Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1929-09-06
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 septembre 1929 06 septembre 1929
Description : 1929/09/06 (A23,N6078). 1929/09/06 (A23,N6078).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7650721t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/05/2015
238 ANNEE. - N° 6078,
, CE NUMERO T CINQUANTE CENTIMES 4^. 31, Rue Saint-Georges. — Tél.: Truddinè 92-50 À 92-84V
1
VENBREDI 6 SEPTEMBRE 1929.
COMŒDIA
Gabriel ALPHAUD
Directeur
.Une ample comédie aux cent actes divers
et dont la scène est l'univers.
(LA FONTAINE.)
LE TOUQUET
PARIS -PLAGE
ROYAL PICARDY
LE PLUS BEL HOTEL DU MONDE
LE TOUQUET
PARIS-PLAGE
ROYAL PICAR.DY
LE PLUS BEL HOTEL DU MONDE
Horizons
Sera-t-il possible
de rendre Paris
de nouveau habitable ?
Il paraît que l'on va, une fois de
plus, s'occuper du « Paris nouveau ».
La revue la République des Lettres
consacre, après le Congrès du Jour
nal, un numéro à cette question. Çà
et là des « urbanistes » en exposent
les complexes problèmes dans des
articles pleins toujours de bonne vo
lonté et souvent d'une grande scien
ce. M. André Ménabréa annonce que
le Congrès ouvert l'an dernier tien*
dra de nouvelles assises.
Tout cela est fort bien. Mais, hé-
las ! de tout cela il ne sortira rien.
Ou des solutions plus que bâtardes,
pires que le mal actuel parce qu'elles
l'aideront à s'installer plus fortement.
Pourquoi cette négation ? Parce
que le problème est insoluble avec les
seules décisions que peuvent prendre
des groupes, des assemblées tenues ou
gênées par trop d'intérêts particuliers,
incapables de voir loin, incapables
même, si elles apercevaient le but
d'avoir l'empire nécessaire pour l'im-
poser.
Il y a désormais trop de distance
entre les besoins nouveaux et les si-
tuations acquises. Tant que plusieurs
hommes devront discuter pour se met-
tre d'accord sur telles déterminations
formidables ; tant qu'ils hésiteront à
engager des dépenses fabuleuses que
l'incertitude de l'avenir n'assurent
pas, aucune des audaces nécessaires
ne sera risquée.
Dans quelques années donc on ne
pourra plus ni circuler ni respirer
dans Paris. Il faut s'y résigner. Vi-
vre dans cet enfer deviendra un sup-
plice mortel. On sera sans doute
obligé, pour aller tour à tour s aérer.
d'organiser toutes les occupations et
fonctions en équipe.
Pour que Paris redevienne une ville
abordable et saine deux moyens seu-
lement s'offrent : exporter la masse
des voitures et du public ou bien ou-
vrir des voies immenses. I! faudrait
donc ou bien transférer la plupart des
grandes institutions hors de Paris, ou
bien abattre, à la façon des plans de
Le Corbusier et de quelques autres
architectes jeunes, la plus grande
partie des quartiers du centre, ou-
vrir des avenues et récupérer en
hauteur.
Qui aura la volonté ou plutôt le
., pouvoir de pareille décision ? Per-
sonne. Qui engagera et coordonnera
les immenses capitaux ? Personne.
Il faudrait un dictateur et mieux en-
core : un chef sûr de durer. immor-
tell
Donc on se résignera à ces arvéna-
gements bâtards dont je parlais et qui
auront peut-être un jour, quand le
supplice aura passé la promesse de
plaisir, cet avantage de pousser
nombre d'enragés citadins à préfé-
rer les champs où l'on respire, où
l'on ne travaille plus en forçats.,Déjà
un mouvement dans ce sens, pour
imperceptible qu'il semble, se des-
sine. L'auto, qui aura embouteillé
Paris, le dégagera.
Mais, hélas ! quand viendront ces
temps bénits que seront devenues tel-
les de nos si belles perspectives.
Vous parlez de transformer, d'or-
donner Paris 1 Ne vaudrait-il pas
mieux commencer tout de suite par
sauver cette admirable avenue des
Champs-Elysées. Chaque jour elle
sombre un peu plus dans l'horreur ;
- chaque jour elle attaque l'harmonie
de cet Arc voulu par Napoléon.
Quand on n'a été capable ni de fixer
un style aux maisons ni au moins de
leur imposer une hauteur sans tri-
cherie et, aux superstructures, un
galbe vigoureux, quand on laisse ainsi
s'édifier peu à peu une architecture
- pustuleuse, aussi affreuse que celle
de l'affreuse promenade des Anglais,
on est mal venu à parler d'urbanisme
et de plans d'une cité future.
Gabriel BOISSY.
Hier, les Académiciens
ont gagné 150 francs !
L'Académie française a battu hier
an record: celui de la carence des
immortels à la traditionnelle réunion
du jeudi. Les « 40 » n'étaient en effet
que quatre: MM. Barthou, Louis Ber-
tiand, le duc. de La Force et René
Doumic.
Le jeton de présence, qui est sou-
mis à la loi des fluctua-ions selon le
zèle ou la paresse des académiciens,
A vîflu 150 francs.
Une seule révision au dictionnaire:
officier, qui a été passé en revue avec
des inscriptions, comme un simple sol-
dat. Et il n'y av",;t même pas un ma-
réchal ! — L. A. 4 :
aucune visite n'est admise
auprès de M. Clemenceau
Nous avons dit, hier, l'inquiétude
que donnait la santé de M. Clemen-
ceau. Aucune aggravation n'est signa-
lée, mais l'accès de la maison de l'an-
cien président du Conseil est gardé à
chaque carrefour par les domestiques
de M. Clemenceau et le docteur de
Gennes, médecin des hôpitaux, l'un
des docteurs qui donnèrent leurs soins
au maréchal Foch, a été prié de venir
d'urgence de Paris à Saint-Vincent-
sur-Jard.
L'atmosphère est d'ailleurs pénible
pour un malade; un brouillard épais
vient de la mer et couvre la campa-
gne; il fait froid.
En troisième page:
LE CINQUANTENAIRE
DU DESSINATEUR CHAM
par Gaston poulain -.
Derrière le rideau ----
..a.
De tout un peu
LA GUERRE DES ONDES.
Le grand discours que prononça, hier,
à Genève, M. Briand, fd radiodiffusé par
les P. T. T. — si l'on peut dire : l'émis-
sion, bonne au début, ne tarda pas à de-
venir inaudible et nombreux durent être
les auditeurs qui passèrent à autre chose.
Radio-Paris, cependant, avait tenté de
participer à la distribution de la bonne
parole. Notre grand poste privé était prêt
à envoyer à Genève un spécialiste du mi-
cro. A défaut, Radio-Paris demandait
qu'une ligne téléphonique, partant des
P T. T., lui permette de retransmettre
les paroles de notre Premier.
Mais les P. T. T. y mirent une telle
mauvaise volonté que M. Briand monta
à la tribune avant qu'une réponse eût été
donnée. Pourtant, Agora peut affirmer
que le ministère des Affaires étrangères
voyait d'un œil très favorable cette diffu-
sion.
Une fois de plus, la routine a eu raison
des belles initiatives.
LA NOUVELLE MYSTIQUE.
On ne compte plus, aujourd'hui, ceux
qui, entraînés, d'ailleurs avec une rare
générosité, par la mystique de la paix,
veillent collaborer à la réalisation de ces
Etats-Unis d'Europe qui — ai l'on pouvait
écarter toutes ces fatalités ethniques dont
nous parlions hier — seraient faits demain.
C'est ainsi que le prince Galitzine, comte
Ostermann, annonce la constitution de la
Société c Vers les Etats-Unis d' Europe ».
