Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1930-01-13
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 13 janvier 1930 13 janvier 1930
Description : 1930/01/13 (A24,N6206). 1930/01/13 (A24,N6206).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k76481639
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/05/2015
24 ANNEE. — N° 6206.
51, Rue Saint-Georges. — Tél. ':. Trudàine 92-80 à 02-84.
LUNDI 13 JANVIER 1930.
GabrM ALPHAUD,
Directeur
.Une ample comédie aux cent actes divers
et dont la scène est l'uni ver*.
(LA FONTAINE.)
REDACTION ADMINISTRATION
61, rue Saint Georges, Paru (g9)
,Télpnhonp : I rtiMaint- m Fi-) n? M
Le Numéro : CINQUANTE centimes.
ADONIS EX EM s 3 moie 6 mois t an
France et Colonies 36 n 66 » 125 »
Etranger. 56 a 104 » 200 D
Adresse télégraphique : COMOEDIA PARIS
Chèque poetal : 3î6-ja Paria
Adresser la correspondance sans exception
à M. le directeur de « Comœdia w
Tout paiement imposé est un
impôt.
Une fois les parcs d'autos ins-
tallés la rue « ne sera plus à tout.
le monde ».
Ainsi vont les choses.
Pour que E Mauclair
ne se détourne pas
de la question principale
Avec une âpreté singulière et qui mar-
que bien sa détresse sur le fond de sa
position, M. Camille Mauclair triomphe
à propos de l' affaire Ramond. Il aura
beau faire, nous ne le laisserons pas don-
ner ni même se donner le change.
L'affaire Ramond, dans la forme
qu'elle a prise, n'est qu'un épisode, un
accessoire tout à fait inattendu — et de
M. Mauclair lui-même — dans la mé-
chante querellç qu'il a cherchée contre
les vrais artistes de ce temps- C'est cette
querelle, sa justesse artistique, qui
constitue le fond.
Sentant chaque jour un peu plus qui
s' est égaré sur ce point, comme le dé-
montrait indiscutablement son article du
9 janvier dans L'Ami du Peuple, M.
Mauclair se réjouit, comme une petite
folle, qu' un fonctionnaire indélicat se
soit trouvé pour lui donner au moins
administrativement raison.
Mais, au fait, s'il est exact que
M. Mauclair - et cela est fort heu-
reux — ait soulevé le lièvre, il ne l'est
pas qu'il l'ait aperçu le premier. Dans
son premier article du 30 novembre, il
ne découvrait pas, il ne nommait pas le
fonctionnaire prévaricateur. Il posait une
question? Il semblait croire même à
quelque mystification totale et deman-
dait : qui était « M. Qui ». C'est moi
qui, le 3 décembre, tout à trac, ai
désigné, nommé, qualifié ici M. Ra-
mond. Pourquoi? Parce que, voyant ce
garçon attaqué sur un point qui ne me
.paraissait pas alors un crime, il me parut
:t-!'Un bon naturel de le dire.
Et plusieurs jours après seulement,
M. Mauclair, le 17 décembre, grâce à
mon article précis, documenté, apprenait
l'existence réelle de ce trop jeune « ad-
ministrateur », son nom, et l'écrivait dans
L'Ami du Peuple. En sorte qu'il vou-
dra bien me concéder que si, grâce à lui,
le pot aux roses fut découvert, nous
avons tout au moins collaboré!.
Dès mon deuxième article — réponse
à sa diatribe — je sentis si bien que le
jeune Ramond n'avait pas seulement
pratiqué un « second métier » que je
fariisis toutes réserves sur une faute pos-
sible. Et, quand elle apparut, cette faute
ou plutôt cette grave prévarication sur-
prit, sans doute, M, Camille Mauclair,
honnête homme, autant que moi-même.
Elle n'avait aucun rapport avec le fait
de savoir si Viamjnck, Picasso, Lhote,
Derain ont ou n'entras de talent.-Elle
laissait, cette question, la seule qui m'in-
téresse dans cette controverse, toujours
courtoise de ma part et de la part de mes
collaborateurs, tout à fait entière. Elle
n' avait même à peu près rien à voir avec
les manœuvres de ces marchands métè-
ques qu non dont M. Mauclair a parfai-
tement raison de flétrir les trucs et les
manœuvres.
ir -- L • ..,
-il se trouvas tout simplement que pour
organiser une exposition un fonctionnaire
dévoyé avait puisé dans les fonds dont il
avait charge et cela il ne s'agit ni de le
dissimuler, ni de l' atténuer. Cependant
on éprouve un réel chagrin qui m' empê-
che de piétiner la victime, un malheureux
incapable de tenir des fonctions si déli-
cates et coupable aujourd'hui parce que
l'on fut coupable de le perter à pareil
poste.
Que l'affaire suive son' cours c'est
normal et j'applaudis M. André Fran-
çois-Poncet, net, lucide et ferme, d'avoir
,ouvert les portes aux nettoyeurs.
Mais, je le répète, cet épisode, tout
à fait accessoire et de simple droit com-
mun. qui s'est tout à coup et par sur-
prise greffé sur le principal, ne saurait
permettre à M. Camille Mauclair de fi-
ler par la tangente et d'échapper sur le
fond. Il me permettra de l' y ramener,
toujours avec petitesse, avec la plus vive
estime — et il en verra bientôt les preu-
ves — pour son œuvre passée, mais avec
ténacité.
Et pour le persuader qu'il a eu tort de
confondre dans une attaque générale bri-
coleurs métèques, monteurs de coups de
la bourse picturale, marchands, gale-
ries, peintres farceurs, peintres nova-
teurs, je me contenterai de relire avec
,lui son dernier article sérieux, celui du
9 janvier.
Il se défend d'avoir voulu confondre
.u avec les Chirico, les Klee, les Pram-
polini, des hommes comme Segonzac et
L.-A. Moreau ». Il tente de nous per-
suader que si les impressionnistes ont été
de vrais « novateurs », les Matisse, Vla-
minck, Dufy, Van Dongen, Lhote, Pi-
casso, Friesz, Utrillo, Rouault, Derain,
Laurencin n'en sont point. Sans bla-
gue! Et M. Mauclair demande :
tée ? » La plupart de ces peintres nous
ont ramené, avec une technique plus ou
moins heureuse, tout simplement à l'art
traditionnel. Ils n'ont pas comme les im-
pressionnistes innové en créant une ma-
nière sans issue, mais c'est innover que
de ramener l'ait à ses sources classiques
eï fécondes. Un Dufy stylise ou crée la
même fantaisie que le même Mauqlair
admire dans les tapisseries et les mosaï-
ques persanes ! Et Lhote compose comme
un Hellène ou un Ghirlandajo.
- Mais poursuivons. Voici encore M.
Camille Mauclair, corrigeant de son
mieux ces excès de sa plume, contre
quoi seulement nous nous sommes élevé:,
à Vlaminck, dont il a « vu quelques
fortes aquarelles », il ne reprochera plus
que « ses valeurs souvent fausses » et
des « effets fuligineux H, son « bour-
souflement », etc.; — à Utrillo il re-
connaît « des qualités de finesse et de
sentiment mélancolique ».; — à De-
rain il accorde d'être un sincère qui se
retourne vers les maîtres. Etc., etc.-.
