Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-05-28
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 mai 1908 28 mai 1908
Description : 1908/05/28 (A2,N241). 1908/05/28 (A2,N241).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7646625q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
2* Annee. « N 241 (Qi, caaien)
b Numéro ? 5 vendîmes
Jeudi 28 Mai 1908.
Rédacteur en Chef 6. de PAWLOWSKI
Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE: 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA.PARLC;
ABONNEMENTS:
UN AN 6 ROIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION ï
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 298-0'7
Adresse Télégraphique : COMŒDIA=PARIS
ABONNEMENTS :
1 UN AN e M0I3 à
., - -
Pans et Départements 24 fr..12 fr.
Étranger. 40 D 20 a
Hippolyte
et Boris
Autant il est triste et décevant, pour un
musicien qui aime son art, de voir un chef-
d'œuvre mis à mal et dénaturé sans pudeur,
comme le fut, cet hiver, l'Iphigénie de
Gluck au théâtre — cependant subvention-
né — de l'Opéra-Comique, autant il est ré-
confortant de constater le sérieux et sin-
cère effort accompli par l'Académie natio-
nale de musique pour présenter dignement
et honnêtement un autre chef-d'œuvre, bien
plus difficile à reconstituer qu'Iphigénie,
parce que plus loin de nous : la tragédie mu-
sicale de Rameau. Hivvolvte et Aricie.
Ici, tout était à refaire, ou plutôt à faire,
car la dernière reprise de l'œuvre, en 1767,
ne pouvait avoir laissé aucune trace tradi-
tionnelle de nature à guider les directeurs
actuels de l'Opéra. Ceux-ci ont donc agi
simplement comme s'ils se fussent trouvés
en face d'un ouvrage nouveau, tout en res-
tant dans l'ambiance apparente de l'art du
dix-huitième siècle; ils ont voulu présenter
la tragédie lyrique telle qu'elle fut écrite par
les auteurs, sans recherche d'effets de
mauvais aloi, sans exagération de mise en
scène, sans « aguichage » malsain de l'œil
du spectateur au détriment de son oreille.
C'est que, parmi ceux qui président aux des-
tinées de l'Opéra, il y a des musiciens res-
pectueux de leur art, et aussi un peintre
qui a su conserver le goût français qu'il fal-
lait à cette reconstitution sans verser, d'un
côté dans le germanisme, ou, de l'autre,
dans le modern-style.
Ce n'est pas dans Hippolyte que nous
verrons des lutteurs antiques venir, sur une
musique du plus pur Louis XV, exhiber des
grâces dignes de la foire de Neuilly; nous
ne rencontrerons dans aucun des décors,
comme naguère dans l'Iphigénie de l'Opéra-
Comique, un mur nu destiné à recevoir une
frise tableau-vivant dont la disposition et
les couleurs font plutôt penser à un étalage
de confiseur qu'aux nobles Panathénées.
Non, les directeurs de l'Opéra ont été hon-
nêtes et sincères, ils n'ont point cherché à
faire autre chose que de l'art. et ils ont
réussi.
Je n'ai pas à donner ici le compte rendu
de la première représentation d'Hippolyte
et Aricie, qui a été fait, avec grande compé-
tence, par mon confrère Willy, mais je m'en
voudrais de ne pas féliciter le théâtre con-
servateur de nos traditions nationales d'a-
voir fait revivre notre génial Rameau de
façon aussi claire et aussi complète. Si cer-
tains détails restent critiquables dans l'exé-
—cution, si quelques rares mouvements man-
quent d'exactitude, comme la seconde par-
tie du terrible trio des Parques, si l'on n'a
pu obtenir des cornistes de jouer les fanfa-
res du quatrième acte sur la trompe de
chasse comme cela se faisait au temps de
Rameau, combien ces imperfections sont
largement compensées par le rendu musical
du drame!
M. Delmas incarne, avec une grandeur
vraiment remarquable, le personnage diffi-
cile de Thésée ; il est impossible — même à
des âmes dites modernes — de n'être point
profondément ému par la poignante expres-
sion de sa prière à Neptune, l'une des plus
belles pages de notre opéra français. Mlle
Lucienne Bréval est simplement admirable
dans le rôle de Phèdre- cette belle artiste
possède un instinct dramatique tellement
inné qu'on peut toujours s'en fier à elle
pour trouver l'expression ou l'attitude jus-
tes. Il faut voir, au premier acte, sa pose
dédaigneuse devant les cris des prêtresses,
se changer, sans presque un mouvement, en
une sorte de défi altier sous les menaces de
Diane; il faut voir surtout, au cours de la
grande scène avec Hippolyte, ce geste à la
fois pudique et impudique qui souligne l'a-
veu:
Puis-je, avec trop d'ardeur, immoler ma rivale!
geste qui est une trouvaille de tragédienne.
Le talent de cantatrice de Mlle Bréval est
trop connu pour que je vienne l'exalter une
fois de plus ici, mais je tiens à faire remar-
quer combien cette grande artiste est supé-
rieure lorsque son instinct du drame se trou-
ve aidé par une ambiance musicale adaptée
à son rôle, et lorsqu'elle n'est point gênée
par une expression fautive. ou absente.
.Quelle différence entre ses deux créations
de cet hiver, l'Iphigénie forcée de l'Opéra-
Comique et l'étonnante et admirable Phèdre
qu'elle nous donne à l'Opéra!
M. Plamondon est un charmant Hippo-
lyte, séduisant à l'extrême par son art de
chanteur simple et sans pose. Je dois enfin
une mention particulière à Mme Caro-Lucas,
intelligente artiste qui a su donner de la
personnalité au rôle un peu ingrat d'Œnone,
et paraît comprendre à merveille les trésors
d'expression que renferme la musique de
Rameau.
Que sera, au vingtième siècle, la nouvelle
carrière d'Hippolyte et Aride? Nul ne peut
le préjuger. En ces temps d'instruction ni-
veleusement obligatoire, l'ignorance diffuse
est telle que, même au sein des classes di-
tes privilégiées — celles des gens qui vont
à l'Opéra -, personne ne connaît plus la
mythologie, aliment principal du théâtre au
dix-huitième siècle ; il me semble néanmoins
que, sans parler du côté spectacle, fort amu-
sant en sa variété, les caractères si humains
de Phèdre et de Thésée ne peuvent qu'é-
mouvoir ceux qui savent écouter et com-
prendre, et, pour cela seulement, on devrait
être reconnaissant aux directeurs de l'Opéra
d'avoir mené à bien cette entreprise qu'on
disait impossible: la remise à la scène d'un
opéra de Rameau.