Le prince Galitzine, marchant ainsi sur
les traces du prince de Rohan et du comte
de Kondenhove-Calergi (comment ne pas
penser à nos grands seigneurs encyclopé-
distes du XVIIIe siècle ?), lance un appel
où il dit :
La Société c Vera les Etats-Unis d'Eu-
rope », qui est en train de se fonder en
vue d'un rapprochement entre les na-
tions européennes, par une action extra-
gouvernementale, fait un appel chaleureux
à to.us les esprits éclairés
Cette Société, qui aura son bureau cen-
tral à Paris, tout en poursuivant le même
but (l'unité européenne) que les sociétés
de ce genre, déjà existantes, n'entend
différer des autres que par ses moyens de
réalisation. Elle compte organiser annuel-
lement, dans les différentes capitales
d'Europe, des conférences, des spectacles,
des expositions de peintures et de sculp-
tures, fonJer une revue internationale,
Tous ceux qui veulent apporter leur
concours à la Société pe.uvent s'adresser
par écrit, soit au président actif du Co-
mité central : le prince Galitzine, comte
Ostermann, 22, rue Saulnier, Paris, soit
au vice-président actif de ce même Co-
mité : M. Paul-Théodore Crivez, 24, rue
Bonaparte, Paris.
A R-*
Visites aux Comédiens anglais
Miss Violet Loraine
Comœdia commence dans sa
deuxième page la publication d'une
série d'entretiens avec les princi-
paux acteurs d'Angleterre par Mlle
Emmy Guittès.
Entre nous
Paris, tout le monde descend !
Hier, dans le train qui nous ramenait
du Midi — où il fait moins chaud qu'à
Paris — comme on allait entrer en gare,
le couloir des premières, encombré déjà
de voyageurs, prêts à descendre, avec
leur valise à la main, fut mis en gaîté
par un hurluberlu qui, sortant seulement
la tête de son compartiment, demanda:
« Pardon, Monsieur, où sommes-nous
ici? » Un éclat de rire général lui ré-
pondit, et, derrière moi, une jeune
femme charmante fredonna : « Ça, c' est
Paris! »
Evidemment, ce voyageur, provincial
peu averti pu étranger, aurait pu com-
prendre, à un certain nombre de signes,
qu'on arrivait à Paris. Mais, après avoir
pris part moi-même à la gaîté générale,
je me sentis porté à quelque indulgence
pour ce nouveau débarqué.
Je remarquai, en effet, que, seules
de toutes les gares, celles de la capitale
ne portent pas le nom de la ville. Non
seulement toutes les gares portent ce
nom en grosses lettres, mais on peut le
lire, multiplié, sur les bâtiments annexes,
les lampadaires, les lanternes qui précè-
dent les gares. Avant d' arriver à Me-
lun ou à Dijon, vous lisez vingt fois,
partout : Melim, Dijon. A Paris, rien
du tout. Ni à l'extérieur, ni à l'inté-
rieur du hall. vous ne trouvez le nom
de Paris.
Je suis sûr que notre bonhomme, peu
renseigné par l'éclat de rire qui avait
accueilli son interrogation, aura de-
mandé à un employé si on était bien
à Paris. A quoi, naturellement, l'em-
ployé aura répondu : « Et alors ? »
Et le voyageur aura sûrement répliqué,
en bougonnant : « Il fallait le dire! »
En effet, tandis qu'à Laroche, à Di-
jon, à Tarascon, les employés s' égosil-
lent à crier : « Laroche! Dijon! Ta-
rascon ! » ou bien : « Compiègne !
Cherbourg! Brest! Nancy! tout le monde
descend! ». par quelque gare qu'on ar-
rive à Paris, il n'y a pas un employé
qui crie : « Paris! Tout le monde des-
cend ! »
Il est vrai que tous les voyageurs ont
l'air de le savoir.
Iules VÉRAN.
Un dessin de Victor Hugo
Cet important et beau dessin (lavis e t aquarelle) du grand Poète appartient désormais au musée du Louvre
auquel il a été légué par Mme Loc kroy avec usufruit au bénéfice de la fille du poète, Mme Negreponte.
AU CHAT T10W
8i
Les souvenirs de Maurice Donnay
sur l'inventeur du phonographe
Maurice Donnay va Publier, dans la Revue des Vivants, ses « Souvenirs du Chat Noir ». Ce sera un régal.
Il nous confie dès les premières pages qu'il n'a pas été seulement au Chat Noir : « l'ai passé aussi par l'Ecole
Centrale; mais, chose curieuse, on ne me demande jamais de parler de l'Ecole Centrale. »
On lira ci-dessous avec un vif intérét un amusant passage des « Souvenirs » de Maurice Donnav -
Àh ! que de types pittoresques ! Le patron d'abord,
Rodolphe Salis, qui s'intitulait gentilhomme caba-
retier. Il était arrivé de Châtellerault à Paris, en
1871, pour faire de la peinture. Il avait fondé avec
le sculpteur Wagner « l'Ecole vibrante », dont le but
était de faire fraterniser l'art avec la littérature,
puis, après « l'école vibrante », il fonda « l'Ecole
irisa-subversive de Chicago » pour lutter, vous l'avez
deviné, contre l'envahissement de l'Amérique par les
Allemands. Enfin, il renonça à la peinture, sous pré-
texte que le peintre Hawkins lui avait chipé sa ma-
nière. C'est alors qu'il fonda le Chat Noir. Les chat-
noiristes de la première heure, c'étaient Emile Gou-
deau dont je vous ai déjà parlé ;Georges d'Espar-
bès, qui estjmaintenant Conservateur du Palais de
Fontainebleau; Edmond Haraucourt, depuis Conser-
vateur du Musée de Cluny; Coquelin cadet, depuis
sociétaire de la Comédie-Française et qui est mort
fou; Sapeck, fantaisiste devenu conseiller de pré-
fecture et qui est mort fou; d'autres comme Fer-
nand Icres, Charles Cros, Charles de Sivry, Mac
Nab, qui sont mort jeunes; d'autres, Georges Au-
riol, Louis Marsolleau, qui vivent encore, heureuse-
ment.
Parmi tous ces hommes extraordinaires, un des
plus extraordinaires fut certainement Charles Cros,
l'inventeur du phonographe. Le 30 avril 1877, un
jeune savant déposait sous pli cacheté à l'Académie
des Sciences, la description détaillée d'un appareil
destiné à reproduire et enregistrer les vibrations
acoustiques. Et ce n'était pas seulement le principe;
mais aussi la disposition, la réalisation possible du
phonographe, c'était comme on l'a .dit, tout le pho-
nographe qui était contenu sous ce pli cacheté. Et le
jeune savant qui communiquait à l'Académie des
Sciences son procédé d'enregistrement et de repro-
duction des phénomènes perçus par l'ouïe, c'était
Charles Cros, alors âgé de trente-cinq ans. Il avait
déjà trouvé d'ailleurs la photographie des couleurs
et la synthèse des pierres précieuses.
Peu de personnes savent ce que fut entre les mains
de Charles Cros le premier phonographe. Imaginez
une boîte à cigares, un mouvement d'horlogerie, une
plaque recouverte de cire vierge que Charles Cros
repassait avec un fer à repasser pour obtenir une
surface bien plane ; une membrane vivante contre
laquelle un bec de plume qui inscrivait les vibrations
sur la cire vierge. Vous pensez bien qu'il ne s'agis-
sait. pas de reproduire de longues phrases, ni des
discours, ni des mélodies, ni des morceaux d'orches-
tre. Charles Cros "invitait un des assistants à crier
dans la boîte à cigares un mot bref et sonore. Chose
singulière, l'assistant, quel qu'il fût, choisissait tou-
jours le même mot, mot énergique prononcé à Wa-
terloo par un général français sommé de se rendre,
mot historique qui se trouvait reproduit dans la boîte
à cigares avec un chevrotement nasillard, ridicule et
charmant.