Allons! voilà M. Camille Mauclair
sur la bonne voie. Il ne lui reste qu'à
découvrir ces Matisse, ces Derain et sur-,
tout ces Picasso merveilleux dont il
s'étonne qu'on lui parle toujours sans les
lui montres jamais et il trouvera peut-
être son chemin de Damas. Mais préci-
sément il y a au Théâtre Pigalle une
exposition Cézanne — bien incomplète
pourtant — de ce Cézanne ridicule et
honni. Puisse M. Camille Mauclair y
aller et il se rendra compte que. sans
être des génies indiscutables, il y a en-
tre tous ces peintres, qu'il a prétendu tout
d'abord jeter dans le même sac, des dif-
férences considérables. En tout cas nom-
bre d' entre eux ont, seuls, apporté une
vision personnelle et dynamique de notre
temps. On né lui ai jamais reproché
qu'une chose : s' arrêter à leurs seuls
défauts et en essayant de gêner le mou-
vement général en letir faveur, en les
confondant par malice, emportemént ou
ignorance avec les farceurs, de barrer la
route magnifique sur laquelle l'art con-
temporain s'est engagé. M. Camille
Mauclair, qui est peintre lui-même, ne
peut tout de même pas ignorer que les
bons faiseurs sont aussi pernicieux .;.-.
plus même — que les plaisantins, qu't J
art il vaut mieux des fous qui trouvent
que des sages qui stérilisent.
Gabriel BOISSY. J
Derrière le rideau
De tout un peu
Le nouveau - régime des taxis.
Les taxis ont eu une bonne presse. le
jour où ils se sont mis en grève. -
Une nouvelle conférence s'est tenue dans
le cabinet du préfet de la Seine. Il y avait
là M. Delavenne et les représentants des
loueurs et des chauffeurs de taxis. Une
commission d'études a été nommée pour
apporter diverses modifications à la per-
ception du droit de stationnement. à don-
ner aussi satisfaction aux directeurs de
théâtres en ce qui concerne le' transport
des spectateurs à l' arrivée et au départ et
le gardiennage des voitures privées. Il
sera avisé également à l'étude d'une ques-
tion importante : l'extension de la limite
à l'intérieur de laquelle ne sera pas per- j
çue l'indemnité de retour.
Du bon sens
à propos d'assurances sociales.
M. de Pawlowski, qui récemment ap-
puyait de toute son autorité de vétéran
automobiliste le sentiment que, les pre-
miers dans la presse, nous avons exposé
ici au sujet de la fameuse ordonnance du
stationnement, a publié, hier, dans Le
Journal, un remarquable article sur les
assurances sociales. Il faut souhaiter
qu'avant de mettre la loi néfaste en vi-
gueur, avant de la remanier, nos parle-
mentaires tiennent compte de cette critique
d'un grand psychologue social.
Mais du moins se trouvera-t-il un député
pour faire introduire au moins la modifica-
tion pratique que propose M. de Paw-
lowski? Se fondant sur cette disposition
bien connue des assurances d'automobiles
qui réduit de moitié la prime quand l'as-
suré garde à a& charge les petits risques,
il demande que les assurée ne le soient
que contre les gros risques. « Ce qui nous
indigne, c'est de penser qu'on pourra dé-
livrer chaque jour, à nos frais, sur l'ordon-
nance d'un médecin marron, des journées
de permission, des cachets d' aspirine,
voire même de la poudre de riz. »
AGORA. ;
Autour d'une coquille
Dans Les Mystères de l'A cadémie
Concourt, où M. Jean Ajalbert déroule
pour notre grand plaisir ses souvenirs de
quarante ans de vie littéraire, et d'une
plume qui à l' occasion sait être mor-
dante et même agressive, j'ai trouvé une
bien jolie coquille : « Stuart Mill » pour
Stuart Merrill- Ainsi, par un miracle de
typos, le philosophe anglais, qui est mort
en 1873, en Avignon, où il s'était fixé
après la mort de sa femme, décédée
dans cette ville au cours d'un voyage.
se trouve avoir été « aux environs de
1886, avec Verlaine, Gustave Kahn,
Henri de Régnier, une des colonnes du
symbolisme ».
Clemenceau, qui n'avait pas manqué
de lire ces souvenirs de son ami, M.
Ajalbert, aurait été bien amusé de trou-
ver en cette compagnie son Stuart Mill,
dont il avait traduit un ouvrage, et qui.
comme le rappelle très justement
M. Jean Màrtet dans les deux livres si
instructifs, si suggestifs qu'il vient de lui
consacrer, avait exercé une sérieuse in-
fluence sur sa formation politique.
Mais des personnages qui défilent sur
le film de M. Ajalbert, et qui nous ont
quittés, Clemenceau n'aurait pas été le
seul à savourer la belle coquille. Il y
aurait eu aussi Paul Mariéton qui avait
acheté e la bibliothèque de Stuart Mill,
pour la léguer ensuite au Musée Calvet
d' Avignon. Et pareillement cette char-
mante et si lettrée Térèse Boissière, qui
survécut bien quelques années à son mari,
Jules Boissière, mort si jeune, l'auteur
de ce chef-d'œuvre, Fumeurs J'optum,
et d'un recueil de poèmes provençaux,
a ître vrai chef-d' œuvre.
Térèse Boissière, que tant de Pari-
siens du monde littéraire se faisaient un
régal d' aller ssluer, à leur passage en
Avignon, si même ils ee s'y arrêtaient
exprès, dans la fameuse librairie Rou-
manille, fondée par son père, le célèbre
écrivain provençal, avait acheté, en
effet, les papiers de Stuart Mill, parmi
lesquels se trouva un important' manus-
crit inédit qu'a publié depuis une re-
vue anglaise; elle avait acheté aussi et
conservé le piano de Stuart Mill, une
épinette plutôt, qui avait servi à sa fem-
me et à la fille qu'elle avait eue de son
premier mari, Miss Helen Taylor, qui
devint, comme sa mère, après la mort de
celle-ci, la collaboratrice de Mill.
En somme, voilà une coquille qu'on
peut comparer à celles qu'on trouve sur
les rivages de la mer et d'où sort, quand'
on les approche de l'oreille, tout un
monde de rumeurs.
Jules VÉRAN.
* Une mise en scène de Jessner
Voici une des mises en scène les Plus remarquables de Jessner, le célèbre « intendant » berlinois, qui quitte sa
direction, ainsi que le rapporte dans notre ti,.adrième, page no'tre collaborateur Jean TarveU
Ce cliché représente la Scène du (t Grutli. », dans Guillaume Tell, dé Schiller.
LES GRANDES THÈSES EN SORBONNE
Ivresse de poésie, le symbolisme français
a libéré la poésie américaine
Les soutenances de thèses ont recommencé en Sor-
bonne. Ce sont de belles cérémonies. Dans une salle
toute d'or, derrière un vaste et noble bureau, un jury
sévère interroge le candidat, assis à une petite table.
Et un public nombreux où, naguère, nous avons eu
à saluer Clemenceau, écoute le docte combat.
Tous les samedis, la savante parade se déroule.
Tout à l'heure c'était un jeune Français, M. René
Taupin, professeur à Columbia-University, qui nous
entretenait de l'influence exercée par le. symbolisme
français sur la poésie américaine de 1910 à 1920.
Beau sujet. Mais ce n'est pas le vrai symbolisme
que M. Taupin nous a rapporté de son enquête sur
la poésie américaine.
Tel que nous l'avons connu et aimé, le symbolisme
était un merveilleux courant, vaste comme le Nil, mi-
roitant comme un lac, parfumé comme une forêt. Il
n'avait point de définition. Il vivait.
Dure avait été la discipline parnassienne; mono-
tone, sa mélodie; impérieuse, sa cadence; étroite, sa
volonté. Elle'se campait à l'écart; elle méprisait le
réel; se défiait de l'illusion, et ne laissait d'autre
perspective à l'homme sans espérance, que le néant
qui affranchit du temps, du nombre et de l'espace.
