Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1893-09-23
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 septembre 1893 23 septembre 1893
Description : 1893/09/23 (Numéro 5001). 1893/09/23 (Numéro 5001).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
LA JUSTICE DU SA SEPTEMBRE
blique argentine. Un bataillon de troupes I
fédérales envoyé à Tucuman pour étouffer
la révolte a déserté et s'est joint aux insur-
gés.
Le président, M. Saenz Pena, insiste pour
que M- Ellauri accepte la présidence, espé-
rant ainsi surmonter l'opposition actuelle.
Les loyalistes de Tucuman ont demandé
au président de déposer au Sénat un projet
d'intervention fédérale dads les provinces
troublées.
Les troupes de la province de Corrientes
se sont révoltées.
Les canonnières Republica et Bermejo sta-
tionnées dans la rivière du Parana se sont
révoltées également.
Le gouvernement mobilise partout la
garde nationale.
Les arrestations continuent.
La capitale est tranquille.
Les radicaux Q£t coupé la ligne de Tucu-
man, forçant ainsi M. Pellegrini à. rester er^ i
chemin avep ses troupes.
LK (ilUMiJIfflllVffi
Le Mesnil-Théribus, 22 septembre.
La pluie a fait place à un vent glacial qui
cependant n?a pas nui à la manoeuvre fort
belle de ce matin.
L'armée de L'Ouest était cantonnée autour
de Chaumont ; le deuxième corps ù, l'ouest
et le troisième à l'est.
La marche de toute l'armée contre un en-
Demi figuré, représenté par ia division Mer-
cier devait donner lieu k de nombreuses
difficultés, étant donnés surtout les canton-
nements très serrés de la veille et le front
peu étendu de l'armée.
Ces difficultés ont été brillamment vain-
cues ⢠les diverses opérations qui ont pré-
cédé le combat ont été exécutées sans la
moindre hésitation.
La ligne de l'armée s'étendait, hier, de
Trie-Château à Liancourt.
Le général Billot a fait avancer tout d'a-
bord son aile gauche, afin de lui faire occu-
per, à huit heures et demie du matin, la
ligne de Hardencourt, la Roncière, Boissy-
le-Bois ; l'aile droite, rassemblée entre Lo-
couviile et Fleury, devait régler sa marche
afin d'opérer sa liaison avec l'aile gauche à
Enencourt-le-Sec et ne plus offrir pour le
front de toute l'armée qu'une ligne absolu-
ment horizontale. Ces ordres ont été exécu-
tés à la lettre»
A huit heures et demie précises, l'armée
entière a poursuivi sa marche en avant, h
la rencontre de l'ennemi figuré.
La division Mercier, qui avait hier soir
soa quartier général ïi la Houssoye, avait
porté ce matin ses avant-postes assez en
avant de ce village ; aussi le général Billot
a-t-il été rapidement informé de la présence
de l'ennemi à Jouy-sous-Thelle et Pomme-
reux.
Il a aussitôt renforcé toutes ses premières
lignes qu'il a appuyées de l'artillerie, et a
prononcé une vigoureuse attaque contre
Jouy.
La résistance n'a pas été longue ; les trou-
pes du général Mercier ont dû se replier sur
Jouy-la-Frange, mais non sans semer les
routes d'abatis d'arbres, afin de simuler
leur destruction.
A onze heures, Pommereux a été égale-
ment enlevé.
Le général Billot fait en ce moment opé-
rer à son armée une double conversion, afin
de resserrer l'ennemi près d'Auneuil et de
Je rejeter définitivement au nord. Les deux
ailes de son armée forment une véritable
charnière dont lès deux extrémités se pro-
longent à la Houssoye et Villoteau.
Les curieux sont toujours en grand nom-
bre sur le terrain. On remarque la présence
â du duc d'Aumale qui, à cheval, suit très at-
tentivement le combat.
Lé général Mercier a fait une des plus
belles défenses qu'il ait été permis de cons-
tater depuis le commencement des manoeu-
vres, et l'ordre de cesser le feu n'a pu être
donné qu'à une heure relativement avan-
cée. Alors que ses avant-gardes s'étaient
retirées sans faire une opposition trop vive,
le gros de sa division a tenu jusqu'au der-
fiiw moment et a pu môme inquiéter sé-
rieusement ia centre de l'armée de l'Ouest.
C'est à Jouy-la-Grange que la résistance
a pris les plus grandes proportions. Por-
cheux, la Houssoye, Villotran et Chantoi-
seau, c'est-à-dire les villages situés a droite
et à gauche, mais plus au nord de Jouy-la-
Grange, étaient déjà occupés et Jouy n'était
pas encore rendu.
Le général Mercier, s'étant aperçu que le
mouvement de conversion exécuté par les
deux ailes de l'armée de l'Ouest avait eu
pour conséquence de dégarnir un peu le
centre avait massé à Jouy toute sa réserve
ei d'assailli est devenu assaillant.
L'armée de l'Ouest a failli être coupée.
Heureusement pour elle, une brigade d'in-
fanterie de marine, commandée par le gé-
néral Reste, qui, partie loin en arrière des
premières lignes, avait marché pendant
trois heures sans halte dans les terres la-
bourées, est venue appuyer le centre, et
c'est elle qui a forcé le général Mercier à
évacuer Jouy.
On doit, il est vrai, ajouter qu'à, ce mo-
ment l'aile droite de l'armée de l'Ouest ve-
nant de se rendre maîtresse de Chantoiseau
et de Villotran le général Mercier allait être
«cerné et voir sa retraité coupée.
La critique a duré jusqu'à deux heures et
demie.
Le général Billot a adressé des félicitations
chaleureuses au général Mercier.
Il est reparti ensuite pour Beauvais, afin
de recevoir le ministre de la guerre.
LA RÉVOLUTION AU BRESIL
New-York, 22 septembre.
Une dépêche de Montevideo, adressée au
New-York Herald, dit que, d'après des nou-
velles du Brésil, l'escadre insurgée a été
battue à Santos. Le feu des troupes de terre
l'a forcée à se retirer vers le Sud après un
combat de deux heures. On signale Jour-
nellement des désertions parmi les insur-
gés.
Les troupes fédérales de Rio-Grande ont
abandonné le siège de San-Eugenio qui
était défendu trop fortement.
Les avis de Rio-Janeiro sont plus favora-
bles aux insurgés.
L'escadre de l'amiral de Mello empêche
toujours les communications des navires
avec le rivage.
Comme le3 vivres commencent ?l man-
quer, on pense que l'amiral Mello sera
maître de Rio avant la fin de la semaine.
La légation du Brésil com munique l'infor-
mation suivante :
Lea nouvelles du Brésil sont défavorables aux
insurgés. Leurs vaisseaux sont toujours retenus
dans la baie de Rio et ils Continuent d'etre em-
pêchés et de débarquer par les forces du gou-
vernement à terre et de sortir par les forts qui
disposent d'abondantes munitions.
Le croiseur Republica, le seul qui ait réussi ù.
s'echapper de Rio, a été très énergiquement re-
poussé à Santos.
Les rebelles n'ayant pu réussir h débarquer à
Nitheroy, où 13s comptaient ee fournir des vi-
vres qui commencent à leur manquer, perdent
de plus en plus courage, et l'on signale de nom-
breuses désertions parmi eux.
Les nouvelles de ia prise de Nitheroy et de
l'adhésion des Etats de Bahia et de Pernambuco
sont tout à. fait controuvées. Tous les Etats sont
entièrement dévoués au gouvernement, celui de
San-Paulo en particub'er, c0rame le prouve l'é -
cheo que les insurgés ont subi à Santos.
La ville de Rio recevant ses ravitaillements
par voie de terre ne souffre nullement de ia
présence des navires insurgés dans le port.
L'état de siège, qui s'est terminé avant-hier
(20), n'a pas été renouvelé, ie gouvernement se
trouvant fort pour dominer ia situation.
Le congrès continue à siéger.
LA POLITIQUE DE L'ANGLETERRE
Dans un article de fond, les Novosti
constatent que l'altitude des journaux an-
glais ne conllrme en aucune manière les
commentaires des feuilles de la Triple Al-
liance à propos de la future visite de la
flotte anglaise dans les ports italiens, visite
que ces feuilles se plaisent à représenter
comme une manifestation destinée à con-
trebalancer l'effet de la rencontre de Tou-
lon.
Les journaux anglais déclarent carrément
que l'Angleterre n'a nul besoin de chercher
des alliances au dehors.
C'est là, disent les Novosti, ta politique tradi-
tionnelle de l'Angleterre Pour cette puissance,
toute lutte entre les Etats du continent est plutôt
favorable, étant donné qu'elle amènera 1 affai-
blissement des combattants au profit de la
Grande-Bretagne. Le véritable rôle de l'Angle-
terre commencera quand la victoire sera déci-
dée. C'est alors que les Anglais paraîtront et
demanderont des compensations.
Les Anglais ne nous aiment pas et ils n'ai-
ment pas non plus les Français et ils seraient,
certes, les premiers à se réjouir de ia diminu-
tion de la puissance de la Russie et de ia France;
mais ils savent très bien que l'accroissement de
la puissance de l'Allemagne et surtout de sa
puissance maritime leur serait encore bien plus
préjudiciable.
On lit d'autre part dans la Correspondance
politique :
Nos. lettres de Rome font ressortir, que dans
de nombreux cercles de l'Italie on exagéré la
portée de la prochaine visite de l'escadre an-
glaise dans les eaux italiennes.
C'est ainsi qu'on veut voir dans cet événement
une manifestation publique de l'entrée sans ré-
serve de l'Angleterre dans la Triple Alliance et
une démonstration hostile de cette puissance
contre la France et la Russie. Cependant l'atti-
tude observée jusqu'ici par le gouvernement
anglais et sa politique plus que prudente sont
trop en contradiction avec une pareille manière
de voir, pour qu'un homme politique de sens
rassis puisse s y rallier. Les cercles italiens qui
souhaiteraient un conflit entre, la France et la
Grande-Bretagne iie pourront imposer leur vo-
lonté au gouvernement italien, dont les tendan-
ces pacifiques sont connues, et il est certain que
les manifestations que I on prépare pour l'arri-
vée de la Hotte anglaise ne seront sûrement pas
interprétées par les botes anglais comme une
démonstration hostile contre une puissance
quelconque.
Il est tout naturel que les navires anglais
soient reçus avec enthousiasme, en Italie, mais
le peuple italien possède en fin de compte suf-
fisamment de tact politique pour ne pas se lais-
ser entraîner, à cette occasion, à des provoca-
tions à 1 adresse d'une tierce puissance.
On peut donc compter avec certitude que la
visite de la flotte anglaise dans les eaux italien-
nes n'aura aucune conséquence désagréable.