Quoi qu'il en soit, Charles Cros est bien l'inven-
teur du phonographe qu'il appelait alors le poléo-
phone. Cette priorité a été bien établie, il y a deux
ans, le soir d'une cérémonie organisée à la Sorbonne
pour fêter le cinquantenaire de l'invention du phono-
graphe, cérémonie où je fus chargé de prendre la
parole, parce que j'avais été au Chat Noir, encore,
toujours ! et qu'il s'agissait de rendre hommage et
justice à un ancien camarade.
Et ce Charles Cros n'était pas seulement un sa-
vant, il était aussi auteur de monologues pleins
d'humour qui eurent à l'époque dont je vous parle
une vogue immense : le Hareng saur, Y Obsession, le
Bilboquet, la Famille Dubois.
Charles Cros était un poète original, - un poète
avec tout ce que ce mot comporte de fantaisie, de
rêves, de chimères et de désintéressement. Sous ce
titre, le Coffret de Santal, il avait publié un exquis
volume de vers, et dans ces années 18S0, à Mont-
martre, sur des musiques de Marie Krysinska, de
Charles de Sivry, de Cabaner, musiques aujourd'hui
introuvables, les jeunes femmes infidèles et senti-
mentales qui prodiguaient aux artistes, sur la Butte
sacrée, les réalités de l'amour et ses illusions plus
nécessaires encore, chantaient les Chansons perpé-
tuelles de Charles Cros ; elles chantaient la Vie
idéale ; -..-.
Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs' rares,
Où l'on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, œillets et tilleuls,
Charmeraient l'ennui du grand' parc où seuls
Parfois des rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l'on songerait parmi ces parfums
De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.
Chaque soir, chez Salis, des jeunes gens se réu-
nissaient. On chantait des chansons, on disait des
poésies. La renommée de ces fêtes étonnantes se ré-
pandit dans Paris : bientôt la grosse finance, la
politique nantie, la noce dorée vinrent rendre visite
à l'insouciante bohème, et des soirs, le vendredi sur-
tout qui devint le jour chic, on vit au Chat Noir des
femmes de l'aristocratie, de la haute bourgeoisie et
aussi des demoiselles, des horizontales, comme on
disait en ces temps verticaux.
Ce Chat Noir là, je ne l'ai connu que par les ré-
cits qu'on m'en a faits depuis. Je ne l'ai point fré-
quenté et je le regrette, car c'étaient alors les temps
héroïques. J'étais élève à l'Ecole Centrale ; mais si
je ne fréquentais pas le Chat Noir cabaret, je lisais
le Chat Noir journal et par cet organe j'étais admi-
rablement mis au courant du jeune mouvement lit-
téraire, je vivais en esprit avec mes futurs camara-
des. Je lisais des vers, surtout des vers. Dans mes
classes de mathématiques, j'avais beaucoup lu Victor
Hugo, Lamartine, Musset, Vigny, Baudelaire, Ban-
ville, Coppée, Lecontë de Lisle, les romantiques, les
parnassiens ; mais avec les poésies de Jean Richepin,
de Maurice Rollinat, d'Edmond Haraucourt et
d'Albert Samain, j'étais parcouru de frissons nou-
veaux. Je lisais aussi les contes d'Alphonse Allais
et de George Auriol. J'enviais ces jeunes gens élevés
à la rude école de la Fantaisie. tandis que moi, à
l'Ecole Centrale ! Tout de même, j'avais mon idée.
Il y a quelques années, un grand journal du ma-
tin ou du soir posa cette question à diverses person-
nalités de la littérature, des arts, de la politique :
« Quel était votre idéal à vingt ans ; la vië Ta-t-elle
nalités de la littérature, des arts, de là politique :
plupart des personnes consultées, était magnifique.
Mon idéal à moi était sans prétentions et même cer-
tains penseurs l'ont jugé frivole. A l'enquête du
journal, je répondis que mon idéal à vingt ans était
d'avoir un sonnet imprimé dans le journal Le Chat
Noir et un monologue récité par Coquelin cadet.
C'était gentil. J'ajoutai que la vie avait réalisé tout
cela et même au delà. En somme, c'était l'idéal d'un
jeune homme destiné par ses parents à la carrière
d'ingénieur, alors que cela ne plaît point à son
âme. S'il se croit une vocation littéraire, il ne rêve
que l'accessible. Cette réponse me valut même, l'ap-
probation d'un vieil oncle plein de bon sens ; Fran-
cisque Sarcey y reconnut le son de la sincérité. Bien
entendu, je ne pensais pas du tout à l'Académie. Et
comment y aurais-je pensé, lorsque je lisais dans
mon cher journal et sous la signature du bon poète
Louis Denise des vers comme ceux-ci que je vais
vous dire :
BALLADE DE LA COUPOLE
Chauves comme des veaux mort-nés
Ils sont là sur leurs bancs, quarante.
Ils auraient pu n'être que trente
Mais ils sont quarante. Leurs nez
Par le tabac enluminés
Ont des éternuements rythmiques.
Ils ont quarante ans bien sonnés
Les fossiles académiques.
Ouarante ans ! ce charmant Louis Denise était un
tout jeune homme.
Maurice DONNAY,
de l'Académie française.,
Où Va "Europe"
.-
Les Etats-Unis d'Europe : Utopie.
La standardisation américaine : Médiocrité.
nous dit M. Maurice Dekobra
M. Maurice Dekobra est un de
nos romanciers voyageurs ; il par-
court le mondé pour y rencontrer des
héros de romans et des paysages
dont la couleur et les lignes inconnues
soient un étonnement pour nos yeux.
Il est le type achevé de ces écri-
cains cosmopolites et internationaux
qui n'attendent pas l'inspiration dans
le silence et la méditation de leur ca-
binet de travail. Aujourd'hui les
apôtres ne se réuniraient pas au Cé-
nacle pour y recevoir l'Esprit. Non !
Plus que jamais, l'Esprit souffle où
il veut, et M. Maurice Dekobra doit
le poursuivre.
Aussi saute-t-il du paquebot dans
l'avion et dans le sleeping. Ne
croyez pas que M. Maurice Deko
bra soit pour cela un agité, mêm*
un « agité léger », comme disent les
psychiatres. Il n'y- a pas d'homme
plus flegmatique au monde. Les per
sonnages de ses romans vivent au
rythme frénétique du siècle. Lui m'a
paru fort raisonnable et d'une par
faite modération. Il les crée, mais en
même temps, sans aucun doute, les
juge. A leur place je ne. serais pas
tranquille. D'autant plus que ce cal-
me de M. Maurice Dekobra est un
peu moqueur !
Avec cette même ironie à froid, il
m'a accueilli, mes questions ne l'ont
point pris au dépourvu. L'Europe
n'est pour lui qu'un département de
la Terre. Et la Terre, il la tient
comme une orange dans le creux de
sa main. Il jonglerait avec, s'il le
voulait. Rien que la terre ! comme
dit Paul Morand.
Aussi croit-il aisément que « le, ta
bleau de la vie de province» un siè-
cle après Balzac, a besoin d'être
aéré. C'est une nécessité pour les
écrivains de franchir les frontières
Il lui faut écrire pour tous les gens
civilisés du monde. M. Maurice
Dekobra reconnaît là « la Société des
Nations sur le plan littéraire ». Et
il sent dans l'âme moderne « le dé-
sir impérieux de faire tomber les bar-
rières qui séparent la mosaïque eu-
ropéenne ».
