Titre : Comoedia / rédacteur en chef : Gaston de Pawlowski
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-10-12
Contributeur : Pawlowski, Gaston de (1874-1933). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32745939d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 octobre 1907 12 octobre 1907
Description : 1907/10/12 (A1,N12). 1907/10/12 (A1,N12).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7645310x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-123
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/04/2015
: - Première À.rmée. — N° (^uotîcfieny.
Le Numéro : 9 centimes
- -
Samedi ttTOctobre 190*
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouhuard Poissonnière, PARI9
Téléphone : 288-07
Aâregsç Télégraphique : COMŒDIA» PARIS
ABONNEMENTS:
UN Arl êMOrS
jVîs ei ôépanements » 24 fr. Î2 fr.
Étranger. 40 # 20 »
RÉDACTION & ADMINISTRATION s
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UN AN 6 MOIS
Paris et Départements 24 fr. 12 fr. -
Étranger. 40 » - 20 » ;
: Chimèrîa&a
, tâùr QUE Je vous pâTlè éu Câlins
Ollt-sous-Roc. - -
cI Vous connaissez le théâtre du Càsinô.
H J5 M* ont-sous-Roc? La salle en a été
aUe sur les plans d'un architecte bien
Peinai. Cet homme singulier n'a voulu
pter rien de ce que la Capitale lui of-
rait en exemple. Il a édifié un bâtiment
taut, bien aéré, facilement nettoyable.
La fameuse peinture Touring-Club y a
été employée pour presque tous les
murs. Sur les planchers, les tapis ont
été remplacés par une sorte de tissu
b?Oléummisé qui étouffe le bruit et se
rlsse pourtant laver à larges eaux cha-
que matin. Dans la salle même, les étran-
ges innovations du constructeur se re-
trouvent et se complètent. Les portes
d'accès aux couloirs tournent sur des
gonds silencieux et se ferment sans le
moindre heurt ou le plus petit grince-
ment. On peut passer entre les rangs des
fauteuils et devant les loges sans se fau-
filer dans le sens de la moindre dimen-
sion, et les sp* ectateurs assis ne sont nul-
lement dans la nécessité de ramasser
chapeau, jumelle, programme et réticule,
de se lever et de s'effacer pour laisser
passer lee nouvel arrivant.
E ntre chaque rangée de sièges, une ou
den* marches sérieuses: de sorte que
les inventions les plus catapùltueuses de'
modistes ramassant pour une seule tête
féminine des échantillons épanouis du
^er' du parterre, de la forêt et de la
Olere, peuvent dorénavant se cacher
SOUS les voiles les plus ébouriffés sans
gêner qui que ce soit. J'ajouterai du reste
que, depuis l'inauguration de cette salle,
avec une bienveillance peut-être un peu
tardive mais dont les habitués doivent
tout de même se montrer fort touchés,
les dames ont généreusement abandonné
la méthode qui leur faisait choisir les
coiffures, et selon laquelle les plus volu-
mineux chapeaux étaient les plus dési-
rés.
r Poursuivant ses modifications révolu-
lDnnaires — rien ne dit, en effet, que
® soit réellement des réformes — l'hom-
me curieux qui fut chargé des plans de
l'établissement a dessiné et orienté la
~salle de façon que l'artiste sans se faii-
guer les poumons, pût se faire entendre
aussi distinctement de tout le monde.
C'est neut-être là une erreur. Car, d'une
part, Il est à craindre qu'on n'encourage
ai. Sl la tendance déjà trop grande des
duteurs à s'appliquer à eux-mêmes la loi
du PUs petit effort; et, d'autre part, il
semble équitable de ne pas fournir une
audition tout à fait aussi complète au:
client Qui a payé deux francs cinquante
qu'a celui qui a versé un demi-louis à
caisse d'entrée.
Dédaigneux de toute définition — et
je ne sais trop comment s'y prenant -,
le « chambardeur » a établi' des baignoires
où on n'étouffe plus dès le second acte,
où l'on n'est point en eau après le cin-
quième; et puis les baignoires ne sont
pas uniformément du même modèle: il
y a celles de six ou huit places pour les
ts et la famille; celles des jeunes
époux, toutes petites. Comme dans les
loges, on y peut être chez soi sans être
ez le voisin. Et la courbe est telle qu'il
t; assez aisé à deux personnes de se
tro Ver assises l'une auprès de l'autre
et de Se parler sans se pencher au ris-
que de glisser sur une chaise grinçante
et décal
Comme partout, les fauteuils se lèvent
et s'abaissent à volonté. Mais le système,
naturellement, sous prétexte sans doute
de u Perfectionnement », a été quelque
peu () - liqué par le maître de céans.
Les points de contact des parties de bois
ou ç fer ont été feutrés. De sorte qu'on
n'est plus averti, maintenant, par un
claquement de ressort, du moment où
un spectateur éprouve le besoin de se le-
ver; 12 Quand un retardataire arrive —
monsieur flegmatique en habit ou dame
très rouge, très grosse ou très fardée —
il vient se placer sans déranger per-
sonne. On n'a même plus la petite dis-
traction , aux débuts rarement passion-
nants d'une pièce — des strapontins ra-
çTs avec fracas.
Ce monotone déconcertant se double
de détails qui incitent au repos et pres-
que au sommeil: ayant constaté que
l'homme, en général, et la femme aussi,
possèdent deux bras, l'architecte de
Mont-sous-Roc a placé deux appuis au
lieu d'un seul à chaque fauteuil. De
sorte ^Ue,t°us les cubitus de la salle se
peuvent poser simultanément et cons-
tamment sur ces coussins agréablement
tt nlbourrés., Ajoutez à ce sybaritisme la
d'un nce. près du sol, sous chaque siège,
e'U. etit support mobile, invisible et si-
'fcftci UX' pour les pieds des spectateurs.
Songez enfin qu'on avait étudié pour
tout de bon un projet de petit pupitre
(à charnière ou bien à coulisse) où pla-
cer b a lorgnette, le programme et la boîte
de bonbons. Mais on a craint, en réali-
sant Ce dernier caprice, de trop surpren-
.qr e le Public, de l'effrayer et de l'éloi-
gner du théâtre.
S'il n'a pas le respect honorable des
Trad dl Ions, notre baroque manitou n'a
pas avantage le sens des affaires. A son
instigation, on a décidé de ne plus ven-
dre, directement ou indirectement, le
programme de la soirée. «. Le restaura-
teur fournit gratuitement la carte du re-
pas, dit-il. Le directeur de théâtre doit
dire à ses invités, surtout s'ils sost
pavants. ce qu'il va leur offrir. »
Et maintenant un simple petit car-
tônnet de quatre pages remis ..gr:.Dtuite..
ment au contrôle donne la distribution
des spectacles, un court résumé, quel-
ques photographies d'interprètes.
Beaucoup, du reste, regrettent l'inno-
cent jeu de société qui coupait la lon-
gueur des entr'actes. Il s'agissait de trou-
ver, parmi les trente-deux pages du pro-
gramme, illustrées de corsets, de ceintu-
res magnétiques, de bijoux et de bouteil-
les de vins reconstituants, les quelques
lignes réservées au théâtre. Cette amu-
sante épreuve de patience permettait les
changements de décors les plus. minu-
tieux. On n'a même plus cela!
On n'a même plus la petite visite de
l'ouvreuse. De nombreuses indications
permettent à tout spectateur de se loger
sans le secours d'autrui. Seul le ves-
tiaire, facultatif, atteste le bon vieux
temps passé.
APPENDICE GÉOGRAPHIQUE
Mont-sous-Roc. — Commune du
pays des Chimères, province des Son-
ges, République des Rêves.
Jacques MAY.
Nous publierons demain une nou-
velle de
PAUL-ADRIEN SCHA yg
Les Artistes ont une Patrie
Depuis des mois, des années presque,
il parait impossible, en France, de jouer une
opérette nouvelle sans y intercaler la tra-
ditionnelle et épileptique brochette de gre-
nouilles à la mode anglaise, accomplissant
les mêmes mouvements, faisant les mêmes
gestes et chantant en anglais, avec un na-
turel exquis, dans une pièce qui se passe à
Asnières ou à Montélimar.