EN AFRIQUE
L'Acte de Bruxelles violé par lea Anglais
et les Allemands
L'Indépendance belge reçoit die Londres le
télégramme suivant :
J'ai pu avoir Communication des lettres parti-
culières arrivées de Port-Maguire (extrémité in-
férieure du lac Nyassa), par dépêches cotières
et qui offrent un intérêt particulier pour la Bel-
* parait résulter de ces lettres : Ie Qu'au dé-
part du courrier l'expèdition belge Descamps,
chargée d'aller, dans le Zambèze, le Shire et le
lac Nyassa renforcer l'expédition antiesclava-
giste Jacques sur le Targanika, risquait d'être
compromise par les agissements des Allemands
et des Anglais dans le Nyassaland 2° qu'An-
glais et Allemands ont commis dans cette ré-
gion une flagrante et dangereuse infraction aux
stipulations de l'Acte antiesclavagiste de
Bruxelles.
Voici les faits :
En premier lieu, les Arabes et les indigènes
de la région du Nyassaland formant partie de
l'itinéraire de l'expédition Descamps, sont exas-
pérés contre tous les blancs sans distinction,
par suite des sanglantes attaques de l'expédition
allemande Wissmann.
Depuis le mois de janvier dernier, celle-ci a
constamment soutenu de sanglantes hostilités
sur la rive septentrionale du Nyassa contre les
tribus Wanyckas qui habitent la région mon-
tagneuse située entre le lac Rukwa et la routé
Stevenson.
Finalement, l'expédition Wissmann a échoué,
elle a été obligée de vendre à l'administration
allemande de l'Est africain, comme bateau â
marchandises, une canonnière qu'elle devait»
mais n'a pas pu transporter au Tanganika ; elle
a cédé Je reste de son outillage â la Compagnie
anglaise des Lacs africain*, et elle va rentrer
en Europe, laissant la suite de Ses affaires au
commissaire allemand baron Voé Elz, au capi-
taine Prima et h M. Wyncken, représentant de
la Société antiesclavagisme allemande. L'effusion
de eang qu'elle a opérée n'aura servi qu'à exas-
pérer Arabes et indigènes et ù multiplier les
dangers existant sur là route de l'expédition
belge Décampe.
Mais les dangers que court celle-ci auront en-
core été accrus par le fait suivant : Au mois de
juin dernier, les Allemands du Nyassaland ont
laissé passer sur leur territoire une caravane ve-
nant de Bar c$ Salaam et transportant 470 JsiL
de poudre à canon à destination des Arabes
contre lesquels ont à lutter le capitaine Des-
camps et le capitaine Jacques.
Cette caravane étant arrivée à Deep Bay, au
sud de Karouga. sur le lac Nyassa, le fonction-
naire anglais, M. Crawshay, qui représente en
cet endroit l'administration britanique de l'Afri-
que centrale, a laissé passer la caravanne en se
contentant, comme les Allemands l'avaient fait
avant lui, de prélever sur elle des droits de
douane, et cela sous prétexte que les forces dont
il disposait n'étaient pas suffisantes pour lui per-
mettre de faire obstacle au passage de ces mu-
nitions.
C'est-à-dire que Allemands et Anglais succes-
sivement ont agi de façon à laisser s'approvi-
sionner de munitions les 10,000 Arabes armés
contre les expéditions Descamps et Jacques et
qui, faute de cas munitions, seraient impuis-
sants contre vos compatriotes.
Tel est le résumé des nouvelles de Port-Ma-
guire apportées par des lettres privées.
GAZETTE DU JOUR
Le Journal officiel publie dans son numé-
ro do ce matin l'avis suivant :
MINISTÈRE DES FINANCES
AVIS AU PUBLIC
Interdiction de recevoir les monnaies
étrangères de cuivre et de billon
Aux termes des articles 1 et 2 du décret
du 11 mai 1807 et de l'article iet, paragra-
phe 2, de la loi du 22 juin 1846, l'introduc-
tion èt la circulation en France des mon-
naies étrangères de cuivre et de billon sont
prohibées.
En conséquence, toutes ces monnaies,
quelle que soil leur nationalité, doivent être
rigoureusement refusées par les Caisses
publiques.
Le piano hygiénique :
Un facteur anglais vient de faire breveter
un piano électro-galvanique d'un genre
tout spécial.
En effet, il s'agit d'un appareil capable
d'influencer non pas le mécanisme ou le son
du piano, mais bien le jeu de l'exécutant,
les doigts de celui-ci étant en communi-
cation directe avec une batterie électri-
que placée à l'intérieur du piano et reliée
aux touches à l'aide de fils métalliques.
L'invention, qui est d'ordre tout hygiéni-
que, a simplement pour but de diminuer
la fatigue des muscles et de combattre la
crampe. Les essais qui viennent d'être faits
à Londres sur ce nouvel instrument ont
donné, paraît-il, d'excellents résultats.
L'informateur n'ajoute pas si cet instru-
ment mirifique pourra être employé aussi
contre les crises de nerfs et tenir lieu de
douche à l'occasion, en temps de séche-
resse, par exemple. Il est à perfectionner
dans ce sens-là.
Un des jeunes membres de la maison
royale h Munich était accusé d'avoir mis à
mal la fille d'un habitant de ia ville.
Un journal du la localité avait même ac-
cusé le jeune homme d'avoir eu avec ia
personne un différend au sujet de l'entre-
tien d'un enfant né de leur liaison.
Que faire pour arrêter le scandale?
C'est bien simple, les juges se sont réu-
nis, ont condamné pour diffamation ie jour-
nal trop bien informé à une amende de
500 marks, lesquels 500 marks ont été no-
blement abandonnés par le prince royal à
la pauvre jeune fille si affreusement diffa-
mée.
Tout est donc pour le mieux; la jeune
fille a été bruyamment réhabilitée et... l'en-
fant est pourvu, sans que la maison royale
ait eu à débourser un centime.
De plus, daus lo cas où lo prolifique petit
prince aurait un nouveau rejeton naturel,
il est probable que les journaux, peu sou-
ciéux de pourvoir à sa subsistance, n'ébrui-
teront pas la nouvelle.
Un anniversaire.
Nous entrons aujourd'hui dans !a deuxiè-
me année du second- siècle de « l'ère fran-
çaise », comme disaient patriotiquement
nos pères de la Convention.
On sait que cette ère Compte de la fon-
dation de la République (22 septembre
Si le calendrier de Fabre d'Eglantine
était encore en vigueur, nous daterions nos
lettres de primidi, i»r vendémiaire, et l'on
fêterait la Saint-Raisin.
L'expression « iln de siècle » aurait, il est
vrai,disparu du vocabulaire banal; mais
qui songerait à s'en plaindre 'i
Quelques détails assez curieux sur Be-
hanzin.
Il paraît que, quand ce potentat envoya à
Lagos sa fameuse « protestation » qui fut,
on le sai t, publiée en Franco et en Angle-
terre, il confia aux messagers chargés de
l'expédition une quantité de. pièces d'or et
d'argent pour payer les frais du câble-télé-
gramme, qui lui coûta 3,250 francs, somme
fort respectable pour un nègre, même quand
ce nègre s'appelle Behanzin.
Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que ces
pièces d'or et d argent étaient excessive-
ment anciennes, plusieurs dataient du quin-
zième et même du quatorzième siècles, et
couvertes da moisissures comme si elles
avaient été enterrées, pendant de longues
années. Elles étaient de provenance portu-
gaise, mexicaine, chilienne et brésilienne.
Behanzin, qui a adressé plusieurs commu-
nications au gouverneur de Lagos, les ré-
dige sur papier de luxe orné d'un superbe
monogramme représentant deux poissons
en croix qui sautent hors de l'eau.
Un jurisconsulte vient de se livrer à un
curieux calcul, celui des lois, décrets et or-
donnances rendus depuis 1789, et il en a
compté plus de deux cent mille, dont voici,
du reste, ie détait.
Depuis le fameux décret du 4-11 août
1789, proclamant Louis XVI restaurateur de
la liberté française, jusqu'au décret du 22
prairial an II (21 mai 1793) constituant le
tribunal révolutionnaire, il a été rendu
4*219 actes de gouvernement, soit une
moyenne annuelle de 300 actes.
Du 31 mai 1793 k la fin de la première Ré-
publique, le total des lois et décrets a été
de 8,615 (moyenne annuelle, 718).
Le premier Empire a donné 10,572 lois,
séna tus-consul tes, décrets (moyenne an-
nuelle, 1,057). ' .
Les lois et ordonnances royales publiées
sous Louis XVIII ont été au nombre de
18,648 (2,072par an).
Sous Chartes X, les lois, actes et ordon-
nances ayant atteint le chiffre de 15,810, la
moyenne annuelle est montée à 2,635.
Sous Louis-Philippe, il a été publié
37,192 actes officiels '(moyenne annuelle
2.066).
Sous la seconde République, 12,386 décrets
ont paru au Moniteur, soit une moyenne de
2,477 par an.
Le second Empire en a donné 45,589, dont
la moyenne est de 2,533.
Enfin depuis Je 4 Septembre 1870 jus-
qu'au 31 décembre 1892, la troisième Répu-
blique a rendu 58,854 lois ou décrets, ce qui
porte k 2,675 la moyenne annuelle.
Comme on le voit, ce n'est pas la quan-
tité de lois qui nous manque en France.
Curieuse appréciation de la réception de
M. Emile Zola à Londres :
La Westminster Gazette dit que la « récep-
tion faits au romancier français sera certai-
nement un sujet d'étonnement pour les
Français et peut-être pour M. Zola lui-même,
car il paraît vraiment un peu étrange de
fêler le Maître et d'envoyer en prison ceux
qui traduisent ses oeuvres ».
Le fait est que la pudeur britannique pa-
rait s'être assez bizarrement comportée
dans la circonstance.
« Le fait que le public anglais paraît ap-
prouver à la fois les condamnations et les
ovations, ajoute la feuille londonienne,
montre clairement à quel point les Anglais
aiment les compromissions et détestent la
logique ».
Sévère, la Westminster Gazette !
La direction de l'Ecole des beaux-arts
vient de prendre une mesure que plusieurs
personnes réclamaient depuis longtemps.
On sait que de nombreuses couronnes
avaient été déposées à plusieurs reprises
au pied du monument d'Henri Regnault.
Les pieux souvenirs étaient un peu défraî-
chis et l'on faisait ressortir, avec quelque
semblant déraison, que ce n'était guère la
peint) d'élever des monuments artistiques,
s'ils devaient être recouverts il perpétuité
de fleurs qu'un jour fane et de couronnes
qui sont bientôt détériorées.
La direction de l'Ecole des beaux-arts es-
timant donc que l'enlèvement de ces sou-
venirs ne pouvait provoquer aujourd'hui
aucun froissement, a fait déblayer le beau
monument de Chapu, qui est non seulement
celui du peintre de Judith et Hotopherne,
mais encore celui des onze autres artistes
morts également sur le champ de bataille ;
Stamm, Seilhade, Malherbe, Frièse, An-
ceaux, Reboursier, Breton, Chauvet, Coin-
chon, Jacquemin ,et Pauze.