La politique mondiale lui semble à
la.. vérité; âevoir aljer plus * difficile-
ment .vers, l 'unité que.. la- ,-ciiriosité
littéraire. Il n'est pas dé - ceux qui
croient que le conflit de l'Europe et
M. Maurice Dekobra
des Etats-Unis doive se terminer par
la soumission à l'Amérique :
— La colonisation de l'Europe par
les Américains va amener une réac-
tion. Les financiers sont encore les
seuls à connaître exactement le nie
canisme qui nous met dans la déper
dance des Américains. Dès que le
public l'aura compris, l'opinion ne
pourra plus rester indifférente. Peut-
être qu'alors une véritable union se
fera entre les nations européennes
pour prendre des mesures contre un
créancier si intransigeant..
Mais M. Maurice Dekobra ne s'ar-
rête pas au péril, économique de
l'Europe. Il va plus loin :
— L'intelligence et la civilisation
européennes sont menacées par !a
standardisation. Un Ford a commen-
cé un âge nouveau dans l'histoire de
l'humanité. Ce qui s'est fait-sur le
plan industriel se fera sur le plail
intellectuel. Une des plus importan-
tes manifestations de cette standardi-
sation, je la vois dans le cinéma lui-
duira des films qui * puissent être
duire des films qkii puissent être
goûtés par l'univers entier. Cet art
qui tend à devenir accessible à toute
l'humanité, quel phénomène de stan-
dardisation ! Et il est bien certain
que 'le cinéma devenu parlant et so-
nore, avec bientôt la couleur et le
relief, formant ainsi un spectacle
complet, sera l'unique distraction de
la masse. D'ici cinquante ans, le
théâtre sera réservé à une élite qui
a souci de recherches esthétiques.
Est-ce que M. Maurice Dekobra
loue cette uniformité de l'art ?
- Non ! Cela ne me remplit pas
d'admiration! Bien" au contraire. Lo
niveau intellectuel de toute cette fou-
le est. la moyenne faite, égal à un
demi-degré au-dessous de zéro ! Par
optimisme mettons un degré ! Voilà
qui est inquiétant ! L'on peut croire
que les Spectacles que l'on offrira
pour contenter tout le monde auront
une médiocre valeur !
L'égalité mène donc à la médio-
crité. M. Maurice Dekobra paraît
l'estimer. Il n'a pas tort. Il est con-
tre la standardisation américaine ap-
pliquée aux choses de l'intelligence.
Il la redoute. Elle n'aboutirait qu'à
mettre chaque peuple d'Europe en
état d'infériorité intellectuelle alors
que chaque peuple n'aurait .même
pas les avantages de cette standardi.
sation politique, appelée Etats-Unis
d'Europe. Le sentiment de M. Mau-
rice Dekobra est très net :
— Les Etats-Unis d'Europe sont
une utopie irréalisable. Ce qui me
semble, possible c'est une division
par groupes ethniques. D'abord le
groupe des nations latines : la France,
l'Italie, l'Espagne avec l'association
rouniano-yougoslave. - Le groupe des
nations germano-slaves : l'Allemagne
et la Russie qui aura évolué du bol-
chevlsme à une république
pitalisme sera toléré. Enfin fè groupe
anglo-saxon où je vois ensemble l'An-
gleterre et les Etats-Unis, alliés par
intérêt pour la lutte du Pacifique
contre l'expansion japonaise. Il y A
là un conflit inévitable. Encore euel.
que vingt ans ! Vous verrez ! • <
Que se passera-t-i! ? M. Maurice
Dekobra, avec le sourire méphisto-
phélique lèvres, se risqué à prophétiser :
— Cette fois nous sommes les
neutres et c'est notre tour de nous
enrichir pendant que les Etats-Unis
se battent. A notre tour de faire des
crédits aux Etats:Unis, de récupérer
nos dettes, et de voir les stocks fran-
çais payés très chers par les Yankees 1
Ne souhaitons rien de tout cela
Mais avouons que les Américains ne
l'auraient pas volé. M. Maurice De-
kobra est fort pessimiste. L'avenir de
l'Europe et du monde ne lui semble
pas rose. Il m'a bien un moment loué
ce temps-ci « où après avoir échangé
des schrapnells, on échangerait des
idées », mais je crois que dans son
esprit le blâme l'emporté sur la
louange. Je crois qu'il ne présuma
rien de bon de tout ce que voient no.
yeux, et que si l'univers chante pour
s'étourdir, il ne fait que chanter « la
sérénade au bourreau »..
Max FRÀNTEL.
A u Théâtre Dauntm
"ARTHUR"
Opérette en 3 actes de M. André Barde
Musique de M. Henri Christiné
Arthur Michoux est esthéticien
— entendez « masseur » — pour
femmes « snobs ». Selon les exi-
gences de la mode, il les pétrit, il
les moule, — ce mot leur sied — il'
leur met les seins à la place du ven-
tre, le ventre à la place du dos, le
dos à la place des épaules, les épau-
les à la place, etc., etc. Objet à
la fois du respect et du désir de ses
clientes, Arthur tient à conserver son
prestige : aussi ne voudrait-il pas
que sa femme, Mado, le ridicoculi-
sât. Or, ce 'n'est point pour les va-
lises de ses beaux yeux, mais pour
son sac que cette jeune fille du mon-
de accepta la main du masseur, et
aussi pour aimer librement Hubert
de Fondragon, ruiné comme elle.
Une lettre trouvée dans un meuble
apprend au bel Arthur son infortune
conjugale. Mado, qui lui rendrait
volontiers sa main mais non ce qu'il
y a dedans, entreprend de lui dé-
montrer que cette lettre ne lui était
point adressée. La femme avec qui
Hubert de Fondragon correspond se-
crètement, c'est Antonine, leur cou-
sine, une jeune créole qu'ils ont re-
cueillie chez eux. comme femme
de ménage.
Antonine est un souillon ; Antonine
paraît sotte. Fondragon, cédant aux
prières de sa maîtresse, consent pour-
tant à l'épouser. Antonine, qui a re-
marqué le jeune Roger Beautramel
- un ami des Michoux -' voit dans
cette union la possibilité de s'élever
jusqu'à lui. Elle accepte, étant en-
tendu aue ce mariage sera blanCa
Le deuxième acte nous transporte
sur la Côte d'Azur, où nous retrou-
vons Antonine, maintenant élépfnte,
très « à la page » et remportant,
au grand dépit de sa cousine, le pre*
mier prix au concours des maillots
de bain. Roger Beautramel se soucie
fort peu de la jolie fille, mais ce
jeune homme a une mère qui vou-
drait que son fils fût l'amant d'une
femme mariée — ce serait une sé-
curité pour elle! Elle lui promet une
moto et mille francs par mois si An-
tonine devient sa maîtresse: aussitôt,
Roger, bien que fort ignorar.t des
choses de l'amour, embrasse- Anto-
nine sur la bouche et lui donne ren-
dez-vous dans sa chambre, à minuit,
C'est là que les circonstances réu-
niront les protagonistes. Arthur, qui
désire également Antonine, lui
adresse à travers les rideaux du lit
une déclaration brûlante, fort impo-
lie pour sa fetnme et Fondragon.
Ceux-ci, à l'arrivée d'Arthur, se sont
précisément réfugiés dans ce lit; ils
en surgissent tour à tour à la con.
fusion du masseur, honteux, repen.
tant et ne doutant plus de sa femme.
Cependant, Roger Beautramel s'est
aperçu de ce que Mme Fondragon
était vierge. Il l'épousera pour ré-
parer le dommage causé.
