Titre : Le Populaire : journal-revue hebdomadaire de propagande socialiste et internationaliste ["puis" socialiste-internationaliste]
Auteur : Parti socialiste SFIO (France). Auteur du texte
Auteur : Parti socialiste (France). Fédération (Paris). Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Limoges)
Éditeur : Parti socialisteParti socialiste (Paris)
Date d'édition : 1938-07-22
Contributeur : Blum, Léon (1872-1950). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34393339w
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 juillet 1938 22 juillet 1938
Description : 1938/07/22 (Numéro 5636). 1938/07/22 (Numéro 5636).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k823107w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-60603
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
SIX
LE POPULAIRE
22-7-28
LA JOURNEE A VERSAILLES
DES SOUVERAINS ANGLAIS
C'est loin des regards du public que
le roi George VI et H. Albert Lebrun
ont quitté Paris hier matin, par la gare
des Invalides pour se rendre à Versail-
les.
Les deux chefs d'Etat devant partir
ensemble du Quai d'Orsay, n'avaient
qu'à traverser à pied la rue de Cons-
tantine pour passer du ministère des
Affaires Etrangères à la station des In-
valides. Aussi, avait-on jugé utile de
ne laisser approcher personne. Ce fut
donc à la hauteur de la rue de l'Uni-
versité, en travers de la rue de Cons-
tantine, fermée à la circulation, que
le public se pressait, inutilement d'ail-
leurs, pour ceux qui n'étaient pas aux
premiers rangs.
En vue de ce court voyage, des dis-
positions particulières avaient été pri-
ses en ce qui concerne le trafic sur la
ligne de Versailles. C'est ainsi que les
trains pour Versailles ne parvenaient
jusqu'à destination qu'à partir de
17 h. 10, c'est-à-dire après le retour du
roi à Paris. Seuls les voyageurs n'al-
lant pàfe plus loin que Meudon-Valfleu-
ry purent avant emprunter la ligne.
Encore devaient-ils prendre leur train
à la gare parisienne de l'Aima.
La gare des Invalides avait été joli-
ment décorée. A l'extérieur, un tapis
rouge avait été placé en travers de
la chaussée, rue de Constantine, jus-
qu'à l'entrée de la gare que prolongeait
Un somptueux dais bleu et or, et qui
était décorée de fleurs et de plantes
vertes. Les corniches de la gare suppor-
taient de larges couronnes de lauriers
d'or.
Vers 10 h. 30, un roulement de tam-
bour résonne, provenant de la cour
d'honneur du ministère des Affaires
Etrangères, où M. Albert Lebrun vient
d'arriver.
Dix minutes plus tard, le roi et le
président de la République apparaissent
à la porte donnant rur la rue de Cons-
tantine et, tandis que la Garde républi-
caine, neurs, Jes deux chefs d'Etat descendent
lentement le perron, suivis des person-
nalités de leur suite, et pénètrent aus-
sitôt dans la gare.
Le départ de Paris
Le roi est immédiatement reçu par M.
Guinand, président de la S. N. C. F.
et ses principaux collaborateurs, qui le
conduisent, par une sorte de couloir,
à un premier salon, très haut de pla-
fond, tapissé de blanc sur deux côtés,
ét dont la voûte et les deux autres pa-
rois sont couvertes d'immenses d'im-
menses draperies aux couleurs anglai-
ses.
De hautes torchères, dont les pieds
se perdent dans des massifs de fleurs,
jettent sur toutes choses une lumière
diffuse. Partout, des gardes sont figés
dans une immobilité de statue.
Un large escalier, pareillement déco-
ré, descend jusqu'au dernier salon, où
les yeux sont attirés irrésistiblement
par une corbeille d'hortensias roses et
blancs, vaste plate-bande de vingt mè-
tres de long sur plusieurs de large, dont
les délicates nuances se marient en
?une parure vraiment incomparable.
Enfin le quai est lui aussi tendu de
blanc et garni d'un moelleux tapis rou-
ge/Les gardes municipaux en uniforme
sombre font la haie. Leur clique est
massée près du wagon royal. Le train,
entièrement peint en bleu et or, avec les
roues blanches, est orné d'écussons an-
glais et français. Il est tiré par deux
locomotives électriques qui sont accou-
plées à l'avant, et également peintes en
bleu.
Il est maintenant 10 h. 35. Les pre-
mières personnalités arrivent.
Soudain, un ordre retentit ; les hom-
mes rectifient leur garde à vous, et
bientôt la sonnerie « Aux champs » fait
résonner les voûtes. Voici le roi, en pe-
tite tenue de field-marshall, casquette
kaki à bande rouge. Il avance accompa-
gné de M. Albert Lebrun et des nom-
breuses personnalités de leur suite. Du
geste, le président de la République
l'invite à monter dans le wagon royal.
Tous deux gagnent leur comparti-
ment. Un instant d'attente encore et,
lentement, le convoi démarre. Le roi et
M. Albert Lebrun sont debout dans
leur wagon ; ils saluent au passage les
notabilités restées sur le quai.
La clique de la Garde républicaine
sonne une deuxième fois « Aux
champs ».
L'arrivée à Versailles
Versailles fait à Sa Majesté George VI
et à la reine Elizabeth un accueil
« royal ».
Dès le matin, les avenues sont ani-
mées par une foule joyeuse. Ce sont les
Versaillais ; se sont aussi des-milliers
de Parisiens accourus avant l'interrup-
tion des transports.
Bref est le parcours que doit faire
le cortège, mais c'est à profusion que
les façades sont pavoisées. Certes, Ver-
sailles pourrait se passer d'une décora-
tion éphémère, alors que le décor pres-
que tricentenaire du château et de l'a-
venue de Paris est d'une si aimable ma-
jesté. Mais il faut que la joie s'extério-
rise, et chacun a donné à sa maison ou
à sa tenue un air de fête : drapeaux
aux fenêtres, fleurs tricolores âu cor-
sage, cocardes à la boutonnière.
Il est 11 h. 05 quand le train royal ar-
rive à la gare de Versailles-Rive gau-
che. Au moment où il stoppe, une bat-
terie de fusiliers marins sonne « Aux
champs ».
Le roi et le président passent la com-
pagnie en revue, puis apparaissent dans
l'escalier de la gare où la haie est faite
sur leur passage par des hallebardiers.
Devant la gare, un plan incliné a été
aménagé pour permettre aux voitures
de gagner l'avenue plus commodément,
et le cortège est rapidement formé.
Il ne faut que quelques minutes aux
voitures encadrées par deux escadrons
de spahis, pour déboucher sur la magni-
fique perspective de l'avenue de Paris
que ferme le château de Versailles. Par-
tout, derrière les barrières, la foule ac-
clame joyeusement le souverain ami.
Au moment où le roi et le chef de
l'Etat arrivent à la hauteur de la tri-
bune officielle, en face de la préfectu-
re, 101 .coups de canon commencent à
tonner. Trois musiques de la 10e divi-
sion d'infanterie, rangées en face de la
tribune, sonnent « Aux champs », au
milieu du silence profond qui a succé-
dé aux acclamations des dizaines de
milliers de personnes présentes.
Puis ce sont les notes lentes et so-
lennelles du « God save the King »
et enfin la Marseillaise qui vibre.
Dans la tribune présidentielle blanche
et verte, ornée d'un mur de verdure sur
lequel se détachent les drapeaux de
Grande-Bretagne et de France, le roi
s'assied, ayant à sa droite M. Albert
Lebrun, et à sa gauche MM. Jeanneney,
Herriot, Daladier, ainsi que MM. Cam-
pinchi et Guy La Chambre, ministres
de la Marine et de l'Air.
Les autres invités que l'on remarque
dans la tribune, sont, en dehors des
membres du gouvernement tous pré-
sents, à l'exception de M. Jean Zay, qui
s'est rendu directement au château pour
veiller aux derniers préparatifs de la
réception : MM. Billecart, préfet de
Seine-et-Oise ; Henry Haye, Bertrand,
président du Conseil général ; Bras-
seau, le plus ancien sénateur de
Seine-et-Oise ; Gaston Bergery, le
plus ancien député du départe-
ment ; le maréchal Pétain, M. Jean Fa-
bry, ancien ministre de la Guerre ; le
général Gamelin, chef d'état-major gé-
néral de la défense nationale ; l'amiral
Darlan, chef d'état-major de la marine;
le général Vuillemin, chef d'état-ma-
jor de l'armée de l'air.
Il est 11 h. 25 et le défilé des troupes
va commencer.
Le défilé des troupes
Sous un ciel d'une grisaille uniforme,
dans une apothéose de drapeaux dé-
ployés,; éclatants, au milieu d'un enthou-
siasmé inouï, l'armée française va défi-
ler avec un déploiement de forces sans
précédent dans les annales de l'après-
guerre.
Toutes les troupes de la région de Pa-
ris, renforcées par des corps des autres
régions et rassemblées dès 10 h. 30 aux
emplacements prévus, avenue et route
de Versailles, face au château, vont ren-
dre hommage au roi d'Angleterre et au
président de la République. Leur effec-
tif total approche 50.000 hommes.
A 11 h. 25, aussitôt-après les dernières
mesures de l'hymne national français,
le général Billotte, gouverneur militaire
de Paris, s'avance à cheval, à la hau-
teur de la tribune officielle. D'un geste
large, il salue George VI et M. Albert
Lebrun, puis vient se placer tout con-
tre le trottoir, pour' s'arrêter face au
roi et ' au président de la République
et leur présenter le défilé.
C'est la cavalerie qui ouvre la mar-
che, précédée d'aigres sonneries de
trompettes ; derrière le général d'Hu-
mières, commandant la 3e D. C., voici
la lance à oriflamme au poing, les sévè-
res cavaliers de l'escadron de Saint-Cyr,
puis les centaures du 4e hussards, du
6e dragons, du lie cuirassiers.
De longues acclamations fusent et
viennent s'éteindre au pied de la tribu-
ne pavoisée, où le roi, debout au côté
de M. Albert Lebrun, se tient très droit
dans-son strict uniforme.
Le général Du Cor de Damrémont
vient en tête des spahis, dont il com-
mande la première brigade.
Ce sont d'abord, dans une gloire de
couleurs, les spahis marocains du 4e
régiment, coiffés de la chéchia rouge,
recouverte du chèche beige, avec le
croissant d'Islam, et dont les burnous
bleus retombent en plis flottants sur
les pantalons bleus, l'éperon étincelant;
puis les spahis algériens du 6e régi-
ment, pantalons bleus et tuniques rou-
ges, qui évoquent une charge héroïque,
sous un ciel africain.
. La cavalerie est passée, follement ap-
plaudie, sur l'avenue historique. Les
musiques de la 10e division d'infante-
rie, .placées à gauche du général Billot-
te, vont exécuter alternativement et
jusqu'au départ du roi, des marches lé-
gères, pour scander le défilé de l'infan-
terie.