Cette mesure gagnerait certainement à
être étendue à certains monuments pari-
sien®.
Depuis longtemps, la Ligue de l'affran-
chissement des femmes avait un compte à
régler avec M. le sénateur Bérenger. Elle
désirait le féliciter pour sdn attitude au
sujet du bal des quat'z'-Arts Cest Tait de-
puis hier. M. Bérenger a reçu, par les soins
de Mme Astié de Valsayre, une lettre qui
lui fera, nous n'en doutons pas, le plus
grand plaisir.
Par la même occasion, >îme Astié de Val-
sayre revendique le droit pour la femme
de porter la culotte. Elle soumet à M. Bé-
ronger le projet de loi suivant :
Article premier. â Le port de la culotte sera
exclusivement réservé aux femmes.
Art. 2. s-i A partir de dix ans, tous les hom-
mes devront être enjuponnés.
L'exposé des motifs est peut-être un peu
leste ; toutefois, comme il est dédié A M. ie
sénateur Bérenger nous oserons en dé-
tacher le passage suivant, qui est très sug-
gestif :
Si les Grecs et les Romains portaient jadis la
robe, c'est évidemment parce que la logique
d'un siècle, où îa decence florissait encore, la
leur avait imposée et, pour prouver âi sans
blesser les chastes oreilles â que ee vetement
est .bien,'en effet, un apanage masculin, j'évo-
querai simplement le pantalon blanc, qui lait
ai souvent monter le rouge aux fronts honnêtes,
et force à convenir que la culotte revient .-de
droit à la femme, incapable, de par la nature de
causer pareil scandale.
Toutefois, Mme Astié de Valsayre fait
une honorable exception en faveur des sé-
nateurs :
Art. 3- â Lès sénateurs seuls seront dispensés
du port do la culotte.
Les sénateurs aussi. Pourquoi, madame?
Et qu'en savez-vous t
Les journaux anglais racontent longue-
ment la journée de congé que s'est offert
avant-hier l'éléphant Jin, du cirque Turner,
actuellement à Londres. Son propriétaire
Payant sorti avec deux lamas , Jin voyant la
verdure de Finsbury park, s'élança dans
ce jardin dont il commença par démolir le
kiosque où jouent habituellement les musi-
ciens. On le poursuivit el alors commença
une course extraordinaire dans les rues de
ce quartier populeux de Londres. JIM, suivi
de policemen et d'une foule grossissant
d'instant en instant, entrait dans les mai-
sons pour jeter la terreur, Des gens témé-
raires qui se risquèrent à l'aprocher virent
leurs avances repoussées avec une brus-
querie qui ne laissa pas de les laisser assez
mal en point. Ce ne fut qu'après avoir pris
largement ses ébats qu'il consentit à réinté-
grer son domicile, non sans avoir causé un
peu partout des dégâts considérables. Il
avait dans sa promenade enfoncé sept
murs.
*
Les Anglais ne publient k Londres que
vingt-neut journaux quotidiens, au lieu qu'à
Paris, il y a, pour se dévorer, des centaines
de quotidiens, dont quelques-uns éphémè-
res. Les vingt-neuf journaux de Londres
ont un milliard d'exemplaires par an, soit
une moyenne raisonnable de 33 millions par
journal et par an.-
La province, en Angleterre, n'a que 170
quotidiens, et en France 377 et 163 tri-heb-
domadaires, et les quotidiens anglais ont
aussi un million d'exemplaires entre eux
par an, soit une moyenne notable.
Notre confrère X. - < est fort distrait et, de
plus, il déteste lea;chapeaux de paille, mais
il fait si chaud cet été qu'il s'est décidé k
en acheter un.
L'autre jour, il rentre dans son cabinet
et, apercevant ledit chapeau sur le bu-
reau :
â Sapristi, s'écrie-t-il, qui dono s'est in-
troduit ici t
LE CHOLÉRA
En France. â A l'étranger
Les nouvelles reçues de Brest indiquent
que l'épidémie est en décroissance com-
plete-
A Molène, l'épidémie cholériforme peut
être considérée comme terminée.
Aucun décès n'a été constaté depuis dix
jours; aussi M. Martin Durr, délégué sani-
taire du ministère de- l'intérieur, vient de
lever la quarantaine imposée aux habitants
et pêcheurs.
Voici les chiffres officiels des décès cho-
lériques qui se sont produits, du 10 au 18
inclus, dans l'arrondissement de Brest :
Brest ville 35, hospice civil 18, hôpital
maritime 1,
Le Conquet 1, saint-Pierre-Quilbignon 24,
Lambézellec 31, Saint-Marc 3,' Guipavas l,
Bourg Blanc 2* Landunvez iâ Lanildut 4, le
Tréhou 1.
En tout 126 décès en huit jours.
Ces chiffres sont fournis par la préfecture
du Finistère.
A Hambourg, dans la journée d'hier, il y a
eu dix-sept nouveaux cas de choléra, dont
deux suivis; de mort.
Sur oes dix-sept, cas, il y a neuf cas de
véritable choléra, dans les huit autres cas,
il s'agit de légère diarrhée avec bacilles ea
Virgule.
Parmi les malades atteints précédemment
il est mort un enfant de quatre semaines,
A Altona, il s'est produit un cas de choléra
dans la Johannisstrasse.
Dans les dernières vingt-quatre heures, il
y a eu à Pal arme 14 cas de choléra et 6 dé-
cès ; à Rome, un cas suspect-
L'épidémie est en décroissance à Bilbac,
mais elle augmente dans les localités voi-
sines. On craint le développement du fléau
sous l'influence de la température humide.
Dans la Biscaye, il s'est produit, hier, 17
cas suspects ;..cinq décès k Belchite ; à. Sa-
ragosse, 1 cas et 1 décès.
On sait que M. Emile Zola est à Londres,,
où l'Institut des journalistes anglais l'a in-
vité» au Congrès qu'il tient en ce moment.
Prié par le comité de ce Congrès de dira son
avis sur la question de l'anonymat, M. Emile
Zola a exrimé son opinion dans un article
dont il a donné lecture, .et dont voici plu-
sieurs extraits ;
lî est très certain que la presse anglaise doit
à l'anonymat sa puissance, son indiscutable au-
torités En ce moment, je n'entends m'occuper
qpe des articles politique^, que du corps,de doo-
trine du journal.
Ainsi conçu, un journal politique, où l'indi-
vidu disparaît, n'est plus que l'expression d'un
groupe,- le pain quotidien d'une foule. Il gagne
Bn força ce qu'il perd en personnalité, car il n'a
d'autre but que de satisfaire une opinion, d'être
la représentation exacte de cette opinion.
Et tout de suite, pour qu'un pareil journal ré-
ponde k un besoin social, il faut qu'il y ait der-
rière lui un public dévoué, ne lisant que lui,
pleinement contenté, du moment qu'il retrouve,
chaque matin, les idées qui sont lés siénnes et
qu'il s'attendait à y voir. ..
Remarquez que c'est ce public-là qui a lait jus-
tement, chez vous, la presse ce qu'elle est, un
public que les révolutions n'ont pas fragmenté,
qui n'est encore divise qu'en deux grands partis
d'importance à peu près égale, q»i n'a pas ia
fièvre de parcourir à son lever une dizaine de
journaux, mais où chaque lecteur s'en tient h
son journal, qu'il lit . d'un bout à l'autre, en lui
demandant uniquement de penser comme il
pense lui-même.
Dès. lors, 1 anonymat s impose. Ce n'est pas tel
ou tel rédacteur qui importe, c'est l'opinion to-
tale du journal. On peut même dire que la va-
leur inégale des rédacteurs, leur personnalité,
s'ils signaient, détruiraient Punité de l'ensemble.
Tous ont la même voix, lo même talent, du
moment qu'on les ignore. Il ne reste plus que
l'oeuvre commune, cette masse compacte d'idées,
de renseignements de toutes sortes qui fait d'un
de vos journaux une véritable encyclopédie quo-
tidienne.
M. Emile Zola parle ensuite de la presse
française. « Chez nous, dit-il ce qui a gran-
di, ce qui emporte et différencie tout, c'est
la fièvre d'individualité.,»
Certes, nous avons encore des journaux qui
représentent des collectivités ; mais n'est-ce pas
un signe, ces journaux où un homme s'incarne,
le journal de Rochefort, le journal de Clemen-
ceau, le journal de Paul de Cassagnac?
Toute la rédaction d'à côté disparaît, il n'y a
plus qu'un homme, on n'achète le journal que
; pour cet homme, Seulement, comme je le di-
i sais, on n'achète pas que ce journal, on jette un
coup d'oeil sur tous, c'est un besoin Sévieux de
se tenir au courant de toutes les opinions, de
vivre dans le fracas de la bataille incessante de
notre politique, qui nous emporte à l'inconnu
de l'avenir.
Dès que l'individualité déborde, triomphe à ce*
point, fl est évident que c'en est fait de l'anony-
mat dans la presse.
Signer fait le succès, et l'on signe, Toute la
race ëSt là peut-être, dans ce besoin de se battre
au premier rang, à visage, découvert, et dans
la gloire qu'il.y a aussi à jeter son nom en pleine
lutte.
Je sais bien tout ce qu'on peut dire contre la
pressa politique que les articles signés nous ont
laite ; elle a perdu son autorité, elle a achevé la
destruction tics partis, elle n'est le plus souvent
'qu'une bagarre où les grands intérêts communs
disparaissent, au milieu d'abominables querel-
les personnelles. . t . -
Certes, le Spectacle est parfois navrant, if doit
donner de nous une affreuse idée à l'étranger, et
: il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour
que Je sols d'avis que l'anonymat seul rendrait
:.l honnêteté et le désintéressement à nos journaux,
'politiques.
Mais, pourtant, quelle vie ardente, quelle ba-
taille sans cesse reprise, quelle dépense de cou-
rage et d'idées ! Sans doute chacun de ces grands
talents se bat pour.;lui; mais il n'en fait pas
moins parfois de la lumière pour tous. Et puis,
je l'ai dit, c est la marche de l'avenir, c'est le
casse-cou si l'on veut, le casse cou qui mène
peut-etre à un monde nouveau.
Je ne puia condamner ce généreux pays de-
France, je ne puis blâmer cette presse si peu
sage, puisque j'en suis, et j'ai sa fièvre d'indivi-
dualité, son besoin de combats son espoir d'une
société meilleure, basée sur la justice .et îs tra-
vail ' '
Si M. Zola admet l'anonymat en matière
politique, il reste surpris qu'il puisse exis-
ter en matière littéraire ; ici il ne comprend
plus.
Je parle surtout des articles de critique, des
jugements portés sur la pièce, le livre, l'oeuvre
ti art. Est-ce qu'il peut exister une littérature,,
un art de groupe? Que la discipline, Pppiïûon
moyenne s'impose en politique, cela est certai-
nement sage.