Cette pièce nous a permis de cons-
tater un fait curieux : le premier
acte — au cours duquel l'auteur
s'est efforcé d'exposer clairement son
postulat et de nouer solidement son
intrigue - a paru quelque peu labo-
, CE NUMERO T CINQUANTE CENTIMES 4^. 31, Rue Saint-Georges. — Tél.: Truddinè 92-50 À 92-84V
1
VENBREDI 6 SEPTEMBRE 1929.
COMŒDIA
Gabriel ALPHAUD
Directeur
.Une ample comédie aux cent actes divers
et dont la scène est l'univers.
(LA FONTAINE.)
LE TOUQUET
PARIS -PLAGE
ROYAL PICARDY
LE PLUS BEL HOTEL DU MONDE
LE TOUQUET
PARIS-PLAGE
ROYAL PICAR.DY
LE PLUS BEL HOTEL DU MONDE
Horizons
Sera-t-il possible
de rendre Paris
de nouveau habitable ?
Il paraît que l'on va, une fois de
plus, s'occuper du « Paris nouveau ».
La revue la République des Lettres
consacre, après le Congrès du Jour
nal, un numéro à cette question. Çà
et là des « urbanistes » en exposent
les complexes problèmes dans des
articles pleins toujours de bonne vo
lonté et souvent d'une grande scien
ce. M. André Ménabréa annonce que
le Congrès ouvert l'an dernier tien*
dra de nouvelles assises.
Tout cela est fort bien. Mais, hé-
las ! de tout cela il ne sortira rien.
Ou des solutions plus que bâtardes,
pires que le mal actuel parce qu'elles
l'aideront à s'installer plus fortement.
Pourquoi cette négation ? Parce
que le problème est insoluble avec les
seules décisions que peuvent prendre
des groupes, des assemblées tenues ou
gênées par trop d'intérêts particuliers,
incapables de voir loin, incapables
même, si elles apercevaient le but
d'avoir l'empire nécessaire pour l'im-
poser.
Il y a désormais trop de distance
entre les besoins nouveaux et les si-
tuations acquises. Tant que plusieurs
hommes devront discuter pour se met-
tre d'accord sur telles déterminations
formidables ; tant qu'ils hésiteront à
engager des dépenses fabuleuses que
l'incertitude de l'avenir n'assurent
pas, aucune des audaces nécessaires
ne sera risquée.
Dans quelques années donc on ne
pourra plus ni circuler ni respirer
dans Paris. Il faut s'y résigner. Vi-
vre dans cet enfer deviendra un sup-
plice mortel. On sera sans doute
obligé, pour aller tour à tour s aérer.
d'organiser toutes les occupations et
fonctions en équipe.
Pour que Paris redevienne une ville
abordable et saine deux moyens seu-
lement s'offrent : exporter la masse
des voitures et du public ou bien ou-
vrir des voies immenses. I! faudrait
donc ou bien transférer la plupart des
grandes institutions hors de Paris, ou
bien abattre, à la façon des plans de
Le Corbusier et de quelques autres
architectes jeunes, la plus grande
partie des quartiers du centre, ou-
vrir des avenues et récupérer en
hauteur.
Qui aura la volonté ou plutôt le
., pouvoir de pareille décision ? Per-
sonne. Qui engagera et coordonnera
les immenses capitaux ? Personne.
Il faudrait un dictateur et mieux en-
core : un chef sûr de durer. immor-
tell
Donc on se résignera à ces arvéna-
gements bâtards dont je parlais et qui
auront peut-être un jour, quand le
supplice aura passé la promesse de
plaisir, cet avantage de pousser
nombre d'enragés citadins à préfé-
rer les champs où l'on respire, où
l'on ne travaille plus en forçats.,Déjà
un mouvement dans ce sens, pour
imperceptible qu'il semble, se des-
sine. L'auto, qui aura embouteillé
Paris, le dégagera.
Mais, hélas ! quand viendront ces
temps bénits que seront devenues tel-
les de nos si belles perspectives.
Vous parlez de transformer, d'or-
donner Paris 1 Ne vaudrait-il pas
mieux commencer tout de suite par
sauver cette admirable avenue des
Champs-Elysées. Chaque jour elle
sombre un peu plus dans l'horreur ;
- chaque jour elle attaque l'harmonie
de cet Arc voulu par Napoléon.
Quand on n'a été capable ni de fixer
un style aux maisons ni au moins de
leur imposer une hauteur sans tri-
cherie et, aux superstructures, un
galbe vigoureux, quand on laisse ainsi
s'édifier peu à peu une architecture
- pustuleuse, aussi affreuse que celle
de l'affreuse promenade des Anglais,
on est mal venu à parler d'urbanisme
et de plans d'une cité future.
Gabriel BOISSY.
Hier, les Académiciens
ont gagné 150 francs !
L'Académie française a battu hier
an record: celui de la carence des
immortels à la traditionnelle réunion
du jeudi. Les « 40 » n'étaient en effet
que quatre: MM. Barthou, Louis Ber-
tiand, le duc. de La Force et René
Doumic.
Le jeton de présence, qui est sou-
mis à la loi des fluctua-ions selon le
zèle ou la paresse des académiciens,
A vîflu 150 francs.
Une seule révision au dictionnaire:
officier, qui a été passé en revue avec
des inscriptions, comme un simple sol-
dat. Et il n'y av",;t même pas un ma-
réchal ! — L. A. 4 :
aucune visite n'est admise
auprès de M. Clemenceau
Nous avons dit, hier, l'inquiétude
que donnait la santé de M. Clemen-
ceau. Aucune aggravation n'est signa-
lée, mais l'accès de la maison de l'an-
cien président du Conseil est gardé à
chaque carrefour par les domestiques
de M. Clemenceau et le docteur de
Gennes, médecin des hôpitaux, l'un
des docteurs qui donnèrent leurs soins
au maréchal Foch, a été prié de venir
d'urgence de Paris à Saint-Vincent-
sur-Jard.
L'atmosphère est d'ailleurs pénible
pour un malade; un brouillard épais
vient de la mer et couvre la campa-
gne; il fait froid.
En troisième page:
LE CINQUANTENAIRE
DU DESSINATEUR CHAM
par Gaston poulain -.
Derrière le rideau ----
..a.
De tout un peu
LA GUERRE DES ONDES.
Le grand discours que prononça, hier,
à Genève, M. Briand, fd radiodiffusé par
les P. T. T. — si l'on peut dire : l'émis-
sion, bonne au début, ne tarda pas à de-
venir inaudible et nombreux durent être
les auditeurs qui passèrent à autre chose.
Radio-Paris, cependant, avait tenté de
participer à la distribution de la bonne
parole. Notre grand poste privé était prêt
à envoyer à Genève un spécialiste du mi-
cro. A défaut, Radio-Paris demandait
qu'une ligne téléphonique, partant des
P T. T., lui permette de retransmettre
les paroles de notre Premier.
Mais les P. T. T. y mirent une telle
mauvaise volonté que M. Briand monta
à la tribune avant qu'une réponse eût été
donnée. Pourtant, Agora peut affirmer
que le ministère des Affaires étrangères
voyait d'un œil très favorable cette diffu-
sion.
Une fois de plus, la routine a eu raison
des belles initiatives.
LA NOUVELLE MYSTIQUE.
On ne compte plus, aujourd'hui, ceux
qui, entraînés, d'ailleurs avec une rare
générosité, par la mystique de la paix,
veillent collaborer à la réalisation de ces
Etats-Unis d'Europe qui — ai l'on pouvait
écarter toutes ces fatalités ethniques dont
nous parlions hier — seraient faits demain.
C'est ainsi que le prince Galitzine, comte
Ostermann, annonce la constitution de la
Société c Vers les Etats-Unis d' Europe ».
