LA PAIX DE DIEU 303
trois archevêques de Lyon, de Vienne et de Tarentiise, Bouchard,
Thibaut et Amizon, ainsi qu'un certain nombre de leurs suffra-
gants, Gautier d'Autun, Lambert de Chalon, Liébaud de Mâcon,
Guigues de Valence, Erbaud d'Uzès, se réunit dans l'église de
Saint-Romain d'Anse 1, domaine de l'église de Lyon, c'est-à-
dire dans l'une des localités du royaume de Bourgogne les plus
voisines du royaume de France. Les prélats ainsi assemblés con-
firmèrent les biens de l'abbaye de Cluny, la prenant sous la pro-
tection de l'église, et prononçant l'anathème contre tous ceux
qui exerceraient des actes de violence sur les terres du monastère
ou y élèveraient des forteresses. Nous n'avons conservé ce docu-
ment que par une transcription qui en a été faite dans un des
cartulaires de Cluny 2, et, aie considérer isolément, il semblerait
q'uil n'ait d'intérêt qu'au point de vue des possesions de cette
abbaye. Mais si on le rapproche des rares textes qui nous ont
été conservés, relatifs aux assemblées tenues à Gharroux 3 le
lpr juin 989 à Narbonne en 990 5, au Puy la même année6, il
apparaît que le synode d'Anse n'a été qu'une des étapes du
grand mouvement pour la paix de Dieu qui, parti de la Guyenne,
se propagea durant les dernières années du xe siècle dans la
Gaule méridionale, pour de là gagner le nord des possessions de
la monarchie capétienne dans les premières années du xte siècle 7.
1. Rhône, arr. Villefranche, ch.-l. de canton. Ancien monastère restauré
par l'archevêque Leidrade, puis devenu domaine de l'église de Lyon
(JARDET, Saint Odilon, p. 154-155), l'église de Saint-Romain fut. détruite
en 1752 (SERRAND, Hist. d'Anse, Villefranche, 1845, in-12, p. 49). Sur
l'identification de l'église, cf. MANTÉYER, La paix de Dieu en Viennois, p. 15.
2. Cartulaire C de Cluny, Bibliothèque nationale, ms. lat. n. acq. 2262,
fol. 60. Sur cette assemblée et son privilège pour Cluny, cf. JARDET, Saint
Odilon, p. 154-155.
3. Charroux, abbaye au diocèse de Poitiers, aujourd'hui dans la Vienne,
ch.-l. de canton de l'arr. de Civray.
4. HUBERTl, Gottesfrieden und Landsfrieden, p. 35.
5. lbid., p. 37.
6. Ibid., p. 123.
7. tous les textes sont publies et commentes dans HUBERTI, op. cit.,
p. 27 -156. Il est donc inutile de renvoyer ici aux dissertations plus anciennes
de SÉMICHON (La Paix et la Trêve de Dieu, 1869, in-12) et de KLUCKHOHN
(Geschichte des Gottesfrieden, 1857, in-8°). On trouvera un tableau d'en-
semble du mouvement dans PEISTER, Robert le Pieux, p. 164et suiv., et dans
MANTEYER, Les origines de la Maison de Savoie. La paix de Dieu en Viennois,
p. 12 et suiv. La monographie de GINGINS, La paix de Dieu dans la Trans-
jurane, publiée au t. XX des Mém. de la Suisse romande, est sans critique et
confond trop souvent les faits et les dates.
