Titre : La Justice / dir. G. Clemenceau ; réd. Camille Pelletan
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1888-04-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32802914p
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 avril 1888 25 avril 1888
Description : 1888/04/25 (Numéro 3024). 1888/04/25 (Numéro 3024).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/02/2011
Neuvième unie. â N. 3024
XJn Numéro : 10 et Départements
Mercredi 25 Avril 1886.
DIRECTEUR POLITIQUE
G. CLEMENCEAU
Secrétaire de 1»BéiUotion, M, LOUIS JMULLEM
Secrétairegénéral, M. JULES ROQUES
AMMONCK9 chez MM. DOLUNGB» Fils, SËGUY n O
161 ru* Grc.uge-Ba»«.Uàv#
LA JUSTICE
RÉDÀCTEÏÏH EH CHEF :
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
PARI 3 DÉPARTEMENTS
Trois mois iOfr. Trois mol». « , 12 te*
Six mois. 20 j> Six mois..,...., 24 â
Us 40 » Uxi an... .. 48 »
Adresser les mandats à l'Administrateur i
M. E. TRÉBUTIB»
10, rue du Faubourg - Montmartre, 10
POUR OU CONTRE
Le vote émis lundi, à la quasi-unani-
mité, par les conseillera municipaux ré-
publicains de Paris, aura dans le pays
tout entier un considérable et salutaire
retentissement. Jamais il n'a été plus
.nécessaire de parler net.
JLe Conseil l'a compris. L'assemblée
communale a été, en cette circonstance
comme en beaucoup d'autres, l'interprète
Adèle des sentiments de la population
parisienne.
L'ordre du jour que M. Joffrin a eu
l'honneur de proposer, a le double mé-
rite de la concision et de la clarté : « Le
Conseil blâme énergiquement la campa-
gne plébiscitaire et boulangiste. » Il n'y
a pas de faux-fuyants possibles. Ceux
qui se sont prononcés pour cette propo-
sition ont dit en face aux amis républi-
cains de M. Boulanger : « Vous menez
une campagne, qui constitue un péril
pour la République. » Ceux qui ont voté
contre ou qui se sont réfugiés dans
l'abstention ont affirmé non moins clai-
rement, qu'a leur avis les menées bou-
langistes ne faisaient courir à la démo-
cratie aucune espèce de danger. Ils ont
lu confiance robuste.
Au moins les positions sont bien
prises. Le Conseil municipal n'a pas
parlé, à côté, pour ne rien dire. 11 a ex-
primé sur une question précise une opi-
nion nette.
Les députés de la Seine viennent à
leur tour, dans un document qu'une in-
time minorité seulement s'est refusée, ù
signer,, de faire connaître publiquement
leur sentiment sur le même point. La
plupart d'entre eux avaient eu déjà l'oc-
casion d'affirmer leur opinion. lis ont
tenu, comme représentants du départe-
ment de la Seine, à dire hautement à
leurs électeurs qu'ils réprouvaient avec
énergie l'agitation dont M. Boulanger
est le centre.
Je sais Men qu'on a pensé et même
écrit que se prononcer contre M, Bou-
langer, c'était pratiquer la politique
d'exclusion ou d'ostracisme. M. Gaulier,
qui est pavé de bonnes intentions, pres-
que autant que M. Desmons, va jusqu'à
traiter de plébiscitaire quiconque se per-
met de poser cette impertinente ques-
tion : « Etes-vous boulangiste, oui ou
non'! »
Certes, le boulangisme a de quoi cris-
per les nerfs, Jamais refrain populaire,
qu'ont coutume de moudre les orgues de
Barbarie, ne fut agaçant au même degré
que la scie Boulangiste.
Nous ne demandons pas mieux que de
ne plus parler du brav'général. Mais il
ne dépend pas de nous que ce qui est, ne
soit pas.
Il est fâcheux, sans doute, il est triste
que des républicains en viennent à être
obligés de se classer en boulangistes ou
anti-boulangistes. Mais à qui la faute
sinon à ceux-là mêmes qui, en se grou-
pant autour d'une personnalité équi-
voque, créent de leurs propres mains le
danger de la dictature !
Ce n'est pas en se lamentant sur une
pareille situation, qu'on y mettra un
terme. C'est en prenant courageusement
parti. Personne n'a le droit de se réfu-
gier dans une habile et trop prudente
réserve, il y a â on peut le regretter â
il y a un homme, dont les menées â au-
jourd'hui percées à jour â constituent
un péril. 11 faut dire sans ambages de
quel côté l'on va et si l'on est pour ou
contre cet homme.
C'est ce qu'ont fait les conseillers mu-
nicipaux de Paris et les députés de la
Seine. Ils ont dit : Nous sommes contre
le pouvoir personnel, nous sommes con-
tre M. Boulanger.
Ils savent, aussi bien que personne,
que le cri de; A bas Boulanger! n'est pas
plus un programme que celui de : Vive
Boulanger... La plupart d'entre eux pen-
sent, comme nous-meme, que te meilleur
remède au mal boulangiste, c'est la réa-
lisation des réformes démocratiques.
Mais ils croient aussi que l'exaltation
S un homme est la pire des Jolies. Ils
veulent modifier notre régime parle-
mentaire en préservant de toute atteinte
la forme républicaine. C'est pourquoi ils
marchent d'abord droit au péril le plus
pressant, en dénonçant et en combat-
tant M. Boulanger et les boulangistes.
A. Millerand.
DERNIÈRE HEURE
La reine d'Angleterre à Charlottenbourg. â
L'état de santé de l'empereur. â M. Cri api
et le roi de Suède. â Arrestation d'un an-
cien officier prussien à Genève.
Dépêche de notre correspondant particulier :
Berlin, 24 avril.
On avait pris de grandes précautions de
police pour l'arrivée de la reine d'Angle-
terre.
Il y a à Charlottenbourg plusieurs régi-
ments de cavalerie, un grand déploiement
de police, sans compter les nombreux dé-
tectives anglais.
Ici, on est furieux de cette arrivée ; tout
le personnel est anglais, même les tapis-
siers qui ont préparé les appartements de
la reine sont anglais.
Le Kronprinz; hier, devant un groupe
d'officiers, a protesté contre l'augmentation
I de l'élément anglais au château, puis, in-
| terpellant les officiers, ij leur a dit : «< Pour-
quoi, messieurs, portez-vous des bottes,
avec talons anglais f Ces talons plats sont
ridicules. »
L'ambassadeur de Munster a été invité &
rejoindre son poste. Il sera demain à Paris.
Berlin, 24 avril.
On signale sur notre marché une grande
quantité de valeurs que le gouvernement
russe fait vendre pour assurer le service
du prochain coupon.
Je vous fais remarquer qoe cette assertion
est celle des organes du chancelier,
Rome, 24 avril.
Le pape a encore reçu 800,000 francs des
pèlerins belges. Le prélat français de
Bayonne, qui a fait don à Léon XIII de
l'héritage d'un million qui vient de lui
échoir, a été créé prélat domestique avec
titre de monseigneur. On lui devait bien
cela.
M. Crispi s'est rendu hier auprès du roi
de Suède. L'entretien a duré plus d'une
heure. On est convaincu dans les cercles
diplomatiques que ces conférences réité-
rées du roi de Suède avec le chef du cabi-
net italien ont un but politique. On est per-
suadé que la Suède est un des Etats puis-
sants dont M. de Bismarck a parlé comme
ayant adhéré à la triple alliance.
M. Crispi, en même temps qu'il donne
des instructions au général Menabrea pour
reprendre les négociations commerciales
avec la France, fait dire par son organe, la
Riforma, qu'on a perdu tout espoir d'abou-
tir h un traité, car la dure expérience que
fait la France ne l'a pas encore convaincue
des dommages que lui cause la guerre de
tarifs avec l'Italie.
Monaco, M avriL
Le consul français, sur la demande du
gouverneur militaire de Nice, a invité les !
employés français du Casino qui sont déco- i
rés de la Légion d'honneur à. ne pas porter
les insignes de l'ordre dans les locaux de la
maison de jeu.
Genève, 24 avril.
| Cn fait qui peuL avoir une grande impor-
I tance vient de se produire ici : le parquet
â de Genève vient de procéder à l'arrestation ;
du nommé Sydney Odanne, cet ancien offi$- !
cier prussien qui fut arrêté à Lyon sous la
prévention d'espionnage et de tentative de
vol d'un fusil Lebel, puis expulsé du terri-
toire français et arrêté ensuite à. Bellegarde
pour avoir enfreint cet arrêté d'expulsion.
Odanne subit de ce fait trois mois de pri-
son et à l'expiration de sa peine il se ré-
fugia ici d'où il écrivit à M. de Bismarck en
I lui demandant cent mille francs sans quoi
il livrerait au gouvernement français les |
nombreux documents recueillis par lui j
alors qu'il était instructeur du kronprinz
Guillaume et pendant les nombreuses mis-
sions dont il fut chargé en France par le
| ministre de la guerre allemand.