Et voici que, tout à coup, le poète nouveau nous
arrachait à cette dure periectitfn Il aimait la poésie
comme une facilité! Pour lui, tout était poésie ! Et
la poésie était spontanéité et liberté.
Le réel ne se trouvait plus en opposition avec la
volonté du poète comme au temps du Parnasse. Il
avait cessé d'exister. Pourquoi s'en aller au bord de
la mer s'exposer au froid et au chaud, subir des
voyages fatigants et des hôtels coûteux, alors qu'il
suffit d'entrer au Louvre pour avoir sous ses yeux,
dans les tableaux des maîtres hollandais, vingt pay-
sages marins plus beaux que la mer? La poésie sym-
bolique nous entourait de tout ce que nous aimions.
Nous attendions d'elle, plus encore : nous espé-
rions je ne sais quoi de supérieur à tout ce que l'hu-
manité avait jamais produit : l'œuvre totale ! Le sa-
vant moderne a conscience de l'interdépendance de
toutes les choses, sans exception, dans l'Univers. Il
croit qu'il existe une science totale, définissant les
rapports de toutes les choses. Il cherche cette science:
qu'il appelle géométrie, mécanique ou thermo-
dynamique. Incapable de la réaliser actuellement, il
estime qu'on peut s'en approcher davantage, à cha-
que génération.
Ainsi la poésie symbolique tendait vers l'art total,
qui créerait un univers aussi riche que la réalité to-
tale, avec la perfection de la beauté et la grâce de
la liberté par surcroît. Mallarmé avait évoqué au lieu
1
d'une rose, « l'absente de tous bouquets ». Et nous,
dans notre fièvre, nous appelions le génie qui créerait
infailliblement « l'absent de tout l'Univers ».
Non! Ce n'est pas cette ivresse que M. Taupin
nous a rapportée des Etats- Unis parce qu'elle n'avait
jamais passé l'Océan.
Les étrangers, en effet, ne sont pas gouvernés par
les courants du dehors.
Sauf Vielé-Griffin et Stuart Merrill, qui vivaient
chez nous, les Américains étàient trop « hétérogè-
nes » (comme les Polonais ou les Anglais, ou les
Allemands) pour se, laisser emporter hors de chez
eux à une influence française instinctive, indéfinissa-
ble, et enveloppante.
Il faut à l'écrivain étranger qui veut se former
chez nous une influence précise, directe, définie et
conforme soit à sa sensibilité, soit à ses idées.
Ainsi un Américain s'attachera à un homme qui
l'aura étonné et qui lui aura plu, non à une école; il
ne consultera pas les classements et la hiérarchie offi-
cielle, il fera son choix — sans même s'apercevoir
qu'il choisit — selon son appétit, selon ses besoins.
Parmi les poètes français qui ont agi sur l'imagi-
nation américaine, M. Taupin cite pour exemple
Tristan Corbière qui n'était pas symboliste, et Théo-
phile Gautier qui ne pouvait pas l'être. Cela ne veut
pas dire que pour les Américains Théophile Gautier
fût plus parfait que Mallarmé ou Corbière plus mo-
derne que Verlaine ; mais Corbière et Gautier leur
convenaient et leur étaient d'un grand secours.
De quel genre fut ce secours ?
M. Taupm nous l'explique très bien : les poètes
français modernes, dit-il, ont affranchi les poètes
américains des thèmes traditionnels qui étaient de-
venus à la longue des mensonges. Je me rappelle que
le grand poète de langue espagnole Ruben Dario re-
merciait, exactement, Verlaine et Mallarmé de lui
avoir rendu ce service-là.
Les poètes du symbolisme français dont l'in-
fluence a traversé l'Atlantique ont été dans tous les
sens du mot des « briseurs de chaîne ».
De plus, nos poètes, épris de perfection et tou-
jours en quête de techniques nouvelles, ont enseigné,
aux Américains cette perfection et ces techniques.
M. Taupin nous en a apporté des exemples saisis-
sants.
De telle sorte que notre poésie a été pour les
Américains une école de liberté et une école d'art :
nous ne les avons pas rendus français et symbolistes,
mais plus américains et mieux poètes.
Fortunat STROWSKI,
Membre de l'Institut.
Le panache formidable du Mont-Pelé
Voici iinê impressionnante photographie de l'éruption nouvelle du redoutable volcan de notre belle île de la
'Martinique, et qui fait redouter une ç atastrophe égale à celle de 1902 qui détruisit Saint-Pierre et 40.000 personnes.
- (Wide Wold photo.)
La crise parisienne
une prokslArion
contre les parcs d'autos
La protestation grandit contre tou-
tes ces ordonnances sur les automo-
biles. On comprend fort bien les dif-
ficultés devant lesquelles se. trouvent
M. Chiappe et ses services, on sait que
leur bonne volonté est certaine, mais
ont-ils réfléchi, non pas à leurs près
criptions mêmes, mais aux incidences
commerciales de ces prescriptions. Le
mal n'en sera-t-il pas pire que le bien
qu'on en attend.
En tout cas, voici les principaux
passages de la lettre signée au nom
de l'Union des commerçants de la pla-
ce de la Madeleine, par son président;
M. J. Gobillon, et adressée au préfet
de la Seine :
Monsieur le préfet de la Seine,
Les commerçants de la Place de la
Madeleine, justement émus par l'an-
nonce de, la création de parcs à auto-
mobiles payants, se permettent de vous
informer qu'ils considèrent cette iléd
sion comme très préjudiciable à leurs
intérêts. Il n'est pas douteux, en effet,
que si cette mesure était aPPliquée,
elle contribuerait à éloigner de nos
établissements. une partie de la clien-
tèle qui les fréquente, et causerait une
grave perturbation dans nos affaires.
Nos clients ne se gênent pas de nous
dire que s'ils ne peuvent s'arrêter dans
le centre four faire leurs açhats ans
se trouver dans l'obligation d'acquit-
ter un ou des droits de stationnement,
il f se dispenseront de venir et de fré-
quenter nos magasins. -
Or. monsieur le Préfet, les frais gé-
néraux des commerçants du centre sont
lourdement obérés : lovers très élevés,
impôts et taxes en rapport. si la
clientèle déserte en partie nos mai-
sons, que nous restera-t-il à faire?
Nous avons trop confiance en votre
équité, monsieur le Préfet, pour ne
pas être persuadés que vous compren-
drez le bien-fondé de notre émotion,
d'ailleurs, nous sommes tout disposés
à rétribuer de nos deniers le ou les
gardiens nécessaires à la surveillance
des voitures de nos clients.
Veuillez agréer, monsieur le Préfet,
l'expression de nos sentiments de hau-
te considération.
Pour l'Union des commer-
çants de la place de la Ma-
deleine,
Le président: J. GoBILLoN
A l'Ecole Normale
Après la démission
de M. Emile Picard
Les anciens élèves de l'Ecole nor-
male se sont réunis hier en assemblée
générale annuelle. M. Emile Picard,
président démissionnaire, était rem-
placé au fauteuil présidentiel par le
vice-président de l'Association, M
Henri Bernés.
On sait, en effet, que l'illustre sa-
vant s'est retiré de ce groupement à
la suite d'un regrettable incident pro-
voqué par le - geste discourtois d'une
minorité antimilitariste.
Son absence a été douloureusement
commentée par les anciens élèves de
l'Ecole, qui vénèrent particulièrement
l'excellent maître.
C'est donc M. Bernés qui a pris la
parole pour établir le bilan des suc-
cès universitaires obtenus l'an passé.