Mais qu'on réduise la production artistique et
littéraire à satisfaire l'ensemble d'un parti, qu'on
passe la faux, égalisant les tètes, ks confondant
dans le troupeau, afin de récréer honnêtement
t out le monde, c'est ce que je trouve dangereux
pour la vitalité intellectuelle d'une nation.
\ Une telle critique enrégimentée, parlant au
nom d'une majorité, ne peut conduire qu'à une
littérature médiocre et incolore,.lit, si ie criti-
que ne signe pas, ne renonce-t-il pas à toute
"FEUILLETON DE LA JUSTICE
nu 23 SEPTEMBRE 1893.â N® « 1
LES
îim il TUT
PAR
ALFRED BERTRAND
DEUXIÈME PARTIE
JLa poche des* a utre»
II
(Suite)
A ce moment la porte s'ouvrit et le
valet de chambre apparut d.e nouveau.
- Madame est servie, annonça-t-il.
Les deux femmes passèrent dans la
salle à manger.
Le dîner fut très gai. On causa théâtre
et chiffons : conversation nullement com-
promettante, La présence des gens de
service rendait du reste impossible toute
espèce de confidences.
Le dîner terminé, on rentra au salon,
et les deux amies se livrèrent de nou-
veau à leurs épanchementsintimes. Elles
reconnaissaient depuis si longtemps, les
circonstances les avaient si souvent rap-
prochées, elles avaient si complètement
vécu de la même vie pendant quelques
années, que la dissimulation eût été en-
tre elles une marque de défiance bien
inutile. Il n'était point de secret, point
de mystère dans la vie de l'une d'elles
que Vautre ne pût aisément pénétrer et
deviner. Néanmoins elles avaient toutes
deux dans leur passé une aventure pru-
demment tenue dans l'ombre. Avant de
s ouvrir l'une à l'autre le livre des con-
fidences,elles avaient eu le soin, chacune
de son côté, d'en arracher un feuillet. A
ce feuillet près, elles l'avaient lu tout
entier et le savaient par coeur.
Autrefois, quand la comtesse Schuloff
roulait les théâtres de province sous le
nom de Valérie, la Florval était son in-
séparable compagne. Elles s'engageaient
dans les mêmes troupes, habitaient dans
la même maison, revenaient ensemble à
Paris, sans que jamais les incidents d'a-
mour dont leur existence était émaillée
les séparassent plus d'un jour ou deux.
Dans le monde des cabotins, elles étaient
connues sous le vocable des « deux
soeurs siamoises ». Leurs liaisons ga-
lantes, en raison même de leur peu de
durée, n'avaient jamais provoqué de ja-
lousie entre elles, ni troublé la parfaite
harmonie de leur espèce d'association.
Elles savaient qu'une femme isolée est
souvent bien faible au milieu des hasards
de la vie amoureuse, et c'est pourquoi
elles avaient conclu un traité d'alliance
offensive et défensive. Ces complicités
de ia débauche sont plus fréquentes
qu'on ne le croit. Elles ont pour base
l'intérêt commun, et comme les rivalités
de coeur n'interviennent jamais entre ces
odalisques vagabondes, il n'est pas rare
que les associations du genre de celle de
la Florval avec Valérie se resserrent au
bout de peu de temps par des lîens très
durables.
Du jour où elles s'étaient connues, les
deux comédiennes avaient compris
qu'elles avaient tout à perdre à lutter
l'une contre l'autre elles préfèrent s'U-
nir en vue de l'exploitation des viveurs
de province et autres gogos de Vénus
qui abondent sur les marchés de la ga-
lanterie départementale. Belles toutes
deux, mais de beautés différentes, elles
avaient de quoi plaire .aux goûts variés
des amateurs. Valérie avec ses cheveux
blonds, ses yeux bleus, ses lèvres gras-
ses entre deux fossettes nichées dans ses
joues, son minois poupin et les mutine-
ries de sa petite personne ronde et pote-
lée, formait un frappant contraste avec
la beauté un peu hautaine de la Florval.
Très Unes et très intelligentes, toutes,
deux l'étaient également, mais avec des
tournures d'esprit particulières. Il y avait
plus de verve primesautière et de fantai-
sie dans Valérie, plus de concentration et
de grâces calculées dans la Florval. L'une
s'abandonnait parfois aux caprices d'un
ardent désir, l'autre n'écoutait que sa
volonté froide. Influence d'éducation, La
Florval, fille d'un capitaine retraité, avait
| perdu son pèro et sa mère de bonne
heure. Elevée à l'institution de Saint-De-
nis, elle en était sortie à seize ans, munie
de son diplôme d'institutrice. Sans autre
parent qu'un vieil oncle qui était en
môme temps son tuteur, elle apprit
bientôt à ne compter que sur elle-meme.
Elle entra dans un pensionnat en qua-
lité d'institutrice-adjointe, y resta six
mois au bout desquels, sur les instances
de son oncle, elle se maria.
Valérie, au contraire, avait été élevée
dans les ateliers parisiens. A l'âge de
j douze ans, elle avait été placée en ap-
prentissage par ses parents. Un beau
! jour, ayant quinze ans à peine, elle prit
la clef des champs et s'en alla buissonner
dans les théâtres de banlieue, à la re-
morque d'un comédien qui demeurait
dans la maison de son patron. Ces pre-
mières amours durèrent peu. Elle réus-
sît à entrer à la Porte-Saint-Martin pour
jouer un bout de rèle da«s un drame à
spectacle. Elle y fit la connaissance d'un
acteur qui demeurait dans son quartier
et l'accompagnait le soir après la repré-
sentation. Quinze jours après, elle deve-
nait sa maîtresse.
Cette Seconde liaison fut un peu plus
longue que la première, mais Valérie
finit par s© lasser de son amant et partit
pour l'étranger. Pendant près de huit
ans elle vagabonda à travers l'Ëurope et
vint s'échouer à Reims après une série
d'orages qui l'avaient complètement dé-
semparée. C'est dans cette ville qu elle
connut la Florval et, pendant quatre
ans, ces aventurières de l'art, ces bohé-
miennes de l'amour, partagèrent les vi-
cissitudes de la fortune. La cinquième
année, Valérie devint la maîtresse d'un
chef de bureau de îa division des théâ-
tres et obtint un ordre de début àl'Odéon.
Elle échoua complètement devant le pu-
blic, qui n'a pas les mêmes raisons que
Les chefs de bureau .des beaux-arts pour
protéger les petites actrices. Ce filt un
four noir, comme on dit en argot de cou-
lisses. Cette représentation, aussi unique
que désastreuse, dégoûta Valérie de la
capitale: elle se désintéressa de Paris et
partit pour la Russie. Elle en revint
trois ans après avec le vieux comte' Schu-
lolT.
Le comte se fixa ù Paris. Valérie eut
hôtel, chevaux et voitures. Peu à peu,
elle devint pour le vieux boyard qui,
jusque-là, avait partagé son temps entre
les cercles, ses écuries et son chenil, nn
objet de première nécessité. Un jour,
elle le menaça de le quitter. Elle comprit
à l'effarement du vieillard qu'elle serait
comtesse quand il lui plairait.
c'est ainsi que, depuis près de six
mots, elle s'appelait madame SchulolT.
Le mariage avait été célébré à Lausanne,
sans aucune cérémonie. Le comte avait,
â pour la circonstance, fait transformer
en chapelle un des salons de la villa
qu'il possédait à Ouchy, sur les bords du
lac. Un pope avait été mandé et avait
béni l'union des deux époux.
Valérie avait écrit à la Florval pour
lui annoncer son mariage. Un mois
après, celle-ci arrivait à Lausanne, où
son ancienne amie s'empressa.de la re-
cevoir. Le vieux Schuloff, qui eût volon-
tiers peuplé sa maison de jolies femmes
si Valérie le lui eât permis, lui fit égale-
ment le meilleur accueil. L'arrivée de '
de Vandannes à Lausanne sépara les
deux amies, mats elles se promirent de
se revoir à Paris. ; * t
Ësther et Valérie, gaiement installées
au coin du feu, se rappelaient tout cela.
Elles se remémoraient le passé avec ses
phases diverses, avec ses hauts et ses
bas, ses gaietés et ses Jm&msTes
dèches et ses opulences d un jour. Le
souvenir des bruyants soupers au Cham-
pagne se mêlait à celui des rondelles de
saucisson tristement dévorées sur un
bout de table au lendemain d'un làchage
imprévu. Et puis, on avait eu parfois
des faiblesses : un joli garçon rencontré
de ci de là, pour qui on avait fait dos bô-
tises, compromis une situation avanta-
geuse, lâché des amants sérieux, .qui
vous avait mangé toutes vos économies
et, pour toute reconnaissance, vous fi-
chait des râclées à vous laisser sur le
carreau. . .
Est-on bâte quand on est jeune !
disait Valérie.
â Oui, répondit Esther avec un pli au
front, j'ai été stupide, mais aujourd bui...
â Tu es comme moi, n'est-ce pas ? fit
Valérie, tu hais les hommes... C'est jus-
tement pour cela, acheva-t-elle Gn riant,
que je me suis mariée.
Dix heures sonnèrent,
â Dix heures! s'écria Valérie... Com-
me le temps passe vite! Et ce,pauvre
Baptiste qui m'attend depuis une heure!.
Je me sauve...
â Quand te reverrai-je ? dit Esther.
â Quand tu voudras. Viens me de-
mander à diner, tu sais que Schuloff
t'aime beaucoup..Ca lui fera plaisir de
te voir, et à moi aussi, tu n'en doutes
pas.
Les deux femmes se séparèrent.
A peine Valérie était-elle sortis que la
Floryal jeta sur ses. épaules un camail
d'hermine ouvrit ïa porte qui donnait
sur le jardin et s'engagea dans une allée
obscure. Elle arriva , piétinant brave
ment et faisant craquer la neige sous ses
pas, à une petite porte qui s'ouvrait sur
la rue Bayard
Un homme emmitouflé dan? une lon-
gue pelisse de fourrures attendait sur le
trottoir. 11 se glissa par l'entrebâille-
ment de la porte dans le jardin. !
â Eh bien ? fit-il à voix basse.
â Ëh bien, tu peux envoyer ton hom-
me demain. De Vandannes acceptera..
â¢â Bravo! Il y a plaisir à travailler
avec toi. On t'obéit à la baguette. Tires
une véritable fée... Pour commencer, je
lui ai lâché aujourd'hui de Lordac dans
le3 jambes...
â Tu me raconteras cela une autre
fois. En ce moment, je n'ai pas lé temps
de t'écouter. Si j'ai du nouveau,jje te
ferai prévenir. â < Si -
â Cruelle ! c'est comme cela que tu
renvoies ton fidèle Théodore ?...
âDe Vandannés vien t me pren dre flan s
une demi-heure... va-t-en ! te dis-je
â C'est différent, fit-il en déposant un.
rapide baiser sur la main qu'on lui ten-
dait. Je n'insiste pas. Au revoir, sirène !
