Presse et revues
20 pages
Titre : Le Yacht : journal de la navigation de plaisance
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1947-06-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34411139c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 888 Nombre total de vues : 888
Description : 14 juin 1947 14 juin 1947
Description : 1947/06/14 (A70,N3053). 1947/06/14 (A70,N3053).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k83720108
Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, FOL-V-634
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 03/03/2020
464
N° 3.053
LE YACHT
NÉCROLOGIE
Jacques BAUDRIER
Le dimanche 4 mai, peu avant le dé-
part des légales, le pavillon du Cercle
de la Voile de Paris était mis en berne.
On venait d’apprendre, à Meulan, le dé
cès, subitement survenu à Toulon, de ce
lui (pii, pendant des années avait incarné
l'esprit de la vieille sociélé : Jacques
Baudrier, président honoraire du C.V.P.
Quelques jours plus tôt, plein de ver
deur et de gaîté, il était venu faire ses
adieux à ses camarades du C.V.P. avant
d'aller se reposer quelque temps chez M.
Georges Bourgeois, l'un de ses plus vieux
et plus chers amis. C’est là, qu’au bord
de cette Méditerranée, qu’il avait tant ai
mée, au milieu de ses souvenirs, près de
la maquette du brick goélette Manou, qui
lui rappelait tant de bons jours, il con
tracta une mauvaise grippe et mouru.
sans s’en apercevoir le 30 avril 1947.
Sa carrière nautique a été l'une des
mieux remplies e! des plus fécondes par
mi celles des yachtsmen français.
Né en 1872, il s’intéressa très jeune,
au yachting et devint en 1898. membre
du Cercle de la Voile de Paris et, en 1900,
du Yacht Club de France.
Ses premiers bateaux furent la Nina-
Claire, puis la Marthe-Hélène, de la série
des 2 t. Avec ses amis Pottier, Laverne,
Arthus et Glandaz, il participa à de nom
breuses régates et à maintes croisières.
Dès 1903, il est membre du Conseil du
C.V.P. et en 1905. il est élu au Comité du
Y.C.F. C’est à ce titre, qu'il représente
nos couleurs à Kiel pendant les épreuves
de la coupe de France en 1907.
En 1906, il acquiert une import an'e
( ude de notaire, mais ses nouvelles fonc
tions ne devaient jamais l’éloigner de la
mer.
En 1909. il p< sède son premier yacht
de croisière, le Spès, avec lequel il navi
gue en Bretagne.
En 1911, il est élu pour la première
lois président du C.V.P.
En 1913, réélu président du C.V.P., il
fait néanmoins, une longue croisière
dans la Manche et dans la mer d'Irlande
sur le 3 mâts goélette de 500 t. Clopia,
qu’il avait loué avec s. s amis Mahaut de
la Quérantonnais et Thion de la Chaume.
Puis, vient la guerre (1 Jacques Bau
drier. mobilisé, ne re prend la mer qu’en
1919. avec son cotre d? 15 t. le Grondin.
P se consacre surtout à la croisière, mais
en 1926, à une époque particulièrement
difficile de la vie du C.V.P., on lit appel
à lui et il reprit la présidenc: qu’il garda
jusqu’en 1931.
Il fut l’artisan de la renaissance du
vieux cercle parisien en éliminant du
Conseil, les éléments anciens et usés et
n groupant autour de lui un comité de
jeunes, pour la plupart, fils ou parents
d’anciens membres, qui devaient, tout en
maintenant son esprit traditionnel don
ner au C.V.P. une vie nouvelle et des suc
cès sans précède ni. Aimant toutes les
initiatives hardies, se préoccupant seule
ment de créer et ayant toujours pensé
que les difficultés financières s’arrangent
par la suite. il dirigea le C.V.P. avec au
dace et lui l’âme de sa reconstruction
matérielle comme de sa renaissance mo
rale. Sous sa présidence, un comité actif
put définir et suivre une politique à lon
gue échéance qui porte encore ses fruits
et n’a pas été modifiée vingt ans plus
lard. De cette époque, date la puissance
en nombre et en valeur des séries du
C.V.P. et la construction de nouveaux bâ-
timents et d’installations nautiques, ainsi
que des relations étroites avec la plupart
des grands clubs étrangers qui sont invi
tés à Meulan ou invitent le C.V.P. dont le
président accompagne bien souvent les
équipes. • '
Ses yachts de croisière pendant celle
période sont les suivants :
1924 : il loue la goélette anglaise* Mu
riel et croise en Angleterre et en Breta
gne.