I M. de Bismarck répondit par un mandat
du parquet de Berlin, ordonnant l'arresta-
tion de Odanne, sous l'inculpation de ten-
tative de chantage et d'escroquerie et re-
commandant de mettre la main sur ses
papiers.
Odanne a été arrêté à son domicile ; mais
la police ne trouva aucun papier. Cepen-
dant un agent surprit un reçu délivré par
un notaire de Genève.
On se rendit chez cet officier ministériel
et on trouva des plis importants. Les docu-
ments sont actuellement dépouillés par le
parquet.
Il est certain que Odanne va se pourvoir
contre la, demande d'extradition qui parait
peu régulière.
On trouvera plus loin nos informations
parlementaires.
DECLARATION
DES DÉPUTÉS DE LA SEINE
Les députés de la Seine, réunis hier au
Palais-Bourbon, ont approuvé le texte de
la déclaration suivante qui leur a été
soumis par notre honorable ami, M. Ana-
tole de ia Forge :
En présence des tentatives audacicu-
sement faites sur le nom du général
Boulanger, les députés de la Seine ne
peuvent garder le silence; ils ont le de-
voir d'exprimer franchement et publi-
quement leur façon de penser.
Dans toute lutta politique, pas un pa-
triote n'a le droit de rester neutre, c'est
pourquoi les soussignés républicains
élus de Paris et du département de la
Seine, défenseurs résolus des libertés
publiques, tiennent à déclarer qu'ils sont
décidés à combattre toute velléité césa-
rienne de quelque nom qu'elle sera.
Ce que nous voulons, c'est le maintien
de la République qui, seule, fera passer :
dans les lois, les institutions et les
moeurs, les principes de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen. !
cette grande charte démocratique de la
Révolution française qui n'admet ni sau-
veur, ni protecteur, ni dictateur.
Ont signé : Àchard. â Allain-Targé. â
Barodet. Brelay. â Brialou. â Bourne-
ville. â Basly. â Gamélinat. â Germain
Casse. âDe Douville-Maillefeu. â Camille
DreyfuS. Frebault, â De Heredia, â La-
bordère. â Sigismond Lacroix. â Lafont. --
De La Forge. â De Lanessan. â Ernest Le-
fèvre. â Maillard. â Mathé. -r Mesureur.
â Millerand, â Frédéric Passy. â Pichon.
â Benjamin Raspail. â Tony" Revillon. â
Roques de Fillol. â Yves Guyot.
Ont refusé de signer : Laisant. â Miche-
lin. â Gaulier. â Delattre. - Farcy.
Sont malades : MM. Villeneuve. â Forest.
â Bu de.
La déclaration qui! précède va être sou-
mise à la signature des sénateurs de la
Seine.
LA CHAMBRE
La Chambre a consacré sa séance à la
discussion du projet de loi sur les mais,
riz et alcools étrangers. L'énoncé seul de
ce projet de loi n'est pas sans intriguer
ceux qui croient que la commission des
douanes est toute occupée à protéger
l'agriculture nationale. Les alcools étran-
gers, passe encore, puisque la France
produit des alcools. Les maïs étrangers,
j'y consens, puisque le maïs pousse en ;
terre française. Mais les riz étrangers !
Je cesse de comprendre. Avez-vous vu
des rizières en France? Connaissez-vous
des laboureurs français qui sèment du
riz ? Ce droit qu'on proposait sur le riz
étranger prouve que la lièvre protection-
niste a atteint son degré aigu. Des ren-
seignements fournis à îa tribune par le
rapporteur, M. Viger, il résulte que îa
commission avait le dessein de protéger
l'industrie de la décortication. Ce n'est pas
de cette commission qu'on pourrait dire
que sa bonté s'étend à toute la nature.
C'est une chasse précieuse à tous les pro-
duits naturels. Et quand on n'a même
pas le prétexte de protéger l'agricul-
ture nationale, on protègeTindustrie. Le
point essentiel, semble-t-il, c'est qu'aucun
objet de consommation ne puisse péné-
trer en France. Avec une incroyable
subtilité on fait des perquisitions chi-
miques dans l'intérieur des produits les
moins portés à la fraude, on fait passer
la mélasse à la visite pour savoir le
degré des sucres fermentescibles qu'elle
contient. Rien n'échappe à cette inqui-
sition sauvage qui a juré de nous faire
passer le goût du pain. La France ne
produit pas de riz, et le riz est l'aliment
du pauvre. Tant pis pour la France et
tant pis pour le pauvre. Il faut que
chacun ne consomme et ne digère que
des aliments français. Ça produira des
engrais français. Au fait! on n'a pas
encore songé à imposer aux engrais
agricoles, des conditions de nationalité.
Je signale à messieurs les membres de
la commission cette lacune scatologi-
que.
Cependant, après quelques observa-
tions de M, le ministre des finances, îa
Chambre a réfréné cette débauche de
surtaxes. Nous pourrons encore manger
du riz décortiqué ou non. Les mélasses,
malgré M. Delisse, ne seront pas fouillées
h la frontière ; elles pourront introduire
du sucre dans leur poche.
A propos des alcools, M. Boulay a fait
de très louables efforts pour maintenir
la taxe existante. Le chiffre de 70 francs
a été voté à une majorité énorme, par
528 voix contre 35.
A propos du droit sur les mais, M.
Mérillon a demandé une exemption spé-
ciale des droits, quand les maïs sont
destinés à la fabrication de l'amidon ou
à la distillerie.
Le lecteur doit s'apercevoir assurément
des ténèbres profondes qui pèsent sur ces
débats : C'est l'impression que donnent
habituellement ces débats sur les tarifs
de douanes. Et cependant, c'est entière-
ment clair. N'en doutez pas une minute,,
ce sont des départements français, les
uns agricoles, les autres industriels, qui
se jettent les uns sur les autres, et s'ef-
forcent de s'ôter mutuellement le pain
de la bouche. Le langage parlemen-
taire a inventé un certain nombre,
de formules bienséantes qui n'ont d'autre
but que de dissimuler le côté « coin de
bois » qui donne à la tribune une physio-
nomie étrange. Mais soyez sûr que c'est
bien le « coin de bois ». C'est un des
effets les plus habituels de îa politiquè
protectionniste.
Les producteurs de maïs disent avec
M. Viger : Nous sommes intéressants.
Les distillateurs de maïs répondent
avec M. Mérillon et M. Jolibois : mais
nous aussi, nous sommes intéressants.
â Tableau de guerre civile.
Les maïs destinés à la distillerie ont
cependant échappé au massacre.
A demain la suite de la discussion,
Édouard Durranc.
LE SÉNAT
Le Sénat a continué la discussion gé-
nérale du projet de lo' sur le recrutement
de l'armée, li a entendu un discours de
M. le ministre de la guerre qui, ce n'est
une surprise pour personne, s'est dé-
claré entièrement favorable au projet de
ïa commission présidée par M. de Frey-
cinei.
M. le ministre de la guerre a rap-
pelé au Sénat quelques paroles qui
avaient été prononcées à la tribune
de Berlin. Dans son dernier discours,
où il était tant question du modits
vivendi, des carpes et des brochets
dans les rivières, M. de Bismarck a
déclaré gue l'Allemagne pouvait mettre
deux millions d'hommes sur ses deux
frontières. Ce régime s'appelle encore la
paix, mais c'est une paix d'une nature
particulière qui doit donner à réfléchir
aux peuples voisins. La loi sur le recru-
tement qui a été votée par la Chambre et
qui est en délibération devant le Sénat
n'a point d'autre but que de répondre
aux intentions pacifiques du chancelier.
Elle nous donnera deux millions d'hom-
mes ; c'est un résultat qu'on n'a jamais
pu attendre de la loi de 1872, qui cepen-
dant marquait un effort. Les Chambres i
corrigent et complètent aujourd'hui notre !
législation militaire Le devoir militaire
devient obligatoire et personnel pour tous
les citoyens, et ce n'est que dans la dis-
cussion des articles qu'on pourra exami-
ner les tempéraments que la commission
a apportés à la rigueur du principe, sans
que toutefois, il subsiste une seuîe des !
exemptions ou dispenses qui faisaient,!
de la loi de 1872 une loi oligarchique. 1
Après quelques observations du géné-
ral Arnaudeau et du colonel Meinadier, ;
M. Buffet, intervenant dans le débat, a |
développé une fois de plus la critique \
qui a été présentée plusieurs fois déjà
par les adversaires du projet. On se
plaint que le conseil supérieur de la
guerre n'ait pas été consulté.