â Adieu, Ràbani.
11 sortit précipitamment, et la porte se
referma sur lui. ' . : . %/" â¢
blique argentine. Un bataillon de troupes I
fédérales envoyé à Tucuman pour étouffer
la révolte a déserté et s'est joint aux insur-
gés.
Le président, M. Saenz Pena, insiste pour
que M- Ellauri accepte la présidence, espé-
rant ainsi surmonter l'opposition actuelle.
Les loyalistes de Tucuman ont demandé
au président de déposer au Sénat un projet
d'intervention fédérale dads les provinces
troublées.
Les troupes de la province de Corrientes
se sont révoltées.
Les canonnières Republica et Bermejo sta-
tionnées dans la rivière du Parana se sont
révoltées également.
Le gouvernement mobilise partout la
garde nationale.
Les arrestations continuent.
La capitale est tranquille.
Les radicaux Q£t coupé la ligne de Tucu-
man, forçant ainsi M. Pellegrini à. rester er^ i
chemin avep ses troupes.
LK (ilUMiJIfflllVffi
Le Mesnil-Théribus, 22 septembre.
La pluie a fait place à un vent glacial qui
cependant n?a pas nui à la manoeuvre fort
belle de ce matin.
L'armée de L'Ouest était cantonnée autour
de Chaumont ; le deuxième corps ù, l'ouest
et le troisième à l'est.
La marche de toute l'armée contre un en-
Demi figuré, représenté par ia division Mer-
cier devait donner lieu k de nombreuses
difficultés, étant donnés surtout les canton-
nements très serrés de la veille et le front
peu étendu de l'armée.
Ces difficultés ont été brillamment vain-
cues ⢠les diverses opérations qui ont pré-
cédé le combat ont été exécutées sans la
moindre hésitation.
La ligne de l'armée s'étendait, hier, de
Trie-Château à Liancourt.
Le général Billot a fait avancer tout d'a-
bord son aile gauche, afin de lui faire occu-
per, à huit heures et demie du matin, la
ligne de Hardencourt, la Roncière, Boissy-
le-Bois ; l'aile droite, rassemblée entre Lo-
couviile et Fleury, devait régler sa marche
afin d'opérer sa liaison avec l'aile gauche à
Enencourt-le-Sec et ne plus offrir pour le
front de toute l'armée qu'une ligne absolu-
ment horizontale. Ces ordres ont été exécu-
tés à la lettre»
A huit heures et demie précises, l'armée
entière a poursuivi sa marche en avant, h
la rencontre de l'ennemi figuré.
La division Mercier, qui avait hier soir
soa quartier général ïi la Houssoye, avait
porté ce matin ses avant-postes assez en
avant de ce village ; aussi le général Billot
a-t-il été rapidement informé de la présence
de l'ennemi à Jouy-sous-Thelle et Pomme-
reux.
Il a aussitôt renforcé toutes ses premières
lignes qu'il a appuyées de l'artillerie, et a
prononcé une vigoureuse attaque contre
Jouy.
La résistance n'a pas été longue ; les trou-
pes du général Mercier ont dû se replier sur
Jouy-la-Frange, mais non sans semer les
routes d'abatis d'arbres, afin de simuler
leur destruction.
A onze heures, Pommereux a été égale-
ment enlevé.
Le général Billot fait en ce moment opé-
rer à son armée une double conversion, afin
de resserrer l'ennemi près d'Auneuil et de
Je rejeter définitivement au nord. Les deux
ailes de son armée forment une véritable
charnière dont lès deux extrémités se pro-
longent à la Houssoye et Villoteau.
Les curieux sont toujours en grand nom-
bre sur le terrain. On remarque la présence
â du duc d'Aumale qui, à cheval, suit très at-
tentivement le combat.
Lé général Mercier a fait une des plus
belles défenses qu'il ait été permis de cons-
tater depuis le commencement des manoeu-
vres, et l'ordre de cesser le feu n'a pu être
donné qu'à une heure relativement avan-
cée. Alors que ses avant-gardes s'étaient
retirées sans faire une opposition trop vive,
le gros de sa division a tenu jusqu'au der-
fiiw moment et a pu môme inquiéter sé-
rieusement ia centre de l'armée de l'Ouest.
C'est à Jouy-la-Grange que la résistance
a pris les plus grandes proportions. Por-
cheux, la Houssoye, Villotran et Chantoi-
seau, c'est-à-dire les villages situés a droite
et à gauche, mais plus au nord de Jouy-la-
Grange, étaient déjà occupés et Jouy n'était
pas encore rendu.
Le général Mercier, s'étant aperçu que le
mouvement de conversion exécuté par les
deux ailes de l'armée de l'Ouest avait eu
pour conséquence de dégarnir un peu le
centre avait massé à Jouy toute sa réserve
ei d'assailli est devenu assaillant.
L'armée de l'Ouest a failli être coupée.
Heureusement pour elle, une brigade d'in-
fanterie de marine, commandée par le gé-
néral Reste, qui, partie loin en arrière des
premières lignes, avait marché pendant
trois heures sans halte dans les terres la-
bourées, est venue appuyer le centre, et
c'est elle qui a forcé le général Mercier à
évacuer Jouy.
On doit, il est vrai, ajouter qu'à, ce mo-
ment l'aile droite de l'armée de l'Ouest ve-
nant de se rendre maîtresse de Chantoiseau
et de Villotran le général Mercier allait être
«cerné et voir sa retraité coupée.
La critique a duré jusqu'à deux heures et
demie.
Le général Billot a adressé des félicitations
chaleureuses au général Mercier.
Il est reparti ensuite pour Beauvais, afin
de recevoir le ministre de la guerre.
LA RÉVOLUTION AU BRESIL
New-York, 22 septembre.
Une dépêche de Montevideo, adressée au
New-York Herald, dit que, d'après des nou-
velles du Brésil, l'escadre insurgée a été
battue à Santos. Le feu des troupes de terre
l'a forcée à se retirer vers le Sud après un
combat de deux heures. On signale Jour-
nellement des désertions parmi les insur-
gés.
Les troupes fédérales de Rio-Grande ont
abandonné le siège de San-Eugenio qui
était défendu trop fortement.
Les avis de Rio-Janeiro sont plus favora-
bles aux insurgés.
L'escadre de l'amiral de Mello empêche
toujours les communications des navires
avec le rivage.
Comme le3 vivres commencent ?l man-
quer, on pense que l'amiral Mello sera
maître de Rio avant la fin de la semaine.
La légation du Brésil com munique l'infor-
mation suivante :
Lea nouvelles du Brésil sont défavorables aux
insurgés. Leurs vaisseaux sont toujours retenus
dans la baie de Rio et ils Continuent d'etre em-
pêchés et de débarquer par les forces du gou-
vernement à terre et de sortir par les forts qui
disposent d'abondantes munitions.
Le croiseur Republica, le seul qui ait réussi ù.
s'echapper de Rio, a été très énergiquement re-
poussé à Santos.
Les rebelles n'ayant pu réussir h débarquer à
Nitheroy, où 13s comptaient ee fournir des vi-
vres qui commencent à leur manquer, perdent
de plus en plus courage, et l'on signale de nom-
breuses désertions parmi eux.
Les nouvelles de ia prise de Nitheroy et de
l'adhésion des Etats de Bahia et de Pernambuco
sont tout à. fait controuvées. Tous les Etats sont
entièrement dévoués au gouvernement, celui de
San-Paulo en particub'er, c0rame le prouve l'é -
cheo que les insurgés ont subi à Santos.
La ville de Rio recevant ses ravitaillements
par voie de terre ne souffre nullement de ia
présence des navires insurgés dans le port.
L'état de siège, qui s'est terminé avant-hier
(20), n'a pas été renouvelé, ie gouvernement se
trouvant fort pour dominer ia situation.
Le congrès continue à siéger.
LA POLITIQUE DE L'ANGLETERRE
Dans un article de fond, les Novosti
constatent que l'altitude des journaux an-
glais ne conllrme en aucune manière les
commentaires des feuilles de la Triple Al-
liance à propos de la future visite de la
flotte anglaise dans les ports italiens, visite
que ces feuilles se plaisent à représenter
comme une manifestation destinée à con-
trebalancer l'effet de la rencontre de Tou-
lon.
Les journaux anglais déclarent carrément
que l'Angleterre n'a nul besoin de chercher
des alliances au dehors.
C'est là, disent les Novosti, ta politique tradi-
tionnelle de l'Angleterre Pour cette puissance,
toute lutte entre les Etats du continent est plutôt
favorable, étant donné qu'elle amènera 1 affai-
blissement des combattants au profit de la
Grande-Bretagne. Le véritable rôle de l'Angle-
terre commencera quand la victoire sera déci-
dée. C'est alors que les Anglais paraîtront et
demanderont des compensations.
Les Anglais ne nous aiment pas et ils n'ai-
ment pas non plus les Français et ils seraient,
certes, les premiers à se réjouir de ia diminu-
tion de la puissance de la Russie et de ia France;
mais ils savent très bien que l'accroissement de
la puissance de l'Allemagne et surtout de sa
puissance maritime leur serait encore bien plus
préjudiciable.
On lit d'autre part dans la Correspondance
politique :
Nos. lettres de Rome font ressortir, que dans
de nombreux cercles de l'Italie on exagéré la
portée de la prochaine visite de l'escadre an-
glaise dans les eaux italiennes.
C'est ainsi qu'on veut voir dans cet événement
une manifestation publique de l'entrée sans ré-
serve de l'Angleterre dans la Triple Alliance et
une démonstration hostile de cette puissance
contre la France et la Russie. Cependant l'atti-
tude observée jusqu'ici par le gouvernement
anglais et sa politique plus que prudente sont
trop en contradiction avec une pareille manière
de voir, pour qu'un homme politique de sens
rassis puisse s y rallier. Les cercles italiens qui
souhaiteraient un conflit entre, la France et la
Grande-Bretagne iie pourront imposer leur vo-
lonté au gouvernement italien, dont les tendan-
ces pacifiques sont connues, et il est certain que
les manifestations que I on prépare pour l'arri-
vée de la Hotte anglaise ne seront sûrement pas
interprétées par les botes anglais comme une
démonstration hostile contre une puissance
quelconque.
Il est tout naturel que les navires anglais
soient reçus avec enthousiasme, en Italie, mais
le peuple italien possède en fin de compte suf-
fisamment de tact politique pour ne pas se lais-
ser entraîner, à cette occasion, à des provoca-
tions à 1 adresse d'une tierce puissance.
On peut donc compter avec certitude que la
visite de la flotte anglaise dans les eaux italien-
nes n'aura aucune conséquence désagréable.