Aux accents mâles du Chant du Dé-
part, les polytechniciens, drapeau en tê-
te, "défilent derrière le général Dumon-
thier. Puis c'est Saint-Cyr, avec le géné-
ral Lucien, et l'Ecole de l'air, en for-
mations serrées.
Viennent ensuite les fusiliers marins
en guêtres blanches, vêtus de bleu fon-
cé, la cartouchière à la ceinture, et les
bataillons de l'escadre de l'Atlantique.
Enfin l'infanterie, sûre, compacte, puis-
sante, s'avance sur vingt-quatre rangs.
La Sidi-Brahim entraîne les chasseurs
à pied'des 8e, 4e et 13e bataillons qui
s'avancent de leur pas célèbre derrière
leurs fanfares groupées et le drapeau
troué de balles, noirci par la poudre.
Les soldats en uniforme bleu sombre,
avec parements jonquille et casquette
noire .passent avec des sonneries de
clairon et de cors de chasse.
Les chefs des sections, armés de sa-
bres, saluent dix mètres avant d'arriver
à hauteur de la tribune royale, enca-
drée de spahis hiératiques. Les hommes
font un impressionnant « tête gauche »
en passant devant le souverain. Celui-ci
toujours grave et immobile, semble im-
pressionné par la puissance qui se dé-
gage de ces troupes magnifiques.
Le général Vary, commandant la 10e
D. I. s'avance, détaché, avant les fan-
tassins des 5e, 24e et 46e régiments.
Comme tout à l'heure à l'arrivée de
George VI, des enfants agitent des dra-
peaux aux couleurs de la France et de
l'Angleterre. Us poussent des vivats.
Le général Loizeau, commandant la
12e D. I. est suivi des 106e, 150e R. I.
et des zouaves du 8e dragons, zouaves
à la culotte bouffante, à l'uniforme lé-
gendaire.
Le général Allegrini, commandant la
3e D. I. C. à leur tête, voici les régi-
ments d'infanterie coloniale : les 1er,
21e, 23e.
Et succédant aux uniformes sans pa-
nache des fantassins métropolitains, les
tirailleurs algériens, au boléro soutaché
de jaune, défilent devant les tirailleurs
sénégalais aux statures imposantes,
dont le visage d'ébène, d'un seul mou-
vement, se tourne vers la tribune offi-
cielle.
L'armée motorisée
et l'aviation
Au bruit des pas frappant le sol en
cadence, succède soudain le vrombisse-
ment des moteurs et des roues sautant
sur- le « pavé du roi ». Les formations
motorisées de l'armée moderne font
leur apparition.
Le général Bloch, commandant l'ar-
tillerie de la région de Paris, vient en
tête. Leur étendard précède trois batte-
ries des 71e et 72e R. A. D. et deux bat-
teries du 401e D. C. A. et du 182e régi-
ment d'artillerie lourde.
Les généraux Altmeyer, commandant
la deuxième division lourde mécanique,
et Bougrain, commandant la 4e brigade
légère mécanique annoncent de nouvel-
les unités.
Les groupes montés d'escadrons mo-
tocyclistes,les dragons portés, les autos-
mitrailleuses, les unités légères sont de-
vant et passent rapidement, soulevant
des nuages de poussière.
Le fracas des moteurs n'est pas assez
puissant pour couvrir celui qui vient
du ciel. Des avions de chasse, en forma-
tions impeccables, dessinent, sous le ta-
pis des nuages, des figures géométri-
ques d'une perfection merveilleuse, et
les spectateurs les applaudissent et les
acclament. Le soleil à chaque instant
perce, l'écran de brume, mais bientôt 11
disparaît à nouveau.
Quatre cents avions de bombarde-
ment et 200 appareils de chasse de-
vaient participer à cette parade aérien-
ne sous les ordres du général Pennes,
commandant le 41e corps aérien. Us
avaient été concentrés sur les terrains
de la région parisienne. Le temps n'a
pas voulu qu'ils défilassent, et ce sera
le seul regret de cette journée. Le pla-
fond en effet n'étant qu'à 200 mètres,
les seuls avions que la foule put voir,
furent en effet obligés de voler à si fai-
ble hauteur qu'ils rasaient presque les
arbres.
Une vision apocalyptique
Mais cette déception, les spectateurs
l'eurent bien vite oubliée par la vision
apocalyptique que présentaient les piè-
ces énormes de l'artillerie motorisée.
Après les autos-mitrailleuses des 13e
et 29e dragons et les chars légers, s'a-
vançaient en effet, mastodontes impres-
sionnants, un escadron et un bataillon
de chars lourds, forteresses métalliques
hérissées d'armes redoutables et meur-
trières, camouflés, massifs et évoquant
irrésistiblement l'idée de quelque mons-
tre préhistorique.
C'était là la fin du défilé ; les avions
avaient disparu à l'horizon depuis long-
temps pour regagner leurs bases.
Cependant, le général Billotte s'avan-
çait à cheval au devant de la tribune
royale où il recevait de M. Albert Le-
brun, les félicitations que George VI
avait prié le chef de l'Etat de lui trans-
mettre pour la magnifique ordonnance
du défilé et l'entrain admirable des
troupes qui y avaient participé.
Le général s'étant retiré, George VI
et M. Albert Lebrun quittent la. tribune
pour se rendre au château de Versailles.
Le cortège se forme dans le même
ordre qu'à l'arrivée, et la s voiture roya-
le, avec son escorte. de spahis, lente-
ment, se met en marche tandis que le
public, toujours massé derrière le ser-
vice d'ordre et les soldats au garde-à-
vous, pousse à l'endroit du souverain de
nouveaux et interminables vivats.
Ces manifestations d'enthousiasme se
répéteront tout le temps et sur tout le
parcours.
Au Château d
Lorsque le cortège arrive dans la cour
du palais, toutes les troupes massées sur
la place d'Armes ou qui s'étagent sur
les rampes de la cour d'honneur sont fi-
gées dans une immobilité pareille à
celle des pierres. Elles apparaissent
comme des parterres où le kaki do-
mine et où éclatent le rouge, le bleu et
l'or des uniformes.
Tout en haut, les plumets des Saint-
Cyriens dominent cette mer humaine
arrêtée dans un « garde-à-vous » exem-
plaire. Ce sont eux, les Saint-Cyriens,
qui, _ dans la cours des Ministres où
s'arrête la voiture de George VI et de
M. Lebrun, rendent les honneurs, selon
le cérémonial légué par le 17® siècle,
c'est-à-dire deux cordons de soldats à
pied, tandis que les cavaliers des autres
armes sont massés sur les rampes.
Le souverain britannique dresse sou-
dain sa silhouette sur la gauche de la
cour. On ne l'aperçoit qu'un instant.
Il pénètre dans le vestibule, en com-
pagnie du chef de l'Etat. Le roi et le
président sont alors accueillis par M.
Jean Zay, ministre de l'Education na-
tionale et des Beaux-Arts qui va leur
faire les honneurs du château, en com-
pagnie de M. Huisman, secrétaire gé-
néral des Beaux-Arts, et de M. Patrice-
Bonnet, architecte du château.
Le roi va retrouver la reine Eliza-
beth dans la pièce dite méridienne de
Marie-Antoinette : on sait, en effet, que'
la reine est venue de Paris avec Mme
Lebrun. Les souverains vont prendre
quelques instants de repos avant le dé-
jeuner de la Galerie des Glaces.
Bientôt - quelques minutes avant 13
heures - le président et Mme Albert
Lebrun _ quittent la salle de l'OEil-de-
Boeuf où ils s'étaient également reposés
quelques minutes, et vont au devant du
Le défilé des fusiliers marins au cours de la revue militaire
roi et de la reine.
Le roi donnant le bras à Mme Le-
brun et le président donnant le bras à
la reine Elizabeth, apparaissent au fond
du salon de la pièce qu'ils vont traver-
ser pour gagner la Galerie des Glaces.
Le déjeuner dans la Galerie
des Glaces
Là, pour recevoir avec toute la pom-
pe désirable les illustres visiteurs de la
France, l'administration des Beaux-
Arts avait disposé une décoration à la
fois simple et somptueuse, puisqu'elle
était exclusivement composée d'innom-
brables caisses d'orangers et de rosiers
grimpants, d'une éblouissante fraîcheur
rangées le long des murs et entre cha-
cune des vastes fenêtres, qui ont pour
vue les incomparables jardins de Le
Nôtre.
Pour recevoir les illustres hôtes de
Versailles et les 250 personnalités invi-
tées, au milieu de la Galerie, trois ta-
bles sont disposées, éclatant des mille
feux des cristaux dont se pare l'éblouis-
sante blancheur des nappes. Derrière
les chaises cannelées et dorées, soixan-
te-quinze laquais, en habit à la fran-
çaise, attendent comme au port d'ar-
me, tandis qu'un orchestre d'instru-
ments à cordes exécute des airs du
temps de Louis XTV : Lulli, Rameau
ou Couperin.
Le menu, particulièrement soigné -
on l'entend aisément - avait nécessité
l'installation de cuisine provisoires, les
anciennes cuisines du temps du Roi,
étant, depuis longtemps, désaffectées.
A 13 h. 05 exactement, un laquais à
perruque poudrée à frimas annonçait
solennement que « Leurs Majestés
étaient servies ».
Très simplement, le roi et la reine
font leur entrée dans la Galerie des
Glaces. Tous les invités se lèvent d'un
seul mouvement, quand ils apparais-
sent. Le roi n'est plus en tenue kaki,
mais en jaquette, et son sourire indi-
que qu'il goûte pleinement le charme
de l'heure. La reine, très gracieuse dans
sa roble blanche, sourit également,
tournée vers ses voisins de gauche, MM.
Jeanneney et Millerand. Le président
de la République et Mme Albert Le-
brun, qui étaient aux côtés des sou-
verains, semblent aussi de la meilleure
humeur du monde.
Un concert de musique
de chambre
Le service commence aussitôt.
La table d'honneur permet au roi et
à la reine d'admirer dans toute sa
splendeur, le panorama du parc, à tra-
vers les hautes fenêtres.
Légèrement en retrait,_ deux tables la
prolongent de chaque côté. Les minis-
tres y prennent place, ainsi- que les
plus gracieuses Parisiennes. Les autres
invités sont groupés par petites tables.
Pendant tout le repas, l'orchestre de
violons et de violoncelles exécute un
programme de musique de chambre,
sous la direction de M. Joseph Calvet,
professeur au Conservatoire. Les con-
vives écoutent quelques-unes des plus
caractéristiques compositions de l'école
française des XVIIe et XVIII 1' siècles ;
et leurs gavottes, leurs rigaudons, leurs
chaconnes évoquent harmonieusement
une des plus belles époques de notre
.histoire artistique.
Et un concert de musique
religieuse
Le déjeuner prend fin et, peu après,
14 heures, le roi et la reine se retirent
dans les appartements qui leur ont été
préparés de-l'autre côté de la cour de
marbre ; ils vont y prendre quelques
instants de repos et admirer à loisir le
spectacle que l'on voit de leurs fenê-
tres.
