Titre : Âmes vaillantes
Éditeur : Coeurs vaillants (Paris)
Date d'édition : 1947-02-09
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344144435
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 09 février 1947 09 février 1947
Description : 1947/02/09. 1947/02/09.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k9118887h
Source : La Cité internationale de la bande dessinée et de l'image
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/09/2022
LE NUMÉRO 8 FRS.
2 FÉVRIER 1947
ILLANTES
Pour recevoir régulièrement le journal a votre adresse (26 numéros à 8 francs)
: . ===== 2. == == -- - envoyez 200 frs à
RÉDACTION-ADMINISTRATION CŒURS VAILLANTS,
31, rue de Fleurus. — Paris-6 e . — C. C. P. Paris 1223-59.
/e Qerge de •
/ Qhondele^
— Et ça, tante Douce ? Qu'en faites-
vous ?
Odile est ravie... Par ce jour de pluie,
la grand'tante l'a emmenée dans sa chambre
faire des rangements.
Qu'y a-t-il de plus amusant que cela *
Ranger chez une vieille demoiselle :
cartons fleurant la lavande, tiroirs de
commode pleins de soie et de velours...
sans parler du profit : plumes d'autruches,
fleurs artificielles, dentelles et rubans qui
s'entassent dans un coin pour les poupées
de la petite fille...
— Et ça tante, Douce ? Qu'en faites-
vous ?
Odile montre un vieux petit cierge, tout
jauni et tordu, roulé dans un papier de
soie.
— Ça, répond la vieille demoiselle,
c'est un cierge de la Chandeleur.
Et lasse soudain de tous ces rangements,
: reprise par le passé, le cierge sur ses genoux,
elle . s'accote dans son grand fauteuil.
Odile prend un petit tabouret et se blottit
à ses pieds.
S Tante Douce a une mémoire merveil
leuse, ses histoires sont de vrais films...
Elle contemple le cierge : un J est maladroi-
a tement gravé au couteau dans la cire
jaunie. '
Et tante Douce raconte.
A la lumière de ses souvenirs, l'écran
s'anime...
Soixante ans plus tôt...
Un matin obscur de février, une petite
rue étroite de province avec ses volets
clos et beaucoup de gens encore endormis
par derrière... Des toits pointus couverts
de gelée blanche.
Vers l’église dont on ne voit que le
porche lumineux, deux ombres se hâtent :
l’aïeule tout épaissie de capes et de châles ;
Jacques, son petit-fils, minuscule et
trottinant, un cierge neuf à la main.
Grand’mère ne lui avait-elle pas pro
mis, pour ses huit ans, de l’emmener à
l’office de la Chandeleur ? Dès hier, le
prenant sur ses genoux, elle lui a expliqué
que pour fêter la Présentation de Jésus
au Temple, la révélation du Messie,
lumière du monde, on brûle tous ces
monde, on brûle tous ces
cierges, images pures du
Sauveur... et Jacques a bien
vite choisi le sien, le plus
beau, le plus blanc, qu’il a,
par précaution, gravé de son
initiale.
Il ne s’est pas fait prier ce
matin pour enfiler ses gros
bas de laine et ses galo-
, sangler sa ceinture de
sur son tablier de coton
noir et endosser sa pèlerine.
Les voici dans l’église. Tout
est lumière et chaleur.
Les cœurs s’ouvrent, les
voix chantent, les bougies de
la Chandeleur s’éclairent. On
dirait que toutes les étoiles
ont quitté le ciel et parsemé
les bancs du sanctuaire.
L’aïeule s’attendrit en vo
yant Jacques allumer grave
ment la mèche.
Hélas ! Jacques est Jac
ques... et le diable le connaît
bien.
L’enragée petite flamme
vacillant au bout du cierge
est un feu follet qui tourne
la tête du bambin.
Timidement d'abord, Jacques lève son
cierge, l’abaisse, fait couler sa cire à droit^
à gauche. —
Puis, sans souci de la liturgie et des
gros yeux de son aïeule, il s’en va au fond
du banc et c’est alors le scandale : le
cierge tenu à bout de bras... ramené -
au ras du sol... la flamme décri -
vant des arabesques, des ronds, des—
ovales, manquant de s’éteindre, pétillant,
jetant des éclairs, la cire fondant en grosses
larmes, inondant l’accoudoir et le banc.