EN AFRIQUE
L'Acte de Bruxelles violé par lea Anglais
et les Allemands
L'Indépendance belge reçoit die Londres le
télégramme suivant :
J'ai pu avoir Communication des lettres parti-
culières arrivées de Port-Maguire (extrémité in-
férieure du lac Nyassa), par dépêches cotières
et qui offrent un intérêt particulier pour la Bel-
* parait résulter de ces lettres : Ie Qu'au dé-
part du courrier l'expèdition belge Descamps,
chargée d'aller, dans le Zambèze, le Shire et le
lac Nyassa renforcer l'expédition antiesclava-
giste Jacques sur le Targanika, risquait d'être
compromise par les agissements des Allemands
et des Anglais dans le Nyassaland 2° qu'An-
glais et Allemands ont commis dans cette ré-
gion une flagrante et dangereuse infraction aux
stipulations de l'Acte antiesclavagiste de
Bruxelles.
Voici les faits :
En premier lieu, les Arabes et les indigènes
de la région du Nyassaland formant partie de
l'itinéraire de l'expédition Descamps, sont exas-
pérés contre tous les blancs sans distinction,
par suite des sanglantes attaques de l'expédition
allemande Wissmann.
Depuis le mois de janvier dernier, celle-ci a
constamment soutenu de sanglantes hostilités
sur la rive septentrionale du Nyassa contre les
tribus Wanyckas qui habitent la région mon-
tagneuse située entre le lac Rukwa et la routé
Stevenson.
Finalement, l'expédition Wissmann a échoué,
elle a été obligée de vendre à l'administration
allemande de l'Est africain, comme bateau â
marchandises, une canonnière qu'elle devait»
mais n'a pas pu transporter au Tanganika ; elle
a cédé Je reste de son outillage â la Compagnie
anglaise des Lacs africain*, et elle va rentrer
en Europe, laissant la suite de Ses affaires au
commissaire allemand baron Voé Elz, au capi-
taine Prima et h M. Wyncken, représentant de
la Société antiesclavagisme allemande. L'effusion
de eang qu'elle a opérée n'aura servi qu'à exas-
pérer Arabes et indigènes et ù multiplier les
dangers existant sur là route de l'expédition
belge Décampe.
Mais les dangers que court celle-ci auront en-
core été accrus par le fait suivant : Au mois de
juin dernier, les Allemands du Nyassaland ont
laissé passer sur leur territoire une caravane ve-
nant de Bar c$ Salaam et transportant 470 JsiL
de poudre à canon à destination des Arabes
contre lesquels ont à lutter le capitaine Des-
camps et le capitaine Jacques.
Cette caravane étant arrivée à Deep Bay, au
sud de Karouga. sur le lac Nyassa, le fonction-
naire anglais, M. Crawshay, qui représente en
cet endroit l'administration britanique de l'Afri-
que centrale, a laissé passer la caravanne en se
contentant, comme les Allemands l'avaient fait
avant lui, de prélever sur elle des droits de
douane, et cela sous prétexte que les forces dont
il disposait n'étaient pas suffisantes pour lui per-
mettre de faire obstacle au passage de ces mu-
nitions.
C'est-à-dire que Allemands et Anglais succes-
sivement ont agi de façon à laisser s'approvi-
sionner de munitions les 10,000 Arabes armés
contre les expéditions Descamps et Jacques et
qui, faute de cas munitions, seraient impuis-
sants contre vos compatriotes.
Tel est le résumé des nouvelles de Port-Ma-
guire apportées par des lettres privées.
GAZETTE DU JOUR
Le Journal officiel publie dans son numé-
ro do ce matin l'avis suivant :
MINISTÈRE DES FINANCES
AVIS AU PUBLIC
Interdiction de recevoir les monnaies
étrangères de cuivre et de billon
Aux termes des articles 1 et 2 du décret
du 11 mai 1807 et de l'article iet, paragra-
phe 2, de la loi du 22 juin 1846, l'introduc-
tion èt la circulation en France des mon-
naies étrangères de cuivre et de billon sont
prohibées.
En conséquence, toutes ces monnaies,
quelle que soil leur nationalité, doivent être
rigoureusement refusées par les Caisses
publiques.
Le piano hygiénique :
Un facteur anglais vient de faire breveter
un piano électro-galvanique d'un genre
tout spécial.
En effet, il s'agit d'un appareil capable
d'influencer non pas le mécanisme ou le son
du piano, mais bien le jeu de l'exécutant,
les doigts de celui-ci étant en communi-
cation directe avec une batterie électri-
que placée à l'intérieur du piano et reliée
aux touches à l'aide de fils métalliques.
L'invention, qui est d'ordre tout hygiéni-
que, a simplement pour but de diminuer
la fatigue des muscles et de combattre la
crampe. Les essais qui viennent d'être faits
à Londres sur ce nouvel instrument ont
donné, paraît-il, d'excellents résultats.
L'informateur n'ajoute pas si cet instru-
ment mirifique pourra être employé aussi
contre les crises de nerfs et tenir lieu de
douche à l'occasion, en temps de séche-
resse, par exemple. Il est à perfectionner
dans ce sens-là.
Un des jeunes membres de la maison
royale h Munich était accusé d'avoir mis à
mal la fille d'un habitant de ia ville.
Un journal du la localité avait même ac-
cusé le jeune homme d'avoir eu avec ia
personne un différend au sujet de l'entre-
tien d'un enfant né de leur liaison.
Que faire pour arrêter le scandale?
C'est bien simple, les juges se sont réu-
nis, ont condamné pour diffamation ie jour-
nal trop bien informé à une amende de
500 marks, lesquels 500 marks ont été no-
blement abandonnés par le prince royal à
la pauvre jeune fille si affreusement diffa-
mée.
Tout est donc pour le mieux; la jeune
fille a été bruyamment réhabilitée et... l'en-
fant est pourvu, sans que la maison royale
ait eu à débourser un centime.
De plus, daus lo cas où lo prolifique petit
prince aurait un nouveau rejeton naturel,
il est probable que les journaux, peu sou-
ciéux de pourvoir à sa subsistance, n'ébrui-
teront pas la nouvelle.
Un anniversaire.
Nous entrons aujourd'hui dans !a deuxiè-
me année du second- siècle de « l'ère fran-
çaise », comme disaient patriotiquement
nos pères de la Convention.
On sait que cette ère Compte de la fon-
dation de la République (22 septembre
Si le calendrier de Fabre d'Eglantine
était encore en vigueur, nous daterions nos
lettres de primidi, i»r vendémiaire, et l'on
fêterait la Saint-Raisin.
L'expression « iln de siècle » aurait, il est
vrai,disparu du vocabulaire banal; mais
qui songerait à s'en plaindre 'i
Quelques détails assez curieux sur Be-
hanzin.
Il paraît que, quand ce potentat envoya à
Lagos sa fameuse « protestation » qui fut,
on le sai t, publiée en Franco et en Angle-
terre, il confia aux messagers chargés de
l'expédition une quantité de. pièces d'or et
d'argent pour payer les frais du câble-télé-
gramme, qui lui coûta 3,250 francs, somme
fort respectable pour un nègre, même quand
ce nègre s'appelle Behanzin.
Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que ces
pièces d'or et d argent étaient excessive-
ment anciennes, plusieurs dataient du quin-
zième et même du quatorzième siècles, et
couvertes da moisissures comme si elles
avaient été enterrées, pendant de longues
années. Elles étaient de provenance portu-
gaise, mexicaine, chilienne et brésilienne.
Behanzin, qui a adressé plusieurs commu-
nications au gouverneur de Lagos, les ré-
dige sur papier de luxe orné d'un superbe
monogramme représentant deux poissons
en croix qui sautent hors de l'eau.
Un jurisconsulte vient de se livrer à un
curieux calcul, celui des lois, décrets et or-
donnances rendus depuis 1789, et il en a
compté plus de deux cent mille, dont voici,
du reste, ie détait.
Depuis le fameux décret du 4-11 août
1789, proclamant Louis XVI restaurateur de
la liberté française, jusqu'au décret du 22
prairial an II (21 mai 1793) constituant le
tribunal révolutionnaire, il a été rendu
4*219 actes de gouvernement, soit une
moyenne annuelle de 300 actes.
Du 31 mai 1793 k la fin de la première Ré-
publique, le total des lois et décrets a été
de 8,615 (moyenne annuelle, 718).
Le premier Empire a donné 10,572 lois,
séna tus-consul tes, décrets (moyenne an-
nuelle, 1,057). ' .
Les lois et ordonnances royales publiées
sous Louis XVIII ont été au nombre de
18,648 (2,072par an).
Sous Chartes X, les lois, actes et ordon-
nances ayant atteint le chiffre de 15,810, la
moyenne annuelle est montée à 2,635.
Sous Louis-Philippe, il a été publié
37,192 actes officiels '(moyenne annuelle
2.066).
Sous la seconde République, 12,386 décrets
ont paru au Moniteur, soit une moyenne de
2,477 par an.
Le second Empire en a donné 45,589, dont
la moyenne est de 2,533.
Enfin depuis Je 4 Septembre 1870 jus-
qu'au 31 décembre 1892, la troisième Répu-
blique a rendu 58,854 lois ou décrets, ce qui
porte k 2,675 la moyenne annuelle.
Comme on le voit, ce n'est pas la quan-
tité de lois qui nous manque en France.
Curieuse appréciation de la réception de
M. Emile Zola à Londres :
La Westminster Gazette dit que la « récep-
tion faits au romancier français sera certai-
nement un sujet d'étonnement pour les
Français et peut-être pour M. Zola lui-même,
car il paraît vraiment un peu étrange de
fêler le Maître et d'envoyer en prison ceux
qui traduisent ses oeuvres ».
Le fait est que la pudeur britannique pa-
rait s'être assez bizarrement comportée
dans la circonstance.
« Le fait que le public anglais paraît ap-
prouver à la fois les condamnations et les
ovations, ajoute la feuille londonienne,
montre clairement à quel point les Anglais
aiment les compromissions et détestent la
logique ».
Sévère, la Westminster Gazette !
La direction de l'Ecole des beaux-arts
vient de prendre une mesure que plusieurs
personnes réclamaient depuis longtemps.
On sait que de nombreuses couronnes
avaient été déposées à plusieurs reprises
au pied du monument d'Henri Regnault.
Les pieux souvenirs étaient un peu défraî-
chis et l'on faisait ressortir, avec quelque
semblant déraison, que ce n'était guère la
peint) d'élever des monuments artistiques,
s'ils devaient être recouverts il perpétuité
de fleurs qu'un jour fane et de couronnes
qui sont bientôt détériorées.
La direction de l'Ecole des beaux-arts es-
timant donc que l'enlèvement de ces sou-
venirs ne pouvait provoquer aujourd'hui
aucun froissement, a fait déblayer le beau
monument de Chapu, qui est non seulement
celui du peintre de Judith et Hotopherne,
mais encore celui des onze autres artistes
morts également sur le champ de bataille ;
Stamm, Seilhade, Malherbe, Frièse, An-
ceaux, Reboursier, Breton, Chauvet, Coin-
chon, Jacquemin ,et Pauze.
Cette mesure gagnerait certainement à
être étendue à certains monuments pari-
sien®.