A très peu de jours de distance s'est pro-
duit à l'Académie de musique un autre évé-
nement non moins important et non moins
significatif: la présentation d'un drame mu-
sical russe dans son atmosphère originale,
c est-à-dire chanté en russe par des artistes
russes revêtus d'authentiques costumes rus-
ses et agissant dans des décors russes.
Je n'ai pas à apprécier ici l'exécution de
1 œuvre de Moussorgsky, laquelle, en dépit
de quelques inutiles transpositions de scè-
nes et de coupures bien intempestives (je re-
grette infiniment la scène de l'auberge, qui
Montrait le caractère de Grigori sous son
Vrai jour), fut superbement vivante: je me
bornerai *" à' dire mon" admîsation pour M.
Chaliapine, qui compose avec tant d'art le
personnage du tzar usurpateur; pour ses di-
gnes partenaires MM. Smirnow et Alt-
chewsky, dont les jolies voix de ténor font
merveille à l'Opéra, et surtout pour les
chœurs du théâtre de Moscou, qui donnent
aux scènes de foule une vie et un accent
auxquels nous ne sommes guère accoutu-
més; mais ce que je tiens à constater, c'est
l'étroite parenté artistique qui existe entre
l'œuvre russe et l'œuvre française, si diffé-
rentes d'aspect extérieur, si près l'une de
l'autre par la conception et l'emploi des
moyens expressifs, toute proportion de lon-
gitudes réservée..
Que sont, en effet, les deux libretii, si
l'on peut s'exprimer ainsi, d'Hippolyte et de
Boris, sinon l'adaptation à la scène lyrique
de deux poèmes légendaires extrêmement
répandus à l'époque où vivaient les deux
musiciens, et. connus de toutes ,les classes
instruites de la société : la Phèdre de Racine
et le Boris Godounow de Pouchkine? Les
deux drames se constituent en une suite de
tableaux séparés, beaucoup plus qu'en scè-
nes logiquement enchaînées. Si la partie
chorale semble, dans Boris, avoir plus de
mouvement que dans Hippolyte, c'est aux
exécutants qu'on doit attribuer cette diffé-
rence, car la conoeption décorative est sen-
siblement la même dans les deux œuvres,
et aucun des chœurs de l'opéra russe n'é-
gale en puissance expressive l'admirable pé-
roraison du quatrième acte de l'opéra fran-
çais: « Hippolyte n'est plus. »
Quant au dialogue, il est, de l'aveu des
deux auteurs eux-mêmes, basé sur un prin-
cipe identique : la récitation musicale du
texte avec les seuls accents, littéraires ou
pathétiques, comme régulateurs des courbes
de la ligne vocale. Lorsqu'il y a continuité
de sentiment, cette traduction du texte se
cristallise en une forme musicale : forme
lied ou petit air français chez Rameau, cou-
plets à reprise chez Moussorgsky; et ici, je
crois bien, sans parti pris nationaliste, pou-
voir donner la préférence à notre musicien
dont les mélodies proprement dites restent
constamment d'une exquise distinction, tan-
dis que, lorsque le compositeur russe sort
du domaine de la récitation pure, il lui ar-
rive parfois de tomber dans cette vulgarité
un peu mièvre qui fut de mise dans notre
musique de théâtre, au dernier quart du dix-
neuvième siècle;, qu'on lise, par exemple,
la seconde partie du duo entre Grigori et
Marina, au troisième acte. :
Autre point de ressemblance entre les
deux œuvres ; on a remarqué que, la plupart
du temps, les événements vraiment drama-
tiques, ceux qui forment les points essen-
tiels de la tragédie française, par exemple,
l'aveu de Phèdre au trôKIërïïe acte, l'annon-
ce de la mort du fils de Thésée, au quatriè-
me, points sur lesquels un musicien moderne
eût concentré toutes ses forces d'expression
orchestrales et vocales, sont traités par Ra-
meau en simple récitatif, fort juste de pro-
sodie et d'accent, mais totalement dépourvu
de soutiens et d'entours musicaux.
Il en est absolument de même dans Boris
Godounow. Au cours dè presque toutes les
scènes essentielles du drame,— hallucina-
tion du roi meurtrier, mort de Boris, etc., -
ta musique, non seulement cède le pas à la
récitation, mais arrive à s'effacer, à disparaî-
tre presque complètement, laissant tout l'ef-
fet d'art à la merci de l'acteur, système sou-
tenable lorsque le rôle est confié à un Cha-
liapine, mais qui ne supporterait pas l'inter-
prétation d un demi-talent. -
Cet abandon de la musique dans une
œuvre moderne et aux moments où la musi-
que semblerait la mieux venue pour appor-
ter à l'action ses admirables moyens expres-
sifs est véritablement une curieuse concept
tion, alors, au contraire, que tous les épiso
des populaires ou accessoirement pittores
ques qui ne relèvent pas du drame propre-
ment dit sont rendus musicalement d'une
façon tout à fait saisissante et originale qui
arrive à confiner au génie.
Voilà donc deux œuvres, aussi dissem-
blables que possible pour l'auditeur superfi-
ciel, mais parfaitement identiques en leur
disposition formelle et leur mode expressif;
pour le spectateur qui sait entendre et sen-
tir. Toutes deux sont passionnantes par
leurs qualités et même par leurs défauts,
car le récitatif un peu trop continu mais si
judicieusement ordonné de Rameau n'est pas
inférieur aux sauvages improvisations de
Moussorgsky, et, si celui-ci prend davantage
nos esprits modernes par ces descriptions de
la vie populaire moscovite, si nouvelles sur
notre théâtre et conséquemment si séduisan-
tes, il n'y a pourtant, dans toute la partition
de Boris, aucune scène qui touche aussi sû-
rement le fond du drame et où la musique
se fasse plus expressivement l'interprète
du cœur humain que celles où Rameau se
livre sans frein à son sentiment dramatique :
angoisse d'un père aveuglé par la fatalité
et vouant son fils à la mort, terrifiantes et
glaciales réponses du chœur aux impréca-
tions et aux fébriles aveux d'une reine en
délire.
Quoi qu'il en soit, il faut tenir Hippolyte
et Boris pour des créations géniales, et, si
nos habitudes, notre ignorance entretenue et
partagée par la plupart des musicographes,
peuvent nous voiler encore la grande beauté
de l'oeuvre de Rameau, il est indéniable que
c'est de l'art de Moussorgsky que provient
tout notre « modern-style » musical français.