En vain éteint-on les cierges, le sien
reste allumé, fou, insolent, échevelé,
transformé en fusée, en torche, en étoile
filante.
L’aïeule, la douce aïeule qui jamais ne
se fâche, tousse, appelle, fronce les sour
cils. Rien n’y fait. Alors, ne pouvant plus
supporter un tel désordre dans la maison
du Bon Dieu, sans un mot elle rejoint
l’enfant, lui prend la bougie des mains,
souffle dessus et la dépose devant elle.
Jacques en demeure pantois tout le
reste de l’office.
Ah ! le retour à la maison... ce retour...
Grand’mère n’avait qu’un mot : « Je
vois qu’il faut que je prie encore beau
coup que pour tu deviennes capable de
tenir un cierge... »
revoient celui qu’on aimait tant, le père
Jacques, le grand défricheur, le moine
à barbe blanche, brûlé de zèle et de
fièvre, dont le corps dort maintenant
entre les quatre planches du cer
cueil.
« Père Jacques, vous nous avez montré
à tous Jésus-Christ. Désormais le flam
beau de la foi chrétienne que vous avez
porté si haut et si loin dans la brousse
malgache, ce flambeau ne s’éteindra
plus. »
— Alors Z /ait Odile qui ne peut s'ima
giner que l'histoire soit déjà finie.
— Alors... la prière de grand'mère
avait été exaucée.
Et tante
une larme,
son frère.
Douce, en disant cela, essuya
car le petit Jacques avait été
Un entr'acte. Tante Douce
et le film reprend de plus belle.
Cinquante ans plus tard.
Comme le décor a changé •
Nous sommes à Tanana-
rive... Lumière... Chaleur...
palmes agitées par le vent,
foule bariolée et muette
pourtant se pressant place
de la cathédrale.
Sur le parvis un cercueil
enveloppé d’un drap trico
lore, recouvert d’une robe
de bure avec un cordon et
un Crucifix.
Une assistance brillante :
soutane violette d’un évêque,
surplis et rochets brodés,
uniformes chamarrés
ciers et de soldats,
mes blancs de colons
notables.
Le gouverneur qui
d’épingler la croix
d’offi-
costu-
et de
vient
de la
Légion d’honneur sur le
cercueil termine son discours :
« Père Jacques », dit-il.
Un frisson d'émotion
court sur la foule. Tous
s'est arrêtée
Juliette Jourdan.
)
Mi
/
2 FÉVRIER 1947
ILLANTES
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RÉDACTION-ADMINISTRATION CŒURS VAILLANTS,
31, rue de Fleurus. — Paris-6 e . — C. C. P. Paris 1223-59.
/e Qerge de •
/ Qhondele^
— Et ça, tante Douce ? Qu'en faites-
vous ?
Odile est ravie... Par ce jour de pluie,
la grand'tante l'a emmenée dans sa chambre
faire des rangements.
Qu'y a-t-il de plus amusant que cela *
Ranger chez une vieille demoiselle :
cartons fleurant la lavande, tiroirs de
commode pleins de soie et de velours...
sans parler du profit : plumes d'autruches,
fleurs artificielles, dentelles et rubans qui
s'entassent dans un coin pour les poupées
de la petite fille...
— Et ça tante, Douce ? Qu'en faites-
vous ?
Odile montre un vieux petit cierge, tout
jauni et tordu, roulé dans un papier de
soie.
— Ça, répond la vieille demoiselle,
c'est un cierge de la Chandeleur.
Et lasse soudain de tous ces rangements,
: reprise par le passé, le cierge sur ses genoux,
elle . s'accote dans son grand fauteuil.
Odile prend un petit tabouret et se blottit
à ses pieds.
S Tante Douce a une mémoire merveil
leuse, ses histoires sont de vrais films...
Elle contemple le cierge : un J est maladroi-
a tement gravé au couteau dans la cire
jaunie. '
Et tante Douce raconte.
A la lumière de ses souvenirs, l'écran
s'anime...
Soixante ans plus tôt...
Un matin obscur de février, une petite
rue étroite de province avec ses volets
clos et beaucoup de gens encore endormis
par derrière... Des toits pointus couverts
de gelée blanche.
