Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1927-10-16
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 octobre 1927 16 octobre 1927
Description : 1927/10/16 (A21,N5397). 1927/10/16 (A21,N5397).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7651907j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/06/2015
21? ANNEE. - N° 5397.
LE NUMÉRO: CINQUANTE CENTIMES 51, rue Saint-Georges.Tél.: Trudaine 70-00; 011 02 DIMANCHE 16 OCTOBRE 1927.
Gabriel ALPHAUD
Directeur t
t.. Une ample comédie à cent actes divers
Et dont la scène est l'univers
(LA FONTAINE.)
Vous cherchez
quelque chose ?
En lisant nos
PETITES ANNONCES
vous le trouverez
Elles paraissent le Mardi. le Vendredi et le Dimanche
VOIR EN SEPTIEME PAGE
--:; COMOEDIA
clans ce numéro
consacre
deux pages supplémentaires
, à la publication
des 1616 TRIBUTS w
scellés dans
la muraille du Panthéon
Au Congrès de la Presse Laitue (1)
EN ROUMANIE,
excellent poste d'observation européen
L'Allemagne, camouflée, et partout présente,
ne pense qu'à la revanche
II
Et la Roumanie continue :
Pourquoi vous, France, vers laquelle
nos yeux, nos esprits et nos cœurs sont
constamment tournés, pourquoi nous
abandonnez-vous ? Nous sommes en
Orient le seul foyer de civilisation
latine resté intact et pur. et, quand
nous disons latine, nous devrions dire
française. Dans toutes nos familles,
c'est à l'image de la France que se fait
l'éducation privée; dans toutes nos éco-
les, c'est à l'exemple de la France que
se donne l'instruction publique. Regar-
dez nos spectacles; ils sont en très
grande majorité français. Nos librairies
surabondent d'ouvrages français. Nos
kiosques à journaux épuisent très vite
les publications parisiennes si rares que
vous nous envoyez au compte-gouttes,
klors que les journaux allemands sont
Présents partout et répandus à profusion
Pour nous séduire.
Quand donc nous aimerez-vous, Fran-
cis, comme nous vous aimons?
*
* *
.Autr.efois, sur le terrain de l'indus-
tri e, du commerce, de l'agriculture, vous
Acceptiez en Roumanie contre vos rivaux
Une lutte qui se terminait souvent à vo-
treavantage. Malgré la présence du
Consortium allemand, organisé par la
Raison Krupp, dont notre roi Carol Ier
?tait gros actionnaire, vous réussissiez
l't fournir à la Roumanie des rails, des
\\lagons, des locomotives. Le grand pont
le Danube — ouvrage merveilleux
élégance et d'audace, qui fait encore
t Admiration de tous ceux qui le con-
etnplent — a-été construit par la mai- j
S'Il française Fives-Lille et par ses in-
£e/nieurs. L'exploitation de nos ports,
de nos mines a commencé avec l'aide j
de If; France. Notre grand commerce
e blé et de pétrole, .a^été, soutenu à l'ori-
ne par des capitaux français. Ce-
Pendj ant, à cette époque, la Roumanie
iv ait morcelée sous la quadruple hégé-
monie ciè l'Allemagne, de la Russie, de
t Autriche-Hongrie, de la Turquie.
Aujourd 'hui, nous sommes indépen-
dants et victorieux. Nous avons toutes
1 Portes de rich esses naturelles, pour la
Plupart inexploitées. Nous avons des
j^ines d'or et des mines de charbon.
Nous avons le blé, le maïs, le bois, le
Parole, un sol extrêmement fertile.
o 0 0 de notre population rompue aux
fravaux agricoles défrichant elle-même
a terre, grâc : à une natalité abondante
sainej Nous n'avons pas à craindre
e communisme. Les premiers, nous
'tvon$ mis à la porte les Rakowsky et
~x qui leur ressemblent. Contre l'auto-
'!4t'- féodale, qui avait accaparé le ter-
ltQ.ire et le gardait inculte, d'une p-rt,
a d'autre part, contre les Soviets qui
s en - emparent que pour mieux le
'té'riliser, nous avons, nous, en Rouma-
tlle3 audacieusement et intelligemment
^stribué au cultivateur le sol que d'au-
tes avaient en trop. Il n'est pas un
pVsan qui ne soit aujourd 'hui proprié-
té d'au moins 4 hectares de champs
Utiles, et il est interdit au plus riche
e nos citoyens d'en posséder plus de
Nous avons fait cette réforme
Suaire, les yeux tournés vers la Révo-
"ltion française, nous, royaume dynas-
^Ue, parce que nous pensons avec la
f rance que tous les régimes de bonne
val, tous les gouvernements de bonne
b alonté, peuvent s'accommoder de votre
^Ue* devise : Liberté, Egalité t Frater-
'lzzté. Nous avons toutes les ressources
,' vous, Français, vous nous laissez
1;êl.ns moyens. Nous avons dans votre
toutes les amitiés et vous nous
l' adonnez sans alliance, vous avez
air de vous détourner de nous..,,
Pourquoi (
♦
* *
c: bans tout l'Orient, la Roumanie est
J^me une autre France, et nous som-
~s contraints de demander à l'Alle-
t bgne toute la canalisation, tous les
tubes de sondage, de forage,, pour les
t Ults de pétrole. La majorité de nos au-
°iïiobiles (de marque américaine) nous,
vendue par des agents allemands
d êl.l1s des conditions de bon marché et
crédit que les constructeurs français
J" prennent même pas la peine d'exa-
Iner et de concurrencer.
t /I y a plus fort. Ecoutez cette his-
ire.
1-e directeur d'un grand journal quo-
t Idilcn de Bucarest, très connu pour ses
j ^ments d'amitié et de fidélité envers
1ù France, reçoit de la part des Alle-
a^ds, dès la première heure de l'occu-
rqhon militaire de 1914-IQ 18. des vexa-
tir et des outrages d'un singulier raf-
j.peinent. On apprend qu'il est mobi
t:e. Dès lors, on incendie sa maison de
q Irlpagne. sur les murs calcinés de la-
^He le Germain écrit : « Puisque tu
Il voulu la guerre contre nous, voilà
ffe réponse. » On s'empare de son
ith Priinerie. On la dévaste, et, aux dei
jj- jours de l'occupat i on, on brise unp
K Jours de l'occupation. on brise unr
du matériel à coups de marteau,
m ?Sant et rendant à peu près inutib-
le reste. Au 1endem?-'n de Tarrnis-
kj. Yoir Qoguedin du la octobre.
tice, ce directeur revient à la tête de
son journal. Il télégraphie immédiate-
ment à Paris son désir d'avoir des rota-
tives françaises. On lui fait attendre
trois mois un ingénieur-constructeur, qui
cherche à lui imposer des machines de
fabrication courante dont aucune ne ré-
pond ni aux nécessités, ni aux habitudes
roumaines. Quatre mois s'écoulent en-
core en tergiversations inutiles. Et, las
d'attendre, pour ne pas se laisser dis-
tancer par des rivaux, pour ne pas per-
dre sa clientèle, le directeur du journal
roumain ami de la France et victime des
soldats de Falkenhayn, se voit con-
traint, les larmes aux yeux, de comman-
der à Augsburg les rotatives et le ma-
tériel d'imprimerie qu'on peut voir en-
core dans ses ateliers
Les exemples abondent, dans d'au-
tres secteurs industriels ou agricoles, de
faits de cet ordre. Le commissionnaire
allemand, camouflé en voyageur de
commerce italien, serbe, polonais, suis-
se, est partout aux aguets pour élimi-
ner les produits français et les rempla-
cer par des marchandises allemandes.
Et cette substitution patiente, méthodi-
que, ne s'arrête pas à l'ordre matériel.