Beaucoup de nos jeunes compositeurs,
ceux surtout qui n'ont pas reçu ou ne se
sont pas fait eux-mêmes une éducation so-
lide, se sont appropriés, peut-être incon-
sciemment, les procédés de l'auteur de Bo-
ris et de la Chambre d'enfants (diction ra-
pide avec très peu de musique autour, cha-
toyante instrumentation avec- glissando de
harpes et trompettes en sourdines, etc.) ; ils
subissent l'influence de la musique russe, de
la même manière que leurs aînés pouvaient
subir l'ascendant wagnérien, et il n'y a, de
ce fait, pas plus de reproches à faire aux
uns qu'aux autres, car: « On est toujours le
fils de quelqu'un », a dit le véridique Bri-
doison.
Mais il n'y a pas à douter un seul instant
que nos excellents snobs, retrouvant dans
Boris Godounow (dont la composition date
cependant déjà de quarante années!) tous
les effets nouveaux qu'ils ont adorés dans
les dernières productions françaises, ne fas-
sent, à bon droit, un très grand succès à
l'opéra de Moussorgsky, dont l'interprétation
est, du reste, si remarquable. Seulement,
comme, depuis quelque temps, les succès
se font généralement non point pour, mais
surtout contre quelqu'un, il y a gros à pa-
rier que le pauvre Rameau, qui a le tort
d'être bien Français de langue et d'esprit,
souffrira du voisinage de son congénère en
esthétique ; juste, mais triste retour des cho-
ses. puisque Rameau lui-même fut, presque
dans les mêmes conditions, opposé par les
« snobs » du dix-huitième siècle, à Baptiste
Lulli, dont il était cependant le véritable
continuateur artistique.
Pour nous, qui sommes de plus en plus
convaincus qu'il faut aimer d'amour enthou-
siaste tout ce qui est beau et bien, en toutes
les époques et sous toutes les formes, nous
ne cacherons pas notre admiration sincère
pour les deux chefs-d'œuvre qui tiennent en
ce moment la scène de notre Académie na-
tionale de musique, et nous tenons, en ter-
minant cet article, à formuler le vœu que nos
jeunes compositeurs, après avoir pris à l'art
wagnérien et à l'art russe tout ce qui pouvait
être assimilable à leur nature, se retournent
vers nos ancêtres nationaux et nous prépa-
rent enfin des œuvres où nous retrouverons
les qualités qui furent et resteront toujours
françaises: l'ordre, la proportion et la clarté.
VINCENT D'INDY
Nous publierons demain un article dei
JACQUES MAY
Ethnographie
Les Français, adaptés qu'ils sont depuis
leur jeunesse aux invraisemblables usages
administratifs qui les enserrent, finissent
par ne plus les remarquer. Il n'en est point
de même des étrangers, des Anglais princi-
palement, qui, lorsqu'ils arrivent pour la
première fois dans notre pays, se trouvent
complètement déconcertés par certaines ab-
surdités dont ils ne peuvent arriver à dis-
cerner la cause.
Cela se voit particulièrement en matière
de théâtre, et nous recevons quotidienne-
ment à Comœdia de curieuses lettres à ce
sujet.
C'est ainsi que l'on ne fera jamais com-
prendre à un Anglo-Saxon la nécessité qu'il
y a, lorsque l'on veut louer une place à
l'Opéra pour la semaine suivante, de faire
queue au guichet avec les spectateurs qui
veulent aller au théâtre le soir même.
Il est impossible également de faire com-
prendre aux mêmes Anglo-Saxons la diffi-
CliliLmUL y mirait.À.atfirher 4 i#4sr*ist s#r
un petit tableau spécial, les sortes de places
qui sont toutes retenues, et à éviter ainst
aux gens pressés de taire trois quarts d'heu-
re de queue pour obtenir cette pénible révé-
lation de la bouche même d'une buraliste
discrète. Je ne parle point de ceux qui s'é-
tonnent de l'absence absolue d'interprète
dans un théâtre où défilent chaque jour des
milliers et des milliers d'étrangers; Vidée
est tellement ridicule, quand on connaît les
usages français, qu'il vaut mieux ne point
la relever.
Il n'en est pas moins vrai qu'en présence
de pareils mystères administratifs l'attitude
prudente et réservée des étrangers s'expli-
que bien souvent dans notre ville. Ils sont
dans la même situation que des voyageurs
à qui l'on recommanderait soigneusement,
dans l'Afrique Centrale, de ne point péné-
trer dans un temple sans cracher sept fois,
et de ne pas oublier de saluér avec respect
un balai planté en terre qui se trouve au
milieu d'une place. On ignore l'utilité de
pareilles pratiques, mais on sait que l'on se-
rait massacré par la population nègre si Von
ne les suivait point à la lettre, et l'on s'in-
cline sans chercher à comprendre.
Les Anglais font de même devant nos bu-
reaux de location, mais on a tout lieu de
penser qu'ils nous prennent intérieurement
pour de curieux sauvages.
Les disciples de Paul Adam vous expli-
queront peut-être que ce formalisme tient
essentiellement au génie de la race latine,
mais il me semble tout de même Qu'en ma-
tière pratique de bureau de location, c'est la
race latine qui demeure dans $on tort.
G. DE PAWLOWSKI"
On demande
des Critiques
CONCOURS OUVERT AU PUBLIC PAR « COMŒ-
DIA », LE MERCREDI 3 JUIN, AU COURS
DE LA REPRÉSENTATION DU THÉA-
TRE RÉJANE,
« De chemin, mon ami, suis ton petit
bonhomme! »
C'est le programme qu'accomplit très
exactement notre idée du Concours de Cri-
tiques qui aura lieu le 3 juin prochain au
Théâtre Réjane; la meilleure preuve en est
dans le courrier nombreux que nous rece-
vons chaque jour depuis l'annonce de ce
Concours.
n -
rour reponare d abord à plusieurs deman-
des, disons que, le 3 juin, c'est Madame
Sans-Gêne que l'on jouera; la pièce fait
d'excellentes recettes et ne quittera proba-
blement pas l'affiche de sitôt. Que donc nos
futurs concurrents se documentent d'ici là;
il ne leur sera pas inutile, d'ici là, de re-
prendre contact avec les souvenirs de l'épo-
que où évolue la pièce.
On nous demande encore si, pour pren-
dre part à notre concours, il faut être Fran-
çais. Point n'en est besoin et il suffit d'une
critique écrite en français, et en bon fran-
çais. Il va sans dire que nous nous attache-
rons, pour décerner le prix, aussi bien à la
forme qu'au fond de la critique.
Rappelons enfin que les critiques devront
nous être adressées dans les vingt-quatre
heures qui suivront la représentation du 3
juin.