Pendant ce temps, les invités se grou-
pent dans les salons qui précèdent la
chapelle. Là, en effet, à 14 h. 45, a lieu
un concert de musique classique, pour
lequel on a fait appel aux sociétaires de
la Comédie-Française et aux pension-
naires de nos théâtres nationaux.
Le spectacle est extraordinaire à con-
sidérer. On se croirait reporté à trois
siècles en arrière, car les comédiens
français : marquis, en tenue de cour,
et précieuses, en robe de brocart et de
velours ont pris place sur des banquet-
tes de tapisseries disposées dans la cha-
pelle et se préparent à faire au roi et
à la Reine cet accueil, en costume du
« grand siècle », qui est comme un bou-
quet offert par Versailles aux hôtes de
la France.
Dans la loge, qui surplombe la nef,
en face des grandes orgues, quatre fau-
teuils de tapisserie, installés dans les
balcons en encorbellement, attendent le
roi, la reine, le président de la Républi-
que et Mme Lebrun, qui vont y pren-
dre place.
L'heure est venue. Voici le roi don-
nant le bras à Mme Lebrun et la reine
au bras de M. Lebrun. Quelques invités
se joignent à eux dans la loge. Ils con-
sultent le programme, dont la couver-
ture a été dessinée par Bernard Nau-
din. Lè concert Va commencer.
Un parfum, subtil comme l'encens,
flotte-dans l'air. Il monte des orangers
en fleurs, des fameux orangers du Roi-
Soleil, qui sont disposés de part et d'au-
tre de l'autel ou qui alternent avec les
piliers.
Ces verts feuillages et les magnifi-
ques habits de cour que portent les co-
médiens français font ressortir la blan-
cheur de la chapelle toute de marbre
et de pierres, çà et là rehaussés d'or.
Par les hautes baies vitrées, le soleil
entre largement et l'on voit le ciel d'un
bleu très pur. Parfois aussi, des ombres
s'étendent sur la chapelle ; ce sont les
ailes des avions qui survolent le châ-
teau. Mais, à part ce rappel de l'époque
moderne; rien, pendant une demi-heure,
ne viendra troubler la résurrection du
passé.
Par un accord tacite, les invités qui
occupent les deux galeries latérales se
sont effacés pour que le regard des
souverains aperçoive seulement les fan-
tômes du grand siècle, les hôtes du Pa-
lais Dormant que leurs sourires et leur
jeunesse sont venus réveiller.
Des voix pures s'élèvent. Ce sont des
jeunes filles en robe bleue et blanche,
de Saint-Cyr, qui chantent les canti-
ques composés par Racine pour le Roi-
Soleil et qui furent entendus,- pour la
première fois, sous ces voûtes, en 1695.
Si l'on ne savait que ces jeunes fil-
les appartiennent à la chorale Elisabeth
Brasseur et que le maître, en habit de
velours bleu qui les dirige est M. Gus-
tave Cloez, on pourrait croire que l'é-
cho de ces chants remonte d'un très
lointain passé.
De même quand on écoutera M. Lo-
vano exécuter le « Magnificat », Mme
Martinelli moduler les lamentations
d'Amadis ; M. Georges Jouatte chanter
le « motet du Roi », de Couperin, on
se croira reporté au XVIIe siècle.
Et c'est encore dans les souvenirs de
la même époque, où l'amitié fleurissait
déjà entre les deux pays qu'on a re-
trouvé 1' « Hymne à l'Angleterre », de
Purcell, qui fut exécuté d'abord à
Westminster, puis également à Ver-
sailles.
Les souverains semblent prendre
grand plaisir à ce spectacle ; la reine,
dans sa robe de dentelles blanches, est
attentive à tout ; le roi se penche par-
fois vers Mme Lebrun, toute vêtue en
une harmonie de bleus ton sur ton.
Mais le concert s'achève avec d'ail-
leurs un retard assez sensible sur l'ho-
raire qui avait été prévu et voici que
les comédiens français, conduits par
leur doyen, M. Dessonnes, ainsi que les
pensionnaires de l'Odéon font la haie
au pied de l'escalier du Roi par où les
souverains, le président d% la Républi-
que et Mme Albert Lebrun vont gagner
le parc.
Tandis que trois voitures . emmènent
le roi et la reine faire une promande
dans le parc, les invités vont se rendre
au Bosquet d'Apollon, où a lieu un di-
vertissement champêtre.
Les autos font le tour du grand bas-
sin, tandis que la nouba des spahis
joue des airs entraînants, puis elles s'é-
loignent en direction du grand canal.
Les souverains dans le parc,
où folâtrent, travestis,
bergers et bergères d'antan
L'argument imaginé est ingénieux :
au cours de leur promenade dans le
parc, les souverains surprennent des
bergers et des bergères au milieu de
leurs jeux rustiques.
Le bosquet d'Apollon, pour la circons-
tance, a été décoré dans un goût cham-
pêtre. Des guirlandes, des roses mon-
tent aux vieux arbres; des escarpolettes
et des balançoires permettent aux pay-
sans, qui sont représentés par des dan-
seurs et des danseuses des théâtre na-
tionaux, de. se divertir, comme s'ils
n'apercevaient pas dans le fond de ce
théâtre de verdure le dais, décoré de
guirlandes bleues et roses et fermé par
une tapisserie des Gobelins, qui a été
préparé pour le roi, la reine, M. et Mme
Lebrun.
Autour de .ce dais, qui est marqué des
armes de la couronne d'Angleterre, les
invités sont déjà rangés. Parmi eux,
toutes les hautes personnalités officiel-
les : MM. Jeanneney, Herriot, Daladier,
tous les ministres, l'ancien président de
la République M. Millerand, le maréchal
Pétain, le maréchal Franchet d'Esperey
et quantité d'autres notabilités.
La pelouse a été semée de bouquets
de . marguerites -et de bleuets, choisis
avec des roses, pour rappeler, par une
délicate attention, d'une.part à la reine
sa fleur préférée : le bleuet, et d'autre
part, le prénom de la,seconde.des prin-
cesses royales Margaret-Rose.
Mais -voici qu'après une feinte surpri-
se, qui les a arrêtés dans leurs jeux, les
bergers et bergères exécutent des dan-
ses des 17e et 18e siècles,- harmonisées
par M. Cadou et réglées par M. Aveline.
Le spectacle est gracieux à souhait et
l'on voudrait le voir se prolonger, si
l'horaire prévu pour les fêtes de Ver-
sailles n'était déjà CL,-; .; i TIC quelques
minutes.
Au .fond de ce théâtre de verdure, une
grotte, dont l'entrée est à demi masquée
par un groupe de marbré, attire les re-
gards.
Voici qu'une nymphe, drapée de longs
voiles blancs, apparaît comme si l'un
des personnages du groupe venait de
s'animer : c'est Mlle Véra Korène, so-
ciétaire de la Comédie Française, qui,
avec une grâce incomparable, récite le
compliment au roi, dont l'auteur n'est
autre que Molière. Des bouquets aux
fleurs champêtres sont ensuite déposés
au pied de la tribune royale, tandis que
d'autres nymphes surgissent des rochers
et d'entre les arbres, pour animer une
sorte de fresque dansée sur des tableaux
musicaux de Gluck.
Les souverains quittent
le château
Ainsi s'achève cette fête, trop courte,
à laquelle les souverains britanniques,,
semblent s'arracher à regret.
En effet, lorsqu'ils ont regagné leur
voiture, en compagnie du chef de l'Etat
et de Mme Lebrun, ils expriment le dé-
sir de faire une dernière et rapide pro-
menade sur; les terrasses, devant le châ-
teau et dans le parc, par l'allée des
Marmousets, puis, à nouveau, autour du
bosquet d'Apollon et, enfin, autour des
fontaines, où les jets d'eau retombent
calmement. Le roi et la reine recueille-
ront une dernière vision du parc et du
château.
Leurs voitures reviennent sous le por-
che, qui communique avec la cour
d'honneur.
C'est le même spectacle qu'à l'arrivée
pour l'adieu de l'armée française et de
Versailles à ses hôtes royaux.
Au. fond.- de,-la. .cour, les Saint-Cyriens
présentent les armes. Des deux côtés,
échelonnés tout au long-des rampes, des
spahis brandissent leur sabré.
Malgré l'échelle grandiose du château
et de. la cour, les spectateurs, qui sont,
à une grande distance, éclatent en de
telles acclamations, qu'on perçoit distinc-
tement leurs, bravos en l'honneur du roi
et de la reine.
Tout près des grilles, une dernière
fois, on voit George VI saluer de son
chapeau gris. Une dernière fois, on per-
çoit' le geste charmant de la main, par
lequel la reine Elizabeth accompagne
son sourire, et les voitures, de l'autre
côté des grilles, sont à nouveau entou-
rées par d'autres escadrons de spahis.
Le cortège s'éloigne à petite allure,
entre la double «lasse des troupes qui
présentent les armes. Immobilisées dans
un garde-à-vous i impeccable, les troupes,
représentant /les.trois armées de terre,
de mer et de l'air,! sont 1 là, et leurs dra-
peaux sont agités par la brise légère de
cette -belle journée d'été.
Au loin, aussi loin que puisse porter
le regard dans ce panorama, de tous
côtés limité par les châteaux, les pa-
lais et les hôtels du grand siècle, on ne
voit que des têtes humaines.
La foule acclame, acclame sans cesse.
A la hauteur de la préfecture et de
l'Hôtel de Ville, le cortège tourne à
droite. Deux minutes plus tard, il est
à la gare, où le train royal est sous
pression. Presque aussitôt, le convoi se
met en marche. Il est 16 h. 50.
La fête de Versailles vient de s'ache-
ver - tandis que dans les rues et les
avenues, la joie populaire déborde
maintenant à pleins coeurs.
Au cours de cette belle journée, la
France a montré tous les aspects tra-
ditionnels de son visage, tout ce que ses
amis d'Angleterre et du monde entier
aiment en elle : le respect du passé,
l'élan qui l'anime actuellement, la for-
ce et le calme imposants de sa belle ar-
mée, les grâces et les sourires de ses
arts ; bref, tout ce qui fait son presti-
gieux diadème...
Le retour à Paris
C'est encore par la gare des Invalides
que le train royal, revenant de Versail-
les, est arrivé à Paris, à 17 h. 18, c'est-
à-dire, par suite de la longueur des fê-
tes versaillaises, avec vingt-trois minu-
tes de retard sur l'horaire prévu.
Quand il s'immobilisa le long du quai,
la clique de la Garde républicaine bat-
tit et sonna « Aux Champs ».
Les souverains gagnèrent lentement
la sortie, en devisant avec M. et Mme
Lebrun et, quand ils traversèrent la rue
de Constantine, où les gardes formaient
une haie d'honneur, des acclamations
nourries s'élevèrent de la foule, massée,
un peu plus loin, derrière le service
d'ordre.