La propagande germanique, franchit
vite la distance qui sépare celui-ci de
l'ordre spirituel. La guerre continue
âpre, sournoise, terrible de la part de
l'Allemagne, tandis que M. Aristide
Briand joue aveuglément les airs dissol-
vants de sa vieille guitare sous les fenê-
tres du parti-fantôme de M. Stre-
semann.
En fait, deux politiques, diamétrale-
ment opposées par leur programme, leurs
méthodes, leur morale, $ç>ût aux prises
à nouveau et sé disputent la Roumanie
et les petites nations de l'Europe.
La première, fille de la civilisation la-
tine, veut que le droit des nations à l'in-
dépendance et, dans chaque nation le
droit des individus à une certaine liber-
té, soient au-dessus de toute contesta-
tion. Elle conserve religieusement les
engagements pris surtout envers les fai-
bles. Le pire déshonneur à ses yeux est
dans l'abnégation ou l'abandon de la
prrole donnée, à plus forte raison de
l'engagement écrit du traité signé. La
France, l'Italie, l' Espagne, l'Angle-
terre, les Etats-Unis, pour ne parler que
des puissances de premier-rang, sont les
apôtres fidèles de cette politique. Ils
mettent leur gloire à venger la Belgique
violée; ils travaillent à la renaissance
de la Pologne, de la Bohême, de la Ser-
bie et de la Roumanie, considérant tout
traité comme intangible, ne reculant pas
devant les sacrifices pour faire respec-
ter le droit. Ils réclament à Bruxelles
l'abolition de l'esclavage, à La Haye
l'adoucissement des mœurs guerrières,
à Genève, la solution à l'amiable des
conflits internationaux, l'arbitrage paci-
fique. Mais l'initiative manque et
l'esprit d'entreprise qui triomphe de la
paresse et du laisser-aller improductif!
On n'a pas le droit de s'endormir sur
des lauriers!.
La seconde, fille de la Germanie, a
pour principe, depuis Bismarck, que la
force seule engendre la loi, que le droit
international est à la discrétion unique
du peuple le plus fort. Quel est
l'homme qui a fait la première loi ? Est-
ce l'homme le plus juste? Non, disent
les Allemands, ce fut l'homme le plus
fort et c'est pourquoi il y a tant de lois
étroites, gênantes, restreignant la na-
ture. Qu'on ne parle pas à un véritable
Allemand du droit des gens, d'enga-
gements sacrés, de traités et de libertés
à respecter. Les traités ne sont que des
« chiffons de papier », bons à invoquer
quand on y trouve son avantage, bons
à déchirer quand ils ont cessé de plaire
ou de servir. Les dépôts dans les ban-
ques, sous les espèces de l'ancien mark,
ne sont plus des dépôts sacrés, restitua-
bles dans leur valeur intégrale au mo-
ment où a été fait 'le dépôt. C'est la
même nation qui détruit la valeur du
gage, déposé de bonne foi, et qui vous
avise ensuite froidement que ce dépôt
équivaut à zéro. ON VOLE L'ÉPARGNE
COMME ON VIOLE LA BELGIQUE et ces
deux grands abus de confia .ce interna-
tionaux, commis publiquement, cynique-
ment à la face du monde, ne font même
pas monter au front allemand un peu
de confusion. Au contrai à leurs
yeux, quel double et magnifique ex-
nloit ! ,-
Et ce n'est pas une guerre loyale et
clémente qu'ils s'apprêtent à refaire pour
ramener la victoire et rétablir l'équili-
bre, mais une guerre impitoyable et bar-
bare, qui cette fois dévastera systémati*
quement les pays envahis, anéantira en
un clin d'oeil les villages et les villes et
répandra du haut des airs la terreur
et la mort. Plus elle sera terrible, plus
elle sera courte! Devant les ruines de
Paris, de Londres ou de Rome, les con-
férences et les congrès humanitaires
viendront trop tard.
(A sZIÍz'rc.)
(jabrielAI phaud.
Sainte Geneviève veillant sur Paris WBOTO A.-C. Champagne)
(Fresque de Pavis de Chavannes au Panthéon) <' ., -
Cérémonie nationale du Pantkéon
a la mémoire des Ecrivains morts pour la France ",
11 *
La cérémonie dit Panthéon a terminé avec
solennité, dans' un recueillement serein et
sévère, une journée grandiose. On eut vrai-
ment, à certaines minutes" l'impression pro-
fonde que la France entière était là, que son
âme planait sous ces voûtes, cette âme qui
ne sait pfls ltaïr" qui sait combattre et vou-
drait n'avoir qu'à aimer.
Nous publions ci-dessous le texte' du seul
discours qui ait été prononcé : celui de M.
Herriot. ministre de VInstruction publique,
et nos lecteurs trouveront plus loin le récit
de cette journée, suivi du texte des « tributs »
remis par les corps" compagnies et groupes
intellectuels français et , zii ont été scellés
dans les murailles du Panthéon. — B.
Le discours de M. Herriot
Monsieur le président de la République,
Mesdames et messieurs.
Dans une cérémonie à ce poinr solen-
nelle, il. n'est de place que pour les pen-
sers les plus hauts et les paroles les plus
simples. Par égard pour la majesté muette
de ce lieu, les orateurs ont, devant cette
stèle, déposé leurs discours, comme autant
de palmes, avec une discrétion dont il con-
vient de s'inspirer. Plus de cinq cents noms
d'écrivains français, auxquels s'enlacent
plusieurs noms d'étrangers morts sous nos
couleurs, parlent plus clairement que tous
les discours. C'est bien' pou.r. ces héros
que, sur le fronton de cet édifice, la Pa-
trie, assistée de l'Histoire et de la Liberté,
distribue ses couronnes. De grandes om-
bres les accueillent. Une surtout. Lorsque,
dans le sévère printemps de 1871, la mu-
tilation de la France eut été consommée, le
poète de l'Année terrible exprimait la dou-
leur nationale, pleurait les soldats mois-
sonnés comme un champ de blé mûr, nos
provinces arrachées, jetait aux vents « sa
strophe irritée et meurtrie » ; mais il fai.
sait confiance à l'avenir, à la volonté des
générations prochaines :
En cette ombre murée où ne luit nul flambeau,
En cette obscurité de gouffre et ce tombeau,
On entend vaguement le chant d'une âme immense.
C'est quelque chose d'âpre et de grand qui com-
[mence.
Les écrivains français au vingtième siè-
cle ont répondu à l'appel du maître; après
avoir maintenu la revendication de l'esprit,
ils en ont, par le don de leurs vies, assuré
le triomphe.
Déjà une Anthologie, qui doit être pour
tous les Français vraiment sacrée, ras-
sembla certains fragments de tant d'œu-
vres interrompues. En parcourant ce marr
tyrologe dressé par l'affection fraternelle
des survivants, au spectacle du dommage
causé à notre patrimoine d'intelligence par
tous ces deuils, en observant la gravité de
cette blessure que notre pays reçut à la tête,
comme on l'a justement dit, on est tenté de
s'effrayer. C'est une légion d'élite qui est
tombée; dans ses rangs se pressent des
romanciers et des poètes, des philosophes,
des historiens et des géopraphes, des théo-
logiens et des archéologues, des hommes
d'action et des rêveurs. La France, jadis,
regretta longuement son généreux Vauve-
nargues; elle se sentit atteinte pour avoir
perdu ce jeune soldat qui savait penser, ce
moraliste timide et chaleureux. Que de
Vauvenargues sont inscrits sur cette listel
On leur devait plus que ce bréviaire.
Il n'était pas injuste de leur réserver dans
cette historique enceinte une - p!aœ que nul
nç leur contestera. Us écrivais digoe ds
ce nom représente plus que lui-même.