A cela, mon Dieu! je ne vois pas grand
inconvénient. Ce n'est ni plus ni moins stu-
pide eue de monter sur une échelle pour at-
trapeYzine maladie d'estomac, comme on le
fait dans un bar, et ces manifestations de
l'entente cordiale ne mériteraient point
qu'on s'y arrête si elles n'étaient malheu-
reusement les avant-courrières de dé-
chéances autrement dangereuses,
Loin de s'en tenir au personnel des cafés-
mnr.prts. nntrp. snobisme c.ammmcn à at-
teindre nos meilleurs artistes lyriques et,
chaque jour davantage, nous leur deman-
dons, sur nos plus grandes scènes, de céder
la place aux étrangers.
Tout naturellement, ce que nous taisons
nous-mêmes, nos voisins le font encore plus
volontiers et il me revient que les Français
qui composaient autrefois la majorité des
troupes d'opéra à New-York, Bruxelles,
Londres, Lisbonne et Milan, s'en trou-
vent aujourd'hui, à peu de chose près,
exclus.
J'entends d'ici l'objection : « L'art n'a
pas de patrie et qu'importe que ce soit tel
ou tel acteur qui joue, pourvu que ce soit
le meilleur ? »
J'avoue très franchement que cette façon
de raisonner ne me paraît pas irréprochable.
Que l'on soit internationaliste lorsqu'il
s'agit de ne point faire sauter des nègres a
la dynamite, d'accord; mais Jorsque la dif-
fusion de la langue française et du goût
français sont en jeu, je crois qu'il faut ré-
solument nous défendre jusqu'au bout.
Il est évident, en effet, que tellt page de
Banville ou telle pièce de Molière écrite en
langue nègre perdrait beaucoup de sa va-
leur et que, jusqu'à preuve du contraire,
c'est encore dans l'intérêt général de l'hu-
manité tout entière qu'il faut maintenir la
prépondérance de l'esprit français.
Et puis — et c'est là surtout que j'en
veux venir — si, véritablement, cette chose
immatérielle qu'on appelle l'Art n'a point de
patrie, il n'en saurait être de même des
êtres humains douloureux et mystiques que
sont les artistes.
C'est parce qu'ils furent enveloppés et
bercés, dès leur enfance, par les idées
étroite's de leur patrie que les artistes grecs,
que les peintres italiens ou flamands purent
concevoir les généralisations éternelles de
leur génie.
Il en va de même pour nos artistes lyri-
ques français. Leur valeur dépend, en
grande partie, du soutien que nous leur
donnons, de l'appui qu'ils rencontrent dans
leur propre patrie. Aussi bien, Comœdia ne
manquera-t-il point, en toute occasion, de
s'en souvenir et de combattre pour les
nôtres le bon combat.
La vigne pousse un peu partout, mais
c'est le terrain qui lui donne sa valeur. Or,
il n'est pas indifférent de rappeler de temps
à autre que c'est toujours en France que
sont les meilleurs crus.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
Palais-Royal, première représentation de
Panachot Gendarme, vaudeville militaire
en trois actes de M. Mouézy-Eon.
L
e 11 octobre 1790, fut donnée, à l'Opé-
ra-Comique, la première représenta-
tion de Vert-Vert, « divertissements en un
acte, paroles de Desfontaines, musique de
d'Alayrac, dont le Journal de Paris rendait
comte en ces termes :
« Il n'étoit pas facile de deviner comment
on pourroit mettre au théâtre le charmant
poème de Gresset. L'auteur a cru éluder la
principale difficulté en faisant contrefaire
par un acteur la voix du perroquet. On n'a
reconnu, dans ce prétendu divertissement,
aucune trace du génie qui a dicté l'original;
il n'y & jamais eu de pius parfait contraste.
La à été fort mal reçue. H
Lé tiiblic, en effet, accueillit si mal Vert-
Vert que la première représentation de cette
pièce en fut aussi la dernière.
s:
ait-on que le talent de Marie Delna, que
nous venons d'applaudir encore une
tois dans la Vivandière, reçut jadis, sinon la
bénédiction, du moins la consécration épis-
copale?
C'était il y a déjà plusieurs années. Mme
Delna n'était encore que Mlle Delna et,
dans une maison amie, elle se rencontra
avec l'ancien évêque de Dijon, Mgr Le Nor-
dez. La conversation s'amena sur Jeanne
d'Arc et la délicieuse artiste patut s'inté-
resser vivement aux glorieux faits d'armes
de la Vierge de Domrémy. Cet intérêt rendit
subitement la cantatrice sympathique au
prélat, qui déplora même devant elle qu'un
des maîtres de la musique française n'appli-
quât point son autorité à quelque drame ly-
rique consacré à la bonne Lorraine. Et,
comme il s'enthousiasmait, il ajouta :
- Je crois, mademoiselle, que vous fe-
riez une admirable Jeanne d'Arc. La mort
de l'héroïne serait, par vous, rendue avec
une intensité de passion, une puissance dra-
matique qui produirait certainement une
grande impression! Qu'en pensez-vous?
— Vous êtes bien bon, monseigneur, ré-
pondit avec modestie Delna, mais comment
est-elle donc morte, Jeanne d'Arc. Je ne
sais plus !
Etonné, stupéfait même, l'évêque apprit à
la cantatrice que la bonne Lorraine avait
péri dans les flammes d'un bûcher allumé
par les Anglais.
— Brûlée! Brûlée vive! s'écria l'artiste
avec émotion. Ah! la pauvre fille!.
Et ce ah fut si touchamment dit qu'il se
traduisit en une vocalise admirable.
B
runet, qui fit, pendant tant d'années, les
délices du théâtre des Variétés, n'était
pas seulement un excellent acteur, c était
aussi un homme de beaucoup d'esprit.
Il jouait, un jour, chez la reine Hortense,
à Saint-Leu-Taverny, Cadet-Roussel beau-
père, parodie des Deux Gendres.. Napo--
léon Ier était au premier rang des specta-
teurs. *
Par inadvertance, Brunet omit de suppri.
mer ce passage de la pièce : ,
« Ne donnons jamais rien à nos enfants
si nous voulons qu'ils aient pour nous une
reconnaissance égale à nos bienfaits. »
Napoléon Ier fronça le sourcil : son fils
venait de -naître et il l'avait créé roi de
Rome.
L'acteur, voyant le mécontentement de
l'impérial spectateur, eut alors la présence
d'esprit d'ajouter :
« Excepte truand nuus pouvons lear Qun*'
hër un trône! »
N
otre écho sur le théâtre au Canada,
publié l'autre jour, nous remémore
1 ..- _!_- ---..---.1-
un souvenir curieux au aermer voyage uc
Sarah Bernhardt en Amérique.
Arrivée à Québec, notre grande tragé-
dienne y voulut jouer la Sorcière qu'elle
avait créée peu de mois avant à Paris.
Ce fut une cabale monstre. La pièce, in-
terprétée faussement comme anticatholique,
donna- lieu à des manifestations à ce point
unanimes, que notre Sarah dut reprendre
le train sous les rumeurs menaçantes de la
foule. De Max fut même blessé gravement
dans la tempête.
Le lendemain, sir Wilfrid Laurier, pre-
mier ministre du Canada, télégraphiait à
Sarah les regrets que le Canada « artiste
et civilisé » devait à son glorieux talent.
D
eux auteurs lisaient dernièrement une
pièce en deux actes et six tableaux à
un directeur ae music-hall voisin de Mont-
martre.
Quand ce fut fini, celui qui avait lu
s'épongea; celui qui n'avait pas lu demanda
au directeur :
- Eh bien?
- Eh bien! Non!. Ça n'est pas ça !.
— Pourtant!. La scène dans la salle,
surgissant au quatrième tableau, il me sem-
ble que ça fera rire.