Lire à la deuxième page
Le Festival Faurè
En l'honneur de M. Fallières
Le Gala.
de CoVenUGarden
Une salle féerique
Une réunion :'
d'étoiles sur la scène
- 1
{Par dépêche de notre correspondant.)
Miss Maud Allan
Le gala de ce soir, en l'honneur du Pré-
sident de la République, a dépassé en splen-
deur tout ce qu'on avait vu depuis des an-
nées à Covent-Garden. La magnificence des
décorations, le luxe des toilettes, l'enthou-
siasme du public, la réunion, sur la scène
de l'Opéra, d'artistes telles que Mmes Mel-
ba et Tetrazzini, tout a contribué à. faire de
cette soirée la plus brillante des manifesta-
tions en l'honneur de l'entente cordiale.
Le Président de la République, qui avait
dîné au Foreign-Office avec le prince de
Galles et Sir Edward Grey, arriva à neuf
heures et demie précises, accompagné de
ses hôtes, de M. Pichon et de M. Jean
Lanes. Un piquet de soldats de la garde en
grand uniforme rendit les honneurs au pied
du grand escalier.
M. Fallières fut reçu par le Roi et la
Reine dans la loge royale, où prirent place
également le prince et la princesse de Gal-
les, la princesse Victoria, la princesse Henry
de Battenberg, le prince Arthur de Con-
le prince et la princesse Christiart,
le duc d'Albany, le prince Francis de Teck,
le duc et la duchesse de Fife, M. Pichon et
M. Jean Lanes.
Dans les loges voisines, des -princes in-
diens, parés- de bijoux superbes, excitaient
également la curiosité générale.
L'orchestre, sous la direction de signer;
Campanini, préluda aussitôt, et le rideau se
leva sur le premier acte .des Pêcheurs de
>
1 Perles. Je ne puis, vu l'heure tardive, par-
lér en détail de l'interprétation; la voix de
Mme Tetrazzini parut admirable; son suc-
cès fut. partage par MM. John Mac Cor-
mack, Sammarco et -Marcoux.
Le deuxième acte de Faust valut à Mme
Melba un égal triomphe, ainsi qu'à. miss
Hatchard, Edna Thornton, signor Zenatello
et Marcoux. ,
A signaler le succès en Méphistophélès
de M. Marcoux, un artiste déjà connu en
France, et que l'on entendra en automne à
l'Opéra de Paris.
La soirée s'acheva dans un tonnerre d'ap-
plaudissements.
A signaler les magnifiques programmes
de style Louis XVI et Empire,, imprimés
sur satin blanc, avec ornements or et bleu.'
Sur la couverture, au centre, les,armoiries
royales, entre les initiales R. F. et une croix
de la Légion d'honneur.
D'autres théâtres disputèrent à Covent Gar-
den le privilège de fêter l'entente cordiale.
Mme Tetrazzini
1, Mme. Melba
M. Mac Cormaek
La loge ,"oyall
C'est ainsi qu'au PaIace Théâtre i
grande'matinée fut donnée en l'honreur
officiers et de l'équipage du Léon-Gum r ,
arrivés tout exprès le matin de Douv
Miss Maud Allan, la fameuse danser c
nadienne, enthousiasma les marins hr
par ses danses d'une grâce incoropar"£v
et tout particulièrement parla célèbre Uai
de Salomé..
d -
1 Echos
Ce soir, à neuf heures, à l'Athénée, ré-
pétition générale du Chant du cygne, co-
médie en trois actes, de MM. Georges Duval
et Xavier Roux.
Aujourd'hui, 'à quatre heures et demie, au
Théâtre-Mondain, première représentation
de: La Dernière page, de M. H. Aurenche;
Miss Sandwich, de M. Ch. de Bussy, qui
inaugurent les matinées de printemps.
On commencera par Le Minotaure, de
M. Léon Deloncle, - et M. Saint-Mars imi-
tera M. de Max.
Ce soir, à neuf heures, au 'théâtre Mé-
visto (direction intérimaire Gaston Bordas),
première représentation de: Après l'Amour,
pièce en trois actes, de M. Didier de Roulx,
et Léa, pièce en un acte, du même fIuteur.
Ce soir, à 9 heures 114, au Little-Palace,
première remésentaiion de : C'est couru!.
revue hippique et sportive en deux actes, de
M. Edouard Pontié (combat de boxe an-
glaise); L'Ecole des cocus, comédie en un
acte, de M. R. Duval; La Danse au ser-
pent, par Mils Suzy de Venne,
p
lusieurs millions à la disposition de
l'expert Dusausoy, 4, boulevard des
Italiens, qui achète de suite, à première
vue et à leur réelle valeur, bijoux, dia-
mants et pierres fines. Grand choix d'oc-
casions.
s
ous la Coupole.
Voici déjà qu'à mots couverts on s'en-
tretient de la succession de François Cop-
pée à l'Académie française, et parmi les
noms qu'on prononce revient souvent —
outre celui de M. Henri de Régnier — ce-
lui de M. Paul Déroulède, poète comme
Coppée et ami de Coppée.
Mais tous ces bruits ne sont encore que
des bruits. --.
M
onologue de « l'Homme-Sandwich
Parleur »:
Ce soir, à cinq heures, au Moulin-Rouge-
Palace : apéritif-concert.
Ce soir, à sept heures, au Moulin-Pouge.
Palace: dîner par petites tables fleuries.
Ce soir, à neuf heures, au Moulin-Rouge.
Palace: feu d'artifice dans le jardin.
Ce soir, à partir de onze heures, su Moi*
lin-Rouge-Palace : soupers en musique.
Ce soir. etc., etc.
H
ier soir, à la porte Maillot, cr, conp-
tait par centaines les chauffe; rs -mi
partaient pour passer la journée de = .-ten-
sion à la campagne. Est-il besoin d au rer
que la plupart d'entre eux avaient gi.> ¡ ¡¡i
leurs roues des pneus Bergougnan.
N
o
ombres fatidiques.
M. Huguenet, dont Comoeoui éle-
vait récemment quelques phobies, n est ras
le seul de nos artistes qui soit superstitieux,
il s'en faut: qu'on en juge:
Mlle Lina Munte, par exemple, a l'hor-
reur du chiffre quatre; M. Grisier, l'ancien
directeur de l'Ambigu, ne pouvait souffrir
le chiffre sept, qu'on remplaçait chez iai
par six bis.
M. Leitner, pé un treize et ayant habité'
b Numéro ? 5 vendîmes
Jeudi 28 Mai 1908.