Dans ces œuvres, achevées ou ébauchées,
se rencontrent toutes lès idées, tous les
sentiments, toutes les croyances dont l'as-
semblage est nécessaire pour constituer une
nation libre et forte; en ces écrivains s'ex-
priment' toutes les vertus qui créèrent cet
instinct du sublime auquel notre, race a dû
sa marque propre et notre pays son salut.
En eux se reflètent nos-provinces, celles
du Midi et celles du Nord, celles de l'o-
céan, celles de la plaine et celles de la mon
tagne, dont la communion volontaire s'ap
Pelle la France.
Morts illustres et touchants,, je souhaite-
rais un souvenir assez large pour vous en-
velopper tous, un témoignage qui vous vint
de l'un des vôtres. Peut-être, le voici. —
Athènes voulut, jadis, - célébrer ses en-
fants morts durant la première année de la
guerre du Péloponèse. Elle avait longue-
ment tremblé, malgré le courage de ses
archers et. de ses hoplites, pour les dépôts
sacrés du Parthénon et le manteau d'or de
la déesse : brûlant les moissons, coupant
les arbres, l'ennemi avait poussé ses ten-
tes jusque sous les remparts des Longs
Murs et n'avait cédé qu'à l'épuisement.
Au jour du solennel hommage, les chars
amenèrent les cercueils de cyprès au quar-
tier du Céramique, près de l'enceinte, au
lieu même d'où partait le cortège dés Pana-
thénées. Des lits funèbres évoquaient ceux
dont on n'avait pu retrouver les corps.
Lorsqu'il est monté sur le tertre, lorsqu'il
a salué les familles des héros avec une
émotion que nous retrouvons aujourd'hui
en nous-mêmes, que dit-il, Périclès, fils de
Xànthippos? Il se refuse à dénombrer les
glorieuses victimes, à tracer leurs portraits;
d'un magnifique élan, il se hausse à l'éloge
des ancêtres, de la contrée elle-même, de
la patrie athénienne, si libérale, si cordiale
pour tous, si sincèrement civilisée; et pen-
sant ne pouvoir pas trouver d'idée plus
noble pour commenter l'holocauste de tous
ces guerriers, c'est Athènes qu'il exalte,
dans le charme de sa civilisation, dans la
bravoure d'un peuple étranger aux savan-
tes préparations de la ruse mais décidé à
tout dans l'instant du danger. Les mots em-
ployés par lui sont si beaux, si pleins de
sens qu'on les retient avec peine sur les
lèvres; ils s'appliquent à notre pays tout
aussi bien qu'à la cité antique.
Et que nos dernières paroles, monsieur
le président de la République, mesdames et
messieurs, soient aussi simples que les sien-
nes: Le vrai tombeau des morts, c'est le
cœur des vivants. Relisons les œuvres de
ces écrivains morts pour le pays ; sachons
leur faire une part dans nos réunions, dans
nos programmes d'éducation. Comme celui
d'entre eux qui voulut blottir sa tombe au
pied du caveau de Lamartine, ils relient
à tout notre passé tout notre avenir et,
plus grande que nous, plus forte que nous,
plus tendre encore, c'est la France mater-
nelle qui gardera, ici, leur mémoire, com-
me celle d'enfants précieux et bien-aimés.
Edouard Herriot.
Otf TROUVERA
EN 3E ET 4E PAGES
1. LE COMPTE RENDU DÉTAILLÉ
DES CÉRÉMONIES
La Vie à Paris
Le nouvel Hamlet.
Certes, comme le dit la sagesse des
nations et des revues à grand spectacle,
le temps passe vite. On ne s'en aperçoit,
d'ailleurs, que par étapes, en mesurant
soudain les choses passées de mode, les
rides de vos amis (non les vôtres, qui
ne se voient point) et l'usure des objets
familiers. Mais ce qui est le plus terrible,
c'est la désuétude des engoûments popu-
laires et de l'actualité. Un de mes amis,
âme cruelle et satanique, collectionne
des affiches, non pas pour amasser des
monuments de l'art décoratif, mais pour
se réjouir de temps en temps sur la fra-
gilité universelle, un peu comme Hamlet
penché sur le crâne de Yorick. Mon col-
lectionneur s'est spécialisé, bien entendu;
il ne garde que des affiches relatives
aux appareils d'éclairage et de chauf-
fage. Il en a de bien cocasses, je vous
assure, et qui lui feraient écrire une belle
histoire des progrès du confort depuis
cinquante ans, s'il était homme à écrire.
Mais persuadé, vous pensez bien, de la
vanité de toutes choses, il est particuliè-
rement convaincu de la vanité du papier
imprimé.
Il a une façon impassible de vous re-
garder qui vous gèle le sang dans les
veines. On dirait sans cesse qu'il sup-
porte votre vieillissement, qu'il calcule
votre âge, les années qui vous sont
échues, les années qui vous restent.
Quand il tient une tasse, son doigt, ma-
chinalement, effleure et marque la place
d'une fêlure qui sera une cassure; quand
il tire sa montre, il semble toujours vous
dire qu'il est trop tard. Je ne l'ai jamais
vu coucher, mais j'imagine son visage
amer quand il arrache le soir, en avance
sur le lendemain, la page de son calen-
drier.
Mais, direz-vous, c'est un personnage
d'Hoffmann ou de Gogol, un pervers,
un demi-fou, un sadique, peut-être? Il
porte le manteau noir et le chapeau
pointu qu'ont les médecins ou les fos-
soyeurs sur les vieilles gravures alle-
mandes? Non, il est vêtu comme vous
et moi, bon compagnon au demeurant;
et la preuve, c'est que j'aime me prome-
ner avec lui. J'ai remarqué qu'il a une
ombre sous les becs de gaz, un poids sur
les banquettes d'auto et qu'il se nourrit
fort substantiellement à table. Il est bien
vivant; c'est même pour cela qu'il atta-
che tant d'importance à la mort ou à ses
apparences.
Chez le brocanteur.
Bien entendu, il hante les brocanteurs.
Espère-t-il y découvrir une nouvelle
peau de chagrin comme le jeune homme
de Balzac? On ne voit que lui dans les
petites rues de Passy et surtout aux de-
vantures du septième arrondissement,
où Paris semble liquider son passé iné-
puisable. L'autre jour, non loin de
Sainte-Clotilde, je le vis en arrêt devant
une boutique étonnante où les meubles
gothiques, les fourrures râpées, les icô-
nes russes voisinent avec un lot incroya-
ble de peintures attribuées à un Daubi-
gny (comme il y eut quatre peintres de
ce nom, cherchez lequel).
Le plus beau, l'orgueil de la vitrine,
c'est un œuf d'épiornis pondu, paraît-il.
au sein du monde préhistorique et gros
comme une forte* citrouille. Cette fois-ci.
humblement caché derrière cette relique,
il y a un buste de Lindbergh en bronze.
Du coup, l'effigie du jeune héros, dont
tout le monde parlait il y a six mois, a
pris l'aspect d'une figure d'Hippocrate ou
de Dalloz. Rien n'était plus touchant et
plus mélancolique. On imaginait déià
dans un siècle le sort de ce buste ou de
ses frères. Le buste, chacurf sait ça de-
puis Théophile Gautier, survit à la cité,
et j'espère bien que la cité survivra avec
le buste : on regardera, sous la poutre
d'un grenier ou sur un bahut de brocan-
teur. celui de l'aviateur primitif: on s'at-
tendrira dessus, comme nous faisons sur
une estampe qui représente Pilâtre de
Rozier. Et le buste au nez retroussé sou-
rira toujours de jeunesse et de bravoure.