Vers l’église dont on ne voit que le
porche lumineux, deux ombres se hâtent :
l’aïeule tout épaissie de capes et de châles ;
Jacques, son petit-fils, minuscule et
trottinant, un cierge neuf à la main.
Grand’mère ne lui avait-elle pas pro
mis, pour ses huit ans, de l’emmener à
l’office de la Chandeleur ? Dès hier, le
prenant sur ses genoux, elle lui a expliqué
que pour fêter la Présentation de Jésus
au Temple, la révélation du Messie,
lumière du monde, on brûle tous ces
monde, on brûle tous ces
cierges, images pures du
Sauveur... et Jacques a bien
vite choisi le sien, le plus
beau, le plus blanc, qu’il a,
par précaution, gravé de son
initiale.
Il ne s’est pas fait prier ce
matin pour enfiler ses gros
bas de laine et ses galo-
, sangler sa ceinture de
sur son tablier de coton
noir et endosser sa pèlerine.
Les voici dans l’église. Tout
est lumière et chaleur.
Les cœurs s’ouvrent, les
voix chantent, les bougies de
la Chandeleur s’éclairent. On
dirait que toutes les étoiles
ont quitté le ciel et parsemé
les bancs du sanctuaire.
L’aïeule s’attendrit en vo
yant Jacques allumer grave
ment la mèche.
Hélas ! Jacques est Jac
ques... et le diable le connaît
bien.
L’enragée petite flamme
vacillant au bout du cierge
est un feu follet qui tourne
la tête du bambin.
Timidement d'abord, Jacques lève son
cierge, l’abaisse, fait couler sa cire à droit^
à gauche. —
Puis, sans souci de la liturgie et des
gros yeux de son aïeule, il s’en va au fond
du banc et c’est alors le scandale : le
cierge tenu à bout de bras... ramené -
au ras du sol... la flamme décri -
vant des arabesques, des ronds, des—
ovales, manquant de s’éteindre, pétillant,
jetant des éclairs, la cire fondant en grosses
larmes, inondant l’accoudoir et le banc.
En vain éteint-on les cierges, le sien
reste allumé, fou, insolent, échevelé,
transformé en fusée, en torche, en étoile
filante.
L’aïeule, la douce aïeule qui jamais ne
se fâche, tousse, appelle, fronce les sour
cils. Rien n’y fait. Alors, ne pouvant plus
supporter un tel désordre dans la maison
du Bon Dieu, sans un mot elle rejoint
l’enfant, lui prend la bougie des mains,
souffle dessus et la dépose devant elle.
Jacques en demeure pantois tout le
reste de l’office.
Ah ! le retour à la maison... ce retour...
Grand’mère n’avait qu’un mot : « Je
vois qu’il faut que je prie encore beau
coup que pour tu deviennes capable de
tenir un cierge... »
revoient celui qu’on aimait tant, le père
Jacques, le grand défricheur, le moine
à barbe blanche, brûlé de zèle et de
fièvre, dont le corps dort maintenant
entre les quatre planches du cer
cueil.
« Père Jacques, vous nous avez montré
à tous Jésus-Christ. Désormais le flam
beau de la foi chrétienne que vous avez
porté si haut et si loin dans la brousse
malgache, ce flambeau ne s’éteindra
plus. »
— Alors Z /ait Odile qui ne peut s'ima
giner que l'histoire soit déjà finie.
— Alors... la prière de grand'mère
avait été exaucée.
Et tante
une larme,
son frère.
Douce, en disant cela, essuya
car le petit Jacques avait été
Un entr'acte. Tante Douce
et le film reprend de plus belle.
Cinquante ans plus tard.
Comme le décor a changé •
Nous sommes à Tanana-
rive... Lumière... Chaleur...
palmes agitées par le vent,
foule bariolée et muette
pourtant se pressant place
de la cathédrale.
Sur le parvis un cercueil
enveloppé d’un drap trico
lore, recouvert d’une robe
de bure avec un cordon et
un Crucifix.
Une assistance brillante :
soutane violette d’un évêque,
surplis et rochets brodés,
uniformes chamarrés
ciers et de soldats,
mes blancs de colons
notables.
Le gouverneur qui
d’épingler la croix
d’offi-
costu-
et de
vient
de la
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