J 92.5 : il acquiert le ketch de 80
l'incomprise, avec lequel il navigue dans
l'Atlantique avec Arcachon pour base.
1926 : il achète un ancien chasseur
de sous-marin l'Incomprise II, qu’il mène
à Toulon, près de la ravissante propriété
qu’il vient d’acquérir à Ollioules; mais il
est vite dégoûté du moteur et pense re
venir à sa vraie passion : la voile.
C’est à Oslo, où il représente le C.V.P.
pendant les épreuves de la Coupe Inter
nationale du Cercle de la Voile de Paris,
qu’il découvre le yacht personnel de Co-
lin-Archer; il l’achèle aussitôt et l’envoie
en Méditerranée, sous le nom d'Incom
prise III.
Ce magnifique cotre de 18 I. fut certai
nement le bateau le plus cher au cœur
de Jacques Baudrier. Avec lui, il croise
continuellement en Méditerranée et, com
me il aime la course, par son activité in
lassable et son prosélytisme ardent, il
parvient à mettre sur pied avec ses amis
Chabrières, Rouir et Maroni, la première
course croisière en Méditerranée : Tou-
Ion La Giraglia-Juan-le s-Pins; suivie* de
la course vers Barcelone, de Nica-Calvi
et d'une autre, en Algérie, etc...
En 1931, il cède son élude de notaire
et, peu après des revers de fortune, l’obli-
g, nt à vendre son Incomprise.
Il n’en abandonne pas pour si peu son
activité de yachtsman et représente deux
fois le Y.C.F. pour la coupe de* France à
Cowes, et plusieurs fois le C.V.P. ou le
Y.C.F., à Cènes. Il continue à naviguer
ur les bateaux de ses amis, le* Lavengro,
de M. Richer, avec lequel il alla en Grèce
et le Manou, de son grand ami Georges
Bourgeois, sur lequel il croisait fréquem
ment sur les sûtes d’Angleterre et de Hol-
lande.
Il s’occupait également des sociétés de
régates de la région où il habitait de plus
en plus : Toulon, Sanary, Bandol, etc... Il
suivait l’activité du C.V.P. don il était
devenu le président honoraire.
La deuxième guerre mondiale le trouve
à Ollioules, où il groupe chez lui, après
l’armistice, tous les membres du C.V.P.
démobilisés en zone libre. Sa maison res
tera pendant longtemps le rendez-vous
des yachtsmen parisien de passage; mais
Jacques Baudrier sur le « Chamaja »
aux régates de La Trinité l’année dernière.
lui-même dut regagner Paris pour y re
prendre une activité professionnelle (pie
a dureté des temps lui rendait indispen
sable.
L’une de ses dernières joies fut de
passer l’été dernier à La Trinité-sur-mer,
dans l'hôtel (pie le C.V.P. avait loué et où
il présidait une tablée bruyante avec sa
bonne humeur et son indulgence habi
tuelle. Entouré des jeunes femmes du
Cercle, écouté de ses jeunes camarades,
il put revivre pendant un mois, les belles
heures d’autrefois et constater une fois
encore, (pie l'esprii de son cercle, pour
L maintien duquel il avait tant fait, était
demeure ' ntact.
Une autre grande joie fut la naissance
au cours du même été de sa première
petite-fille.
Il passa ses derniers mois à Paris en-
touré de ses fils Yves et Claude auxquels
nous adressons nos condoléances émues
ci il se réjouissait à l’idée de prendre
part aux manifestations nautiques (pii
auront lieu cet été à Toulon, quand la
mort le surprit au « Castellet » chez son
ami Bourgeois.
Cette mort rapide, élégante et légère
comme sa vie même, dans le cadre qu’il
aimait et au milieu de ses amis n'est-elle
pas le magnifique couronnement d’une
existence où la bonne humeur, l’amabi
lité, la courtoisie ei l'optimisme permi-
relit à Jacques Baudrier de surmonter les
coups les plus cruels, de rester toujours
lui-même et à être adoré de ses amis.