Heureux si les gens disent alors : « Il
était gentil, ce vieux-là!» Parce qu'ils
ne concevront pas que les hommes dij
vieux temps aient été jeunes.
A la foire.
Je viens de voir d'autres bustes. A la
foire, ne vous déplaise. Il n'est pas fort
agréable d'avoir une foire sous ses fe-
nêtres qui mugit, tourne, fume et rou-
geoie une partie de la nuit. Est-ce bien
foire, qu'il faut dire? Les provinces
appellent foire ce que nous nommons
fête, ou encore vogue, ou encore frairie.
Une foire où l'on ne vend plus rien que
des cornets de crème, des Gabys en plâ-
tre, des pommes frites et un peu d'allé-
gresse, ce n'est plus une foire; c'est une
survivance, un archaïsme. De fait, quand
on y va par hasard, on est surpris, comr
me chez le brocanteur, d'y trouver tant
de choses qu'on croyait mortes. Aussi la
visite en est-elle saine et tonique. C'est
un bain dans la tradition.
* Mais revenons aux bustes. C'était bel
et bien Beethoven et Voltaire qui, juchés
sur un rideau noir semé de pentacles
d'or. d'étoiles et d'hexagrammes, pré-
sidaient à une boutique de « télépathie ».
Ils jouaient leur rôle de Mages, au moins
selon Victor Hugo, l'un avec sa moue
terrible et la crispation de son front
bossu, l'autre avec son hideux sourire :
peut-être accroissent-ils le sérieux de la
maison. Leur présence s'interprète de
façon toute naturelle, puisqu'il s'agit
d'occultisme. Le génie est toujours oc-
culte et il n'y a pas moins de mystère
dans la naissance d'un Voltaire que dans
l'avenir d'une midinette ou d'un com-
mis. JLes otites gens qui viennent con-
sulter l'oracle (il a une sonnette élecfri-
que, l'oracle, c'est beaucoup mieux qu'à
Delphes — et un distributeur automati-
que) ont donc bien raison de penser que
ces bustes noirâtres sont des idoles re-
doutables et sacrées. Et Voltaire est, en
somme, puni là de ses mécréances. Au
Purgatoire il en rit bien, sans doute,
avec le frère Pediculoso. -
Plein ciel !
Plus loin, une étiquette pend à un
réverbère : Canon à vendre. Prix mo-
déré. Ah! mânes d'Ovide et de Tibulle!
ah! figure du désarmement universel, de
la paix sur le globe et du retour d'Astrée
et de Saturne! L'armée vend bien quel-
quefois ses insignes flétris, ses armes
passées de mode; on voit parfois sur les
murs : « Vente de 10.000 dragonnes »,
ou bien de « 15.000 cuirasses modèle
1857)). Mais c'est que le monstre veut
en racheter d'autres et rendre plus scien-
tifiques ses moyens de destruction. Tan-
dis que, « canon à vendre», cela sonne
bien, cela sonne frais comme une chan-
son de 48 : il vous revient à la mémoire
le rêve candide des poètes qui annon-
çaient l'épée transformée en soc de char-
rue. les aérostats supprimant les fron-
tières et les peuples chantant (en chara-
bia, sans doute) l'hymne commun de fa
fraternité. Canon à vendre, canop à
vendre.
Véhicules.
Ce qui se modernise le plus, ce sont
les manèges pour enfants. Jadis humbles
carrousels de chevaux et de lapins
blancs, on les a vus s'adjoindre peu à
peu le cochon des grandes personnes
spirituelles et le cygne de Lohengrin;
puis l'exotisme est venu; autruches, cha-
meaux, girafes, pousse-pousse tirés par
un Annamite coiffé en champignon. Mais
les choses vivantes n'ont déjà plus aucun
intérêt mythique pour les enfants de ce
siècle. Les petits manèges comportent
maintenant des autos à conduite inté-
rieure, des ballons rigides, des carlingues
d'avion, des locomotives imposantes, une
voiture d'ambulance aussi (complément
et rançon du reste), un char de pom-
piers à échelle rouge, un autobus blanc
et vert où il y a deux places, je vous prie,
l'une au volant pour un bébé grave et di-
gne, l'autre à la sonnette du receveur
pour un diablotin qui aime le bruit. El
cependant, dans ces cortèges circulaires,
il reste toujours un traîneau attelé d'une
chèvre à bascule; il promène, riant aux
éclats, un petit coxalgique que sa mère
a porté là, sur son dos, bien qu'il ait
sept ans, et qu'elle regarde sourire au
passage, ami du passé, parbleu! Sans
qu'il le sache, puisque l'avenir n'est pas
pour lui.
Duperie consciente.
Il ne faudrait pas, par attendrissement,
pousser trop loin le principe: il n'y a
pas de foule plus « progressiste Ji que
celle du peuple parisien, plus enî:ché de nouveauté, plus assurée qu'aujour-
d'hui vaut mieux qu'hier, que demain
vaudra mieux encore. Et pourtant, on est
surpris de voir survivre dans les diver.
tissements de cette foule des images fan-
tastiquement vieilles; lg noce à Jeanne-
ton, mâchurée par les boules du mas-
sacre et qui n'a plus forme humaine,
porte ses habits de 1880. Les personna-
ges mécaniques qui s'agitent dans les tirs
sont bien souvent encore le zouave de
Crimée, la cantinière à soutaches, en
bottes à la russe, les lions frisés de
Tartarin. On les repeint avec fidélité,
avec piété, toujours semblables à* eux-
mêmes, comme des dieux lares.
Et, comme au temps de l'ignorance
et de la naïveté, il y a toujours des bou-
tiques « médicales» où un moulage en
cire suffit à attirer les adultes qui n'ont
peur de rien, les danses orientales, à
croire qu'un Tunisien est chose aussi
rare qu'à la Foire Saint-Germain de
Dancourt, des poses plastiques, à croire
qu'il n'y a en ville que femmes à filet et
à crinoline, des dioramas à croire qu'il
n'y a point de journaux' illustrés. Au
fond de ces illusions-là, le peuple mo-
derne n'est pas dupe. Mais il se com-
plaît savamment à sa propre enfance
qu'il a perdue.
André fhérive.
Juridiction littéraire
Les droits du compositeur
et de l'éditeur des "J[iséral)les"
Devant la première chambre de la Cour,
l'éditeur Marcel Lion faisait appel d'un ju-
gement du tribunal de commerce (8 décembre
1925) qui l'avait condamné à payer au com-
positeur Wormser 15.000 francs de domagef-
intérêts pour refus d'édition d'une suite d'or-
chestre sur Les Misérables, drame tire dl;
roman de Victor Hugo.
C'est en 1899 que cette œuvre fut représen-
tée à la Porte-Saint-Martin, avec Desjardinc;,
Jean Coquelin, Berthe Bady, Eugénie Nau.
La musique fut encore jouée à l'exposition
universelle de 1900. En 1921, J'œuvre fui
reprise à l'Odéon sur adaptation de Char!CM
Hugo et Paul Meurice, avec musique de M.
Wormser.
L'éditeur avait gravé les partitions d'jD,=',
truments à cordes, celles d'instruments à
vent étant à la main. Il n'avait, d'ailleurs,
pas édité l'œuvre dans son intégralité et
s'était borné à mettre en vente une com-
plainte : La Chanson de Fantine.
En 1925, avec l'exposition des Arts déco-
ratifs, M. Wormser fut sollicité par divers
cinémas pour adaptation de sa musique à des
représentations cinématographiques deo: Mi-
sérables. L'éditeur Lion reffisa, à ce mo-
ment-là, de remettre à M. Wormser les plan-
ches, à moins d'un versement d'une indem-
nité de 2.000 francs.
