Titre : Le Journal
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1928-07-18
Contributeur : Xau, Fernand (1852-1899). Directeur de publication
Contributeur : Letellier, Henri (1867-1960). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34473289x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 juillet 1928 18 juillet 1928
Description : 1928/07/18 (N13058). 1928/07/18 (N13058).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
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Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7631258w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-220
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2014
5 HEURES DU rVlATIft
LE NUMÉRO : 25 c. (N* 13058)
PARIS, 100, RUE DE RICHELIEU
Tél. Gut. 61-65, 61-66, 61-67, 26-27
Il MERCREDI 18 JUILLET 1928
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des connaisseurs.
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VII
MON VOYAGE AUTOUR DU MONDE I
LA NUIT DE LUGANVILLE
Cher Paul Morand,
Si je place ces lignes sous vos
auspices, c'est moins pour préve-
nir l'accusation de pillerie à'votre
endroit que pour rendre publique
ma gratitude. Je sors de ce voyage
aux Hébrides votre obligé.. N'est-
ce .pas à vous que je dois d'avoir
connu le comte de Bueno Espe.
ranza, président du tribunal mixte
du Condominium, et l'un des der-
niers gentilshommes d'Espagne,
-c'est-à-dire du monde? Ensemble,
bous avons parlé de vous sous la
Croix-du-Sud. Et, certes, il eût ap-
prouvé mon projet de vous dédier
cette Nuit de Lugariville.
* Ne cherchez pas Luganville sur
la carte. Luganville est une entité.
Il n'y a pas de ville à Luganville.
Au sud d'Espiritu-Santo, la plus
grande des Hébrides, d'une part, et
de l'autre au nord des petites îles
d'Aoré et de Malo, se trouve un
bras de mer long d'une vingtaine
de milles, large de deux ou trois.
C'est le canal de Segond, sorte de
fleuve sur les rives duquel se dres-
sent les plantations. On a appelé
Luganville l'endroit de la berge
devant lequel les navires peuvent
jeter l'ancre. Le Dupleix y vient
mouiller à chaque voyage, c'est-à-
dire environ une fois par mois. Ce
jour-là, il y a fête au canal. Com-
me les paysans se retrouvaient
jadis le dimanche à l'église, les
colons se donnent réndez-vous sur
le paquebot. Cette escale a été pour
moi une occasion incomparable de
m'initier à ce que peut être l'exis-
tence d'une poignée de Français,
réunis de l'autre côté de la terre.
Nous étions en train de visiter
l'une des plantations de Santo
quand le crépuscule nous a surpris.
Mon ami, M. Raoul de la Vaissière,
se trouvait en conversation animée
avec une beauté du pays, vêtue
d'une robe en pilou effroyablement
sale, et qui arborait avec fierté aux
lobes des oreilles deux épingles
anglaises. Une rivière majestueu-
se roulait tout près de là, sous les
fougères arborescentes, ses eaux
violettes et vertes. Les petiïs pocas
(le poca, c'est aux Hébrides, le
meilleur ami de l'homme, le co-
chon noir) gambadaient à qui
mieux mieux. La jeune beauté mi-
naudait, échangeant avec M. de la
Vaissière des phrases où ce mot
revenait sans cesse : Lililath, Li-
lilath. « De qui parlez-vous? dis-
je,' commençant à m'impatienter.
<—. Oh ! fit-il, de pas grand'chose.
Elle a bien voulue m'apprendre
qu'elle était libre. Croyant me sou-
venir qu'il y avait eu des promes-
ses échangées entre elle et un cer-
tain Lililath, charmant jeune hom-
me de Mallicolo, je l'ai question-
'née à ce sujet. Mais il paraît que
ses compatriotes ont mangé, la se-
maine dernière, le pauvre Lililath.
Comme vous voyez, les idylles ne
se dénouent pas ici à la manière
de Théocrite. » La jeune beauté
approuve, et salue au passage,
d'un sourire désabusé, le nom de
ce maladroit de Lililath, qui s'est
laissé ravir à son affection de façon
si ridicule. Elle coule vers M. de la
Vaissière un regard penché. Dans
le ciel d'or monte une étoile que
j'ignore, mais qui pourrait fort
bien être celle du Berger.
Mais mon compagnon vient de
consulter sa montre :
— Oh ! oh ! fait le cruel, six
heures et demie ! Fichons le camp!
"Nous serions en retard pour dîner.
Notre canot automobile, à toute
vitesse, trace sur l'eau pâle son
sillage presque blanc. Autour de
nous, l'une après l'autre, disparais-
sent dans l'ombre les montagnes de
ces îles bizarres, où d'autres Lili-
laths seront sans doute, cette nuit,
servis à la sauce Robert.
Soudain, à quelques toises à
peine, le Dupleix, dont l'électricité
vient de s'allumer, surgit, pareil à
une fontaine lumineuse. Quelles
difficultés pour arriver à gagner
l'échelle, au milieu de toutes les
embarcations qui se pressent et
s'tentre-choquent' Hop! Enfinjuste
à temps pour éviter un grain. La
pluie tropicale se met à crépiter
comme de la grêle. Le fumoir, la
salle à manger sont déjà pleins a
craquer. Le Tout-Luganville est a
bord. Présentations. Il y a là MM.
Houchard, Chapuis, Pevrolle, co-
lons à Santo, Gané, colon à Aoré,
Mazoyer, colon à Setovi, une di-
zaine d'autres encore, sans compter
leurs gérants, leurs contremaîtres.
Ce sont des gaillards dont on n'ai-
merait pas à recevoir un coup de
poing ; peu loquaces, comme tous
ceux qui auraient beaucoup à ra-
conter. On imagine que leur vie ne
s'est pas déroulée uniquement
dans de la plume. Plusieurs ont,
à Mallicolo, « leurs cailloux pré-
parés ». Il faut savoir quelle réa-
lité recouvre ce charmant euphé-
misme. Les indigènes de Malli-
colo ont l'habitude de faire cuire
leurs aliments sur un lit de cail-
louf- chauffés à blanc. Quand ils
ont décidé de condamner un colon
à mort — et quelle mort ! — ils
lui envoient un nlb" ssadeur dis-
cret pour l'avertir que ses cailloux
sont préparés.
— C'est que ces animaux-là
tiennent parole, chaque fois qu'ils
peuvent, conclut M. Mazoyer.
Quand je longe la côte nord de
Mallicolo, je crains toujours
qu'une avarie à ma pétrolette
ne vienne me contraindre à y
aborder.
Ce soir d'ailleurs, sur le Dupleix,
on a d'autres sujets de préoccupa-
tion. On parle du cyclone qui, La
8 février, a ravagé toute la région
du Canal. La récolte de l'année à
peu près perdue ! Et savez-vous la
part que prend à ce malheur la
métropole ? Le courrier du Du-
pleix vient de fournir aux colons
la marque de sa maternelle solli-
citude, sous forme de petites feuil-
les vertes. Les impôts, parfaite-
ment. Troisième et dernière som-
mation, s'il vous plaît. On avise
ces hommes que s'ils n'ont pas
payé à la date fixée, les sommes
dues par eux au Trésor seront re-
couvrables., etc. L'huissier au
canal de Segond, voyez-vous cela?
Non vraiment, pour ici, on aurait
pu trouver un autre papier, modi-
fier la formule.
— Ils n'ont toujours qu'à venir !
dit une voix. °
Et des rires courent, pleins
d'une silencieuse et menaçante
amertume.
Si l'on ne veut pas> que la soirée
soit gâtée par cette histoire de
contributions, c'est le moment de
faire circuler les plateaux chargés
de cocktails et d'apéritifs. On ne me
croirait pas, je pense, si je disais
que les robustes compagnons que
voilà éprouvent des nausées de-
vant un verre d'alcool. En bas, au-
tour du Dupleix, c'est maintenant
un véritable rassemblement de
pétrolettes, teuf-teiif-teuf-teuf. Les
canots automobiles jouent aux Hé-
brides un rôle qu'on saisira plus
aisément, si l'on veut bien songer
qu'il n'y a pas de routes, et que les
plantations se trouvent toutes en
bordure de la mer.