« A ce bilan, mes chers -amarades,
a-t-il dit notamment, n'attendez pas
que j'ajoute l'allocution personnelle
d'usage en cette assemblée. Je ne pré-
tends pas remplacer, fût-ce une heure,
l'homme de premier ordre qui occu
pait ce siège l'an dernier. A celui qu'é
lira président le conseil, je laisse le
soin de renouer la tradition et de vous
paiier l'an prochain, d'une façon vi-
vante, de la vie de l'Ecole pendant
ces deux années. Décidé moi-même à
me retirer du bureau, je vais me bor
ner à vous fournir, au nom du conseil
qui me l'a demandé, quelques indica
tions sur le fonctionnement de votre
œuvre d'assistance amicale. »
L'assemblée a ensuite procédé au
renouvellement de son comité. Le pré-
sident de l'Association sera ultérieure-
ment désigné.
Une scène de "Boccace*
dans une église suédoise
Stockholm, 11 janvier.
On a fait dernièrement, dans une
église suédoise, une singulière décou-
verte. Quelques fonctionnaires du
département des Beaux-Arts, chargés
d'établir une sorte d'inventaire de la
richesse artistique nationale de la
Suède, visitaient cette église lorsqu'ils
s'aperçurent que le tableau placé
au-dessus de l'autel représentait.
une scène tirée des contes de Boccace,
plus exactement de celui où il est
question de la fidèle Griselda (Grise-
lidis).
L'enquête faite à ce sujet par
les fonctionnaires des Beaux-Arts a
permis d'apprendre que, durant la
guerre de Trente ans, un capitaine
suédois avait remarqué le tableau en
question dans un château de la région
rhénane. Frappé par les mérites
d'exécution artistique de cette œuvre,
il s'appropria la toile, dans le pileux
dessein de l'offrir à l'église de son
pays natal. Et c'est ainsi que le
tableau est venu, en dépit du sujet
traité, orner un sanctuaire.
Actuellement, les journalistes sué-
dois se demandent si, à la suite d'une
telle révélation, le clergé ne jugera
pas opportun de retirer ce tableau.
D'aucuns estiment qu'il n'y a pas lieu
d'ôter cette toile, qui est d'ailleurs de
bonne facture, puisque jusqu'à pré-
sent elle n'a troublé la ferveur d'au-
riin firtelik-
Sociologie vratiane
Ifo ingénieux système
pour réduire l'alcoolisme
et ses résultats en Suède
Tandis que les Américains conti-
nuent de s'égorger, de se piller et de
se voler au nom de la gacro-sainte
prohibition, il existe en Europe un
système de simple restriction qui
fonctionne depuis dix ans et qui a
donné d'excellents résultats à tous ies
points de vue : c'est le système sué
dois qui a été conçu et omis sur pied
par un organisateur remarquable, le
docteur Bratt. Comme ce système
touche de très près aux intérêts dn
commerce français et qu'il constitue
jusqu'à ce jour la seule expérience
satisfaisante de restriction, il n'est pas
inutile d'en connaître le fonctionne
ment.
Dans tous les pays du Nord, l'al-
cool est un véritable besoin : c'est
lui qui dans les nuits interminables
de l'hiver dispense aux hommes l'en- ■
chantement de la lumière et de la
chaleur. Qu'on lise par exemple dans
la Légende de Goesta Berlin la des-
cription de cette ivresse du pasteur
maudit, où il voit lui apparaître dans,
les fumées de l'alcool les paysages
d'une Italie fantasmagorique, on se
rendra compte que la liqueur de feu
ne cessera jamais de faire délirer Tes
cerveaux et les cœurs au Davs'des
pâles soleils. r UJ - - --
Malheureusement elle les faisait un
peu trop délirer et, pour un fou de
génie comme Gustaf Froeding, ii y
en avait des centaines qui emplis-
saient les cabanons et les asiles. Vers
le milieu du XIXe siècle on put croire
sincèrement que l'avenir .de larace
était menacé par l'alcoobisme crois
sant. 1
En 1866 fut fondée à Gôtteborg io
première société qui devait servir de
base à tout le système actuel. Cette
société- acheta la majeure partie des
débits de la ville et obtint ainsi ic-
contrôle de la venté, Elle s'employa
alors à surveill.er la consommation in-
dividuelle en s'imposant comme rè
gle absolue de ne rechercher a'uc-,-:l
bénéfice privé, les suppléments de
recettes étant versés à des œuv"e<
d'utilité sociale, bains, salles de lec-
ture, restaurants à bon marché.
En 1909, à la suite d'une grever
les autorités décrétèrent une prohi- -
bition temporaire dé six semaines.
fortes des heureux résultats de cette
mesure, les Sociétés antialcooliques
organisèrent un plébiscite privé qui
réunit deux millions de voix. La pro-
hibition absolue fut sur le point de
ariomoher.
C'est alors qu'intervint le docteur
Bratt : avec une rare clairvoyance,
i' prédit tous les inconvénients que
ne manquerait pa's de rencootre, ce
système et que l'expérience améri-
caine devait dévoiler. A la place de
ce régime absurde, il préconisa un
système de contrôle individuel de la
consommation. Il suffisait de dévelop
per le principe même des sociétés du
,type de celle de Gôtteborg et d'ap-
pliquer le paragraphe de la loi qui
leur faisait un devoir de surveiller !a ,
vente « dans l'intérêt de la morale P,
Pendant dix ans la lutte se "poursui-
vit entre les partisans de la liberté et
les prohibitionnistes qui apportaient
souvent dans leur propagande un re-
ntable fanatisme religieux. Enfin le
docteur Bratt Rnit par l'emporter et
avec lui le bon sens et la justice. Le *
1er janvier 1919 entrait en vigueur
la roi qui instaurait le système de res-
triction désormais Connu sous le nom
de Système Bratt. -
Mécanisme du Système Bratt.
La vente de l'alcool et des divers
spiritueux est confiée à un groupe-
ment de sociétés qui iouissent du mo-
nopole chacune dans son secteur res-
pectif. D'un-autre côté, la production
et le commerce en gros sont égale-
ment le monopole d'une société fon-
dée sur l'initiative du docteur Bratt
er qui s'était assuré par avance la
maîtrise du marché. Ces sociétés sont-
placées sous le contrôle de l'Etat et,
une fois payé l'intérêt des capnsvx
engagée, elles versent entre ses mains
tout le surplus des bénéfices réalisés.
Elles n'ont donc aucun intérêt à dé-
velopper la consommation et elles ont
qualité pour la contrôler.
, Comment fonctionne ce contrôle?
Supposons que nous habitions la
Suède et que nous voulions nous pro-
curer du vin ou du cognac. Nous nous
rendons au bureau du « - Systemet »
et nous faisons une demande de
Motbok : ce petit opuscule qui con-
naît le plus gros tirage de la Suède
est un des livres de chevet de tout
bon Suédois. Il ressemble à un carnet
de chèques, nous en détachons une
feuille et nous y inscrivons nos desi-
derata, tant de bouteilles de Bor-
deaux, tant de I\tres de punch et nous
remettons le bon de réquisition dû-
ment recouvert de notre signature à
l'employé chargé de tenir notre comp
te-courant. Celui-ci vérifie que notre
demande n'excède pas notre crédit,
id est, la quantité' d'alcool à laquelle
nous avons droit pour le mois et il
nous fait passer à la caisse, nous
payons et il n'y a plus qu'à prendre
iivraison de la marchandise.
Chaque détenteur d'un « motbok »
a droit à deux litres d'alcool par
mois, les hommes mariés, qui appa-
remment ont besoin de consomma-
xtions supplémentaires, -peuvent obte-
nir jusqu'à quatre litres. Quant b la
consommation du vin, elle est prati.
quement illimitée, le choix est très
large et les prix sont relatives.eut
modérés, eu égard aux frais de trans-
51, Rue Saint-Georges. — Tél. ':. Trudàine 92-80 à 02-84.