Le tribunal de commerce résilia les con-
ventions aux torts et griefs de l'éditeur pour
nç pas avoit édité'*çg déclara qu'il &.
LE NUMÉRO: CINQUANTE CENTIMES 51, rue Saint-Georges.Tél.: Trudaine 70-00; 011 02 DIMANCHE 16 OCTOBRE 1927.
Gabriel ALPHAUD
Directeur t
t.. Une ample comédie à cent actes divers
Et dont la scène est l'univers
(LA FONTAINE.)
Vous cherchez
quelque chose ?
En lisant nos
PETITES ANNONCES
vous le trouverez
Elles paraissent le Mardi. le Vendredi et le Dimanche
VOIR EN SEPTIEME PAGE
--:; COMOEDIA
clans ce numéro
consacre
deux pages supplémentaires
, à la publication
des 1616 TRIBUTS w
scellés dans
la muraille du Panthéon
Au Congrès de la Presse Laitue (1)
EN ROUMANIE,
excellent poste d'observation européen
L'Allemagne, camouflée, et partout présente,
ne pense qu'à la revanche
II
Et la Roumanie continue :
Pourquoi vous, France, vers laquelle
nos yeux, nos esprits et nos cœurs sont
constamment tournés, pourquoi nous
abandonnez-vous ? Nous sommes en
Orient le seul foyer de civilisation
latine resté intact et pur. et, quand
nous disons latine, nous devrions dire
française. Dans toutes nos familles,
c'est à l'image de la France que se fait
l'éducation privée; dans toutes nos éco-
les, c'est à l'exemple de la France que
se donne l'instruction publique. Regar-
dez nos spectacles; ils sont en très
grande majorité français. Nos librairies
surabondent d'ouvrages français. Nos
kiosques à journaux épuisent très vite
les publications parisiennes si rares que
vous nous envoyez au compte-gouttes,
klors que les journaux allemands sont
Présents partout et répandus à profusion
Pour nous séduire.
Quand donc nous aimerez-vous, Fran-
cis, comme nous vous aimons?
*
* *
.Autr.efois, sur le terrain de l'indus-
tri e, du commerce, de l'agriculture, vous
Acceptiez en Roumanie contre vos rivaux
Une lutte qui se terminait souvent à vo-
treavantage. Malgré la présence du
Consortium allemand, organisé par la
Raison Krupp, dont notre roi Carol Ier
?tait gros actionnaire, vous réussissiez
l't fournir à la Roumanie des rails, des
\\lagons, des locomotives. Le grand pont
le Danube — ouvrage merveilleux
élégance et d'audace, qui fait encore
t Admiration de tous ceux qui le con-
etnplent — a-été construit par la mai- j
S'Il française Fives-Lille et par ses in-
£e/nieurs. L'exploitation de nos ports,
de nos mines a commencé avec l'aide j
de If; France. Notre grand commerce
e blé et de pétrole, .a^été, soutenu à l'ori-
ne par des capitaux français. Ce-
Pendj ant, à cette époque, la Roumanie
iv ait morcelée sous la quadruple hégé-
monie ciè l'Allemagne, de la Russie, de
t Autriche-Hongrie, de la Turquie.
Aujourd 'hui, nous sommes indépen-
dants et victorieux. Nous avons toutes
1 Portes de rich esses naturelles, pour la
Plupart inexploitées. Nous avons des
j^ines d'or et des mines de charbon.
Nous avons le blé, le maïs, le bois, le
Parole, un sol extrêmement fertile.
o 0 0 de notre population rompue aux
fravaux agricoles défrichant elle-même
a terre, grâc : à une natalité abondante
sainej Nous n'avons pas à craindre
e communisme. Les premiers, nous
'tvon$ mis à la porte les Rakowsky et
~x qui leur ressemblent. Contre l'auto-
'!4t'- féodale, qui avait accaparé le ter-
ltQ.ire et le gardait inculte, d'une p-rt,
a d'autre part, contre les Soviets qui
s en - emparent que pour mieux le
'té'riliser, nous avons, nous, en Rouma-
tlle3 audacieusement et intelligemment
^stribué au cultivateur le sol que d'au-
tes avaient en trop. Il n'est pas un
pVsan qui ne soit aujourd 'hui proprié-
té d'au moins 4 hectares de champs
Utiles, et il est interdit au plus riche
e nos citoyens d'en posséder plus de
Nous avons fait cette réforme
Suaire, les yeux tournés vers la Révo-
"ltion française, nous, royaume dynas-
^Ue, parce que nous pensons avec la
f rance que tous les régimes de bonne
val, tous les gouvernements de bonne
b alonté, peuvent s'accommoder de votre
^Ue* devise : Liberté, Egalité t Frater-
'lzzté. Nous avons toutes les ressources
,' vous, Français, vous nous laissez
1;êl.ns moyens. Nous avons dans votre
toutes les amitiés et vous nous
l' adonnez sans alliance, vous avez
air de vous détourner de nous..,,
Pourquoi (
♦
* *
c: bans tout l'Orient, la Roumanie est
J^me une autre France, et nous som-
~s contraints de demander à l'Alle-
t bgne toute la canalisation, tous les
tubes de sondage, de forage,, pour les
t Ults de pétrole. La majorité de nos au-
°iïiobiles (de marque américaine) nous,
vendue par des agents allemands
d êl.l1s des conditions de bon marché et
crédit que les constructeurs français
J" prennent même pas la peine d'exa-
Iner et de concurrencer.
t /I y a plus fort. Ecoutez cette his-
ire.
1-e directeur d'un grand journal quo-
t Idilcn de Bucarest, très connu pour ses
j ^ments d'amitié et de fidélité envers
1ù France, reçoit de la part des Alle-
a^ds, dès la première heure de l'occu-
rqhon militaire de 1914-IQ 18. des vexa-
tir et des outrages d'un singulier raf-
j.peinent. On apprend qu'il est mobi
t:e. Dès lors, on incendie sa maison de
q Irlpagne. sur les murs calcinés de la-
^He le Germain écrit : « Puisque tu
Il voulu la guerre contre nous, voilà
ffe réponse. » On s'empare de son
ith Priinerie. On la dévaste, et, aux dei
jj- jours de l'occupat i on, on brise unp
K Jours de l'occupation. on brise unr
du matériel à coups de marteau,
m ?Sant et rendant à peu près inutib-
le reste. Au 1endem?-'n de Tarrnis-
kj. Yoir Qoguedin du la octobre.
tice, ce directeur revient à la tête de
son journal. Il télégraphie immédiate-
ment à Paris son désir d'avoir des rota-
tives françaises. On lui fait attendre
trois mois un ingénieur-constructeur, qui
cherche à lui imposer des machines de
fabrication courante dont aucune ne ré-
pond ni aux nécessités, ni aux habitudes
roumaines. Quatre mois s'écoulent en-
core en tergiversations inutiles. Et, las
d'attendre, pour ne pas se laisser dis-
tancer par des rivaux, pour ne pas per-
dre sa clientèle, le directeur du journal
roumain ami de la France et victime des
soldats de Falkenhayn, se voit con-
traint, les larmes aux yeux, de comman-
der à Augsburg les rotatives et le ma-
tériel d'imprimerie qu'on peut voir en-
core dans ses ateliers
Les exemples abondent, dans d'au-
tres secteurs industriels ou agricoles, de
faits de cet ordre. Le commissionnaire
allemand, camouflé en voyageur de
commerce italien, serbe, polonais, suis-
se, est partout aux aguets pour élimi-
ner les produits français et les rempla-
cer par des marchandises allemandes.
Et cette substitution patiente, méthodi-
que, ne s'arrête pas à l'ordre matériel.