Ce conseil n'a pas été consulté, en ef-j
fet, et pour un bon motif; c'est que tous 1
ses membres ont plusieurs fois changé
d'avis sur la question. Il faut ajouter
d'ailleurs qu'une loi sur le recrutement
est tout autant une loi sociale qu'une loi
militaire, et que l'avis du conseil supé- i
rieur serait fort contestable. Les hom- I
mes du métier n'ont pas été exclus, puis-!
que dans la commission sénatoriale je
compte quatre généraux, deux amiraux
et un colonel.
Mais je ne m'arrête pas à l'argument.
11 ne venait là que comme moyen parle-
mentaire, pour obtenir un ajournement
nouveau. Le Sénat a passé outre. 11 a
décidé, contrairement à M. Buffet, par ;
173 voix contre 87, que la discussion du
projet serait continuée.
C'est un scrutin dont il faut retenir les
chiffres. 11 indique très exactement la
situation respective des partis dans le
Sénat, au moins en ce qui concerne la;
réforme militaire. Il est probable que
pendant toute cette discussion, les mê-
mes proportions numériques se main-
tiendront.
E. D.
On lit dans le Gaulois :
La Société d'économie politique de Lyon don-
nait son banquet annuel sous la présidence de
M. Bardoux.
A l'issue du banquet, M, Bardoux s'est laissé
interviewer sur le mouvement boulangiste.
Voici ses déclarations importantes concernant
les projets de ses amis du Sénat ;
Il a dit que .le péril créé par le boulangisme
est sérieux; mais qui© le â Parlement y remédie-
rait d'abord en prenant de s mesures gratis, si le
mouvement insurrectionnel constaté à l'état la-
tent s'étendait davantage : qu'on était résolu à
arrêter le général.
Il a dit que ses amis allaient déposer une pro-
position tendant à rétablir le scrutin d'arron-
dissement et à supprimer les élections par-
tielles.
On fera la dissolution quand on aura rendu le
général inéligible.
Interrogé sur les ministres, il a dit que îe ca-
binet serait renversé avant peu. Il a dit qu'il
avait L'assurance que le prochain cabinet serait
entièrement composé do républicains modé- â !
rés.
Un des auditeurs lui ayant dit : « Nous
espérons que vous en ferez partie, » M. Bardoux
s'est contenté de sourire.
Enfin, interrogé sur les probabilités de guerre,
le sénateur a répondu que nous n'aurions pas ;
la guerre cette année, mais qu'on se préparait
pour y faire face Tancée prochaine.
On voit que M. Bardoux ne doute de rien.
Ils sont un certain nombre de sénateurs
faits à son image oui croient, comme on
dit, que c'est arrivé. 11 n'y a qu'à les laisser
croire.
Quand on aura ajouté tous les Trarieux
et tous les Bardoux du Luxembourg à tous
les Ribots et îi tous les Ferrys du Palais-
Bourbon, on s'apercevra qu'on est encore
loin de compte.
Le ministère n'a qu'à s'en tenir à son
programme, et quand les Lyonnais rever-
ront M. Bardoux au banquet de la Société
d'économie politique, l'année prochaine
rien ne l'empêchera de rééditer sa consul-
tation.
S. P.
UN MANIFESTE
DTJ COMTE DE PARIS
L'agence Havas donne communnication des
paroles que M. le comte de Paris vient d'adres-
ser à un homme politique avec lequel il s'est
entretenu récemment :
La crise est grave. Il faut l'envisager de
sang-froid, car elle était inévitable. Je
l'avais annoncée l'année dernière, dans mes
instructions aux représentants du parti mo-
narchiste, Les événements m'ont donné
raison. Les dissensions intestines frappent,
d'impuissance le gouvernement de la Répu-
blique, Prodigue et persécuteur à l'inté-
rieur' il est sans crédit et sans force en Eu-
rope. Le radicalisme au pouvoir menace
d'achever la désorganisation du paya.
Les récentes et éclatantes manifestations
du suffrage universel sont le cri de la
France lasse d'un tel régime et aspirant à
| la délivrance. Ce mouvement est la consé-
j quence naturelle et logique des violences,
[ des scandales qui ont révolté la conscience
1 publique, de l'abus du régime parlemen-
taire entre les mains d'un parti despotique;
et rien n'est plus juste que de réclamer,
avec la dissolution d'une Chambre discrédi-
tée, la re vision d'une Constitution, qui ne
laisse plus à la nation le droit de disposer
j librement de ses destinées. Les monarchis- !
tes n'ont pas attendu la crise actuelle pour
i demander cette revision. Je l'ai inscrite
moi-même sur leur programme. Je le leur
rappelle aujourd'hui.
Mais, mon devoir est également de le
dire, ce mouvement s'épuiserait inutile-
ment, en conduirait la France aux plus
graves périls si elle croyait qu'un nom
seul, quel qu'il soit, peut èlre une solution.
Et c'est une solution qu'il lui faut. Pour la
lui donner, tous les conservateurs doivent
demander ta revision non à des Assemblées
divisées, dans lesquelles ils sont en mino-
rité, mais au pays lui-même loyalement
consulté.
A l'heure décisive, il comprendra que
cette solution doit être la Monarchie telle
que je l'ai définie, et au rétablissement de
laquelle je consacre tous mes efforts. Seul,
ce gouvernement stable peut, sans confis-
quer les libertés publiques, assurer à notre
démocratie laborieuse la sécurité dont elle
a besoin, élever le pouvoir au dessus des
assemblées et des partis, et garantir ainsi h
la France l'ordre h. l'intérieur, la paix à l'ex-
térieur. Ce jour-là, la Monarchie, acceptée
par tous les bons citoyens, quelles qu'aient
été auparavant leurs préférences, fera appel
au dévouement de chacun pour travailler,
avec l'aide de Dieu, au relèvement de 3a
Patrie.
En réponse au « communiqué » du co-
mité boulangiste, que l'Agence Havas a
transmis hier à la presse, la Cocarde publie
les lignes suivantes :
De qui émane ce communiqué au bas duquel
aucune signature n'a été mise? Nous l'ignorons.
Mais le caractère officieux de l'agence qui Ta
transmis nous permet de croire qu'il a été ap-
prouvé par M. le général Boulanger.
Dans ces conditions, nous croyons devoir dé-
férer aux désirs de celui que nous reconnais-
sons comme le chef du Parti national. Nous
cessons donc tout envoi de bulletins dans l'Isère
et dans la Haute-Savoie,
Quant au prétendu comité auquel il est fait
allusion et qui profite de lu circonstance pour,
s'exprimer à lui-même sa propre gratitude â
nous persistons à dire qu'il n'existe plus.
Il a été dissous au bout de trois jours, le jeudi
qui a précédé l'élection de l'Aisne et des Bou-
ches-du-Rhône, et sa dissolution a été pro-
clamée par lui-même et constatée par la presse.
Depuis, aucun document officiel n'a annoncé
sa reconstitution. La preuve même de sa non-
existence est dans l'anonymat de ses communi-
qués.
Quel en est 1e président? Quels en sont les
membres? Où. siége-t-il et quelle investiture
a-t-il reçu ?
Quand on aura répondu à ces questions, et
quand ce prétendu comité nous aura démontré
qu'il a vraiment un mandat, peut-être alors le
reconnaîtrons-nous.
Jusque-là, nous nous refuserons absolument
à en tenir compte, et nons protégerons le mou-
vement national dont le nom du général Bou-
langer est le symbole contre des agissements
qui, plus d'une fois déjà, ont été compromet-
tants.
On lit dans la Cocarde .*
C'est avec stupéfaction que nous avons trouvé,
à. l'Officiel, le nom du général Boulanger, comme
ayant voici... Sur que! sujet? cela importe
peu.
Noua savons da source certaine que le général
n'est pas allé hier a la Chambre.
Qui donc s'est permis de voter en son nom?
Les électeurs français n'ont pas envoyé le gé-
néral a la Chambre pour voter de petites lois et
de petits ordres du jour-
Us ont confié une bien autre mission, qu'il ac-
complira quand il en sera temps.
En attendant, personne n'a le droit de le mê-
ler aux chinoiseries parlementaires, et surtout
le faire voter, à son insu, contre les intérêts
commerciaux du département qu'il repré-
sente.
La « stupéfaction » de la Cocarde vient de
ce que le nom du général Boulanger figure
parmi les députés qui ont repoussé avant-
hier les droits protecteurs sur le maïs,
droits protecteurs demandés avec achar-
nement par la députation du Nord.
On nous affirme que M. Boulanger a fait
prier un ami commun de remettre sa boîte
de bulletins à M. Laisant afin que la « gaffe »
d'avant-hier ne puisse se renouveler.
Notre rédacteur en chef a reçu la lettre sui-
vante :
Paris, le 24 avril 1888.
Monsieur,
Ce matin, dans l'article de tSte de la Jus-
tice, vous classez « l'ancien journal, de Val-
lès » parmi les journaux boulangistes.
Je vous serai fort obligée de bien vouloir
rectifier cette involontaire erreur.