— Voilà la pétrolette de Bal-
lande! Celle de Béchade. Tiens! le
père Bauchut. Une place pour le
père !
Le père Bauchut, missionnaire
mariste, est depuis vingt-cinq ans
au Canal. Il surgit dans la salle à
manger, hilare et barbu, fort peu
abbé de cour.
— Savez-vous ce qu'il y a, mon
père ? Du cassoulet. Est-ce que ça
va ?
— Si ça va ? J'ai une faim.
Neuf. heures. Le dessert est trou-
blé par un léger brouhaha. Deux
colons anglais qui ont trop bu. On
les descend dans leur goélette, avec
les recommandations d'usage à
leurs serviteurs. Bon voyage. Sur
le pont du Dupleix, les Canaques
de l'équipage dorment par groupes
obscurs. Ils ont toujours les hi-
biscus et les bracelets de feuillage
qu'ils portaient à cotre départ de
Ghepenehe.
.Vers une heure du matin, au
moment de la séparation, c'est une
véritable pétarade de moteurs. Le
père Bauchut n'arrive pas à met-
tre le sien en marche. Il retire sa
soutane. C'est le moment que choi-
sit un grain pour s'abattre. La
lueur des lanternes, dans le halo
blafard de la pluie, devient im-
mense et vague. Puis une à une, à
mesure que l'ondée diminue, les
étoiles resurgissent. Au flanc du
paquebot, il ne reste plus que deux
ou trois embarcations. Bientôt, la
dernière largue sa corde et dispa-
raît dans l'obscurité.
— Il y en a qui ont vingt milles à
faire pour rentrer chez eux, me dit
M. de la Vaissière, accoudé au bas-
tingage, et qui, mieux inspiré, a
décidé de coucher à bord.
On douté,
La nuit.
J'écoute,
Tout fuit.
comme disait le bon poète roman-
tique. Décidément, elle manque
un peu de femmes, cette soirée
de Luganville. Malgré l'absence
de ces êtres adorables, acceptez-en,
cher Paul Morand, la dédicace. Et
si, lisant entre les lignes, vous
avez réussi à vous faire une idée
de la rude existence qu'on mène
là-bas, souffrez que je vous adresse
une requête. De temps en temps,
il serait bon que la France se ma-
nifestât à ses fils des Hébrides au-
trement que par des feuilles d'im-
pôt. Pour commencer, vous plai-
rait-il, joignant votre voix à la
mienne, de demander la croix pour
l'un d'entre eux, par exemple cet
humble M. Gané, qui retrouva, en
1919, set plantation ruinée, alors
qu'il l'avait quittée pour venir
prendre part à une guerre dont son
âge le dispensait ? Le soir où la
nouvelle en parviendrait là-bas, ce
serait le prétexte d'une autre belle
nuit de Luganville. Et puis, n'est-
ce pas? nous avons suffisamment
appartenu tous deux à l'adminis-
tration pour savoir qu'il peut y
avoir des distinctions honorifiques
plus mal placées.
Votre ami.
PIERRE BENOIT.
(A suivre.) 1
Copyright by Pierre Benoit 1923
EN 2* PAGE :
Hier, 26 degrés à l'ombre.
L'eau à Paris et en banlieue.
EN 3* PAGE V
Un typhon au Tonkin :
un navire coule : fp noyés
1
mODlDlJUlnUU1D1lUWnllUUlllllfJUIUlWUHlllumUIIIIUUIIIIPlUUIUPUIlItIUIHWlmillnUlilNUlUUlllllUllIIIUUnU
1 LIRE NOTRE PAGE : 1
1 LA VIE SPORTIVE
1 iiiiiiiiiiimiii I
1 Cosmopolis olympique,
1 par DOMINIQUE CANAVAGGIO il
I Le boxeur, par GAUTIER-CHAUMET. J
1 Emboutir n'est pas un droit, 1
g - par RENÉ MONTLAHUC I
S Souvenirs sur le cirque Molier,
J par EMILE ANDRÉ 1
1 Le sport boules, par A. FANGER. 1
*HiimapinDiiisnBœa^uuBaRmflimnnnDninntiuiiiiniraiBDOBHiaiiuiiiiui»iininiiiiiuarniBBnBmaB
L'accord sur Tanger
a été paraphé
par la France, l'Angleterre
l'Espagne et l'Italie
Tout arrive, même la conclusion
de l'accord de Tanger dont l'abou-
tissement, annoncé depuits deux
mois, retardait de semaine en se-
maine. L'accord a été paraphé hier,
à 16 heures, au ministère des affai-
res étrangères par les chefs des
délégations des quatre puissances,
.M-M. Quinones de Léon, Philippe
Berthelot, le marquis de Crewe et le
comte Manzoni étaient assistés de
MM. Aguirre. de Carcer et Aguinaga
pour l'Espagne, de Saint-Quentin et
Avonde pour la France, Campbell et
Kirkpatrick pour la Grande-Breta-
gne, Tuozzi et Grande pour l'Italie.
gnLe, 'objet de cet accord, est, on le
sait, de modifier le statut interna-
tional de 1923 en l'adaptant à deux
accords particuliers survenus depuis
lors.
Le premier est l'accord franco-
espagnol du 3 mars dernier qui a été
publié et qui modifie sur certains
points les conditions de la collabo-
ration franco-espagnole ; le second
est l'arrangement intervenu, il y a
deux mois, avec l'Italie en vue de
lui accorder certaines satisfactions
et de lui permettre de donner l'adhé-
sion qu'elle refusait jusqu'ici au
statut international.
Les modifications intéressant l'Es-
pagne visent d'abord la création d'un
poste de contrôleur inspecteur de la
Sûreté, dont la France avait jusqu'ici
le monopole, pour le commandement
effectif de la gendarmerie interna-
M. PHILIPPE BERTHELOT, LORD CREWE
M. QUINONÈS DE LEON, Comte MANZONI
(Photos H. Manuel et G.-L, Manuel frères.)
tionale avec un adjoint français.
La gendarmerie internationale de-
vait être commandée par un Belge.
En compensation la Belgique reçoit
un siège au tribunal international.
> Les concessions à l'Italie com-
portent la nomination d'un officier
chargé de participer à la surveillance
de la zone internationale ; la parti-
cipation de l'Italie, aux côtés de la
France, de la Grande-Bretagne et
de l'Espagne, à la répression de la
contrebande dans les eaux territoria-
les de Tanger ; l'octroi d'un siège
supplémentaire à l'assemblée légis-
lative, ce qui fait que l'Italie en aura
trois et une vice-présidence; la nomi-
nation d'un administrateur adjoint
italien chargé des services judi-
ciaires ; la participation du capital
italien à la construction et à l'exploi-
tation du port ; la nomination d'un
magistrat italien au tribunal mixte;
la communication des codes au
gouvernement italien qui pourra
formuler ses désirs en ce qui
concerne les modifications quil pour-
raient être nécessaires. L'agent di-
plomatique italien devient sim-
plement un consul général chargé
des relations diplomatiques avec le
Maroc. Le statut s'appliquera aux
Italiens dans un délai de six mois
après la ratification, naturellement
avec disparition des capitulations.
La grosse difficulté était le règle-
ment financier. Jusqu'ici la gendar-
merie internationale n'a pas fonc-
tionné. Il y avait deux tabors : l'un
Français, 1 autre Espagnol, payés par
Paris et Madrid. Pour alléger les
charges de Tanger, l'Espagne et la
France consentent à accorder une
subvention pour les frais de gendar-
merie. Il est convenu que l'effectif de
cette gendarmerie sera plutôt infé-
rieur à celui des deux tabors actuels,
avec réduction ultérieure dans la
mesure du possible.
Les négociations se sont poursui-
vies dans l'esprit le plus cordial. Le
succès est de bon augure pour la
prospérité de Tanger. - Saint-Brice.
LE GÉNÉRAL OBREGON
élu récemment
président du Mexique
a été assassiné
, MEXICO, 17 juillet. — Le général
Obregon, élu le premier juillet der-
nier président de la République
mexicaine, a été assassiné aujour-
d'hui, un peu après 14 heures, au
cours d'un banquet^ dans un res-
taurant de la banlieue de Mexico..
Il a reçu en plein corps cinq bal-
les de revolver.
L'assassin a 'été arrêté; on ne
le connait que sous le nom 'de
Jlian. Son idei$ti { exacte n'est pas
encore établie.
Le président Callés, 'à qui le gé-
néral Obregon devait succéder, a
été immédiatement informé de la
tragédie et s'est rendu à San-An-
gel, théâtre du drame.
AVANT LE COMBAT
de Gene Tunney
et de - Heeney
Le 26 juillet, à New-York, Gene
Tunney, l'actuel champion du monde
de boxe par suite de ses deux vic-
toires sur Jack Dempsey, va mettre
son titre en jeu devant l'Australien
Tom Heeney. Le Journal a an-
noncé que le célèbre pugiliste yan-
kee «vait l'intention d'abandonner
un jour ou l'autre la boxe et de se
consacrer à la littérature. Il a déjà
fait devant les étudiants de plusieurs
universités des conférences sur Sha-
kespeare dont les drames le passion-
nent et dont il admire surtout la
dernière œuvre, la Tempête. Et voici
qu'à propos du combat qu'il va livrer
dates dix jours il a fait'paraître, â
New-York, une série d'articles qui
ont été très remarqués.
Le Journal a pensé qu'il était inté-
ressant de publier, au point de vue
non seulement du sport, mais aussi de
la culture et de la mentalité de nos
amis Américains, la traduction de ces
articles, "et il s'en est assuré, par
l'intermédiaire de l'Opéra - Mundi
Press-Service, l'exclusivité en France.
Nous publierons demain le premier
de ces articles, signé du nom de
GENE TUNNEY
La tragédie du Pôle
STOCKHOLM, 17 juillet. — Le chef de
l'expédition suédoise au Spitzberg an-
nonce que le commandant du Krassine
a proposé au général Nobile d'organiser
des recherches pour retrouver le diri-
geable italien. Le Krasslne va recueillir
Une photographie du général NOBILE,
prise immédiatement après son
sauvetage.
l'avion de Tchoukhnovskl et se rendra
ensuite à la baie d'Advent.
L'expédition suédoise n'a plus d'uti-
lité maintenant au Spitzberg en raison
de la présence de deux grands hydra-
vions italiens.
La volage meurtrière
d'un mari pacifique
est punie
de cinq ans de réclusion
C'est, aux assises de la Seine, la se-
maine des épouses meurtrières. 1
Mme Franchet, qui a tué son mari
de trois coups de revolver, dont l'un
qui atteignit la victime au poumon
était mortel, pose à un garde, avant
tle pénétrer dans le box, cette ques-
tion qui lui semble naturelle : « Est-
ce vrai qu'hier ILS n'ont pas ac-
quitté ? »
ILS, ce sont évidemment les jurés
de cette première session de juillet,
.dont on dit, paraît-il, dans les cou-
loirs de Saint-Lazare, qu'ils sont bien
méchants.
Seraient-ils les plus indulgents des
juges populaires, est-ce bien à Mme
Franchet que devrait aller leur
pitié ?
Le pauvre Franchet qu'elle a tué
paraît avoir été le. type achevé du
mari pacifique. Plein de candeur et
d'illusions, il n'avait point hésité à
donner son nom à la belle gaillarde
rencontrée au cours de l'aventure
d'un soir de fête, et qui, profession-
nellement et quotidiennement, offrait
à tout venant son cœur. et le reste.
Faire de la compagne d'une nuit
llasardeuse la compagne de sa vie,
quelle générosité 1 eût dit Tolstoï.
Oui, mais quelle imprudence ! dit la
raison.
Vêtue comme une petite bourgeoi-
se — elle apparaît ainsi devant ses
juges — Mme Franchet ne sut pas
assez oublier le métier auquel elle
avait consacré le meilleur de sa jeu-
JMM* FRANCHET
nesse. Et, un beau jour, elle s'en.
vola. ,
Franchet n'eut qu'une pensée : ra-
mener à lui l'infidèle. Le soir où il
y parvint — le 5 février dernier — lil
crut avoir retrouvé le bonheur. Hélas!
il avait signé son arrêt de mort.
Il emmena sa femme au restau-
rant, lui offrit un dîner fin, l'adjura
de quitter le conducteur d'autobus à
qui elle avait lié — pour un temps
— son destin. Elle le nargua, et fina-
lement tira son revolver. On sait le
reste.
A l'audience, Mme Franchet mani-
feste juste assez de regret pour ne
pas être odieuse. Elle fait de louables
efforts pour pleurer, sans y réussir.
Mme Franchet. — Je l'avais quitté
parce qu'il m'avait battue. avant le ma-
riage.
Le conducteur-amant, M. Carly, est
le témoin principal. Son rôle est déli-
cat. Il le remplit avec dignité et me-
sure.
L'avocat général Chartrou trouve
peu d'excuses dans son réquisitoire
au geste de la criminelle.
Et M* Campinchi, qui la défend
avec son grand talent, a rarement eu
tâche plus ingrate à assumer.
Le jury rend un verdict affirmatif.
La cour condamne Mme Franchet à
5 ans de réclusion. — GEO LONDON.
Trois condamnés de Colmar
sont graciés
Ainsi que nous l'avions fait prévoir,
M. Doumergue, président de la Répu-
blique, a signé hier un décret de grâce
en faveur de trois des condamnés auto-
nomistes du procès de Colmar, MM. Rossé,
Fasshauer et Schall.
La grâce des trois autonomistes alsa-
ciens avait, été proposée au président de
la République par M. Barthou, garde des
sceaux.
Les trois bénéficiaires du décret de
grâce avaient retiré le pourvoi qu'ils
avaient introduit devant la Cour de cas-
sation.
M. Ricklin, qui n'avait pas retiré le
sien, n'a pu bénéficier de la même faveur,
sa condamnation n'étant pas définitive.
LA LEÇON :OB L'ÉLU,
, ?— [Trop de balloilage> monsieur le d^puiét (Dessin ae L. METiVttri
LES SOIRÉES MERVEILLEUSES
de la Cité de Carcassonne
Le cortège, de Catherine de Médicis et de Charles IX sur. les remparts
de. Carcassonne •
[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL].
CARCASSONNE, 17 juiillet. — La ruée
vers Carcàssonne continue. Les visi-
teurs arrivent jour et nuit dans les
autocars et les torpedoa. S'ils ne sont
point accoutrés comme les pèlerins
des vieilles images, ils ont, du moins,
leur déguisement bien à eux : cache-
poussière, bonnet de toile, lunettes
aux hublots verdâtres,
C'est ainsi que, peu à peu, Carcas-
sonne devient caravansérail. Mettons
le nez à la fenêtre et regardons se dé-
rouler le flot bruyant et bariolé des
promeneurs : voici des touristes
étrangers, venus de Nice ou de Biar-
ritz pour évoquer le fantôme de la
reine Kharkhas entre deux. coups de
baccara ; voici les brillants officiers
de Saumur qui participeront bientôt,
sous les ordres du colonel Wemaere,
à la reconstitution du grand tournoi
de 1565; voici, enfin, cent et cent figu-
rants, des pourpoints, des hauts de
chausses, des panaches, des brocarts,
des lances des reîtres aux hogues
effrayantes, des dames d'honneur pa-
reilles à des vierges de vitrail. La
jeune reine de ce peuple chatoyant
et divers est la vedette du film de M.
Jean Renoir, la délicieuse Jackie
Monnier, qui savoure, à ses heures de
repos, tous les honneurs officiels.
La musique de la garde républi-
caine est, elle-même, arrivée à Car-
cassonne. On l'a logée dans la vieille
tour Mipadre, aux créneaux de la-
quelle de fantastiques lumières bril-
lent désormais toute la nuit. Hier
après-midi, cet incomparable orches-
tre a donné un premier concert au
théâtre de plein air. Elle joua tout
d'abord l'ouverture de Tannhauser, si
bien faite pour emplir ce cadre d'im-
pressionnantes murailles que chacun
était tenté de s'écrier, à la manière
d'Alfred de Vigny : « Ames des che-
valiers, revenez-vous encor ? » Puis
MON FILM
Au conseil national du parti socia-
liste, M. Paul-Boncour a dit, en fort
bons termes, quelques vérités qui, dans
un tel milieu, apparaissent très cou-
rageuses.
