Les prisons du deuxième Duc de Choiseul
par Olivier Vincienne
Dans un précédent article, nous
avons conté le rôle joué par
Gabriel de Choiseul dans le drame
de Varennes et son arrestation
dans cette ville, le 22 juin 1791,
au moment où la berline royale
reprenait le chemin de Paris (i).
Transféré de Varennes à Verdun,
il fut enfin envoyé à Orléans
pour comparaître devant la Haute
Cour de cette ville. Il n'était
pas encore jugé quand, le 14 sep-
tembre 1791, Louis XVI accepta
la nouvelle Constitution. Une am-
nistie générale fut à cette occasion
votée le lendemain par l'Assemblée,
dont bénéficia Choiseul.
Mais il n'en avait pas fini avec
des mésaventures de ce genre,
puisqu'il devait être arrêté trois
fois encore dans les circonstances
qu'on va lire.
Ayant démissionné de l'armée
le 21 octobre 1791, il était devenu
chevalier d'honneur de Marie-
Antoinette. Après le 10 août 1792
et l'incarcération de la famille
royale au Temple, il réussit à passer
en Angleterre le 20 septembre
suivant.
Dans l'émigration, il se mit au
service de Monsieur et travailla
avec le comte d'Autichamps, qui
devait être un des chefs de l'insur-
rection vendéenne. Ce dernier l'en-
voya en 1793 en Suisse avec
d'autres officiers, pour être à
portée de se jeter dans Lyon
qui s'était révoltée contre la
Convention. Ce projet ne put
finalement être exécuté.
Rentré en Angleterre, Choiseul
forma un régiment de cavalerie
au service d'Angleterre qui porta
son nom de Choiseul-Hussards.
Il était passé ensuite avec son
régiment en Hanovre, amenant
un précieux renfort à l'armée des
Princes.
Devant retourner en Angleterre,
il s'embarqua en mars 1795 dans
un port allemand sur un paquebot
qui se fit arraisonner le 13 mars
par deux bricks français. Choiseul
et seize autres Français furent
transférés sur ces bateaux français,
et furent débarqués dix jours
plus tard à Dunkerque. Parmi
ces prisonniers, se trouvaient le
colonel de Damas et le capitaine
de Floirac, qui tous deux avaient
participé eux aussi à l'affaire de
Varennes.
Leurs amis firent tout pour
leur permettre de s'évader. Un
beau jour, arriva dans le port
de Dunkerque un navire américain
envoyé par le gouvernement de
Londres pour tenter de ramener
Choiseul et Damas. Ceux-ci réus-
sirent à quitter leur prison sous
un déguisement le 20 avril 1795.
Le capitaine Ramsden put les
soustraire à la visite de son bâti-
ment avant qu'il ne lève l'ancre.
Puis, par Hambourg, Choiseul
regagna son régiment en Hanovre.
La neutralité du Hanovre ayant
été reconnue lors du retour de
la paix en 1795, les troupes
anglaises et étrangères durent éva-
cuer le pays. Elles s'embarquèrent
à Stade, près de l'embouchure de
l'Elbe.
Les Anglais retournaient dans
leur pays, cependant que les
étrangers partaient pour les pos-
sessions anglaises. Le Choiseul-
Hussards était destiné aux Indes,
aux termes d'une capitulation
(autrement dit d'un accord) passé
entre Choiseul et le gouvernement
anglais.
Il était alors complètement ruiné
par la Révolution. Son père,
sa tante la duchesse de Gramont,
sa jeune belle-sœur la princesse
de Monaco, avaient été guillotinés.
Sa mère était morte depuis peu.
Ses deux jeunes enfants étaient
restés en France, sans aucune
ressource, et vivaient chez leur
grand-tante et grand-mère adop-
tive, la duchesse de Choiseul,
qui, emprisonnée elle aussi en
avril 1794, avait été libérée après
Thermidor.
L'envoi aux Indes présentait
pour Choiseul la possibilité de
refaire une certaine fortune. La
solde y était élevée, et les prises
de guerre, pensait-il, feraient le
reste. C'était la coutume de l'épo-
que et Bonaparte reviendra riche,
lui aussi, de la campagne d'Italie.
L'accord entre Choiseul et le
gouvernement anglais prévoyait
qu'à défaut des Indes, c'est au
Canada ou en Nouvelle-Ecosse que
seraient envoyés Choiseul et ses
hussards.
L'embarquement à Stade eut
lieu le 14 septembre 1795, mais
la tempête obligea la flotte à
revenir au port. Le vrai départ
n'eut finalement lieu que le 12 no-
vembre, par un temps superbe.
Le coup d'œil était magnifique
sur cette flotte de plus de cent
navires.
Les 1 200 hommes du Choiseul-
Hussards, ceux du corps de
Lôwenstein, ainsi que certains
cadres de régiments nouveaux
étaient embarqués sur trente-deux
bâtiments. Quatre-vingts autres
transportaient les troupes anglaises.
Le tout était escorté de bâtiments
de guerre.
Le 13, les convois se séparèrent.
Les Anglais allaient à Yarmouth
et les troupes étrangères à Spithead
où elles devaient embarquer sur
des navires doublés de cuivre.
Ce jour-là, les passagers du
convoi français aperçurent les feux
de Douvres. Choiseul était sur le
navire Freyheit avec soixante-dix
passagers, des officiers, des
hussards, des femmes et enfants
de soldats et des domestiques.
Il y avait cinquante chevaux dans
les cales.