Le Cri du Peuple a été, est, et restera so-
cialiste.
Mais, comme beaucoup des nôtres, je
pense que dans le duel entre M. Ferry et
M. Boulanger, le peuple n'a à défendre ni
celui-ci, ni celui-là, quitte i intervenir â
et ït intervenir énergiquement â si, par la
faute de l'un ou de l'autre, la République se:
trouve jamais en danger.
Ce qui est vrai, c'est que le Cri du Peuple
a modifié la forme de ses pôlémiques et
en a supprimé tout ce qui était injure or-
durière ou grossière insulte.
De cela, monsieur, je ne crois pas que
personne ait à me blâmerâ vous moins
que tout autre, qui, dans vos diverses cam-
pagnes, avez si remarquablement su ailler
â la violence à la courtoisie,
i C'est à cette dernière que je fais appel
pour l'insertion de cette lettre, et vous prie
de recevoir, monsieur, l'assurance de ma
considération très distinguée.
SÉVERINE,
LE VOYAGE DO PRÉSIDENT
L'itinéraire définitivement adopté pour le
voyage de M. le président de la République
est le suivant *
Départ de Paris, gare d'Orléans, mercredi 25
avril, à. neuf heures quarante du matin ; déjeu-
ner en wagon ; arrivée S. Limoges à trois heures
cinquante-cinq du soir. Le président couchera à
Limoges, qu'il quittera .jeudi, à huit heures
trente du matin, pour arriver à Agen fi une
heure cinquante-cinq du soir. Départ d'Agen
vendredi après déjeuner, à onze heures, non
plus par bateau, comme on l'avait décidé tout
d'abord, mais par chemin de fer, le trajet par
eau étant trop long; arrivée à Marmande à onze
heures cinquante, où. aura lieu une réception.
Départ de Marmande & midi vingt ; arrivée à 1a
Béole à midi quarante. Le président embarquera
à une heure sur un vapeur de la Compagnie
Gironde-et-Garonne et arrivera à Bordeaux à
cinq heures, comme nous l'avons déjà an-
noncé.
M. Carnot séjournera à Bordeaux vendredi,
samedi et dimanche. Il partira par la gare
Saint-Jean lundi matin; à neuf heures trente, et
arrivera à midi cinquante à Rochefort par la
ligne des chemins de fer de l'Etat. Départ de
Rochefort, mardi 1er mai, à neuf heures du ma-
tin, pour rentrer nasse, ligne de l'Etat, à sept heures quatre du
soir.
D'autre part, on télégraphie de Bordeaux,
le 24 avril :
Le programme des fêtes données par la ville
de Bordeaux comprend une distribution de
10,000 francs espèces aux pauvres une revue
des troupes passée sur les boulevards, et à la- :
quelle prendra part le 15" dragons tout entier
venu de Libourne, où il est en garnison. Ce ré-
giment fera d'ailleurs partie de l'escorte à l'ar- |
rivée du président.représentations gratuite*
dans les théâtres 7- mâts de cocagne ; concerts
par des musiques militaires ; bals publics sous
les halles ; illuminations, feux d'artifice et re-
traites aux flambeaux. De plus, la société nau-
tique organisera, avec ses plus élégantes em-
barcations des joutes sur la rivière du Parc, et
les sociétés colombophiles de Bordeaux réunies
en fédération feront un grand lâcher de pigeons
voyageurs.
Lo commandant Chamoin est ici. IL assistait,
hier soir, dans la loge du préfet, à la première
représentation d'Aïda. M. Gragnon est égalé*
ment arrivé.
L'amiral Krantz, ministre de la marine,
accompagné du lieutenant de vaisseau
Loir, partira jeudi soir pour Bordeaux, où.
il attendra le président de la République. Il
inspectera vendredi les bâtiments de guerre
qui sont mouillés en Gironde, à savoir : l'a-
viso l'Elan école des pilotes, l'aviso l'Alba-
tros et de deux torpilleurs.
Pour sa visite aux travaux du bec d'Am-
bez, le président de In Rêpublïque embar-
quera sur un des avisos et sera escorté par
les autres bâtiments de la flottille.
Aux Aubrais, à Châteauroux èt à la Sou-
terraine, M. le président de îa République
s'arrêtera quelques minutes dans ces diffé-
rentes villes pour recevoir à la gare les au-
torités du département.
CHRONIQUE
THÉÂTRE BRETON
Les critiques dramatiques qui se sont
rendus à Morlaix samedi dernier pour assis-
ter à la représentation, en langue bretonne,
du mystère : La vie de sainte Tryphine, ne
sont pas revenus ravis. Les acteurs du can-
ton de Plouaret n'ont pas obtenu le yote h
boules blanches des représentants du Tout-
Paris des premières. L'un objecte que les
costumes n'étaient pas en bon état, que les
soldats d'Arthur de Bretagne étaient vêtus
en pioupous. L'autre est navré d'avoir vu
sainte Tryphine représentée par un grand
gaillard, cordonnier de son état, qui arpen-
tait la scène à longues enjambées, décla-
mait d'une voix rauque, et s'était fardé avec
de la brique pilée. Un autre encore a été
choqué par le bruit que menaient le tail-
leur, le maçon, le cultivateur, le forgeron,
le tonnelier, 3e couvreur et le journalier
qui représentaient le prince d'Hibernie, le
roi de Bretagne, l'intendant, le ménager, le
grand-juge, l'évéque, l'ange, Ja sorcière, la
sainte. Le souffleur, un sculpteur surpierre,
faisait, lui aussi, paraît-il, beaucoup trop de
bruit. C'est le souffleur, dans ce théâtre pri-
mitif, qui commence les tirades. Les acteurs
prennent le mot, comme un acteur prend
le ton du diapason, et ils continuent, sur
un verbe très haut et très monotone qui
donne à leurs paroles un sonde mélopée et
de complainte.
Il eet encore un point sur lequel tous les
journalistes en voyage sont tombés d'aç-
cord. Us ont remarqué qu'ils ne compre-
naient point les paroles de la pièce, et que
le Mystère, pour eux, se résolvait en panto-
mime, et devenait vraiment par Lrpp mylé-
rieux. 11 fallait &Ty attendre. Puisque; la
troupe bretonne jouait en langue bretonne,
le public qui a l'habitude du français,
de l'opérette et du vaudeville, devait
forcément rester perplexe. L'ne telle ré-
flexion pouvait être laite avant de monter
en wagon. Ceux qui veulent absolument
comprendre quelque chose au dramatique
et au facétieux que l'on débite devant eux,
auraient dû, rester à Paris.
D'ailleurs, môme à Morlaix, ils pouvaient
trouver leur affaire. A la môme heure où,
dans le vieux théâtre, les bonnes gens d®
Plouaret s'égosillaient et déchiraient de
leur dur dialecte les oreilles habituées au
Pailleron, le festin ordinaire était servi
dans le théâtre neuf, inauguré ce soir-là.
Les maîtres d'hôtel les plus qualifiés de îa
Comédie-Française découpaient les pièces
et versaient les sauces. Quel était le menu ?
On peut le supposer exquis, un mélange de
classique et de moderne, avec un prologue
apéritif dé M. de Bornier. D'où vient donc que
les soireux et critiques se plaignent, puis-
qu'ils pouvaient retrouver là leurs habi-
tudes. Mais, diront-ils, nous venions dans
le Finistère, ce bout du monde, chercher
du nouveau, et non le plaisir qui est de-
venu, h Paris, la corvée de tous lès jours.
Alors, tout est bien. Du nouveau, ils en -
ont eu. Et s'ils montraient, dans leurs
comptes-rendu^ imprimés, un peu de la
sincérité qui a été certainement de mise, là
bas, entre eux, dans leurs conversations,
ils avoueraient que nombre de pièces à
grand spectacle et h forte réclame gagne-
raient à être jouées eu breton devant le
public parisien, qui dissimule bénévole-
ment son ennui h toutes ces grandes fêtes
de l'intelligence. Pour la troupe qui a re-
présenté les-faits et gestes de la "vie de
sainte Tryphine, à Morlaix, dans Tune do
ces ruelles du moyen-âge percées à
flanc de côteau, non loin du gigantes-
que viaduc, il est évident qu'elle n a pu
se montrer à son avantage. La salle
.de spectacle, tout ancienne qu'elle est, se
présente avec le triste aspect d'une bâtisse
moderne d'il y a cinquante ans. Les quin-
quets, la boîte du souffleur, les galeries,
les ouvreuses, les vestiaires, fout cela va
mal avec la représentation d'un mystère.
La place d'un petit village, le tréteau dressé
contre la muraille d'une église, Ou mieux
encore la lande fleurie au printemps, mé-
lancolique sous le ciel pluvieux de l'au-
tomne, c'étaient là les décors indispensables
la fruste poésie et à Ja gesticulation
hiératique de ces simples.