Depuis longtemps, la Ligue de l'affran-
chissement des femmes avait un compte à
régler avec M. le sénateur Bérenger. Elle
désirait le féliciter pour sdn attitude au
sujet du bal des quat'z'-Arts Cest Tait de-
puis hier. M. Bérenger a reçu, par les soins
de Mme Astié de Valsayre, une lettre qui
lui fera, nous n'en doutons pas, le plus
grand plaisir.
Par la même occasion, >îme Astié de Val-
sayre revendique le droit pour la femme
de porter la culotte. Elle soumet à M. Bé-
ronger le projet de loi suivant :
Article premier. â Le port de la culotte sera
exclusivement réservé aux femmes.
Art. 2. s-i A partir de dix ans, tous les hom-
mes devront être enjuponnés.
L'exposé des motifs est peut-être un peu
leste ; toutefois, comme il est dédié A M. ie
sénateur Bérenger nous oserons en dé-
tacher le passage suivant, qui est très sug-
gestif :
Si les Grecs et les Romains portaient jadis la
robe, c'est évidemment parce que la logique
d'un siècle, où îa decence florissait encore, la
leur avait imposée et, pour prouver âi sans
blesser les chastes oreilles â que ee vetement
est .bien,'en effet, un apanage masculin, j'évo-
querai simplement le pantalon blanc, qui lait
ai souvent monter le rouge aux fronts honnêtes,
et force à convenir que la culotte revient .-de
droit à la femme, incapable, de par la nature de
causer pareil scandale.
Toutefois, Mme Astié de Valsayre fait
une honorable exception en faveur des sé-
nateurs :
Art. 3- â Lès sénateurs seuls seront dispensés
du port do la culotte.
Les sénateurs aussi. Pourquoi, madame?
Et qu'en savez-vous t
Les journaux anglais racontent longue-
ment la journée de congé que s'est offert
avant-hier l'éléphant Jin, du cirque Turner,
actuellement à Londres. Son propriétaire
Payant sorti avec deux lamas , Jin voyant la
verdure de Finsbury park, s'élança dans
ce jardin dont il commença par démolir le
kiosque où jouent habituellement les musi-
ciens. On le poursuivit el alors commença
une course extraordinaire dans les rues de
ce quartier populeux de Londres. JIM, suivi
de policemen et d'une foule grossissant
d'instant en instant, entrait dans les mai-
sons pour jeter la terreur, Des gens témé-
raires qui se risquèrent à l'aprocher virent
leurs avances repoussées avec une brus-
querie qui ne laissa pas de les laisser assez
mal en point. Ce ne fut qu'après avoir pris
largement ses ébats qu'il consentit à réinté-
grer son domicile, non sans avoir causé un
peu partout des dégâts considérables. Il
avait dans sa promenade enfoncé sept
murs.
*
Les Anglais ne publient k Londres que
vingt-neut journaux quotidiens, au lieu qu'à
Paris, il y a, pour se dévorer, des centaines
de quotidiens, dont quelques-uns éphémè-
res. Les vingt-neuf journaux de Londres
ont un milliard d'exemplaires par an, soit
une moyenne raisonnable de 33 millions par
journal et par an.-
La province, en Angleterre, n'a que 170
quotidiens, et en France 377 et 163 tri-heb-
domadaires, et les quotidiens anglais ont
aussi un million d'exemplaires entre eux
par an, soit une moyenne notable.
Notre confrère X. - < est fort distrait et, de
plus, il déteste lea;chapeaux de paille, mais
il fait si chaud cet été qu'il s'est décidé k
en acheter un.
L'autre jour, il rentre dans son cabinet
et, apercevant ledit chapeau sur le bu-
reau :
â Sapristi, s'écrie-t-il, qui dono s'est in-
troduit ici t
LE CHOLÉRA
En France. â A l'étranger
Les nouvelles reçues de Brest indiquent
que l'épidémie est en décroissance com-
plete-
A Molène, l'épidémie cholériforme peut
être considérée comme terminée.
Aucun décès n'a été constaté depuis dix
jours; aussi M. Martin Durr, délégué sani-
taire du ministère de- l'intérieur, vient de
lever la quarantaine imposée aux habitants
et pêcheurs.
Voici les chiffres officiels des décès cho-
lériques qui se sont produits, du 10 au 18
inclus, dans l'arrondissement de Brest :
Brest ville 35, hospice civil 18, hôpital
maritime 1,
Le Conquet 1, saint-Pierre-Quilbignon 24,
Lambézellec 31, Saint-Marc 3,' Guipavas l,
Bourg Blanc 2* Landunvez iâ Lanildut 4, le
Tréhou 1.
En tout 126 décès en huit jours.
Ces chiffres sont fournis par la préfecture
du Finistère.
A Hambourg, dans la journée d'hier, il y a
eu dix-sept nouveaux cas de choléra, dont
deux suivis; de mort.
Sur oes dix-sept, cas, il y a neuf cas de
véritable choléra, dans les huit autres cas,
il s'agit de légère diarrhée avec bacilles ea
Virgule.
Parmi les malades atteints précédemment
il est mort un enfant de quatre semaines,
A Altona, il s'est produit un cas de choléra
dans la Johannisstrasse.
Dans les dernières vingt-quatre heures, il
y a eu à Pal arme 14 cas de choléra et 6 dé-
cès ; à Rome, un cas suspect-
L'épidémie est en décroissance à Bilbac,
mais elle augmente dans les localités voi-
sines. On craint le développement du fléau
sous l'influence de la température humide.
Dans la Biscaye, il s'est produit, hier, 17
cas suspects ;..cinq décès k Belchite ; à. Sa-
ragosse, 1 cas et 1 décès.
On sait que M. Emile Zola est à Londres,,
où l'Institut des journalistes anglais l'a in-
vité» au Congrès qu'il tient en ce moment.
Prié par le comité de ce Congrès de dira son
avis sur la question de l'anonymat, M. Emile
Zola a exrimé son opinion dans un article
dont il a donné lecture, .et dont voici plu-
sieurs extraits ;
lî est très certain que la presse anglaise doit
à l'anonymat sa puissance, son indiscutable au-
torités En ce moment, je n'entends m'occuper
qpe des articles politique^, que du corps,de doo-
trine du journal.
Ainsi conçu, un journal politique, où l'indi-
vidu disparaît, n'est plus que l'expression d'un
groupe,- le pain quotidien d'une foule. Il gagne
Bn força ce qu'il perd en personnalité, car il n'a
d'autre but que de satisfaire une opinion, d'être
la représentation exacte de cette opinion.
Et tout de suite, pour qu'un pareil journal ré-
ponde k un besoin social, il faut qu'il y ait der-
rière lui un public dévoué, ne lisant que lui,
pleinement contenté, du moment qu'il retrouve,
chaque matin, les idées qui sont lés siénnes et
qu'il s'attendait à y voir. ..
Remarquez que c'est ce public-là qui a lait jus-
tement, chez vous, la presse ce qu'elle est, un
public que les révolutions n'ont pas fragmenté,
qui n'est encore divise qu'en deux grands partis
d'importance à peu près égale, q»i n'a pas ia
fièvre de parcourir à son lever une dizaine de
journaux, mais où chaque lecteur s'en tient h
son journal, qu'il lit . d'un bout à l'autre, en lui
demandant uniquement de penser comme il
pense lui-même.
Dès. lors, 1 anonymat s impose. Ce n'est pas tel
ou tel rédacteur qui importe, c'est l'opinion to-
tale du journal. On peut même dire que la va-
leur inégale des rédacteurs, leur personnalité,
s'ils signaient, détruiraient Punité de l'ensemble.
Tous ont la même voix, lo même talent, du
moment qu'on les ignore. Il ne reste plus que
l'oeuvre commune, cette masse compacte d'idées,
de renseignements de toutes sortes qui fait d'un
de vos journaux une véritable encyclopédie quo-
tidienne.
M. Emile Zola parle ensuite de la presse
française. « Chez nous, dit-il ce qui a gran-
di, ce qui emporte et différencie tout, c'est
la fièvre d'individualité.,»
Certes, nous avons encore des journaux qui
représentent des collectivités ; mais n'est-ce pas
un signe, ces journaux où un homme s'incarne,
le journal de Rochefort, le journal de Clemen-
ceau, le journal de Paul de Cassagnac?
Toute la rédaction d'à côté disparaît, il n'y a
plus qu'un homme, on n'achète le journal que
; pour cet homme, Seulement, comme je le di-
i sais, on n'achète pas que ce journal, on jette un
coup d'oeil sur tous, c'est un besoin Sévieux de
se tenir au courant de toutes les opinions, de
vivre dans le fracas de la bataille incessante de
notre politique, qui nous emporte à l'inconnu
de l'avenir.
Dès que l'individualité déborde, triomphe à ce*
point, fl est évident que c'en est fait de l'anony-
mat dans la presse.
Signer fait le succès, et l'on signe, Toute la
race ëSt là peut-être, dans ce besoin de se battre
au premier rang, à visage, découvert, et dans
la gloire qu'il.y a aussi à jeter son nom en pleine
lutte.
Je sais bien tout ce qu'on peut dire contre la
pressa politique que les articles signés nous ont
laite ; elle a perdu son autorité, elle a achevé la
destruction tics partis, elle n'est le plus souvent
'qu'une bagarre où les grands intérêts communs
disparaissent, au milieu d'abominables querel-
les personnelles. . t . -
Certes, le Spectacle est parfois navrant, if doit
donner de nous une affreuse idée à l'étranger, et
: il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour
que Je sols d'avis que l'anonymat seul rendrait
:.l honnêteté et le désintéressement à nos journaux,
'politiques.
Mais, pourtant, quelle vie ardente, quelle ba-
taille sans cesse reprise, quelle dépense de cou-
rage et d'idées ! Sans doute chacun de ces grands
talents se bat pour.;lui; mais il n'en fait pas
moins parfois de la lumière pour tous. Et puis,
je l'ai dit, c est la marche de l'avenir, c'est le
casse-cou si l'on veut, le casse cou qui mène
peut-etre à un monde nouveau.
Je ne puia condamner ce généreux pays de-
France, je ne puis blâmer cette presse si peu
sage, puisque j'en suis, et j'ai sa fièvre d'indivi-
dualité, son besoin de combats son espoir d'une
société meilleure, basée sur la justice .et îs tra-
vail ' '
Si M. Zola admet l'anonymat en matière
politique, il reste surpris qu'il puisse exis-
ter en matière littéraire ; ici il ne comprend
plus.
Je parle surtout des articles de critique, des
jugements portés sur la pièce, le livre, l'oeuvre
ti art. Est-ce qu'il peut exister une littérature,,
un art de groupe? Que la discipline, Pppiïûon
moyenne s'impose en politique, cela est certai-
nement sage.
Mais qu'on réduise la production artistique et
littéraire à satisfaire l'ensemble d'un parti, qu'on
passe la faux, égalisant les tètes, ks confondant
dans le troupeau, afin de récréer honnêtement
t out le monde, c'est ce que je trouve dangereux
pour la vitalité intellectuelle d'une nation.