LUNDI 13 JANVIER 1930.
GabrM ALPHAUD,
Directeur
.Une ample comédie aux cent actes divers
et dont la scène est l'uni ver*.
(LA FONTAINE.)
REDACTION ADMINISTRATION
61, rue Saint Georges, Paru (g9)
,Télpnhonp : I rtiMaint- m Fi-) n? M
Le Numéro : CINQUANTE centimes.
ADONIS EX EM s 3 moie 6 mois t an
France et Colonies 36 n 66 » 125 »
Etranger. 56 a 104 » 200 D
Adresse télégraphique : COMOEDIA PARIS
Chèque poetal : 3î6-ja Paria
Adresser la correspondance sans exception
à M. le directeur de « Comœdia w
Tout paiement imposé est un
impôt.
Une fois les parcs d'autos ins-
tallés la rue « ne sera plus à tout.
le monde ».
Ainsi vont les choses.
Pour que E Mauclair
ne se détourne pas
de la question principale
Avec une âpreté singulière et qui mar-
que bien sa détresse sur le fond de sa
position, M. Camille Mauclair triomphe
à propos de l' affaire Ramond. Il aura
beau faire, nous ne le laisserons pas don-
ner ni même se donner le change.
L'affaire Ramond, dans la forme
qu'elle a prise, n'est qu'un épisode, un
accessoire tout à fait inattendu — et de
M. Mauclair lui-même — dans la mé-
chante querellç qu'il a cherchée contre
les vrais artistes de ce temps- C'est cette
querelle, sa justesse artistique, qui
constitue le fond.
Sentant chaque jour un peu plus qui
s' est égaré sur ce point, comme le dé-
montrait indiscutablement son article du
9 janvier dans L'Ami du Peuple, M.
Mauclair se réjouit, comme une petite
folle, qu' un fonctionnaire indélicat se
soit trouvé pour lui donner au moins
administrativement raison.
Mais, au fait, s'il est exact que
M. Mauclair - et cela est fort heu-
reux — ait soulevé le lièvre, il ne l'est
pas qu'il l'ait aperçu le premier. Dans
son premier article du 30 novembre, il
ne découvrait pas, il ne nommait pas le
fonctionnaire prévaricateur. Il posait une
question? Il semblait croire même à
quelque mystification totale et deman-
dait : qui était « M. Qui ». C'est moi
qui, le 3 décembre, tout à trac, ai
désigné, nommé, qualifié ici M. Ra-
mond. Pourquoi? Parce que, voyant ce
garçon attaqué sur un point qui ne me
.paraissait pas alors un crime, il me parut
:t-!'Un bon naturel de le dire.
Et plusieurs jours après seulement,
M. Mauclair, le 17 décembre, grâce à
mon article précis, documenté, apprenait
l'existence réelle de ce trop jeune « ad-
ministrateur », son nom, et l'écrivait dans
L'Ami du Peuple. En sorte qu'il vou-
dra bien me concéder que si, grâce à lui,
le pot aux roses fut découvert, nous
avons tout au moins collaboré!.
Dès mon deuxième article — réponse
à sa diatribe — je sentis si bien que le
jeune Ramond n'avait pas seulement
pratiqué un « second métier » que je
fariisis toutes réserves sur une faute pos-
sible. Et, quand elle apparut, cette faute
ou plutôt cette grave prévarication sur-
prit, sans doute, M, Camille Mauclair,
honnête homme, autant que moi-même.
Elle n'avait aucun rapport avec le fait
de savoir si Viamjnck, Picasso, Lhote,
Derain ont ou n'entras de talent.-Elle
laissait, cette question, la seule qui m'in-
téresse dans cette controverse, toujours
courtoise de ma part et de la part de mes
collaborateurs, tout à fait entière. Elle
n' avait même à peu près rien à voir avec
les manœuvres de ces marchands métè-
ques qu non dont M. Mauclair a parfai-
tement raison de flétrir les trucs et les
manœuvres.
ir -- L • ..,
-il se trouvas tout simplement que pour
organiser une exposition un fonctionnaire
dévoyé avait puisé dans les fonds dont il
avait charge et cela il ne s'agit ni de le
dissimuler, ni de l' atténuer. Cependant
on éprouve un réel chagrin qui m' empê-
che de piétiner la victime, un malheureux
incapable de tenir des fonctions si déli-
cates et coupable aujourd'hui parce que
l'on fut coupable de le perter à pareil
poste.
Que l'affaire suive son' cours c'est
normal et j'applaudis M. André Fran-
çois-Poncet, net, lucide et ferme, d'avoir
,ouvert les portes aux nettoyeurs.
Mais, je le répète, cet épisode, tout
à fait accessoire et de simple droit com-
mun. qui s'est tout à coup et par sur-
prise greffé sur le principal, ne saurait
permettre à M. Camille Mauclair de fi-
ler par la tangente et d'échapper sur le
fond. Il me permettra de l' y ramener,
toujours avec petitesse, avec la plus vive
estime — et il en verra bientôt les preu-
ves — pour son œuvre passée, mais avec
ténacité.
Et pour le persuader qu'il a eu tort de
confondre dans une attaque générale bri-
coleurs métèques, monteurs de coups de
la bourse picturale, marchands, gale-
ries, peintres farceurs, peintres nova-
teurs, je me contenterai de relire avec
,lui son dernier article sérieux, celui du
9 janvier.
Il se défend d'avoir voulu confondre
.u avec les Chirico, les Klee, les Pram-
polini, des hommes comme Segonzac et
L.-A. Moreau ». Il tente de nous per-
suader que si les impressionnistes ont été
de vrais « novateurs », les Matisse, Vla-
minck, Dufy, Van Dongen, Lhote, Pi-
casso, Friesz, Utrillo, Rouault, Derain,
Laurencin n'en sont point. Sans bla-
gue! Et M. Mauclair demande :
tée ? » La plupart de ces peintres nous
ont ramené, avec une technique plus ou
moins heureuse, tout simplement à l'art
traditionnel. Ils n'ont pas comme les im-
pressionnistes innové en créant une ma-
nière sans issue, mais c'est innover que
de ramener l'ait à ses sources classiques
eï fécondes. Un Dufy stylise ou crée la
même fantaisie que le même Mauqlair
admire dans les tapisseries et les mosaï-
ques persanes ! Et Lhote compose comme
un Hellène ou un Ghirlandajo.
- Mais poursuivons. Voici encore M.
Camille Mauclair, corrigeant de son
mieux ces excès de sa plume, contre
quoi seulement nous nous sommes élevé:,
à Vlaminck, dont il a « vu quelques
fortes aquarelles », il ne reprochera plus
que « ses valeurs souvent fausses » et
des « effets fuligineux H, son « bour-
souflement », etc.; — à Utrillo il re-
connaît « des qualités de finesse et de
sentiment mélancolique ».; — à De-
rain il accorde d'être un sincère qui se
retourne vers les maîtres. Etc., etc.-.
Allons! voilà M. Camille Mauclair
sur la bonne voie. Il ne lui reste qu'à
découvrir ces Matisse, ces Derain et sur-,
tout ces Picasso merveilleux dont il
s'étonne qu'on lui parle toujours sans les
lui montres jamais et il trouvera peut-
être son chemin de Damas. Mais préci-
sément il y a au Théâtre Pigalle une
exposition Cézanne — bien incomplète
pourtant — de ce Cézanne ridicule et
honni. Puisse M. Camille Mauclair y
aller et il se rendra compte que. sans
être des génies indiscutables, il y a en-
tre tous ces peintres, qu'il a prétendu tout
d'abord jeter dans le même sac, des dif-
férences considérables. En tout cas nom-
bre d' entre eux ont, seuls, apporté une
vision personnelle et dynamique de notre
temps. On né lui ai jamais reproché
qu'une chose : s' arrêter à leurs seuls
défauts et en essayant de gêner le mou-
vement général en letir faveur, en les
confondant par malice, emportemént ou
ignorance avec les farceurs, de barrer la
route magnifique sur laquelle l'art con-
temporain s'est engagé. M. Camille
Mauclair, qui est peintre lui-même, ne
peut tout de même pas ignorer que les
bons faiseurs sont aussi pernicieux .;.-.
plus même — que les plaisantins, qu't J
art il vaut mieux des fous qui trouvent
que des sages qui stérilisent.
Gabriel BOISSY. J
Derrière le rideau
De tout un peu
Le nouveau - régime des taxis.
Les taxis ont eu une bonne presse. le
jour où ils se sont mis en grève. -
Une nouvelle conférence s'est tenue dans
le cabinet du préfet de la Seine. Il y avait
là M. Delavenne et les représentants des
loueurs et des chauffeurs de taxis. Une
commission d'études a été nommée pour
apporter diverses modifications à la per-
ception du droit de stationnement. à don-
ner aussi satisfaction aux directeurs de
théâtres en ce qui concerne le' transport
des spectateurs à l' arrivée et au départ et
le gardiennage des voitures privées. Il
sera avisé également à l'étude d'une ques-
tion importante : l'extension de la limite
à l'intérieur de laquelle ne sera pas per- j
çue l'indemnité de retour.
Du bon sens
à propos d'assurances sociales.
M. de Pawlowski, qui récemment ap-
puyait de toute son autorité de vétéran
automobiliste le sentiment que, les pre-
miers dans la presse, nous avons exposé
ici au sujet de la fameuse ordonnance du
stationnement, a publié, hier, dans Le
Journal, un remarquable article sur les
assurances sociales. Il faut souhaiter
qu'avant de mettre la loi néfaste en vi-
gueur, avant de la remanier, nos parle-
mentaires tiennent compte de cette critique
d'un grand psychologue social.
Mais du moins se trouvera-t-il un député
pour faire introduire au moins la modifica-
tion pratique que propose M. de Paw-
lowski? Se fondant sur cette disposition
bien connue des assurances d'automobiles
qui réduit de moitié la prime quand l'as-
suré garde à a& charge les petits risques,
il demande que les assurée ne le soient
que contre les gros risques. « Ce qui nous
indigne, c'est de penser qu'on pourra dé-
livrer chaque jour, à nos frais, sur l'ordon-
nance d'un médecin marron, des journées
de permission, des cachets d' aspirine,
voire même de la poudre de riz. »
AGORA. ;
Autour d'une coquille
Dans Les Mystères de l'A cadémie
Concourt, où M. Jean Ajalbert déroule
pour notre grand plaisir ses souvenirs de
quarante ans de vie littéraire, et d'une
plume qui à l' occasion sait être mor-
dante et même agressive, j'ai trouvé une
bien jolie coquille : « Stuart Mill » pour
Stuart Merrill- Ainsi, par un miracle de
typos, le philosophe anglais, qui est mort
en 1873, en Avignon, où il s'était fixé
après la mort de sa femme, décédée
dans cette ville au cours d'un voyage.
se trouve avoir été « aux environs de
1886, avec Verlaine, Gustave Kahn,
Henri de Régnier, une des colonnes du
symbolisme ».
Clemenceau, qui n'avait pas manqué
de lire ces souvenirs de son ami, M.
Ajalbert, aurait été bien amusé de trou-
ver en cette compagnie son Stuart Mill,
dont il avait traduit un ouvrage, et qui.
comme le rappelle très justement
M. Jean Màrtet dans les deux livres si
instructifs, si suggestifs qu'il vient de lui
consacrer, avait exercé une sérieuse in-
fluence sur sa formation politique.
Mais des personnages qui défilent sur
le film de M. Ajalbert, et qui nous ont
quittés, Clemenceau n'aurait pas été le
seul à savourer la belle coquille. Il y
aurait eu aussi Paul Mariéton qui avait
acheté e la bibliothèque de Stuart Mill,
pour la léguer ensuite au Musée Calvet
d' Avignon. Et pareillement cette char-
mante et si lettrée Térèse Boissière, qui
survécut bien quelques années à son mari,
Jules Boissière, mort si jeune, l'auteur
de ce chef-d'œuvre, Fumeurs J'optum,
et d'un recueil de poèmes provençaux,
a ître vrai chef-d' œuvre.
Térèse Boissière, que tant de Pari-
siens du monde littéraire se faisaient un
régal d' aller ssluer, à leur passage en
Avignon, si même ils ee s'y arrêtaient
exprès, dans la fameuse librairie Rou-
manille, fondée par son père, le célèbre
écrivain provençal, avait acheté, en
effet, les papiers de Stuart Mill, parmi
lesquels se trouva un important' manus-
crit inédit qu'a publié depuis une re-
vue anglaise; elle avait acheté aussi et
conservé le piano de Stuart Mill, une
épinette plutôt, qui avait servi à sa fem-
me et à la fille qu'elle avait eue de son
premier mari, Miss Helen Taylor, qui
devint, comme sa mère, après la mort de
celle-ci, la collaboratrice de Mill.
En somme, voilà une coquille qu'on
peut comparer à celles qu'on trouve sur
les rivages de la mer et d'où sort, quand'
on les approche de l'oreille, tout un
monde de rumeurs.
Jules VÉRAN.
* Une mise en scène de Jessner
Voici une des mises en scène les Plus remarquables de Jessner, le célèbre « intendant » berlinois, qui quitte sa
direction, ainsi que le rapporte dans notre ti,.adrième, page no'tre collaborateur Jean TarveU
Ce cliché représente la Scène du (t Grutli. », dans Guillaume Tell, dé Schiller.
LES GRANDES THÈSES EN SORBONNE
Ivresse de poésie, le symbolisme français
a libéré la poésie américaine
Les soutenances de thèses ont recommencé en Sor-
bonne. Ce sont de belles cérémonies. Dans une salle
toute d'or, derrière un vaste et noble bureau, un jury
sévère interroge le candidat, assis à une petite table.
Et un public nombreux où, naguère, nous avons eu
à saluer Clemenceau, écoute le docte combat.
Tous les samedis, la savante parade se déroule.
Tout à l'heure c'était un jeune Français, M. René
Taupin, professeur à Columbia-University, qui nous
entretenait de l'influence exercée par le. symbolisme
français sur la poésie américaine de 1910 à 1920.
Beau sujet. Mais ce n'est pas le vrai symbolisme
que M. Taupin nous a rapporté de son enquête sur
la poésie américaine.
Tel que nous l'avons connu et aimé, le symbolisme
était un merveilleux courant, vaste comme le Nil, mi-
roitant comme un lac, parfumé comme une forêt. Il
n'avait point de définition. Il vivait.
Dure avait été la discipline parnassienne; mono-
tone, sa mélodie; impérieuse, sa cadence; étroite, sa
volonté. Elle'se campait à l'écart; elle méprisait le
réel; se défiait de l'illusion, et ne laissait d'autre
perspective à l'homme sans espérance, que le néant
qui affranchit du temps, du nombre et de l'espace.
Et voici que, tout à coup, le poète nouveau nous
arrachait à cette dure periectitfn Il aimait la poésie
comme une facilité! Pour lui, tout était poésie ! Et
la poésie était spontanéité et liberté.