La propagande germanique, franchit
vite la distance qui sépare celui-ci de
l'ordre spirituel. La guerre continue
âpre, sournoise, terrible de la part de
l'Allemagne, tandis que M. Aristide
Briand joue aveuglément les airs dissol-
vants de sa vieille guitare sous les fenê-
tres du parti-fantôme de M. Stre-
semann.
En fait, deux politiques, diamétrale-
ment opposées par leur programme, leurs
méthodes, leur morale, $ç>ût aux prises
à nouveau et sé disputent la Roumanie
et les petites nations de l'Europe.
La première, fille de la civilisation la-
tine, veut que le droit des nations à l'in-
dépendance et, dans chaque nation le
droit des individus à une certaine liber-
té, soient au-dessus de toute contesta-
tion. Elle conserve religieusement les
engagements pris surtout envers les fai-
bles. Le pire déshonneur à ses yeux est
dans l'abnégation ou l'abandon de la
prrole donnée, à plus forte raison de
l'engagement écrit du traité signé. La
France, l'Italie, l' Espagne, l'Angle-
terre, les Etats-Unis, pour ne parler que
des puissances de premier-rang, sont les
apôtres fidèles de cette politique. Ils
mettent leur gloire à venger la Belgique
violée; ils travaillent à la renaissance
de la Pologne, de la Bohême, de la Ser-
bie et de la Roumanie, considérant tout
traité comme intangible, ne reculant pas
devant les sacrifices pour faire respec-
ter le droit. Ils réclament à Bruxelles
l'abolition de l'esclavage, à La Haye
l'adoucissement des mœurs guerrières,
à Genève, la solution à l'amiable des
conflits internationaux, l'arbitrage paci-
fique. Mais l'initiative manque et
l'esprit d'entreprise qui triomphe de la
paresse et du laisser-aller improductif!
On n'a pas le droit de s'endormir sur
des lauriers!.
La seconde, fille de la Germanie, a
pour principe, depuis Bismarck, que la
force seule engendre la loi, que le droit
international est à la discrétion unique
du peuple le plus fort. Quel est
l'homme qui a fait la première loi ? Est-
ce l'homme le plus juste? Non, disent
les Allemands, ce fut l'homme le plus
fort et c'est pourquoi il y a tant de lois
étroites, gênantes, restreignant la na-
ture. Qu'on ne parle pas à un véritable
Allemand du droit des gens, d'enga-
gements sacrés, de traités et de libertés
à respecter. Les traités ne sont que des
« chiffons de papier », bons à invoquer
quand on y trouve son avantage, bons
à déchirer quand ils ont cessé de plaire
ou de servir. Les dépôts dans les ban-
ques, sous les espèces de l'ancien mark,
ne sont plus des dépôts sacrés, restitua-
bles dans leur valeur intégrale au mo-
ment où a été fait 'le dépôt. C'est la
même nation qui détruit la valeur du
gage, déposé de bonne foi, et qui vous
avise ensuite froidement que ce dépôt
équivaut à zéro. ON VOLE L'ÉPARGNE
COMME ON VIOLE LA BELGIQUE et ces
deux grands abus de confia .ce interna-
tionaux, commis publiquement, cynique-
ment à la face du monde, ne font même
pas monter au front allemand un peu
de confusion. Au contrai à leurs
yeux, quel double et magnifique ex-
nloit ! ,-
Et ce n'est pas une guerre loyale et
clémente qu'ils s'apprêtent à refaire pour
ramener la victoire et rétablir l'équili-
bre, mais une guerre impitoyable et bar-
bare, qui cette fois dévastera systémati*
quement les pays envahis, anéantira en
un clin d'oeil les villages et les villes et
répandra du haut des airs la terreur
et la mort. Plus elle sera terrible, plus
elle sera courte! Devant les ruines de
Paris, de Londres ou de Rome, les con-
férences et les congrès humanitaires
viendront trop tard.
(A sZIÍz'rc.)
(jabrielAI phaud.
Sainte Geneviève veillant sur Paris WBOTO A.-C. Champagne)
(Fresque de Pavis de Chavannes au Panthéon) <' ., -
Cérémonie nationale du Pantkéon
a la mémoire des Ecrivains morts pour la France ",
11 *
La cérémonie dit Panthéon a terminé avec
solennité, dans' un recueillement serein et
sévère, une journée grandiose. On eut vrai-
ment, à certaines minutes" l'impression pro-
fonde que la France entière était là, que son
âme planait sous ces voûtes, cette âme qui
ne sait pfls ltaïr" qui sait combattre et vou-
drait n'avoir qu'à aimer.
Nous publions ci-dessous le texte' du seul
discours qui ait été prononcé : celui de M.
Herriot. ministre de VInstruction publique,
et nos lecteurs trouveront plus loin le récit
de cette journée, suivi du texte des « tributs »
remis par les corps" compagnies et groupes
intellectuels français et , zii ont été scellés
dans les murailles du Panthéon. — B.
Le discours de M. Herriot
Monsieur le président de la République,
Mesdames et messieurs.
Dans une cérémonie à ce poinr solen-
nelle, il. n'est de place que pour les pen-
sers les plus hauts et les paroles les plus
simples. Par égard pour la majesté muette
de ce lieu, les orateurs ont, devant cette
stèle, déposé leurs discours, comme autant
de palmes, avec une discrétion dont il con-
vient de s'inspirer. Plus de cinq cents noms
d'écrivains français, auxquels s'enlacent
plusieurs noms d'étrangers morts sous nos
couleurs, parlent plus clairement que tous
les discours. C'est bien' pou.r. ces héros
que, sur le fronton de cet édifice, la Pa-
trie, assistée de l'Histoire et de la Liberté,
distribue ses couronnes. De grandes om-
bres les accueillent. Une surtout. Lorsque,
dans le sévère printemps de 1871, la mu-
tilation de la France eut été consommée, le
poète de l'Année terrible exprimait la dou-
leur nationale, pleurait les soldats mois-
sonnés comme un champ de blé mûr, nos
provinces arrachées, jetait aux vents « sa
strophe irritée et meurtrie » ; mais il fai.
sait confiance à l'avenir, à la volonté des
générations prochaines :
En cette ombre murée où ne luit nul flambeau,
En cette obscurité de gouffre et ce tombeau,
On entend vaguement le chant d'une âme immense.
C'est quelque chose d'âpre et de grand qui com-
[mence.
Les écrivains français au vingtième siè-
cle ont répondu à l'appel du maître; après
avoir maintenu la revendication de l'esprit,
ils en ont, par le don de leurs vies, assuré
le triomphe.
Déjà une Anthologie, qui doit être pour
tous les Français vraiment sacrée, ras-
sembla certains fragments de tant d'œu-
vres interrompues. En parcourant ce marr
tyrologe dressé par l'affection fraternelle
des survivants, au spectacle du dommage
causé à notre patrimoine d'intelligence par
tous ces deuils, en observant la gravité de
cette blessure que notre pays reçut à la tête,
comme on l'a justement dit, on est tenté de
s'effrayer. C'est une légion d'élite qui est
tombée; dans ses rangs se pressent des
romanciers et des poètes, des philosophes,
des historiens et des géopraphes, des théo-
logiens et des archéologues, des hommes
d'action et des rêveurs. La France, jadis,
regretta longuement son généreux Vauve-
nargues; elle se sentit atteinte pour avoir
perdu ce jeune soldat qui savait penser, ce
moraliste timide et chaleureux. Que de
Vauvenargues sont inscrits sur cette listel
On leur devait plus que ce bréviaire.
Il n'était pas injuste de leur réserver dans
cette historique enceinte une - p!aœ que nul
nç leur contestera. Us écrivais digoe ds
ce nom représente plus que lui-même.