*%
11 faut, après tout, se féliciter de ce que
les choses «e soient passées ainsi. S il. y avait
eu apparence de succès, si l«s lettres en-
XJn Numéro : 10 et Départements
Mercredi 25 Avril 1886.
DIRECTEUR POLITIQUE
G. CLEMENCEAU
Secrétaire de 1»BéiUotion, M, LOUIS JMULLEM
Secrétairegénéral, M. JULES ROQUES
AMMONCK9 chez MM. DOLUNGB» Fils, SËGUY n O
161 ru* Grc.uge-Ba»«.Uàv#
LA JUSTICE
RÉDÀCTEÏÏH EH CHEF :
CAMILLE PELLETAN
ABONNEMENTS
PARI 3 DÉPARTEMENTS
Trois mois iOfr. Trois mol». « , 12 te*
Six mois. 20 j> Six mois..,...., 24 â
Us 40 » Uxi an... .. 48 »
Adresser les mandats à l'Administrateur i
M. E. TRÉBUTIB»
10, rue du Faubourg - Montmartre, 10
POUR OU CONTRE
Le vote émis lundi, à la quasi-unani-
mité, par les conseillera municipaux ré-
publicains de Paris, aura dans le pays
tout entier un considérable et salutaire
retentissement. Jamais il n'a été plus
.nécessaire de parler net.
JLe Conseil l'a compris. L'assemblée
communale a été, en cette circonstance
comme en beaucoup d'autres, l'interprète
Adèle des sentiments de la population
parisienne.
L'ordre du jour que M. Joffrin a eu
l'honneur de proposer, a le double mé-
rite de la concision et de la clarté : « Le
Conseil blâme énergiquement la campa-
gne plébiscitaire et boulangiste. » Il n'y
a pas de faux-fuyants possibles. Ceux
qui se sont prononcés pour cette propo-
sition ont dit en face aux amis républi-
cains de M. Boulanger : « Vous menez
une campagne, qui constitue un péril
pour la République. » Ceux qui ont voté
contre ou qui se sont réfugiés dans
l'abstention ont affirmé non moins clai-
rement, qu'a leur avis les menées bou-
langistes ne faisaient courir à la démo-
cratie aucune espèce de danger. Ils ont
lu confiance robuste.
Au moins les positions sont bien
prises. Le Conseil municipal n'a pas
parlé, à côté, pour ne rien dire. 11 a ex-
primé sur une question précise une opi-
nion nette.
Les députés de la Seine viennent à
leur tour, dans un document qu'une in-
time minorité seulement s'est refusée, ù
signer,, de faire connaître publiquement
leur sentiment sur le même point. La
plupart d'entre eux avaient eu déjà l'oc-
casion d'affirmer leur opinion. lis ont
tenu, comme représentants du départe-
ment de la Seine, à dire hautement à
leurs électeurs qu'ils réprouvaient avec
énergie l'agitation dont M. Boulanger
est le centre.
Je sais Men qu'on a pensé et même
écrit que se prononcer contre M, Bou-
langer, c'était pratiquer la politique
d'exclusion ou d'ostracisme. M. Gaulier,
qui est pavé de bonnes intentions, pres-
que autant que M. Desmons, va jusqu'à
traiter de plébiscitaire quiconque se per-
met de poser cette impertinente ques-
tion : « Etes-vous boulangiste, oui ou
non'! »
Certes, le boulangisme a de quoi cris-
per les nerfs, Jamais refrain populaire,
qu'ont coutume de moudre les orgues de
Barbarie, ne fut agaçant au même degré
que la scie Boulangiste.
Nous ne demandons pas mieux que de
ne plus parler du brav'général. Mais il
ne dépend pas de nous que ce qui est, ne
soit pas.
Il est fâcheux, sans doute, il est triste
que des républicains en viennent à être
obligés de se classer en boulangistes ou
anti-boulangistes. Mais à qui la faute
sinon à ceux-là mêmes qui, en se grou-
pant autour d'une personnalité équi-
voque, créent de leurs propres mains le
danger de la dictature !
Ce n'est pas en se lamentant sur une
pareille situation, qu'on y mettra un
terme. C'est en prenant courageusement
parti. Personne n'a le droit de se réfu-
gier dans une habile et trop prudente
réserve, il y a â on peut le regretter â
il y a un homme, dont les menées â au-
jourd'hui percées à jour â constituent
un péril. 11 faut dire sans ambages de
quel côté l'on va et si l'on est pour ou
contre cet homme.
C'est ce qu'ont fait les conseillers mu-
nicipaux de Paris et les députés de la
Seine. Ils ont dit : Nous sommes contre
le pouvoir personnel, nous sommes con-
tre M. Boulanger.
Ils savent, aussi bien que personne,
que le cri de; A bas Boulanger! n'est pas
plus un programme que celui de : Vive
Boulanger... La plupart d'entre eux pen-
sent, comme nous-meme, que te meilleur
remède au mal boulangiste, c'est la réa-
lisation des réformes démocratiques.
Mais ils croient aussi que l'exaltation
S un homme est la pire des Jolies. Ils
veulent modifier notre régime parle-
mentaire en préservant de toute atteinte
la forme républicaine. C'est pourquoi ils
marchent d'abord droit au péril le plus
pressant, en dénonçant et en combat-
tant M. Boulanger et les boulangistes.
A. Millerand.
DERNIÈRE HEURE
La reine d'Angleterre à Charlottenbourg. â
L'état de santé de l'empereur. â M. Cri api
et le roi de Suède. â Arrestation d'un an-
cien officier prussien à Genève.
Dépêche de notre correspondant particulier :
Berlin, 24 avril.
On avait pris de grandes précautions de
police pour l'arrivée de la reine d'Angle-
terre.
Il y a à Charlottenbourg plusieurs régi-
ments de cavalerie, un grand déploiement
de police, sans compter les nombreux dé-
tectives anglais.
Ici, on est furieux de cette arrivée ; tout
le personnel est anglais, même les tapis-
siers qui ont préparé les appartements de
la reine sont anglais.
Le Kronprinz; hier, devant un groupe
d'officiers, a protesté contre l'augmentation
I de l'élément anglais au château, puis, in-
| terpellant les officiers, ij leur a dit : «< Pour-
quoi, messieurs, portez-vous des bottes,
avec talons anglais f Ces talons plats sont
ridicules. »
L'ambassadeur de Munster a été invité &
rejoindre son poste. Il sera demain à Paris.
Berlin, 24 avril.
On signale sur notre marché une grande
quantité de valeurs que le gouvernement
russe fait vendre pour assurer le service
du prochain coupon.
Je vous fais remarquer qoe cette assertion
est celle des organes du chancelier,
Rome, 24 avril.
Le pape a encore reçu 800,000 francs des
pèlerins belges. Le prélat français de
Bayonne, qui a fait don à Léon XIII de
l'héritage d'un million qui vient de lui
échoir, a été créé prélat domestique avec
titre de monseigneur. On lui devait bien
cela.
M. Crispi s'est rendu hier auprès du roi
de Suède. L'entretien a duré plus d'une
heure. On est convaincu dans les cercles
diplomatiques que ces conférences réité-
rées du roi de Suède avec le chef du cabi-
net italien ont un but politique. On est per-
suadé que la Suède est un des Etats puis-
sants dont M. de Bismarck a parlé comme
ayant adhéré à la triple alliance.
M. Crispi, en même temps qu'il donne
des instructions au général Menabrea pour
reprendre les négociations commerciales
avec la France, fait dire par son organe, la
Riforma, qu'on a perdu tout espoir d'abou-
tir h un traité, car la dure expérience que
fait la France ne l'a pas encore convaincue
des dommages que lui cause la guerre de
tarifs avec l'Italie.
Monaco, M avriL
Le consul français, sur la demande du
gouverneur militaire de Nice, a invité les !
employés français du Casino qui sont déco- i
rés de la Légion d'honneur à. ne pas porter
les insignes de l'ordre dans les locaux de la
maison de jeu.
Genève, 24 avril.
| Cn fait qui peuL avoir une grande impor-
I tance vient de se produire ici : le parquet
â de Genève vient de procéder à l'arrestation ;
du nommé Sydney Odanne, cet ancien offi$- !
cier prussien qui fut arrêté à Lyon sous la
prévention d'espionnage et de tentative de
vol d'un fusil Lebel, puis expulsé du terri-
toire français et arrêté ensuite à. Bellegarde
pour avoir enfreint cet arrêté d'expulsion.
Odanne subit de ce fait trois mois de pri-
son et à l'expiration de sa peine il se ré-
fugia ici d'où il écrivit à M. de Bismarck en
I lui demandant cent mille francs sans quoi
il livrerait au gouvernement français les |
nombreux documents recueillis par lui j
alors qu'il était instructeur du kronprinz
Guillaume et pendant les nombreuses mis-
sions dont il fut chargé en France par le
| ministre de la guerre allemand.