Le réel ne se trouvait plus en opposition avec la
volonté du poète comme au temps du Parnasse. Il
avait cessé d'exister. Pourquoi s'en aller au bord de
la mer s'exposer au froid et au chaud, subir des
voyages fatigants et des hôtels coûteux, alors qu'il
suffit d'entrer au Louvre pour avoir sous ses yeux,
dans les tableaux des maîtres hollandais, vingt pay-
sages marins plus beaux que la mer? La poésie sym-
bolique nous entourait de tout ce que nous aimions.
Nous attendions d'elle, plus encore : nous espé-
rions je ne sais quoi de supérieur à tout ce que l'hu-
manité avait jamais produit : l'œuvre totale ! Le sa-
vant moderne a conscience de l'interdépendance de
toutes les choses, sans exception, dans l'Univers. Il
croit qu'il existe une science totale, définissant les
rapports de toutes les choses. Il cherche cette science:
qu'il appelle géométrie, mécanique ou thermo-
dynamique. Incapable de la réaliser actuellement, il
estime qu'on peut s'en approcher davantage, à cha-
que génération.
Ainsi la poésie symbolique tendait vers l'art total,
qui créerait un univers aussi riche que la réalité to-
tale, avec la perfection de la beauté et la grâce de
la liberté par surcroît. Mallarmé avait évoqué au lieu
1
d'une rose, « l'absente de tous bouquets ». Et nous,
dans notre fièvre, nous appelions le génie qui créerait
infailliblement « l'absent de tout l'Univers ».
Non! Ce n'est pas cette ivresse que M. Taupin
nous a rapportée des Etats- Unis parce qu'elle n'avait
jamais passé l'Océan.
Les étrangers, en effet, ne sont pas gouvernés par
les courants du dehors.
Sauf Vielé-Griffin et Stuart Merrill, qui vivaient
chez nous, les Américains étàient trop « hétérogè-
nes » (comme les Polonais ou les Anglais, ou les
Allemands) pour se, laisser emporter hors de chez
eux à une influence française instinctive, indéfinissa-
ble, et enveloppante.
Il faut à l'écrivain étranger qui veut se former
chez nous une influence précise, directe, définie et
conforme soit à sa sensibilité, soit à ses idées.
Ainsi un Américain s'attachera à un homme qui
l'aura étonné et qui lui aura plu, non à une école; il
ne consultera pas les classements et la hiérarchie offi-
cielle, il fera son choix — sans même s'apercevoir
qu'il choisit — selon son appétit, selon ses besoins.
Parmi les poètes français qui ont agi sur l'imagi-
nation américaine, M. Taupin cite pour exemple
Tristan Corbière qui n'était pas symboliste, et Théo-
phile Gautier qui ne pouvait pas l'être. Cela ne veut
pas dire que pour les Américains Théophile Gautier
fût plus parfait que Mallarmé ou Corbière plus mo-
derne que Verlaine ; mais Corbière et Gautier leur
convenaient et leur étaient d'un grand secours.
De quel genre fut ce secours ?
M. Taupm nous l'explique très bien : les poètes
français modernes, dit-il, ont affranchi les poètes
américains des thèmes traditionnels qui étaient de-
venus à la longue des mensonges. Je me rappelle que
le grand poète de langue espagnole Ruben Dario re-
merciait, exactement, Verlaine et Mallarmé de lui
avoir rendu ce service-là.
Les poètes du symbolisme français dont l'in-
fluence a traversé l'Atlantique ont été dans tous les
sens du mot des « briseurs de chaîne ».
De plus, nos poètes, épris de perfection et tou-
jours en quête de techniques nouvelles, ont enseigné,
aux Américains cette perfection et ces techniques.
M. Taupin nous en a apporté des exemples saisis-
sants.
De telle sorte que notre poésie a été pour les
Américains une école de liberté et une école d'art :
nous ne les avons pas rendus français et symbolistes,
mais plus américains et mieux poètes.
Fortunat STROWSKI,
Membre de l'Institut.
Le panache formidable du Mont-Pelé
Voici iinê impressionnante photographie de l'éruption nouvelle du redoutable volcan de notre belle île de la
'Martinique, et qui fait redouter une ç atastrophe égale à celle de 1902 qui détruisit Saint-Pierre et 40.000 personnes.
- (Wide Wold photo.)
La crise parisienne
une prokslArion
contre les parcs d'autos
La protestation grandit contre tou-
tes ces ordonnances sur les automo-
biles. On comprend fort bien les dif-
ficultés devant lesquelles se. trouvent
M. Chiappe et ses services, on sait que
leur bonne volonté est certaine, mais
ont-ils réfléchi, non pas à leurs près
criptions mêmes, mais aux incidences
commerciales de ces prescriptions. Le
mal n'en sera-t-il pas pire que le bien
qu'on en attend.
En tout cas, voici les principaux
passages de la lettre signée au nom
de l'Union des commerçants de la pla-
ce de la Madeleine, par son président;
M. J. Gobillon, et adressée au préfet
de la Seine :
Monsieur le préfet de la Seine,
Les commerçants de la Place de la
Madeleine, justement émus par l'an-
nonce de, la création de parcs à auto-
mobiles payants, se permettent de vous
informer qu'ils considèrent cette iléd
sion comme très préjudiciable à leurs
intérêts. Il n'est pas douteux, en effet,
que si cette mesure était aPPliquée,
elle contribuerait à éloigner de nos
établissements. une partie de la clien-
tèle qui les fréquente, et causerait une
grave perturbation dans nos affaires.
Nos clients ne se gênent pas de nous
dire que s'ils ne peuvent s'arrêter dans
le centre four faire leurs açhats ans
se trouver dans l'obligation d'acquit-
ter un ou des droits de stationnement,
il f se dispenseront de venir et de fré-
quenter nos magasins. -
Or. monsieur le Préfet, les frais gé-
néraux des commerçants du centre sont
lourdement obérés : lovers très élevés,
impôts et taxes en rapport. si la
clientèle déserte en partie nos mai-
sons, que nous restera-t-il à faire?
Nous avons trop confiance en votre
équité, monsieur le Préfet, pour ne
pas être persuadés que vous compren-
drez le bien-fondé de notre émotion,
d'ailleurs, nous sommes tout disposés
à rétribuer de nos deniers le ou les
gardiens nécessaires à la surveillance
des voitures de nos clients.
Veuillez agréer, monsieur le Préfet,
l'expression de nos sentiments de hau-
te considération.
Pour l'Union des commer-
çants de la place de la Ma-
deleine,
Le président: J. GoBILLoN
A l'Ecole Normale
Après la démission
de M. Emile Picard
Les anciens élèves de l'Ecole nor-
male se sont réunis hier en assemblée
générale annuelle. M. Emile Picard,
président démissionnaire, était rem-
placé au fauteuil présidentiel par le
vice-président de l'Association, M
Henri Bernés.
On sait, en effet, que l'illustre sa-
vant s'est retiré de ce groupement à
la suite d'un regrettable incident pro-
voqué par le - geste discourtois d'une
minorité antimilitariste.
Son absence a été douloureusement
commentée par les anciens élèves de
l'Ecole, qui vénèrent particulièrement
l'excellent maître.
C'est donc M. Bernés qui a pris la
parole pour établir le bilan des suc-
cès universitaires obtenus l'an passé.