Rédacteur en Chef 6. de PAWLOWSKI
Rédacteur en Chef: G. de PAWLOWSKl
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE: 288-07
Adresse Télégraphique : COMŒDIA.PARLC;
ABONNEMENTS:
UN AN 6 ROIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr.
Étranger. 40 » 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION ï
27, Boulevard Poissonnière, PARIS
TÉLÉPHONE : 298-0'7
Adresse Télégraphique : COMŒDIA=PARIS
ABONNEMENTS :
1 UN AN e M0I3 à
., - -
Pans et Départements 24 fr..12 fr.
Étranger. 40 D 20 a
Hippolyte
et Boris
Autant il est triste et décevant, pour un
musicien qui aime son art, de voir un chef-
d'œuvre mis à mal et dénaturé sans pudeur,
comme le fut, cet hiver, l'Iphigénie de
Gluck au théâtre — cependant subvention-
né — de l'Opéra-Comique, autant il est ré-
confortant de constater le sérieux et sin-
cère effort accompli par l'Académie natio-
nale de musique pour présenter dignement
et honnêtement un autre chef-d'œuvre, bien
plus difficile à reconstituer qu'Iphigénie,
parce que plus loin de nous : la tragédie mu-
sicale de Rameau. Hivvolvte et Aricie.
Ici, tout était à refaire, ou plutôt à faire,
car la dernière reprise de l'œuvre, en 1767,
ne pouvait avoir laissé aucune trace tradi-
tionnelle de nature à guider les directeurs
actuels de l'Opéra. Ceux-ci ont donc agi
simplement comme s'ils se fussent trouvés
en face d'un ouvrage nouveau, tout en res-
tant dans l'ambiance apparente de l'art du
dix-huitième siècle; ils ont voulu présenter
la tragédie lyrique telle qu'elle fut écrite par
les auteurs, sans recherche d'effets de
mauvais aloi, sans exagération de mise en
scène, sans « aguichage » malsain de l'œil
du spectateur au détriment de son oreille.
C'est que, parmi ceux qui président aux des-
tinées de l'Opéra, il y a des musiciens res-
pectueux de leur art, et aussi un peintre
qui a su conserver le goût français qu'il fal-
lait à cette reconstitution sans verser, d'un
côté dans le germanisme, ou, de l'autre,
dans le modern-style.
Ce n'est pas dans Hippolyte que nous
verrons des lutteurs antiques venir, sur une
musique du plus pur Louis XV, exhiber des
grâces dignes de la foire de Neuilly; nous
ne rencontrerons dans aucun des décors,
comme naguère dans l'Iphigénie de l'Opéra-
Comique, un mur nu destiné à recevoir une
frise tableau-vivant dont la disposition et
les couleurs font plutôt penser à un étalage
de confiseur qu'aux nobles Panathénées.
Non, les directeurs de l'Opéra ont été hon-
nêtes et sincères, ils n'ont point cherché à
faire autre chose que de l'art. et ils ont
réussi.
Je n'ai pas à donner ici le compte rendu
de la première représentation d'Hippolyte
et Aricie, qui a été fait, avec grande compé-
tence, par mon confrère Willy, mais je m'en
voudrais de ne pas féliciter le théâtre con-
servateur de nos traditions nationales d'a-
voir fait revivre notre génial Rameau de
façon aussi claire et aussi complète. Si cer-
tains détails restent critiquables dans l'exé-
—cution, si quelques rares mouvements man-
quent d'exactitude, comme la seconde par-
tie du terrible trio des Parques, si l'on n'a
pu obtenir des cornistes de jouer les fanfa-
res du quatrième acte sur la trompe de
chasse comme cela se faisait au temps de
Rameau, combien ces imperfections sont
largement compensées par le rendu musical
du drame!
M. Delmas incarne, avec une grandeur
vraiment remarquable, le personnage diffi-
cile de Thésée ; il est impossible — même à
des âmes dites modernes — de n'être point
profondément ému par la poignante expres-
sion de sa prière à Neptune, l'une des plus
belles pages de notre opéra français. Mlle
Lucienne Bréval est simplement admirable
dans le rôle de Phèdre- cette belle artiste
possède un instinct dramatique tellement
inné qu'on peut toujours s'en fier à elle
pour trouver l'expression ou l'attitude jus-
tes. Il faut voir, au premier acte, sa pose
dédaigneuse devant les cris des prêtresses,
se changer, sans presque un mouvement, en
une sorte de défi altier sous les menaces de
Diane; il faut voir surtout, au cours de la
grande scène avec Hippolyte, ce geste à la
fois pudique et impudique qui souligne l'a-
veu:
Puis-je, avec trop d'ardeur, immoler ma rivale!
geste qui est une trouvaille de tragédienne.
Le talent de cantatrice de Mlle Bréval est
trop connu pour que je vienne l'exalter une
fois de plus ici, mais je tiens à faire remar-
quer combien cette grande artiste est supé-
rieure lorsque son instinct du drame se trou-
ve aidé par une ambiance musicale adaptée
à son rôle, et lorsqu'elle n'est point gênée
par une expression fautive. ou absente.
.Quelle différence entre ses deux créations
de cet hiver, l'Iphigénie forcée de l'Opéra-
Comique et l'étonnante et admirable Phèdre
qu'elle nous donne à l'Opéra!
M. Plamondon est un charmant Hippo-
lyte, séduisant à l'extrême par son art de
chanteur simple et sans pose. Je dois enfin
une mention particulière à Mme Caro-Lucas,
intelligente artiste qui a su donner de la
personnalité au rôle un peu ingrat d'Œnone,
et paraît comprendre à merveille les trésors
d'expression que renferme la musique de
Rameau.
Que sera, au vingtième siècle, la nouvelle
carrière d'Hippolyte et Aride? Nul ne peut
le préjuger. En ces temps d'instruction ni-
veleusement obligatoire, l'ignorance diffuse
est telle que, même au sein des classes di-
tes privilégiées — celles des gens qui vont
à l'Opéra -, personne ne connaît plus la
mythologie, aliment principal du théâtre au
dix-huitième siècle ; il me semble néanmoins
que, sans parler du côté spectacle, fort amu-
sant en sa variété, les caractères si humains
de Phèdre et de Thésée ne peuvent qu'é-
mouvoir ceux qui savent écouter et com-
prendre, et, pour cela seulement, on devrait
être reconnaissant aux directeurs de l'Opéra
d'avoir mené à bien cette entreprise qu'on
disait impossible: la remise à la scène d'un
opéra de Rameau.