Dans ces œuvres, achevées ou ébauchées,
se rencontrent toutes lès idées, tous les
sentiments, toutes les croyances dont l'as-
semblage est nécessaire pour constituer une
nation libre et forte; en ces écrivains s'ex-
priment' toutes les vertus qui créèrent cet
instinct du sublime auquel notre, race a dû
sa marque propre et notre pays son salut.
En eux se reflètent nos-provinces, celles
du Midi et celles du Nord, celles de l'o-
céan, celles de la plaine et celles de la mon
tagne, dont la communion volontaire s'ap
Pelle la France.
Morts illustres et touchants,, je souhaite-
rais un souvenir assez large pour vous en-
velopper tous, un témoignage qui vous vint
de l'un des vôtres. Peut-être, le voici. —
Athènes voulut, jadis, - célébrer ses en-
fants morts durant la première année de la
guerre du Péloponèse. Elle avait longue-
ment tremblé, malgré le courage de ses
archers et. de ses hoplites, pour les dépôts
sacrés du Parthénon et le manteau d'or de
la déesse : brûlant les moissons, coupant
les arbres, l'ennemi avait poussé ses ten-
tes jusque sous les remparts des Longs
Murs et n'avait cédé qu'à l'épuisement.
Au jour du solennel hommage, les chars
amenèrent les cercueils de cyprès au quar-
tier du Céramique, près de l'enceinte, au
lieu même d'où partait le cortège dés Pana-
thénées. Des lits funèbres évoquaient ceux
dont on n'avait pu retrouver les corps.
Lorsqu'il est monté sur le tertre, lorsqu'il
a salué les familles des héros avec une
émotion que nous retrouvons aujourd'hui
en nous-mêmes, que dit-il, Périclès, fils de
Xànthippos? Il se refuse à dénombrer les
glorieuses victimes, à tracer leurs portraits;
d'un magnifique élan, il se hausse à l'éloge
des ancêtres, de la contrée elle-même, de
la patrie athénienne, si libérale, si cordiale
pour tous, si sincèrement civilisée; et pen-
sant ne pouvoir pas trouver d'idée plus
noble pour commenter l'holocauste de tous
ces guerriers, c'est Athènes qu'il exalte,
dans le charme de sa civilisation, dans la
bravoure d'un peuple étranger aux savan-
tes préparations de la ruse mais décidé à
tout dans l'instant du danger. Les mots em-
ployés par lui sont si beaux, si pleins de
sens qu'on les retient avec peine sur les
lèvres; ils s'appliquent à notre pays tout
aussi bien qu'à la cité antique.
Et que nos dernières paroles, monsieur
le président de la République, mesdames et
messieurs, soient aussi simples que les sien-
nes: Le vrai tombeau des morts, c'est le
cœur des vivants. Relisons les œuvres de
ces écrivains morts pour le pays ; sachons
leur faire une part dans nos réunions, dans
nos programmes d'éducation. Comme celui
d'entre eux qui voulut blottir sa tombe au
pied du caveau de Lamartine, ils relient
à tout notre passé tout notre avenir et,
plus grande que nous, plus forte que nous,
plus tendre encore, c'est la France mater-
nelle qui gardera, ici, leur mémoire, com-
me celle d'enfants précieux et bien-aimés.
Edouard Herriot.
Otf TROUVERA
EN 3E ET 4E PAGES
1. LE COMPTE RENDU DÉTAILLÉ
DES CÉRÉMONIES
La Vie à Paris
Le nouvel Hamlet.
Certes, comme le dit la sagesse des
nations et des revues à grand spectacle,
le temps passe vite. On ne s'en aperçoit,
d'ailleurs, que par étapes, en mesurant
soudain les choses passées de mode, les
rides de vos amis (non les vôtres, qui
ne se voient point) et l'usure des objets
familiers. Mais ce qui est le plus terrible,
c'est la désuétude des engoûments popu-
laires et de l'actualité. Un de mes amis,
âme cruelle et satanique, collectionne
des affiches, non pas pour amasser des
monuments de l'art décoratif, mais pour
se réjouir de temps en temps sur la fra-
gilité universelle, un peu comme Hamlet
penché sur le crâne de Yorick. Mon col-
lectionneur s'est spécialisé, bien entendu;
il ne garde que des affiches relatives
aux appareils d'éclairage et de chauf-
fage. Il en a de bien cocasses, je vous
assure, et qui lui feraient écrire une belle
histoire des progrès du confort depuis
cinquante ans, s'il était homme à écrire.
Mais persuadé, vous pensez bien, de la
vanité de toutes choses, il est particuliè-
rement convaincu de la vanité du papier
imprimé.
Il a une façon impassible de vous re-
garder qui vous gèle le sang dans les
veines. On dirait sans cesse qu'il sup-
porte votre vieillissement, qu'il calcule
votre âge, les années qui vous sont
échues, les années qui vous restent.
Quand il tient une tasse, son doigt, ma-
chinalement, effleure et marque la place
d'une fêlure qui sera une cassure; quand
il tire sa montre, il semble toujours vous
dire qu'il est trop tard. Je ne l'ai jamais
vu coucher, mais j'imagine son visage
amer quand il arrache le soir, en avance
sur le lendemain, la page de son calen-
drier.
Mais, direz-vous, c'est un personnage
d'Hoffmann ou de Gogol, un pervers,
un demi-fou, un sadique, peut-être? Il
porte le manteau noir et le chapeau
pointu qu'ont les médecins ou les fos-
soyeurs sur les vieilles gravures alle-
mandes? Non, il est vêtu comme vous
et moi, bon compagnon au demeurant;
et la preuve, c'est que j'aime me prome-
ner avec lui. J'ai remarqué qu'il a une
ombre sous les becs de gaz, un poids sur
les banquettes d'auto et qu'il se nourrit
fort substantiellement à table. Il est bien
vivant; c'est même pour cela qu'il atta-
che tant d'importance à la mort ou à ses
apparences.
Chez le brocanteur.
Bien entendu, il hante les brocanteurs.
Espère-t-il y découvrir une nouvelle
peau de chagrin comme le jeune homme
de Balzac? On ne voit que lui dans les
petites rues de Passy et surtout aux de-
vantures du septième arrondissement,
où Paris semble liquider son passé iné-
puisable. L'autre jour, non loin de
Sainte-Clotilde, je le vis en arrêt devant
une boutique étonnante où les meubles
gothiques, les fourrures râpées, les icô-
nes russes voisinent avec un lot incroya-
ble de peintures attribuées à un Daubi-
gny (comme il y eut quatre peintres de
ce nom, cherchez lequel).
Le plus beau, l'orgueil de la vitrine,
c'est un œuf d'épiornis pondu, paraît-il.
au sein du monde préhistorique et gros
comme une forte* citrouille. Cette fois-ci.
humblement caché derrière cette relique,
il y a un buste de Lindbergh en bronze.
Du coup, l'effigie du jeune héros, dont
tout le monde parlait il y a six mois, a
pris l'aspect d'une figure d'Hippocrate ou
de Dalloz. Rien n'était plus touchant et
plus mélancolique. On imaginait déià
dans un siècle le sort de ce buste ou de
ses frères. Le buste, chacurf sait ça de-
puis Théophile Gautier, survit à la cité,
et j'espère bien que la cité survivra avec
le buste : on regardera, sous la poutre
d'un grenier ou sur un bahut de brocan-
teur. celui de l'aviateur primitif: on s'at-
tendrira dessus, comme nous faisons sur
une estampe qui représente Pilâtre de
Rozier. Et le buste au nez retroussé sou-
rira toujours de jeunesse et de bravoure.
Heureux si les gens disent alors : « Il
était gentil, ce vieux-là!» Parce qu'ils
ne concevront pas que les hommes dij
vieux temps aient été jeunes.