Par exemple :
« Désarmement, sécurité, - ne dis-
sociez pas ! Si, pour une besogne de
politique intérieure au parti, vous arri-
viez à rompre la concomitance de ces
termes, vous iriez vers des conséquen-
ces redoutables. »
Par exemple, l'écrasement, l'invasion,
la suppression d'une France qui n'au-
rait qu'un rameau d'olivier pour se dé-
fendre contre des nations prolifiques,
industrielles, capables de forger des ar-
mes nouvelles, inattendues, dans un
très bref délai. Sécurité d'abord ! Oui,
mais qu'est-ce qu'une vraie sécurité,
une sécurité de tout repos ? Ici pala-
bres, théories, rencontre éternelle de
l'idéalisme et du réalisme, de la
croyance à la bonté naturelle de l'hom-
me et de la conviction que l'homme est
touj ours, à quelque moment, une mé-
chante bête. La discussion continue.
M. Paul-Boncour a dit aussi :
« Quand on veut la milice, il faut
avoir le courage d'entretenir un état
d'esprit civique devant les obligations
militaires que cela comporte. »
Je ne sais pas quelle tête ont fait les
socialistes — les vrais, les purs, ceux
qui sont encore révolutionnaires —
sous cette douche un peu froide. Mal-
gré la chaleur, une telle hydrothérapie
leur a paru, sans doute, assez désa-
gréable..
Encore M. Paul-Boncouf a-t-il atté-
nué l'expression de sa pensée. Il a em-
ployé le mot « civique », lequel ne dil
pas bien, en la circonstance, ce que
l'orateur voulait dire, mais certains
euphémismes sont nécessaires aux ora-
teurs qui veulent ménager la suscep-
tibilité de leur auditoire.
Remplaçons donc ce vocable falot
par le mot net, franc, crâne qui 's'im-
pose, qui était dans le cerveau, dans le
cœur, sur le bout de la langue de
M. Paul-Boncour, et disons carrément:
« Quand on veut la milice, il faut
avoir le courage d'entretenir un état
d'esprit patriotique devant les obliga-
tions militaires que cela comporte. »
En effet, le sentiment patriotique est
bien plus nécessaire à un peuple que
le système des milices transforme en
peuple-soldat, qu'à une nation où l'ar-
mée est composée de professionnels.
Si vous détruisez l'idée de patrie, com-
ment pouvez-vous espérer que, le mo-
ment venu, des légions populaires s'ex-
poseront à la mort pour défendre des
frontières qu'elles ne reconnaissent pas?
M. Paul-Boncour a trop le profil de
Robespierre pour ne pas être persuadé
que, seul, le patriotisme peut créer chez
le citoyen ce zèle, cet enthousiasme
sans lesquels les milices ne seraient
qu'un leurre, un simulacre, voire une
impossibilité.
C'est bien dans ce sens, sans aucun
doute, que le mot « civique » a été em-
ployé par M. Paul-Boncour : reste à sa-
voir comment il g été compris. -
CLÉMENT VAUTEL, .L_-,,, v" ",.
ce fut le Capriccio espagnol, clé Rima-!
ky-Korsakov, une sélection de Carmen
et l'Espana, de Chabrier, trois grands
morceaux dont l'éclat se mariait éton-
nemment au terrible éclat du "soleil.
Le festival se déroula par une tem-
pérature accablante et l'on craignit
mainte congestion pour les hautbois
et les clarinettes. N'empêche que les
musiciens allèrent jusqu'au bout :
la garde ne se rend jamais.
Châque soir, dans le même amphi.
théâtre et sous un ciel semé d'étoiles,
des artistes de l'Odéon donnent de
remarquables représentations. La
troupe est dirigée par M. Paul Œttly,
qui a eu la curieuse idée de faire
alterner, non point de sonores tra-
gédies, mais le Don Juan, de Molière,
et les Fourberies de Scapin. Au
premier abord pareille entreprise
pouvait paraître hasardeuse. Qu'al-
laient donner les tirades de Molière
dans l'ombre grave de la tour du
Moulin et de ses voisines douze fois
centenaires, toutes encapuchonnées
de gris, toutes parées de noms bur-
lesques ou poétiques : tour Cahuzac,
tour du Grand-Guilas, tour du
Grand-Canissons ? -
Nous devons aujourd'hui tecon-
naître que M. Paul Œttly a magni-
fiquement gagné la partie. Il a, en
effet, réalisé une mise en scène qui
situe l'action, non seulement sur le
plateau, mais encore au sommet d2s
tours, sur la crête des murailles' et
comme l'eût fait M. Gémier, lui-
même, du haut en bas des escaliers.
C'est ainsi que la statue du Comman-i
deur, blanche et glacée, apparaît au
troisième acte de Don Juan entre
deux créneaux de la tour du Moulina
c'est ainsi" que la gémissante Elvire
arrive vers son bourreau par un es-
calier vraiment, royale Aux charmes
do cette mise en scène s'ajoutent le
talent des artistes et le succès est
complet. ,- 1
Chaque soilrée se termine par une
présentation des ballets de la Loie
Fuller. De l'orchestre montent des
airs de Grieg et de Schubert, limpi-
des comme la voix de l'eau et celle
des forêts, agitées par le vent. Alors,
les petites danseuses aux longs che-
veux d'or fin bondissent sous le feu
tournant et changeant des projecteurs
en donnant une incomparable vie à
leurs voiles multicolores. Elles de-
viennent tour à tour fleurs, flammes
ou papillons. Elles plongent l'assis-
tance dans une extase qui n'est faite
que de pureté.
De tels spectacles, valent bien que
l'on brave ici la calcule et la
crise des logements. Pourtant, si nous
en croyons les organisateurs, ce n'est
là qu'un commencement. Et déjà ils
nous annoncent un nouveau miracle :
la reconstitution des cours d'amour.
— JEAN BOTROT..
DU CACAOYER
à l'usine
ou les métamorphoses
du chocolat
Nous parlions, l'autre jour, à pro-
pos de la prochaine Exposition colo-
niale, du cacao qui apparaît comme
l'une des grandes ressources de nos
colonies tropicales. Cet article nous
a valu quelques questions auxquelles
nous voudrions essayer de répondre
aujourd'hui.
Et d'abord, il nous faut satisfaire
la curiosité de ceux de nos lecteurs
qui ne connaissent pas la fabrication
du chocolat, r
Le chocolat n'a pas toujours été le
produit de consommation courante
qu'il est devenu aujourd'hui. "Vers
1650, lorsque, pour la première fois,
i,l franchit les Pyrénées, introduit en
France par Anne d'Autriche, la fa--
mille royale et l'entourage de la
cour. avaient seuls le privilège d'y
goûter; c'était alors un mets de luxe,
une friandise rarissime. Ce n'est
qu'au siècle suivant — sous le règne
de Louis XV — siècle du goût et de
la gourmandise (l'un ne va guère
sans l'autre) que le cacao se répandit
et connut tout à coup une vogue con-
sidérable. Il différait fort déjà à cette
époque de la préparation assez gros-
sière dont se régalaient au Mexique
les descendants de Fernand Cortez. ,
Ce primitif chocolat- mexicain
n'était, en effet, qu'un mélange de
cacao grillé et broyé avec de la farine
de manioc, le tout relevé de piment.
L'Espagne y ajouta du sucre, de la
vanille, de la fleùr. d'Orjeval, parfois
même de l'ambre et du musc. Au-
jourd'hui encore le chocolat espagnol
a conservé une saveur bien particu-
lière et un goût nettement plus épicé
que le nôtre et les amusantes pas-
tilles avec lesquelles on fait « l'azur
carillo » communiquent au lait ou a.
l'eau dont on les additionne, une pé-'
nétrante saveur de cannelle.
La première usine française de
chocolat fut créée vers 178Ô : elle-
avait un véritable monopole et por-
tait le titre de Choçolaterïe Royale.
Depuis lors, la fabrication n'a cessé
de faire des progrès et la France est
aujourd'hui à la tête de la produc-i
lion, du moins pour la .quartiié, ig
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VII
MON VOYAGE AUTOUR DU MONDE I
LA NUIT DE LUGANVILLE
Cher Paul Morand,
Si je place ces lignes sous vos
auspices, c'est moins pour préve-
nir l'accusation de pillerie à'votre
endroit que pour rendre publique
ma gratitude. Je sors de ce voyage
aux Hébrides votre obligé.. N'est-
ce .pas à vous que je dois d'avoir
connu le comte de Bueno Espe.
ranza, président du tribunal mixte
du Condominium, et l'un des der-
niers gentilshommes d'Espagne,
-c'est-à-dire du monde? Ensemble,
bous avons parlé de vous sous la
Croix-du-Sud. Et, certes, il eût ap-
prouvé mon projet de vous dédier
cette Nuit de Lugariville.
* Ne cherchez pas Luganville sur
la carte. Luganville est une entité.
Il n'y a pas de ville à Luganville.
Au sud d'Espiritu-Santo, la plus
grande des Hébrides, d'une part, et
de l'autre au nord des petites îles
d'Aoré et de Malo, se trouve un
bras de mer long d'une vingtaine
de milles, large de deux ou trois.
C'est le canal de Segond, sorte de
fleuve sur les rives duquel se dres-
sent les plantations. On a appelé
Luganville l'endroit de la berge
devant lequel les navires peuvent
jeter l'ancre. Le Dupleix y vient
mouiller à chaque voyage, c'est-à-
dire environ une fois par mois. Ce
jour-là, il y a fête au canal. Com-
me les paysans se retrouvaient
jadis le dimanche à l'église, les
colons se donnent réndez-vous sur
le paquebot. Cette escale a été pour
moi une occasion incomparable de
m'initier à ce que peut être l'exis-
tence d'une poignée de Français,
réunis de l'autre côté de la terre.
Nous étions en train de visiter
l'une des plantations de Santo
quand le crépuscule nous a surpris.
Mon ami, M. Raoul de la Vaissière,
se trouvait en conversation animée
avec une beauté du pays, vêtue
d'une robe en pilou effroyablement
sale, et qui arborait avec fierté aux
lobes des oreilles deux épingles
anglaises. Une rivière majestueu-
se roulait tout près de là, sous les
fougères arborescentes, ses eaux
violettes et vertes. Les petiïs pocas
(le poca, c'est aux Hébrides, le
meilleur ami de l'homme, le co-
chon noir) gambadaient à qui
mieux mieux. La jeune beauté mi-
naudait, échangeant avec M. de la
Vaissière des phrases où ce mot
revenait sans cesse : Lililath, Li-
lilath. « De qui parlez-vous? dis-
je,' commençant à m'impatienter.
<—. Oh ! fit-il, de pas grand'chose.
Elle a bien voulue m'apprendre
qu'elle était libre. Croyant me sou-
venir qu'il y avait eu des promes-
ses échangées entre elle et un cer-
tain Lililath, charmant jeune hom-
me de Mallicolo, je l'ai question-
'née à ce sujet. Mais il paraît que
ses compatriotes ont mangé, la se-
maine dernière, le pauvre Lililath.
Comme vous voyez, les idylles ne
se dénouent pas ici à la manière
de Théocrite. » La jeune beauté
approuve, et salue au passage,
d'un sourire désabusé, le nom de
ce maladroit de Lililath, qui s'est
laissé ravir à son affection de façon
si ridicule. Elle coule vers M. de la
Vaissière un regard penché. Dans
le ciel d'or monte une étoile que
j'ignore, mais qui pourrait fort
bien être celle du Berger.
Mais mon compagnon vient de
consulter sa montre :
— Oh ! oh ! fait le cruel, six
heures et demie ! Fichons le camp!
"Nous serions en retard pour dîner.
Notre canot automobile, à toute
vitesse, trace sur l'eau pâle son
sillage presque blanc. Autour de
nous, l'une après l'autre, disparais-
sent dans l'ombre les montagnes de
ces îles bizarres, où d'autres Lili-
laths seront sans doute, cette nuit,
servis à la sauce Robert.
Soudain, à quelques toises à
peine, le Dupleix, dont l'électricité
vient de s'allumer, surgit, pareil à
une fontaine lumineuse. Quelles
difficultés pour arriver à gagner
l'échelle, au milieu de toutes les
embarcations qui se pressent et
s'tentre-choquent' Hop! Enfinjuste
à temps pour éviter un grain. La
pluie tropicale se met à crépiter
comme de la grêle. Le fumoir, la
salle à manger sont déjà pleins a
craquer. Le Tout-Luganville est a
bord. Présentations. Il y a là MM.
Houchard, Chapuis, Pevrolle, co-
lons à Santo, Gané, colon à Aoré,
Mazoyer, colon à Setovi, une di-
zaine d'autres encore, sans compter
leurs gérants, leurs contremaîtres.
Ce sont des gaillards dont on n'ai-
merait pas à recevoir un coup de
poing ; peu loquaces, comme tous
ceux qui auraient beaucoup à ra-
conter. On imagine que leur vie ne
s'est pas déroulée uniquement
dans de la plume. Plusieurs ont,
à Mallicolo, « leurs cailloux pré-
parés ». Il faut savoir quelle réa-
lité recouvre ce charmant euphé-
misme. Les indigènes de Malli-
colo ont l'habitude de faire cuire
leurs aliments sur un lit de cail-
louf- chauffés à blanc. Quand ils
ont décidé de condamner un colon
à mort — et quelle mort ! — ils
lui envoient un nlb" ssadeur dis-
cret pour l'avertir que ses cailloux
sont préparés.
— C'est que ces animaux-là
tiennent parole, chaque fois qu'ils
peuvent, conclut M. Mazoyer.
Quand je longe la côte nord de
Mallicolo, je crains toujours
qu'une avarie à ma pétrolette
ne vienne me contraindre à y
aborder.
Ce soir d'ailleurs, sur le Dupleix,
on a d'autres sujets de préoccupa-
tion. On parle du cyclone qui, La
8 février, a ravagé toute la région
du Canal. La récolte de l'année à
peu près perdue ! Et savez-vous la
part que prend à ce malheur la
métropole ? Le courrier du Du-
pleix vient de fournir aux colons
la marque de sa maternelle solli-
citude, sous forme de petites feuil-
les vertes. Les impôts, parfaite-
ment. Troisième et dernière som-
mation, s'il vous plaît. On avise
ces hommes que s'ils n'ont pas
payé à la date fixée, les sommes
dues par eux au Trésor seront re-
couvrables., etc. L'huissier au
canal de Segond, voyez-vous cela?
Non vraiment, pour ici, on aurait
pu trouver un autre papier, modi-
fier la formule.
— Ils n'ont toujours qu'à venir !
dit une voix. °
Et des rires courent, pleins
d'une silencieuse et menaçante
amertume.
Si l'on ne veut pas> que la soirée
soit gâtée par cette histoire de
contributions, c'est le moment de
faire circuler les plateaux chargés
de cocktails et d'apéritifs. On ne me
croirait pas, je pense, si je disais
que les robustes compagnons que
voilà éprouvent des nausées de-
vant un verre d'alcool. En bas, au-
tour du Dupleix, c'est maintenant
un véritable rassemblement de
pétrolettes, teuf-teiif-teuf-teuf. Les
canots automobiles jouent aux Hé-
brides un rôle qu'on saisira plus
aisément, si l'on veut bien songer
qu'il n'y a pas de routes, et que les
plantations se trouvent toutes en
bordure de la mer.
— Voilà la pétrolette de Bal-
lande! Celle de Béchade. Tiens! le
père Bauchut. Une place pour le
père !
Le père Bauchut, missionnaire
mariste, est depuis vingt-cinq ans
au Canal. Il surgit dans la salle à
manger, hilare et barbu, fort peu
abbé de cour.
— Savez-vous ce qu'il y a, mon
père ? Du cassoulet. Est-ce que ça
va ?
— Si ça va ? J'ai une faim.
Neuf. heures. Le dessert est trou-
blé par un léger brouhaha. Deux
colons anglais qui ont trop bu. On
les descend dans leur goélette, avec
les recommandations d'usage à
leurs serviteurs. Bon voyage. Sur
le pont du Dupleix, les Canaques
de l'équipage dorment par groupes
obscurs. Ils ont toujours les hi-
biscus et les bracelets de feuillage
qu'ils portaient à cotre départ de
Ghepenehe.
.Vers une heure du matin, au
moment de la séparation, c'est une
véritable pétarade de moteurs. Le
père Bauchut n'arrive pas à met-
tre le sien en marche. Il retire sa
soutane. C'est le moment que choi-
sit un grain pour s'abattre. La
lueur des lanternes, dans le halo
blafard de la pluie, devient im-
mense et vague. Puis une à une, à
mesure que l'ondée diminue, les
étoiles resurgissent. Au flanc du
paquebot, il ne reste plus que deux
ou trois embarcations. Bientôt, la
dernière largue sa corde et dispa-
raît dans l'obscurité.
— Il y en a qui ont vingt milles à
faire pour rentrer chez eux, me dit
M. de la Vaissière, accoudé au bas-
tingage, et qui, mieux inspiré, a
décidé de coucher à bord.
On douté,
La nuit.
J'écoute,
Tout fuit.
comme disait le bon poète roman-
tique. Décidément, elle manque
un peu de femmes, cette soirée
de Luganville. Malgré l'absence
de ces êtres adorables, acceptez-en,
cher Paul Morand, la dédicace. Et
si, lisant entre les lignes, vous
avez réussi à vous faire une idée
de la rude existence qu'on mène
là-bas, souffrez que je vous adresse
une requête. De temps en temps,
il serait bon que la France se ma-
nifestât à ses fils des Hébrides au-
trement que par des feuilles d'im-
pôt. Pour commencer, vous plai-
rait-il, joignant votre voix à la
mienne, de demander la croix pour
l'un d'entre eux, par exemple cet
humble M. Gané, qui retrouva, en
1919, set plantation ruinée, alors
qu'il l'avait quittée pour venir
prendre part à une guerre dont son
âge le dispensait ? Le soir où la
nouvelle en parviendrait là-bas, ce
serait le prétexte d'une autre belle
nuit de Luganville. Et puis, n'est-
ce pas? nous avons suffisamment
appartenu tous deux à l'adminis-
tration pour savoir qu'il peut y
avoir des distinctions honorifiques
plus mal placées.
Votre ami.
PIERRE BENOIT.
(A suivre.) 1
Copyright by Pierre Benoit 1923
EN 2* PAGE :
Hier, 26 degrés à l'ombre.
L'eau à Paris et en banlieue.
EN 3* PAGE V
Un typhon au Tonkin :
un navire coule : fp noyés
1
mODlDlJUlnUU1D1lUWnllUUlllllfJUIUlWUHlllumUIIIIUUIIIIPlUUIUPUIlItIUIHWlmillnUlilNUlUUlllllUllIIIUUnU
1 LIRE NOTRE PAGE : 1
1 LA VIE SPORTIVE
1 iiiiiiiiiiimiii I
1 Cosmopolis olympique,
1 par DOMINIQUE CANAVAGGIO il
I Le boxeur, par GAUTIER-CHAUMET. J
1 Emboutir n'est pas un droit, 1
g - par RENÉ MONTLAHUC I
S Souvenirs sur le cirque Molier,
J par EMILE ANDRÉ 1
1 Le sport boules, par A. FANGER. 1
*HiimapinDiiisnBœa^uuBaRmflimnnnDninntiuiiiiniraiBDOBHiaiiuiiiiui»iininiiiiiuarniBBnBmaB
L'accord sur Tanger
a été paraphé
par la France, l'Angleterre
l'Espagne et l'Italie
Tout arrive, même la conclusion
de l'accord de Tanger dont l'abou-
tissement, annoncé depuits deux
mois, retardait de semaine en se-
maine. L'accord a été paraphé hier,
à 16 heures, au ministère des affai-
res étrangères par les chefs des
délégations des quatre puissances,
.M-M. Quinones de Léon, Philippe
Berthelot, le marquis de Crewe et le
comte Manzoni étaient assistés de
MM. Aguirre. de Carcer et Aguinaga
pour l'Espagne, de Saint-Quentin et
Avonde pour la France, Campbell et
Kirkpatrick pour la Grande-Breta-
gne, Tuozzi et Grande pour l'Italie.
gnLe, 'objet de cet accord, est, on le
sait, de modifier le statut interna-
tional de 1923 en l'adaptant à deux
accords particuliers survenus depuis
lors.
Le premier est l'accord franco-
espagnol du 3 mars dernier qui a été
publié et qui modifie sur certains
points les conditions de la collabo-
ration franco-espagnole ; le second
est l'arrangement intervenu, il y a
deux mois, avec l'Italie en vue de
lui accorder certaines satisfactions
et de lui permettre de donner l'adhé-
sion qu'elle refusait jusqu'ici au
statut international.
Les modifications intéressant l'Es-
pagne visent d'abord la création d'un
poste de contrôleur inspecteur de la
Sûreté, dont la France avait jusqu'ici
le monopole, pour le commandement
effectif de la gendarmerie interna-
M. PHILIPPE BERTHELOT, LORD CREWE
M. QUINONÈS DE LEON, Comte MANZONI
(Photos H. Manuel et G.-L, Manuel frères.)
tionale avec un adjoint français.
La gendarmerie internationale de-
vait être commandée par un Belge.
En compensation la Belgique reçoit
un siège au tribunal international.
> Les concessions à l'Italie com-
portent la nomination d'un officier
chargé de participer à la surveillance
de la zone internationale ; la parti-
cipation de l'Italie, aux côtés de la
France, de la Grande-Bretagne et
de l'Espagne, à la répression de la
contrebande dans les eaux territoria-
les de Tanger ; l'octroi d'un siège
supplémentaire à l'assemblée légis-
lative, ce qui fait que l'Italie en aura
trois et une vice-présidence; la nomi-
nation d'un administrateur adjoint
italien chargé des services judi-
ciaires ; la participation du capital
italien à la construction et à l'exploi-
tation du port ; la nomination d'un
magistrat italien au tribunal mixte;
la communication des codes au
gouvernement italien qui pourra
formuler ses désirs en ce qui
concerne les modifications quil pour-
raient être nécessaires. L'agent di-
plomatique italien devient sim-
plement un consul général chargé
des relations diplomatiques avec le
Maroc. Le statut s'appliquera aux
Italiens dans un délai de six mois
après la ratification, naturellement
avec disparition des capitulations.
La grosse difficulté était le règle-
ment financier. Jusqu'ici la gendar-
merie internationale n'a pas fonc-
tionné. Il y avait deux tabors : l'un
Français, 1 autre Espagnol, payés par
Paris et Madrid. Pour alléger les
charges de Tanger, l'Espagne et la
France consentent à accorder une
subvention pour les frais de gendar-
merie. Il est convenu que l'effectif de
cette gendarmerie sera plutôt infé-
rieur à celui des deux tabors actuels,
avec réduction ultérieure dans la
mesure du possible.
Les négociations se sont poursui-
vies dans l'esprit le plus cordial. Le
succès est de bon augure pour la
prospérité de Tanger. - Saint-Brice.
LE GÉNÉRAL OBREGON
élu récemment
président du Mexique
a été assassiné
, MEXICO, 17 juillet. — Le général
Obregon, élu le premier juillet der-
nier président de la République
mexicaine, a été assassiné aujour-
d'hui, un peu après 14 heures, au
cours d'un banquet^ dans un res-
taurant de la banlieue de Mexico..
Il a reçu en plein corps cinq bal-
les de revolver.
L'assassin a 'été arrêté; on ne
le connait que sous le nom 'de
Jlian. Son idei$ti { exacte n'est pas
encore établie.
Le président Callés, 'à qui le gé-
néral Obregon devait succéder, a
été immédiatement informé de la
tragédie et s'est rendu à San-An-
gel, théâtre du drame.
AVANT LE COMBAT
de Gene Tunney
et de - Heeney
Le 26 juillet, à New-York, Gene
Tunney, l'actuel champion du monde
de boxe par suite de ses deux vic-
toires sur Jack Dempsey, va mettre
son titre en jeu devant l'Australien
Tom Heeney. Le Journal a an-
noncé que le célèbre pugiliste yan-
kee «vait l'intention d'abandonner
un jour ou l'autre la boxe et de se
consacrer à la littérature. Il a déjà
fait devant les étudiants de plusieurs
universités des conférences sur Sha-
kespeare dont les drames le passion-
nent et dont il admire surtout la
dernière œuvre, la Tempête. Et voici
qu'à propos du combat qu'il va livrer
dates dix jours il a fait'paraître, â
New-York, une série d'articles qui
ont été très remarqués.
Le Journal a pensé qu'il était inté-
ressant de publier, au point de vue
non seulement du sport, mais aussi de
la culture et de la mentalité de nos
amis Américains, la traduction de ces
articles, "et il s'en est assuré, par
l'intermédiaire de l'Opéra - Mundi
Press-Service, l'exclusivité en France.
Nous publierons demain le premier
de ces articles, signé du nom de
GENE TUNNEY
La tragédie du Pôle
STOCKHOLM, 17 juillet. — Le chef de
l'expédition suédoise au Spitzberg an-
nonce que le commandant du Krassine
a proposé au général Nobile d'organiser
des recherches pour retrouver le diri-
geable italien. Le Krasslne va recueillir
Une photographie du général NOBILE,
prise immédiatement après son
sauvetage.
l'avion de Tchoukhnovskl et se rendra
ensuite à la baie d'Advent.
L'expédition suédoise n'a plus d'uti-
lité maintenant au Spitzberg en raison
de la présence de deux grands hydra-
vions italiens.
La volage meurtrière
d'un mari pacifique
est punie
de cinq ans de réclusion
C'est, aux assises de la Seine, la se-
maine des épouses meurtrières. 1
Mme Franchet, qui a tué son mari
de trois coups de revolver, dont l'un
qui atteignit la victime au poumon
était mortel, pose à un garde, avant
tle pénétrer dans le box, cette ques-
tion qui lui semble naturelle : « Est-
ce vrai qu'hier ILS n'ont pas ac-
quitté ? »
ILS, ce sont évidemment les jurés
de cette première session de juillet,
.dont on dit, paraît-il, dans les cou-
loirs de Saint-Lazare, qu'ils sont bien
méchants.
Seraient-ils les plus indulgents des
juges populaires, est-ce bien à Mme
Franchet que devrait aller leur
pitié ?
Le pauvre Franchet qu'elle a tué
paraît avoir été le. type achevé du
mari pacifique. Plein de candeur et
d'illusions, il n'avait point hésité à
donner son nom à la belle gaillarde
rencontrée au cours de l'aventure
d'un soir de fête, et qui, profession-
nellement et quotidiennement, offrait
à tout venant son cœur. et le reste.
Faire de la compagne d'une nuit
llasardeuse la compagne de sa vie,
quelle générosité 1 eût dit Tolstoï.
Oui, mais quelle imprudence ! dit la
raison.
Vêtue comme une petite bourgeoi-
se — elle apparaît ainsi devant ses
juges — Mme Franchet ne sut pas
assez oublier le métier auquel elle
avait consacré le meilleur de sa jeu-
JMM* FRANCHET
nesse. Et, un beau jour, elle s'en.
vola. ,
Franchet n'eut qu'une pensée : ra-
mener à lui l'infidèle. Le soir où il
y parvint — le 5 février dernier — lil
crut avoir retrouvé le bonheur. Hélas!
il avait signé son arrêt de mort.
Il emmena sa femme au restau-
rant, lui offrit un dîner fin, l'adjura
de quitter le conducteur d'autobus à
qui elle avait lié — pour un temps
— son destin. Elle le nargua, et fina-
lement tira son revolver. On sait le
reste.
A l'audience, Mme Franchet mani-
feste juste assez de regret pour ne
pas être odieuse. Elle fait de louables
efforts pour pleurer, sans y réussir.
Mme Franchet. — Je l'avais quitté
parce qu'il m'avait battue. avant le ma-
riage.
Le conducteur-amant, M. Carly, est
le témoin principal. Son rôle est déli-
cat. Il le remplit avec dignité et me-
sure.
L'avocat général Chartrou trouve
peu d'excuses dans son réquisitoire
au geste de la criminelle.
Et M* Campinchi, qui la défend
avec son grand talent, a rarement eu
tâche plus ingrate à assumer.
Le jury rend un verdict affirmatif.
La cour condamne Mme Franchet à
5 ans de réclusion. — GEO LONDON.
Trois condamnés de Colmar
sont graciés
Ainsi que nous l'avions fait prévoir,
M. Doumergue, président de la Répu-
blique, a signé hier un décret de grâce
en faveur de trois des condamnés auto-
nomistes du procès de Colmar, MM. Rossé,
Fasshauer et Schall.
La grâce des trois autonomistes alsa-
ciens avait, été proposée au président de
la République par M. Barthou, garde des
sceaux.
Les trois bénéficiaires du décret de
grâce avaient retiré le pourvoi qu'ils
avaient introduit devant la Cour de cas-
sation.
M. Ricklin, qui n'avait pas retiré le
sien, n'a pu bénéficier de la même faveur,
sa condamnation n'étant pas définitive.
LA LEÇON :OB L'ÉLU,
, ?— [Trop de balloilage> monsieur le d^puiét (Dessin ae L. METiVttri
LES SOIRÉES MERVEILLEUSES
de la Cité de Carcassonne
Le cortège, de Catherine de Médicis et de Charles IX sur. les remparts
de. Carcassonne •
[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL].
CARCASSONNE, 17 juiillet. — La ruée
vers Carcàssonne continue. Les visi-
teurs arrivent jour et nuit dans les
autocars et les torpedoa. S'ils ne sont
point accoutrés comme les pèlerins
des vieilles images, ils ont, du moins,
leur déguisement bien à eux : cache-
poussière, bonnet de toile, lunettes
aux hublots verdâtres,
C'est ainsi que, peu à peu, Carcas-
sonne devient caravansérail. Mettons
le nez à la fenêtre et regardons se dé-
rouler le flot bruyant et bariolé des
promeneurs : voici des touristes
étrangers, venus de Nice ou de Biar-
ritz pour évoquer le fantôme de la
reine Kharkhas entre deux. coups de
baccara ; voici les brillants officiers
de Saumur qui participeront bientôt,
sous les ordres du colonel Wemaere,
à la reconstitution du grand tournoi
de 1565; voici, enfin, cent et cent figu-
rants, des pourpoints, des hauts de
chausses, des panaches, des brocarts,
des lances des reîtres aux hogues
effrayantes, des dames d'honneur pa-
reilles à des vierges de vitrail. La
jeune reine de ce peuple chatoyant
et divers est la vedette du film de M.
Jean Renoir, la délicieuse Jackie
Monnier, qui savoure, à ses heures de
repos, tous les honneurs officiels.
La musique de la garde républi-
caine est, elle-même, arrivée à Car-
cassonne. On l'a logée dans la vieille
tour Mipadre, aux créneaux de la-
quelle de fantastiques lumières bril-
lent désormais toute la nuit. Hier
après-midi, cet incomparable orches-
tre a donné un premier concert au
théâtre de plein air. Elle joua tout
d'abord l'ouverture de Tannhauser, si
bien faite pour emplir ce cadre d'im-
pressionnantes murailles que chacun
était tenté de s'écrier, à la manière
d'Alfred de Vigny : « Ames des che-
valiers, revenez-vous encor ? » Puis
MON FILM
Au conseil national du parti socia-
liste, M. Paul-Boncour a dit, en fort
bons termes, quelques vérités qui, dans
un tel milieu, apparaissent très cou-
rageuses.