Le Roi et la Reine se rendirent direc-
tement au Quai d'Orsay, où le Chef de
l'Etat et Mme Albert Lebrun ayant pris
congé d'eux, ils gagnèrent aussitôt les
appartements royaux.
Quelques minutes plus tard, M. et
Mme Albert Lebrun, dans la voiture pré-
sidentielle, quittaient le ministère des
Affaires étrangères ,et rentraient à
l'Elysée.
Versailles en fête
Au début de l'après-midi, des coups
de canon retentissaient encore sur la
ville pendant que, dans la galerie des
Glaces, se déroulait le déjeuner histo-
rique.
Les habitants de Versailles ont dû
faire appel à des souvenirs déjà loin-
tains pour se rappeler une animation
semblable dans leur ville, ses avenues
et ses rues immenses, pleines d'une
foule colorée par les chauds rayons du
soleil.
La ville à laquelle, si souvent, on a
donné l'épithéte de morte, était cet
après-midi magnifiquement vivante.
Sous ses oriflammes, ses drapeaux, elle
était frémissante. Les vieux murs des
maisons de style renvoyaient les échos
des musiques et des fanfares derrière
lesquelles défilaient les troupes allant
prendre position sur le parcours que,
? tout à l'heure, allait suivre le cortège
royal se rendant à la gare.
Sur les principales places de la ville
des musiques militaires jouaient des
marches entraînantes.
Et un peu avant seize heures, des
escadrilles d'avions de chasse et de
bombardement apparurent, inscrivant
dans le ciel lumineux un carrousel que
l'oeil avait peine à saisir, rasant à moins
de 200 mètres les toits des maisons et
filant à l'horizon dans un bruit infernal
de moteurs.
La fête royale se déroulait dans les
jardins du château ; la fête populaire
et militaire battait son plein.
- ?*»
Versailles, après
le départ des souverains
Dès que les souverains britanniques
et M. et Mme Albert Lebrun eurent
quitté Versailles, les grilles d'honneur
du château furent ouvertes toutes gran-
des et une foule considérable ayant en-
vahi le parc, put se promener dans les
belles allées ombragées, là où quelques
instants auparavant Leurs Majestés
avaient fait une courte promenade en
voiture automobile.
A 18 heures jouaient les grandes
eaux tandis que, sur différentes places
de la ville de Versailles, et particulière-
ment dans la cour d'honneur de l'Hôtel
de Ville, des musiques militaires se fai-
saient entendre, vivement acclamées par
un public enthousiaste.
LA REINE ELIZABETH VISITE
L'HOPITAL BRITANNIQUE
DE LEVALLOIS
Pour signifier son agissante sympa-
thie à ses compatriotes vivant sur le
continent, la reine avait tenu, avant
d'aller rejindre son époux au Palais de
Versailles, à rendre visite, selon une ha-
bitude qui, à Londres, lui est chère, aux
malades et aux pauvres gens soignés à
l'hôpital de la colonie britannique à Le-
vallois.
A 10 h. 43, alors que le train royal em-
menait à Versailles le roi George VI et
le président de la République, elle quit-
tait le Quai d'Orsay, en compagnie de
la duchesse de Northumberland, grande
maîtresse des robes.
Dans les voitures de -la suite venaient
la comtesse Spencer, le capitaine Streat-
field, .son secrétaire privé et lady
Phipps, femme de l'ambassadeur de
Grande-Bretagne à Paris.
A 10 h. 50, le cortège arrivait à l'hô-
pital, qui porte le nom de la marquise
de Hertford, quatrième du nom, soeur
du célèbre philanthrope Sir Richard
Wallace, qui le fonda en 1879.
Sous le porche d'entrée, pavoisé d'im-
menses oriflammes aux couleurs du
Royaume-Uni, la souveraine, que la fou-
le, maintenue par d'importants barrages
de gardes mobiles et de soldats du 5e ré-
giment d'infanterie, accueillait par de
chaleureuses acclamations; était saluée
par Sir Alfred Tobit, président du Co-
mité directeur, accompagné de ses col-
laborateurs.
Vêtue d'un ensemble de dentelles blan-
ches, coiffée d'une capeline blanche, un
double collier de grosses perles au cou,
la reine, toute souriante, dit un mot
aimable à chacun, s'intéresse avec une
charmante sollicitude aux jeunes gui-
des et scouts britanniques qui, dans la
cours forment une haie d'honneur.
Guidée par Sir Alfred Tobit, la reine
Elizabeth pénètre dans l'hôpital et vi-
site tour à tour la salle des hommes et
celle des femmes, interrogeant et récon-
fortant chaque malade, aussi longue-
ment que le lui permet un horaire exac-
tement minuté.
Elle inaugure ensuite -une section non
mise encore en service qui, en souvenir
de son passage portera désormais le
nom de « Salle du Couronnement ».
A la porte de la nouvelle salle, l'illus-
tre visiteuse reçoit des mains d'une jeu-
ne infirmière une superbe gerbe d'or-
chidées, puis, comme la foule massée au
loin dans la rue de Villiers et aux bal-
cons des maisons voisines, la réclame
à grands vivats, elle apparaît à une des
fenêtres du premier étage où, sourian-
te, elle répond aux ovations. .
C'est ensuite la visite de la maternité,
puis de la pouponnière à l'entrée de la-
quelle, par une touchante attention, le .
directeur de l'hôpital a fait dresser un .
grand portrait des petites princesse»
royales.
A 11 h. 25, la rçine Elizabeth remon- :
tait dans son automobile, qui démarrait
aussitôt sous les acclamations de l'as-
sistance.
Cinq minutes plus tard, saluée, l'au-
tomobile royale pénétrait dans la cour
du ministère des Affaires étrangères, où, .
selon le cérémonial accoutumé, les bat-
teries de tambours saluaient le retour
de la souveraine. . - ?
La reine Elizabeth gagnait aussitôt
ses appartements pour changer- de toi-
lette et prendre quelque repos, en at-
tendant que Mme Lebrun vint la cher-
cher pour se rendre à Versailles.
o
LE DINER
au Quai d'Orsay
Le Palais du Quai d'Orsay était hier
soir brillamment illuminé intérieure-
ment et extérieurement, à l'occasion
du grand dîner de gala que le ministre
des Affaires Etrangères et Mme Geor-
ges Bonnet offraient eh l'honneur des
souverains britanniques.
Dans les salons de grande réception,
salon de l'Horloge, galerie de la Paix,
salon des Ambassadeurs et du Congrès,
le grand salon de la Rotonde, entière^
ment restauré, un éclairage indirect
s'ajoutait à la lumière des lustres pour
mettre en valeur les très riches pla-
fonds du ministère.
Du côté jardin, la façade du Palais
était baignée d'une lumière douce et
dorée qui sculptait les pierres en relief,
et qu'on avait obtenue au moyen de
projecteurs disposés le long des massifs
d'hortensias, de part et d'autre du per-
ron.
Dans le jardin même, les massifs de
fleurs s'entouraient de rampes lumineu-
ses éclairant les plantes par en dessous.
Des projecteurs encore caressaient les
frondaisons des marronniers, des plata-
nes et des bosquets plantés autour du
rectangle central.
Côté du quai, la façade du Palais
était éclairée' à distance, et cette ins-
tallation permettait de conserver à la
façade tout son relief par une judicieu-
se répartition des ombres et des lumiè-
res.
L'ensemble, conçu par M. de Robien,
directeur du personnel, et par M. Bru-
neau, architecte en chef des Beaux-
Arts, créait une impression de féerie
dans un jardin de rêves.
Au cours du dîner, l'orchestre de la
Société des Concerts du Conservatoire,
sous la direction de M. Charles Munch,
exécuta la «. Suite Anglaise », d'Henri
Rabaud, l'Ouverture de la « Princesse
Jaune », de Saint-Saëns, « Dolly », sui-
te de Gabriel Fauré, « Prélude, Menuet
et Rigaudon », de Maurice Ravel, « Es-
cale n° 2 », de Jacques Ibert, « Diver-
tissement et Musette », de Samazeuilh,
« Symphonietta »* d'Albert Roussel,
« Introduction de Fervaal », de Vincent :
d'Indy, « Sérénade », de Darius
Milhaud, « Marche Ecossaire », de
Claude Debussy.
--
M. Jean Zay, ministre
de l'Education Nationale,
a remis une médaille en or
aux souverains
En accueillant les souverains britan-
niques au château de Versailles, M.
Jean Zay, ministre de l'Education Na-
tionale, leur a remis, frappée en or, une
médaille de Versailles, d'après une gra-
vure de 1687.
Chaque invité en a reçu un exem-
plaire en bronze.
Le ministre, en outre, a remis à Sa
Majesté la Reine une réplique exacte
des jetons de jeu de Marie-Antoinette.
Dimanche, le public pourra visiter
la gare du Bois de Boulogne
et le train royal
La Société Nationale des Chemins de
fer, en accord avec la Direction géné-
rale des Beaux-Arts, organise à la gare
de l'avenue Foch la visite des aménage-
ments dus à M. Pierre Sardou, archi-
tecte en chef des Beaux-Arts, et du
train utilisé par le Roi et la Reine
d'Angleterre au cours de leur voyage.
Le salon, décoré de merveilleux Gobe-
lins, et le train royal, pourront être vi-
sités dès dimanche prochain, moyen-
nant un prix" d'entrée de 2 francs.
Avant les cérémonies
de Villers-Bretonneux
Amiens, 21 juillet. - La musique de
la Garde Royale Anglaise a défilé, ce
soir, en tenue de gala, dans les rues
d'Amiens, entre les rangs serrés de la
foule.' Elle était précédée de la musique
du 51® régiment d'infanterie qui avait,
pour la circonstance, revêtu l'uniforme
de 1914, pantalon rouge et dolman bleu
foncé.
Après le défilé, les deux musiques ont
donné un concert en plein air au kios-
que Mcntplaisir, devant un immense
auditoire.
Ensuite, les membres des deux musi-
ques ont assisté aux représentations du
Cirque Municipal, dirigé par M. Jean
Houcke. Un vin d'honneur leur a été
servi à l'issue de la représentation.
Une répétition générale des cérémo-
nies a eu lieu aujourd'hui devant le mo-
nument de Villers-Bretonneux et l'on a
procédé à la mise en place de l'impor-
tant service d'ordre prévu.
La soirée à Paris
Tandis que les principales places et
artères de la capitale, brillamment illu-
minées, étaient à nouveau envahies par
une foule joyeUse, une grande fête de
nuit, organisée par la commune libre
du Vieux-Montmartre, se déroulait sur
la Butte, dans l'enthousiasme général.
Là aussi la foule était compacte et
lorsque, à 22 heures, montèrent les pre-
mières fusées du feu d'artifice, tous les
terre-pleins du grand escalier condui-
sant au Sacré-Coeur étaient noirs de
monde.
Et jusqu'à une heure fort avancée
de la nuit les rires et les chants n'ont
cessé de retentir sur la butte en liesse.