« A ce bilan, mes chers -amarades,
a-t-il dit notamment, n'attendez pas
que j'ajoute l'allocution personnelle
d'usage en cette assemblée. Je ne pré-
tends pas remplacer, fût-ce une heure,
l'homme de premier ordre qui occu
pait ce siège l'an dernier. A celui qu'é
lira président le conseil, je laisse le
soin de renouer la tradition et de vous
paiier l'an prochain, d'une façon vi-
vante, de la vie de l'Ecole pendant
ces deux années. Décidé moi-même à
me retirer du bureau, je vais me bor
ner à vous fournir, au nom du conseil
qui me l'a demandé, quelques indica
tions sur le fonctionnement de votre
œuvre d'assistance amicale. »
L'assemblée a ensuite procédé au
renouvellement de son comité. Le pré-
sident de l'Association sera ultérieure-
ment désigné.
Une scène de "Boccace*
dans une église suédoise
Stockholm, 11 janvier.
On a fait dernièrement, dans une
église suédoise, une singulière décou-
verte. Quelques fonctionnaires du
département des Beaux-Arts, chargés
d'établir une sorte d'inventaire de la
richesse artistique nationale de la
Suède, visitaient cette église lorsqu'ils
s'aperçurent que le tableau placé
au-dessus de l'autel représentait.
une scène tirée des contes de Boccace,
plus exactement de celui où il est
question de la fidèle Griselda (Grise-
lidis).
L'enquête faite à ce sujet par
les fonctionnaires des Beaux-Arts a
permis d'apprendre que, durant la
guerre de Trente ans, un capitaine
suédois avait remarqué le tableau en
question dans un château de la région
rhénane. Frappé par les mérites
d'exécution artistique de cette œuvre,
il s'appropria la toile, dans le pileux
dessein de l'offrir à l'église de son
pays natal. Et c'est ainsi que le
tableau est venu, en dépit du sujet
traité, orner un sanctuaire.
Actuellement, les journalistes sué-
dois se demandent si, à la suite d'une
telle révélation, le clergé ne jugera
pas opportun de retirer ce tableau.
D'aucuns estiment qu'il n'y a pas lieu
d'ôter cette toile, qui est d'ailleurs de
bonne facture, puisque jusqu'à pré-
sent elle n'a troublé la ferveur d'au-
riin firtelik-
Sociologie vratiane
Ifo ingénieux système
pour réduire l'alcoolisme
et ses résultats en Suède
Tandis que les Américains conti-
nuent de s'égorger, de se piller et de
se voler au nom de la gacro-sainte
prohibition, il existe en Europe un
système de simple restriction qui
fonctionne depuis dix ans et qui a
donné d'excellents résultats à tous ies
points de vue : c'est le système sué
dois qui a été conçu et omis sur pied
par un organisateur remarquable, le
docteur Bratt. Comme ce système
touche de très près aux intérêts dn
commerce français et qu'il constitue
jusqu'à ce jour la seule expérience
satisfaisante de restriction, il n'est pas
inutile d'en connaître le fonctionne
ment.
Dans tous les pays du Nord, l'al-
cool est un véritable besoin : c'est
lui qui dans les nuits interminables
de l'hiver dispense aux hommes l'en- ■
chantement de la lumière et de la
chaleur. Qu'on lise par exemple dans
la Légende de Goesta Berlin la des-
cription de cette ivresse du pasteur
maudit, où il voit lui apparaître dans,
les fumées de l'alcool les paysages
d'une Italie fantasmagorique, on se
rendra compte que la liqueur de feu
ne cessera jamais de faire délirer Tes
cerveaux et les cœurs au Davs'des
pâles soleils. r UJ - - --
Malheureusement elle les faisait un
peu trop délirer et, pour un fou de
génie comme Gustaf Froeding, ii y
en avait des centaines qui emplis-
saient les cabanons et les asiles. Vers
le milieu du XIXe siècle on put croire
sincèrement que l'avenir .de larace
était menacé par l'alcoobisme crois
sant. 1
En 1866 fut fondée à Gôtteborg io
première société qui devait servir de
base à tout le système actuel. Cette
société- acheta la majeure partie des
débits de la ville et obtint ainsi ic-
contrôle de la venté, Elle s'employa
alors à surveill.er la consommation in-
dividuelle en s'imposant comme rè
gle absolue de ne rechercher a'uc-,-:l
bénéfice privé, les suppléments de
recettes étant versés à des œuv"e<
d'utilité sociale, bains, salles de lec-
ture, restaurants à bon marché.
En 1909, à la suite d'une grever
les autorités décrétèrent une prohi- -
bition temporaire dé six semaines.
fortes des heureux résultats de cette
mesure, les Sociétés antialcooliques
organisèrent un plébiscite privé qui
réunit deux millions de voix. La pro-
hibition absolue fut sur le point de
ariomoher.
C'est alors qu'intervint le docteur
Bratt : avec une rare clairvoyance,
i' prédit tous les inconvénients que
ne manquerait pa's de rencootre, ce
système et que l'expérience améri-
caine devait dévoiler. A la place de
ce régime absurde, il préconisa un
système de contrôle individuel de la
consommation. Il suffisait de dévelop
per le principe même des sociétés du
,type de celle de Gôtteborg et d'ap-
pliquer le paragraphe de la loi qui
leur faisait un devoir de surveiller !a ,
vente « dans l'intérêt de la morale P,
Pendant dix ans la lutte se "poursui-
vit entre les partisans de la liberté et
les prohibitionnistes qui apportaient
souvent dans leur propagande un re-
ntable fanatisme religieux. Enfin le
docteur Bratt Rnit par l'emporter et
avec lui le bon sens et la justice. Le *
1er janvier 1919 entrait en vigueur
la roi qui instaurait le système de res-
triction désormais Connu sous le nom
de Système Bratt. -
Mécanisme du Système Bratt.
La vente de l'alcool et des divers
spiritueux est confiée à un groupe-
ment de sociétés qui iouissent du mo-
nopole chacune dans son secteur res-
pectif. D'un-autre côté, la production
et le commerce en gros sont égale-
ment le monopole d'une société fon-
dée sur l'initiative du docteur Bratt
er qui s'était assuré par avance la
maîtrise du marché. Ces sociétés sont-
placées sous le contrôle de l'Etat et,
une fois payé l'intérêt des capnsvx
engagée, elles versent entre ses mains
tout le surplus des bénéfices réalisés.
Elles n'ont donc aucun intérêt à dé-
velopper la consommation et elles ont
qualité pour la contrôler.
, Comment fonctionne ce contrôle?
Supposons que nous habitions la
Suède et que nous voulions nous pro-
curer du vin ou du cognac. Nous nous
rendons au bureau du « - Systemet »
et nous faisons une demande de
Motbok : ce petit opuscule qui con-
naît le plus gros tirage de la Suède
est un des livres de chevet de tout
bon Suédois. Il ressemble à un carnet
de chèques, nous en détachons une
feuille et nous y inscrivons nos desi-
derata, tant de bouteilles de Bor-
deaux, tant de I\tres de punch et nous
remettons le bon de réquisition dû-
ment recouvert de notre signature à
l'employé chargé de tenir notre comp
te-courant. Celui-ci vérifie que notre
demande n'excède pas notre crédit,
id est, la quantité' d'alcool à laquelle
nous avons droit pour le mois et il
nous fait passer à la caisse, nous
payons et il n'y a plus qu'à prendre
iivraison de la marchandise.
Chaque détenteur d'un « motbok »
a droit à deux litres d'alcool par
mois, les hommes mariés, qui appa-
remment ont besoin de consomma-
xtions supplémentaires, -peuvent obte-
nir jusqu'à quatre litres. Quant b la
consommation du vin, elle est prati.
quement illimitée, le choix est très
large et les prix sont relatives.eut
modérés, eu égard aux frais de trans-
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