I M. de Bismarck répondit par un mandat
du parquet de Berlin, ordonnant l'arresta-
tion de Odanne, sous l'inculpation de ten-
tative de chantage et d'escroquerie et re-
commandant de mettre la main sur ses
papiers.
Odanne a été arrêté à son domicile ; mais
la police ne trouva aucun papier. Cepen-
dant un agent surprit un reçu délivré par
un notaire de Genève.
On se rendit chez cet officier ministériel
et on trouva des plis importants. Les docu-
ments sont actuellement dépouillés par le
parquet.
Il est certain que Odanne va se pourvoir
contre la, demande d'extradition qui parait
peu régulière.
On trouvera plus loin nos informations
parlementaires.
DECLARATION
DES DÉPUTÉS DE LA SEINE
Les députés de la Seine, réunis hier au
Palais-Bourbon, ont approuvé le texte de
la déclaration suivante qui leur a été
soumis par notre honorable ami, M. Ana-
tole de ia Forge :
En présence des tentatives audacicu-
sement faites sur le nom du général
Boulanger, les députés de la Seine ne
peuvent garder le silence; ils ont le de-
voir d'exprimer franchement et publi-
quement leur façon de penser.
Dans toute lutta politique, pas un pa-
triote n'a le droit de rester neutre, c'est
pourquoi les soussignés républicains
élus de Paris et du département de la
Seine, défenseurs résolus des libertés
publiques, tiennent à déclarer qu'ils sont
décidés à combattre toute velléité césa-
rienne de quelque nom qu'elle sera.
Ce que nous voulons, c'est le maintien
de la République qui, seule, fera passer :
dans les lois, les institutions et les
moeurs, les principes de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen. !
cette grande charte démocratique de la
Révolution française qui n'admet ni sau-
veur, ni protecteur, ni dictateur.
Ont signé : Àchard. â Allain-Targé. â
Barodet. Brelay. â Brialou. â Bourne-
ville. â Basly. â Gamélinat. â Germain
Casse. âDe Douville-Maillefeu. â Camille
DreyfuS. Frebault, â De Heredia, â La-
bordère. â Sigismond Lacroix. â Lafont. --
De La Forge. â De Lanessan. â Ernest Le-
fèvre. â Maillard. â Mathé. -r Mesureur.
â Millerand, â Frédéric Passy. â Pichon.
â Benjamin Raspail. â Tony" Revillon. â
Roques de Fillol. â Yves Guyot.
Ont refusé de signer : Laisant. â Miche-
lin. â Gaulier. â Delattre. - Farcy.
Sont malades : MM. Villeneuve. â Forest.
â Bu de.
La déclaration qui! précède va être sou-
mise à la signature des sénateurs de la
Seine.
LA CHAMBRE
La Chambre a consacré sa séance à la
discussion du projet de loi sur les mais,
riz et alcools étrangers. L'énoncé seul de
ce projet de loi n'est pas sans intriguer
ceux qui croient que la commission des
douanes est toute occupée à protéger
l'agriculture nationale. Les alcools étran-
gers, passe encore, puisque la France
produit des alcools. Les maïs étrangers,
j'y consens, puisque le maïs pousse en ;
terre française. Mais les riz étrangers !
Je cesse de comprendre. Avez-vous vu
des rizières en France? Connaissez-vous
des laboureurs français qui sèment du
riz ? Ce droit qu'on proposait sur le riz
étranger prouve que la lièvre protection-
niste a atteint son degré aigu. Des ren-
seignements fournis à îa tribune par le
rapporteur, M. Viger, il résulte que îa
commission avait le dessein de protéger
l'industrie de la décortication. Ce n'est pas
de cette commission qu'on pourrait dire
que sa bonté s'étend à toute la nature.
C'est une chasse précieuse à tous les pro-
duits naturels. Et quand on n'a même
pas le prétexte de protéger l'agricul-
ture nationale, on protègeTindustrie. Le
point essentiel, semble-t-il, c'est qu'aucun
objet de consommation ne puisse péné-
trer en France. Avec une incroyable
subtilité on fait des perquisitions chi-
miques dans l'intérieur des produits les
moins portés à la fraude, on fait passer
la mélasse à la visite pour savoir le
degré des sucres fermentescibles qu'elle
contient. Rien n'échappe à cette inqui-
sition sauvage qui a juré de nous faire
passer le goût du pain. La France ne
produit pas de riz, et le riz est l'aliment
du pauvre. Tant pis pour la France et
tant pis pour le pauvre. Il faut que
chacun ne consomme et ne digère que
des aliments français. Ça produira des
engrais français. Au fait! on n'a pas
encore songé à imposer aux engrais
agricoles, des conditions de nationalité.
Je signale à messieurs les membres de
la commission cette lacune scatologi-
que.
Cependant, après quelques observa-
tions de M, le ministre des finances, îa
Chambre a réfréné cette débauche de
surtaxes. Nous pourrons encore manger
du riz décortiqué ou non. Les mélasses,
malgré M. Delisse, ne seront pas fouillées
h la frontière ; elles pourront introduire
du sucre dans leur poche.
A propos des alcools, M. Boulay a fait
de très louables efforts pour maintenir
la taxe existante. Le chiffre de 70 francs
a été voté à une majorité énorme, par
528 voix contre 35.
A propos du droit sur les mais, M.
Mérillon a demandé une exemption spé-
ciale des droits, quand les maïs sont
destinés à la fabrication de l'amidon ou
à la distillerie.
Le lecteur doit s'apercevoir assurément
des ténèbres profondes qui pèsent sur ces
débats : C'est l'impression que donnent
habituellement ces débats sur les tarifs
de douanes. Et cependant, c'est entière-
ment clair. N'en doutez pas une minute,,
ce sont des départements français, les
uns agricoles, les autres industriels, qui
se jettent les uns sur les autres, et s'ef-
forcent de s'ôter mutuellement le pain
de la bouche. Le langage parlemen-
taire a inventé un certain nombre,
de formules bienséantes qui n'ont d'autre
but que de dissimuler le côté « coin de
bois » qui donne à la tribune une physio-
nomie étrange. Mais soyez sûr que c'est
bien le « coin de bois ». C'est un des
effets les plus habituels de îa politiquè
protectionniste.
Les producteurs de maïs disent avec
M. Viger : Nous sommes intéressants.
Les distillateurs de maïs répondent
avec M. Mérillon et M. Jolibois : mais
nous aussi, nous sommes intéressants.
â Tableau de guerre civile.
Les maïs destinés à la distillerie ont
cependant échappé au massacre.
A demain la suite de la discussion,
Édouard Durranc.
LE SÉNAT
Le Sénat a continué la discussion gé-
nérale du projet de lo' sur le recrutement
de l'armée, li a entendu un discours de
M. le ministre de la guerre qui, ce n'est
une surprise pour personne, s'est dé-
claré entièrement favorable au projet de
ïa commission présidée par M. de Frey-
cinei.
M. le ministre de la guerre a rap-
pelé au Sénat quelques paroles qui
avaient été prononcées à la tribune
de Berlin. Dans son dernier discours,
où il était tant question du modits
vivendi, des carpes et des brochets
dans les rivières, M. de Bismarck a
déclaré gue l'Allemagne pouvait mettre
deux millions d'hommes sur ses deux
frontières. Ce régime s'appelle encore la
paix, mais c'est une paix d'une nature
particulière qui doit donner à réfléchir
aux peuples voisins. La loi sur le recru-
tement qui a été votée par la Chambre et
qui est en délibération devant le Sénat
n'a point d'autre but que de répondre
aux intentions pacifiques du chancelier.
Elle nous donnera deux millions d'hom-
mes ; c'est un résultat qu'on n'a jamais
pu attendre de la loi de 1872, qui cepen-
dant marquait un effort. Les Chambres i
corrigent et complètent aujourd'hui notre !
législation militaire Le devoir militaire
devient obligatoire et personnel pour tous
les citoyens, et ce n'est que dans la dis-
cussion des articles qu'on pourra exami-
ner les tempéraments que la commission
a apportés à la rigueur du principe, sans
que toutefois, il subsiste une seuîe des !
exemptions ou dispenses qui faisaient,!
de la loi de 1872 une loi oligarchique. 1
Après quelques observations du géné-
ral Arnaudeau et du colonel Meinadier, ;
M. Buffet, intervenant dans le débat, a |
développé une fois de plus la critique \
qui a été présentée plusieurs fois déjà
par les adversaires du projet. On se
plaint que le conseil supérieur de la
guerre n'ait pas été consulté.
Ce conseil n'a pas été consulté, en ef-j
fet, et pour un bon motif; c'est que tous 1
ses membres ont plusieurs fois changé
d'avis sur la question. Il faut ajouter
d'ailleurs qu'une loi sur le recrutement
est tout autant une loi sociale qu'une loi
militaire, et que l'avis du conseil supé- i
rieur serait fort contestable. Les hom- I
mes du métier n'ont pas été exclus, puis-!
que dans la commission sénatoriale je
compte quatre généraux, deux amiraux
et un colonel.