D'autre part,, des représentations ^gra-
tuites ont été . données à la Comédie-
Française avec la « Marche nuptiale »,
à l'Odéon avec « L'Abbé Constantin »,
et aux Ambassadeurs avec « Le Misan-
thrope ». " : ; : t . . . ; ? .;
Ainsi, cette dernière soirée, du. séjour
des souverains britanniques à Paris a.
été marquée par la même- Jôie et le .m&»
me enthousiasme que les précédentes.
LE POPULAIRE
22-7-28
LA JOURNEE A VERSAILLES
DES SOUVERAINS ANGLAIS
C'est loin des regards du public que
le roi George VI et H. Albert Lebrun
ont quitté Paris hier matin, par la gare
des Invalides pour se rendre à Versail-
les.
Les deux chefs d'Etat devant partir
ensemble du Quai d'Orsay, n'avaient
qu'à traverser à pied la rue de Cons-
tantine pour passer du ministère des
Affaires Etrangères à la station des In-
valides. Aussi, avait-on jugé utile de
ne laisser approcher personne. Ce fut
donc à la hauteur de la rue de l'Uni-
versité, en travers de la rue de Cons-
tantine, fermée à la circulation, que
le public se pressait, inutilement d'ail-
leurs, pour ceux qui n'étaient pas aux
premiers rangs.
En vue de ce court voyage, des dis-
positions particulières avaient été pri-
ses en ce qui concerne le trafic sur la
ligne de Versailles. C'est ainsi que les
trains pour Versailles ne parvenaient
jusqu'à destination qu'à partir de
17 h. 10, c'est-à-dire après le retour du
roi à Paris. Seuls les voyageurs n'al-
lant pàfe plus loin que Meudon-Valfleu-
ry purent avant emprunter la ligne.
Encore devaient-ils prendre leur train
à la gare parisienne de l'Aima.
La gare des Invalides avait été joli-
ment décorée. A l'extérieur, un tapis
rouge avait été placé en travers de
la chaussée, rue de Constantine, jus-
qu'à l'entrée de la gare que prolongeait
Un somptueux dais bleu et or, et qui
était décorée de fleurs et de plantes
vertes. Les corniches de la gare suppor-
taient de larges couronnes de lauriers
d'or.
Vers 10 h. 30, un roulement de tam-
bour résonne, provenant de la cour
d'honneur du ministère des Affaires
Etrangères, où M. Albert Lebrun vient
d'arriver.
Dix minutes plus tard, le roi et le
président de la République apparaissent
à la porte donnant rur la rue de Cons-
tantine et, tandis que la Garde républi-
caine,
lentement le perron, suivis des person-
nalités de leur suite, et pénètrent aus-
sitôt dans la gare.
Le départ de Paris
Le roi est immédiatement reçu par M.
Guinand, président de la S. N. C. F.
et ses principaux collaborateurs, qui le
conduisent, par une sorte de couloir,
à un premier salon, très haut de pla-
fond, tapissé de blanc sur deux côtés,
ét dont la voûte et les deux autres pa-
rois sont couvertes d'immenses d'im-
menses draperies aux couleurs anglai-
ses.
De hautes torchères, dont les pieds
se perdent dans des massifs de fleurs,
jettent sur toutes choses une lumière
diffuse. Partout, des gardes sont figés
dans une immobilité de statue.
Un large escalier, pareillement déco-
ré, descend jusqu'au dernier salon, où
les yeux sont attirés irrésistiblement
par une corbeille d'hortensias roses et
blancs, vaste plate-bande de vingt mè-
tres de long sur plusieurs de large, dont
les délicates nuances se marient en
?une parure vraiment incomparable.
Enfin le quai est lui aussi tendu de
blanc et garni d'un moelleux tapis rou-
ge/Les gardes municipaux en uniforme
sombre font la haie. Leur clique est
massée près du wagon royal. Le train,
entièrement peint en bleu et or, avec les
roues blanches, est orné d'écussons an-
glais et français. Il est tiré par deux
locomotives électriques qui sont accou-
plées à l'avant, et également peintes en
bleu.
Il est maintenant 10 h. 35. Les pre-
mières personnalités arrivent.
Soudain, un ordre retentit ; les hom-
mes rectifient leur garde à vous, et
bientôt la sonnerie « Aux champs » fait
résonner les voûtes. Voici le roi, en pe-
tite tenue de field-marshall, casquette
kaki à bande rouge. Il avance accompa-
gné de M. Albert Lebrun et des nom-
breuses personnalités de leur suite. Du
geste, le président de la République
l'invite à monter dans le wagon royal.
Tous deux gagnent leur comparti-
ment. Un instant d'attente encore et,
lentement, le convoi démarre. Le roi et
M. Albert Lebrun sont debout dans
leur wagon ; ils saluent au passage les
notabilités restées sur le quai.
La clique de la Garde républicaine
sonne une deuxième fois « Aux
champs ».
L'arrivée à Versailles
Versailles fait à Sa Majesté George VI
et à la reine Elizabeth un accueil
« royal ».
Dès le matin, les avenues sont ani-
mées par une foule joyeuse. Ce sont les
Versaillais ; se sont aussi des-milliers
de Parisiens accourus avant l'interrup-
tion des transports.
Bref est le parcours que doit faire
le cortège, mais c'est à profusion que
les façades sont pavoisées. Certes, Ver-
sailles pourrait se passer d'une décora-
tion éphémère, alors que le décor pres-
que tricentenaire du château et de l'a-
venue de Paris est d'une si aimable ma-
jesté. Mais il faut que la joie s'extério-
rise, et chacun a donné à sa maison ou
à sa tenue un air de fête : drapeaux
aux fenêtres, fleurs tricolores âu cor-
sage, cocardes à la boutonnière.
Il est 11 h. 05 quand le train royal ar-
rive à la gare de Versailles-Rive gau-
che. Au moment où il stoppe, une bat-
terie de fusiliers marins sonne « Aux
champs ».
Le roi et le président passent la com-
pagnie en revue, puis apparaissent dans
l'escalier de la gare où la haie est faite
sur leur passage par des hallebardiers.
Devant la gare, un plan incliné a été
aménagé pour permettre aux voitures
de gagner l'avenue plus commodément,
et le cortège est rapidement formé.
Il ne faut que quelques minutes aux
voitures encadrées par deux escadrons
de spahis, pour déboucher sur la magni-
fique perspective de l'avenue de Paris
que ferme le château de Versailles. Par-
tout, derrière les barrières, la foule ac-
clame joyeusement le souverain ami.
Au moment où le roi et le chef de
l'Etat arrivent à la hauteur de la tri-
bune officielle, en face de la préfectu-
re, 101 .coups de canon commencent à
tonner. Trois musiques de la 10e divi-
sion d'infanterie, rangées en face de la
tribune, sonnent « Aux champs », au
milieu du silence profond qui a succé-
dé aux acclamations des dizaines de
milliers de personnes présentes.
Puis ce sont les notes lentes et so-
lennelles du « God save the King »
et enfin la Marseillaise qui vibre.
Dans la tribune présidentielle blanche
et verte, ornée d'un mur de verdure sur
lequel se détachent les drapeaux de
Grande-Bretagne et de France, le roi
s'assied, ayant à sa droite M. Albert
Lebrun, et à sa gauche MM. Jeanneney,
Herriot, Daladier, ainsi que MM. Cam-
pinchi et Guy La Chambre, ministres
de la Marine et de l'Air.
Les autres invités que l'on remarque
dans la tribune, sont, en dehors des
membres du gouvernement tous pré-
sents, à l'exception de M. Jean Zay, qui
s'est rendu directement au château pour
veiller aux derniers préparatifs de la
réception : MM. Billecart, préfet de
Seine-et-Oise ; Henry Haye, Bertrand,
président du Conseil général ; Bras-
seau, le plus ancien sénateur de
Seine-et-Oise ; Gaston Bergery, le
plus ancien député du départe-
ment ; le maréchal Pétain, M. Jean Fa-
bry, ancien ministre de la Guerre ; le
général Gamelin, chef d'état-major gé-
néral de la défense nationale ; l'amiral
Darlan, chef d'état-major de la marine;
le général Vuillemin, chef d'état-ma-
jor de l'armée de l'air.
Il est 11 h. 25 et le défilé des troupes
va commencer.
Le défilé des troupes
Sous un ciel d'une grisaille uniforme,
dans une apothéose de drapeaux dé-
ployés,; éclatants, au milieu d'un enthou-
siasmé inouï, l'armée française va défi-
ler avec un déploiement de forces sans
précédent dans les annales de l'après-
guerre.
Toutes les troupes de la région de Pa-
ris, renforcées par des corps des autres
régions et rassemblées dès 10 h. 30 aux
emplacements prévus, avenue et route
de Versailles, face au château, vont ren-
dre hommage au roi d'Angleterre et au
président de la République. Leur effec-
tif total approche 50.000 hommes.
A 11 h. 25, aussitôt-après les dernières
mesures de l'hymne national français,
le général Billotte, gouverneur militaire
de Paris, s'avance à cheval, à la hau-
teur de la tribune officielle. D'un geste
large, il salue George VI et M. Albert
Lebrun, puis vient se placer tout con-
tre le trottoir, pour' s'arrêter face au
roi et ' au président de la République
et leur présenter le défilé.
C'est la cavalerie qui ouvre la mar-
che, précédée d'aigres sonneries de
trompettes ; derrière le général d'Hu-
mières, commandant la 3e D. C., voici
la lance à oriflamme au poing, les sévè-
res cavaliers de l'escadron de Saint-Cyr,
puis les centaures du 4e hussards, du
6e dragons, du lie cuirassiers.
De longues acclamations fusent et
viennent s'éteindre au pied de la tribu-
ne pavoisée, où le roi, debout au côté
de M. Albert Lebrun, se tient très droit
dans-son strict uniforme.
Le général Du Cor de Damrémont
vient en tête des spahis, dont il com-
mande la première brigade.
Ce sont d'abord, dans une gloire de
couleurs, les spahis marocains du 4e
régiment, coiffés de la chéchia rouge,
recouverte du chèche beige, avec le
croissant d'Islam, et dont les burnous
bleus retombent en plis flottants sur
les pantalons bleus, l'éperon étincelant;
puis les spahis algériens du 6e régi-
ment, pantalons bleus et tuniques rou-
ges, qui évoquent une charge héroïque,
sous un ciel africain.
. La cavalerie est passée, follement ap-
plaudie, sur l'avenue historique. Les
musiques de la 10e division d'infante-
rie, .placées à gauche du général Billot-
te, vont exécuter alternativement et
jusqu'au départ du roi, des marches lé-
gères, pour scander le défilé de l'infan-
terie.
Aux accents mâles du Chant du Dé-
part, les polytechniciens, drapeau en tê-
te, "défilent derrière le général Dumon-
thier. Puis c'est Saint-Cyr, avec le géné-
ral Lucien, et l'Ecole de l'air, en for-
mations serrées.
Viennent ensuite les fusiliers marins
en guêtres blanches, vêtus de bleu fon-
cé, la cartouchière à la ceinture, et les
bataillons de l'escadre de l'Atlantique.