A très peu de jours de distance s'est pro-
duit à l'Académie de musique un autre évé-
nement non moins important et non moins
significatif: la présentation d'un drame mu-
sical russe dans son atmosphère originale,
c est-à-dire chanté en russe par des artistes
russes revêtus d'authentiques costumes rus-
ses et agissant dans des décors russes.
Je n'ai pas à apprécier ici l'exécution de
1 œuvre de Moussorgsky, laquelle, en dépit
de quelques inutiles transpositions de scè-
nes et de coupures bien intempestives (je re-
grette infiniment la scène de l'auberge, qui
Montrait le caractère de Grigori sous son
Vrai jour), fut superbement vivante: je me
bornerai *" à' dire mon" admîsation pour M.
Chaliapine, qui compose avec tant d'art le
personnage du tzar usurpateur; pour ses di-
gnes partenaires MM. Smirnow et Alt-
chewsky, dont les jolies voix de ténor font
merveille à l'Opéra, et surtout pour les
chœurs du théâtre de Moscou, qui donnent
aux scènes de foule une vie et un accent
auxquels nous ne sommes guère accoutu-
més; mais ce que je tiens à constater, c'est
l'étroite parenté artistique qui existe entre
l'œuvre russe et l'œuvre française, si diffé-
rentes d'aspect extérieur, si près l'une de
l'autre par la conception et l'emploi des
moyens expressifs, toute proportion de lon-
gitudes réservée..
Que sont, en effet, les deux libretii, si
l'on peut s'exprimer ainsi, d'Hippolyte et de
Boris, sinon l'adaptation à la scène lyrique
de deux poèmes légendaires extrêmement
répandus à l'époque où vivaient les deux
musiciens, et. connus de toutes ,les classes
instruites de la société : la Phèdre de Racine
et le Boris Godounow de Pouchkine? Les
deux drames se constituent en une suite de
tableaux séparés, beaucoup plus qu'en scè-
nes logiquement enchaînées. Si la partie
chorale semble, dans Boris, avoir plus de
mouvement que dans Hippolyte, c'est aux
exécutants qu'on doit attribuer cette diffé-
rence, car la conoeption décorative est sen-
siblement la même dans les deux œuvres,
et aucun des chœurs de l'opéra russe n'é-
gale en puissance expressive l'admirable pé-
roraison du quatrième acte de l'opéra fran-
çais: « Hippolyte n'est plus. »
Quant au dialogue, il est, de l'aveu des
deux auteurs eux-mêmes, basé sur un prin-
cipe identique : la récitation musicale du
texte avec les seuls accents, littéraires ou
pathétiques, comme régulateurs des courbes
de la ligne vocale. Lorsqu'il y a continuité
de sentiment, cette traduction du texte se
cristallise en une forme musicale : forme
lied ou petit air français chez Rameau, cou-
plets à reprise chez Moussorgsky; et ici, je
crois bien, sans parti pris nationaliste, pou-
voir donner la préférence à notre musicien
dont les mélodies proprement dites restent
constamment d'une exquise distinction, tan-
dis que, lorsque le compositeur russe sort
du domaine de la récitation pure, il lui ar-
rive parfois de tomber dans cette vulgarité
un peu mièvre qui fut de mise dans notre
musique de théâtre, au dernier quart du dix-
neuvième siècle;, qu'on lise, par exemple,
la seconde partie du duo entre Grigori et
Marina, au troisième acte. :
Autre point de ressemblance entre les
deux œuvres ; on a remarqué que, la plupart
du temps, les événements vraiment drama-
tiques, ceux qui forment les points essen-
tiels de la tragédie française, par exemple,
l'aveu de Phèdre au trôKIërïïe acte, l'annon-
ce de la mort du fils de Thésée, au quatriè-
me, points sur lesquels un musicien moderne
eût concentré toutes ses forces d'expression
orchestrales et vocales, sont traités par Ra-
meau en simple récitatif, fort juste de pro-
sodie et d'accent, mais totalement dépourvu
de soutiens et d'entours musicaux.
Il en est absolument de même dans Boris
Godounow. Au cours dè presque toutes les
scènes essentielles du drame,— hallucina-
tion du roi meurtrier, mort de Boris, etc., -
ta musique, non seulement cède le pas à la
récitation, mais arrive à s'effacer, à disparaî-
tre presque complètement, laissant tout l'ef-
fet d'art à la merci de l'acteur, système sou-
tenable lorsque le rôle est confié à un Cha-
liapine, mais qui ne supporterait pas l'inter-
prétation d un demi-talent. -
Cet abandon de la musique dans une
œuvre moderne et aux moments où la musi-
que semblerait la mieux venue pour appor-
ter à l'action ses admirables moyens expres-
sifs est véritablement une curieuse concept
tion, alors, au contraire, que tous les épiso
des populaires ou accessoirement pittores
ques qui ne relèvent pas du drame propre-
ment dit sont rendus musicalement d'une
façon tout à fait saisissante et originale qui
arrive à confiner au génie.
Voilà donc deux œuvres, aussi dissem-
blables que possible pour l'auditeur superfi-
ciel, mais parfaitement identiques en leur
disposition formelle et leur mode expressif;
pour le spectateur qui sait entendre et sen-
tir. Toutes deux sont passionnantes par
leurs qualités et même par leurs défauts,
car le récitatif un peu trop continu mais si
judicieusement ordonné de Rameau n'est pas
inférieur aux sauvages improvisations de
Moussorgsky, et, si celui-ci prend davantage
nos esprits modernes par ces descriptions de
la vie populaire moscovite, si nouvelles sur
notre théâtre et conséquemment si séduisan-
tes, il n'y a pourtant, dans toute la partition
de Boris, aucune scène qui touche aussi sû-
rement le fond du drame et où la musique
se fasse plus expressivement l'interprète
du cœur humain que celles où Rameau se
livre sans frein à son sentiment dramatique :
angoisse d'un père aveuglé par la fatalité
et vouant son fils à la mort, terrifiantes et
glaciales réponses du chœur aux impréca-
tions et aux fébriles aveux d'une reine en
délire.
Quoi qu'il en soit, il faut tenir Hippolyte
et Boris pour des créations géniales, et, si
nos habitudes, notre ignorance entretenue et
partagée par la plupart des musicographes,
peuvent nous voiler encore la grande beauté
de l'oeuvre de Rameau, il est indéniable que
c'est de l'art de Moussorgsky que provient
tout notre « modern-style » musical français.