— Non! Je ne trouve pas ça original!
- Ça ne. lest peut-être pas non plus,
après tout!. dit l'auteur qui avait lu et
qui semblait, par-dessus tout avide de pren-
dre un bock.
Le directeur s'est, sans doute ravisé, car
cette même scène dans la salle, qui était le
clou de la pièce refusée, fait partie, paraît-
ii, d'une revue qu'on monte en ce moment
au même music-hall.
Seulement, cette revue n'est pas des au-
teurs qui lui lurent la pièce dont nous par-
lons plus haut. Ces deux auteurs auront, en
tout cas, la satisfaction relative de savoir
si leur scène est « originale » et « fera
rire ». C'est une consolation.
N
ous avons reçu hier la spirituelle let-
tre suivante de notre collaborateur
i-k - 3
i nstan tsernara :
Mon cher Masque de Verre,
Un de vos confrères avait commencé une en-
quête chez les auteurs dramatiques, et leur de-
mandait s'41s étaient partisans de la collabora-
tion. En ce qui me concerne, je collabore assez
volontiers, mais à condition d'être prévenu.
, Cela dit pour le typographe de Comœdia qui,
à cette phrase:
Gémier conduisait en auto deux de ses pen-
sionnaires un peu inquiets,
a préféré cette autre:
deux de ses pensionnaires un peu mi-
gnots (?).
Bien à vous.
TRISTAN BERNARD..,
c
omœdia a parlé des divers essais de
mise à la scène de la Madame Bovary
de Flaubert, mais peu de personnes savent
que l'auteur de Salammbô a, lui aussi,
comme tant d'autres, écrit une pièce de
théâtre.
Elle ne fut, d'ailleurs, jamais jouée. C'é-
tait une féerie, dont le manuscrit est main-
tenant introuvable — c'est dommage! Il
avait été déposélpar Flaubert à la Gaîté,
mais le directeur de. cet établissement, M.
Wendchenk, ne voulut entendre « parler de
rien », la féerie étant, selon lui, injouable.
C'était un éreintement à fond de la bour-
geoisie. L'un de ses tableaux représentait
comme décor la coupe d'une maison pari-
sienne à cinq étages. En ligne, se trouvaient
superposées les cinq cuisines de l'immeuble.
Dans chaque cuisine, sur chaque;, fourneau,
une marmite. '- Et devant chaque marmite, un
bourgeois reniflant les senteurs qui sortent
du pot.
Tous à la fôis - et-Hubert avait -l'in-
tention de montrer combien Ja vie et les
réflexions des bourgeois sonf toujours stu-
pidement lesniêmes - tous à la. Jeas de-
vaient dire :
— Ce pot-au-feu a vraiment une odeur
délicieuse !
s
ur l'origine des « Droits d'auteur ».
Sait-on qu'elle remonte à 1653.
A cette époque, Tristan l'Hermite fit aux
comédiens la lecture des Rivales de Qui-
nault, qui était son élève.
Les comédiens, à la solde desquels les
auteurs étaient- jusque-là placés, en offrirent
d'abord cent écus, croyant la pièce de Tris-
tan, puis cinquante seulement, quand ils
apprirent qu'elle était d'un jeune poète in-
connu.
Après bien des discussions, Tristan les
persuada d'accorder à l'auteur le neuvième
de la recette journalière, tous frais déduits,
tant qu'on jouerait sa pièce dans la nou-
veauté; après, quoi, elle leur appartiendrait
en toute propriété.
Ce contrat donna naissance à la part
d'auteur. Ce fut seulement sur la fin du
XVIIIe siècle que l'auteur garda définitive-
ment la propriété de son œuvre.
NOUVELLE A LA MAIN
E
ntre comédiennes :
— Figure-toi, ma chère, aue i'ai
joué Froufrou, cet été à Taupigny-les-Bains.
J'avais un trac!.
- Froulrousse, alors !
Le Masque de Verre.
La rentrée des classes au Conservatoire
M. JoÚet « double » Mme Sarah Bernhardt
THÉÂTRE ROYAL DU PARC
Le Combat de Cerfs
pièce en trois actes d'Emile Bergerat
(Par dépêche de notre correspondant)
Bruxelles, 11 octobre.
« Avant dix ans, disait naguère Labiche, il
n'y aura plus moyen de faire une pièce; le
public ne voudra plus que des opérettes! »
Quelle erreur! L'opérette agonise et la
« pièce », la véritable pièce, fortement as-
sise sur des idées, solidement charpentée
est celle, les « dix ans » de Labiche écoulés,
qui emporte les préférences. Et ce n'est pas
seulement à Paris. A Bruxelles, ce , soir,
nous en avons eu la claire démonstration
avec le Combat de Cerfs, la pièce à idées,
s'il en fut, d'Emile Bergerat.
Que le public n'ait pas été parfois dérouté
M. VICTOR REDING
Directeur du Théâtre du Parc
et parfois choqué, nous ne le nierons pas;
mais l'empressement qu'il a mis à écouter
le- Combat de Cerfs, l'ardeur apportée,
dans les entr'actes, à discuter les hardiesses
de la pièce, la passion des « pour » et des
a contre H, tout prouve qu'avant le théâtre
qui fait rire ou pleurer, oh recherche aujour-
d'hui le théâtre qui fait penser.
Et le drame de Bergerat est un drame qui
fait penser. Qu'on en juge :
Au premier acte, nous .sommes a Paris,
chez le président de Rocville, conseiller à
la cour, magistrat intègre. Lui, sa femme et
son beau-fils, Jacques Seguin, se réjouissent
d'un heureux événement : Mlle Germaine
de Rocville, leur fille et sœur, va épouser
Philippe de Paul qu'elle aime et dont elle
est aimée. Toute la famille est unie dans le
bonheur le plus parfait et les vertus les plus
sympathiques. Aucune ombre ne ternit cette
douceur d'intimité. Si la joie de la jeune fian-
cée est grande, celle de Jacques ne l'est
pas moins : Ne va-t-on pas élever un mo-
nument à la gloire de son père, le général
Seguin, comte d'Orsola, qui s'est tué, en
1870, pour ne pas survivre à la honte d'une
première défaite? La pensée d'une mort si
glorieuse exalte Jacques, qui en parle avec
orgueil. Mais tous ces souvenirs gênent vi-
siblement Mme de Rocville, ex-comtesse Se-
guin, et Jacques s'en étonne. Il a surpris le
même malaise chez son second père, dès
qu'il parle du général. Pourquoi? Il ques-
tionne.
La mère oppose des défaites et Jacques
n'est pas convaincu.
Rocville, sur ces entrefaites, vient lui ex-
poser d'étranges théories-pour un magistrat.
Il estime le vol plus vil que le meurtre :
« Le voleur ne brave que le gendarme, l'as-
sassin brave le bourreau. » « La pitié n'est
pas la justice », dit Jacques. « Elle en est
la lampe »,, répond le président : « Aussi,
je ne me suis jamais assis sans un tremble-
ment à ce trépied sibyllin, où, juge, je suis
jugé moi-même, comme sur une sellette. Ma
conscience y résonne comme un gong à
tous les coups que les crimes y frappent et
j'absous comme on se défend. »
Philippe de Paule, le fiancé de Germaine,
interrompt la discussion. Il vient, en confi-
dence, apprendre à son ami Jacques qu'il est
ruiné et ne peut plus aspirer à la main de
sa sœur. « N'est-ce que cela! » s'écrie Jac-
ques. Il est riche, il veut doter sa sœur et
s'en ouvre au président. Celui-ci refuse avec
une âpreté oui surprend son t)eau-fils et l'in-
quiète sur l'origine de sa fortune, sur son
père. « Mais enfin, il était brave! » s'écrie-
t-il et, pressé de questions, Rocville finit par
lui dévoiler qu'en 70 le général fuyait.
« Mais, s'il ne s'était pas tué lui-même,
on l'aurait donc tué? » interroge Jacques.