Enfin l'infanterie, sûre, compacte, puis-
sante, s'avance sur vingt-quatre rangs.
La Sidi-Brahim entraîne les chasseurs
à pied'des 8e, 4e et 13e bataillons qui
s'avancent de leur pas célèbre derrière
leurs fanfares groupées et le drapeau
troué de balles, noirci par la poudre.
Les soldats en uniforme bleu sombre,
avec parements jonquille et casquette
noire .passent avec des sonneries de
clairon et de cors de chasse.
Les chefs des sections, armés de sa-
bres, saluent dix mètres avant d'arriver
à hauteur de la tribune royale, enca-
drée de spahis hiératiques. Les hommes
font un impressionnant « tête gauche »
en passant devant le souverain. Celui-ci
toujours grave et immobile, semble im-
pressionné par la puissance qui se dé-
gage de ces troupes magnifiques.
Le général Vary, commandant la 10e
D. I. s'avance, détaché, avant les fan-
tassins des 5e, 24e et 46e régiments.
Comme tout à l'heure à l'arrivée de
George VI, des enfants agitent des dra-
peaux aux couleurs de la France et de
l'Angleterre. Us poussent des vivats.
Le général Loizeau, commandant la
12e D. I. est suivi des 106e, 150e R. I.
et des zouaves du 8e dragons, zouaves
à la culotte bouffante, à l'uniforme lé-
gendaire.
Le général Allegrini, commandant la
3e D. I. C. à leur tête, voici les régi-
ments d'infanterie coloniale : les 1er,
21e, 23e.
Et succédant aux uniformes sans pa-
nache des fantassins métropolitains, les
tirailleurs algériens, au boléro soutaché
de jaune, défilent devant les tirailleurs
sénégalais aux statures imposantes,
dont le visage d'ébène, d'un seul mou-
vement, se tourne vers la tribune offi-
cielle.
L'armée motorisée
et l'aviation
Au bruit des pas frappant le sol en
cadence, succède soudain le vrombisse-
ment des moteurs et des roues sautant
sur- le « pavé du roi ». Les formations
motorisées de l'armée moderne font
leur apparition.
Le général Bloch, commandant l'ar-
tillerie de la région de Paris, vient en
tête. Leur étendard précède trois batte-
ries des 71e et 72e R. A. D. et deux bat-
teries du 401e D. C. A. et du 182e régi-
ment d'artillerie lourde.
Les généraux Altmeyer, commandant
la deuxième division lourde mécanique,
et Bougrain, commandant la 4e brigade
légère mécanique annoncent de nouvel-
les unités.
Les groupes montés d'escadrons mo-
tocyclistes,les dragons portés, les autos-
mitrailleuses, les unités légères sont de-
vant et passent rapidement, soulevant
des nuages de poussière.
Le fracas des moteurs n'est pas assez
puissant pour couvrir celui qui vient
du ciel. Des avions de chasse, en forma-
tions impeccables, dessinent, sous le ta-
pis des nuages, des figures géométri-
ques d'une perfection merveilleuse, et
les spectateurs les applaudissent et les
acclament. Le soleil à chaque instant
perce, l'écran de brume, mais bientôt 11
disparaît à nouveau.
Quatre cents avions de bombarde-
ment et 200 appareils de chasse de-
vaient participer à cette parade aérien-
ne sous les ordres du général Pennes,
commandant le 41e corps aérien. Us
avaient été concentrés sur les terrains
de la région parisienne. Le temps n'a
pas voulu qu'ils défilassent, et ce sera
le seul regret de cette journée. Le pla-
fond en effet n'étant qu'à 200 mètres,
les seuls avions que la foule put voir,
furent en effet obligés de voler à si fai-
ble hauteur qu'ils rasaient presque les
arbres.
Une vision apocalyptique
Mais cette déception, les spectateurs
l'eurent bien vite oubliée par la vision
apocalyptique que présentaient les piè-
ces énormes de l'artillerie motorisée.
Après les autos-mitrailleuses des 13e
et 29e dragons et les chars légers, s'a-
vançaient en effet, mastodontes impres-
sionnants, un escadron et un bataillon
de chars lourds, forteresses métalliques
hérissées d'armes redoutables et meur-
trières, camouflés, massifs et évoquant
irrésistiblement l'idée de quelque mons-
tre préhistorique.
C'était là la fin du défilé ; les avions
avaient disparu à l'horizon depuis long-
temps pour regagner leurs bases.
Cependant, le général Billotte s'avan-
çait à cheval au devant de la tribune
royale où il recevait de M. Albert Le-
brun, les félicitations que George VI
avait prié le chef de l'Etat de lui trans-
mettre pour la magnifique ordonnance
du défilé et l'entrain admirable des
troupes qui y avaient participé.
Le général s'étant retiré, George VI
et M. Albert Lebrun quittent la. tribune
pour se rendre au château de Versailles.
Le cortège se forme dans le même
ordre qu'à l'arrivée, et la s voiture roya-
le, avec son escorte. de spahis, lente-
ment, se met en marche tandis que le
public, toujours massé derrière le ser-
vice d'ordre et les soldats au garde-à-
vous, pousse à l'endroit du souverain de
nouveaux et interminables vivats.
Ces manifestations d'enthousiasme se
répéteront tout le temps et sur tout le
parcours.
Au Château d
Lorsque le cortège arrive dans la cour
du palais, toutes les troupes massées sur
la place d'Armes ou qui s'étagent sur
les rampes de la cour d'honneur sont fi-
gées dans une immobilité pareille à
celle des pierres. Elles apparaissent
comme des parterres où le kaki do-
mine et où éclatent le rouge, le bleu et
l'or des uniformes.
Tout en haut, les plumets des Saint-
Cyriens dominent cette mer humaine
arrêtée dans un « garde-à-vous » exem-
plaire. Ce sont eux, les Saint-Cyriens,
qui, _ dans la cours des Ministres où
s'arrête la voiture de George VI et de
M. Lebrun, rendent les honneurs, selon
le cérémonial légué par le 17® siècle,
c'est-à-dire deux cordons de soldats à
pied, tandis que les cavaliers des autres
armes sont massés sur les rampes.
Le souverain britannique dresse sou-
dain sa silhouette sur la gauche de la
cour. On ne l'aperçoit qu'un instant.
Il pénètre dans le vestibule, en com-
pagnie du chef de l'Etat. Le roi et le
président sont alors accueillis par M.
Jean Zay, ministre de l'Education na-
tionale et des Beaux-Arts qui va leur
faire les honneurs du château, en com-
pagnie de M. Huisman, secrétaire gé-
néral des Beaux-Arts, et de M. Patrice-
Bonnet, architecte du château.
Le roi va retrouver la reine Eliza-
beth dans la pièce dite méridienne de
Marie-Antoinette : on sait, en effet, que'
la reine est venue de Paris avec Mme
Lebrun. Les souverains vont prendre
quelques instants de repos avant le dé-
jeuner de la Galerie des Glaces.
Bientôt - quelques minutes avant 13
heures - le président et Mme Albert
Lebrun _ quittent la salle de l'OEil-de-
Boeuf où ils s'étaient également reposés
quelques minutes, et vont au devant du
Le défilé des fusiliers marins au cours de la revue militaire
roi et de la reine.
Le roi donnant le bras à Mme Le-
brun et le président donnant le bras à
la reine Elizabeth, apparaissent au fond
du salon de la pièce qu'ils vont traver-
ser pour gagner la Galerie des Glaces.
Le déjeuner dans la Galerie
des Glaces
Là, pour recevoir avec toute la pom-
pe désirable les illustres visiteurs de la
France, l'administration des Beaux-
Arts avait disposé une décoration à la
fois simple et somptueuse, puisqu'elle
était exclusivement composée d'innom-
brables caisses d'orangers et de rosiers
grimpants, d'une éblouissante fraîcheur
rangées le long des murs et entre cha-
cune des vastes fenêtres, qui ont pour
vue les incomparables jardins de Le
Nôtre.
Pour recevoir les illustres hôtes de
Versailles et les 250 personnalités invi-
tées, au milieu de la Galerie, trois ta-
bles sont disposées, éclatant des mille
feux des cristaux dont se pare l'éblouis-
sante blancheur des nappes. Derrière
les chaises cannelées et dorées, soixan-
te-quinze laquais, en habit à la fran-
çaise, attendent comme au port d'ar-
me, tandis qu'un orchestre d'instru-
ments à cordes exécute des airs du
temps de Louis XTV : Lulli, Rameau
ou Couperin.
Le menu, particulièrement soigné -
on l'entend aisément - avait nécessité
l'installation de cuisine provisoires, les
anciennes cuisines du temps du Roi,
étant, depuis longtemps, désaffectées.
A 13 h. 05 exactement, un laquais à
perruque poudrée à frimas annonçait
solennement que « Leurs Majestés
étaient servies ».
Très simplement, le roi et la reine
font leur entrée dans la Galerie des
Glaces. Tous les invités se lèvent d'un
seul mouvement, quand ils apparais-
sent. Le roi n'est plus en tenue kaki,
mais en jaquette, et son sourire indi-
que qu'il goûte pleinement le charme
de l'heure. La reine, très gracieuse dans
sa roble blanche, sourit également,
tournée vers ses voisins de gauche, MM.
Jeanneney et Millerand. Le président
de la République et Mme Albert Le-
brun, qui étaient aux côtés des sou-
verains, semblent aussi de la meilleure
humeur du monde.
Un concert de musique
de chambre
Le service commence aussitôt.
La table d'honneur permet au roi et
à la reine d'admirer dans toute sa
splendeur, le panorama du parc, à tra-
vers les hautes fenêtres.
Légèrement en retrait,_ deux tables la
prolongent de chaque côté. Les minis-
tres y prennent place, ainsi- que les
plus gracieuses Parisiennes. Les autres
invités sont groupés par petites tables.
Pendant tout le repas, l'orchestre de
violons et de violoncelles exécute un
programme de musique de chambre,
sous la direction de M. Joseph Calvet,
professeur au Conservatoire. Les con-
vives écoutent quelques-unes des plus
caractéristiques compositions de l'école
française des XVIIe et XVIII 1' siècles ;
et leurs gavottes, leurs rigaudons, leurs
chaconnes évoquent harmonieusement
une des plus belles époques de notre
.histoire artistique.
Et un concert de musique
religieuse
Le déjeuner prend fin et, peu après,
14 heures, le roi et la reine se retirent
dans les appartements qui leur ont été
préparés de-l'autre côté de la cour de
marbre ; ils vont y prendre quelques
instants de repos et admirer à loisir le
spectacle que l'on voit de leurs fenê-
tres.
Pendant ce temps, les invités se grou-
pent dans les salons qui précèdent la
chapelle. Là, en effet, à 14 h. 45, a lieu
un concert de musique classique, pour
lequel on a fait appel aux sociétaires de
la Comédie-Française et aux pension-
naires de nos théâtres nationaux.