Pour gagner du temps, le capi-
taine du navire, suivi en cela
par d'autres bâtiments, coupa
au court. Ce faisant, il se rappro-
1. Pays Lorrain, 1972, n° 3.
213
par Olivier Vincienne
Dans un précédent article, nous
avons conté le rôle joué par
Gabriel de Choiseul dans le drame
de Varennes et son arrestation
dans cette ville, le 22 juin 1791,
au moment où la berline royale
reprenait le chemin de Paris (i).
Transféré de Varennes à Verdun,
il fut enfin envoyé à Orléans
pour comparaître devant la Haute
Cour de cette ville. Il n'était
pas encore jugé quand, le 14 sep-
tembre 1791, Louis XVI accepta
la nouvelle Constitution. Une am-
nistie générale fut à cette occasion
votée le lendemain par l'Assemblée,
dont bénéficia Choiseul.
Mais il n'en avait pas fini avec
des mésaventures de ce genre,
puisqu'il devait être arrêté trois
fois encore dans les circonstances
qu'on va lire.
Ayant démissionné de l'armée
le 21 octobre 1791, il était devenu
chevalier d'honneur de Marie-
Antoinette. Après le 10 août 1792
et l'incarcération de la famille
royale au Temple, il réussit à passer
en Angleterre le 20 septembre
suivant.
Dans l'émigration, il se mit au
service de Monsieur et travailla
avec le comte d'Autichamps, qui
devait être un des chefs de l'insur-
rection vendéenne. Ce dernier l'en-
voya en 1793 en Suisse avec
d'autres officiers, pour être à
portée de se jeter dans Lyon
qui s'était révoltée contre la
Convention. Ce projet ne put
finalement être exécuté.
Rentré en Angleterre, Choiseul
forma un régiment de cavalerie
au service d'Angleterre qui porta
son nom de Choiseul-Hussards.
Il était passé ensuite avec son
régiment en Hanovre, amenant
un précieux renfort à l'armée des
Princes.
Devant retourner en Angleterre,
il s'embarqua en mars 1795 dans
un port allemand sur un paquebot
qui se fit arraisonner le 13 mars
par deux bricks français. Choiseul
et seize autres Français furent
transférés sur ces bateaux français,
et furent débarqués dix jours
plus tard à Dunkerque. Parmi
ces prisonniers, se trouvaient le
colonel de Damas et le capitaine
de Floirac, qui tous deux avaient
participé eux aussi à l'affaire de
Varennes.
Leurs amis firent tout pour
leur permettre de s'évader. Un
beau jour, arriva dans le port
de Dunkerque un navire américain
envoyé par le gouvernement de
Londres pour tenter de ramener
Choiseul et Damas. Ceux-ci réus-
sirent à quitter leur prison sous
un déguisement le 20 avril 1795.
Le capitaine Ramsden put les
soustraire à la visite de son bâti-
ment avant qu'il ne lève l'ancre.
Puis, par Hambourg, Choiseul
regagna son régiment en Hanovre.
La neutralité du Hanovre ayant
été reconnue lors du retour de
la paix en 1795, les troupes
anglaises et étrangères durent éva-
cuer le pays. Elles s'embarquèrent
à Stade, près de l'embouchure de
l'Elbe.
Les Anglais retournaient dans
leur pays, cependant que les
étrangers partaient pour les pos-
sessions anglaises. Le Choiseul-
Hussards était destiné aux Indes,
aux termes d'une capitulation
(autrement dit d'un accord) passé
entre Choiseul et le gouvernement
anglais.
Il était alors complètement ruiné
par la Révolution. Son père,
sa tante la duchesse de Gramont,
sa jeune belle-sœur la princesse
de Monaco, avaient été guillotinés.
Sa mère était morte depuis peu.
Ses deux jeunes enfants étaient
restés en France, sans aucune
ressource, et vivaient chez leur
grand-tante et grand-mère adop-
tive, la duchesse de Choiseul,
qui, emprisonnée elle aussi en
avril 1794, avait été libérée après
Thermidor.
L'envoi aux Indes présentait
pour Choiseul la possibilité de
refaire une certaine fortune. La
solde y était élevée, et les prises
de guerre, pensait-il, feraient le
reste. C'était la coutume de l'épo-
que et Bonaparte reviendra riche,
lui aussi, de la campagne d'Italie.
L'accord entre Choiseul et le
gouvernement anglais prévoyait
qu'à défaut des Indes, c'est au
Canada ou en Nouvelle-Ecosse que
seraient envoyés Choiseul et ses
hussards.
L'embarquement à Stade eut
lieu le 14 septembre 1795, mais
la tempête obligea la flotte à
revenir au port. Le vrai départ
n'eut finalement lieu que le 12 no-
vembre, par un temps superbe.
Le coup d'œil était magnifique
sur cette flotte de plus de cent
navires.
Les 1 200 hommes du Choiseul-
Hussards, ceux du corps de
Lôwenstein, ainsi que certains
cadres de régiments nouveaux
étaient embarqués sur trente-deux
bâtiments. Quatre-vingts autres
transportaient les troupes anglaises.
Le tout était escorté de bâtiments
de guerre.
Le 13, les convois se séparèrent.
Les Anglais allaient à Yarmouth
et les troupes étrangères à Spithead
où elles devaient embarquer sur
des navires doublés de cuivre.
Ce jour-là, les passagers du
convoi français aperçurent les feux
de Douvres. Choiseul était sur le
navire Freyheit avec soixante-dix
passagers, des officiers, des
hussards, des femmes et enfants
de soldats et des domestiques.
Il y avait cinquante chevaux dans
les cales.
Pour gagner du temps, le capi-
taine du navire, suivi en cela
par d'autres bâtiments, coupa
au court. Ce faisant, il se rappro-
1. Pays Lorrain, 1972, n° 3.
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