- C'est l'un ou l'autre, évidemment. — Je
veux éclaircir ce doute, affirme Jacques avec
une volonté douloureuse. — Je t'avères que
tu vas souffrir », répond tristement le ma-
fTictrat-
Deuxième acte : Jacques apprend à son
ami et futur beau-frère Philippe de Paule,
qu'il a des doutes sur l'origine de sa for-
tune. Il sera peut-être obligé d'y renoncer.
Il est malade, nerveux, agité. Et sa mère,
qui vient le voir, le questionne à son tour.
Il avoue qu'il craint de n'être pas le fils du
général. « Si, tu l'es bien, répond la mère,
mais il n'était cas digne d'un fils tel que toi.
Il m'a épousée de force, achetée à mes pa-
rents éblouis par sa grosse fortune et sa
gioire militaire. Quand j'appris, en 70, que
son cadavre avait été trouvé par des Bava-
rois je te sentais vivre en moi depuis quatre
mois; tu es donc bien son fils. - »
Elle croit au suicide du général. Mais Jac-
ques ne lui cache pas ses doutes. Un soldat
ne-se suicide pas, il se fait tder. Aussi se
demande-t-il si son père n'a pas été assassi-
né et comme il a échafaudé, presque in-
consciemment,, toutes sortes d'indices, il
laisse même deviner à sa mère qu'il soup-
çonne son second mari, le bon, l'intègre, le
parfait magistrat. Mme de, Rocville croit que
son fils devient fou. Elle l'enlace de ses
bras : « Tu es bien malade, mon pauvre
enfant!' »
Troisième acte : les aveux. Inquiète de
l'état mental de son fils, gagnée par les dou-
tes, Mme de Rocville vient s'expliquer avec
le président et lui dit en face que son pre-
mier mari a été assassiné par le second.
- « Vous en êtes sûre? répond froidement
le magistrat. - Oui. — Enfin! après 25
ans! » s'écrie-t-il avec une sorte de joie. Et
il s explique : Il aimait jusqu'au crime; ne
pas aimer jusque là, c'est ne pas aimer. Il
a donc poursuivi, après la défaite, le géné-
ral vaincu et fuyard. Il l'a défié en lui repro-
chant d'avoir enlevé la fèmme qu'il aimait.
Il a essuyé le feu du comte Seguin, puis il
l'a tué. Mme de Rocville, profondémeot
troublée, absout. Mais Jacques? C'est Jac-
troubléque, 'il faudrait convaincre et amener à
ques
ques qu'il faudrait convaincre et gmener à
penser comme eux. « Envoyez-le moi », dit
Rocville.
Ici se place la scène capitale. « Pourquor
te tourmentes-tu tellement de savoir si ton
père a été tué ou non? — N'est-il pas mon
père? Celui qui m'a donné la vie? — Mé-
diocre présent. A peu près celui de la pierre
brute et boueuse que le hasard offre au nè-
gre ignare. Elle ne devient un diamant que,
grâce à* l'émeri du lapidaire. » !
Le décalogue ne dit pas : Tu aimeras tort
père et ta mère; il dit : Tu honoreras ton !
père et ta mère, ce qui est différent. Mais\
par amour ou par respect, Jacques veut sa-j
voir. Il en vient à forhiuler le soupçon qur
le hante : « Eh bien, si c'était moi? » de-i
mande Rocville. « Que le ciel s'écroule!
s'écrie l'enfant, qui aime son second père,
qui l'estime et le respecte. « Vous auriez as.
sassiné un homme et vous n'en auriez pa$(
de remords?. Vous?. Oh! non!. » j
Et le président de Rocville établit cer
qu'on pourrait appeler le droit au meurtre i
« Le meurtre, tu le verras en tour.J
partout, non seulement dans l'impitoyable'
nature, mais dans les sociétés les plus attît
ques, les plus chrétiennes. La liberté sali-.
mente de tueries; le progrès jonche la terra
de ses victimes écrasées. L'art et la science
abattent leur homme à tout coup, ici pouc
un chef-d'œuvre, là pour une découvertes
Quant aux religions, c'est de sang humain
qu'elles trempent leurs cloches. Sous les
deux astres, homicides aussi, qui nous alter-
nent l'ombre et la lumière, qui ne tue pas
est tué, soit par haine, soit par amour. L'ene
fant tue la mère, la .femelle le mâle et le
baiser lui-même est une œuvre de mort. Ce
qu'on appelle vivre, c'est attendre le tour
de la décimation, quotidienne, régulière,
prévue, et le hasard de son numéro d'abat-
toir. Pas un être organisé ne dure le temps
normal de son organisme, ne termine sa
tâche, ne fournit sa mesure, ne touche sa
part du revenu terrestre. On prête au Dieu
du Sinaï le : « tu ne tueras point » des
philosophes, lorsqu'il n'use son éternité qu:'à
arracher violemment de nos corps les âmes
éperdues qu'il .y a mises. Notre auteur cé-
leste est le tueur des tueurs et l'assassin
type et modèle. Du haut de ses sept monta-
gnes d'ossements, Adonaï dans les nuées
s'amuse : « Tu ne tueras point! » — Sous
auelle neine? - c~xc nûinû Ha "1-
* - r - ---- "VWoJ }J"11 1. niui L. -
Après vous, Seigneur. D'ailleurs, vois le
piège dérisoire; ce qu'il a fait de plus facile
au monde, c'est de tuer. On peut tuer d'un
coup d'ongle, d'une pointe d'épingle, avec
une pincée de poudre, sans armes,par l'ouver-
ture d'uneporie à la bise, par une trahison,
une calomnie, un mot, un regard, .un sou-
rire. La besogne meurtrière est à la portée
d'un enfant, d'un fou, d'un passant ivre, son
geste ne demande que la plus molle des dé-
tentes, et, tandis que les éléments complices
1 eau, l'air, la terre et le feu, se disputent
l'office de bourreaux de l'espèce humaine, la
malheureuse ne produit rien, ne fonde rien,
ne rêve rien qui ne concoure à sa propre
extermination. Voilà ce que c'est que le"
meurtre, notre fonction. jur.e-moi que 'tU
n'as assassiné personne?
JACQUES. - Sciemment, au moins !
ROCVILLE. — Qu'est-ce que tu fais pour-,
tant en ce moment?
Jacques est vaincu. Il absout son second
père d'avoir tué le premier. On lui avait ra-
vi la femme qu'il aimait : il l'a reprise.
C'était ! ordre de la nature, c'était le Com-
bat de cerfs. II. ne peut condamner l'homme
excellent qui l'a élevé et qu'il. aime. Et
quand Rocville lui tend le revolver du gén6-
ral en lui disant : « Venge-le! » Jacques re-
cule eff-rayé. La mère, suivie des futurs ma-
riés, vient prendre le père et fils pour se
rendre tous ensemble à la mairie. « Maman,
dit le jeune homme, après un moment d'hé-
sitation, offre ton bras au père de tes futurs
petits-enfants. » Et la toile tombe.
En somme, c'est « la loi du plus fort »,
que proclame Rocville, c'est l'anéantisse-
ment de toutes les idées reçues et établies.
C'est le bouleversement d'une quantité de
principes considérés jusqu'ici comme fonda.
mentaux.
Le respect des parents? Préjugé. jacquet
n'a pas connu , son père, il ne lui doit rien
n'ayant reçu de lui ni soins ni tendresse.
Cela est rigoureusement vrai. Ii serait
odieux de voir le fils venger un mort qui
ne lui a laissé aucun souvenir en sacrifiant
l'homme qui l'a élevé, entouré d'affection et
~- L'horreur du meurtre, du
sang versé, de l'homicide? Préjugé encore.
Nous avons cité l'éloquent couplet du ma-
gistrat criminel. Pour lui, le remords
n'existe pas et il est, par là, bien différent
du pâle meurtrier Termonde, dans André
Cornélis, qui n'a pas osé commettre lui-
même l'assassinat, qui frémit et se trouble
quand il se voit découvert, qui tremble
d être accusé devant la femme qu'il aime.
Et combien plus différent encore du héroc
de Dostoiewsky, de Rodion dans Crime fi
Le Numéro : 9 centimes
- -
Samedi ttTOctobre 190*
Rédacteur en Chef : G. de PAWLOWSKI
RÉDACTION & ADMINISTRATION :
27, Bouhuard Poissonnière, PARI9
Téléphone : 288-07
Aâregsç Télégraphique : COMŒDIA» PARIS
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UN Arl êMOrS
jVîs ei ôépanements » 24 fr. Î2 fr.
Étranger. 40 # 20 »
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Paris et Départements 24 fr. 12 fr. -
Étranger. 40 » - 20 » ;
: Chimèrîa&a
, tâùr QUE Je vous pâTlè éu Câlins
Ollt-sous-Roc. - -
cI Vous connaissez le théâtre du Càsinô.
H J5 M* ont-sous-Roc? La salle en a été
aUe sur les plans d'un architecte bien
Peinai. Cet homme singulier n'a voulu
pter rien de ce que la Capitale lui of-
rait en exemple. Il a édifié un bâtiment
taut, bien aéré, facilement nettoyable.
La fameuse peinture Touring-Club y a
été employée pour presque tous les
murs. Sur les planchers, les tapis ont
été remplacés par une sorte de tissu
b?Oléummisé qui étouffe le bruit et se
rlsse pourtant laver à larges eaux cha-
que matin. Dans la salle même, les étran-
ges innovations du constructeur se re-
trouvent et se complètent. Les portes
d'accès aux couloirs tournent sur des
gonds silencieux et se ferment sans le
moindre heurt ou le plus petit grince-
ment. On peut passer entre les rangs des
fauteuils et devant les loges sans se fau-
filer dans le sens de la moindre dimen-
sion, et les sp* ectateurs assis ne sont nul-
lement dans la nécessité de ramasser
chapeau, jumelle, programme et réticule,
de se lever et de s'effacer pour laisser
passer lee nouvel arrivant.
E ntre chaque rangée de sièges, une ou
den* marches sérieuses: de sorte que
les inventions les plus catapùltueuses de'
modistes ramassant pour une seule tête
féminine des échantillons épanouis du
^er' du parterre, de la forêt et de la
Olere, peuvent dorénavant se cacher
SOUS les voiles les plus ébouriffés sans
gêner qui que ce soit. J'ajouterai du reste
que, depuis l'inauguration de cette salle,
avec une bienveillance peut-être un peu
tardive mais dont les habitués doivent
tout de même se montrer fort touchés,
les dames ont généreusement abandonné
la méthode qui leur faisait choisir les
coiffures, et selon laquelle les plus volu-
mineux chapeaux étaient les plus dési-
rés.
r Poursuivant ses modifications révolu-
lDnnaires — rien ne dit, en effet, que
® soit réellement des réformes — l'hom-
me curieux qui fut chargé des plans de
l'établissement a dessiné et orienté la
~salle de façon que l'artiste sans se faii-
guer les poumons, pût se faire entendre
aussi distinctement de tout le monde.
C'est neut-être là une erreur. Car, d'une
part, Il est à craindre qu'on n'encourage
ai. Sl la tendance déjà trop grande des
duteurs à s'appliquer à eux-mêmes la loi
du PUs petit effort; et, d'autre part, il
semble équitable de ne pas fournir une
audition tout à fait aussi complète au:
client Qui a payé deux francs cinquante
qu'a celui qui a versé un demi-louis à
caisse d'entrée.
Dédaigneux de toute définition — et
je ne sais trop comment s'y prenant -,
le « chambardeur » a établi' des baignoires
où on n'étouffe plus dès le second acte,
où l'on n'est point en eau après le cin-
quième; et puis les baignoires ne sont
pas uniformément du même modèle: il
y a celles de six ou huit places pour les
ts et la famille; celles des jeunes
époux, toutes petites. Comme dans les
loges, on y peut être chez soi sans être
ez le voisin. Et la courbe est telle qu'il
t; assez aisé à deux personnes de se
tro Ver assises l'une auprès de l'autre
et de Se parler sans se pencher au ris-
que de glisser sur une chaise grinçante
et décal
Comme partout, les fauteuils se lèvent
et s'abaissent à volonté. Mais le système,
naturellement, sous prétexte sans doute
de u Perfectionnement », a été quelque
peu () - liqué par le maître de céans.
Les points de contact des parties de bois
ou ç fer ont été feutrés. De sorte qu'on
n'est plus averti, maintenant, par un
claquement de ressort, du moment où
un spectateur éprouve le besoin de se le-
ver; 12 Quand un retardataire arrive —
monsieur flegmatique en habit ou dame
très rouge, très grosse ou très fardée —
il vient se placer sans déranger per-
sonne. On n'a même plus la petite dis-
traction , aux débuts rarement passion-
nants d'une pièce — des strapontins ra-
çTs avec fracas.
Ce monotone déconcertant se double
de détails qui incitent au repos et pres-
que au sommeil: ayant constaté que
l'homme, en général, et la femme aussi,
possèdent deux bras, l'architecte de
Mont-sous-Roc a placé deux appuis au
lieu d'un seul à chaque fauteuil. De
sorte ^Ue,t°us les cubitus de la salle se
peuvent poser simultanément et cons-
tamment sur ces coussins agréablement
tt nlbourrés., Ajoutez à ce sybaritisme la
d'un nce. près du sol, sous chaque siège,
e'U. etit support mobile, invisible et si-
'fcftci UX' pour les pieds des spectateurs.
Songez enfin qu'on avait étudié pour
tout de bon un projet de petit pupitre
(à charnière ou bien à coulisse) où pla-
cer b a lorgnette, le programme et la boîte
de bonbons. Mais on a craint, en réali-
sant Ce dernier caprice, de trop surpren-
.qr e le Public, de l'effrayer et de l'éloi-
gner du théâtre.
S'il n'a pas le respect honorable des
Trad dl Ions, notre baroque manitou n'a
pas avantage le sens des affaires. A son
instigation, on a décidé de ne plus ven-
dre, directement ou indirectement, le
programme de la soirée. «. Le restaura-
teur fournit gratuitement la carte du re-
pas, dit-il. Le directeur de théâtre doit
dire à ses invités, surtout s'ils sost
pavants. ce qu'il va leur offrir. »
Et maintenant un simple petit car-
tônnet de quatre pages remis ..gr:.Dtuite..
ment au contrôle donne la distribution
des spectacles, un court résumé, quel-
ques photographies d'interprètes.
Beaucoup, du reste, regrettent l'inno-
cent jeu de société qui coupait la lon-
gueur des entr'actes. Il s'agissait de trou-
ver, parmi les trente-deux pages du pro-
gramme, illustrées de corsets, de ceintu-
res magnétiques, de bijoux et de bouteil-
les de vins reconstituants, les quelques
lignes réservées au théâtre. Cette amu-
sante épreuve de patience permettait les
changements de décors les plus. minu-
tieux. On n'a même plus cela!
On n'a même plus la petite visite de
l'ouvreuse. De nombreuses indications
permettent à tout spectateur de se loger
sans le secours d'autrui. Seul le ves-
tiaire, facultatif, atteste le bon vieux
temps passé.
APPENDICE GÉOGRAPHIQUE
Mont-sous-Roc. — Commune du
pays des Chimères, province des Son-
ges, République des Rêves.
Jacques MAY.
Nous publierons demain une nou-
velle de
PAUL-ADRIEN SCHA yg
Les Artistes ont une Patrie
Depuis des mois, des années presque,
il parait impossible, en France, de jouer une
opérette nouvelle sans y intercaler la tra-
ditionnelle et épileptique brochette de gre-
nouilles à la mode anglaise, accomplissant
les mêmes mouvements, faisant les mêmes
gestes et chantant en anglais, avec un na-
turel exquis, dans une pièce qui se passe à
Asnières ou à Montélimar.
A cela, mon Dieu! je ne vois pas grand
inconvénient. Ce n'est ni plus ni moins stu-
pide eue de monter sur une échelle pour at-
trapeYzine maladie d'estomac, comme on le
fait dans un bar, et ces manifestations de
l'entente cordiale ne mériteraient point
qu'on s'y arrête si elles n'étaient malheu-
reusement les avant-courrières de dé-
chéances autrement dangereuses,
Loin de s'en tenir au personnel des cafés-
mnr.prts. nntrp. snobisme c.ammmcn à at-
teindre nos meilleurs artistes lyriques et,
chaque jour davantage, nous leur deman-
dons, sur nos plus grandes scènes, de céder
la place aux étrangers.
Tout naturellement, ce que nous taisons
nous-mêmes, nos voisins le font encore plus
volontiers et il me revient que les Français
qui composaient autrefois la majorité des
troupes d'opéra à New-York, Bruxelles,
Londres, Lisbonne et Milan, s'en trou-
vent aujourd'hui, à peu de chose près,
exclus.
J'entends d'ici l'objection : « L'art n'a
pas de patrie et qu'importe que ce soit tel
ou tel acteur qui joue, pourvu que ce soit
le meilleur ? »
J'avoue très franchement que cette façon
de raisonner ne me paraît pas irréprochable.
Que l'on soit internationaliste lorsqu'il
s'agit de ne point faire sauter des nègres a
la dynamite, d'accord; mais Jorsque la dif-
fusion de la langue française et du goût
français sont en jeu, je crois qu'il faut ré-
solument nous défendre jusqu'au bout.
Il est évident, en effet, que tellt page de
Banville ou telle pièce de Molière écrite en
langue nègre perdrait beaucoup de sa va-
leur et que, jusqu'à preuve du contraire,
c'est encore dans l'intérêt général de l'hu-
manité tout entière qu'il faut maintenir la
prépondérance de l'esprit français.
Et puis — et c'est là surtout que j'en
veux venir — si, véritablement, cette chose
immatérielle qu'on appelle l'Art n'a point de
patrie, il n'en saurait être de même des
êtres humains douloureux et mystiques que
sont les artistes.
C'est parce qu'ils furent enveloppés et
bercés, dès leur enfance, par les idées
étroite's de leur patrie que les artistes grecs,
que les peintres italiens ou flamands purent
concevoir les généralisations éternelles de
leur génie.
Il en va de même pour nos artistes lyri-
ques français. Leur valeur dépend, en
grande partie, du soutien que nous leur
donnons, de l'appui qu'ils rencontrent dans
leur propre patrie. Aussi bien, Comœdia ne
manquera-t-il point, en toute occasion, de
s'en souvenir et de combattre pour les
nôtres le bon combat.
La vigne pousse un peu partout, mais
c'est le terrain qui lui donne sa valeur. Or,
il n'est pas indifférent de rappeler de temps
à autre que c'est toujours en France que
sont les meilleurs crus.
G. DE PAWLOWSKI.
Échos
Ce soir, à huit heures trois quarts, au
Palais-Royal, première représentation de
Panachot Gendarme, vaudeville militaire
en trois actes de M. Mouézy-Eon.
L
e 11 octobre 1790, fut donnée, à l'Opé-
ra-Comique, la première représenta-
tion de Vert-Vert, « divertissements en un
acte, paroles de Desfontaines, musique de
d'Alayrac, dont le Journal de Paris rendait
comte en ces termes :
« Il n'étoit pas facile de deviner comment
on pourroit mettre au théâtre le charmant
poème de Gresset. L'auteur a cru éluder la
principale difficulté en faisant contrefaire
par un acteur la voix du perroquet. On n'a
reconnu, dans ce prétendu divertissement,
aucune trace du génie qui a dicté l'original;
il n'y & jamais eu de pius parfait contraste.
La à été fort mal reçue. H
Lé tiiblic, en effet, accueillit si mal Vert-
Vert que la première représentation de cette
pièce en fut aussi la dernière.
s:
ait-on que le talent de Marie Delna, que
nous venons d'applaudir encore une
tois dans la Vivandière, reçut jadis, sinon la
bénédiction, du moins la consécration épis-
copale?
C'était il y a déjà plusieurs années. Mme
Delna n'était encore que Mlle Delna et,
dans une maison amie, elle se rencontra
avec l'ancien évêque de Dijon, Mgr Le Nor-
dez. La conversation s'amena sur Jeanne
d'Arc et la délicieuse artiste patut s'inté-
resser vivement aux glorieux faits d'armes
de la Vierge de Domrémy. Cet intérêt rendit
subitement la cantatrice sympathique au
prélat, qui déplora même devant elle qu'un
des maîtres de la musique française n'appli-
quât point son autorité à quelque drame ly-
rique consacré à la bonne Lorraine. Et,
comme il s'enthousiasmait, il ajouta :
- Je crois, mademoiselle, que vous fe-
riez une admirable Jeanne d'Arc. La mort
de l'héroïne serait, par vous, rendue avec
une intensité de passion, une puissance dra-
matique qui produirait certainement une
grande impression! Qu'en pensez-vous?
— Vous êtes bien bon, monseigneur, ré-
pondit avec modestie Delna, mais comment
est-elle donc morte, Jeanne d'Arc. Je ne
sais plus !
Etonné, stupéfait même, l'évêque apprit à
la cantatrice que la bonne Lorraine avait
péri dans les flammes d'un bûcher allumé
par les Anglais.
— Brûlée! Brûlée vive! s'écria l'artiste
avec émotion. Ah! la pauvre fille!.
Et ce ah fut si touchamment dit qu'il se
traduisit en une vocalise admirable.
B
runet, qui fit, pendant tant d'années, les
délices du théâtre des Variétés, n'était
pas seulement un excellent acteur, c était
aussi un homme de beaucoup d'esprit.
Il jouait, un jour, chez la reine Hortense,
à Saint-Leu-Taverny, Cadet-Roussel beau-
père, parodie des Deux Gendres.. Napo--
léon Ier était au premier rang des specta-
teurs. *
Par inadvertance, Brunet omit de suppri.
mer ce passage de la pièce : ,
« Ne donnons jamais rien à nos enfants
si nous voulons qu'ils aient pour nous une
reconnaissance égale à nos bienfaits. »
Napoléon Ier fronça le sourcil : son fils
venait de -naître et il l'avait créé roi de
Rome.
L'acteur, voyant le mécontentement de
l'impérial spectateur, eut alors la présence
d'esprit d'ajouter :
« Excepte truand nuus pouvons lear Qun*'
hër un trône! »
N
otre écho sur le théâtre au Canada,
publié l'autre jour, nous remémore
1 ..- _!_- ---..---.1-
un souvenir curieux au aermer voyage uc
Sarah Bernhardt en Amérique.
Arrivée à Québec, notre grande tragé-
dienne y voulut jouer la Sorcière qu'elle
avait créée peu de mois avant à Paris.
Ce fut une cabale monstre. La pièce, in-
terprétée faussement comme anticatholique,
donna- lieu à des manifestations à ce point
unanimes, que notre Sarah dut reprendre
le train sous les rumeurs menaçantes de la
foule. De Max fut même blessé gravement
dans la tempête.
Le lendemain, sir Wilfrid Laurier, pre-
mier ministre du Canada, télégraphiait à
Sarah les regrets que le Canada « artiste
et civilisé » devait à son glorieux talent.
D
eux auteurs lisaient dernièrement une
pièce en deux actes et six tableaux à
un directeur ae music-hall voisin de Mont-
martre.
Quand ce fut fini, celui qui avait lu
s'épongea; celui qui n'avait pas lu demanda
au directeur :
- Eh bien?
- Eh bien! Non!. Ça n'est pas ça !.
— Pourtant!. La scène dans la salle,
surgissant au quatrième tableau, il me sem-
ble que ça fera rire.
— Non! Je ne trouve pas ça original!