Le spectacle est extraordinaire à con-
sidérer. On se croirait reporté à trois
siècles en arrière, car les comédiens
français : marquis, en tenue de cour,
et précieuses, en robe de brocart et de
velours ont pris place sur des banquet-
tes de tapisseries disposées dans la cha-
pelle et se préparent à faire au roi et
à la Reine cet accueil, en costume du
« grand siècle », qui est comme un bou-
quet offert par Versailles aux hôtes de
la France.
Dans la loge, qui surplombe la nef,
en face des grandes orgues, quatre fau-
teuils de tapisserie, installés dans les
balcons en encorbellement, attendent le
roi, la reine, le président de la Républi-
que et Mme Lebrun, qui vont y pren-
dre place.
L'heure est venue. Voici le roi don-
nant le bras à Mme Lebrun et la reine
au bras de M. Lebrun. Quelques invités
se joignent à eux dans la loge. Ils con-
sultent le programme, dont la couver-
ture a été dessinée par Bernard Nau-
din. Lè concert Va commencer.
Un parfum, subtil comme l'encens,
flotte-dans l'air. Il monte des orangers
en fleurs, des fameux orangers du Roi-
Soleil, qui sont disposés de part et d'au-
tre de l'autel ou qui alternent avec les
piliers.
Ces verts feuillages et les magnifi-
ques habits de cour que portent les co-
médiens français font ressortir la blan-
cheur de la chapelle toute de marbre
et de pierres, çà et là rehaussés d'or.
Par les hautes baies vitrées, le soleil
entre largement et l'on voit le ciel d'un
bleu très pur. Parfois aussi, des ombres
s'étendent sur la chapelle ; ce sont les
ailes des avions qui survolent le châ-
teau. Mais, à part ce rappel de l'époque
moderne; rien, pendant une demi-heure,
ne viendra troubler la résurrection du
passé.
Par un accord tacite, les invités qui
occupent les deux galeries latérales se
sont effacés pour que le regard des
souverains aperçoive seulement les fan-
tômes du grand siècle, les hôtes du Pa-
lais Dormant que leurs sourires et leur
jeunesse sont venus réveiller.
Des voix pures s'élèvent. Ce sont des
jeunes filles en robe bleue et blanche,
de Saint-Cyr, qui chantent les canti-
ques composés par Racine pour le Roi-
Soleil et qui furent entendus,- pour la
première fois, sous ces voûtes, en 1695.
Si l'on ne savait que ces jeunes fil-
les appartiennent à la chorale Elisabeth
Brasseur et que le maître, en habit de
velours bleu qui les dirige est M. Gus-
tave Cloez, on pourrait croire que l'é-
cho de ces chants remonte d'un très
lointain passé.
De même quand on écoutera M. Lo-
vano exécuter le « Magnificat », Mme
Martinelli moduler les lamentations
d'Amadis ; M. Georges Jouatte chanter
le « motet du Roi », de Couperin, on
se croira reporté au XVIIe siècle.
Et c'est encore dans les souvenirs de
la même époque, où l'amitié fleurissait
déjà entre les deux pays qu'on a re-
trouvé 1' « Hymne à l'Angleterre », de
Purcell, qui fut exécuté d'abord à
Westminster, puis également à Ver-
sailles.
Les souverains semblent prendre
grand plaisir à ce spectacle ; la reine,
dans sa robe de dentelles blanches, est
attentive à tout ; le roi se penche par-
fois vers Mme Lebrun, toute vêtue en
une harmonie de bleus ton sur ton.
Mais le concert s'achève avec d'ail-
leurs un retard assez sensible sur l'ho-
raire qui avait été prévu et voici que
les comédiens français, conduits par
leur doyen, M. Dessonnes, ainsi que les
pensionnaires de l'Odéon font la haie
au pied de l'escalier du Roi par où les
souverains, le président d% la Républi-
que et Mme Albert Lebrun vont gagner
le parc.
Tandis que trois voitures . emmènent
le roi et la reine faire une promande
dans le parc, les invités vont se rendre
au Bosquet d'Apollon, où a lieu un di-
vertissement champêtre.
Les autos font le tour du grand bas-
sin, tandis que la nouba des spahis
joue des airs entraînants, puis elles s'é-
loignent en direction du grand canal.
Les souverains dans le parc,
où folâtrent, travestis,
bergers et bergères d'antan
L'argument imaginé est ingénieux :
au cours de leur promenade dans le
parc, les souverains surprennent des
bergers et des bergères au milieu de
leurs jeux rustiques.
Le bosquet d'Apollon, pour la circons-
tance, a été décoré dans un goût cham-
pêtre. Des guirlandes, des roses mon-
tent aux vieux arbres; des escarpolettes
et des balançoires permettent aux pay-
sans, qui sont représentés par des dan-
seurs et des danseuses des théâtre na-
tionaux, de. se divertir, comme s'ils
n'apercevaient pas dans le fond de ce
théâtre de verdure le dais, décoré de
guirlandes bleues et roses et fermé par
une tapisserie des Gobelins, qui a été
préparé pour le roi, la reine, M. et Mme
Lebrun.
Autour de .ce dais, qui est marqué des
armes de la couronne d'Angleterre, les
invités sont déjà rangés. Parmi eux,
toutes les hautes personnalités officiel-
les : MM. Jeanneney, Herriot, Daladier,
tous les ministres, l'ancien président de
la République M. Millerand, le maréchal
Pétain, le maréchal Franchet d'Esperey
et quantité d'autres notabilités.
La pelouse a été semée de bouquets
de . marguerites -et de bleuets, choisis
avec des roses, pour rappeler, par une
délicate attention, d'une.part à la reine
sa fleur préférée : le bleuet, et d'autre
part, le prénom de la,seconde.des prin-
cesses royales Margaret-Rose.
Mais -voici qu'après une feinte surpri-
se, qui les a arrêtés dans leurs jeux, les
bergers et bergères exécutent des dan-
ses des 17e et 18e siècles,- harmonisées
par M. Cadou et réglées par M. Aveline.
Le spectacle est gracieux à souhait et
l'on voudrait le voir se prolonger, si
l'horaire prévu pour les fêtes de Ver-
sailles n'était déjà CL,-; .; i TIC quelques
minutes.
Au .fond de ce théâtre de verdure, une
grotte, dont l'entrée est à demi masquée
par un groupe de marbré, attire les re-
gards.
Voici qu'une nymphe, drapée de longs
voiles blancs, apparaît comme si l'un
des personnages du groupe venait de
s'animer : c'est Mlle Véra Korène, so-
ciétaire de la Comédie Française, qui,
avec une grâce incomparable, récite le
compliment au roi, dont l'auteur n'est
autre que Molière. Des bouquets aux
fleurs champêtres sont ensuite déposés
au pied de la tribune royale, tandis que
d'autres nymphes surgissent des rochers
et d'entre les arbres, pour animer une
sorte de fresque dansée sur des tableaux
musicaux de Gluck.
Les souverains quittent
le château
Ainsi s'achève cette fête, trop courte,
à laquelle les souverains britanniques,,
semblent s'arracher à regret.
En effet, lorsqu'ils ont regagné leur
voiture, en compagnie du chef de l'Etat
et de Mme Lebrun, ils expriment le dé-
sir de faire une dernière et rapide pro-
menade sur; les terrasses, devant le châ-
teau et dans le parc, par l'allée des
Marmousets, puis, à nouveau, autour du
bosquet d'Apollon et, enfin, autour des
fontaines, où les jets d'eau retombent
calmement. Le roi et la reine recueille-
ront une dernière vision du parc et du
château.
Leurs voitures reviennent sous le por-
che, qui communique avec la cour
d'honneur.
C'est le même spectacle qu'à l'arrivée
pour l'adieu de l'armée française et de
Versailles à ses hôtes royaux.
Au. fond.- de,-la. .cour, les Saint-Cyriens
présentent les armes. Des deux côtés,
échelonnés tout au long-des rampes, des
spahis brandissent leur sabré.
Malgré l'échelle grandiose du château
et de. la cour, les spectateurs, qui sont,
à une grande distance, éclatent en de
telles acclamations, qu'on perçoit distinc-
tement leurs, bravos en l'honneur du roi
et de la reine.
Tout près des grilles, une dernière
fois, on voit George VI saluer de son
chapeau gris. Une dernière fois, on per-
çoit' le geste charmant de la main, par
lequel la reine Elizabeth accompagne
son sourire, et les voitures, de l'autre
côté des grilles, sont à nouveau entou-
rées par d'autres escadrons de spahis.
Le cortège s'éloigne à petite allure,
entre la double «lasse des troupes qui
présentent les armes. Immobilisées dans
un garde-à-vous i impeccable, les troupes,
représentant /les.trois armées de terre,
de mer et de l'air,! sont 1 là, et leurs dra-
peaux sont agités par la brise légère de
cette -belle journée d'été.
Au loin, aussi loin que puisse porter
le regard dans ce panorama, de tous
côtés limité par les châteaux, les pa-
lais et les hôtels du grand siècle, on ne
voit que des têtes humaines.
La foule acclame, acclame sans cesse.
A la hauteur de la préfecture et de
l'Hôtel de Ville, le cortège tourne à
droite. Deux minutes plus tard, il est
à la gare, où le train royal est sous
pression. Presque aussitôt, le convoi se
met en marche. Il est 16 h. 50.
La fête de Versailles vient de s'ache-
ver - tandis que dans les rues et les
avenues, la joie populaire déborde
maintenant à pleins coeurs.
Au cours de cette belle journée, la
France a montré tous les aspects tra-
ditionnels de son visage, tout ce que ses
amis d'Angleterre et du monde entier
aiment en elle : le respect du passé,
l'élan qui l'anime actuellement, la for-
ce et le calme imposants de sa belle ar-
mée, les grâces et les sourires de ses
arts ; bref, tout ce qui fait son presti-
gieux diadème...
Le retour à Paris
C'est encore par la gare des Invalides
que le train royal, revenant de Versail-
les, est arrivé à Paris, à 17 h. 18, c'est-
à-dire, par suite de la longueur des fê-
tes versaillaises, avec vingt-trois minu-
tes de retard sur l'horaire prévu.
Quand il s'immobilisa le long du quai,
la clique de la Garde républicaine bat-
tit et sonna « Aux Champs ».
Les souverains gagnèrent lentement
la sortie, en devisant avec M. et Mme
Lebrun et, quand ils traversèrent la rue
de Constantine, où les gardes formaient
une haie d'honneur, des acclamations
nourries s'élevèrent de la foule, massée,
un peu plus loin, derrière le service
d'ordre.
Le Roi et la Reine se rendirent direc-
tement au Quai d'Orsay, où le Chef de
l'Etat et Mme Albert Lebrun ayant pris
congé d'eux, ils gagnèrent aussitôt les
appartements royaux.
Quelques minutes plus tard, M. et
Mme Albert Lebrun, dans la voiture pré-
sidentielle, quittaient le ministère des
Affaires étrangères ,et rentraient à
l'Elysée.