Beaucoup de nos jeunes compositeurs,
ceux surtout qui n'ont pas reçu ou ne se
sont pas fait eux-mêmes une éducation so-
lide, se sont appropriés, peut-être incon-
sciemment, les procédés de l'auteur de Bo-
ris et de la Chambre d'enfants (diction ra-
pide avec très peu de musique autour, cha-
toyante instrumentation avec- glissando de
harpes et trompettes en sourdines, etc.) ; ils
subissent l'influence de la musique russe, de
la même manière que leurs aînés pouvaient
subir l'ascendant wagnérien, et il n'y a, de
ce fait, pas plus de reproches à faire aux
uns qu'aux autres, car: « On est toujours le
fils de quelqu'un », a dit le véridique Bri-
doison.
Mais il n'y a pas à douter un seul instant
que nos excellents snobs, retrouvant dans
Boris Godounow (dont la composition date
cependant déjà de quarante années!) tous
les effets nouveaux qu'ils ont adorés dans
les dernières productions françaises, ne fas-
sent, à bon droit, un très grand succès à
l'opéra de Moussorgsky, dont l'interprétation
est, du reste, si remarquable. Seulement,
comme, depuis quelque temps, les succès
se font généralement non point pour, mais
surtout contre quelqu'un, il y a gros à pa-
rier que le pauvre Rameau, qui a le tort
d'être bien Français de langue et d'esprit,
souffrira du voisinage de son congénère en
esthétique ; juste, mais triste retour des cho-
ses. puisque Rameau lui-même fut, presque
dans les mêmes conditions, opposé par les
« snobs » du dix-huitième siècle, à Baptiste
Lulli, dont il était cependant le véritable
continuateur artistique.
Pour nous, qui sommes de plus en plus
convaincus qu'il faut aimer d'amour enthou-
siaste tout ce qui est beau et bien, en toutes
les époques et sous toutes les formes, nous
ne cacherons pas notre admiration sincère
pour les deux chefs-d'œuvre qui tiennent en
ce moment la scène de notre Académie na-
tionale de musique, et nous tenons, en ter-
minant cet article, à formuler le vœu que nos
jeunes compositeurs, après avoir pris à l'art
wagnérien et à l'art russe tout ce qui pouvait
être assimilable à leur nature, se retournent
vers nos ancêtres nationaux et nous prépa-
rent enfin des œuvres où nous retrouverons
les qualités qui furent et resteront toujours
françaises: l'ordre, la proportion et la clarté.
VINCENT D'INDY
Nous publierons demain un article dei
JACQUES MAY
Ethnographie
Les Français, adaptés qu'ils sont depuis
leur jeunesse aux invraisemblables usages
administratifs qui les enserrent, finissent
par ne plus les remarquer. Il n'en est point
de même des étrangers, des Anglais princi-
palement, qui, lorsqu'ils arrivent pour la
première fois dans notre pays, se trouvent
complètement déconcertés par certaines ab-
surdités dont ils ne peuvent arriver à dis-
cerner la cause.
Cela se voit particulièrement en matière
de théâtre, et nous recevons quotidienne-
ment à Comœdia de curieuses lettres à ce
sujet.
C'est ainsi que l'on ne fera jamais com-
prendre à un Anglo-Saxon la nécessité qu'il
y a, lorsque l'on veut louer une place à
l'Opéra pour la semaine suivante, de faire
queue au guichet avec les spectateurs qui
veulent aller au théâtre le soir même.
Il est impossible également de faire com-
prendre aux mêmes Anglo-Saxons la diffi-
CliliLmUL y mirait.À.atfirher 4 i#4sr*ist s#r
un petit tableau spécial, les sortes de places
qui sont toutes retenues, et à éviter ainst
aux gens pressés de taire trois quarts d'heu-
re de queue pour obtenir cette pénible révé-
lation de la bouche même d'une buraliste
discrète. Je ne parle point de ceux qui s'é-
tonnent de l'absence absolue d'interprète
dans un théâtre où défilent chaque jour des
milliers et des milliers d'étrangers; Vidée
est tellement ridicule, quand on connaît les
usages français, qu'il vaut mieux ne point
la relever.
Il n'en est pas moins vrai qu'en présence
de pareils mystères administratifs l'attitude
prudente et réservée des étrangers s'expli-
que bien souvent dans notre ville. Ils sont
dans la même situation que des voyageurs
à qui l'on recommanderait soigneusement,
dans l'Afrique Centrale, de ne point péné-
trer dans un temple sans cracher sept fois,
et de ne pas oublier de saluér avec respect
un balai planté en terre qui se trouve au
milieu d'une place. On ignore l'utilité de
pareilles pratiques, mais on sait que l'on se-
rait massacré par la population nègre si Von
ne les suivait point à la lettre, et l'on s'in-
cline sans chercher à comprendre.
Les Anglais font de même devant nos bu-
reaux de location, mais on a tout lieu de
penser qu'ils nous prennent intérieurement
pour de curieux sauvages.
Les disciples de Paul Adam vous expli-
queront peut-être que ce formalisme tient
essentiellement au génie de la race latine,
mais il me semble tout de même Qu'en ma-
tière pratique de bureau de location, c'est la
race latine qui demeure dans $on tort.
G. DE PAWLOWSKI"
On demande
des Critiques
CONCOURS OUVERT AU PUBLIC PAR « COMŒ-
DIA », LE MERCREDI 3 JUIN, AU COURS
DE LA REPRÉSENTATION DU THÉA-
TRE RÉJANE,
« De chemin, mon ami, suis ton petit
bonhomme! »
C'est le programme qu'accomplit très
exactement notre idée du Concours de Cri-
tiques qui aura lieu le 3 juin prochain au
Théâtre Réjane; la meilleure preuve en est
dans le courrier nombreux que nous rece-
vons chaque jour depuis l'annonce de ce
Concours.
n -
rour reponare d abord à plusieurs deman-
des, disons que, le 3 juin, c'est Madame
Sans-Gêne que l'on jouera; la pièce fait
d'excellentes recettes et ne quittera proba-
blement pas l'affiche de sitôt. Que donc nos
futurs concurrents se documentent d'ici là;
il ne leur sera pas inutile, d'ici là, de re-
prendre contact avec les souvenirs de l'épo-
que où évolue la pièce.
On nous demande encore si, pour pren-
dre part à notre concours, il faut être Fran-
çais. Point n'en est besoin et il suffit d'une
critique écrite en français, et en bon fran-
çais. Il va sans dire que nous nous attache-
rons, pour décerner le prix, aussi bien à la
forme qu'au fond de la critique.
Rappelons enfin que les critiques devront
nous être adressées dans les vingt-quatre
heures qui suivront la représentation du 3
juin.
Lire à la deuxième page
Le Festival Faurè
En l'honneur de M. Fallières
Le Gala.
de CoVenUGarden
Une salle féerique
Une réunion :'
d'étoiles sur la scène
- 1
{Par dépêche de notre correspondant.)