Mais je ne m'arrête pas à l'argument.
11 ne venait là que comme moyen parle-
mentaire, pour obtenir un ajournement
nouveau. Le Sénat a passé outre. 11 a
décidé, contrairement à M. Buffet, par ;
173 voix contre 87, que la discussion du
projet serait continuée.
C'est un scrutin dont il faut retenir les
chiffres. 11 indique très exactement la
situation respective des partis dans le
Sénat, au moins en ce qui concerne la;
réforme militaire. Il est probable que
pendant toute cette discussion, les mê-
mes proportions numériques se main-
tiendront.
E. D.
On lit dans le Gaulois :
La Société d'économie politique de Lyon don-
nait son banquet annuel sous la présidence de
M. Bardoux.
A l'issue du banquet, M, Bardoux s'est laissé
interviewer sur le mouvement boulangiste.
Voici ses déclarations importantes concernant
les projets de ses amis du Sénat ;
Il a dit que .le péril créé par le boulangisme
est sérieux; mais qui© le â Parlement y remédie-
rait d'abord en prenant de s mesures gratis, si le
mouvement insurrectionnel constaté à l'état la-
tent s'étendait davantage : qu'on était résolu à
arrêter le général.
Il a dit que ses amis allaient déposer une pro-
position tendant à rétablir le scrutin d'arron-
dissement et à supprimer les élections par-
tielles.
On fera la dissolution quand on aura rendu le
général inéligible.
Interrogé sur les ministres, il a dit que îe ca-
binet serait renversé avant peu. Il a dit qu'il
avait L'assurance que le prochain cabinet serait
entièrement composé do républicains modé- â !
rés.
Un des auditeurs lui ayant dit : « Nous
espérons que vous en ferez partie, » M. Bardoux
s'est contenté de sourire.
Enfin, interrogé sur les probabilités de guerre,
le sénateur a répondu que nous n'aurions pas ;
la guerre cette année, mais qu'on se préparait
pour y faire face Tancée prochaine.
On voit que M. Bardoux ne doute de rien.
Ils sont un certain nombre de sénateurs
faits à son image oui croient, comme on
dit, que c'est arrivé. 11 n'y a qu'à les laisser
croire.
Quand on aura ajouté tous les Trarieux
et tous les Bardoux du Luxembourg à tous
les Ribots et îi tous les Ferrys du Palais-
Bourbon, on s'apercevra qu'on est encore
loin de compte.
Le ministère n'a qu'à s'en tenir à son
programme, et quand les Lyonnais rever-
ront M. Bardoux au banquet de la Société
d'économie politique, l'année prochaine
rien ne l'empêchera de rééditer sa consul-
tation.
S. P.
UN MANIFESTE
DTJ COMTE DE PARIS
L'agence Havas donne communnication des
paroles que M. le comte de Paris vient d'adres-
ser à un homme politique avec lequel il s'est
entretenu récemment :
La crise est grave. Il faut l'envisager de
sang-froid, car elle était inévitable. Je
l'avais annoncée l'année dernière, dans mes
instructions aux représentants du parti mo-
narchiste, Les événements m'ont donné
raison. Les dissensions intestines frappent,
d'impuissance le gouvernement de la Répu-
blique, Prodigue et persécuteur à l'inté-
rieur' il est sans crédit et sans force en Eu-
rope. Le radicalisme au pouvoir menace
d'achever la désorganisation du paya.
Les récentes et éclatantes manifestations
du suffrage universel sont le cri de la
France lasse d'un tel régime et aspirant à
| la délivrance. Ce mouvement est la consé-
j quence naturelle et logique des violences,
[ des scandales qui ont révolté la conscience
1 publique, de l'abus du régime parlemen-
taire entre les mains d'un parti despotique;
et rien n'est plus juste que de réclamer,
avec la dissolution d'une Chambre discrédi-
tée, la re vision d'une Constitution, qui ne
laisse plus à la nation le droit de disposer
j librement de ses destinées. Les monarchis- !
tes n'ont pas attendu la crise actuelle pour
i demander cette revision. Je l'ai inscrite
moi-même sur leur programme. Je le leur
rappelle aujourd'hui.
Mais, mon devoir est également de le
dire, ce mouvement s'épuiserait inutile-
ment, en conduirait la France aux plus
graves périls si elle croyait qu'un nom
seul, quel qu'il soit, peut èlre une solution.
Et c'est une solution qu'il lui faut. Pour la
lui donner, tous les conservateurs doivent
demander ta revision non à des Assemblées
divisées, dans lesquelles ils sont en mino-
rité, mais au pays lui-même loyalement
consulté.
A l'heure décisive, il comprendra que
cette solution doit être la Monarchie telle
que je l'ai définie, et au rétablissement de
laquelle je consacre tous mes efforts. Seul,
ce gouvernement stable peut, sans confis-
quer les libertés publiques, assurer à notre
démocratie laborieuse la sécurité dont elle
a besoin, élever le pouvoir au dessus des
assemblées et des partis, et garantir ainsi h
la France l'ordre h. l'intérieur, la paix à l'ex-
térieur. Ce jour-là, la Monarchie, acceptée
par tous les bons citoyens, quelles qu'aient
été auparavant leurs préférences, fera appel
au dévouement de chacun pour travailler,
avec l'aide de Dieu, au relèvement de 3a
Patrie.
En réponse au « communiqué » du co-
mité boulangiste, que l'Agence Havas a
transmis hier à la presse, la Cocarde publie
les lignes suivantes :
De qui émane ce communiqué au bas duquel
aucune signature n'a été mise? Nous l'ignorons.
Mais le caractère officieux de l'agence qui Ta
transmis nous permet de croire qu'il a été ap-
prouvé par M. le général Boulanger.
Dans ces conditions, nous croyons devoir dé-
férer aux désirs de celui que nous reconnais-
sons comme le chef du Parti national. Nous
cessons donc tout envoi de bulletins dans l'Isère
et dans la Haute-Savoie,
Quant au prétendu comité auquel il est fait
allusion et qui profite de lu circonstance pour,
s'exprimer à lui-même sa propre gratitude â
nous persistons à dire qu'il n'existe plus.
Il a été dissous au bout de trois jours, le jeudi
qui a précédé l'élection de l'Aisne et des Bou-
ches-du-Rhône, et sa dissolution a été pro-
clamée par lui-même et constatée par la presse.
Depuis, aucun document officiel n'a annoncé
sa reconstitution. La preuve même de sa non-
existence est dans l'anonymat de ses communi-
qués.
Quel en est 1e président? Quels en sont les
membres? Où. siége-t-il et quelle investiture
a-t-il reçu ?
Quand on aura répondu à ces questions, et
quand ce prétendu comité nous aura démontré
qu'il a vraiment un mandat, peut-être alors le
reconnaîtrons-nous.
Jusque-là, nous nous refuserons absolument
à en tenir compte, et nons protégerons le mou-
vement national dont le nom du général Bou-
langer est le symbole contre des agissements
qui, plus d'une fois déjà, ont été compromet-
tants.
On lit dans la Cocarde .*
C'est avec stupéfaction que nous avons trouvé,
à. l'Officiel, le nom du général Boulanger, comme
ayant voici... Sur que! sujet? cela importe
peu.
Noua savons da source certaine que le général
n'est pas allé hier a la Chambre.
Qui donc s'est permis de voter en son nom?
Les électeurs français n'ont pas envoyé le gé-
néral a la Chambre pour voter de petites lois et
de petits ordres du jour-
Us ont confié une bien autre mission, qu'il ac-
complira quand il en sera temps.
En attendant, personne n'a le droit de le mê-
ler aux chinoiseries parlementaires, et surtout
le faire voter, à son insu, contre les intérêts
commerciaux du département qu'il repré-
sente.
La « stupéfaction » de la Cocarde vient de
ce que le nom du général Boulanger figure
parmi les députés qui ont repoussé avant-
hier les droits protecteurs sur le maïs,
droits protecteurs demandés avec achar-
nement par la députation du Nord.
On nous affirme que M. Boulanger a fait
prier un ami commun de remettre sa boîte
de bulletins à M. Laisant afin que la « gaffe »
d'avant-hier ne puisse se renouveler.
Notre rédacteur en chef a reçu la lettre sui-
vante :
Paris, le 24 avril 1888.
Monsieur,
Ce matin, dans l'article de tSte de la Jus-
tice, vous classez « l'ancien journal, de Val-
lès » parmi les journaux boulangistes.
Je vous serai fort obligée de bien vouloir
rectifier cette involontaire erreur.
Le Cri du Peuple a été, est, et restera so-
cialiste.