A la foire.
Je viens de voir d'autres bustes. A la
foire, ne vous déplaise. Il n'est pas fort
agréable d'avoir une foire sous ses fe-
nêtres qui mugit, tourne, fume et rou-
geoie une partie de la nuit. Est-ce bien
foire, qu'il faut dire? Les provinces
appellent foire ce que nous nommons
fête, ou encore vogue, ou encore frairie.
Une foire où l'on ne vend plus rien que
des cornets de crème, des Gabys en plâ-
tre, des pommes frites et un peu d'allé-
gresse, ce n'est plus une foire; c'est une
survivance, un archaïsme. De fait, quand
on y va par hasard, on est surpris, comr
me chez le brocanteur, d'y trouver tant
de choses qu'on croyait mortes. Aussi la
visite en est-elle saine et tonique. C'est
un bain dans la tradition.
* Mais revenons aux bustes. C'était bel
et bien Beethoven et Voltaire qui, juchés
sur un rideau noir semé de pentacles
d'or. d'étoiles et d'hexagrammes, pré-
sidaient à une boutique de « télépathie ».
Ils jouaient leur rôle de Mages, au moins
selon Victor Hugo, l'un avec sa moue
terrible et la crispation de son front
bossu, l'autre avec son hideux sourire :
peut-être accroissent-ils le sérieux de la
maison. Leur présence s'interprète de
façon toute naturelle, puisqu'il s'agit
d'occultisme. Le génie est toujours oc-
culte et il n'y a pas moins de mystère
dans la naissance d'un Voltaire que dans
l'avenir d'une midinette ou d'un com-
mis. JLes otites gens qui viennent con-
sulter l'oracle (il a une sonnette élecfri-
que, l'oracle, c'est beaucoup mieux qu'à
Delphes — et un distributeur automati-
que) ont donc bien raison de penser que
ces bustes noirâtres sont des idoles re-
doutables et sacrées. Et Voltaire est, en
somme, puni là de ses mécréances. Au
Purgatoire il en rit bien, sans doute,
avec le frère Pediculoso. -
Plein ciel !
Plus loin, une étiquette pend à un
réverbère : Canon à vendre. Prix mo-
déré. Ah! mânes d'Ovide et de Tibulle!
ah! figure du désarmement universel, de
la paix sur le globe et du retour d'Astrée
et de Saturne! L'armée vend bien quel-
quefois ses insignes flétris, ses armes
passées de mode; on voit parfois sur les
murs : « Vente de 10.000 dragonnes »,
ou bien de « 15.000 cuirasses modèle
1857)). Mais c'est que le monstre veut
en racheter d'autres et rendre plus scien-
tifiques ses moyens de destruction. Tan-
dis que, « canon à vendre», cela sonne
bien, cela sonne frais comme une chan-
son de 48 : il vous revient à la mémoire
le rêve candide des poètes qui annon-
çaient l'épée transformée en soc de char-
rue. les aérostats supprimant les fron-
tières et les peuples chantant (en chara-
bia, sans doute) l'hymne commun de fa
fraternité. Canon à vendre, canop à
vendre.
Véhicules.
Ce qui se modernise le plus, ce sont
les manèges pour enfants. Jadis humbles
carrousels de chevaux et de lapins
blancs, on les a vus s'adjoindre peu à
peu le cochon des grandes personnes
spirituelles et le cygne de Lohengrin;
puis l'exotisme est venu; autruches, cha-
meaux, girafes, pousse-pousse tirés par
un Annamite coiffé en champignon. Mais
les choses vivantes n'ont déjà plus aucun
intérêt mythique pour les enfants de ce
siècle. Les petits manèges comportent
maintenant des autos à conduite inté-
rieure, des ballons rigides, des carlingues
d'avion, des locomotives imposantes, une
voiture d'ambulance aussi (complément
et rançon du reste), un char de pom-
piers à échelle rouge, un autobus blanc
et vert où il y a deux places, je vous prie,
l'une au volant pour un bébé grave et di-
gne, l'autre à la sonnette du receveur
pour un diablotin qui aime le bruit. El
cependant, dans ces cortèges circulaires,
il reste toujours un traîneau attelé d'une
chèvre à bascule; il promène, riant aux
éclats, un petit coxalgique que sa mère
a porté là, sur son dos, bien qu'il ait
sept ans, et qu'elle regarde sourire au
passage, ami du passé, parbleu! Sans
qu'il le sache, puisque l'avenir n'est pas
pour lui.
Duperie consciente.
Il ne faudrait pas, par attendrissement,
pousser trop loin le principe: il n'y a
pas de foule plus « progressiste Ji que
celle du peuple parisien, plus enî:ché
d'hui vaut mieux qu'hier, que demain
vaudra mieux encore. Et pourtant, on est
surpris de voir survivre dans les diver.
tissements de cette foule des images fan-
tastiquement vieilles; lg noce à Jeanne-
ton, mâchurée par les boules du mas-
sacre et qui n'a plus forme humaine,
porte ses habits de 1880. Les personna-
ges mécaniques qui s'agitent dans les tirs
sont bien souvent encore le zouave de
Crimée, la cantinière à soutaches, en
bottes à la russe, les lions frisés de
Tartarin. On les repeint avec fidélité,
avec piété, toujours semblables à* eux-
mêmes, comme des dieux lares.
Et, comme au temps de l'ignorance
et de la naïveté, il y a toujours des bou-
tiques « médicales» où un moulage en
cire suffit à attirer les adultes qui n'ont
peur de rien, les danses orientales, à
croire qu'un Tunisien est chose aussi
rare qu'à la Foire Saint-Germain de
Dancourt, des poses plastiques, à croire
qu'il n'y a en ville que femmes à filet et
à crinoline, des dioramas à croire qu'il
n'y a point de journaux' illustrés. Au
fond de ces illusions-là, le peuple mo-
derne n'est pas dupe. Mais il se com-
plaît savamment à sa propre enfance
qu'il a perdue.
André fhérive.
Juridiction littéraire
Les droits du compositeur
et de l'éditeur des "J[iséral)les"
Devant la première chambre de la Cour,
l'éditeur Marcel Lion faisait appel d'un ju-
gement du tribunal de commerce (8 décembre
1925) qui l'avait condamné à payer au com-
positeur Wormser 15.000 francs de domagef-
intérêts pour refus d'édition d'une suite d'or-
chestre sur Les Misérables, drame tire dl;
roman de Victor Hugo.
C'est en 1899 que cette œuvre fut représen-
tée à la Porte-Saint-Martin, avec Desjardinc;,
Jean Coquelin, Berthe Bady, Eugénie Nau.
La musique fut encore jouée à l'exposition
universelle de 1900. En 1921, J'œuvre fui
reprise à l'Odéon sur adaptation de Char!CM
Hugo et Paul Meurice, avec musique de M.
Wormser.
L'éditeur avait gravé les partitions d'jD,=',
truments à cordes, celles d'instruments à
vent étant à la main. Il n'avait, d'ailleurs,
pas édité l'œuvre dans son intégralité et
s'était borné à mettre en vente une com-
plainte : La Chanson de Fantine.
En 1925, avec l'exposition des Arts déco-
ratifs, M. Wormser fut sollicité par divers
cinémas pour adaptation de sa musique à des
représentations cinématographiques deo: Mi-
sérables. L'éditeur Lion reffisa, à ce mo-
ment-là, de remettre à M. Wormser les plan-
ches, à moins d'un versement d'une indem-
nité de 2.000 francs.
Le tribunal de commerce résilia les con-
ventions aux torts et griefs de l'éditeur pour
nç pas avoit édité'*çg déclara qu'il &.
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