instruc
tion. La preuve matérielle, indiscutable, est faite,
et tous ceux qui, à Arras, souliaitaientcyoir enfin
confondus ‘ les meurtriers du percepteur Vaast,
malgré leurs démentis, ont poussé un .soupir de
soulagement.
A Arras, notre collaborateur Lemay (à dr.) ob
tient une interview de M. le juge d’instruction.
— L’affaire est pratiquement terminée ! nous
a déclaré le juge d’instruction Goddard.
La preuve irréfutable qui lui manquait encore,
il ne pouvait plus guère l’attendre, nous l’avions
écrit ici-même, que des expertises scientifiques en
cours : analyses de sang, de cheveux, d’identifi
cation des armes saisies. Par chance, c’est l’exper
tise la plus probante, celle des armes, qui a abouti
la première. Les techniciens de l’Identité judi-
ciaire à Paris sont formels : l’arme saisie sur Dap
vril lors de son arrestation par la gendarmerie est
celle qui a tué le malheureux percepteur. Les cor
respondances de stries et de rayures entre la douille
trouvée sur les lieux du meurtre et celle d’une
« balle-témoin » tirée par le pistolet de Dapvril
ne laissent place à aucun doute.
C’est ce qu’a appris au juge d’instruction God
dard, avant même que le rapport officiel lui soit
parvenu, une lettre du professeur Sannié.
Cependant, Georges Dapvril — toujours sur
le qui-vive — n’avait pas attendu ce résultat pour
demander à être entendu par le juge sur cette ques
tion de l’arme. Dès qu’il avait su qu’une expertise
avait été ordonnée, son attitude avait été celle
d’un homme effondré. Ce policier n’ignorait sans
doute pas quel en serait le résultat.
— Ce pistolet qu’on a trouvé sur moi, tente-t-il
d’expliquer, Demesse m’avait demandé de le
lui prêter, trois jours avant le meurtre, en prétex
tant qu’il devait faire une livraison d’huile à
Caen. Il me l’a rendu le 2 août, dans la rue...
Il est bien évident, maintenant, que l’affaire
entre dans une phase décisive. La confrontation des
deux inculpés promet d’être sensationnelle. Cette
confrontation n’a pas encore eu lieu, à l’heure
où nous écrivons ces lignes. Elle a été reculée de
deux jours par M. Goddard qui attend, outre le
rapport officiel du professeur Sannié, le témoi
gnage d’un couple qui, en corroborant celui de
M Ue Guilbert, établira encore plus formellement
la culpabilité des inculpés.
Mais, d’ores et déjà, les deux hommes, jusqu’à
présent unis par leur silence ou leurs dénégations,
s’opposent et s’accusent mutuellement.
— Il est curieux de constater que toutes les
charges que l’on peut rassembler s’accumulent
sur la tête de Dapvril, et non sur celle de mon
Le professeur Sannié (de face) s’entretient avec
le chef de la police scientifique de Stockholm.
client, fait remarquer M e Vaquette, défenseur de
Demesse, qui croit pouvoir faire établir par des
témoins que celui-ci n’a pas rendu d’arme à Dap
vril au moment indiqué par lui.
Pour l’avocat, Dapvril a pu commettre le
meùrtre avec un autre complice que Demesse.
Pour M e Lefrane, au contraire, l’attitude de
Dapvril plaide en faveur de son innocence. Il
compte sur les mêmes témoins pour établir que
son client a dit la vérité. Et il estime que Demesse
a pu commettre le meurtre avec un autre complice
que Dapvril !
Tout cela n’a, pour les honnêtes gens, aucune
importance. Trop confiants dans le fait que Dap
vril était insoupçonnable, les meurtriers ont, une
fois de plus, commis la faute qui permet de les
confondre. La parole sera bientôt à l’avocat géné
ral de la Cour d’assises qui en terminera, une fois
pour toutes, avec un scandale qui n’a que trop'duré.
Maurice LEMAY.
(Reportage photo. DÉTECTIVE.;
Après le rapport écrasant de l’Identité judiciaire,
le sourire habituel de Demesse s’est plutôt figé.
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