Le prince Galitzine, marchant ainsi sur
les traces du prince de Rohan et du comte
de Kondenhove-Calergi (comment ne pas
penser à nos grands seigneurs encyclopé-
distes du XVIIIe siècle ?), lance un appel
où il dit :
La Société c Vera les Etats-Unis d'Eu-
rope », qui est en train de se fonder en
vue d'un rapprochement entre les na-
tions européennes, par une action extra-
gouvernementale, fait un appel chaleureux
à to.us les esprits éclairés
Cette Société, qui aura son bureau cen-
tral à Paris, tout en poursuivant le même
but (l'unité européenne) que les sociétés
de ce genre, déjà existantes, n'entend
différer des autres que par ses moyens de
réalisation. Elle compte organiser annuel-
lement, dans les différentes capitales
d'Europe, des conférences, des spectacles,
des expositions de peintures et de sculp-
tures, fonJer une revue internationale,
Tous ceux qui veulent apporter leur
concours à la Société pe.uvent s'adresser
par écrit, soit au président actif du Co-
mité central : le prince Galitzine, comte
Ostermann, 22, rue Saulnier, Paris, soit
au vice-président actif de ce même Co-
mité : M. Paul-Théodore Crivez, 24, rue
Bonaparte, Paris.
A R-*
Visites aux Comédiens anglais
Miss Violet Loraine
Comœdia commence dans sa
deuxième page la publication d'une
série d'entretiens avec les princi-
paux acteurs d'Angleterre par Mlle
Emmy Guittès.
Entre nous
Paris, tout le monde descend !
Hier, dans le train qui nous ramenait
du Midi — où il fait moins chaud qu'à
Paris — comme on allait entrer en gare,
le couloir des premières, encombré déjà
de voyageurs, prêts à descendre, avec
leur valise à la main, fut mis en gaîté
par un hurluberlu qui, sortant seulement
la tête de son compartiment, demanda:
« Pardon, Monsieur, où sommes-nous
ici? » Un éclat de rire général lui ré-
pondit, et, derrière moi, une jeune
femme charmante fredonna : « Ça, c' est
Paris! »
Evidemment, ce voyageur, provincial
peu averti pu étranger, aurait pu com-
prendre, à un certain nombre de signes,
qu'on arrivait à Paris. Mais, après avoir
pris part moi-même à la gaîté générale,
je me sentis porté à quelque indulgence
pour ce nouveau débarqué.
Je remarquai, en effet, que, seules
de toutes les gares, celles de la capitale
ne portent pas le nom de la ville. Non
seulement toutes les gares portent ce
nom en grosses lettres, mais on peut le
lire, multiplié, sur les bâtiments annexes,
les lampadaires, les lanternes qui précè-
dent les gares. Avant d' arriver à Me-
lun ou à Dijon, vous lisez vingt fois,
partout : Melim, Dijon. A Paris, rien
du tout. Ni à l'extérieur, ni à l'inté-
rieur du hall. vous ne trouvez le nom
de Paris.
Je suis sûr que notre bonhomme, peu
renseigné par l'éclat de rire qui avait
accueilli son interrogation, aura de-
mandé à un employé si on était bien
à Paris. A quoi, naturellement, l'em-
ployé aura répondu : « Et alors ? »
Et le voyageur aura sûrement répliqué,
en bougonnant : « Il fallait le dire! »
En effet, tandis qu'à Laroche, à Di-
jon, à Tarascon, les employés s' égosil-
lent à crier : « Laroche! Dijon! Ta-
rascon ! » ou bien : « Compiègne !
Cherbourg! Brest! Nancy! tout le monde
descend! ». par quelque gare qu'on ar-
rive à Paris, il n'y a pas un employé
qui crie : « Paris! Tout le monde des-
cend ! »
Il est vrai que tous les voyageurs ont
l'air de le savoir.
Iules VÉRAN.
Un dessin de Victor Hugo
Cet important et beau dessin (lavis e t aquarelle) du grand Poète appartient désormais au musée du Louvre
auquel il a été légué par Mme Loc kroy avec usufruit au bénéfice de la fille du poète, Mme Negreponte.
AU CHAT T10W
8i
Les souvenirs de Maurice Donnay
sur l'inventeur du phonographe
Maurice Donnay va Publier, dans la Revue des Vivants, ses « Souvenirs du Chat Noir ». Ce sera un régal.
Il nous confie dès les premières pages qu'il n'a pas été seulement au Chat Noir : « l'ai passé aussi par l'Ecole
Centrale; mais, chose curieuse, on ne me demande jamais de parler de l'Ecole Centrale. »
On lira ci-dessous avec un vif intérét un amusant passage des « Souvenirs » de Maurice Donnav -
Àh ! que de types pittoresques ! Le patron d'abord,
Rodolphe Salis, qui s'intitulait gentilhomme caba-
retier. Il était arrivé de Châtellerault à Paris, en
1871, pour faire de la peinture. Il avait fondé avec
le sculpteur Wagner « l'Ecole vibrante », dont le but
était de faire fraterniser l'art avec la littérature,
puis, après « l'école vibrante », il fonda « l'Ecole
irisa-subversive de Chicago » pour lutter, vous l'avez
deviné, contre l'envahissement de l'Amérique par les
Allemands. Enfin, il renonça à la peinture, sous pré-
texte que le peintre Hawkins lui avait chipé sa ma-
nière. C'est alors qu'il fonda le Chat Noir. Les chat-
noiristes de la première heure, c'étaient Emile Gou-
deau dont je vous ai déjà parlé ;Georges d'Espar-
bès, qui estjmaintenant Conservateur du Palais de
Fontainebleau; Edmond Haraucourt, depuis Conser-
vateur du Musée de Cluny; Coquelin cadet, depuis
sociétaire de la Comédie-Française et qui est mort
fou; Sapeck, fantaisiste devenu conseiller de pré-
fecture et qui est mort fou; d'autres comme Fer-
nand Icres, Charles Cros, Charles de Sivry, Mac
Nab, qui sont mort jeunes; d'autres, Georges Au-
riol, Louis Marsolleau, qui vivent encore, heureuse-
ment.
Parmi tous ces hommes extraordinaires, un des
plus extraordinaires fut certainement Charles Cros,
l'inventeur du phonographe. Le 30 avril 1877, un
jeune savant déposait sous pli cacheté à l'Académie
des Sciences, la description détaillée d'un appareil
destiné à reproduire et enregistrer les vibrations
acoustiques. Et ce n'était pas seulement le principe;
mais aussi la disposition, la réalisation possible du
phonographe, c'était comme on l'a .dit, tout le pho-
nographe qui était contenu sous ce pli cacheté. Et le
jeune savant qui communiquait à l'Académie des
Sciences son procédé d'enregistrement et de repro-
duction des phénomènes perçus par l'ouïe, c'était
Charles Cros, alors âgé de trente-cinq ans. Il avait
déjà trouvé d'ailleurs la photographie des couleurs
et la synthèse des pierres précieuses.
Peu de personnes savent ce que fut entre les mains
de Charles Cros le premier phonographe. Imaginez
une boîte à cigares, un mouvement d'horlogerie, une
plaque recouverte de cire vierge que Charles Cros
repassait avec un fer à repasser pour obtenir une
surface bien plane ; une membrane vivante contre
laquelle un bec de plume qui inscrivait les vibrations
sur la cire vierge. Vous pensez bien qu'il ne s'agis-
sait. pas de reproduire de longues phrases, ni des
discours, ni des mélodies, ni des morceaux d'orches-
tre. Charles Cros "invitait un des assistants à crier
dans la boîte à cigares un mot bref et sonore. Chose
singulière, l'assistant, quel qu'il fût, choisissait tou-
jours le même mot, mot énergique prononcé à Wa-
terloo par un général français sommé de se rendre,
mot historique qui se trouvait reproduit dans la boîte
à cigares avec un chevrotement nasillard, ridicule et
charmant.