Versailles en fête
Au début de l'après-midi, des coups
de canon retentissaient encore sur la
ville pendant que, dans la galerie des
Glaces, se déroulait le déjeuner histo-
rique.
Les habitants de Versailles ont dû
faire appel à des souvenirs déjà loin-
tains pour se rappeler une animation
semblable dans leur ville, ses avenues
et ses rues immenses, pleines d'une
foule colorée par les chauds rayons du
soleil.
La ville à laquelle, si souvent, on a
donné l'épithéte de morte, était cet
après-midi magnifiquement vivante.
Sous ses oriflammes, ses drapeaux, elle
était frémissante. Les vieux murs des
maisons de style renvoyaient les échos
des musiques et des fanfares derrière
lesquelles défilaient les troupes allant
prendre position sur le parcours que,
? tout à l'heure, allait suivre le cortège
royal se rendant à la gare.
Sur les principales places de la ville
des musiques militaires jouaient des
marches entraînantes.
Et un peu avant seize heures, des
escadrilles d'avions de chasse et de
bombardement apparurent, inscrivant
dans le ciel lumineux un carrousel que
l'oeil avait peine à saisir, rasant à moins
de 200 mètres les toits des maisons et
filant à l'horizon dans un bruit infernal
de moteurs.
La fête royale se déroulait dans les
jardins du château ; la fête populaire
et militaire battait son plein.
- ?*»
Versailles, après
le départ des souverains
Dès que les souverains britanniques
et M. et Mme Albert Lebrun eurent
quitté Versailles, les grilles d'honneur
du château furent ouvertes toutes gran-
des et une foule considérable ayant en-
vahi le parc, put se promener dans les
belles allées ombragées, là où quelques
instants auparavant Leurs Majestés
avaient fait une courte promenade en
voiture automobile.
A 18 heures jouaient les grandes
eaux tandis que, sur différentes places
de la ville de Versailles, et particulière-
ment dans la cour d'honneur de l'Hôtel
de Ville, des musiques militaires se fai-
saient entendre, vivement acclamées par
un public enthousiaste.
LA REINE ELIZABETH VISITE
L'HOPITAL BRITANNIQUE
DE LEVALLOIS
Pour signifier son agissante sympa-
thie à ses compatriotes vivant sur le
continent, la reine avait tenu, avant
d'aller rejindre son époux au Palais de
Versailles, à rendre visite, selon une ha-
bitude qui, à Londres, lui est chère, aux
malades et aux pauvres gens soignés à
l'hôpital de la colonie britannique à Le-
vallois.
A 10 h. 43, alors que le train royal em-
menait à Versailles le roi George VI et
le président de la République, elle quit-
tait le Quai d'Orsay, en compagnie de
la duchesse de Northumberland, grande
maîtresse des robes.
Dans les voitures de -la suite venaient
la comtesse Spencer, le capitaine Streat-
field, .son secrétaire privé et lady
Phipps, femme de l'ambassadeur de
Grande-Bretagne à Paris.
A 10 h. 50, le cortège arrivait à l'hô-
pital, qui porte le nom de la marquise
de Hertford, quatrième du nom, soeur
du célèbre philanthrope Sir Richard
Wallace, qui le fonda en 1879.
Sous le porche d'entrée, pavoisé d'im-
menses oriflammes aux couleurs du
Royaume-Uni, la souveraine, que la fou-
le, maintenue par d'importants barrages
de gardes mobiles et de soldats du 5e ré-
giment d'infanterie, accueillait par de
chaleureuses acclamations; était saluée
par Sir Alfred Tobit, président du Co-
mité directeur, accompagné de ses col-
laborateurs.
Vêtue d'un ensemble de dentelles blan-
ches, coiffée d'une capeline blanche, un
double collier de grosses perles au cou,
la reine, toute souriante, dit un mot
aimable à chacun, s'intéresse avec une
charmante sollicitude aux jeunes gui-
des et scouts britanniques qui, dans la
cours forment une haie d'honneur.
Guidée par Sir Alfred Tobit, la reine
Elizabeth pénètre dans l'hôpital et vi-
site tour à tour la salle des hommes et
celle des femmes, interrogeant et récon-
fortant chaque malade, aussi longue-
ment que le lui permet un horaire exac-
tement minuté.
Elle inaugure ensuite -une section non
mise encore en service qui, en souvenir
de son passage portera désormais le
nom de « Salle du Couronnement ».
A la porte de la nouvelle salle, l'illus-
tre visiteuse reçoit des mains d'une jeu-
ne infirmière une superbe gerbe d'or-
chidées, puis, comme la foule massée au
loin dans la rue de Villiers et aux bal-
cons des maisons voisines, la réclame
à grands vivats, elle apparaît à une des
fenêtres du premier étage où, sourian-
te, elle répond aux ovations. .
C'est ensuite la visite de la maternité,
puis de la pouponnière à l'entrée de la-
quelle, par une touchante attention, le .
directeur de l'hôpital a fait dresser un .
grand portrait des petites princesse»
royales.
A 11 h. 25, la rçine Elizabeth remon- :
tait dans son automobile, qui démarrait
aussitôt sous les acclamations de l'as-
sistance.
Cinq minutes plus tard, saluée, l'au-
tomobile royale pénétrait dans la cour
du ministère des Affaires étrangères, où, .
selon le cérémonial accoutumé, les bat-
teries de tambours saluaient le retour
de la souveraine. . - ?
La reine Elizabeth gagnait aussitôt
ses appartements pour changer- de toi-
lette et prendre quelque repos, en at-
tendant que Mme Lebrun vint la cher-
cher pour se rendre à Versailles.
o
LE DINER
au Quai d'Orsay
Le Palais du Quai d'Orsay était hier
soir brillamment illuminé intérieure-
ment et extérieurement, à l'occasion
du grand dîner de gala que le ministre
des Affaires Etrangères et Mme Geor-
ges Bonnet offraient eh l'honneur des
souverains britanniques.
Dans les salons de grande réception,
salon de l'Horloge, galerie de la Paix,
salon des Ambassadeurs et du Congrès,
le grand salon de la Rotonde, entière^
ment restauré, un éclairage indirect
s'ajoutait à la lumière des lustres pour
mettre en valeur les très riches pla-
fonds du ministère.
Du côté jardin, la façade du Palais
était baignée d'une lumière douce et
dorée qui sculptait les pierres en relief,
et qu'on avait obtenue au moyen de
projecteurs disposés le long des massifs
d'hortensias, de part et d'autre du per-
ron.
Dans le jardin même, les massifs de
fleurs s'entouraient de rampes lumineu-
ses éclairant les plantes par en dessous.
Des projecteurs encore caressaient les
frondaisons des marronniers, des plata-
nes et des bosquets plantés autour du
rectangle central.
Côté du quai, la façade du Palais
était éclairée' à distance, et cette ins-
tallation permettait de conserver à la
façade tout son relief par une judicieu-
se répartition des ombres et des lumiè-
res.
L'ensemble, conçu par M. de Robien,
directeur du personnel, et par M. Bru-
neau, architecte en chef des Beaux-
Arts, créait une impression de féerie
dans un jardin de rêves.
Au cours du dîner, l'orchestre de la
Société des Concerts du Conservatoire,
sous la direction de M. Charles Munch,
exécuta la «. Suite Anglaise », d'Henri
Rabaud, l'Ouverture de la « Princesse
Jaune », de Saint-Saëns, « Dolly », sui-
te de Gabriel Fauré, « Prélude, Menuet
et Rigaudon », de Maurice Ravel, « Es-
cale n° 2 », de Jacques Ibert, « Diver-
tissement et Musette », de Samazeuilh,
« Symphonietta »* d'Albert Roussel,
« Introduction de Fervaal », de Vincent :
d'Indy, « Sérénade », de Darius
Milhaud, « Marche Ecossaire », de
Claude Debussy.
--
M. Jean Zay, ministre
de l'Education Nationale,
a remis une médaille en or
aux souverains
En accueillant les souverains britan-
niques au château de Versailles, M.
Jean Zay, ministre de l'Education Na-
tionale, leur a remis, frappée en or, une
médaille de Versailles, d'après une gra-
vure de 1687.
Chaque invité en a reçu un exem-
plaire en bronze.
Le ministre, en outre, a remis à Sa
Majesté la Reine une réplique exacte
des jetons de jeu de Marie-Antoinette.
Dimanche, le public pourra visiter
la gare du Bois de Boulogne
et le train royal
La Société Nationale des Chemins de
fer, en accord avec la Direction géné-
rale des Beaux-Arts, organise à la gare
de l'avenue Foch la visite des aménage-
ments dus à M. Pierre Sardou, archi-
tecte en chef des Beaux-Arts, et du
train utilisé par le Roi et la Reine
d'Angleterre au cours de leur voyage.
Le salon, décoré de merveilleux Gobe-
lins, et le train royal, pourront être vi-
sités dès dimanche prochain, moyen-
nant un prix" d'entrée de 2 francs.
Avant les cérémonies
de Villers-Bretonneux
Amiens, 21 juillet. - La musique de
la Garde Royale Anglaise a défilé, ce
soir, en tenue de gala, dans les rues
d'Amiens, entre les rangs serrés de la
foule.' Elle était précédée de la musique
du 51® régiment d'infanterie qui avait,
pour la circonstance, revêtu l'uniforme
de 1914, pantalon rouge et dolman bleu
foncé.
Après le défilé, les deux musiques ont
donné un concert en plein air au kios-
que Mcntplaisir, devant un immense
auditoire.
Ensuite, les membres des deux musi-
ques ont assisté aux représentations du
Cirque Municipal, dirigé par M. Jean
Houcke. Un vin d'honneur leur a été
servi à l'issue de la représentation.
Une répétition générale des cérémo-
nies a eu lieu aujourd'hui devant le mo-
nument de Villers-Bretonneux et l'on a
procédé à la mise en place de l'impor-
tant service d'ordre prévu.
La soirée à Paris
Tandis que les principales places et
artères de la capitale, brillamment illu-
minées, étaient à nouveau envahies par
une foule joyeUse, une grande fête de
nuit, organisée par la commune libre
du Vieux-Montmartre, se déroulait sur
la Butte, dans l'enthousiasme général.
Là aussi la foule était compacte et
lorsque, à 22 heures, montèrent les pre-
mières fusées du feu d'artifice, tous les
terre-pleins du grand escalier condui-
sant au Sacré-Coeur étaient noirs de
monde.
Et jusqu'à une heure fort avancée
de la nuit les rires et les chants n'ont
cessé de retentir sur la butte en liesse.
D'autre part,, des représentations ^gra-
tuites ont été . données à la Comédie-
Française avec la « Marche nuptiale »,
à l'Odéon avec « L'Abbé Constantin »,
et aux Ambassadeurs avec « Le Misan-
thrope ». " : ; : t . . . ; ? .;
Ainsi, cette dernière soirée, du. séjour
des souverains britanniques à Paris a.
été marquée par la même- Jôie et le .m&»
me enthousiasme que les précédentes.
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