CHATEAU DE LA TRAVE . 97
Avant d'abandonner ce personnage célèbre, qu'il nous soit permis de raconter encore un épisode
de sa vie aventureuse et romanesque. En 1381, le roi d'Espagne et celui du Portugal s'étant déclaré
la guerre, ce dernier fit, demander du secours au roi d'Angleterre, qui chargea le comte de
Cambridge de cette expédition; il mit sous ses ordres cinq cents lances et autant d'archers. Parmi
les chevaliers qui l'accompagnaient, on trouve le soudan de La Trau à la tête d'un eorps de
Gascons.
L'armée anglaise s'embarqua à Plymouth, après y fivoir attendu pendant longtemps un vent
favorable. Arrivée dans les parages de l'Espagne, la flotte fut (^jpersée par une effroyable tempête.
Le comte de Cambridge et les Anglais, après avoir éprouvé de grands dangers, parvinrent à gagner
Lisbonne; mais le navire où étaient les Gascons, « messire Jean de Chastel-Neuf et le souldich de
l'Estrade, le sire de La Barde et environ quarante hommes d'armes, chevaliers et écuyers, » fut
séparé des vaisseaux anglais.
Les Gascons perdirent leur chemin, traversèrent le détroit des Maures (de Gibraltar), pénétrèrent
dans la Méditerranée au-delà de Trémecen et de Nenamari, faillirent plusieurs fois être pris par les
Sarrasins. Ils se regardaient comme perdus et n'avaient plus l'espoir de revenir à terre, lorsque au
bout de quarante jours, pendant lesquels ils coururent toute sorte de périls, le vent les repoussa
dans la mer d'Espagne; là, ils rencontrèrent deux navires marchands de Lisbonne qui se rendaient
en Flandre. Mais trompés par eux, ils faillirent tomber dans un péril aussi grand que celui qu'ils
venaient d'éviter. Le capitaine, après leur avoir laissé du vin et des vivres frais, leur dit que le
roi de Portugal et les Anglais assiégeaient Séville, où s'était renfermé le roi de Castille. Enchantés
de cette nouvelle, ils ordonnèrent à leurs matelots de les conduire devant cette ville; mais ceux-ci
ayant quelques raisons pour se méfier des renseignements des marchands, étant arrivés en vue de
Séville, firent monter un enfant sur la hune pour s'assurer si en effet la ville était assiégée. Sur sa
réponse négative, ils virèrent de bord au plus vite et entrèrent dans le port de Lisbonne. « A celle
» propre heure et à ce propre jour, leur faisoit-on en l'église de Sainte-Catherine en Lusebonne
» leur obsèque, et étoient les barons et les chevaliers vêtus de noir, et les tenoient pour morts. »
On juge de la joie que durent éprouver les chevaliers anglais à l'aspect inattendu de leurs compa-
gnons, qu'ils croyaient perdus à jamais.
Peu dft temps après, le roi de Portugal désigna à chaque corps d'armée le point du pays qu'il
devait occuper. Les Gascons et une partie des Anglais furent envoyés à Villa-Viçosa, avec la
recommandation de ne pas attaquer les Espagnols sans l'ordre du roi. Malgré la promesse qu'ils
firent de s'y conformer, ils ne purent résister au désir de se battre et de piller quelques forteresses.
Excités par le chanoine de Robertsart, capitaine anglais, ils attaquèrent le château de La Higuera,
où se tenaient environ soixante hommes d'armes espagnols. Le soudan de La Trau faisait partie de
l'expédition. Le château fut attaqué vigoureusement;, les Gascons firent des prodiges de valeur; les
Espagnols se défendirent en désespérés, et ne demandèrent à capituler que lorsqu'il n'en resta
plus que trois d'entre eux qui ne fussent blessés. Le chanoine de Robertsart ne leur accorda que
la vie et les laissa prendre la route de Xérès, où se tenait le maître de Saint-Jacques, à qui appar-
tenait le château de La Higuera.