Quoi qu'il en soit, Charles Cros est bien l'inven-
teur du phonographe qu'il appelait alors le poléo-
phone. Cette priorité a été bien établie, il y a deux
ans, le soir d'une cérémonie organisée à la Sorbonne
pour fêter le cinquantenaire de l'invention du phono-
graphe, cérémonie où je fus chargé de prendre la
parole, parce que j'avais été au Chat Noir, encore,
toujours ! et qu'il s'agissait de rendre hommage et
justice à un ancien camarade.
Et ce Charles Cros n'était pas seulement un sa-
vant, il était aussi auteur de monologues pleins
d'humour qui eurent à l'époque dont je vous parle
une vogue immense : le Hareng saur, Y Obsession, le
Bilboquet, la Famille Dubois.
Charles Cros était un poète original, - un poète
avec tout ce que ce mot comporte de fantaisie, de
rêves, de chimères et de désintéressement. Sous ce
titre, le Coffret de Santal, il avait publié un exquis
volume de vers, et dans ces années 18S0, à Mont-
martre, sur des musiques de Marie Krysinska, de
Charles de Sivry, de Cabaner, musiques aujourd'hui
introuvables, les jeunes femmes infidèles et senti-
mentales qui prodiguaient aux artistes, sur la Butte
sacrée, les réalités de l'amour et ses illusions plus
nécessaires encore, chantaient les Chansons perpé-
tuelles de Charles Cros ; elles chantaient la Vie
idéale ; -..-.
Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs' rares,
Où l'on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, œillets et tilleuls,
Charmeraient l'ennui du grand' parc où seuls
Parfois des rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l'on songerait parmi ces parfums
De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.
Chaque soir, chez Salis, des jeunes gens se réu-
nissaient. On chantait des chansons, on disait des
poésies. La renommée de ces fêtes étonnantes se ré-
pandit dans Paris : bientôt la grosse finance, la
politique nantie, la noce dorée vinrent rendre visite
à l'insouciante bohème, et des soirs, le vendredi sur-
tout qui devint le jour chic, on vit au Chat Noir des
femmes de l'aristocratie, de la haute bourgeoisie et
aussi des demoiselles, des horizontales, comme on
disait en ces temps verticaux.
Ce Chat Noir là, je ne l'ai connu que par les ré-
cits qu'on m'en a faits depuis. Je ne l'ai point fré-
quenté et je le regrette, car c'étaient alors les temps
héroïques. J'étais élève à l'Ecole Centrale ; mais si
je ne fréquentais pas le Chat Noir cabaret, je lisais
le Chat Noir journal et par cet organe j'étais admi-
rablement mis au courant du jeune mouvement lit-
téraire, je vivais en esprit avec mes futurs camara-
des. Je lisais des vers, surtout des vers. Dans mes
classes de mathématiques, j'avais beaucoup lu Victor
Hugo, Lamartine, Musset, Vigny, Baudelaire, Ban-
ville, Coppée, Lecontë de Lisle, les romantiques, les
parnassiens ; mais avec les poésies de Jean Richepin,
de Maurice Rollinat, d'Edmond Haraucourt et
d'Albert Samain, j'étais parcouru de frissons nou-
veaux. Je lisais aussi les contes d'Alphonse Allais
et de George Auriol. J'enviais ces jeunes gens élevés
à la rude école de la Fantaisie. tandis que moi, à
l'Ecole Centrale ! Tout de même, j'avais mon idée.
Il y a quelques années, un grand journal du ma-
tin ou du soir posa cette question à diverses person-
nalités de la littérature, des arts, de la politique :
« Quel était votre idéal à vingt ans ; la vië Ta-t-elle
nalités de la littérature, des arts, de là politique :
plupart des personnes consultées, était magnifique.
Mon idéal à moi était sans prétentions et même cer-
tains penseurs l'ont jugé frivole. A l'enquête du
journal, je répondis que mon idéal à vingt ans était
d'avoir un sonnet imprimé dans le journal Le Chat
Noir et un monologue récité par Coquelin cadet.
C'était gentil. J'ajoutai que la vie avait réalisé tout
cela et même au delà. En somme, c'était l'idéal d'un
jeune homme destiné par ses parents à la carrière
d'ingénieur, alors que cela ne plaît point à son
âme. S'il se croit une vocation littéraire, il ne rêve
que l'accessible. Cette réponse me valut même, l'ap-
probation d'un vieil oncle plein de bon sens ; Fran-
cisque Sarcey y reconnut le son de la sincérité. Bien
entendu, je ne pensais pas du tout à l'Académie. Et
comment y aurais-je pensé, lorsque je lisais dans
mon cher journal et sous la signature du bon poète
Louis Denise des vers comme ceux-ci que je vais
vous dire :
BALLADE DE LA COUPOLE
Chauves comme des veaux mort-nés
Ils sont là sur leurs bancs, quarante.
Ils auraient pu n'être que trente
Mais ils sont quarante. Leurs nez
Par le tabac enluminés
Ont des éternuements rythmiques.
Ils ont quarante ans bien sonnés
Les fossiles académiques.
Ouarante ans ! ce charmant Louis Denise était un
tout jeune homme.
Maurice DONNAY,
de l'Académie française.,
Où Va "Europe"
.-
Les Etats-Unis d'Europe : Utopie.
La standardisation américaine : Médiocrité.
nous dit M. Maurice Dekobra
M. Maurice Dekobra est un de
nos romanciers voyageurs ; il par-
court le mondé pour y rencontrer des
héros de romans et des paysages
dont la couleur et les lignes inconnues
soient un étonnement pour nos yeux.
Il est le type achevé de ces écri-
cains cosmopolites et internationaux
qui n'attendent pas l'inspiration dans
le silence et la méditation de leur ca-
binet de travail. Aujourd'hui les
apôtres ne se réuniraient pas au Cé-
nacle pour y recevoir l'Esprit. Non !
Plus que jamais, l'Esprit souffle où
il veut, et M. Maurice Dekobra doit
le poursuivre.
Aussi saute-t-il du paquebot dans
l'avion et dans le sleeping. Ne
croyez pas que M. Maurice Deko
bra soit pour cela un agité, mêm*
un « agité léger », comme disent les
psychiatres. Il n'y- a pas d'homme
plus flegmatique au monde. Les per
sonnages de ses romans vivent au
rythme frénétique du siècle. Lui m'a
paru fort raisonnable et d'une par
faite modération. Il les crée, mais en
même temps, sans aucun doute, les
juge. A leur place je ne. serais pas
tranquille. D'autant plus que ce cal-
me de M. Maurice Dekobra est un
peu moqueur !
Avec cette même ironie à froid, il
m'a accueilli, mes questions ne l'ont
point pris au dépourvu. L'Europe
n'est pour lui qu'un département de
la Terre. Et la Terre, il la tient
comme une orange dans le creux de
sa main. Il jonglerait avec, s'il le
voulait. Rien que la terre ! comme
dit Paul Morand.
Aussi croit-il aisément que « le, ta
bleau de la vie de province» un siè-
cle après Balzac, a besoin d'être
aéré. C'est une nécessité pour les
écrivains de franchir les frontières
Il lui faut écrire pour tous les gens
civilisés du monde. M. Maurice
Dekobra reconnaît là « la Société des
Nations sur le plan littéraire ». Et
il sent dans l'âme moderne « le dé-
sir impérieux de faire tomber les bar-
rières qui séparent la mosaïque eu-
ropéenne ».