Mais, comme beaucoup des nôtres, je
pense que dans le duel entre M. Ferry et
M. Boulanger, le peuple n'a à défendre ni
celui-ci, ni celui-là, quitte i intervenir â
et ït intervenir énergiquement â si, par la
faute de l'un ou de l'autre, la République se:
trouve jamais en danger.
Ce qui est vrai, c'est que le Cri du Peuple
a modifié la forme de ses pôlémiques et
en a supprimé tout ce qui était injure or-
durière ou grossière insulte.
De cela, monsieur, je ne crois pas que
personne ait à me blâmerâ vous moins
que tout autre, qui, dans vos diverses cam-
pagnes, avez si remarquablement su ailler
â la violence à la courtoisie,
i C'est à cette dernière que je fais appel
pour l'insertion de cette lettre, et vous prie
de recevoir, monsieur, l'assurance de ma
considération très distinguée.
SÉVERINE,
LE VOYAGE DO PRÉSIDENT
L'itinéraire définitivement adopté pour le
voyage de M. le président de la République
est le suivant *
Départ de Paris, gare d'Orléans, mercredi 25
avril, à. neuf heures quarante du matin ; déjeu-
ner en wagon ; arrivée S. Limoges à trois heures
cinquante-cinq du soir. Le président couchera à
Limoges, qu'il quittera .jeudi, à huit heures
trente du matin, pour arriver à Agen fi une
heure cinquante-cinq du soir. Départ d'Agen
vendredi après déjeuner, à onze heures, non
plus par bateau, comme on l'avait décidé tout
d'abord, mais par chemin de fer, le trajet par
eau étant trop long; arrivée à Marmande à onze
heures cinquante, où. aura lieu une réception.
Départ de Marmande & midi vingt ; arrivée à 1a
Béole à midi quarante. Le président embarquera
à une heure sur un vapeur de la Compagnie
Gironde-et-Garonne et arrivera à Bordeaux à
cinq heures, comme nous l'avons déjà an-
noncé.
M. Carnot séjournera à Bordeaux vendredi,
samedi et dimanche. Il partira par la gare
Saint-Jean lundi matin; à neuf heures trente, et
arrivera à midi cinquante à Rochefort par la
ligne des chemins de fer de l'Etat. Départ de
Rochefort, mardi 1er mai, à neuf heures du ma-
tin, pour rentrer
soir.
D'autre part, on télégraphie de Bordeaux,
le 24 avril :
Le programme des fêtes données par la ville
de Bordeaux comprend une distribution de
10,000 francs espèces aux pauvres une revue
des troupes passée sur les boulevards, et à la- :
quelle prendra part le 15" dragons tout entier
venu de Libourne, où il est en garnison. Ce ré-
giment fera d'ailleurs partie de l'escorte à l'ar- |
rivée du président.représentations gratuite*
dans les théâtres 7- mâts de cocagne ; concerts
par des musiques militaires ; bals publics sous
les halles ; illuminations, feux d'artifice et re-
traites aux flambeaux. De plus, la société nau-
tique organisera, avec ses plus élégantes em-
barcations des joutes sur la rivière du Parc, et
les sociétés colombophiles de Bordeaux réunies
en fédération feront un grand lâcher de pigeons
voyageurs.
Lo commandant Chamoin est ici. IL assistait,
hier soir, dans la loge du préfet, à la première
représentation d'Aïda. M. Gragnon est égalé*
ment arrivé.
L'amiral Krantz, ministre de la marine,
accompagné du lieutenant de vaisseau
Loir, partira jeudi soir pour Bordeaux, où.
il attendra le président de la République. Il
inspectera vendredi les bâtiments de guerre
qui sont mouillés en Gironde, à savoir : l'a-
viso l'Elan école des pilotes, l'aviso l'Alba-
tros et de deux torpilleurs.
Pour sa visite aux travaux du bec d'Am-
bez, le président de In Rêpublïque embar-
quera sur un des avisos et sera escorté par
les autres bâtiments de la flottille.
Aux Aubrais, à Châteauroux èt à la Sou-
terraine, M. le président de îa République
s'arrêtera quelques minutes dans ces diffé-
rentes villes pour recevoir à la gare les au-
torités du département.
CHRONIQUE
THÉÂTRE BRETON
Les critiques dramatiques qui se sont
rendus à Morlaix samedi dernier pour assis-
ter à la représentation, en langue bretonne,
du mystère : La vie de sainte Tryphine, ne
sont pas revenus ravis. Les acteurs du can-
ton de Plouaret n'ont pas obtenu le yote h
boules blanches des représentants du Tout-
Paris des premières. L'un objecte que les
costumes n'étaient pas en bon état, que les
soldats d'Arthur de Bretagne étaient vêtus
en pioupous. L'autre est navré d'avoir vu
sainte Tryphine représentée par un grand
gaillard, cordonnier de son état, qui arpen-
tait la scène à longues enjambées, décla-
mait d'une voix rauque, et s'était fardé avec
de la brique pilée. Un autre encore a été
choqué par le bruit que menaient le tail-
leur, le maçon, le cultivateur, le forgeron,
le tonnelier, 3e couvreur et le journalier
qui représentaient le prince d'Hibernie, le
roi de Bretagne, l'intendant, le ménager, le
grand-juge, l'évéque, l'ange, Ja sorcière, la
sainte. Le souffleur, un sculpteur surpierre,
faisait, lui aussi, paraît-il, beaucoup trop de
bruit. C'est le souffleur, dans ce théâtre pri-
mitif, qui commence les tirades. Les acteurs
prennent le mot, comme un acteur prend
le ton du diapason, et ils continuent, sur
un verbe très haut et très monotone qui
donne à leurs paroles un sonde mélopée et
de complainte.
Il eet encore un point sur lequel tous les
journalistes en voyage sont tombés d'aç-
cord. Us ont remarqué qu'ils ne compre-
naient point les paroles de la pièce, et que
le Mystère, pour eux, se résolvait en panto-
mime, et devenait vraiment par Lrpp mylé-
rieux. 11 fallait &Ty attendre. Puisque; la
troupe bretonne jouait en langue bretonne,
le public qui a l'habitude du français,
de l'opérette et du vaudeville, devait
forcément rester perplexe. L'ne telle ré-
flexion pouvait être laite avant de monter
en wagon. Ceux qui veulent absolument
comprendre quelque chose au dramatique
et au facétieux que l'on débite devant eux,
auraient dû, rester à Paris.
D'ailleurs, môme à Morlaix, ils pouvaient
trouver leur affaire. A la môme heure où,
dans le vieux théâtre, les bonnes gens d®
Plouaret s'égosillaient et déchiraient de
leur dur dialecte les oreilles habituées au
Pailleron, le festin ordinaire était servi
dans le théâtre neuf, inauguré ce soir-là.
Les maîtres d'hôtel les plus qualifiés de îa
Comédie-Française découpaient les pièces
et versaient les sauces. Quel était le menu ?
On peut le supposer exquis, un mélange de
classique et de moderne, avec un prologue
apéritif dé M. de Bornier. D'où vient donc que
les soireux et critiques se plaignent, puis-
qu'ils pouvaient retrouver là leurs habi-
tudes. Mais, diront-ils, nous venions dans
le Finistère, ce bout du monde, chercher
du nouveau, et non le plaisir qui est de-
venu, h Paris, la corvée de tous lès jours.
Alors, tout est bien. Du nouveau, ils en -
ont eu. Et s'ils montraient, dans leurs
comptes-rendu^ imprimés, un peu de la
sincérité qui a été certainement de mise, là
bas, entre eux, dans leurs conversations,
ils avoueraient que nombre de pièces à
grand spectacle et h forte réclame gagne-
raient à être jouées eu breton devant le
public parisien, qui dissimule bénévole-
ment son ennui h toutes ces grandes fêtes
de l'intelligence. Pour la troupe qui a re-
présenté les-faits et gestes de la "vie de
sainte Tryphine, à Morlaix, dans Tune do
ces ruelles du moyen-âge percées à
flanc de côteau, non loin du gigantes-
que viaduc, il est évident qu'elle n a pu
se montrer à son avantage. La salle
.de spectacle, tout ancienne qu'elle est, se
présente avec le triste aspect d'une bâtisse
moderne d'il y a cinquante ans. Les quin-
quets, la boîte du souffleur, les galeries,
les ouvreuses, les vestiaires, fout cela va
mal avec la représentation d'un mystère.
La place d'un petit village, le tréteau dressé
contre la muraille d'une église, Ou mieux
encore la lande fleurie au printemps, mé-
lancolique sous le ciel pluvieux de l'au-
tomne, c'étaient là les décors indispensables
la fruste poésie et à Ja gesticulation
hiératique de ces simples.
*%
11 faut, après tout, se féliciter de ce que
les choses «e soient passées ainsi. S il. y avait
eu apparence de succès, si l«s lettres en-
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