Le yachting français perd en lui, non
seulement un animateur, mais l’exemple
vivant d’un homme dominé par la pas
sion de la voile et de la mer. Le Cercle
de la Voile de Paris perd encore beau-
coup plus en la personne de celui que
Jean Savoye avait choisi à juste titre
pour personnifier dans sa revue de 1931
la tradition bientôt centenaire du vieux
C.V.P.
N° 3.053
LE YACHT
NÉCROLOGIE
Jacques BAUDRIER
Le dimanche 4 mai, peu avant le dé-
part des légales, le pavillon du Cercle
de la Voile de Paris était mis en berne.
On venait d’apprendre, à Meulan, le dé
cès, subitement survenu à Toulon, de ce
lui (pii, pendant des années avait incarné
l'esprit de la vieille sociélé : Jacques
Baudrier, président honoraire du C.V.P.
Quelques jours plus tôt, plein de ver
deur et de gaîté, il était venu faire ses
adieux à ses camarades du C.V.P. avant
d'aller se reposer quelque temps chez M.
Georges Bourgeois, l'un de ses plus vieux
et plus chers amis. C’est là, qu’au bord
de cette Méditerranée, qu’il avait tant ai
mée, au milieu de ses souvenirs, près de
la maquette du brick goélette Manou, qui
lui rappelait tant de bons jours, il con
tracta une mauvaise grippe et mouru.
sans s’en apercevoir le 30 avril 1947.
Sa carrière nautique a été l'une des
mieux remplies e! des plus fécondes par
mi celles des yachtsmen français.
Né en 1872, il s’intéressa très jeune,
au yachting et devint en 1898. membre
du Cercle de la Voile de Paris et, en 1900,
du Yacht Club de France.
Ses premiers bateaux furent la Nina-
Claire, puis la Marthe-Hélène, de la série
des 2 t. Avec ses amis Pottier, Laverne,
Arthus et Glandaz, il participa à de nom
breuses régates et à maintes croisières.
Dès 1903, il est membre du Conseil du
C.V.P. et en 1905. il est élu au Comité du
Y.C.F. C’est à ce titre, qu'il représente
nos couleurs à Kiel pendant les épreuves
de la coupe de France en 1907.
En 1906, il acquiert une import an'e
( ude de notaire, mais ses nouvelles fonc
tions ne devaient jamais l’éloigner de la
mer.
En 1909. il p< sède son premier yacht
de croisière, le Spès, avec lequel il navi
gue en Bretagne.
En 1911, il est élu pour la première
lois président du C.V.P.
En 1913, réélu président du C.V.P., il
fait néanmoins, une longue croisière
dans la Manche et dans la mer d'Irlande
sur le 3 mâts goélette de 500 t. Clopia,
qu’il avait loué avec s. s amis Mahaut de
la Quérantonnais et Thion de la Chaume.
Puis, vient la guerre (1 Jacques Bau
drier. mobilisé, ne re prend la mer qu’en
1919. avec son cotre d? 15 t. le Grondin.
P se consacre surtout à la croisière, mais
en 1926, à une époque particulièrement
difficile de la vie du C.V.P., on lit appel
à lui et il reprit la présidenc: qu’il garda
jusqu’en 1931.
Il fut l’artisan de la renaissance du
vieux cercle parisien en éliminant du
Conseil, les éléments anciens et usés et
n groupant autour de lui un comité de
jeunes, pour la plupart, fils ou parents
d’anciens membres, qui devaient, tout en
maintenant son esprit traditionnel don
ner au C.V.P. une vie nouvelle et des suc
cès sans précède ni. Aimant toutes les
initiatives hardies, se préoccupant seule
ment de créer et ayant toujours pensé
que les difficultés financières s’arrangent
par la suite. il dirigea le C.V.P. avec au
dace et lui l’âme de sa reconstruction
matérielle comme de sa renaissance mo
rale. Sous sa présidence, un comité actif
put définir et suivre une politique à lon
gue échéance qui porte encore ses fruits
et n’a pas été modifiée vingt ans plus
lard. De cette époque, date la puissance
en nombre et en valeur des séries du
C.V.P. et la construction de nouveaux bâ-
timents et d’installations nautiques, ainsi
que des relations étroites avec la plupart
des grands clubs étrangers qui sont invi
tés à Meulan ou invitent le C.V.P. dont le
président accompagne bien souvent les
équipes. • '
Ses yachts de croisière pendant celle
période sont les suivants :
1924 : il loue la goélette anglaise* Mu
riel et croise en Angleterre et en Breta
gne.