A la nouvelle de cette expédition, le roi de Portugal fut fort courroucé. Les Anglais et les
Gascons, après avoir promis de nouveau de rester en repos, passèrent tout l'hiver en leur garnison
sans chevaucher, « dont il leur ennuyoit grandement. » Mais après l'hiver, ils résolurent de chevau-
cher, voulût ou non le roi de Portugal. Le soudan de La Trau fut, en conséquence, envoyé vers le
VOL. I. 13
Avant d'abandonner ce personnage célèbre, qu'il nous soit permis de raconter encore un épisode
de sa vie aventureuse et romanesque. En 1381, le roi d'Espagne et celui du Portugal s'étant déclaré
la guerre, ce dernier fit, demander du secours au roi d'Angleterre, qui chargea le comte de
Cambridge de cette expédition; il mit sous ses ordres cinq cents lances et autant d'archers. Parmi
les chevaliers qui l'accompagnaient, on trouve le soudan de La Trau à la tête d'un eorps de
Gascons.
L'armée anglaise s'embarqua à Plymouth, après y fivoir attendu pendant longtemps un vent
favorable. Arrivée dans les parages de l'Espagne, la flotte fut (^jpersée par une effroyable tempête.
Le comte de Cambridge et les Anglais, après avoir éprouvé de grands dangers, parvinrent à gagner
Lisbonne; mais le navire où étaient les Gascons, « messire Jean de Chastel-Neuf et le souldich de
l'Estrade, le sire de La Barde et environ quarante hommes d'armes, chevaliers et écuyers, » fut
séparé des vaisseaux anglais.
Les Gascons perdirent leur chemin, traversèrent le détroit des Maures (de Gibraltar), pénétrèrent
dans la Méditerranée au-delà de Trémecen et de Nenamari, faillirent plusieurs fois être pris par les
Sarrasins. Ils se regardaient comme perdus et n'avaient plus l'espoir de revenir à terre, lorsque au
bout de quarante jours, pendant lesquels ils coururent toute sorte de périls, le vent les repoussa
dans la mer d'Espagne; là, ils rencontrèrent deux navires marchands de Lisbonne qui se rendaient
en Flandre. Mais trompés par eux, ils faillirent tomber dans un péril aussi grand que celui qu'ils
venaient d'éviter. Le capitaine, après leur avoir laissé du vin et des vivres frais, leur dit que le
roi de Portugal et les Anglais assiégeaient Séville, où s'était renfermé le roi de Castille. Enchantés
de cette nouvelle, ils ordonnèrent à leurs matelots de les conduire devant cette ville; mais ceux-ci
ayant quelques raisons pour se méfier des renseignements des marchands, étant arrivés en vue de
Séville, firent monter un enfant sur la hune pour s'assurer si en effet la ville était assiégée. Sur sa
réponse négative, ils virèrent de bord au plus vite et entrèrent dans le port de Lisbonne. « A celle
» propre heure et à ce propre jour, leur faisoit-on en l'église de Sainte-Catherine en Lusebonne
» leur obsèque, et étoient les barons et les chevaliers vêtus de noir, et les tenoient pour morts. »
On juge de la joie que durent éprouver les chevaliers anglais à l'aspect inattendu de leurs compa-
gnons, qu'ils croyaient perdus à jamais.
Peu dft temps après, le roi de Portugal désigna à chaque corps d'armée le point du pays qu'il
devait occuper. Les Gascons et une partie des Anglais furent envoyés à Villa-Viçosa, avec la
recommandation de ne pas attaquer les Espagnols sans l'ordre du roi. Malgré la promesse qu'ils
firent de s'y conformer, ils ne purent résister au désir de se battre et de piller quelques forteresses.
Excités par le chanoine de Robertsart, capitaine anglais, ils attaquèrent le château de La Higuera,
où se tenaient environ soixante hommes d'armes espagnols. Le soudan de La Trau faisait partie de
l'expédition. Le château fut attaqué vigoureusement;, les Gascons firent des prodiges de valeur; les
Espagnols se défendirent en désespérés, et ne demandèrent à capituler que lorsqu'il n'en resta
plus que trois d'entre eux qui ne fussent blessés. Le chanoine de Robertsart ne leur accorda que
la vie et les laissa prendre la route de Xérès, où se tenait le maître de Saint-Jacques, à qui appar-
tenait le château de La Higuera.
A la nouvelle de cette expédition, le roi de Portugal fut fort courroucé. Les Anglais et les
Gascons, après avoir promis de nouveau de rester en repos, passèrent tout l'hiver en leur garnison
sans chevaucher, « dont il leur ennuyoit grandement. » Mais après l'hiver, ils résolurent de chevau-
cher, voulût ou non le roi de Portugal. Le soudan de La Trau fut, en conséquence, envoyé vers le
VOL. I. 13
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