La politique mondiale lui semble à
la.. vérité; âevoir aljer plus * difficile-
ment .vers, l 'unité que.. la- ,-ciiriosité
littéraire. Il n'est pas dé - ceux qui
croient que le conflit de l'Europe et
M. Maurice Dekobra
des Etats-Unis doive se terminer par
la soumission à l'Amérique :
— La colonisation de l'Europe par
les Américains va amener une réac-
tion. Les financiers sont encore les
seuls à connaître exactement le nie
canisme qui nous met dans la déper
dance des Américains. Dès que le
public l'aura compris, l'opinion ne
pourra plus rester indifférente. Peut-
être qu'alors une véritable union se
fera entre les nations européennes
pour prendre des mesures contre un
créancier si intransigeant..
Mais M. Maurice Dekobra ne s'ar-
rête pas au péril, économique de
l'Europe. Il va plus loin :
— L'intelligence et la civilisation
européennes sont menacées par !a
standardisation. Un Ford a commen-
cé un âge nouveau dans l'histoire de
l'humanité. Ce qui s'est fait-sur le
plan industriel se fera sur le plail
intellectuel. Une des plus importan-
tes manifestations de cette standardi-
sation, je la vois dans le cinéma lui-
duira des films qui * puissent être
duire des films qkii puissent être
goûtés par l'univers entier. Cet art
qui tend à devenir accessible à toute
l'humanité, quel phénomène de stan-
dardisation ! Et il est bien certain
que 'le cinéma devenu parlant et so-
nore, avec bientôt la couleur et le
relief, formant ainsi un spectacle
complet, sera l'unique distraction de
la masse. D'ici cinquante ans, le
théâtre sera réservé à une élite qui
a souci de recherches esthétiques.
Est-ce que M. Maurice Dekobra
loue cette uniformité de l'art ?
- Non ! Cela ne me remplit pas
d'admiration! Bien" au contraire. Lo
niveau intellectuel de toute cette fou-
le est. la moyenne faite, égal à un
demi-degré au-dessous de zéro ! Par
optimisme mettons un degré ! Voilà
qui est inquiétant ! L'on peut croire
que les Spectacles que l'on offrira
pour contenter tout le monde auront
une médiocre valeur !
L'égalité mène donc à la médio-
crité. M. Maurice Dekobra paraît
l'estimer. Il n'a pas tort. Il est con-
tre la standardisation américaine ap-
pliquée aux choses de l'intelligence.
Il la redoute. Elle n'aboutirait qu'à
mettre chaque peuple d'Europe en
état d'infériorité intellectuelle alors
que chaque peuple n'aurait .même
pas les avantages de cette standardi.
sation politique, appelée Etats-Unis
d'Europe. Le sentiment de M. Mau-
rice Dekobra est très net :
— Les Etats-Unis d'Europe sont
une utopie irréalisable. Ce qui me
semble, possible c'est une division
par groupes ethniques. D'abord le
groupe des nations latines : la France,
l'Italie, l'Espagne avec l'association
rouniano-yougoslave. - Le groupe des
nations germano-slaves : l'Allemagne
et la Russie qui aura évolué du bol-
chevlsme à une république
pitalisme sera toléré. Enfin fè groupe
anglo-saxon où je vois ensemble l'An-
gleterre et les Etats-Unis, alliés par
intérêt pour la lutte du Pacifique
contre l'expansion japonaise. Il y A
là un conflit inévitable. Encore euel.
que vingt ans ! Vous verrez ! • <
Que se passera-t-i! ? M. Maurice
Dekobra, avec le sourire méphisto-
phélique
— Cette fois nous sommes les
neutres et c'est notre tour de nous
enrichir pendant que les Etats-Unis
se battent. A notre tour de faire des
crédits aux Etats:Unis, de récupérer
nos dettes, et de voir les stocks fran-
çais payés très chers par les Yankees 1
Ne souhaitons rien de tout cela
Mais avouons que les Américains ne
l'auraient pas volé. M. Maurice De-
kobra est fort pessimiste. L'avenir de
l'Europe et du monde ne lui semble
pas rose. Il m'a bien un moment loué
ce temps-ci « où après avoir échangé
des schrapnells, on échangerait des
idées », mais je crois que dans son
esprit le blâme l'emporté sur la
louange. Je crois qu'il ne présuma
rien de bon de tout ce que voient no.
yeux, et que si l'univers chante pour
s'étourdir, il ne fait que chanter « la
sérénade au bourreau »..
Max FRÀNTEL.
A u Théâtre Dauntm
"ARTHUR"
Opérette en 3 actes de M. André Barde
Musique de M. Henri Christiné
Arthur Michoux est esthéticien
— entendez « masseur » — pour
femmes « snobs ». Selon les exi-
gences de la mode, il les pétrit, il
les moule, — ce mot leur sied — il'
leur met les seins à la place du ven-
tre, le ventre à la place du dos, le
dos à la place des épaules, les épau-
les à la place, etc., etc. Objet à
la fois du respect et du désir de ses
clientes, Arthur tient à conserver son
prestige : aussi ne voudrait-il pas
que sa femme, Mado, le ridicoculi-
sât. Or, ce 'n'est point pour les va-
lises de ses beaux yeux, mais pour
son sac que cette jeune fille du mon-
de accepta la main du masseur, et
aussi pour aimer librement Hubert
de Fondragon, ruiné comme elle.
Une lettre trouvée dans un meuble
apprend au bel Arthur son infortune
conjugale. Mado, qui lui rendrait
volontiers sa main mais non ce qu'il
y a dedans, entreprend de lui dé-
montrer que cette lettre ne lui était
point adressée. La femme avec qui
Hubert de Fondragon correspond se-
crètement, c'est Antonine, leur cou-
sine, une jeune créole qu'ils ont re-
cueillie chez eux. comme femme
de ménage.
Antonine est un souillon ; Antonine
paraît sotte. Fondragon, cédant aux
prières de sa maîtresse, consent pour-
tant à l'épouser. Antonine, qui a re-
marqué le jeune Roger Beautramel
- un ami des Michoux -' voit dans
cette union la possibilité de s'élever
jusqu'à lui. Elle accepte, étant en-
tendu aue ce mariage sera blanCa
Le deuxième acte nous transporte
sur la Côte d'Azur, où nous retrou-
vons Antonine, maintenant élépfnte,
très « à la page » et remportant,
au grand dépit de sa cousine, le pre*
mier prix au concours des maillots
de bain. Roger Beautramel se soucie
fort peu de la jolie fille, mais ce
jeune homme a une mère qui vou-
drait que son fils fût l'amant d'une
femme mariée — ce serait une sé-
curité pour elle! Elle lui promet une
moto et mille francs par mois si An-
tonine devient sa maîtresse: aussitôt,
Roger, bien que fort ignorar.t des
choses de l'amour, embrasse- Anto-
nine sur la bouche et lui donne ren-
dez-vous dans sa chambre, à minuit,
C'est là que les circonstances réu-
niront les protagonistes. Arthur, qui
désire également Antonine, lui
adresse à travers les rideaux du lit
une déclaration brûlante, fort impo-
lie pour sa fetnme et Fondragon.
Ceux-ci, à l'arrivée d'Arthur, se sont
précisément réfugiés dans ce lit; ils
en surgissent tour à tour à la con.
fusion du masseur, honteux, repen.
tant et ne doutant plus de sa femme.
Cependant, Roger Beautramel s'est
aperçu de ce que Mme Fondragon
était vierge. Il l'épousera pour ré-
parer le dommage causé.
Cette pièce nous a permis de cons-
tater un fait curieux : le premier
acte — au cours duquel l'auteur
s'est efforcé d'exposer clairement son
postulat et de nouer solidement son
intrigue - a paru quelque peu labo-
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