\ Une telle critique enrégimentée, parlant au
nom d'une majorité, ne peut conduire qu'à une
littérature médiocre et incolore,.lit, si ie criti-
que ne signe pas, ne renonce-t-il pas à toute
"FEUILLETON DE LA JUSTICE
nu 23 SEPTEMBRE 1893.â N® « 1
LES
îim il TUT
PAR
ALFRED BERTRAND
DEUXIÈME PARTIE
JLa poche des* a utre»
II
(Suite)
A ce moment la porte s'ouvrit et le
valet de chambre apparut d.e nouveau.
- Madame est servie, annonça-t-il.
Les deux femmes passèrent dans la
salle à manger.
Le dîner fut très gai. On causa théâtre
et chiffons : conversation nullement com-
promettante, La présence des gens de
service rendait du reste impossible toute
espèce de confidences.
Le dîner terminé, on rentra au salon,
et les deux amies se livrèrent de nou-
veau à leurs épanchementsintimes. Elles
reconnaissaient depuis si longtemps, les
circonstances les avaient si souvent rap-
prochées, elles avaient si complètement
vécu de la même vie pendant quelques
années, que la dissimulation eût été en-
tre elles une marque de défiance bien
inutile. Il n'était point de secret, point
de mystère dans la vie de l'une d'elles
que Vautre ne pût aisément pénétrer et
deviner. Néanmoins elles avaient toutes
deux dans leur passé une aventure pru-
demment tenue dans l'ombre. Avant de
s ouvrir l'une à l'autre le livre des con-
fidences,elles avaient eu le soin, chacune
de son côté, d'en arracher un feuillet. A
ce feuillet près, elles l'avaient lu tout
entier et le savaient par coeur.
Autrefois, quand la comtesse Schuloff
roulait les théâtres de province sous le
nom de Valérie, la Florval était son in-
séparable compagne. Elles s'engageaient
dans les mêmes troupes, habitaient dans
la même maison, revenaient ensemble à
Paris, sans que jamais les incidents d'a-
mour dont leur existence était émaillée
les séparassent plus d'un jour ou deux.
Dans le monde des cabotins, elles étaient
connues sous le vocable des « deux
soeurs siamoises ». Leurs liaisons ga-
lantes, en raison même de leur peu de
durée, n'avaient jamais provoqué de ja-
lousie entre elles, ni troublé la parfaite
harmonie de leur espèce d'association.
Elles savaient qu'une femme isolée est
souvent bien faible au milieu des hasards
de la vie amoureuse, et c'est pourquoi
elles avaient conclu un traité d'alliance
offensive et défensive. Ces complicités
de ia débauche sont plus fréquentes
qu'on ne le croit. Elles ont pour base
l'intérêt commun, et comme les rivalités
de coeur n'interviennent jamais entre ces
odalisques vagabondes, il n'est pas rare
que les associations du genre de celle de
la Florval avec Valérie se resserrent au
bout de peu de temps par des lîens très
durables.
Du jour où elles s'étaient connues, les
deux comédiennes avaient compris
qu'elles avaient tout à perdre à lutter
l'une contre l'autre elles préfèrent s'U-
nir en vue de l'exploitation des viveurs
de province et autres gogos de Vénus
qui abondent sur les marchés de la ga-
lanterie départementale. Belles toutes
deux, mais de beautés différentes, elles
avaient de quoi plaire .aux goûts variés
des amateurs. Valérie avec ses cheveux
blonds, ses yeux bleus, ses lèvres gras-
ses entre deux fossettes nichées dans ses
joues, son minois poupin et les mutine-
ries de sa petite personne ronde et pote-
lée, formait un frappant contraste avec
la beauté un peu hautaine de la Florval.
Très Unes et très intelligentes, toutes,
deux l'étaient également, mais avec des
tournures d'esprit particulières. Il y avait
plus de verve primesautière et de fantai-
sie dans Valérie, plus de concentration et
de grâces calculées dans la Florval. L'une
s'abandonnait parfois aux caprices d'un
ardent désir, l'autre n'écoutait que sa
volonté froide. Influence d'éducation, La
Florval, fille d'un capitaine retraité, avait
| perdu son pèro et sa mère de bonne
heure. Elevée à l'institution de Saint-De-
nis, elle en était sortie à seize ans, munie
de son diplôme d'institutrice. Sans autre
parent qu'un vieil oncle qui était en
môme temps son tuteur, elle apprit
bientôt à ne compter que sur elle-meme.
Elle entra dans un pensionnat en qua-
lité d'institutrice-adjointe, y resta six
mois au bout desquels, sur les instances
de son oncle, elle se maria.
Valérie, au contraire, avait été élevée
dans les ateliers parisiens. A l'âge de
j douze ans, elle avait été placée en ap-
prentissage par ses parents. Un beau
! jour, ayant quinze ans à peine, elle prit
la clef des champs et s'en alla buissonner
dans les théâtres de banlieue, à la re-
morque d'un comédien qui demeurait
dans la maison de son patron. Ces pre-
mières amours durèrent peu. Elle réus-
sît à entrer à la Porte-Saint-Martin pour
jouer un bout de rèle da«s un drame à
spectacle. Elle y fit la connaissance d'un
acteur qui demeurait dans son quartier
et l'accompagnait le soir après la repré-
sentation. Quinze jours après, elle deve-
nait sa maîtresse.
Cette Seconde liaison fut un peu plus
longue que la première, mais Valérie
finit par s© lasser de son amant et partit
pour l'étranger. Pendant près de huit
ans elle vagabonda à travers l'Ëurope et
vint s'échouer à Reims après une série
d'orages qui l'avaient complètement dé-
semparée. C'est dans cette ville qu elle
connut la Florval et, pendant quatre
ans, ces aventurières de l'art, ces bohé-
miennes de l'amour, partagèrent les vi-
cissitudes de la fortune. La cinquième
année, Valérie devint la maîtresse d'un
chef de bureau de îa division des théâ-
tres et obtint un ordre de début àl'Odéon.
Elle échoua complètement devant le pu-
blic, qui n'a pas les mêmes raisons que
Les chefs de bureau .des beaux-arts pour
protéger les petites actrices. Ce filt un
four noir, comme on dit en argot de cou-
lisses. Cette représentation, aussi unique
que désastreuse, dégoûta Valérie de la
capitale: elle se désintéressa de Paris et
partit pour la Russie. Elle en revint
trois ans après avec le vieux comte' Schu-
lolT.
Le comte se fixa ù Paris. Valérie eut
hôtel, chevaux et voitures. Peu à peu,
elle devint pour le vieux boyard qui,
jusque-là, avait partagé son temps entre
les cercles, ses écuries et son chenil, nn
objet de première nécessité. Un jour,
elle le menaça de le quitter. Elle comprit
à l'effarement du vieillard qu'elle serait
comtesse quand il lui plairait.
c'est ainsi que, depuis près de six
mots, elle s'appelait madame SchulolT.
Le mariage avait été célébré à Lausanne,
sans aucune cérémonie. Le comte avait,
â pour la circonstance, fait transformer
en chapelle un des salons de la villa
qu'il possédait à Ouchy, sur les bords du
lac. Un pope avait été mandé et avait
béni l'union des deux époux.
Valérie avait écrit à la Florval pour
lui annoncer son mariage. Un mois
après, celle-ci arrivait à Lausanne, où
son ancienne amie s'empressa.de la re-
cevoir. Le vieux Schuloff, qui eût volon-
tiers peuplé sa maison de jolies femmes
si Valérie le lui eât permis, lui fit égale-
ment le meilleur accueil. L'arrivée de '
de Vandannes à Lausanne sépara les
deux amies, mats elles se promirent de
se revoir à Paris. ; * t
Ësther et Valérie, gaiement installées
au coin du feu, se rappelaient tout cela.
Elles se remémoraient le passé avec ses
phases diverses, avec ses hauts et ses
bas, ses gaietés et ses Jm&msTes
dèches et ses opulences d un jour. Le
souvenir des bruyants soupers au Cham-
pagne se mêlait à celui des rondelles de
saucisson tristement dévorées sur un
bout de table au lendemain d'un làchage
imprévu. Et puis, on avait eu parfois
des faiblesses : un joli garçon rencontré
de ci de là, pour qui on avait fait dos bô-
tises, compromis une situation avanta-
geuse, lâché des amants sérieux, .qui
vous avait mangé toutes vos économies
et, pour toute reconnaissance, vous fi-
chait des râclées à vous laisser sur le
carreau. . .
Est-on bâte quand on est jeune !
disait Valérie.
â Oui, répondit Esther avec un pli au
front, j'ai été stupide, mais aujourd bui...
â Tu es comme moi, n'est-ce pas ? fit
Valérie, tu hais les hommes... C'est jus-
tement pour cela, acheva-t-elle Gn riant,
que je me suis mariée.
Dix heures sonnèrent,
â Dix heures! s'écria Valérie... Com-
me le temps passe vite! Et ce,pauvre
Baptiste qui m'attend depuis une heure!.
Je me sauve...
â Quand te reverrai-je ? dit Esther.
â Quand tu voudras. Viens me de-
mander à diner, tu sais que Schuloff
t'aime beaucoup..Ca lui fera plaisir de
te voir, et à moi aussi, tu n'en doutes
pas.
Les deux femmes se séparèrent.
A peine Valérie était-elle sortis que la
Floryal jeta sur ses. épaules un camail
d'hermine ouvrit ïa porte qui donnait
sur le jardin et s'engagea dans une allée
obscure. Elle arriva , piétinant brave
ment et faisant craquer la neige sous ses
pas, à une petite porte qui s'ouvrait sur
la rue Bayard
Un homme emmitouflé dan? une lon-
gue pelisse de fourrures attendait sur le
trottoir. 11 se glissa par l'entrebâille-
ment de la porte dans le jardin. !
â Eh bien ? fit-il à voix basse.
â Ëh bien, tu peux envoyer ton hom-
me demain. De Vandannes acceptera..
â¢â Bravo! Il y a plaisir à travailler
avec toi. On t'obéit à la baguette. Tires
une véritable fée... Pour commencer, je
lui ai lâché aujourd'hui de Lordac dans
le3 jambes...
â Tu me raconteras cela une autre
fois. En ce moment, je n'ai pas lé temps
de t'écouter. Si j'ai du nouveau,jje te
ferai prévenir. â < Si -
â Cruelle ! c'est comme cela que tu
renvoies ton fidèle Théodore ?...
âDe Vandannés vien t me pren dre flan s
une demi-heure... va-t-en ! te dis-je
â C'est différent, fit-il en déposant un.
rapide baiser sur la main qu'on lui ten-
dait. Je n'insiste pas. Au revoir, sirène !
â Adieu, Ràbani.
11 sortit précipitamment, et la porte se
referma sur lui. ' . : . %/" â¢
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