Par exemple :
« Désarmement, sécurité, - ne dis-
sociez pas ! Si, pour une besogne de
politique intérieure au parti, vous arri-
viez à rompre la concomitance de ces
termes, vous iriez vers des conséquen-
ces redoutables. »
Par exemple, l'écrasement, l'invasion,
la suppression d'une France qui n'au-
rait qu'un rameau d'olivier pour se dé-
fendre contre des nations prolifiques,
industrielles, capables de forger des ar-
mes nouvelles, inattendues, dans un
très bref délai. Sécurité d'abord ! Oui,
mais qu'est-ce qu'une vraie sécurité,
une sécurité de tout repos ? Ici pala-
bres, théories, rencontre éternelle de
l'idéalisme et du réalisme, de la
croyance à la bonté naturelle de l'hom-
me et de la conviction que l'homme est
touj ours, à quelque moment, une mé-
chante bête. La discussion continue.
M. Paul-Boncour a dit aussi :
« Quand on veut la milice, il faut
avoir le courage d'entretenir un état
d'esprit civique devant les obligations
militaires que cela comporte. »
Je ne sais pas quelle tête ont fait les
socialistes — les vrais, les purs, ceux
qui sont encore révolutionnaires —
sous cette douche un peu froide. Mal-
gré la chaleur, une telle hydrothérapie
leur a paru, sans doute, assez désa-
gréable..
Encore M. Paul-Boncouf a-t-il atté-
nué l'expression de sa pensée. Il a em-
ployé le mot « civique », lequel ne dil
pas bien, en la circonstance, ce que
l'orateur voulait dire, mais certains
euphémismes sont nécessaires aux ora-
teurs qui veulent ménager la suscep-
tibilité de leur auditoire.
Remplaçons donc ce vocable falot
par le mot net, franc, crâne qui 's'im-
pose, qui était dans le cerveau, dans le
cœur, sur le bout de la langue de
M. Paul-Boncour, et disons carrément:
« Quand on veut la milice, il faut
avoir le courage d'entretenir un état
d'esprit patriotique devant les obliga-
tions militaires que cela comporte. »
En effet, le sentiment patriotique est
bien plus nécessaire à un peuple que
le système des milices transforme en
peuple-soldat, qu'à une nation où l'ar-
mée est composée de professionnels.
Si vous détruisez l'idée de patrie, com-
ment pouvez-vous espérer que, le mo-
ment venu, des légions populaires s'ex-
poseront à la mort pour défendre des
frontières qu'elles ne reconnaissent pas?
M. Paul-Boncour a trop le profil de
Robespierre pour ne pas être persuadé
que, seul, le patriotisme peut créer chez
le citoyen ce zèle, cet enthousiasme
sans lesquels les milices ne seraient
qu'un leurre, un simulacre, voire une
impossibilité.
C'est bien dans ce sens, sans aucun
doute, que le mot « civique » a été em-
ployé par M. Paul-Boncour : reste à sa-
voir comment il g été compris. -
CLÉMENT VAUTEL, .L_-,,, v" ",.
ce fut le Capriccio espagnol, clé Rima-!
ky-Korsakov, une sélection de Carmen
et l'Espana, de Chabrier, trois grands
morceaux dont l'éclat se mariait éton-
nemment au terrible éclat du "soleil.
Le festival se déroula par une tem-
pérature accablante et l'on craignit
mainte congestion pour les hautbois
et les clarinettes. N'empêche que les
musiciens allèrent jusqu'au bout :
la garde ne se rend jamais.
Châque soir, dans le même amphi.
théâtre et sous un ciel semé d'étoiles,
des artistes de l'Odéon donnent de
remarquables représentations. La
troupe est dirigée par M. Paul Œttly,
qui a eu la curieuse idée de faire
alterner, non point de sonores tra-
gédies, mais le Don Juan, de Molière,
et les Fourberies de Scapin. Au
premier abord pareille entreprise
pouvait paraître hasardeuse. Qu'al-
laient donner les tirades de Molière
dans l'ombre grave de la tour du
Moulin et de ses voisines douze fois
centenaires, toutes encapuchonnées
de gris, toutes parées de noms bur-
lesques ou poétiques : tour Cahuzac,
tour du Grand-Guilas, tour du
Grand-Canissons ? -
Nous devons aujourd'hui tecon-
naître que M. Paul Œttly a magni-
fiquement gagné la partie. Il a, en
effet, réalisé une mise en scène qui
situe l'action, non seulement sur le
plateau, mais encore au sommet d2s
tours, sur la crête des murailles' et
comme l'eût fait M. Gémier, lui-
même, du haut en bas des escaliers.
C'est ainsi que la statue du Comman-i
deur, blanche et glacée, apparaît au
troisième acte de Don Juan entre
deux créneaux de la tour du Moulina
c'est ainsi" que la gémissante Elvire
arrive vers son bourreau par un es-
calier vraiment, royale Aux charmes
do cette mise en scène s'ajoutent le
talent des artistes et le succès est
complet. ,- 1
Chaque soilrée se termine par une
présentation des ballets de la Loie
Fuller. De l'orchestre montent des
airs de Grieg et de Schubert, limpi-
des comme la voix de l'eau et celle
des forêts, agitées par le vent. Alors,
les petites danseuses aux longs che-
veux d'or fin bondissent sous le feu
tournant et changeant des projecteurs
en donnant une incomparable vie à
leurs voiles multicolores. Elles de-
viennent tour à tour fleurs, flammes
ou papillons. Elles plongent l'assis-
tance dans une extase qui n'est faite
que de pureté.
De tels spectacles, valent bien que
l'on brave ici la calcule et la
crise des logements. Pourtant, si nous
en croyons les organisateurs, ce n'est
là qu'un commencement. Et déjà ils
nous annoncent un nouveau miracle :
la reconstitution des cours d'amour.
— JEAN BOTROT..
DU CACAOYER
à l'usine
ou les métamorphoses
du chocolat
Nous parlions, l'autre jour, à pro-
pos de la prochaine Exposition colo-
niale, du cacao qui apparaît comme
l'une des grandes ressources de nos
colonies tropicales. Cet article nous
a valu quelques questions auxquelles
nous voudrions essayer de répondre
aujourd'hui.
Et d'abord, il nous faut satisfaire
la curiosité de ceux de nos lecteurs
qui ne connaissent pas la fabrication
du chocolat, r
Le chocolat n'a pas toujours été le
produit de consommation courante
qu'il est devenu aujourd'hui. "Vers
1650, lorsque, pour la première fois,
i,l franchit les Pyrénées, introduit en
France par Anne d'Autriche, la fa--
mille royale et l'entourage de la
cour. avaient seuls le privilège d'y
goûter; c'était alors un mets de luxe,
une friandise rarissime. Ce n'est
qu'au siècle suivant — sous le règne
de Louis XV — siècle du goût et de
la gourmandise (l'un ne va guère
sans l'autre) que le cacao se répandit
et connut tout à coup une vogue con-
sidérable. Il différait fort déjà à cette
époque de la préparation assez gros-
sière dont se régalaient au Mexique
les descendants de Fernand Cortez. ,
Ce primitif chocolat- mexicain
n'était, en effet, qu'un mélange de
cacao grillé et broyé avec de la farine
de manioc, le tout relevé de piment.
L'Espagne y ajouta du sucre, de la
vanille, de la fleùr. d'Orjeval, parfois
même de l'ambre et du musc. Au-
jourd'hui encore le chocolat espagnol
a conservé une saveur bien particu-
lière et un goût nettement plus épicé
que le nôtre et les amusantes pas-
tilles avec lesquelles on fait « l'azur
carillo » communiquent au lait ou a.
l'eau dont on les additionne, une pé-'
nétrante saveur de cannelle.
La première usine française de
chocolat fut créée vers 178Ô : elle-
avait un véritable monopole et por-
tait le titre de Choçolaterïe Royale.
Depuis lors, la fabrication n'a cessé
de faire des progrès et la France est
aujourd'hui à la tête de la produc-i
lion, du moins pour la .quartiié, ig
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