J 92.5 : il acquiert le ketch de 80
l'incomprise, avec lequel il navigue dans
l'Atlantique avec Arcachon pour base.
1926 : il achète un ancien chasseur
de sous-marin l'Incomprise II, qu’il mène
à Toulon, près de la ravissante propriété
qu’il vient d’acquérir à Ollioules; mais il
est vite dégoûté du moteur et pense re
venir à sa vraie passion : la voile.
C’est à Oslo, où il représente le C.V.P.
pendant les épreuves de la Coupe Inter
nationale du Cercle de la Voile de Paris,
qu’il découvre le yacht personnel de Co-
lin-Archer; il l’achèle aussitôt et l’envoie
en Méditerranée, sous le nom d'Incom
prise III.
Ce magnifique cotre de 18 I. fut certai
nement le bateau le plus cher au cœur
de Jacques Baudrier. Avec lui, il croise
continuellement en Méditerranée et, com
me il aime la course, par son activité in
lassable et son prosélytisme ardent, il
parvient à mettre sur pied avec ses amis
Chabrières, Rouir et Maroni, la première
course croisière en Méditerranée : Tou-
Ion La Giraglia-Juan-le s-Pins; suivie* de
la course vers Barcelone, de Nica-Calvi
et d'une autre, en Algérie, etc...
En 1931, il cède son élude de notaire
et, peu après des revers de fortune, l’obli-
g, nt à vendre son Incomprise.
Il n’en abandonne pas pour si peu son
activité de yachtsman et représente deux
fois le Y.C.F. pour la coupe de* France à
Cowes, et plusieurs fois le C.V.P. ou le
Y.C.F., à Cènes. Il continue à naviguer
ur les bateaux de ses amis, le* Lavengro,
de M. Richer, avec lequel il alla en Grèce
et le Manou, de son grand ami Georges
Bourgeois, sur lequel il croisait fréquem
ment sur les sûtes d’Angleterre et de Hol-
lande.
Il s’occupait également des sociétés de
régates de la région où il habitait de plus
en plus : Toulon, Sanary, Bandol, etc... Il
suivait l’activité du C.V.P. don il était
devenu le président honoraire.
La deuxième guerre mondiale le trouve
à Ollioules, où il groupe chez lui, après
l’armistice, tous les membres du C.V.P.
démobilisés en zone libre. Sa maison res
tera pendant longtemps le rendez-vous
des yachtsmen parisien de passage; mais
Jacques Baudrier sur le « Chamaja »
aux régates de La Trinité l’année dernière.
lui-même dut regagner Paris pour y re
prendre une activité professionnelle (pie
a dureté des temps lui rendait indispen
sable.
L’une de ses dernières joies fut de
passer l’été dernier à La Trinité-sur-mer,
dans l'hôtel (pie le C.V.P. avait loué et où
il présidait une tablée bruyante avec sa
bonne humeur et son indulgence habi
tuelle. Entouré des jeunes femmes du
Cercle, écouté de ses jeunes camarades,
il put revivre pendant un mois, les belles
heures d’autrefois et constater une fois
encore, (pie l'esprii de son cercle, pour
L maintien duquel il avait tant fait, était
demeure ' ntact.
Une autre grande joie fut la naissance
au cours du même été de sa première
petite-fille.
Il passa ses derniers mois à Paris en-
touré de ses fils Yves et Claude auxquels
nous adressons nos condoléances émues
ci il se réjouissait à l’idée de prendre
part aux manifestations nautiques (pii
auront lieu cet été à Toulon, quand la
mort le surprit au « Castellet » chez son
ami Bourgeois.
Cette mort rapide, élégante et légère
comme sa vie même, dans le cadre qu’il
aimait et au milieu de ses amis n'est-elle
pas le magnifique couronnement d’une
existence où la bonne humeur, l’amabi
lité, la courtoisie ei l'optimisme permi-
relit à Jacques Baudrier de surmonter les
coups les plus cruels, de rester toujours
lui-même et à être adoré de ses amis.
Le yachting français perd en lui, non
seulement un animateur, mais l’exemple
vivant d’un homme dominé par la pas
sion de la voile et de la mer. Le Cercle
de la Voile de Paris perd encore beau-
coup plus en la personne de celui que
Jean Savoye avait choisi à juste titre
pour personnifier dans sa revue de 1931
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