- Ça ne. lest peut-être pas non plus,
après tout!. dit l'auteur qui avait lu et
qui semblait, par-dessus tout avide de pren-
dre un bock.
Le directeur s'est, sans doute ravisé, car
cette même scène dans la salle, qui était le
clou de la pièce refusée, fait partie, paraît-
ii, d'une revue qu'on monte en ce moment
au même music-hall.
Seulement, cette revue n'est pas des au-
teurs qui lui lurent la pièce dont nous par-
lons plus haut. Ces deux auteurs auront, en
tout cas, la satisfaction relative de savoir
si leur scène est « originale » et « fera
rire ». C'est une consolation.
N
ous avons reçu hier la spirituelle let-
tre suivante de notre collaborateur
i-k - 3
i nstan tsernara :
Mon cher Masque de Verre,
Un de vos confrères avait commencé une en-
quête chez les auteurs dramatiques, et leur de-
mandait s'41s étaient partisans de la collabora-
tion. En ce qui me concerne, je collabore assez
volontiers, mais à condition d'être prévenu.
, Cela dit pour le typographe de Comœdia qui,
à cette phrase:
Gémier conduisait en auto deux de ses pen-
sionnaires un peu inquiets,
a préféré cette autre:
deux de ses pensionnaires un peu mi-
gnots (?).
Bien à vous.
TRISTAN BERNARD..,
c
omœdia a parlé des divers essais de
mise à la scène de la Madame Bovary
de Flaubert, mais peu de personnes savent
que l'auteur de Salammbô a, lui aussi,
comme tant d'autres, écrit une pièce de
théâtre.
Elle ne fut, d'ailleurs, jamais jouée. C'é-
tait une féerie, dont le manuscrit est main-
tenant introuvable — c'est dommage! Il
avait été déposélpar Flaubert à la Gaîté,
mais le directeur de. cet établissement, M.
Wendchenk, ne voulut entendre « parler de
rien », la féerie étant, selon lui, injouable.
C'était un éreintement à fond de la bour-
geoisie. L'un de ses tableaux représentait
comme décor la coupe d'une maison pari-
sienne à cinq étages. En ligne, se trouvaient
superposées les cinq cuisines de l'immeuble.
Dans chaque cuisine, sur chaque;, fourneau,
une marmite. '- Et devant chaque marmite, un
bourgeois reniflant les senteurs qui sortent
du pot.
Tous à la fôis - et-Hubert avait -l'in-
tention de montrer combien Ja vie et les
réflexions des bourgeois sonf toujours stu-
pidement lesniêmes - tous à la. Jeas de-
vaient dire :
— Ce pot-au-feu a vraiment une odeur
délicieuse !
s
ur l'origine des « Droits d'auteur ».
Sait-on qu'elle remonte à 1653.
A cette époque, Tristan l'Hermite fit aux
comédiens la lecture des Rivales de Qui-
nault, qui était son élève.
Les comédiens, à la solde desquels les
auteurs étaient- jusque-là placés, en offrirent
d'abord cent écus, croyant la pièce de Tris-
tan, puis cinquante seulement, quand ils
apprirent qu'elle était d'un jeune poète in-
connu.
Après bien des discussions, Tristan les
persuada d'accorder à l'auteur le neuvième
de la recette journalière, tous frais déduits,
tant qu'on jouerait sa pièce dans la nou-
veauté; après, quoi, elle leur appartiendrait
en toute propriété.
Ce contrat donna naissance à la part
d'auteur. Ce fut seulement sur la fin du
XVIIIe siècle que l'auteur garda définitive-
ment la propriété de son œuvre.
NOUVELLE A LA MAIN
E
ntre comédiennes :
— Figure-toi, ma chère, aue i'ai
joué Froufrou, cet été à Taupigny-les-Bains.
J'avais un trac!.
- Froulrousse, alors !
Le Masque de Verre.
La rentrée des classes au Conservatoire
M. JoÚet « double » Mme Sarah Bernhardt
THÉÂTRE ROYAL DU PARC
Le Combat de Cerfs
pièce en trois actes d'Emile Bergerat
(Par dépêche de notre correspondant)
Bruxelles, 11 octobre.
« Avant dix ans, disait naguère Labiche, il
n'y aura plus moyen de faire une pièce; le
public ne voudra plus que des opérettes! »
Quelle erreur! L'opérette agonise et la
« pièce », la véritable pièce, fortement as-
sise sur des idées, solidement charpentée
est celle, les « dix ans » de Labiche écoulés,
qui emporte les préférences. Et ce n'est pas
seulement à Paris. A Bruxelles, ce , soir,
nous en avons eu la claire démonstration
avec le Combat de Cerfs, la pièce à idées,
s'il en fut, d'Emile Bergerat.
Que le public n'ait pas été parfois dérouté
M. VICTOR REDING
Directeur du Théâtre du Parc
et parfois choqué, nous ne le nierons pas;
mais l'empressement qu'il a mis à écouter
le- Combat de Cerfs, l'ardeur apportée,
dans les entr'actes, à discuter les hardiesses
de la pièce, la passion des « pour » et des
a contre H, tout prouve qu'avant le théâtre
qui fait rire ou pleurer, oh recherche aujour-
d'hui le théâtre qui fait penser.
Et le drame de Bergerat est un drame qui
fait penser. Qu'on en juge :
Au premier acte, nous .sommes a Paris,
chez le président de Rocville, conseiller à
la cour, magistrat intègre. Lui, sa femme et
son beau-fils, Jacques Seguin, se réjouissent
d'un heureux événement : Mlle Germaine
de Rocville, leur fille et sœur, va épouser
Philippe de Paul qu'elle aime et dont elle
est aimée. Toute la famille est unie dans le
bonheur le plus parfait et les vertus les plus
sympathiques. Aucune ombre ne ternit cette
douceur d'intimité. Si la joie de la jeune fian-
cée est grande, celle de Jacques ne l'est
pas moins : Ne va-t-on pas élever un mo-
nument à la gloire de son père, le général
Seguin, comte d'Orsola, qui s'est tué, en
1870, pour ne pas survivre à la honte d'une
première défaite? La pensée d'une mort si
glorieuse exalte Jacques, qui en parle avec
orgueil. Mais tous ces souvenirs gênent vi-
siblement Mme de Rocville, ex-comtesse Se-
guin, et Jacques s'en étonne. Il a surpris le
même malaise chez son second père, dès
qu'il parle du général. Pourquoi? Il ques-
tionne.
La mère oppose des défaites et Jacques
n'est pas convaincu.
Rocville, sur ces entrefaites, vient lui ex-
poser d'étranges théories-pour un magistrat.
Il estime le vol plus vil que le meurtre :
« Le voleur ne brave que le gendarme, l'as-
sassin brave le bourreau. » « La pitié n'est
pas la justice », dit Jacques. « Elle en est
la lampe »,, répond le président : « Aussi,
je ne me suis jamais assis sans un tremble-
ment à ce trépied sibyllin, où, juge, je suis
jugé moi-même, comme sur une sellette. Ma
conscience y résonne comme un gong à
tous les coups que les crimes y frappent et
j'absous comme on se défend. »
Philippe de Paule, le fiancé de Germaine,
interrompt la discussion. Il vient, en confi-
dence, apprendre à son ami Jacques qu'il est
ruiné et ne peut plus aspirer à la main de
sa sœur. « N'est-ce que cela! » s'écrie Jac-
ques. Il est riche, il veut doter sa sœur et
s'en ouvre au président. Celui-ci refuse avec
une âpreté oui surprend son t)eau-fils et l'in-
quiète sur l'origine de sa fortune, sur son
père. « Mais enfin, il était brave! » s'écrie-
t-il et, pressé de questions, Rocville finit par
lui dévoiler qu'en 70 le général fuyait.
« Mais, s'il ne s'était pas tué lui-même,
on l'aurait donc tué? » interroge Jacques.
- C'est l'un ou l'autre, évidemment. — Je
veux éclaircir ce doute, affirme Jacques avec
une volonté douloureuse. — Je t'avères que
tu vas souffrir », répond tristement le ma-
fTictrat-
Deuxième acte : Jacques apprend à son
ami et futur beau-frère Philippe de Paule,
qu'il a des doutes sur l'origine de sa for-
tune. Il sera peut-être obligé d'y renoncer.
Il est malade, nerveux, agité. Et sa mère,
qui vient le voir, le questionne à son tour.
Il avoue qu'il craint de n'être pas le fils du
général. « Si, tu l'es bien, répond la mère,
mais il n'était cas digne d'un fils tel que toi.
Il m'a épousée de force, achetée à mes pa-
rents éblouis par sa grosse fortune et sa
gioire militaire. Quand j'appris, en 70, que
son cadavre avait été trouvé par des Bava-
rois je te sentais vivre en moi depuis quatre
mois; tu es donc bien son fils. - »
Elle croit au suicide du général. Mais Jac-
ques ne lui cache pas ses doutes. Un soldat
ne-se suicide pas, il se fait tder. Aussi se
demande-t-il si son père n'a pas été assassi-
né et comme il a échafaudé, presque in-
consciemment,, toutes sortes d'indices, il
laisse même deviner à sa mère qu'il soup-
çonne son second mari, le bon, l'intègre, le
parfait magistrat. Mme de, Rocville croit que
son fils devient fou. Elle l'enlace de ses
bras : « Tu es bien malade, mon pauvre
enfant!' »
Troisième acte : les aveux. Inquiète de
l'état mental de son fils, gagnée par les dou-
tes, Mme de Rocville vient s'expliquer avec
le président et lui dit en face que son pre-
mier mari a été assassiné par le second.
- « Vous en êtes sûre? répond froidement
le magistrat. - Oui. — Enfin! après 25
ans! » s'écrie-t-il avec une sorte de joie. Et
il s explique : Il aimait jusqu'au crime; ne
pas aimer jusque là, c'est ne pas aimer. Il
a donc poursuivi, après la défaite, le géné-
ral vaincu et fuyard. Il l'a défié en lui repro-
chant d'avoir enlevé la fèmme qu'il aimait.
Il a essuyé le feu du comte Seguin, puis il
l'a tué. Mme de Rocville, profondémeot
troublée, absout. Mais Jacques? C'est Jac-
troubléque, 'il faudrait convaincre et amener à
ques
ques qu'il faudrait convaincre et gmener à
penser comme eux. « Envoyez-le moi », dit
Rocville.
Ici se place la scène capitale. « Pourquor
te tourmentes-tu tellement de savoir si ton
père a été tué ou non? — N'est-il pas mon
père? Celui qui m'a donné la vie? — Mé-
diocre présent. A peu près celui de la pierre
brute et boueuse que le hasard offre au nè-
gre ignare. Elle ne devient un diamant que,
grâce à* l'émeri du lapidaire. » !
Le décalogue ne dit pas : Tu aimeras tort
père et ta mère; il dit : Tu honoreras ton !
père et ta mère, ce qui est différent. Mais\
par amour ou par respect, Jacques veut sa-j
voir. Il en vient à forhiuler le soupçon qur
le hante : « Eh bien, si c'était moi? » de-i
mande Rocville. « Que le ciel s'écroule!
s'écrie l'enfant, qui aime son second père,
qui l'estime et le respecte. « Vous auriez as.
sassiné un homme et vous n'en auriez pa$(
de remords?. Vous?. Oh! non!. » j
Et le président de Rocville établit cer
qu'on pourrait appeler le droit au meurtre i
« Le meurtre, tu le verras en tour.J
partout, non seulement dans l'impitoyable'
nature, mais dans les sociétés les plus attît
ques, les plus chrétiennes. La liberté sali-.
mente de tueries; le progrès jonche la terra
de ses victimes écrasées. L'art et la science
abattent leur homme à tout coup, ici pouc
un chef-d'œuvre, là pour une découvertes
Quant aux religions, c'est de sang humain
qu'elles trempent leurs cloches. Sous les
deux astres, homicides aussi, qui nous alter-
nent l'ombre et la lumière, qui ne tue pas
est tué, soit par haine, soit par amour. L'ene
fant tue la mère, la .femelle le mâle et le
baiser lui-même est une œuvre de mort. Ce
qu'on appelle vivre, c'est attendre le tour
de la décimation, quotidienne, régulière,
prévue, et le hasard de son numéro d'abat-
toir. Pas un être organisé ne dure le temps
normal de son organisme, ne termine sa
tâche, ne fournit sa mesure, ne touche sa
part du revenu terrestre. On prête au Dieu
du Sinaï le : « tu ne tueras point » des
philosophes, lorsqu'il n'use son éternité qu:'à
arracher violemment de nos corps les âmes
éperdues qu'il .y a mises. Notre auteur cé-
leste est le tueur des tueurs et l'assassin
type et modèle. Du haut de ses sept monta-
gnes d'ossements, Adonaï dans les nuées
s'amuse : « Tu ne tueras point! » — Sous
auelle neine? - c~xc nûinû Ha "1-
* - r - ---- "VWoJ }J"11 1. niui L. -
Après vous, Seigneur. D'ailleurs, vois le
piège dérisoire; ce qu'il a fait de plus facile
au monde, c'est de tuer. On peut tuer d'un
coup d'ongle, d'une pointe d'épingle, avec
une pincée de poudre, sans armes,par l'ouver-
ture d'uneporie à la bise, par une trahison,
une calomnie, un mot, un regard, .un sou-
rire. La besogne meurtrière est à la portée
d'un enfant, d'un fou, d'un passant ivre, son
geste ne demande que la plus molle des dé-
tentes, et, tandis que les éléments complices
1 eau, l'air, la terre et le feu, se disputent
l'office de bourreaux de l'espèce humaine, la
malheureuse ne produit rien, ne fonde rien,
ne rêve rien qui ne concoure à sa propre
extermination. Voilà ce que c'est que le"
meurtre, notre fonction. jur.e-moi que 'tU
n'as assassiné personne?
JACQUES. - Sciemment, au moins !
ROCVILLE. — Qu'est-ce que tu fais pour-,
tant en ce moment?
Jacques est vaincu. Il absout son second
père d'avoir tué le premier. On lui avait ra-
vi la femme qu'il aimait : il l'a reprise.
C'était ! ordre de la nature, c'était le Com-
bat de cerfs. II. ne peut condamner l'homme
excellent qui l'a élevé et qu'il. aime. Et
quand Rocville lui tend le revolver du gén6-
ral en lui disant : « Venge-le! » Jacques re-
cule eff-rayé. La mère, suivie des futurs ma-
riés, vient prendre le père et fils pour se
rendre tous ensemble à la mairie. « Maman,
dit le jeune homme, après un moment d'hé-
sitation, offre ton bras au père de tes futurs
petits-enfants. » Et la toile tombe.
En somme, c'est « la loi du plus fort »,
que proclame Rocville, c'est l'anéantisse-
ment de toutes les idées reçues et établies.
C'est le bouleversement d'une quantité de
principes considérés jusqu'ici comme fonda.
mentaux.
Le respect des parents? Préjugé. jacquet
n'a pas connu , son père, il ne lui doit rien
n'ayant reçu de lui ni soins ni tendresse.
Cela est rigoureusement vrai. Ii serait
odieux de voir le fils venger un mort qui
ne lui a laissé aucun souvenir en sacrifiant
l'homme qui l'a élevé, entouré d'affection et
~- L'horreur du meurtre, du
sang versé, de l'homicide? Préjugé encore.
Nous avons cité l'éloquent couplet du ma-
gistrat criminel. Pour lui, le remords
n'existe pas et il est, par là, bien différent
du pâle meurtrier Termonde, dans André
Cornélis, qui n'a pas osé commettre lui-
même l'assassinat, qui frémit et se trouble
quand il se voit découvert, qui tremble
d être accusé devant la femme qu'il aime.
Et combien plus différent encore du héroc
de Dostoiewsky, de Rodion dans Crime fi
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