Miss Maud Allan
Le gala de ce soir, en l'honneur du Pré-
sident de la République, a dépassé en splen-
deur tout ce qu'on avait vu depuis des an-
nées à Covent-Garden. La magnificence des
décorations, le luxe des toilettes, l'enthou-
siasme du public, la réunion, sur la scène
de l'Opéra, d'artistes telles que Mmes Mel-
ba et Tetrazzini, tout a contribué à. faire de
cette soirée la plus brillante des manifesta-
tions en l'honneur de l'entente cordiale.
Le Président de la République, qui avait
dîné au Foreign-Office avec le prince de
Galles et Sir Edward Grey, arriva à neuf
heures et demie précises, accompagné de
ses hôtes, de M. Pichon et de M. Jean
Lanes. Un piquet de soldats de la garde en
grand uniforme rendit les honneurs au pied
du grand escalier.
M. Fallières fut reçu par le Roi et la
Reine dans la loge royale, où prirent place
également le prince et la princesse de Gal-
les, la princesse Victoria, la princesse Henry
de Battenberg, le prince Arthur de Con-
le prince et la princesse Christiart,
le duc d'Albany, le prince Francis de Teck,
le duc et la duchesse de Fife, M. Pichon et
M. Jean Lanes.
Dans les loges voisines, des -princes in-
diens, parés- de bijoux superbes, excitaient
également la curiosité générale.
L'orchestre, sous la direction de signer;
Campanini, préluda aussitôt, et le rideau se
leva sur le premier acte .des Pêcheurs de
>
1 Perles. Je ne puis, vu l'heure tardive, par-
lér en détail de l'interprétation; la voix de
Mme Tetrazzini parut admirable; son suc-
cès fut. partage par MM. John Mac Cor-
mack, Sammarco et -Marcoux.
Le deuxième acte de Faust valut à Mme
Melba un égal triomphe, ainsi qu'à. miss
Hatchard, Edna Thornton, signor Zenatello
et Marcoux. ,
A signaler le succès en Méphistophélès
de M. Marcoux, un artiste déjà connu en
France, et que l'on entendra en automne à
l'Opéra de Paris.
La soirée s'acheva dans un tonnerre d'ap-
plaudissements.
A signaler les magnifiques programmes
de style Louis XVI et Empire,, imprimés
sur satin blanc, avec ornements or et bleu.'
Sur la couverture, au centre, les,armoiries
royales, entre les initiales R. F. et une croix
de la Légion d'honneur.
D'autres théâtres disputèrent à Covent Gar-
den le privilège de fêter l'entente cordiale.
Mme Tetrazzini
1, Mme. Melba
M. Mac Cormaek
La loge ,"oyall
C'est ainsi qu'au PaIace Théâtre i
grande'matinée fut donnée en l'honreur
officiers et de l'équipage du Léon-Gum r ,
arrivés tout exprès le matin de Douv
Miss Maud Allan, la fameuse danser c
nadienne, enthousiasma les marins hr
par ses danses d'une grâce incoropar"£v
et tout particulièrement parla célèbre Uai
de Salomé..
d -
1 Echos
Ce soir, à neuf heures, à l'Athénée, ré-
pétition générale du Chant du cygne, co-
médie en trois actes, de MM. Georges Duval
et Xavier Roux.
Aujourd'hui, 'à quatre heures et demie, au
Théâtre-Mondain, première représentation
de: La Dernière page, de M. H. Aurenche;
Miss Sandwich, de M. Ch. de Bussy, qui
inaugurent les matinées de printemps.
On commencera par Le Minotaure, de
M. Léon Deloncle, - et M. Saint-Mars imi-
tera M. de Max.
Ce soir, à neuf heures, au 'théâtre Mé-
visto (direction intérimaire Gaston Bordas),
première représentation de: Après l'Amour,
pièce en trois actes, de M. Didier de Roulx,
et Léa, pièce en un acte, du même fIuteur.
Ce soir, à 9 heures 114, au Little-Palace,
première remésentaiion de : C'est couru!.
revue hippique et sportive en deux actes, de
M. Edouard Pontié (combat de boxe an-
glaise); L'Ecole des cocus, comédie en un
acte, de M. R. Duval; La Danse au ser-
pent, par Mils Suzy de Venne,
p
lusieurs millions à la disposition de
l'expert Dusausoy, 4, boulevard des
Italiens, qui achète de suite, à première
vue et à leur réelle valeur, bijoux, dia-
mants et pierres fines. Grand choix d'oc-
casions.
s
ous la Coupole.
Voici déjà qu'à mots couverts on s'en-
tretient de la succession de François Cop-
pée à l'Académie française, et parmi les
noms qu'on prononce revient souvent —
outre celui de M. Henri de Régnier — ce-
lui de M. Paul Déroulède, poète comme
Coppée et ami de Coppée.
Mais tous ces bruits ne sont encore que
des bruits. --.
M
onologue de « l'Homme-Sandwich
Parleur »:
Ce soir, à cinq heures, au Moulin-Rouge-
Palace : apéritif-concert.
Ce soir, à sept heures, au Moulin-Pouge.
Palace: dîner par petites tables fleuries.
Ce soir, à neuf heures, au Moulin-Rouge.
Palace: feu d'artifice dans le jardin.
Ce soir, à partir de onze heures, su Moi*
lin-Rouge-Palace : soupers en musique.
Ce soir. etc., etc.
H
ier soir, à la porte Maillot, cr, conp-
tait par centaines les chauffe; rs -mi
partaient pour passer la journée de = .-ten-
sion à la campagne. Est-il besoin d au rer
que la plupart d'entre eux avaient gi.> ¡ ¡¡i
leurs roues des pneus Bergougnan.
N
o
ombres fatidiques.
M. Huguenet, dont Comoeoui éle-
vait récemment quelques phobies, n est ras
le seul de nos artistes qui soit superstitieux,
il s'en faut: qu'on en juge:
Mlle Lina Munte, par exemple, a l'hor-
reur du chiffre quatre; M. Grisier, l'ancien
directeur de l'Ambigu, ne pouvait souffrir
le chiffre sept, qu'on remplaçait chez iai
par six bis.
M. Leitner, pé un treize et ayant habité'
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.48%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.48%.
- Auteurs similaires Pawlowski Gaston de Pawlowski Gaston de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Pawlowski Gaston de" or dc.contributor adj "Pawlowski Gaston de")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/6
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7646625q/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7646625q/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7646625q/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7646625q/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7646625q
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7646625q
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7646625q/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest