Titre : Ce soir : grand quotidien d'information indépendant / directeur Louis Aragon ; directeur Jean Richard Bloch
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1937-12-23
Contributeur : Aragon, Louis (1897-1982). Directeur de publication
Contributeur : Bloch, Jean-Richard (1884-1947). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32738400h
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 décembre 1937 23 décembre 1937
Description : 1937/12/23 (ED6,A1,N296). 1937/12/23 (ED6,A1,N296).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7636048c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-109
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/01/2015
LES DEBUTS
d'UN FILM CÉLÈBRE
par Çcorgcs dttcfiès
Georges Meliès, très souffrant, a
dû être transporte de la maison de
retraite d'Orly à un hôpital privé, où
il est entouré des soins assidus que
demande son état.
Mais ce n'est pas avec une pension
modeste qu'il peut subvenir aux be-
soins de sa femme et de sqn enfant,
et payer les frais d'hôpital, aussi ré-
duits qu'on veuille bien les lui faire.
Des admirateurs du pionnier du ci-
néma lui ont assuré les premiers
soins, mais il ne faut pas que Georges
Meliès soit obligé de quitter trop tôt
l'hôpital,, par manque d'argent.
Georges Meliès a remis à notre.:
reporter, qui était allé prendre de
ses nouvelles, au nom de notre jour-
nal, les souvenirs pleins d'intérêt que
nos lecteurs trouveront ci-dessous.
Je venais de terminer Voyage dans
la Lune. Comme il était d'usage à
l'époque, j'avais rédigé lin prospec-
tus contenant le scénario du nouveau
film et l'avais expédié à mes clients
(des forains presque tous), en les
priant d'assister à lu présentation
- privée -qui aurait lieu, dans l'après-
midi, à 2 heures, au Théâtre Robert-
Boudin, que je dirigeais alors.
Au jour dit, une vingtaine de spec-
tateurs se présentèrent (ceux qui, a
cette époque, étaient installés aux
environs de Paris ou à Paris même).
Je me mis au piano, j'improvisai un
accompagnement, et leifilm fut pro..
jeté. Je m'attendais à un succès im-
médiat, car, vu le matin par moi
seul, il m'avait paru amusant.
A ma grande surprise, la projection
se termina au milieu d'un silence
glarial. Inutile de dire que j'étais na-
rré du résultat, après un travail long,
difficile et coûteux.
Je me dis : Il n'y a pas de doute,
c'est un beau four.
Mais, tout à coup. une réflexion
me bint : mes spectateurs et ache-
teurs (on ne louait pas à cette épo-
, e) sont des forains, très roués en
• néral, malins dans les affaires, et
pensent très probablement que,
,<: ils manifestent le moindre entlloll-
siasme, j'en profiterai pour leur
,!"mander un prix plus élevé.
Alors, je me bornai à leur dire :
« Eh bien ! messieurs, quelle est
votre opinion sur ce film ? » Pas de
réponse, silerice absolu. Ils se regar-
datent les uns les autres, mais sans
rien dire.
L'un d'eux se décida enfin et me
lanca :
« Combien vendez-vous cela ? »
Je répondis : « Mais au même prix
que mes autres films : 1 fr. 50 le
mètre en noir, 3 francs en couleurs.
Il y a 280 mètres, cela fait 420 fr.
en noir et 840 fr. côlôrié. »
Je puis dire que, de. ma vie, ja-
mais sursaut pareil et semblables
exctumalions. de réprobation Il'ac-
cueillirent une audition- Pensez
donc, les films d'alors avaient, entre
20 et 60 mètres au maximum et
j'avais eu l'audace d'exécuter un
film de 280 mètres de longueur, le
premier de celte importance. Je dus,
certainement, faire, âmes specta-
teiirs l'effet d'être mûr pour un asi-
le. d'aliénés. Les exclamations fu-
saient de partout : « C'est fou, un
film de ce prix-là. On 'n'a jamais
vu cela. Vous n'en, rendrez pas lUI
seul. On se ruinerait avec des vues
de ce prix-là, etc. »
Et le défilé vers la perte de sor-
tie commença et s'accéléra rapide-
ment. Le dernier spectateur allait
sortir, jé le retins par le bras en lui
disant > « Ecoutez^ voulez-vous faire
une affaire ? » Il se retourna, inter-
loqué, et j'ajoutai : « Où êtes-vous
actuellement ?
— A la foire du Trône, répon-
dit-il.
— Bon. Eh bien ! je vais vous
, faire, au galop, une grande affiche,
peinte à la colle comme les décors,
avec une, Lune énorme, recevant
l'Obus dans l'œil, en y joignant le
: titre, du film et l'inscription : iné-
dit et sensationnel. Je vous l'appor-
te à 6 heures, vous la placarder. Je
vous prête le film pour la soirée,
vous le projetez gratuitement à cha-
que représentation ; je ue vous de-
mande pas un centime, mais je dé-
sire voir l'effet sur le public. A mi-
■ "nuit, si c'est un four, je remporte
le film et tout est dit. Si' le film
ptptiï, je vous le Vends, si vous en y
"ij'oidez, bien entendu. Je le reprends
si vous n'en voulez pas. Voila. Cela
vous convient-il ?
■ — Ah 1 alors, comme' ça. ça
colle..
Telle fut la réponse péremptoi/e
et poétique.
Le soir même, tout était prêt, la
foule commençait à arriver, les pa-
rades faisaient- rage, /e , public-
s'amassait devant la grosse lune,
mais ,l'affiche, tout en faisant rire,
était accueillie par les lazzis les
plus divers : c C'est une blague,
c'est une mystification. Est-ce qu'ils
nous prennent pour des poires dans
cette baraque ? Pensez-vous qu'on
ait pu aller dans la lune pour la
photographier ? Ils se f. du mon-
de, etc., etc. ■»
( Le public d'alors, non initié en-
core aux truquages du cinéma, se
figurait qu'on ne pouvait photogra-
phier que dés choses réelles.)
Le résultat fut que, malgré ! les
boniments de « l'aboyeur », il y
eut, à la première représentation,
une quinzaine de spectateurs peu
sympathiques, prèts « emboîter le
présentateur, si on les avait mysti-
f jés.
Après une série de films de" 20 et
30 >mêtres, arriva enfin le 'fameux
«Voyage» annoncer l'extérieur.
■ Au premier tableau, le public re-
garda en silence. Au deuxième, il
commença à s'intéresser ; au troisiè-
me, les Tirés se mirent à fuser ; au
quatrième, au cinquième, au sixiè-
me, ils s'accentuèrent de plus en
■ plus. Aux tableaux suivants, des ap-
plaudissements nourris éclatèrent,
pour ne plus s'arrêter jusqu'à la
fin.. Aux dernifirs tableaux, c'était
du délire. Jamais ; on n'avait, vu de
film de cette espèce, car il fut le
premier du genre, ce qui explique
l'effet produit.
À lu sortie, ce furent les specta-
teurs eux-mêmes qui firent une ré-
clame verbale enthousiaste aux non-
veaux venus qui, au bruit des ap-
plaudissements, avaient 'entoure la
baraque. Dès ce moment, ce fut une
ruée incroyable, des salles bondées
jusqu'à minuit. On dut même écour-
ter la série des petits films pour
augmenter le nombre de représentur
tiolls.
Bref, la recette fut la plus formi-
dable qu'eut jamais atteintrtnon fo-
rain. Il était rayonnant, vous vous
en doutez ?.. Et moi, donc.
— Eh bien ! mon vieux, qu'est-
ce qiie voiis dites de cela, heiii ? lùi -
dis-je.
- Epatant ! fut sa seule réponse,
laconique mais expressive.
- Aloi-s, voils etes_coiiierit
- J'petise bien.
— Et moi aussi, ajoutai-je. Main-
tenant,, je suis fixé sur l'effet pro-
duit sur le vrai public.
El, disant cela, je roulai tTanquil-
lement le film à la main, les enrou-
leuses n'existant pas encore. Je l'en-
veloppai de sa boite métallique, le
mis ,scrus mon bras} en disant à mon
homme : t Ail right ! Bonsoir et
mercir » Et je fis mine de sortir.
—' Eh bien. I et mon film, me dit-
il. Tous l'emportez ?
—■■ Comment,* votre film ? Mais
vous 'n'en avez pas voulu cet après-
midi., Il est a moi et non à vous.
Et je disais cela avec le plus grand
sérieux du monde.
- Ah ! non. Pas de blague. Vous
n'allez -pas me jouer un pareil tour.
Donnez-moi votre film, je le prends
au comptant, et j'ajoute 200 balles
pour votre dérangement.
Alors, tout souriant, je m'écriai :
- Eh ! là, me prenez-vous pour
un usurier ? Voilàvotre film, payez-
le au prix fixé, pas un centime de
plus., C'est moi, au contraire, qui
vous dois des remerciements pour
m'avoir mis en contact avec le vrai
public populaire, le seul qui rit
sans contrainte devant un effet co-
mique, sans se demander s'il ne va
pas, en riant, perdre sa dignité et
son prestige de juge.
Je n'ai jamais su comment, dans
le monde des forains, les nouvelles
se propagent avec une rapidité
aussi incroyable. Ce qu'il y a de cer-
tain, c'est que le lendemain tous les
farains de France étaient informés
du succès triomphal du Voyage dans
la Lune et que les commandes af-
fluaient de toutes parts.
Vous étiez, me dira-t-on, sur le
chemin de la fortune. Hélas 1 trois
fois hélas ! trois épreuves du film
fuient achetées par des commis-
sionnaires qui les expédièrent de
suite à trois grosses maisons amé-
ricaines, qui s'empressèrent de les
contretyper.. Le copyright pour les
films nlexistant pas encore, elles se
mirent à inonder le monde d'épreu-
ves falsifiées. C'est par milliers que
ces surcopies furent expédiées dans
tous les pays de l'univers et, pour
comble, accompagnées de réclames
gigantesques annonçant, sur les affi-
ches et' dans la presse, Le Voyage
dans la Lune, le formidable (tre-
mendous) succès de la Geo Meliès
Star-Film de Paris. La marque de
fabrique falsifiée elle-même, était
reproduite sur
les épreuves et,
malheureuse-
ment, j'étais
impuissant. à
empêcher ce
trafic malhon-
nête.
Le résultat
fut que j'avais dépensé 30.000 francs
(soit 150.000 francs actuels) pour
l'exécution du film ; que ma vente
personnelle s'arrêta subitement, ulors
que je n'avais encore récupéré qu'une
dizaine de mille francs, et que le
tout se solda, pour moi, par 20.000
francs de perte (soit 100.000 francs
actiiels).
Malheureusement, il s'agissait de
mes propres capitaux, car je n'ai ja-
mais eu, pendant ma carrière ciné-
matographique de vingt ans, aucun
commanditaire. (Je dois, dans l'espè-
ce, être un véritable phénomène,
mais, au moins, personne n'a ja-
mais pu me reprocher de lui avoir
fait perdre de l'argent. C'est quelque
chose.)
.Mais, dit le proverbe, à quelque
chose malheur est bon. Un autre ré-
sultat, infiniment meilleur, fut que
le film, en enrichissant mes faussai-
tes, fit à mon nom une réclame sans
précédent, grâce à son énorme dif-
fusioiu et que le nom « Geo Meliès »
fut instantanément, et du jour du
lendemain,. célèbre dans l'univers,
pour la somme de 20.(,00 francs
(d'avant-guerre), Ça, au moins, ce
fut une belle publicité 'peu coûteuse.
Merci à Edison, à Lubin de Phila-
delphie et à, Cari Ixtemmle, qui fu-
rent mes contrefacteurs et que je ne
pus obliger à respecter mes produc-
tions ou'en ouatant une succursale à
New-York, en 11)04. Dès lors. ils ne
purent plus s'approprier le bénéfice
de mon travail.
En haut, à gauche : William Powell et Luise Rainer dans Le secret des chandeliers.
Au-dessous : Fernandel et Vincent H y spa dans Hercule, l'Incorruptible, qui vient d'être
terminé, A droite Robert Taylor et Eleanor Poivell, couple plein de grâce de Le
Règne de la joie, au Normandie.
eÀ
— r
Cette sacrée vérité réunit
Irène Dunne et Gary Grant
aux Miracles-Lord Byron.
Fred Astaire. Nijinsky.
et Serge Lifar
Une information venue d'Hollywood
— sensationnelle, ainsi qu'il se doit —
nous a récemment appris que Fred As-
taire envisagerait de tourner prochaine-
ment un film dont Nijinsky serait le
héros et dans lequel il incarnerait le
prodigieux danseur russe.
Fred Astaire, empereur et roi des « cla-
quettes », peut-il être Nijinsky ?
Au hasard d'une conversation, nous
avons posé la question à Serge Lifar.
« Je n'en sais absolument rien, nous a
répondu le « choréauteur » de « La Mort
du Cygne », mais je ne puis croire que
Fred. Astaire tente l'expérience. J'ai une
grande admiration pour lui et je le tiens
pour supérieur de dix classes à tous les
virtuoses du « tap-dance ». Mais il y a,
selon moi, deux impossibilités à ce qu'il
soit Nijinsky à l'écran. La première,
c'est qu'il lui manque, je crois, la cul-
ture classique indispensable à qui son-
gerait évoquer, fût-ce en quelques ima-
ges rapides, le plus prestigieux danseur
que le monde ait connu. La seconde, c'est
que son personnage est trop éloigné de
ce que fut Nijinsky. Astaire est char-
mant. Nijinsky, à la ville, était un hom-
me dépourvu d'élégance, un homme
qui passait inaperçu, mais qui se
transformait quand il entrait en scène.
Alors, il devenait Dieu. Il était irréel,
aérien, unique. Son génie éclatait, ab-
solu. Comment Fred Astaire réussirait-
il à rendre sensible cette opposition en-
tre les deux Nijinsky, quil est cependant
nécessaire de souligner si l'on veut que
le film ait un sens, si l'on veut aussi
qu*il respecte la vérité historique ? Je
ne crois pas, quant à moi, que Fred As-
taire, qui a bien d'autres films à tour-
ner, se risque dans cette aventure où il
n'aurait rien à gagner. et tout à per-
dre. »
Serge Lifar parle d'or.
Mais les Américains « parlent de dol-
lars » et un film sur Nijinsky serait,
aux Etats-Unis, d'un tel rapport commer-
cial, qu'il n'est pas impossible, malgré
tout, que Fred Astaire soit appelé, un
jour prochain, à être Nijinsky.
L.-R. D.
Albert' Préjean et Jany H oit,
interprètes du film de Pierre
Chenal, Alibi, à Marivaux, à
partir du 23 décembre.
Le type Mae West triomphera-t-il
définitivement à l'écran ?
Il se pourrait que, d'ici peu, nous
assistions à une petite révolution dans
la silhouette des stars.
Est-ce le public américain qui ré-
clame ? Mais on demande aux reines
de l'écran un peu plus de formes et
une taille plus élevée. D'où, nécessai-
rement, une augmentation de poids.
Et Mr Donald Loomis, qui a la haute
main sur la section médicale de la
Metro-Goldwyn et tient des fiches signa-
létiques très complètes sur le physique
des principales artistes, a déclaré que
nous verrions prochainement des jeu-
nes premières pesant une soixantaine
de kilos et mesurant 1 m. 70, ce qui
démontre bien qu'il ne s'agit pas en-
core de championnes; de poids lourds.
Mais si l'on considère qu'il y a une
dizaine d'années la mode à l'écran exi-
geait des artistes de 1 m. 65 au nia xi-
mum et de 55 kilos au plus, on consta-
tera qu'il y a là un sérieux progrès
accompli ou le contraire, tout étant
relatif.
Les films en couleurs ;
influenceront-ils :
la mode masculine ?
Le film en technicolor oblige les
acteurs à se vêtir d'une manière tota-
lement différente en ce qui concerne
la couleur.
D'après certaines rumeurs, Adolphe
Menjou, considéré à Hollywood comme
l'arbitre des élégances, est en train dè
déclencher une croisade : il réclame la
possibilité, pour l'élément masculin,
d'abandonner ses tristes vêtements et
d'aborder franchement des tons plus
clairs, plus vifs même. Rappel d'une
époque que l'on aurait pu croire abo-
lie a jamais.
« Lorsque les hommes auront con-
templé, pendant un certain temps, des
films en couleurs et des costumes aux
tonalités variées, ils se sentiront par-
faitement ridicules dans leurs funèbres
accoutrements », a déclaré Menjou.
Et peut-être arrivera-t-il à convain-
cre un certain nombre de ses contem-
porains. Mais cette mode, dont le
moins qu'on puisse dire c'est qu'elle
serait peu pratique sous des cieux
moins cléments que ceux de la Cali-
fornie, est fort coûteuse, puisque né-
cessitant de très fréquents change-
ments.
C'est ainsi que Menjou, qui est la
vedette masculine de The Goldwyn
Follies, a du se commander pour les
besoins de cé filin, tourné en techni-
color, une quinzaine de complets nou-
veaux, tous de tons pastels. Avis aux
amateurs. ;
-
Le jazz au cinéma
Broadway Melody 38, troisième film
du nom, nous révélera Sophie Tucker.
Sophie Tucker, la plus extraordinaire
chanteuse de « blues » que l'Amérique
possède, n'est ni une negresse, ni une
femme jeune ou divinement belle.
Sophie Tucker doit avoir dépassé la
cinquantaine. Elle ne s'en cache pas et
a lair d'une bonne mère de famille.
Elle joint aux qualités de chanteuse
qui ont fait sa réputation mondiale,
un réel talent de comédienne.
Sophie Tucker, engagée pour un film
en tant que chanteuse, dépassa à un
tel point les espérances que les diri-
geants américains avaient placées en
elle, que ceux-ci lui signèrent aussitôt
un contrat lui garantissant quatre au-
tres films dont elle serait la seule ve-
dette.
En Amérique, tout le- monde attend
déjà le prochain film de cette chanteuse
de jazz, film tiré d'un roman à succès
de Frances Marion, un des écrivains
les plus populaires de tous les Etats-
Unis, Mol/y, bénissez-la.
Ce roman, qui pourrait être une auto-
biographie de Sophie Tucker, a donné
:i celle-ci l'occasion de réussir une com-
position d'une telle perfection artisti-
lue qup toute l'Amérique la nomme :
.t nouvelle Marie Drcssler.
Quand on connaît la vénération dont
'ont le public américain entourait la
grande tragédienne trop tôt disparue,
)u doit vOIr là le plus bel éloge dont
Jouvait rêver une artiste.
Que Sophie Tucker l'ait obtenu après
t'avoir tourné que deux films, il faut
oir là les prémices d'une carrière
xtraordinaire. Carrière qui, une fois de
-lus, nous donnera l'occasion de consta-.
?r que l'écran américain doit au jazz
es artistes les plus remarquables.
181
11 serait vain de vouloir tracer ici
dl palmarès de l'apport du jazz et du
Ilusic-hall au cinéma américain, mais
1 est incontestable qu'il est de beau-
oup plus important que celui du théâ-
re.
Et c'est tant mieux, car il est aisé
c constater que l'expérience du music-
tall est bien plus précieuse pour le ci-
lénia que celle du théâtre, lequel doit
tteindre un tout autre but.
D'ailleurs, il semble que le cinéma
variant soit né sous le signe du jazz.
Faut-il rappeler que le premier filin
parlant s'intitulait Le chanteur de jazz;
le premier film en couleurs La féerie
du jazz ; que, hier encore, le film en
couleurs qui semble avoir acquis défini-
tivement ses lettres de créance est
Vogues 1938, et dans ce ntm, particu-
lièrement, toutes les scènes qui ont trait
Sophie Tucker
au Cotton Club, musée vivant et con-
temporain du jazz ?
Faut-il rappeler également qu'aujour-
d'hui plus des deux tiers des artistes
en vogue de l'écran américain sônt des
artistes qui, soit par la danse, soit di-
rectement par la musique, ont débuté
sous le signe du jazz
Ainsi en est-il de Ghger Rogers et
de Fred Astaire, d'Eddie Cantor, des
Marx Brothers et des Rit? Brothers.
Et, pêle-mêle, on peut encore citer
Louis Armstrong, que nous venons de
voir dans Artistes et modèles, Cab Cal-
loway, Ted Lewis, que nous verrons
prochainement dans Tout autour de
Manhattan, Ruby Keeler, Alice Fayc,
Jack Benny, Bjng .Crpsby.. ,
En France, nous avons des musiciens
remarquables, des orchestres pleins
d'entrain et des artistes, danseurs et
chanteurs, qui pourraient apporter à
l'écran leur rythme fougueux.
Si nous avons laissé partir le plus
remarquable d'entre eux : Jean Sablon
— que les Américains ne sont pas près
de nous rendre — ne nous reste-t-il pas
Lyne devers, que nous voyons, trop
rarement et si mal employée,. Bobby
Martin, si bien mis en valeur par Pierre
Chenal dans l'Alibi, Willie Lewis, dont
l'orchestre, un des meilleurs du monde,
remporta un succès comme jamais un
autre orchestre n'en obtint à notre fête
des Catherinettes, Ray Ventura, erifiu
et combien d'autres encore.
D'autres dont Paul Misraki, le célè-
bre compositeur de Ray Ventura, à qui
nous devons tous les, airs à; succès de
ces dernières années, et dont nous rf
parlerons.
Claude B1\IAÇ.?
d'UN FILM CÉLÈBRE
par Çcorgcs dttcfiès
Georges Meliès, très souffrant, a
dû être transporte de la maison de
retraite d'Orly à un hôpital privé, où
il est entouré des soins assidus que
demande son état.
Mais ce n'est pas avec une pension
modeste qu'il peut subvenir aux be-
soins de sa femme et de sqn enfant,
et payer les frais d'hôpital, aussi ré-
duits qu'on veuille bien les lui faire.
Des admirateurs du pionnier du ci-
néma lui ont assuré les premiers
soins, mais il ne faut pas que Georges
Meliès soit obligé de quitter trop tôt
l'hôpital,, par manque d'argent.
Georges Meliès a remis à notre.:
reporter, qui était allé prendre de
ses nouvelles, au nom de notre jour-
nal, les souvenirs pleins d'intérêt que
nos lecteurs trouveront ci-dessous.
Je venais de terminer Voyage dans
la Lune. Comme il était d'usage à
l'époque, j'avais rédigé lin prospec-
tus contenant le scénario du nouveau
film et l'avais expédié à mes clients
(des forains presque tous), en les
priant d'assister à lu présentation
- privée -qui aurait lieu, dans l'après-
midi, à 2 heures, au Théâtre Robert-
Boudin, que je dirigeais alors.
Au jour dit, une vingtaine de spec-
tateurs se présentèrent (ceux qui, a
cette époque, étaient installés aux
environs de Paris ou à Paris même).
Je me mis au piano, j'improvisai un
accompagnement, et leifilm fut pro..
jeté. Je m'attendais à un succès im-
médiat, car, vu le matin par moi
seul, il m'avait paru amusant.
A ma grande surprise, la projection
se termina au milieu d'un silence
glarial. Inutile de dire que j'étais na-
rré du résultat, après un travail long,
difficile et coûteux.
Je me dis : Il n'y a pas de doute,
c'est un beau four.
Mais, tout à coup. une réflexion
me bint : mes spectateurs et ache-
teurs (on ne louait pas à cette épo-
, e) sont des forains, très roués en
• néral, malins dans les affaires, et
pensent très probablement que,
,<: ils manifestent le moindre entlloll-
siasme, j'en profiterai pour leur
,!"mander un prix plus élevé.
Alors, je me bornai à leur dire :
« Eh bien ! messieurs, quelle est
votre opinion sur ce film ? » Pas de
réponse, silerice absolu. Ils se regar-
datent les uns les autres, mais sans
rien dire.
L'un d'eux se décida enfin et me
lanca :
« Combien vendez-vous cela ? »
Je répondis : « Mais au même prix
que mes autres films : 1 fr. 50 le
mètre en noir, 3 francs en couleurs.
Il y a 280 mètres, cela fait 420 fr.
en noir et 840 fr. côlôrié. »
Je puis dire que, de. ma vie, ja-
mais sursaut pareil et semblables
exctumalions. de réprobation Il'ac-
cueillirent une audition- Pensez
donc, les films d'alors avaient, entre
20 et 60 mètres au maximum et
j'avais eu l'audace d'exécuter un
film de 280 mètres de longueur, le
premier de celte importance. Je dus,
certainement, faire, âmes specta-
teiirs l'effet d'être mûr pour un asi-
le. d'aliénés. Les exclamations fu-
saient de partout : « C'est fou, un
film de ce prix-là. On 'n'a jamais
vu cela. Vous n'en, rendrez pas lUI
seul. On se ruinerait avec des vues
de ce prix-là, etc. »
Et le défilé vers la perte de sor-
tie commença et s'accéléra rapide-
ment. Le dernier spectateur allait
sortir, jé le retins par le bras en lui
disant > « Ecoutez^ voulez-vous faire
une affaire ? » Il se retourna, inter-
loqué, et j'ajoutai : « Où êtes-vous
actuellement ?
— A la foire du Trône, répon-
dit-il.
— Bon. Eh bien ! je vais vous
, faire, au galop, une grande affiche,
peinte à la colle comme les décors,
avec une, Lune énorme, recevant
l'Obus dans l'œil, en y joignant le
: titre, du film et l'inscription : iné-
dit et sensationnel. Je vous l'appor-
te à 6 heures, vous la placarder. Je
vous prête le film pour la soirée,
vous le projetez gratuitement à cha-
que représentation ; je ue vous de-
mande pas un centime, mais je dé-
sire voir l'effet sur le public. A mi-
■ "nuit, si c'est un four, je remporte
le film et tout est dit. Si' le film
ptptiï, je vous le Vends, si vous en y
"ij'oidez, bien entendu. Je le reprends
si vous n'en voulez pas. Voila. Cela
vous convient-il ?
■ — Ah 1 alors, comme' ça. ça
colle..
Telle fut la réponse péremptoi/e
et poétique.
Le soir même, tout était prêt, la
foule commençait à arriver, les pa-
rades faisaient- rage, /e , public-
s'amassait devant la grosse lune,
mais ,l'affiche, tout en faisant rire,
était accueillie par les lazzis les
plus divers : c C'est une blague,
c'est une mystification. Est-ce qu'ils
nous prennent pour des poires dans
cette baraque ? Pensez-vous qu'on
ait pu aller dans la lune pour la
photographier ? Ils se f. du mon-
de, etc., etc. ■»
( Le public d'alors, non initié en-
core aux truquages du cinéma, se
figurait qu'on ne pouvait photogra-
phier que dés choses réelles.)
Le résultat fut que, malgré ! les
boniments de « l'aboyeur », il y
eut, à la première représentation,
une quinzaine de spectateurs peu
sympathiques, prèts « emboîter le
présentateur, si on les avait mysti-
f jés.
Après une série de films de" 20 et
30 >mêtres, arriva enfin le 'fameux
«Voyage» annoncer l'extérieur.
■ Au premier tableau, le public re-
garda en silence. Au deuxième, il
commença à s'intéresser ; au troisiè-
me, les Tirés se mirent à fuser ; au
quatrième, au cinquième, au sixiè-
me, ils s'accentuèrent de plus en
■ plus. Aux tableaux suivants, des ap-
plaudissements nourris éclatèrent,
pour ne plus s'arrêter jusqu'à la
fin.. Aux dernifirs tableaux, c'était
du délire. Jamais ; on n'avait, vu de
film de cette espèce, car il fut le
premier du genre, ce qui explique
l'effet produit.
À lu sortie, ce furent les specta-
teurs eux-mêmes qui firent une ré-
clame verbale enthousiaste aux non-
veaux venus qui, au bruit des ap-
plaudissements, avaient 'entoure la
baraque. Dès ce moment, ce fut une
ruée incroyable, des salles bondées
jusqu'à minuit. On dut même écour-
ter la série des petits films pour
augmenter le nombre de représentur
tiolls.
Bref, la recette fut la plus formi-
dable qu'eut jamais atteintrtnon fo-
rain. Il était rayonnant, vous vous
en doutez ?.. Et moi, donc.
— Eh bien ! mon vieux, qu'est-
ce qiie voiis dites de cela, heiii ? lùi -
dis-je.
- Epatant ! fut sa seule réponse,
laconique mais expressive.
- Aloi-s, voils etes_coiiierit
- J'petise bien.
— Et moi aussi, ajoutai-je. Main-
tenant,, je suis fixé sur l'effet pro-
duit sur le vrai public.
El, disant cela, je roulai tTanquil-
lement le film à la main, les enrou-
leuses n'existant pas encore. Je l'en-
veloppai de sa boite métallique, le
mis ,scrus mon bras} en disant à mon
homme : t Ail right ! Bonsoir et
mercir » Et je fis mine de sortir.
—' Eh bien. I et mon film, me dit-
il. Tous l'emportez ?
—■■ Comment,* votre film ? Mais
vous 'n'en avez pas voulu cet après-
midi., Il est a moi et non à vous.
Et je disais cela avec le plus grand
sérieux du monde.
- Ah ! non. Pas de blague. Vous
n'allez -pas me jouer un pareil tour.
Donnez-moi votre film, je le prends
au comptant, et j'ajoute 200 balles
pour votre dérangement.
Alors, tout souriant, je m'écriai :
- Eh ! là, me prenez-vous pour
un usurier ? Voilàvotre film, payez-
le au prix fixé, pas un centime de
plus., C'est moi, au contraire, qui
vous dois des remerciements pour
m'avoir mis en contact avec le vrai
public populaire, le seul qui rit
sans contrainte devant un effet co-
mique, sans se demander s'il ne va
pas, en riant, perdre sa dignité et
son prestige de juge.
Je n'ai jamais su comment, dans
le monde des forains, les nouvelles
se propagent avec une rapidité
aussi incroyable. Ce qu'il y a de cer-
tain, c'est que le lendemain tous les
farains de France étaient informés
du succès triomphal du Voyage dans
la Lune et que les commandes af-
fluaient de toutes parts.
Vous étiez, me dira-t-on, sur le
chemin de la fortune. Hélas 1 trois
fois hélas ! trois épreuves du film
fuient achetées par des commis-
sionnaires qui les expédièrent de
suite à trois grosses maisons amé-
ricaines, qui s'empressèrent de les
contretyper.. Le copyright pour les
films nlexistant pas encore, elles se
mirent à inonder le monde d'épreu-
ves falsifiées. C'est par milliers que
ces surcopies furent expédiées dans
tous les pays de l'univers et, pour
comble, accompagnées de réclames
gigantesques annonçant, sur les affi-
ches et' dans la presse, Le Voyage
dans la Lune, le formidable (tre-
mendous) succès de la Geo Meliès
Star-Film de Paris. La marque de
fabrique falsifiée elle-même, était
reproduite sur
les épreuves et,
malheureuse-
ment, j'étais
impuissant. à
empêcher ce
trafic malhon-
nête.
Le résultat
fut que j'avais dépensé 30.000 francs
(soit 150.000 francs actuels) pour
l'exécution du film ; que ma vente
personnelle s'arrêta subitement, ulors
que je n'avais encore récupéré qu'une
dizaine de mille francs, et que le
tout se solda, pour moi, par 20.000
francs de perte (soit 100.000 francs
actiiels).
Malheureusement, il s'agissait de
mes propres capitaux, car je n'ai ja-
mais eu, pendant ma carrière ciné-
matographique de vingt ans, aucun
commanditaire. (Je dois, dans l'espè-
ce, être un véritable phénomène,
mais, au moins, personne n'a ja-
mais pu me reprocher de lui avoir
fait perdre de l'argent. C'est quelque
chose.)
.Mais, dit le proverbe, à quelque
chose malheur est bon. Un autre ré-
sultat, infiniment meilleur, fut que
le film, en enrichissant mes faussai-
tes, fit à mon nom une réclame sans
précédent, grâce à son énorme dif-
fusioiu et que le nom « Geo Meliès »
fut instantanément, et du jour du
lendemain,. célèbre dans l'univers,
pour la somme de 20.(,00 francs
(d'avant-guerre), Ça, au moins, ce
fut une belle publicité 'peu coûteuse.
Merci à Edison, à Lubin de Phila-
delphie et à, Cari Ixtemmle, qui fu-
rent mes contrefacteurs et que je ne
pus obliger à respecter mes produc-
tions ou'en ouatant une succursale à
New-York, en 11)04. Dès lors. ils ne
purent plus s'approprier le bénéfice
de mon travail.
En haut, à gauche : William Powell et Luise Rainer dans Le secret des chandeliers.
Au-dessous : Fernandel et Vincent H y spa dans Hercule, l'Incorruptible, qui vient d'être
terminé, A droite Robert Taylor et Eleanor Poivell, couple plein de grâce de Le
Règne de la joie, au Normandie.
eÀ
— r
Cette sacrée vérité réunit
Irène Dunne et Gary Grant
aux Miracles-Lord Byron.
Fred Astaire. Nijinsky.
et Serge Lifar
Une information venue d'Hollywood
— sensationnelle, ainsi qu'il se doit —
nous a récemment appris que Fred As-
taire envisagerait de tourner prochaine-
ment un film dont Nijinsky serait le
héros et dans lequel il incarnerait le
prodigieux danseur russe.
Fred Astaire, empereur et roi des « cla-
quettes », peut-il être Nijinsky ?
Au hasard d'une conversation, nous
avons posé la question à Serge Lifar.
« Je n'en sais absolument rien, nous a
répondu le « choréauteur » de « La Mort
du Cygne », mais je ne puis croire que
Fred. Astaire tente l'expérience. J'ai une
grande admiration pour lui et je le tiens
pour supérieur de dix classes à tous les
virtuoses du « tap-dance ». Mais il y a,
selon moi, deux impossibilités à ce qu'il
soit Nijinsky à l'écran. La première,
c'est qu'il lui manque, je crois, la cul-
ture classique indispensable à qui son-
gerait évoquer, fût-ce en quelques ima-
ges rapides, le plus prestigieux danseur
que le monde ait connu. La seconde, c'est
que son personnage est trop éloigné de
ce que fut Nijinsky. Astaire est char-
mant. Nijinsky, à la ville, était un hom-
me dépourvu d'élégance, un homme
qui passait inaperçu, mais qui se
transformait quand il entrait en scène.
Alors, il devenait Dieu. Il était irréel,
aérien, unique. Son génie éclatait, ab-
solu. Comment Fred Astaire réussirait-
il à rendre sensible cette opposition en-
tre les deux Nijinsky, quil est cependant
nécessaire de souligner si l'on veut que
le film ait un sens, si l'on veut aussi
qu*il respecte la vérité historique ? Je
ne crois pas, quant à moi, que Fred As-
taire, qui a bien d'autres films à tour-
ner, se risque dans cette aventure où il
n'aurait rien à gagner. et tout à per-
dre. »
Serge Lifar parle d'or.
Mais les Américains « parlent de dol-
lars » et un film sur Nijinsky serait,
aux Etats-Unis, d'un tel rapport commer-
cial, qu'il n'est pas impossible, malgré
tout, que Fred Astaire soit appelé, un
jour prochain, à être Nijinsky.
L.-R. D.
Albert' Préjean et Jany H oit,
interprètes du film de Pierre
Chenal, Alibi, à Marivaux, à
partir du 23 décembre.
Le type Mae West triomphera-t-il
définitivement à l'écran ?
Il se pourrait que, d'ici peu, nous
assistions à une petite révolution dans
la silhouette des stars.
Est-ce le public américain qui ré-
clame ? Mais on demande aux reines
de l'écran un peu plus de formes et
une taille plus élevée. D'où, nécessai-
rement, une augmentation de poids.
Et Mr Donald Loomis, qui a la haute
main sur la section médicale de la
Metro-Goldwyn et tient des fiches signa-
létiques très complètes sur le physique
des principales artistes, a déclaré que
nous verrions prochainement des jeu-
nes premières pesant une soixantaine
de kilos et mesurant 1 m. 70, ce qui
démontre bien qu'il ne s'agit pas en-
core de championnes; de poids lourds.
Mais si l'on considère qu'il y a une
dizaine d'années la mode à l'écran exi-
geait des artistes de 1 m. 65 au nia xi-
mum et de 55 kilos au plus, on consta-
tera qu'il y a là un sérieux progrès
accompli ou le contraire, tout étant
relatif.
Les films en couleurs ;
influenceront-ils :
la mode masculine ?
Le film en technicolor oblige les
acteurs à se vêtir d'une manière tota-
lement différente en ce qui concerne
la couleur.
D'après certaines rumeurs, Adolphe
Menjou, considéré à Hollywood comme
l'arbitre des élégances, est en train dè
déclencher une croisade : il réclame la
possibilité, pour l'élément masculin,
d'abandonner ses tristes vêtements et
d'aborder franchement des tons plus
clairs, plus vifs même. Rappel d'une
époque que l'on aurait pu croire abo-
lie a jamais.
« Lorsque les hommes auront con-
templé, pendant un certain temps, des
films en couleurs et des costumes aux
tonalités variées, ils se sentiront par-
faitement ridicules dans leurs funèbres
accoutrements », a déclaré Menjou.
Et peut-être arrivera-t-il à convain-
cre un certain nombre de ses contem-
porains. Mais cette mode, dont le
moins qu'on puisse dire c'est qu'elle
serait peu pratique sous des cieux
moins cléments que ceux de la Cali-
fornie, est fort coûteuse, puisque né-
cessitant de très fréquents change-
ments.
C'est ainsi que Menjou, qui est la
vedette masculine de The Goldwyn
Follies, a du se commander pour les
besoins de cé filin, tourné en techni-
color, une quinzaine de complets nou-
veaux, tous de tons pastels. Avis aux
amateurs. ;
-
Le jazz au cinéma
Broadway Melody 38, troisième film
du nom, nous révélera Sophie Tucker.
Sophie Tucker, la plus extraordinaire
chanteuse de « blues » que l'Amérique
possède, n'est ni une negresse, ni une
femme jeune ou divinement belle.
Sophie Tucker doit avoir dépassé la
cinquantaine. Elle ne s'en cache pas et
a lair d'une bonne mère de famille.
Elle joint aux qualités de chanteuse
qui ont fait sa réputation mondiale,
un réel talent de comédienne.
Sophie Tucker, engagée pour un film
en tant que chanteuse, dépassa à un
tel point les espérances que les diri-
geants américains avaient placées en
elle, que ceux-ci lui signèrent aussitôt
un contrat lui garantissant quatre au-
tres films dont elle serait la seule ve-
dette.
En Amérique, tout le- monde attend
déjà le prochain film de cette chanteuse
de jazz, film tiré d'un roman à succès
de Frances Marion, un des écrivains
les plus populaires de tous les Etats-
Unis, Mol/y, bénissez-la.
Ce roman, qui pourrait être une auto-
biographie de Sophie Tucker, a donné
:i celle-ci l'occasion de réussir une com-
position d'une telle perfection artisti-
lue qup toute l'Amérique la nomme :
.t nouvelle Marie Drcssler.
Quand on connaît la vénération dont
'ont le public américain entourait la
grande tragédienne trop tôt disparue,
)u doit vOIr là le plus bel éloge dont
Jouvait rêver une artiste.
Que Sophie Tucker l'ait obtenu après
t'avoir tourné que deux films, il faut
oir là les prémices d'une carrière
xtraordinaire. Carrière qui, une fois de
-lus, nous donnera l'occasion de consta-.
?r que l'écran américain doit au jazz
es artistes les plus remarquables.
181
11 serait vain de vouloir tracer ici
dl palmarès de l'apport du jazz et du
Ilusic-hall au cinéma américain, mais
1 est incontestable qu'il est de beau-
oup plus important que celui du théâ-
re.
Et c'est tant mieux, car il est aisé
c constater que l'expérience du music-
tall est bien plus précieuse pour le ci-
lénia que celle du théâtre, lequel doit
tteindre un tout autre but.
D'ailleurs, il semble que le cinéma
variant soit né sous le signe du jazz.
Faut-il rappeler que le premier filin
parlant s'intitulait Le chanteur de jazz;
le premier film en couleurs La féerie
du jazz ; que, hier encore, le film en
couleurs qui semble avoir acquis défini-
tivement ses lettres de créance est
Vogues 1938, et dans ce ntm, particu-
lièrement, toutes les scènes qui ont trait
Sophie Tucker
au Cotton Club, musée vivant et con-
temporain du jazz ?
Faut-il rappeler également qu'aujour-
d'hui plus des deux tiers des artistes
en vogue de l'écran américain sônt des
artistes qui, soit par la danse, soit di-
rectement par la musique, ont débuté
sous le signe du jazz
Ainsi en est-il de Ghger Rogers et
de Fred Astaire, d'Eddie Cantor, des
Marx Brothers et des Rit? Brothers.
Et, pêle-mêle, on peut encore citer
Louis Armstrong, que nous venons de
voir dans Artistes et modèles, Cab Cal-
loway, Ted Lewis, que nous verrons
prochainement dans Tout autour de
Manhattan, Ruby Keeler, Alice Fayc,
Jack Benny, Bjng .Crpsby.. ,
En France, nous avons des musiciens
remarquables, des orchestres pleins
d'entrain et des artistes, danseurs et
chanteurs, qui pourraient apporter à
l'écran leur rythme fougueux.
Si nous avons laissé partir le plus
remarquable d'entre eux : Jean Sablon
— que les Américains ne sont pas près
de nous rendre — ne nous reste-t-il pas
Lyne devers, que nous voyons, trop
rarement et si mal employée,. Bobby
Martin, si bien mis en valeur par Pierre
Chenal dans l'Alibi, Willie Lewis, dont
l'orchestre, un des meilleurs du monde,
remporta un succès comme jamais un
autre orchestre n'en obtint à notre fête
des Catherinettes, Ray Ventura, erifiu
et combien d'autres encore.
D'autres dont Paul Misraki, le célè-
bre compositeur de Ray Ventura, à qui
nous devons tous les, airs à; succès de
ces dernières années, et dont nous rf
parlerons.
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